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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 18 septembre 2013

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 104

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Examen du projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant actualisation de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (n° 1301) et du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions relatives aux outre-mer (n° 1302) (M. René Dosière, rapporteur)

La séance est ouverte à 11 heures 30.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission examine en discussion générale commune, sur le rapport de M. René Dosière, le projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant actualisation de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (n° 1301) et le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions relatives aux outre-mer (n° 1302).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous consacrerons cette réunion, à laquelle nous sommes heureux d’accueillir M. le ministre des outre-mer, à l’examen du projet de loi organique portant actualisation de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et du projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

Je me suis rendu il y a une quinzaine de jours en Nouvelle-Calédonie, avec Dominique Bussereau, qui effectuait là son dixième déplacement sur ce territoire, et René Dosière, rapporteur des deux textes et fin connaisseur des problématiques ultra-marines du Pacifique et singulièrement de la Nouvelle-Calédonie. Nous rédigerons un rapport d’information avant la réunion du comité des signataires de l’accord de Nouméa, qui doit se tenir le 11 octobre, afin de faire part à la Commission de nos observations sur les évolutions institutionnelles que connaît le territoire, les transferts de compétences, notamment ceux qui doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2014, et leurs conséquences sur le travail parlementaire et le regard que nous portons sur la Nouvelle-Calédonie.

M. René Dosière, rapporteur. Permettez-moi de rappeler brièvement à nos collègues, qui ne sont pas tous des spécialistes de la Nouvelle-Calédonie, quelques caractéristiques de ce territoire situé à 20 000 kilomètres de la métropole et qui a tant fait parler de lui.

Plusieurs des dispositions applicables en Nouvelle-Calédonie dérogent sensiblement au droit commun, au point que ces dérogations ont nécessité, en 1998, une réforme de la Constitution, qui réserve désormais un titre particulier à l’archipel. Le congrès de la Nouvelle-Calédonie est une émanation des trois provinces, puisqu’un certain nombre de membres des assemblées des provinces – deux sont détenues par les indépendantistes et une par les non-indépendantistes – en sont membres de droit. Ce congrès a un pouvoir législatif : il peut voter dans certains domaines des « lois du pays », qui, en Nouvelle-Calédonie, ont la même valeur que celles votées par le Parlement et peuvent être soumises au contrôle de constitutionnalité du Conseil constitutionnel. La Nouvelle-Calédonie est la seule collectivité d’outre-mer à s’être vu conférer un tel pouvoir législatif.

Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est collégial et « proportionnel », ce qui signifie qu’il est obligatoirement composé d’indépendantistes et de non-indépendantistes. Son fonctionnement doit obéir autant qu’il est possible au consensus et à la collégialité.

L’exercice du droit électoral des Français de métropole résidant en Nouvelle-Calédonie est limité s’agissant des élections provinciales – qui sont les plus importantes : ne peuvent y voter que ceux d’entre eux qui étaient présents en 1998, au moment où les Calédoniens ont approuvé l’accord de Nouméa. Le corps électoral est donc figé. Ainsi, quelque 10 000 personnes ont aujourd’hui le droit de vote aux élections municipales, législatives et présidentielles, mais non aux élections provinciales.

Par ailleurs, les transferts de compétences exercés au profit de la Nouvelle-Calédonie sont irréversibles.

Toutes ces dispositions étaient prévues par l’accord de Nouméa de 1998, consacré à l’article 76 de la Constitution.

Les électeurs calédoniens, qu’ils soient d’origine européenne ou kanake, jouissent non seulement du droit de vote aux élections provinciales, mais aussi d’une citoyenneté calédonienne qui leur donne, à compétence égale, une priorité dans l’accès à l’emploi privé. La liste des professions concernées a fait l’objet d’un accord entre les partenaires sociaux calédoniens.

L’histoire, le fonctionnement et l’évolution de ce territoire sont donc tout à fait particuliers. À l’issue de cette période transitoire, c’est-à-dire à partir de 2014, après les élections provinciales du mois de mars, le nouveau congrès aura la possibilité de lancer la phase finale de l’accord de Nouméa en demandant un référendum sur l’accession à la souveraineté, afin d’envisager le transfert des pouvoirs régaliens restés aux mains de l’État.

Dans ce contexte, les élections provinciales de 2014 sont un enjeu important, étant entendu que ce référendum ne pourra être décidé qu’à une majorité qualifiée des trois cinquièmes du congrès. Il faudra donc que les deux camps se mettent d’accord. S’ils n’y parviennent pas, il appartiendra au gouvernement français d’enclencher la procédure à partir de 2018.

Pour être tout à fait complet, je dois ajouter que la situation politique locale est assez compliquée. Notre collègue Philippe Gomes, qui est venu assister aux travaux de notre Commission, pourrait vous en dire bien davantage à cet égard. Mais l’Assemblée nationale doit s’efforcer de rester à l’écart de ces querelles locales, surtout à la veille d’une campagne électorale.

