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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 20 février 2013

Séance de 9 heures 15

Compte rendu n° 42

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Nicole Maestracci, dont la nomination au Conseil constitutionnel est envisagée par M. le président de la République

– Vote sur la proposition de nomination de Mme Nicole Maestracci, dans les conditions prévues par l’article 29-1 du Règlement

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Claire Bazy-Malaurie, dont la nomination au Conseil constitutionnel est envisagée par M. le Président de l’Assemblée nationale

– Vote sur la proposition de nomination de Mme Claire Bazy-Malaurie, dans les conditions prévues par l’article 29-1 du Règlement

– Présentation du rapport de la mission d’information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises (MM. Jean-Michel Clément et Philippe Houillon, rapporteurs)

– Avis de la Commission sur les nominations de Mme Nicole Maestracci et de Mme Claire Bazy-Malaurie, dans les conditions prévues par l’article 29-1 du Règlement

– Informations relatives à la Commission

La séance est ouverte à 9 heures 15.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission procède à l’audition de Mme Nicole Maestracci, dont la nomination au Conseil constitutionnel est envisagée par M. le président de la République.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Trois membres du Conseil constitutionnel sont soumis à remplacement : M. Pierre Steinmetz, qui avait été nommé en 2004 par le président de la République, Mme Claire Bazy-Malaurie, nommée en 2010 par celui de l’Assemblée nationale, et Mme Jacqueline de Guillenchmidt, nommée en 2004 par celui du Sénat.

La semaine dernière, le président de la République a proposé la nomination de Mme Nicole Maestracci, et le président de l’Assemblée nationale celle de Mme Claire Bazy-Malaurie, dont le mandat serait ainsi prolongé. Le président du Sénat a proposé la nomination de Mme Nicole Belloubet.

Selon le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, auquel renvoie l’article 56 de ce même texte, et selon les lois organique et ordinaire du 23 juillet 2010, les commissions des Lois des deux assemblées émettent un avis public sur la nomination proposée par le président de la République. C’est à ce titre que nous auditionnons Mme Maestracci.

En vertu de l’article 56 de la Constitution, la proposition de nomination des deux autres personnalités est soumise au seul avis de la commission des Lois de l’assemblée qui a eu l’initiative de cette proposition. C’est pourquoi nous auditionnerons Mme Bazy-Malaurie, mais non Mme Nicole Belloubet.

Pour les deux auditions qui nous concernent, nous avons utilisé la possibilité offerte par l’article 29-1 du Règlement, de nommer un rapporteur, dont j’ai souhaité, bien que le Règlement ne l’impose pas, qu’il appartienne à l’opposition. Il s’agit de M. Jean-Luc Warsmann.

À l’issue de son audition, Mme Maestracci se rendra devant la commission des Lois du Sénat qui l’auditionnera à son tour. Nous voterons alors à bulletins secrets. Les bulletins seront conservés dans une enveloppe scellée. Le dépouillement n’interviendra qu’à onze heures trente, de manière simultanée dans chaque Commission, conformément à l’article 5 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. Selon l’article 13 de la Constitution, le président de la République ne pourra pas nommer la personnalité envisagée si « l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ».

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Présidé par M. Jean-Louis Debré, lui-même nommé en février 2007 par le président de la République, le Conseil constitutionnel comprend trois membres de droit : M. Valéry Giscard d’Estaing, M. Jacques Chirac et M. Nicolas Sarkozy. M. Pierre Steinmetz et Mme Jacqueline de Guillenchmidt achèvent leur mandat. M. Guy Canivet a été nommé par le Président de l’Assemblée nationale et M. Renaud Denoix de Saint Marc par le Président du Sénat en février 2007. M. Michel Charasse a été nommé par le président de la République et M. Jacques Barrot par le Président de l’Assemblée nationale en février 2010. M. Hubert Haenel a été nommé par le Président du Sénat en février 2010, et Mme Claire Bazy-Malaurie par le Président de l’Assemblée nationale en août 2010.

En 2012, le Conseil constitutionnel a rendu 215 décisions. Quatre-vingt-onze relèvent du contrôle de constitutionnalité, soit dix-sept décisions rendues sur les lois et traités et soixante-quatorze au titre des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). En outre, cent décisions concernent les élections, douze décisions spécifiques sont relatives au déclassement dans le domaine réglementaire et intéressent le fonctionnement du Conseil, et douze avis concernent l’élection présidentielle. Si la QPC a d’abord entraîné un accroissement de son activité, les chiffres accusent désormais une légère baisse.

Madame Maestracci, vous avez derrière vous une longue carrière de magistrate. En plus des nombreux postes que vous avez occupés, vous avez été conseiller technique au cabinet de Pierre Arpaillange, alors garde des Sceaux, puis détachée en qualité de présidente de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), et rapporteure générale du comité interministériel de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

Vous avez présidé, entre 2004 et 2012, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale. Depuis 2012, vous présidez le comité d’organisation de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, mise en place par la garde des Sceaux.

Pensez-vous que le Conseil constitutionnel puisse jouer un rôle pour aider les pouvoirs exécutif et législatif à remettre de l’ordre dans nos finances publiques, dont la situation est dramatique ? La France a signé un traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Elle a adopté une loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, qui met en place un Haut Conseil des finances publiques. Le Conseil constitutionnel a pris certaines positions en la matière. Comment appréhendez-vous cette question ?

Quelle est votre position en ce qui concerne la compatibilité de la fonction de membre du Conseil constitutionnel avec d’autres charges ? Selon les textes, cette fonction est incompatible avec celle de membre du Gouvernement, du Parlement ou du Conseil économique, social et environnemental, avec tout mandat électoral et avec toute fonction de conseil. En outre, les membres du Conseil sont soumis aux mêmes incompatibilités que les parlementaires.

Enfin, quelle est votre position sur le développement de la QPC, et sur l’évolution de la jurisprudence en la matière ? Comment appréhendez-vous le rôle du Conseil constitutionnel en matière d’interprétation des textes ?

Mme Nicole Maestracci. J’ai effectué une longue carrière de magistrat du siège, puisque je suis entrée dans la magistrature en 1977 comme auditrice de justice. Auparavant, j’avais travaillé en tant qu’avocate stagiaire chez un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. J’ai commencé dans la magistrature comme juge des enfants, puis comme juge de l’application des peines (JAP). Ces fonctions, alors peu valorisées, amenaient les magistrats à suivre certaines personnes dans la durée, ce qui les confrontait aux conséquences de leurs décisions. Ils devaient prendre en compte le mode de vie, l’environnement socio-économique et la personnalité des justiciables, car il ne suffit pas d’être un bon technicien pour être un bon juge. À l’époque, les fonctions du JAP, qui n’étaient pratiquement pas judiciarisées, étaient assimilées à des fonctions sociales, et le JAP ne rencontrait quasiment jamais d’avocat.

J’ai été conseiller, puis président de chambre à la cour d’appel de Paris, où j’ai fait essentiellement du droit commercial et du droit des procédures collectives. J’ai été aussi conseiller chargé de la coordination des JAP, et j’ai présidé une chambre pénale. Pendant sept ans, j’ai présidé le tribunal de grande instance de Melun. Actuellement, je suis la première présidente de la cour d’appel de Rouen, ce qui m’amène à organiser des juridictions dans un contexte budgétaire contraint et à diriger des juridictions composées de personnes indépendantes, en veillant à ce que la justice soit rendue dans des conditions satisfaisantes pour les justiciables.

J’ai aussi exercé des fonctions administratives, puisque, en 1983, j’ai été chargée du bureau de la participation communautaire à la direction de l’administration pénitentiaire. Il s’agissait de mettre en place une mesure que le Parlement avait votée à l’unanimité – les travaux d’intérêt général – et d’ouvrir les établissements pénitentiaires aux associations et aux services publics extérieurs, en vue de préparer la réinsertion des détenus.

Plus brièvement, j’ai exercé, en 1987, les fonctions de conseiller technique à la délégation interministérielle à la sécurité routière. Je me suis alors confrontée aux difficultés du travail interministériel, qui oblige à mettre en œuvre une politique publique en conciliant des logiques contradictoires. En tant que présidente de la MILDT, j’ai essayé de mener une politique publique en m’appuyant sur la prévention, l’insertion, la politique pénale et la politique de soins. Dans ce cadre, j’ai souligné l’insuffisance, dans notre pays, de la politique menée pour prévenir la consommation excessive d’alcool.

En 1991, j’ai été chargée par les ministres de la Justice et de la Recherche d’une mission de réorganisation de la recherche. Dans ce cadre, j’ai travaillé à mettre en place le groupement d’intérêt public « Droit et justice », qui n’a été opérationnel qu’après mon départ. Quand j’ai présidé la commission interministérielle de lutte contre la drogue, je me suis à nouveau intéressée à la recherche en vue d’asseoir une politique sur des données validées scientifiquement.

Enfin, pendant six ans, j’ai présidé la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, qui regroupe 850 associations gérant des centres d’hébergement, des centres d’accueil pour demandeurs d’asile et des structures d’insertion par l’activité économique. Dans ce cadre, je me suis intéressée à l’accessibilité des droits. On sait en effet qu’un grand nombre de personnes démunies, qui pourraient bénéficier du revenu de solidarité active (RSA), de la couverture maladie universelle (CMU) et du droit au logement, n’y recourent pas.

Compte tenu de mon parcours, je ne revendique pas encore de compétences avérées en droit constitutionnel. C’est en tant que magistrate de terrain, qui a vu beaucoup de justiciables et mesuré leur difficulté pour comprendre certaines décisions, notamment celles de la Cour de cassation, que j’aborde les fonctions de membre du Conseil constitutionnel.