Le projet de loi organique qui nous est soumis est un texte technique, qui répond à une demande unanime des Calédoniens. Le comité des signataires de l’accord de Nouméa, qui se réunit tous les ans, avait proposé l’an dernier diverses améliorations de la loi organique. Le projet rédigé par le Gouvernement a été soumis au congrès de la Nouvelle-Calédonie, qui a rendu un avis très complet et fait quelques propositions complémentaires.

J’ai travaillé étroitement en amont avec Mme Catherine Tasca, rapporteure du texte au Sénat. Sachant que le projet a été adopté à l’unanimité par la Haute Assemblée, j’aurai à cœur d’éviter de supprimer des dispositions qui ont été acceptées par nos collègues.

Je m’en tiendrai donc, pour me déterminer sur les amendements, aux demandes du comité des signataires et aux textes ayant fait l’objet d’un accord unanime du congrès. Les dispositions qui iraient au-delà ne devront susciter aucune difficulté locale pour recueillir un avis favorable du rapporteur. Le projet de loi organique n’est pas le lieu pour ouvrir un débat sur les problèmes de fond de la société calédonienne : il s’agit simplement d’assurer un meilleur fonctionnement des dispositions actuelles.

Le texte autorise la Nouvelle-Calédonie à créer des autorités administratives indépendantes locales, et en particulier une autorité de la concurrence. Il traite aussi des règles budgétaires. Enfin, il comporte quelques dispositions techniques réclamées par les élus, principalement sur les sociétés publiques locales.

M. Philippe Gosselin. Je salue les propos apaisés et la sagesse de notre rapporteur. La situation politique en Nouvelle-Calédonie est certes un peu compliquée par la perspective des élections provinciales de 2014, mais nous sommes loin du climat des dernières décennies, et il n’est pas encore temps d’ouvrir le débat sur l’accession à l’indépendance. Ce texte de nature technique, qui vise à actualiser la loi organique, ne devrait donc pas susciter de batailles homériques. Qui plus est, nous devons nous attacher à préserver les chances d’un débat serein dans les années à venir.

M. Bernard Lesterlin. Je partage le constat de M. Gosselin. Il faut dire que nous revenons de loin. En dépit de la situation politique qui a été évoquée, c’est bien d’apaisement qu’il faut parler au terme d’un processus auquel nous nous sommes tous associés.

Avant même les accords de Matignon, nous avons connu des moments symboliques. C’est en juillet 1983, sous le gouvernement de Pierre Mauroy, que fut échangée la première poignée de main – historique – entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou. Et même si l’année 1984 fut marquée par des violences que nous n’avons pas oubliées, même si le drame de la grotte d’Ouvéa reste dans toutes les mémoires, le patient travail d’Edgar Pisani et du préfet Christian Blanc, conduit sous le gouvernement de Michel Rocard, a finalement débouché, en 1998, sur la signature des accords de Matignon. Une décennie les sépare de l’accord de Nouméa, dont nous sommes en train de mettre la dernière phase en musique, avant l’échéance du référendum d’autodétermination.

Il nous faut préparer ces échéances dans l’apaisement, et transférer les compétences sollicitées par les responsables qui administrent aujourd’hui leur pays à travers des institutions particulières, lesquelles pourraient – sait-on jamais – constituer un modèle exemplaire de décentralisation poussée – car l’autonomie interne n’est rien d’autre qu’une décentralisation poussée.

Je rends hommage à la qualité du travail de notre rapporteur René Dosière, qui s’est appuyé sur les signataires de l’accord, dans une démarche de recherche d’unanimité. Les sénateurs ont su apporter la touche finale à ce texte. Le groupe SRC soutiendra bien sûr la démarche du Gouvernement.

Quant au projet de loi ordinaire, nous souhaitons l’enrichir des dispositions contenues dans la proposition de loi que notre collègue Chantal Berthelot a déposée le 13 juin dernier, afin de mieux lutter contre l’orpaillage clandestin en Guyane. Nous associons bien sûr Mme la garde des Sceaux à ce vieux combat des députés de Guyane.

M. Philippe Gomes. Ce projet de loi organique n’est qu’une étape mineure dans le cheminement que notre territoire a engagé de longue date au sein de la République. Ce chemin fut parfois semé de ronces, conduisant une partie du peuple de la Nouvelle-Calédonie à s’opposer à une autre. Je pense bien sûr aux événements de 1984, au cours desquels soixante-dix à quatre-vingts Calédoniens perdirent la vie, et aux « années de cendres » que nous avons connues. Elles auront tout de même vu un instant démocratique, avec le référendum Pons, par lequel les Calédoniens étaient appelés à se prononcer pour ou contre l’indépendance, et qui se solda par un vote largement opposé à celle-ci. Six mois après survenait le drame d’Ouvéa, au cours duquel six militaires – dont quatre gendarmes – et dix-neuf indépendantistes devaient perdre la vie.

Le fait majoritaire, qui fait qu’une majeure partie de la population calédonienne est de sensibilité non indépendantiste, ne peut constituer une réponse à la problématique calédonienne. Une volonté d’indépendance s’exprime, puisque la minorité indépendantiste recueille autour de 40 % des voix à chaque scrutin électoral. Toute la démarche de l’État au cours des vingt-cinq dernières années a donc consisté à essayer de trouver le point d’équilibre entre cette majorité non indépendantiste et cette minorité indépendantiste.

Il y est parvenu en deux étapes. La première fut celle des accords de Matignon, qui a conduit à un partage du pouvoir politique, avec la création des provinces, dotées d’une compétence de droit commun. Il s’agissait de donner le pouvoir aux indépendantistes là où ils sont majoritaires, ce qui était une manière de contourner le fait majoritaire lié à un exercice démocratique classique. Mais l’enjeu était aussi de s’engager dans la voie d’un rééquilibrage géographique – faire en sorte que l’activité ne se concentre pas uniquement sur Nouméa et la province Sud, mais irrigue aussi le nord et les îles – et ethnique – assurer une meilleure représentation des populations kanakes parmi les élites politiques et économiques.

Les accords de Matignon prévoyaient l’organisation d’un référendum en 1998. Mais les partis locaux, estimant qu’il n’aboutirait qu’à dresser les Calédoniens les uns contre les autres, ont choisi de prendre un autre chemin : celui de l’accord de Nouméa. Le référendum n’a donc pas porté sur l’indépendance, mais sur ce nouvel accord d’émancipation et de décolonisation au sein de la République, qui a nécessité une révision de la Constitution.

Nous arrivons aujourd’hui à la dernière phase de cet accord. Un référendum pour ou contre l’indépendance devra avoir lieu entre 2014 et 2018. Si les Calédoniens se prononcent contre l’indépendance, un deuxième référendum sera organisé dans un délai de deux ans, puis un troisième. En cas de troisième « non », l’accord prévoit que les partenaires se réuniront pour examiner la situation ainsi créée. Autant dire que, après le chemin de ronces, nous risquons de traverser une forêt vierge !

Nous avons progressé dans les quinze dernières années : nous exerçons aujourd’hui presque toutes les compétences, sauf les compétences régaliennes. La Nouvelle-Calédonie est la seule collectivité du territoire de la République à adopter des lois ; celles-ci sont soumises à l’avis préalable du Conseil d’État et au contrôle de constitutionnalité du Conseil constitutionnel. Nous avons une citoyenneté propre, en sus de la citoyenneté française et européenne. Diverses mesures ont été prises en ce qui concerne le corps électoral, la protection de l’emploi local et l’adoption de signes identitaires. L’accord de Nouméa nous a donc permis de nous gouverner nous-mêmes, mais aussi d’affirmer notre identité particulière au sein de la République.

L’accord prévoit donc un référendum. Ses modalités seront-elles mises en œuvre, ou d’autres modalités faisant l’objet d’un accord politique local – à négocier avec l’État – pourront-elles s’y substituer ? Lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre a ouvert la voie à cette alternative, en indiquant que l’accord de Nouméa avait vocation à être appliqué, sauf si un accord politique local permettait de substituer à la question prévue par l’accord une autre question sur l’avenir du pays.

Dans ce contexte, ces deux textes apparaissent comme techniques et consensuels. La quasi-totalité des amendements que je défendrai ont d’ailleurs fait l’objet d’un avis unanime du congrès.

Le projet de loi organique donne notamment compétence à la Nouvelle-Calédonie pour créer des autorités administratives indépendantes. En l’espèce, il s’agit surtout de pouvoir créer une autorité de la concurrence disposant d’un véritable pouvoir d’enquête et de sanction, afin que notre petite île puisse mettre en œuvre la loi dite « anti-trust » pour éviter qu’une concentration excessive dans certains secteurs d’activité ne conduise à handicaper le pouvoir d’achat des Calédoniens.

M. Jean-Frédéric Poisson. N’étant pas spécialiste du sujet, je souhaiterais poser deux questions au rapporteur.

Vous avez employé tout à l’heure, à propos de l’issue du référendum, le mot de souveraineté et non celui d’indépendance. Y a-t-il une différence entre les deux ?

La décision des Calédoniens sera-t-elle irréversible ? Sera-t-elle soumise à la ratification du Parlement français ? Bref, quelle est la procédure prévue ?

M. Paul Molac. Je constate que la République sait faire de la décentralisation différenciée, et que le pouvoir réglementaire – voire législatif – peut être exercé par des collectivités locales. Il me semble donc que l’on peut parler de fédéralisme. Loin de nous affaiblir, cette reconnaissance des territoires et des peuples de la République a donc été un facteur d’apaisement dans le cas de la Nouvelle-Calédonie. « La France a eu besoin de la centralisation pour se faire ; elle a besoin de la décentralisation pour ne pas se défaire », disait déjà François Mitterrand. Nous approuvons cette évolution de la République, qui contraste, hélas, avec ce qui se passe en métropole lorsqu’il s’agit de reconnaître les territoires, les peuples et les différentes expressions culturelles qui composent la République. Décolonisons donc la métropole !