Je n’ai pas non plus de compétences particulières en matière de finances publiques, mais je sais que le Conseil sera conduit à prendre de plus en plus de responsabilités à cet égard. Il est probable qu’il procédera à des auditions. De même que, dans le domaine social, il a pris l’initiative d’entendre des organisations syndicales, il veillera sans doute à ce que ses décisions en matière de finances soient étroitement en phase avec la réalité économique.

Étant magistrate de l’ordre judiciaire, j’ai une longue pratique de l’impartialité qui doit présider à toutes les décisions. Les incompatibilités devant être entendues au sens le plus large, j’entends me défaire, en cas de nomination, de toutes les responsabilités que j’exerce aujourd’hui, même de celles qui, au vu des textes, peuvent ne pas sembler incompatibles avec les fonctions de membre du Conseil.

Je me réjouis du développement des QPC, auxquelles je me suis personnellement intéressée pour en avoir transmis à la Cour de cassation, quand j’étais à la cour d’appel de Paris. Cette procédure rapproche le Conseil des justiciables. En développant un contrôle des textes a posteriori, elle l’invite à réfléchir non seulement à la lettre de la loi mais à son application, c’est-à-dire au droit vivant. Elle permet aux juges de l’ordre judiciaire de renforcer leurs compétences en matière constitutionnelle. Ils connaissaient déjà les principes fondamentaux garantis par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme. La nouvelle procédure les invite à interpréter constamment la loi dans le respect des principes garantis par la Constitution. Elle change enfin le rôle et la nature du Conseil : elle le rapproche des autres cours constitutionnelles européennes, puisqu’elle lui confère une grande partie de leurs compétences.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je me garderai bien de vous demander comment vous appréciez les politiques publiques, car nos questions ne doivent pas déborder le cadre de la stricte impartialité que nous attendons des membres du Conseil constitutionnel.

Comment jugez-vous la manière dont a évolué le rôle du Conseil à l’égard du Parlement ? Lorsque vous avez commencé votre carrière, il ne s’agissait encore – malgré les arrêts retentissants de 1971 et 1973 sur la liberté d’association et la fouille des véhicules, que l’on rougit de rappeler aujourd’hui – que d’un organe de régulation chargé de faire respecter le partage entre loi et règlement. Progressivement, alors que les textes ne l’avaient pas prévu, il a pris les traits d’une juridiction et, juridictionalisant sa procédure comme ses jugements sur le fond, il a été amené à brider le pouvoir d’appréciation du législateur. La QPC est une nouvelle étape dans cette voie. Selon vous, pourquoi l’organe constitutionnel a-t-il pris son envol ? Comment évaluez-vous l’équilibre actuel entre la liberté du Conseil et celle du législateur ?

M. Georges Fenech. N’en déplaise à Mme Bechtel, c’est sur les politiques publiques que je vous interrogerai. Lorsque vous présidiez la MILDT, certains se sont émus de ce que vous sembliez vouloir banaliser l’usage du cannabis, en soulignant, non sans raison, les effets dévastateurs de l’alcoolisme ou du tabagisme. Le 23 novembre 2001, vous avez déclaré à un journaliste de L’Humanité : « L’expertise confirme qu’il n’y a pas d’accident sanitaire lié à la consommation de cannabis. Aucun décès n’a été enregistré. Tous les effets immédiats engendrés par la consommation de cannabis sont réversibles. Le cannabis n’est donc pas un neurotoxique, au sens où il n’entraîne pas de lésion irréversible. » En 2001, vous avez participé à des états généraux dédiés aux substances licites et illicites. Pouvez-vous clarifier votre position sur le maintien de l’interdit pénal de l’usage de drogues illicites ?

Mme Cécile Untermaier. Dans Cas de conscience, paru en 2010, Pierre Joxe préconise de publier les opinions différentes ou dissidentes des juges constitutionnels, ce qui ne violerait en rien le serment relatif au secret des délibérations. Pensez-vous qu’il faudra aller dans ce sens lors de la révision de la Constitution ?

M. Guy Geoffroy. Il y a quelques semaines, nous nous sommes demandé si le président de la République pouvait soumettre à référendum un projet de loi portant sur un sujet sociétal. Le débat porte à la fois sur la lecture de l’article 11 de la Constitution et sur le sens de cet adjectif, qui, selon certains dictionnaires, caractérise ce qui relève du social. Pensez-vous que le président de la République puisse organiser un référendum sur un projet de loi autorisant le mariage entre personnes du même sexe ? En d’autres termes, y aurait-il eu « forfaiture », pour reprendre une formule qui avait marqué les esprits en 1962, s’il avait soumis au vote du peuple français le texte que l’Assemblée vient d’adopter en première lecture ?

Mme Nicole Maestracci. Madame Bechtel, avec la QPC, l’évolution continue du Conseil constitutionnel vers le statut de juridiction est devenue patente. Il constitue désormais une véritable cour constitutionnelle, même s’il ne peut pas être directement saisi, selon la procédure allemande, par les justiciables. Son influence s’exerce sur les juridictions de l’ordre administratif ou judiciaire, car, même si chacune d’elles conserve ses prérogatives, la jurisprudence du Conseil constitutionnel s’impose à la Cour de cassation et au Conseil d’État.

Les relations entre le juge constitutionnel et le législateur relèvent d’un équilibre subtil. Le Conseil a toujours rappelé que la loi était l’expression de la volonté générale et qu’il n’avait pas à s’immiscer dans les pouvoirs du Parlement, pouvoirs que celui-ci exerce néanmoins dans les limites de la Constitution. Cependant, ce principe général est interprété de manière de plus en plus large. Si le Conseil n’a pas à contrôler la responsabilité politique du Parlement, il pèse les différentes manières qui pourraient lui permettre d’atteindre ses objectifs. Sur ce point, la jurisprudence est constante et claire. En outre, le Conseil constitutionnel envisage désormais le droit sous une nouvelle optique, depuis que la QPC l’invite à réfléchir sur des questions issues de son application.

Monsieur Fenech, lorsque j’ai présidé la MILDT, j’ai appliqué une politique visant à concilier les logiques différentes du ministère de l’Intérieur, de la Santé, de la Défense... Je n’ai pas participé à des états généraux en 2001. J’ai centralisé le plus de données possible sur les substances psychoactives. J’ai notamment développé l’Observatoire français des drogues et de la toxicomanie, et alloué des moyens à la recherche, car, pour faire des choix politiques éclairés, il faut disposer de connaissances indiscutables. Le rôle de la présidente d’une mission interministérielle consiste non à définir les politiques, mais à éclairer le débat. Je n’ai d’ailleurs proposé aucune modification de la législation, qui est demeurée constante, sauf sur deux points : la création des centres de soins en addictologie, qui portent non seulement sur les drogues illicites mais aussi sur l’alcool et le tabac, et la légalisation des politiques de prévention des risques. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas à me prononcer sur une éventuelle modification de la loi, à moins que le Conseil constitutionnel ne soit saisi d’un nouveau texte.

Madame Untermaier, aucune juridiction française ne publie les opinions personnelles ou différentes de ses membres, comme le fait la Cour européenne des droits de l’homme. Dans notre pays, le secret des opinions est souvent présenté comme une garantie d’indépendance et un moyen de résister aux pressions. En outre, la publication d’opinions différentes pourrait freiner la rapidité de réaction du Conseil. Cela dit, le débat n’est pas clos. Il est probable que l’exigence de transparence fera évoluer les pratiques. Le fait de connaître la manière dont s’élaborent les décisions peut être un plus pour la démocratie.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Est-ce à dire que vous ne seriez pas opposée à la publication des opinions ?

Mme Nicole Maestracci. Personnellement, je n’y suis pas opposée.

Monsieur Geoffroy, des réponses ont été données sur la possibilité de soumettre au référendum un projet de loi sociétal ou touchant à des questions sociales. J’examinerai cette question polémique d’un œil vigilant mais, pour l’heure, compte tenu de mes connaissances encore relatives en matière de droit constitutionnel, je ne me hasarderai pas à interpréter l’article 11 de la Constitution.

M. René Dosière. En 1995, le Conseil constitutionnel a validé les comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle, qui, dans au moins deux cas, contrevenaient aux dispositions légales. Lorsque vous prendrez une décision au sein du Conseil, vous préoccuperez-vous de la stricte application du droit ou prendrez-vous en compte le contexte dans lequel interviendra cette décision ?

M. Marc-Philippe Daubresse. Permettez à l’un des plus anciens membres de la Commission de souligner qu’il n’appartient pas à un député de restreindre le champ de nos questions, sous réserve qu’elles respectent le règlement de l’Assemblée nationale. Comment appréciez-vous la manière dont pourrait évoluer le droit de propriété abondamment reconnu par les jurisprudences ? Considérez-vous qu’il puisse constituer un obstacle à l’accessibilité à d’autres droits, comme le droit au logement ?

M. Sébastien Denaja. Permettez au benjamin de la Commission de penser que les questions que nous posons dans le cadre d’une audition n’ont pas à sortir du cadre dans lequel elles s’inscrivent ! En tant que juge constitutionnel, serez-vous guidée par la croyance en des principes supraconstitutionnels ? Établissez-vous une hiérarchie entre les droits consacrés par le bloc de constitutionnalité ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Quelle est votre position sur le statut de l’Alsace-Moselle, où s’applique un droit particulier ?

Mme Nicole Maestracci. Monsieur Dosière, le Conseil constitutionnel n’échappe pas à l’obligation faite à chaque juge de s’interroger sur le contexte dans lequel il prend ses décisions et sur les conséquences qu’elles peuvent avoir. C’est pourquoi il a souvent formulé des réserves d’interprétation tout en repoussant aussi, dans certains cas, à certaines dates précises des abrogations. En effet, le juge constitutionnel ne peut se contenter de livrer, de manière désincarnée, une interprétation sèche de la Constitution.

Monsieur Daubresse, lorsque la loi sur le droit au logement opposable a été adoptée, beaucoup de juristes se sont demandé ce qu’était une loi opposable. L’expression ne relève-t-elle pas du pléonasme ? En outre, faute de politiques publiques, une loi ne risque-t-elle pas de se heurter à des logiques contradictoires ? Le Conseil constitutionnel, comme les juridictions administratives ou judiciaires, a pour mission de concilier des principes ou des droits d’égale importance – droit de propriété, accessibilité des droits, droit au logement –, mais peut-être ne faut-il pas surestimer les lois lorsqu’elles ne s’accompagnent pas de politiques publiques leur permettant d’atteindre leurs objectifs.

Monsieur Denaja, le juge constitutionnel n’établit pas de hiérarchie entre les normes, par exemple entre le corps de la Constitution, le Préambule de 1946, la Déclaration des droits de l’homme de 1789 et la Charte pour l’environnement de 2004, même si certains droits, plus précis que d’autres, sont moins sujets à interprétation. L’enjeu de la supraconstitutionnalité serait d’admettre que le Conseil constitutionnel peut lui-même juger des lois constitutionnelles. Pour l’heure, il a toujours considéré que cette prérogative n’appartenait qu’au constituant.

Sur le droit spécifique qui s’applique en Alsace-Moselle, je réserve ma réponse, puisque cette question sera nécessairement examinée par le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Michel Clément. Nous avons souvent regretté que les textes que nous votons ne soient pas compréhensibles par tous nos concitoyens. L’intelligibilité ou l’accessibilité de la loi est-elle un critère pour le Conseil constitutionnel ? Jusqu’où peut-il aller pour améliorer la clarté des textes législatifs ?

M. Guillaume Larrivé. Vous considérez, et je m’en réjouis, que le Conseil constitutionnel doit s’abstenir de contrôler a posteriori une loi adoptée par voie référendaire, mais l’article 60 de la Constitution prévoit que le Conseil « veille à la régularité des opérations de référendum ». Quelle est, selon vous, la portée de cet article s’agissant de l’avis que le Conseil constitutionnel est amené à donner sur le projet de décret de convocation par lequel le président de la République soumet une question au référendum ?

Depuis la décision de 1975 sur la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse, on sait que le Conseil constitutionnel s’estime incompétent pour examiner la conformité d’une loi aux stipulations d’un traité ou d’un accord international. En tant que législateur, je considère que cette interprétation est saine. Pourtant, une partie de la doctrine pousse le Conseil à s’aventurer dans la voie du contrôle de conventionalité. Quel est votre sentiment sur le rapport entre la Constitution et les traités du droit européen, y compris le droit dérivé ?

Mme Colette Capdevielle. Pour éviter un vide juridique, pensez-vous que le Conseil constitutionnel peut enjoindre au législateur de légiférer dans un délai raisonnable ? Le cas échéant, quel est ce délai ? Je rappelle que, en matière de garde à vue, le Conseil avait donné un an au législateur pour se mettre en conformité avec la loi, ce qui a placé les juridictions judiciaires devant une difficulté certaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Les principes constitutionnels qui enserrent le législateur sont-ils trop nombreux ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Selon vous, la justice constitutionnelle vise-t-elle avant tout à gérer les contraintes ou à construire la liberté ?

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Quelle lecture faites-vous du principe de primauté du droit de l’Union européenne sur le droit français ? Jusqu’où pourriez-vous l’appliquer ? Pensez-vous que le Conseil constitutionnel doive a minima s’aligner sur le niveau de protection des droits fondamentaux assuré par la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme ?

Mme Nicole Maestracci. Le Conseil a fait de l’accessibilité, de la clarté et de la lisibilité de la loi un objectif de valeur constitutionnelle, tout en précisant que ces critères ne pouvaient être invoqués par le justiciable dans le cadre d’une QPC. Il est essentiel que les justiciables comprennent les décisions judiciaires. La tradition française considère que leur brièveté contribue à leur clarté, mais d’autres juridictions européennes développent davantage le raisonnement. Sur l’amélioration de la clarté de la loi, qui va de pair avec son accessibilité, le Conseil constitutionnel sera peut-être amené à faire évoluer sa jurisprudence.

En ce qui concerne le lien entre conventionalité et constitutionnalité, le Conseil n’a pas fait évoluer la jurisprudence de 1975 sur la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse. Il considère qu’il appartient à la Cour de cassation et au Conseil d’État d’appliquer les conventions, sans s’instaurer, malgré le souhait de certains constitutionnalistes, juge de la conventionalité. Il veille toutefois à ce que ses décisions soient cohérentes avec les principes dégagés par la Cour européenne des droits de l’homme.

Madame Capdevielle, dans le cas de la garde à vue, on peut comprendre que le Conseil constitutionnel ait imposé un délai au Parlement pour légiférer, le risque juridique posant un problème considérable. La Cour de cassation a décidé en assemblée plénière de ne pas reporter l’application de sa décision de s’en remettre à la Convention européenne des droits de l’homme. Par conséquent, les juridictions se sont trouvées dans une situation compliquée, pendant une période assez longue. Dans d’autres cas, pour réduire la période de vide juridique, le Conseil a utilisé la technique de la réserve d’interprétation, mais celle-ci a suscité des critiques, le juge constitutionnel se voyant reprocher de se substituer au législateur.

Celui-ci est-il bridé par un trop grand nombre de principes constitutionnels ? C’est à lui qu’il appartient de répondre à cette question. Je considère cependant que ces principes font partie de l’identité d’un pays, et que chacun doit s’y retrouver.

Le Conseil a pour vocation d’arbitrer, au regard des principes constitutionnels, entre ces logiques contradictoires que sont la gestion des contraintes et la protection des libertés. Sa compétence consiste à garantir les droits et libertés en les rappelant aux autres instances, sans s’immiscer dans leurs responsabilités et leurs pouvoirs. Il évite, je l’ai dit, toute contradiction entre ses propres décisions et celles de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de justice de l’Union européenne.

Jusqu’à présent, il s’est toujours abstenu d’émettre un avis sur le référendum, au motif que celui-ci relevait d’une forme de démocratie directe, mais les nouvelles dispositions constitutionnelles modifient la donne. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur la manière dont il appréhendera cette nouvelle prérogative. Je réserve donc ma réponse sur ce point.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je vous remercie.

Nous allons maintenant statuer à huis clos.

*

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Délibérant à huis clos, la Commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues par l’article 29-1 du Règlement, sur la nomination, envisagée par M. le président de la République, de Mme Nicole Maestracci en qualité de membre du Conseil constitutionnel.

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* *

La Commission procède ensuite à l’audition de Mme Claire Bazy-Malaurie, dont la nomination au Conseil constitutionnel est envisagée par le M. le Président de l’Assemblée nationale.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je souhaite la bienvenue à Mme Claire Bazy-Malaurie, qui est déjà membre du Conseil constitutionnel, puisqu’elle a été nommée en août 2010, en remplacement d’un conseiller décédé, Jean-Louis Pezant. Le Président de l’Assemblée nationale propose qu’elle soit reconduite dans ses fonctions à l’occasion de l’actuel renouvellement, comme le permet l’article 12 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

Vous êtes, madame, dans une situation qui, si elle n’est pas inédite, n’est néanmoins pas fréquente puisque, à ma connaissance, seuls cinq membres du Conseil constitutionnel, dont René Cassin, Louis Joxe, Robert Lecourt et Maurice-René Simonnet, ont été nommés à nouveau alors qu’ils achevaient le mandat qu’ils accomplissaient en remplacement d’un conseiller. Cette audition se tient donc dans des conditions un peu particulières, puisque vous avez déjà prêté serment devant le président de la République. Aux termes de l’article 3 de l’ordonnance, vous êtes donc obligée de garder le secret des délibérations et des votes et de ne prendre aucune position publique, ce qui restreindra évidemment votre liberté de parole et frustrera nos collègues !

Conformément à l’article 56 de la Constitution, la commission des Lois est conduite à formuler un avis public sur votre candidature. Nous avons décidé d’utiliser une procédure dont nous n’avions pas usé la dernière fois que nous nous sommes rencontrés dans la même configuration, puisque nous avons nommé un rapporteur, en l’occurrence M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’article 3 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 dispose que, « avant d’entrer en fonction, les membres nommés du Conseil constitutionnel prêtent serment devant le président de la République. Ils jurent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution et de garder le secret des délibérations et des votes et de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil. » C’est dire, madame, si votre audition se déroule dans un cadre quasi inédit et contraint !

Ayant déjà eu l’occasion de vous accueillir lors de la précédente législature, je rappelle que vous êtes magistrat de la Cour des comptes et, antérieurement à votre nomination au sein du Conseil constitutionnel, que vous avez exercé un certain nombre de responsabilités liées à cette fonction. Vous avez également été directeur à la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR).

Je souhaite vous poser les trois questions que j’ai déjà posées à Mme Nicole Maestracci.