M. Sébastien Denaja. Notre collègue Gomes a évoqué un chemin semé de ronces. J’observe que ce sont toujours des gouvernements socialistes qui se sont efforcés d’enlever les épines qui pouvaient y rester. Je rends ici hommage à l’œuvre de Michel Rocard et de Lionel Jospin. Même si ce chemin de ronces n’est pas encore devenu un chemin de roses, c’est désormais sous la houlette du président de la République François Hollande et du Premier ministre Jean-Marc Ayrault que nous permettrons aux Calédoniens de trouver les voies d’une souveraineté partagée et d’une gouvernance équilibrée.

M. le rapporteur. Le mot « souveraineté » est celui qui résulte de l’accord de Nouméa et qui figure dans la loi organique du 19 mars 1999, laquelle prévoit un référendum « sur l’accession à la pleine souveraineté ». Ce terme est sans doute plus global et moins conflictuel que celui d’« indépendance », notion qui a en outre beaucoup évolué par rapport à ce qu’elle était à l’époque de la décolonisation.

Quant aux modalités pratiques de ce référendum et aux suites qu’il conviendra éventuellement de lui donner, l’accord de Nouméa ne les a pas prévues en détail. Ces dispositions seront prises le moment venu, si le référendum a lieu. Philippe Gomes nous a rappelé que les accords de Matignon prévoyaient déjà l’organisation d’un référendum en 1998, et que les Calédoniens s’étaient finalement mis d’accord sur la construction d’un destin commun. L’accord qui en a résulté, approuvé par référendum, s’est substitué au référendum prévu. Il n’est donc pas exclu que, à l’approche de nouvelles échéances, les partenaires calédoniens se mettent d’accord sur une formule différente.

S’il est vrai que les accords de Matignon et de Nouméa sont le fait de gouvernements de gauche, ils n’en ont pas moins fait l’objet d’un consensus entre les forces politiques calédoniennes, en particulier celle qui était majoritaire, à savoir le RPR, dirigé localement par notre ancien collègue Jacques Lafleur. L’attitude de celui-ci l’a d’ailleurs mis en porte-à-faux avec la direction nationale de son parti. Mais ces accords ont toujours été approuvés à l’échelle nationale, et la droite n’en a remis en cause ni la logique ni l’application lorsqu’elle est revenue au pouvoir. Ils ont été appliqués à la lettre, y compris les dispositions relatives au corps électoral, qui avaient été censurées par le Conseil constitutionnel : le gouvernement a, en 2007, fait approuver la révision constitutionnelle qui était nécessaire alors que Jacques Chirac était président de la République.

Gardons à l’esprit que, depuis 1988, la Nouvelle-Calédonie ne fait plus l’objet d’un désaccord à l’échelle nationale : elle n’est plus un enjeu de politique « métropolitaine ». Il importe que ce consensus perdure et que les conflits locaux ne suscitent pas de désaccords en métropole, ce qui serait très préjudiciable à la fin du processus de Nouméa.

M. Jean-Frédéric Poisson. La réponse du rapporteur ne me satisfait pas pleinement. J’en retiens que souveraineté et indépendance peuvent être considérées comme synonymes, qu’il s’agit donc bien d’indépendance, et que la question posée lors du référendum pourrait aller jusque-là. Je comprends par ailleurs que le processus éventuel de ratification n’est décidé ni dans son principe ni dans ses modalités. Il serait souhaitable que M. le ministre nous éclaire : le Gouvernement a-t-il engagé une réflexion sur ce point ? Ce n’est certes pas l’objet du texte, mais c’est un élément essentiel, car nous touchons là à l’intégrité du territoire national.

M. Philippe Gosselin. Le rapporteur peut être rassuré : les propos tenus ce matin démontrent bien – nonobstant la référence aux roses et aux ronces de M. Denaja, que nous interpréterons comme un trait d’humour – notre volonté de ne pas céder à de vaines polémiques, et de parvenir à une approche de ce dossier qui permette d’ouvrir à la Nouvelle-Calédonie un avenir aussi apaisé que possible. Ne tombons cependant pas dans l’angélisme : la période qui s’ouvre risque d’être compliquée ; vous évoquerez sans doute quelques divergences entre les forces politiques lorsque vous nous rendrez compte de votre déplacement. Mais si nous savons garder le cap, nous aiderons les Calédoniens à faire de même. Ni angélisme ni naïveté donc, mais une volonté d’apaisement réaffirmée.

Il n’en reste pas moins que les notions d’indépendance ou de souveraineté doivent être précisées. De là pourraient en effet découler des solutions juridiques inédites.