Tous les parlementaires et les responsables de notre pays sont extrêmement préoccupés par la situation des finances publiques. Le droit évoluant, nous avons mis en place un certain nombre d’outils juridiques après la ratification du traité européen et le vote d’une loi organique. Pensez-vous que, dans les années à venir, le pouvoir de contrôle du Conseil constitutionnel sur les finances publiques s’accroîtra de telle manière qu’il puisse contribuer à favoriser le rétablissement des comptes publics ?

Que pensez-vous des incompatibilités liées au statut de membre du Conseil constitutionnel ? Nous sommes en effet nombreux, constatant l’ampleur qu’ont prise les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), à nous demander si le régime actuel est satisfaisant.

Précisément, que pensez-vous de la procédure des QPC ? Qu’a-t-elle apporté ? Quelles critiques pourriez-vous formuler afin d’en favoriser une évolution positive ?

Mme Claire Bazy-Malaurie. Le Conseil constitutionnel n’a pas pour mission d’élaborer ou de critiquer une politique budgétaire ou de quelque autre nature. Les textes existants doivent être appliqués et, sur cette base, qui confère à son action des cadres plus précis, il s’efforcera d’entrer plus directement dans le vif du sujet, comme lorsque les parlementaires le saisissent de la question de la sincérité budgétaire, ce qui est souvent le cas. J’ajoute que l’ensemble des instruments qui ont été récemment mis en place – je songe, en particulier, au Haut Conseil des finances publiques – lui permet de s’appuyer sur des réflexions et des constats menés par des experts afin d’aller encore plus au fond des choses. Il ne nous appartient donc pas, car tel n’est pas notre rôle, de porter des jugements quant aux politiques budgétaires au-delà du cadre fixé par la Constitution et l’ensemble des lois organiques.

Le Conseil a parfois usé de ses prérogatives afin de bien cadrer l’exercice des responsabilités de chacun. Il a ainsi énoncé une règle très claire concernant les pouvoirs des uns et des autres lors d’une décision disposant que la Cour des comptes contrôle et que le Parlement vote, le Conseil constitutionnel s’assurant, quant à lui, que l’ensemble de ces pouvoirs s’exerce correctement, conformément à la Constitution et aux lois organiques. C’est là faire preuve de sagesse.

En l’état, les textes ne précisent peut-être pas suffisamment la nature des incompatibilités, mais la façon dont le Conseil les interprète et les exigences effectives dont il fait preuve sont éloquentes. Par exemple, lors de ma nomination, j’ai été obligée d’abandonner l’ensemble de mes responsabilités associatives, parce que les associations en question vivaient en partie de fonds publics. Même si la règle n’est pas aussi précise, le Conseil considère donc qu’il ne nous est pas possible d’exercer de mandat dans une association qui, d’une manière ou d’une autre, reçoit de tels fonds.

De plus, les textes n’interdisent pas de continuer à exercer la profession d’avocat, mais un membre du Conseil ne peut être professeur associé. Quoi qu’il en soit, les exigences, aujourd’hui, sont plus importantes que par le passé.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Souhaiteriez-vous que les incompatibilités non opposables soient précisées ?

Mme Claire Bazy-Malaurie. De telles précisions sont certes toujours utiles, mais les membres du Conseil n’ont pas évoqué cette question. En outre, il est toujours compliqué de modifier les textes en vigueur. Enfin, je le répète, la discipline interne est très forte.

J’ai eu la chance d’arriver au Conseil après l’institution de la QPC : vingt-cinq d’entre elles environ avaient déjà été traitées. Tous les membres s’accordent à dire que cette procédure a bouleversé les habitudes de travail et qu’il faut être beaucoup plus présent. À ce jour, quelque 300 décisions ont été rendues – nous avons dû parfois traiter quatre ou cinq QPC par semaine –, alors que le rythme des saisines parlementaires n’a pas diminué et a même un peu augmenté.

La procédure me semble avoir atteint un niveau de précision satisfaisant. Nous avons notamment précisé la question des interventions de personnes morales ou physiques dès lors que le Conseil juge qu’elles ont intérêt à agir. Nous ne sommes pas obligés d’accepter chaque demande, mais nous les examinons toutes. Il me semble que, en la matière, le Conseil a fait preuve d’une attitude à la fois ouverte et exigeante. Il a également modifié son règlement intérieur, la procédure contradictoire fonctionnant, quant à elle, correctement.

Cependant, nous nous interrogeons sur la baisse très rapide et assez brutale du nombre de QPC qui nous sont soumises. Certes, nous ne nous attendions pas à ce que leur nombre, très important pendant les premières années, se maintienne : nous envisagions au contraire une diminution. Mais pourquoi a-t-elle été aussi brutale ? À quel niveau l’arrêt s’est-il produit ? Il semble, en l’occurrence, que ce ne soit pas à celui des deux filtres que sont la Cour de cassation et le Conseil d’État, mais à celui des juridictions de base, lesquelles régulent le flux des dossiers en direction des deux cours suprêmes. Nous ne disposons guère d’informations, mais des travaux sont en cours afin d’essayer de comprendre ce qu’il en est. Leurs conclusions permettront peut-être de trouver des solutions législatives.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Notre Commission travaille sur la QPC et éprouve d’ailleurs quelques difficultés à obtenir les statistiques des ressorts. Si nous disposons de celles de la Cour de cassation et du Conseil d’État, nous avons relancé la Chancellerie sans grand succès, alors que nous souhaiterions également savoir pour quelle raison les tribunaux ne transmettent pas des QPC.

Mme Marietta Karamanli. La protection des libertés et des garanties fondamentales dépend autant de l’intervention du Conseil constitutionnel, avant et après promulgation de la loi nationale, que de l’intervention du juge international qu’est la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), voire la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), ainsi que de la volonté des institutions communautaires à travers notamment des projets de directive visant à légiférer dans ce domaine.

Les sujets sont nombreux : garde à vue, juridictionnalisation de la mise en cause des personnes, accès à l’avocat, notion d’indépendance du juge, autant de secteurs dans lesquels la jurisprudence constitutionnelle semble parfois en retrait par rapport à d’autres traditions juridiques européennes.

Quelles doivent être les relations entre le droit national, tel qu’interprété par le Conseil, et ses sources internationales ? En quoi ces dernières peuvent-elles renouveler notre droit ?

M. Guy Geoffroy. Le Conseil constitutionnel a annulé des dispositions législatives relatives au harcèlement sexuel. À l’occasion de cet épisode important et délicat, nous avons constaté combien la portée des QPC pouvait être substantielle.

Un certain nombre de lois sont issues de propositions de loi assez consensuelles qui, en l’occurrence, ne sont pas soumises à la censure éventuelle du Conseil constitutionnel. Néanmoins, la QPC et une éventuelle censure a posteriori peuvent les fragiliser. Ne pourrait-on envisager un nouveau principe de précaution conduisant les pouvoirs publics, exécutif ou législatif, à vous saisir avant qu’une loi consensuelle ne soit promulguée, afin d’en assurer la sécurité juridique, pour éviter que le législateur ou les citoyens qui bénéficient de ses dispositions ne se retrouvent dans la situation difficile où un droit est momentanément interrompu par une décision a posteriori par ailleurs incontestable du Conseil constitutionnel ?

Mme Cécile Untermaier. Selon Pierre Joxe, la publication des opinions différentes des juges constitutionnels ne violerait en rien le serment du secret des délibérations. La révision constitutionnelle appelée à réformer le Conseil constitutionnel pourrait-elle être l’occasion de permettre aux juges d’exprimer des opinions dissidentes ?

Mme Claire Bazy-Malaurie. La position du Conseil constitutionnel, madame Karamanli, est très claire et n’a pas varié : il n’est pas juge de la conventionalité mais de la constitutionnalité. Cette fameuse « jurisprudence IVG » a souvent été précisée – récemment encore, à l’occasion d’une QPC –, mais la question se pose bien plutôt de la façon dont la CEDH, la CJUE et le Conseil constitutionnel respectent leur domaine de compétence et se considèrent entre eux. Il semble que le dialogue des juges, dont on parle beaucoup, a fonctionné de telle sorte que l’on n’a pas constaté de difficultés ou de contradictions particulières.

Le Conseil constitutionnel étant donc juge de la constitutionnalité et la CJUE juge de la conventionalité par rapport au droit européen, c’est bien au niveau de la Cour de cassation ou du Conseil d’État – et de l’ensemble des juridictions – qu’il convient de traiter de la conventionalité. Dès lors que chacun connaît les conditions dans lesquelles il intervient, ainsi que les normes de référence qui sont les siennes, les difficultés que l’on pourrait présager devraient être résolues.

La CEDH, quant à elle, commence à se référer à des décisions que le Conseil constitutionnel a prises sur tel ou tel sujet. Si ce dernier intervient de manière générale en supprimant de notre ordre juridique telle ou telle disposition, les décisions prises par la CEDH sont toujours très motivées au regard de l’espèce même qui lui est soumise et, finalement, ne donne pas matière à soulever d’éventuelles contradictions.

À ce jour, les augures qui prédisaient l’impossible coexistence d’un juge constitutionnel – beaucoup plus actif avec les QPC – et de la CJUE ou de la CEDH se sont trompés. Les décisions du Conseil sont très claires et ne permettent pas d’imaginer une modification de la jurisprudence.

Votre question, monsieur Geoffroy, invite à se montrer plus exigeants lors de l’élaboration des textes eu égard à la jurisprudence du Conseil, comme le Parlement s’y emploie d’ailleurs aujourd’hui. Nombre de saisines parlementaires ont été effectuées et le contrôle a priori s’est plutôt renforcé, alors que nous nous étions demandé naguère – et M. le président Urvoas avait lui-même posé la question – si la QPC n’allait pas le faire disparaître. C’est donc le contraire qui est vrai, les deux contrôles coexistant et les sollicitations étant plus importantes en raison de ces saisines a priori.

Je ne suis pas favorable, Madame Untermaier, à la divulgation des opinions dissidentes, car cela reviendrait à ne pas respecter le secret des votes. Il est vrai que, parfois, le désaccord ne porte pas sur la solution envisagée, mais sur le raisonnement qui y a conduit : dans ce cas, c’est le secret du délibéré que mettrait à mal la publication des opinions dissidentes. En outre, celle-ci n’est pas dans la tradition française. Notre pays n’accepte pas absolument que la querelle juridique ne soit considérée que comme telle, et il me semble important de ne pas donner prise à des surinterprétations quant à ce qui se passe au Conseil. Enfin, sans enfreindre aucun secret de délibéré, je peux vous dire que nous cherchons à faire partager un raisonnement juridique à l’intérieur du Conseil, où les opinions, comme la façon d’aborder les problèmes, peuvent différer. Il arrive que les membres soient en désaccord et quant à la solution et quant au raisonnement, mais j’espère qu’il n’en ira jamais de même s’agissant de l’application des principes. Mon point de vue, en la matière, est très arrêté.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je suis persuadé que les deux auditions de ce matin nourriront nos débats et que des universitaires, dont la professeure Wanda Mastor, qui a consacré une thèse aux opinions dissidentes, liront les comptes rendus avec beaucoup d’intérêt.

M. René Dosière. J’ai été surpris par la récente décision du Conseil considérant que l’Assemblée nationale n’était pas compétente pour voter la rémunération du président de la République, alors que nous votons le budget de la Présidence.

Compte tenu du caractère exemplaire que revêt la réduction des déficits publics, considérez-vous que l’Assemblée pourrait symboliquement réduire le budget du Conseil constitutionnel ou qu’il s’agit d’un exercice impossible eu égard à l’autonomie financière des pouvoirs publics ?

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Quelle importance et quelle portée accordez-vous au principe de proportionnalité dans le travail du Conseil en tant que juge de la loi, mais aussi des élections ?

Mme Marie-Françoise Bechtel. Si le juge constitutionnel ne contrôle pas la conventionalité, il contrôle depuis 2004 les effets en droit interne de la transposition des directives et a défini à cette occasion ce qu’il a appelé l’« identité constitutionnelle de la France ». Ce concept est-il appelé à se développer ? Pourrait-il faire barrage si, par malheur, le contrôle de conventionalité venait à échoir au Conseil ?

Est-il normal et possible qu’un membre du Conseil puisse se mettre en congé à quelques semaines d’un débat référendaire très politique afin de pouvoir mener une campagne active, puis réintégrer l’institution alors que nul ne peut ignorer son opinion, non plus que les répercussions qu’elle pourrait avoir dans l’exercice de ses fonctions ?

M. Sébastien Denaja. Compte tenu du grand nombre de décisions prises par le Conseil constitutionnel, serait-il opportun d’augmenter le nombre de ses membres dans l’optique, peut-être, de constituer au moins deux chambres en son sein ?

La présence d’anciens présidents de la République enrichit-elle votre travail ou s’agit-il d’un héritage d’un passé révolu ?

Mme Claire Bazy-Malaurie. Si le Parlement devait défendre la position dont vous avez fait part, monsieur Dosière, nous l’examinerions en fonction des textes, des grands principes de la jurisprudence, de la loi organique et du principe de la séparation des pouvoirs en particulier, mais je ne peux pas préjuger de la solution que le Conseil envisagerait puisque, par hypothèse, c’est la première fois qu’une telle question lui serait posée.

Le principe de proportionnalité, monsieur Le Borgn’, est très important car il permet d’intégrer des contraintes qui pourraient être considérées comme contradictoires en particulier, par exemple, au regard des atteintes à ce que nous appelons l’intérêt général. Nous nous livrons à un tel examen à peu près systématiquement. Je ne vois aucune objection particulière à ce qu’il soit appliqué à tous les types de décisions que nous prenons, y compris à l’occasion d’un jugement électoral, la position du juge électoral étant simplement encore plus strictement encadrée que celle du juge de constitutionnalité.

Madame Bechtel, nous n’avons jamais donné un contenu précis au concept d’identité constitutionnelle de la France mais, le cas échéant, nous ne nous l’interdirions pas, car il en va de la préservation du strict champ de compétence du Conseil constitutionnel. Il serait donc tout à fait possible d’imaginer de telles contrariétés de jugement sur tel ou tel grand principe qui nous obligeraient à procéder ainsi. Une barrière a été posée dont nous n’avons jamais eu l’occasion de nous servir, mais, comme toute barrière, elle devrait pouvoir être utile un jour ou l’autre. J’ajoute qu’elle permet aux autres juges de prendre conscience d’une possible contrariété.

Chaque fois que la question s’est posée d’une mise en congé en prévision d’un débat référendaire, les membres du Conseil ont pris leurs décisions en interne, pour eux-mêmes. Il est certes possible de critiquer ces décisions, mais je ne peux pas les mettre en cause dès lors qu’elles se justifiaient peut-être, par exemple, par des circonstances particulières. Quoi qu’il en soit, puisqu’il nous est impossible de prendre position, nous devons nous montrer extrêmement attentifs et exigeants quant aux engagements de tel ou tel membre.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. En l’occurrence, qu’entendez-vous par « décisions du Conseil » ?

Mme Claire Bazy-Malaurie. Lorsque des demandes sont formulées – comme pour les demandes de récusations – les membres du Conseil sont appelés à en discuter et ensuite une décision est prise. Je ne peux parler des décisions antérieures mais c’est la logique.

En ce qui concerne la question du nombre de membres, il me semble d’abord essentiel, d’un point de vue pratique, que la collégialité soit optimale et il est très difficile, j’en ai fait l’expérience, qu’il en soit ainsi lorsque le nombre de membres est important. Neuf membres – ou plus, lorsque des membres de droit siègent – me semble constituer un bon chiffre, car cela permet notamment d’éviter leur spécialisation. Outre que nous appliquons les mêmes principes quels que soient les domaines sur lesquels nous travaillons, une manière d’unité se réalise alors autour de la jurisprudence et des grands principes. Nous sommes une « petite maison » qui, à la différence d’autres cours constitutionnelles, n’a pas de fonctions diverses – en particulier, le Conseil ne peut être son propre filtre.

En outre, les expériences des cours constitutionnelles qui fonctionnent en chambres montrent qu’il est parfois difficile de revenir sur des décisions prises par l’une ou l’autre de ces dernières ou telles ou telles sections.

Je n’ai pas de commentaire spécial à faire sur les membres de droit, dont la présence est constitutionnelle.

M. Patrick Devedjian. Pendant un peu plus d’un an, vous avez été rapporteur adjoint au Conseil constitutionnel, ce qui est assez rare. Que pensez-vous de la relation entre le juge constitutionnel et le rapporteur ? Si la collégialité des juges préserve de la spécialisation, en est-il de même pour les rapporteurs ? Ces derniers ne sont-ils pas eux-mêmes spécialisés et n’orientent-ils pas le débat au sein de la collégialité « généraliste » des juges ?

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Des principes mériteraient-ils d’être constitutionnalisés et, d’autres, déconstitutionnalisés ?

Considérez-vous que le législateur est contraint par un trop grand nombre de principes constitutionnels ?

Mme Pascale Crozon. Le principe de dignité de la personne humaine n’est-il pas dangereux pour les libertés individuelles ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Le Gouvernement invoque un avis administratif du Conseil d’État quant à l’impossibilité ou à la difficulté de créer un principe de proportionnalité des normes, en raison du principe d’égalité. J’ai rencontré quatre présidents de sections du Conseil d’État qui, en tant que juges administratifs, m’ont assuré que ce problème relève du Conseil constitutionnel, lequel m’a indiqué qu’il ne voyait pas d’inconvénient à élaborer un nouveau principe juridique de proportionnalité ou d’adaptabilité de la norme dès lors que les situations étaient objectivement différentes.

J’ai bien entendu votre point de vue s’agissant du nombre de juges. Or, si le Conseil se réunissait assez rarement avant que la QPC ne soit mise en place et que le nombre de décisions rendues était assez modeste, aujourd’hui, de l’aveu même de son président, il se réunit régulièrement, peut-être même chaque semaine, notamment afin de prendre des décisions relatives aux QPC. Le nombre de juges ne change pas, mais combien de personnes, que l’on ne voit pas, préparent les décisions du Conseil constitutionnel ? Est-il opportun que ce soient des « petites mains » qui travaillent ? Ne peut-on donc faire appel à un nombre un peu plus important de juges ?

M. Alain Tourret. Le Conseil constitutionnel a très longtemps été un lieu où recaser les vieilles gloires de la République en fin de carrière : ministres de l’Intérieur, des Affaires étrangères, des Finances, de la Justice... Progressivement des personnalités issues de la société civile s’y sont agrégées et leur place a été renforcée. Ce phénomène est-il inéluctable ?

Mme Axelle Lemaire. Il vous appartient de juger de l’élection de candidats élus démocratiquement au suffrage universel par le peuple français. Vous avez déclaré appliquer à peu près systématiquement le principe de proportionnalité. L’élaboration du raisonnement juridique qui entraîne une décision non susceptible de recours tient-elle compte de la bonne foi des candidats et de l’absence manifeste de volonté de nuire à l’intérêt général ?