M. Philippe Gomes. L’accord de Nouméa prévoit explicitement que le référendum portera sur trois questions – même si elles n’en font qu’une seule : « Souhaitez-vous que la citoyenneté calédonienne soit érigée en nationalité ? Souhaitez-vous que les compétences régaliennes exercées par l’État soient exercées par la Nouvelle-Calédonie ? Souhaitez-vous que la Nouvelle-Calédonie ait un statut international ? »

Rien n’est en effet formellement prévu au lendemain du référendum, monsieur Poisson. Si les Calédoniens refusent par trois fois l’indépendance, l’accord se borne à prévoir que les partenaires se réuniront « pour examiner la situation ainsi créée ». Rien n’est davantage prévu dans le cas contraire quant à l’organisation des institutions ou aux relations avec la France. Telle est la situation juridique actuelle.

En revanche, l’État travaille sur le sujet. Un comité de pilotage sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie a été installé par le gouvernement de François Fillon en 2010, en accord avec les partenaires calédoniens. Il ne s’agit pas de négocier, mais – selon les termes mêmes du comité des signataires – d’« aguerrir les Calédoniens sur les outils juridiques et politiques de sortie de l’accord », en se penchant sur les exemples d’autonomie extrême, de souveraineté partagée et de souveraineté pleine et entière qui existent dans le monde. Ce comité de pilotage, qui est animé par un professeur de droit et un conseiller d’État, rendra son rapport définitif le 27 septembre, à Nouméa. Celui-ci sera notamment examiné par le comité des signataires, qui se réunit le 11 octobre sous la présidence du Premier ministre. Nous aurons ainsi tous les éléments pour apprécier si nous devons modifier – dans le cadre d’un accord politique à trouver – la sortie de l’accord telle qu’elle est prévue aujourd’hui.

Je tiens à confirmer les propos du rapporteur : depuis 1988, la Nouvelle-Calédonie n’est plus un enjeu de politique intérieure. La droite et la gauche ont su se rassembler pour accompagner les Calédoniens dans leur destin. Les présidents de la République, les Premiers ministres et les ministres de l’outre-mer successifs ont toujours défendu la stricte application de l’accord de Nouméa.

M. Dominique Bussereau. Permettez-moi de dire un mot du déplacement que le président Urvoas, René Dosière et moi-même venons d’effectuer en Nouvelle-Calédonie. Je fréquente depuis longtemps ce territoire ; j’ai été rapporteur du projet de loi instituant les statuts d’« après événements » ; j’ai été chargé d’une mission de suivi de l’accord de Nouméa avec René Dosière sous la législature 1997-2002. Nous avions été d’ailleurs témoins de la signature de cet accord, qui fut un moment important.

Le projet de loi organique qui nous est soumis est un texte technique et consensuel, qui n’appelle pas d’observations particulières. Je dois cependant dire que, à titre personnel, je ne souhaite pas que le référendum ait lieu. Si les forces politiques calédoniennes trouvaient un accord qui permette d’y échapper, il y aurait là un symbole important pour la démocratie et pour la République. Quant à la nature du statut, il appartiendra aux Calédoniens de la fixer. Personnellement, je n’ai pas ressenti une quelconque volonté d’abandon de la France.

J’ajoute que notre pays est aujourd’hui aimé dans le Pacifique, ce qui n’était pas le cas au moment des événements, où les pays du Pacifique militaient contre la présence française. La donne a changé : l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les petits États du Pacifique se réjouissent aujourd’hui de notre présence dans cette zone compliquée, où la présence chinoise et les risques de toute nature peuvent poser problème.

Deux sujets m’inquiètent néanmoins. Je pense d’abord à la division des forces politiques calédoniennes, qu’il leur faudra surmonter. Après tout, le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) a bien fait l’UMP avant la lettre ! Je pense aussi à la situation économique, et plus particulièrement au nickel. Comme le rappelait hier un article des Échos, ces deux belles usines ont coûté beaucoup plus cher que prévu. Or le marché du nickel a évolué depuis que les projets ont été lancés ; la Chine est maintenant capable de produire beaucoup moins cher, y compris pour son marché intérieur. Il y aura donc une réflexion à conduire sur l’économie de la Nouvelle-Calédonie : l’apaisement politique dépend aussi de la santé économique.

M. Bernard Lesterlin. La préoccupation sémantique de notre collègue Poisson est légitime. Parler d’« accès à la souveraineté » ou de « référendum pour l’indépendance », ce n’est pas tout à fait la même chose, même si cela entraîne les mêmes réponses aux questions dont Philippe Gomes nous a rappelé l’énoncé.

Au-delà de la nationalité, du transfert des compétences régaliennes et des traités internationaux, il est important de redire l’importance de la souveraineté économique. La France a investi des sommes considérables dans les usines du nord, qui sont un élément de souveraineté fondamental.

Il faut cheminer vers cette souveraineté en se démarquant de ce qui a pu exister au XIXe siècle ou – plus récemment – à quelques encablures de là. Nous ne voulons pas d’un processus d’accès à l’indépendance identique à celui du Vanuatu. Faut-il rappeler que la revendication d’indépendance de Walter Lini et les violences qui l’ont accompagnée n’ont pas conduit à des relations idéales en termes de coopération ? Nous devons donc choisir nos mots avec prudence, et être déterminés à respecter l’expression du suffrage des Calédoniens. Peut-être devons-nous préparer un statut qui n’existe pas encore, un peu comparable au protectorat du XIXe siècle. Souvenons-nous que la reine de Wallis a demandé la protection de la France, mais que l’île est restée administrée par les chefferies coutumières. Nous avons un nouvel équilibre institutionnel à trouver, ce qui ne pourra se faire que dans une démarche consensuelle. Raison de plus pour adopter à l’unanimité les étapes qui nous conduisent vers cette échéance !

M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer. Tout a été dit. L’esprit est celui du consensus et du respect. Nous avons une feuille de route, que les gouvernements qui se sont succédé ont tous appliquée et à laquelle nous nous tenons scrupuleusement. Nous préparons actuellement la réunion du comité des signataires du 11 octobre et les élections provinciales de 2014, qui seront des étapes importantes.

J’ai écouté attentivement les différents orateurs, en particulier Philippe Gomes, qui a dit strictement le droit et ce qui pouvait en découler. Quels que soient les résultats du processus, la Nouvelle-Calédonie sera un pays quasi souverain, puisque les transferts de souveraineté sont irréversibles. Seules quelques compétences régaliennes ne devraient pas être exercées directement par le pays, mais elles peuvent être partagées par endroits.

Nous resterons très attentifs au dialogue avant, pendant et après les élections de 2014. Celui-ci a d’ailleurs commencé : des propositions ont déjà été faites pour permettre une sortie « par le haut » et éviter un « effet couperet ». Pour le moment, nous ne pouvons préjuger du résultat de ce dialogue. Mais si un consensus, même minimal, se dégageait pour éviter un référendum « couperet », dont je rappelle qu’il doit être organisé trois fois, le président de la République ne manquerait pas de prendre une initiative avant 2017.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi organique.

TITRE Ier – DISPOSITIONS VISANT À AMÉLIORER L’EXERCICE DE SES COMPÉTENCES PAR LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Chapitre Ier

Renforcement de l’exercice des compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie

Article 1er (art. 27-1 et 93-1 [nouveaux], art. 99 et 203 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) : Création d’autorités administratives indépendantes dans les domaines relevant de la compétence de la Nouvelle-Calédonie

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL 36 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement CL 39 du même auteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de préciser le fonctionnement des autorités administratives indépendantes de Nouvelle-Calédonie en instaurant un régime d’incompatibilité applicable à leurs membres.

M. Philippe Gomes. Je suis favorable à tout ce qui peut concourir à l’indépendance réelle de ces autorités ; je voterai pour l’amendement.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Retirerez-vous votre amendement CL 1 ?

M. Philippe Gomes. L’amendement de M. le rapporteur étant relatif aux membres des autorités indépendantes, et le mien au fonctionnement de ces institutions, ils me paraissent compatibles et même complémentaires.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Elle en vient à l’amendement CL 1 de M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Les règles en vigueur pour les autorités administratives indépendantes actuelles doivent s’appliquer aux autorités que créera la Nouvelle-Calédonie. Cela devra être le cas de l’obligation faite à leurs membres de déposer une déclaration d’intérêts, conformément à la loi relative à la transparence de la vie publique.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Sur la forme, la rédaction de l’amendement n’est pas satisfaisante. Sur le fond, vous avez raison, monsieur le député, mais la question peut être réglée par les lois du pays qui créeront les autorités en question.

M. Philippe Gomes. Je retire l’amendement afin d’en revoir la rédaction avant la séance publique.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Pour votre gouverne, monsieur le député, sachez que l’usage de l’adverbe « notamment » dans un amendement suscite invariablement de fortes réticences de la part de la Commission !

M. le ministre. Monsieur Gomes, je ne suis pas certain que la législation aujourd’hui applicable aux autorités administratives indépendantes soit aussi homogène que vous le laissez entendre.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL 37 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’indépendance financière des autorités administratives indépendantes de la Nouvelle-Calédonie doit être confortée. Elles fixeront le montant des crédits nécessaires à l’accomplissement de leur mission, qui seront inscrits au budget de la Nouvelle-Calédonie.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL 38 du rapporteur.

M. le rapporteur. Les comptes des autorités administratives indépendantes de la Nouvelle-Calédonie seront soumis au contrôle de la chambre territoriale des comptes.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte à l’unanimité l’article 1er modifié.

Article 2 (art. 34 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) : Pouvoir de police administrative et de réquisition du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et possibilité de subdélégation de signature de ses actes en matière de sécurité maritime et aérienne et de sécurité civile

La Commission examine l’amendement CL 3 de M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. L’article 126 de la loi organique statutaire est complété afin d’autoriser le gouvernement de Nouvelle-Calédonie à adopter des arrêtés individuels.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Elle adopte ensuite à l’unanimité l’article 2 modifié.

Article 3 (art. 173 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) : Pouvoir de police de la circulation du président de l’assemblée de province sur le domaine routier provincial

La Commission adopte à l’unanimité l’article 3 sans modification.