Vous penchez-vous sur les éventuelles carences de l’administration dans l’édiction des textes applicables en période électorale ?

M. Dominique Bussereau. Concernant la présence d’anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel, monsieur Tourret, l’expérience de l’intelligence est préférable à l’absence d’intelligence et d’expérience.

Mme Claire Bazy-Malaurie. Le contentieux électoral dispose de ses propres règles de procédures internes au Conseil. J’étais, quant à moi, rapporteur adjoint alors que ces dernières étaient un peu différentes, mais le principe était identique : en matière électorale, toute l’instruction du dossier est effectuée par des rapporteurs adjoints issus du Conseil d’État et de la Cour des comptes, mais l’ensemble des dossiers est présenté par des rapporteurs membres du Conseil, lesquels travaillent d’abord en sections puis en réunion plénière. Les rapporteurs présentent donc la position d’une section en réunion plénière et c’est un membre du Conseil qui rapporte l’ensemble des questions posées en contrôle a priori ou a posteriori.

M. Patrick Devedjian. In fine !

Mme Claire Bazy-Malaurie. Non : nous sommes aidés par un service juridique, dont les membres sont très compétents, ainsi que par un service de veille qui réalisent un travail d’explicitation de la jurisprudence et des questions posées, mais je puis vous assurer que le rapporteur mène intégralement son instruction. On ne peut donc affirmer que le service juridique ou le secrétariat général, qui coiffe l’ensemble des services en question, rapportent quoi que ce soit. Le travail des différents services est mis à la disposition de tous les membres du Conseil, et c’est bien au rapporteur membre du Conseil qu’il incombe de présenter sa position et son projet de décision. Croyez-moi, je n’arrange en rien la situation ! C’est d’ailleurs pourquoi j’ai indiqué que nous travaillons à plein temps et que cela exige une grande implication de l’ensemble des membres.

Monsieur Tourret, il importe avant tout que les personnes qui sont autour de la table aient des expériences et des profils divers. La richesse du droit constitutionnel permet de traiter différentes questions qui se posent dans de nombreux domaines, lesquels exigent de bénéficier de points de vue très différents.

M. Patrick Devedjian. Pour la diversité, c’est raté, avec un Conseil composé à 90 % de fonctionnaires !

Mme Claire Bazy-Malaurie. Certains fonctionnaires ont eu des carrières très diverses !

La question de la création d’un nouveau principe de proportionnalité ne s’est pas encore posée et le Conseil essaie de ne répondre qu’aux questions qui lui sont soumises, manière pour lui de ne pas injurier l’avenir. Peut-être avez-vous esquissé des possibilités de solution, monsieur Morel-A-L’Huissier, en évoquant la façon dont il peut appliquer le principe d’égalité.

Le principe de proportionnalité ne constitue pas le principe de base en matière électorale. Le juge électoral, comme tout autre juge, applique les textes existants et la marge de manœuvre dont il dispose est beaucoup plus faible que dans tous les autres domaines. Il applique en l’occurrence la loi du 14 avril 2011 modifiant ses pouvoirs de manière assez importante. Ces contentieux lui arrivant par grands blocs, il doit se montrer extrêmement attentif à appliquer la règle de la façon la plus constante qui soit à l’ensemble des décisions qu’il prendra. La notion de bonne foi en fait partie, mais c’est à lui d’examiner dans quelle mesure l’application très stricte de la loi doit parfois prévaloir. Le problème essentiel auquel il est confronté est d’appliquer la loi de la même manière pour tout le monde et dans tous les cas de figure.

Enfin, je ne vois pas en quoi l’application que le Conseil a faite de la notion de dignité humaine pourrait constituer un danger pour les libertés individuelles, mais peut-être me trompé-je ou n’ai-je pas accordé à votre question, madame Crozon, toute l’attention qu’elle aurait méritée, ce dont je vous prie de m’excuser.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je vous remercie, madame.

Nous allons maintenant statuer à huis clos.

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Délibérant à huis clos, la Commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues par l’article 29-1 du Règlement, sur la nomination, envisagée par M. le Président de l’Assemblée nationale, de Mme Claire Bazy-Malaurie en qualité de membre du Conseil constitutionnel.

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La Commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises (MM. Jean-Michel Clément et Philippe Houillon, rapporteurs).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Mes chers collègues, nous en venons à l’examen du rapport de la mission d’information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises. Comme vous le savez sans doute, Corinne Narassiguin était présidente et rapporteure de cette mission. Son élection a été annulée par le Conseil constitutionnel le vendredi 15 février. Vous me permettrez de dire à ce propos combien j’ai été frappé par la sévérité des décisions rendues par le Conseil. En effet, j’ai trouvé pour le moins surprenant que l’on reproche aux parlementaires qui ont vu leur élection annulée – mais également aux nombreux candidats invalidés – le non–respect de règles qui n’existaient pas au moment où leurs candidatures ont été enregistrées. De fait, les décrets en question ont été publiés quatre mois après la date d’ouverture de la période où les dépenses de campagne doivent faire l’objet d’une comptabilité. Je trouve qu’en la circonstance, le Conseil a fait montre d’une exigence qu’il convient de souligner. Après tout, c’était la première fois qu’était organisée l’élection des députés des Français de l’étranger. Or, il n’existe pas de jurisprudence établie et le droit tâtonne en cette matière. Les élections des députés des Français établis à l’étranger se tiennent dans des circonscriptions où il y a plusieurs monnaies et plusieurs pays. C’est pourquoi, même si pour l’application du droit électoral, la rigueur est toujours souhaitable et la vigilance toujours appréciable, je pense que notre Commission devrait examiner la manière dont les règles vont évoluer à l’avenir. Demain, il y aura sans doute à nouveau des élections des députés des Français établis à l’étranger. Quand les règles sont hésitantes, on ne peut pas reprocher aux candidats d’avoir des difficultés à les appliquer, surtout quand elles ne leur sont pas opposables au début de la campagne électorale. Je trouve important que cela soit dit à cet instant car c’est la raison pour laquelle Corinne Narassiguin ne peut présenter le rapport auquel elle a travaillé. En sa qualité de vice-président de la mission, Jean-Michel Clément a été désigné hier soir pour assumer les fonctions de président-rapporteur et présenter avec notre collègue Philippe Houillon le fruit d’une réflexion collective qui n’est pas remis en cause. Je crois savoir que le rapport a été approuvé à l’unanimité par les membres de la mission le 12 février. Il nous appartient aujourd’hui d’en autoriser la publication.

C’est manifestement le résultat – à la lecture du document que j’ai pu parcourir – d’une convergence de vue sur les constats et les remèdes à apporter à la gouvernance des grandes entreprises afin d’en assurer la transparence, ce qui est notre ambition. Ce travail doit également beaucoup – j’imagine – au sens de la conciliation dont Corinne Narassiguin et Philippe Houillon ont su faire preuve.

En effet, chacun dans son rôle et avec sa sensibilité propre, nos collègues semblent être parvenus à établir un compromis équilibré, qui ouvre des perspectives pour une réforme alliant éthique et efficacité mais qui, naturellement, n’exclut pas des divergences. Dans cette confrontation des points de vue, éminemment utile à ce grand chantier qu’il faudra peut-être entreprendre, toutes les propositions seront versées au débat. Celles que Corinne Narassiguin aura portées en son nom propre y trouvent à mes yeux parfaitement leur place. Aussi chacun comprendra que je tenais à associer notre collègue aux remerciements que j’adresse par ailleurs à la mission, pour son engagement ainsi que pour le travail qu’elle aura fourni pendant ces quelques mois.

Je cède à présent la parole à Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur. J’ai participé aux travaux de la mission aux côtés de Corinne Narassiguin et c’est à elle que je pense en cet instant car il lui revenait d’en présenter le rapport. Il s’agit d’un travail qu’elle a réalisé en collaboration avec Philippe Houillon et je tenais d’abord à lui rendre hommage pour ce qu’elle a ainsi accompli. Nous avons eu l’occasion de travailler ensemble. Sa parfaite maîtrise de la langue anglaise nous aura permis de comprendre toute la subtilité des règles de nos amis britanniques lorsque nous avons réalisé un déplacement à Londres. Son expérience professionnelle du monde de la banque aura été également très précieuse. Son travail nous manquera.

Avant de présenter les conclusions des travaux de la mission, je voudrais simplement rappeler qu’avec Philippe Houillon, nous avions déjà travaillé en 2009 sur un rapport qui posait la question de la rémunération des dirigeants mandataires sociaux et des opérateurs de marché. Ainsi, nous avions déjà abordé un certain nombre des questions que nous traitons dans le cadre de la présente mission sur la gouvernance, même si celle-ci couvre un champ plus large que la seule problématique des rémunérations.

Comme le Président Jean-Jacques Urvoas vient de le rappeler, ce rapport résulte de nos différents échanges ainsi que des arbitrages auxquels Philippe Houillon et Corinne Narassiguin sont parvenus préalablement à l’adoption du rapport par la mission. Il témoigne donc tout à la fois d’une certaine communauté de vue quant aux insuffisances actuelles de la gouvernance des grandes entreprises mais également de la persistance de quelques divergences quant aux solutions qu’il convient d’y apporter.

Cela étant, je crois pouvoir dire ici que ces divergences peuvent apparaître relativement minimes eu égard à l’étendue des problèmes que nous nous sommes efforcés d’appréhender et surtout au faible nombre de préconisations sur lesquelles nous n’avons pu nous accorder.

Le présent rapport comporte ainsi 20 propositions qui traitent de l’ensemble des aspects de la gouvernance des grandes entreprises et expriment les exigences que l’ensemble de nos collègues peuvent raisonnablement porter.

Le premier ensemble de propositions vise à instaurer un meilleur équilibre entre la loi et les codes de gouvernance, notamment en créant l’obligation pour les grandes entreprises de se référer à un code de gouvernance, les modalités d’élaboration de ce code devant être profondément rénovées par-delà les divergences d’appréciation quant au champ exact des acteurs appelés à cette tâche. De manière générale, la mission a entendu privilégier une approche pragmatique qui fasse la part de ce qui relève de l’autorégulation et de ce qui nécessite une intervention du législateur.

Une deuxième série de propositions tend à établir une gouvernance stable et ouverte aux diverses parties prenantes de l’entreprise : il s’agit notamment d’octroyer des droits de vote doubles aux actionnaires de long terme, car il est pour le moins choquant que des actionnaires « de passage » se voient aujourd’hui reconnaître autant de pouvoir que des actionnaires pérennes qui, contrairement aux premiers, sont toujours présents au capital de l’entreprise pour supporter les conséquences des décisions prises, parfois plusieurs années après les votes.

Par ailleurs, il convient de renforcer le contrôle sur les conventions réglementées dont le détournement peut nuire à l’intérêt social des entreprises.

En outre, nous estimons nécessaire d’instaurer par la loi une représentation obligatoire des salariés au sein des conseils d’administration ou de surveillance : comme les actionnaires, les salariés contribuent à la création de richesses et peuvent tout autant percevoir des vulnérabilités susceptibles d’altérer l’activité économique. Leur valeur ajoutée mérite d’être pleinement reconnue et intégrée dans les instances de gouvernance des grandes entreprises.

Dans cette même optique, il nous faut améliorer la qualité du dialogue social par le développement de la formation proposée aux salariés ainsi que par la réforme du délit d’entrave. Sur ce dernier point, je tiens à préciser qu’il ne s’agit nullement de porter atteinte aux procédures de consultation des instances représentatives du personnel, mais de favoriser un dialogue constructif le plus en amont possible des difficultés de l’entreprise. Ce dialogue sera d’autant plus aisé que chacun assumera pleinement ses responsabilités : c’est notamment cette finalité que la mission poursuit lorsqu’elle préconise de limiter plus strictement le cumul des mandats sociaux.

En dernier lieu, des propositions ont été formulées afin de favoriser une gouvernance responsable, au service de stratégies de long terme. Dans ce but, la mission a réfléchi à des sanctions pécuniaires plus efficaces en cas de gestion fautive. Mais pour sanctionner les dirigeants ayant commis des fautes de gestion, encore faut-il pouvoir engager leur responsabilité. Cet objectif peut être atteint par la création d’une procédure d’action de groupe reposant sur le mécanisme de l’« opt-in ». Ainsi, seules seraient membres du groupe les personnes affectées par un préjudice financier qui auraient expressément manifesté leur volonté d’être représentées à l’instance, ce qui exclurait celles qui ne se seraient pas manifestées. L’action de groupe reposerait alors sur un mandat exprès et le silence des personnes affectées par le préjudice financier serait assimilé à un refus de se joindre à l’action collective.

La commission de fautes passibles de sanctions pourrait être évitée si les dirigeants-mandataires sociaux étaient mieux contrôlés. C’est la raison pour laquelle il nous paraît souhaitable de renforcer le poids du vote de l’assemblée générale des actionnaires sur la politique de rémunération des dirigeants dans le cadre de ce que l’on appelle communément le « say on pay ».

Consubstantielle au métier d’entrepreneur, la prise de risques ne doit pas pour autant conduire à des paris inconsidérés qu’encourage la structure actuelle de certaines rémunérations variables. C’est pourquoi la mission préconise notamment une réforme du régime des « stock-options » et des actions gratuites destinée à leur rendre leur vocation première, ainsi que l’interdiction des rémunérations sous forme de « retraites chapeau ».

En somme, j’estime que ce rapport propose des mesures qui peuvent contribuer à la fois à une moralisation des pratiques et à un indispensable changement de culture. C’est pourquoi je vous proposerai qu’au terme de notre discussion, la Commission autorise la publication de ce rapport.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Je voudrais m’associer à l’hommage qui a été rendu à Corinne Narassiguin. J’ai travaillé avec elle pas loin de six mois à l’élaboration du rapport qui vous est soumis aujourd’hui. Je regrette la décision qui sans doute humainement est particulièrement difficile à vivre surtout quand on a quitté un pays pour s’installer ici avec sa famille. Cela étant, il faut reconnaître que depuis des années, cette commission et l’Assemblée nationale en général ne cessent – sans doute pour donner en vain des gages à l’opinion publique – de durcir la législation, ce qui contraint les juridictions à rendre des décisions qui aboutissent à des résultats comme celui-ci, que l’on déplore, et qui suscite à mes yeux un drame humain. En tout cas, je salue par ailleurs l’esprit de consensus dont a fait preuve Corinne Narassiguin, attitude qui a sans doute été facilitée par le fait qu’elle était députée des Français établis à l’étranger, élue en Amérique du Nord et installée à New York, ce qui la disposait à avoir une vision qui la rapprochait davantage de la mienne.

Pour le reste, notre collègue Jean-Michel Clément a parfaitement expliqué les choses et je ne veux pas être redondant.

Ce rapport ne constitue pas une révolution en ce qu’il fait le point sur des sujets qui se trouvent sur la table depuis un certain temps. En 2009, j’avais déjà présenté un rapport et je constate qu’un certain nombre de constats que j’y avais formulés sont textuellement repris ici. Peut-être un jour seront-ils appliqués et ne resteront pas simplement dans un rapport.

Il y a donc, dans le présent rapport, un tronc commun de constats et de propositions et puis des variations entre les deux rapporteurs, Madame Narassiguin développant des conceptions plus contraignantes sur un certain nombre de points.

Ainsi, en ce qui concerne les codes de gouvernance, si nous étions d’accord sur les principes, elle a souhaité que ce soient les partenaires sociaux qui les écrivent. Je pense pour ma part que ce rôle appartient aux professions et aux organisations patronales, sous le contrôle de l’Autorité des marchés financiers.

Je me suis également accordé avec Corinne Narassiguin sur un sujet tout aussi important que le principe de la participation de salariés aux conseils d’administration, mesure qui figure dans le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi et vers laquelle nous nous dirigeons nécessairement par la force des choses. Mais, pour ma part, puisqu’elle porte en elle un véritable changement des cultures, je souhaite que cette mesure soit mise en œuvre de manière concomitante et consubstantielle avec un allègement d’un code du travail, qui est aujourd’hui prohibitif en bien des matières, et des procédures de licenciement.

Sur les « stock-options », nous nous retrouvons encore sur un certain nombre de principes. En revanche, Corinne Narassiguin souhaitait qu’elles soient réservées aux très petites entreprises. Je pense que cela n’est pas réaliste. D’abord, il n’y a pas de « stock-options » dans les TPE et les PME. Par ailleurs, il s’agit d’un mode de rémunération extrêmement attractif, non seulement pour les dirigeants mais également pour les cadres les plus importants. C’est pourquoi il faut conserver les « stock-options », moyennant les réserves dont nous sommes convenus.

Pour ce qui est du principe « say on pay », dont l’application tend à s’étendre en Europe et qui implique que l’assemblée générale des actionnaires se prononce sur la politique des rémunérations et les rémunérations individuelles, tout dépend où l’on met le curseur. Nous sommes entendus sur les principes mais des divergences d’appréciation subsistent. Ainsi, Corinne Narassiguin souhaitait que l’assemblée générale des actionnaires porte une appréciation, a posteriori, sur les rémunérations individuelles, avec la possibilité d’un vote négatif. Cela paraît aller assez loin car dès lors que l’on intervient a posteriori, cela signifie que les rémunérations sont déjà versées. Or, après un vote négatif de l’assemblée générale, il serait bien compliqué d’exiger la restitution de ces sommes, ce qu’impliquait le raisonnement développé par Corinne Narassiguin. Je suis quant à moi partisan d’un avis simple de l’assemblée générale, comme cela se pratique ailleurs. L’assemblée générale des actionnaires est souveraine et un conseil d’administration qui, de manière réitérée, ne suivrait pas ses avis ne manquerait pas de se heurter à des difficultés sans qu’il soit besoin de créer une procédure compliquée de vote négatif.

Au total, puisque le rapport rend parfaitement compte de ces opinions divergentes, je ne vois que de l’intérêt à autoriser sa publication.

Mme Cécile Untermaier. Je souhaite m’associer à la tristesse bien partagée de mes collègues en ce qui concerne l’inéligibilité de Mme Corinne Narassiguin, qui a conduit les travaux de la mission auxquels j’ai essayé de participer aussi régulièrement que possible. Je tiens à souligner la qualité du travail mené, en toute transparence. À ce titre, il est très intéressant que ce rapport fasse valoir les avis divergents sur les différents points évoqués.

Un élément du rapport a particulièrement retenu mon attention, celui d’un mode de gouvernance désormais ouvert aux diverses parties prenantes de l’entreprise. J’avais d’ailleurs moi-même évoqué le mode de gouvernance de l’entreprise Saint-Gobain et je me félicite que cet exemple ait été repris par le rapport. C’est dans le sens du développement du dialogue avec les organes dirigeants de l’entreprise, mais également avec toutes les parties prenantes – qui sont également les collectivités publiques, les sous-traitants et les associations de consommateurs – qu’il faut aller.