Chapitre II Clarification des compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie

Article 4 (art. 22, 40, 41, 42 et 99 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) : Compétence de la Nouvelle-Calédonie en matière d’éléments de terres rares

La Commission examine l’amendement CL 5 de M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. L’article 4 a pour objet d’étendre la compétence exercée par la Nouvelle-Calédonie en matière de réglementation minière, qui porte seulement aujourd’hui sur les hydrocarbures, le nickel, le chrome et le cobalt. Les « terres rares » sont ajoutées à cette liste de substances.

Le congrès de la Nouvelle-Calédonie a demandé à l’unanimité que soit retenue une rédaction plus générique afin que soient prises en compte les autres substances minières présentes dans le sous-sol calédonien. Grâce à cet amendement, l’article 22 de la loi organique fera référence aux « autres substances visées à l’article L. 111-1 du code minier » plutôt qu’aux seules « terres rares ».

M. le rapporteur. Avis défavorable. L’avis du congrès évoqué par M. Philippe Gomes ne va pas aussi loin que son amendement.

M. Philippe Gomes. Même si le sujet est d’actualité, pourquoi compléter l’article 22 en mentionnant les seules « terres rares » alors que l’article L. 111-1 du code minier permet de renvoyer à quarante substances minérales distinctes ?

En tout état de cause, il n’y a aucune contradiction entre ma proposition et la position du Congrès de Nouvelle-Calédonie.

M. le ministre. Cet amendement peut être dangereux, car il établit un lien direct entre les minéraux pour lesquels s’exerce la compétence de la Nouvelle-Calédonie et le code minier métropolitain. Autrement dit, une simple modification de ce dernier document entraînerait sans aucune concertation préalable une modification du champ des compétences transférées à la Nouvelle-Calédonie.

M. Philippe Gomes. Je retire mon amendement tout en espérant que nous parviendrons à une rédaction consensuelle d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL 40 du rapporteur.

Puis elle adopte à l’unanimité l’article 4 modifié.

Article 4 bis (art. 21 et 22 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) : Compétence des provinces de la Nouvelle-Calédonie en matière de chasse et d’environnement

La Commission est saisie de l’amendement CL 6 de M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. L’environnement ne peut pas constituer une compétence exclusive des provinces, car, aux termes de l’article 6 de la Charte de l’environnement, il doit être pris en compte par l’ensemble des politiques publiques. Je propose, en conséquence, de supprimer la référence à l’environnement dans l’article 4 bis.

M. le rapporteur. Cet amendement entend revenir sur une disposition adoptée à l’unanimité par le Sénat. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite à l’unanimité l’article 4 bis sans modification.

Après l’article 4 bis

La Commission examine l’amendement CL 8 de M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Les transferts de compétences opérés conformément à l’accord de Nouméa sont décidés par le congrès à la majorité des trois cinquièmes. Depuis le mois de juillet dernier, le droit civil relève de la compétence de la Nouvelle-Calédonie, mais des conflits de normes sont désormais susceptibles de se produire en cette matière. Mon amendement vise à les résoudre.

M. le rapporteur. Avis défavorable. L’amendement prévoit la signature d’une convention entre l’État et la Nouvelle-Calédonie pour définir les critères de rattachement en termes de statut personnel. Or, selon l’avis du Conseil d’État et la jurisprudence, une telle disposition n’est pas conforme à la Constitution, car ce sujet relève de la loi organique. De plus, nous ne sommes pas en mesure de traiter de cette question sur le fond dans le cadre de l’examen de ce texte.

M. Philippe Gomes. Je suis fort dépité que l’on puisse imaginer renvoyer ce sujet majeur aux calendes grecques !

La mission de la Commission qui s’est récemment rendue en Nouvelle-Calédonie s’est inquiétée sur place de l’effectivité des transferts de compétences – par exemple en matière de sécurité civile au 1er janvier 2014. Il serait cohérent que, une fois de retour à Paris, le législateur donne à la Nouvelle-Calédonie les moyens d’exercer ses prérogatives de la manière la plus efficace possible.

La question des conflits de normes en droit civil a fait l’objet d’un avis unanime du congrès de la Nouvelle-Calédonie et d’une proposition du gouvernement.

Je reconnais que la solution proposée par mon amendement n’est pas conforme à la jurisprudence et que cette question doit être réglée par le Parlement. Dans ce cas, saisissons l’occasion qui nous est offerte ! Nous savons que la loi organique statutaire n’a été modifiée que deux fois en quinze ans ; nous n’allons tout de même pas attendre cinq ans pour résoudre ce problème !

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Pour ma part, je n’ai pas connaissance d’un avis du congrès de Nouvelle-Calédonie sur le sujet. Je rappelle par ailleurs que les parlementaires ont le droit de déposer des propositions de loi organique sans attendre que le Gouvernement agisse.

M. le ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement. Un groupe de travail de la Chancellerie est actuellement à l’œuvre ; il fera des propositions sur le sujet.