Bien évidemment, c’est le dirigeant qui prend la décision in fine. Mais celle-ci doit être éclairée par un collège qui représente bien toute l’entreprise dans son ensemble, au-delà des actionnaires et du conseil d’administration, qui ne représente qu’une dimension particulièrement restreinte à l’heure actuelle.

M. Alain Tourret. Je souhaiterais formuler deux observations. Tout d’abord, j’ai écouté avec attention M. Philippe Houillon sur la façon dont les règles que nous nous mettons autour du cou finiront par nous étrangler.

Je souhaiterais évoquer les peines complémentaires et accessoires qui renforcent une décision d’annulation de l’élection. J’éprouve de grandes difficultés à comprendre qu’une peine d’inéligibilité puisse être prononcée quand la faute est sans rapport avec l’honneur, la probité et les bonnes mœurs.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Ce n’est que l’application de la loi !

M. Alain Tourret. Il serait souhaitable qu’une réflexion soit conduite à ce sujet au sein de notre commission, car les manquements à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs sont les critères qui ont toujours constitué les limites des lois d’amnistie et sur lesquels nous étions tous d’accord. En revanche, de mon point de vue, en l’absence de tout enrichissement personnel, il ne devrait pas y avoir de peines complémentaires comme celle qui a été prononcée dans le cas présent. Nous verrons bien jusqu’où nous pouvons aller, mais nous devons cesser de tout accepter. Cette notion de double peine permanente me semble insupportable.

En ce qui concerne les « stock-options », j’avais été très intéressé par un rapport du président-directeur général de L’Oréal, qui y était opposé pare qu’il estimait que ce système ne correspondait plus à rien. Cette position est certes minoritaire, mais elle émane d’un grand, si ce n’est le plus grand, président-directeur général français, à la tête d’une entreprise qui a de surcroît, avec intelligence, permis un certain nombre d’avancées dans le domaine des ressources humaines. Elle me porte à m’interroger. C’est pourquoi je souhaiterais que notre rapporteur nous donne un éclairage complémentaire sur les propositions du rapport relatives aux « stock-options ».

M. Dominique Raimbourg. Tout d’abord, je m’associe à l’hommage rendu à Corinne Narassiguin et à l’idée défendue par Philippe Houillon selon laquelle « trop de vertu tue la vertu » et « on ne se renforce pas en s’épurant ». Il est exact que nos concitoyens attendent que nous fassions preuve d’honnêteté et de vertu mais ils nous demandent avant tout d’être efficaces. Ce qu’ils ne nous pardonnent pas serait plutôt notre inefficacité et notre incapacité à les protéger suffisamment face à la crise actuelle.

S’agissant du rapport, en lui-même, je souhaiterais poser deux questions. Tout d’abord, une suite législative a-t-elle été envisagée avec le Gouvernement ?

Par ailleurs, je partage l’avis de la rapporteure sur la question des « stock-options », qui ne devraient être réservées qu’aux TPE et aux PME, ainsi qu’aux sociétés nouvellement créées. Lorsque la société EADS a connu des difficultés à l’occasion de la construction de l’Airbus A380, ces difficultés n’étaient connues qu’au sein de l’entreprise. Or, une partie des cadres a rapidement vendu ses actions, ce qui a aggravé les difficultés de la société, les actions perdant alors une partie de leur valeur. Ainsi, par le jeu des « stock-options », le comportement des cadres peut être contraire à l’intérêt de la société. Aussi, je me demande s’il n’y aurait pas lieu, pour éviter ce genre d’effets pervers, d’interdire les « stock-options » dans certaines grandes sociétés, ou à tout le moins dans les sociétés cotées.

À la suite de la revente des « stock-options » dans cette affaire, des poursuites avaient été engagées devant l’Autorité des marchés financiers et il était apparu que la procédure devant ladite autorité était très particulière, le ministère public n’ayant pas la possibilité de faire appel. Le droit d’appel était réservé aux personnes poursuivies – en l’espèce, il y avait eu une décision de relaxe. Le ministre de l’époque avait considéré que la procédure devait être modifiée mais je ne sais pas si cela a été fait. Peut-être en avez-vous connaissance.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur. En ce qui concerne la suite législative donnée à ce rapport, je crois que les propositions peuvent relever du champ de plusieurs textes. Il pourrait y avoir un texte spécifique consacré à la gouvernance ou bien des dispositions incluses dans des textes préparés par le ministère du Travail et relatifs à la place des salariés dans l’entreprise. C’est une question à laquelle réfléchissent le ministère de l’Économie et des finances et le ministère du Travail, afin de déterminer le texte où les propositions de la mission trouveront le mieux leur place. Je pense que le projet de loi destiné à retranscrire l’accord interprofessionnel sur la réforme du marché du travail pourrait être un véhicule législatif qui permettrait de voir concrétiser ces propositions au plus vite. Je crois aujourd’hui que tout le monde est d’accord sur l’idée de la participation des salariés aux conseils d’administration. Il faudra évidemment préparer cette arrivée en assurant aux salariés une formation et un cadre. Cela étant, cette mesure peut trouver rapidement un débouché législatif.

S’agissant des « stock-options », je souhaiterais d’abord formuler une remarque générale. De l’ensemble de nos auditions, il ressort l’idée qu’il nous faut récompenser – par des dispositifs juridiques tels que l’octroi d’un droit de vote double, ou des mesures fiscales – ceux qui restent durablement au sein de l’entreprise et y assument des risques. Il ne faut pas favoriser ceux qui ne font que passer afin d’obtenir une plus-value de court terme préjudiciable à l’intérêt de l’entreprise, en poussant à décisions stratégiques dont ils ne subiront pas les conséquences. Toutes les personnes entendues par la mission, notamment les grands patrons, nous l’ont dit. Par comparaison avec ce qui se passe dans d’autres pays, il faudra travailler à une législation qui encourage l’engagement durable dans les entreprises et contribue à la stabilité de leur capital, deux aspects qui vont de pair.

La question des « stock-options » a également à voir avec des mesures de fiscalité puisqu’il faut comparer les dispositions applicables à ce dispositif avec celles relatives aux actions gratuites. En effet, un traitement fiscal plus favorable pour les actions gratuites incite nécessairement à utiliser davantage cet instrument que les « stock-options ». C’est pourquoi il faut mener une réflexion sur les mesures fiscales en rapport avec la mise en place de dispositions juridiques destinées à fidéliser les cadres dans l’entreprise. Il faut prendre en considération la situation des petites entreprises et des entreprises de plus grande importance car on ne peut parler des « stock-options » distribuées dans une entreprise comme L’Oréal comme de celles attribuées dans une petite PME qui vient de se créer et cherche à encourager ses dirigeants. Au-delà de la technique juridique et des mesures fiscales, il faut remettre le système à plat.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Très succinctement, si le Président m’y autorise, premièrement, je veux rappeler que M. Moscovici, lorsqu’il a été entendu par la mission, avait indiqué qu’un projet de loi serait déposé fin mars.

Deuxièmement, s’agissant des « stock-options », la réalité est que la mode est aux actions gratuites. Cela dit, sans rentrer dans des détails techniques, l’idée de la mission est bien d’accorder une « prime » à la conservation et à la stabilité de l’actionnariat. Pour autant, il ne faut pas supprimer les « stock-options » dont l’attrait peut varier en fonction de la fiscalité. Troisièmement, pour répondre à la question de M. Raimbourg, la réforme de la procédure devant l’Autorité des marchés financiers n’a pas été faite. À ma connaissance, elle a été effectivement envisagée afin de permettre au parquet d'interjeter appel.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. S’il n’y a pas d’autres questions, je vous soumets la question de l’autorisation de publier le rapport de la mission d’information.

La Commission, à l’unanimité, autorise ensuite le dépôt du rapport de la mission d’information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises.

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La Commission procède au dépouillement des deux scrutins relatifs à la proposition de nomination en qualité de membres du Conseil constitutionnel de Mme Nicole Maestracci par M. le président de la République et de Mme Claire Bazy-Maulaurie par M. le Président de l’Assemblée nationale.

Quarante-huit de ses membres ayant participé au scrutin, la Commission a donné un avis favorable à la nomination de Mme Nicole Maestracci par trente-deux voix pour et seize contre.

Quarante et un de ses membres ayant participé au scrutin et trente-sept suffrages ayant été exprimés, la Commission a donné un avis favorable à la nomination de Mme Claire Bazy-Malaurie par vingt-quatre voix pour et treize contre.

La séance est levée à 12 heures 15.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

– M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à moderniser les régimes des sections de commune (n° 294) ;

– M. Alain Tourret, rapporteur sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen (n° 44).

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nathalie Appéré, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Erwann Binet, M. Marcel Bonnot, M. Dominique Bussereau, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Gilbert Collard, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Jean-Pierre Decool, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, M. Marc Dolez, M. René Dosière, M. Philippe Doucet, M. Olivier Dussopt, M. Matthias Fekl, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Yann Galut, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Daniel Gibbes, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, Mme Françoise Guégot, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Guillaume Larrivé, M. Pierre-Yves Le Borgn', M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, Mme Axelle Lemaire, M. Bernard Lesterlin, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, Mme Nathalie Nieson, M. Jacques Pélissard, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Pascal Popelin, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. François Vannson, M. Patrice Verchère, M. François-Xavier Villain, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. - M. Jacques Bompard, M. Gilles Bourdouleix, Mme Laurence Dumont, M. Édouard Fritch, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Roger-Gérard Schwartzenberg