Dans son avis d’assemblée du 23 mai 2013, le Conseil d’État a souligné que, désormais, « une même situation juridique sera susceptible de relever de deux législations distinctes émanant de l’État et de la Nouvelle-Calédonie ». Si je partage la préoccupation d’édicter des règles de conflits internes de normes qui détermineront la législation applicable, l’amendement proposé ne me semble en revanche que partiellement acceptable.

Les catégories de rattachement normatif mentionnées apparaissent trop restrictives et ne permettent pas de couvrir l’ensemble des situations juridiques. Ainsi, le champ des compétences transférées le 1er juillet 2013 est limité à cinq items. Non seulement l’amendement méconnaît l’analyse particulièrement complète du Conseil d’État, qui a rendu un avis sur le sujet le 7 juin 2011, mais il omet de prévoir des critères en matière de droit commercial, alors même qu’il se réfère au 4° du III de l’article 21 de la loi organique statutaire. J’ajoute que cette énumération se révèle erronée puisqu’elle crée une catégorie relative aux règles de procédure qui relèvent déjà de la compétence de la Nouvelle-Calédonie en vertu du 18° de l’article 22 de la loi organique.

De plus, l’amendement propose de recourir, de manière contestable, à la convention de l’article 202-1 de la loi organique. Or, dans son avis du 23 mai 2013, le Conseil d’État a précisé qu’une convention « ne saurait être mis(e) en œuvre au lieu et place de la loi organique pour fixer les règles de conflits internes de normes entre l’État et la Nouvelle-Calédonie. Il n’appartient qu’à la loi organique de procéder aux choix qu’impose la détermination de ces règles au regard des mécanismes qu’elles impliquent, qu’il s’agisse de l’élaboration des catégories de rattachement ou de celle des critères de rattachement. Le recours au mécanisme conventionnel de l’article 202-1 ne pourrait intervenir qu’à titre complémentaire, dans la limite des précisions techniques qui seraient apportées aux choix effectués par la loi organique. »

Le législateur organique demeure donc bien seul compétent pour déterminer les critères de rattachement, notamment au vu de l’importance des enjeux.

Dans ces conditions, je suggère à M. Philippe Gomes de retirer son amendement.

M. Philippe Gomes. Je retire mon amendement. Je souhaitais seulement appeler l’attention des députés et du Gouvernement sur un sujet majeur qui doit impérativement être traité au risque d’entraver les transferts de la compétence en matière de droit civil.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL 9 du même auteur.

M. Philippe Gomes. Si les minerais présents dans le sous-sol calédonien étaient considérés comme appartenant à la puissance publique, et non comme des biens privés, jusqu’à ce qu’ils soient extraits et valorisés dans les conditions définies par le code minier de la Nouvelle-Calédonie, les redevances minières – comme la future redevance d’extraction – ne seraient pas des taxes : elles relèveraient du droit domanial. Elles pourraient alors s’appliquer aux deux nouvelles usines, de Vale Inco, au sud, et de Xstrata, au nord, – comme elles s’appliquent à la Société Le Nickel contrôlée par Eramet –, malgré le fait que ces dernières bénéficient d’un protocole de stabilité fiscale leur garantissant qu’elles ne seront redevables d’aucun impôt durant les quinze prochaines années.

Cet amendement permettrait d’assurer un traitement équilibré des trois sociétés minières et métallurgiques calédoniennes.

M. le rapporteur. Nous excéderions nos prérogatives en nous prononçant sur une matière qui a fait l’objet d’un transfert de compétence en faveur de la Nouvelle-Calédonie. Je donnerais en conséquence un avis défavorable à l’amendement s’il n’était pas retiré.

M. Philippe Gomes. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL 10 de M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. S’il ne m’appartient pas de déposer un amendement revenant sur les prérogatives du Parlement en demandant au Gouvernement de procéder par ordonnance, je souhaitais appeler l’attention de l’exécutif sur la nécessaire application de la Charte de l’environnement à la Nouvelle-Calédonie. Cela étant fait, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

TITRE II – DISPOSITIONS RELATIVES AU FONCTIONNEMENT
DES INSTITUTIONS

Chapitre Ier Actualisation de la dénomination du conseil économique et social

Article 5 (art. 153 et 155 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) : Dénomination et compétence du conseil économique, social et environnemental de la Nouvelle-Calédonie

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL 41 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement CL 13 de M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Le texte adopté par le Sénat prévoit que deux membres du conseil économique, social et environnemental de la Nouvelle-Calédonie (CESE) seront « désignés par le comité consultatif de l’environnement en son sein ». Selon une délibération du congrès, cette instance comprend dix acteurs institutionnels et six représentants associatifs – cinq pour les associations ayant pour objet la protection de l’environnement, et un pour les associations ayant pour objet la protection des consommateurs. Il est proposé que les deux membres soient désignés par le comité consultatif de l’environnement en son sein parmi les représentants des associations déclarées ayant pour objet la protection de l’environnement.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le texte adopté par le Sénat peut être complété, mais nous ne souhaitons rien lui retirer.

M. Philippe Gomes. Précisément, monsieur le rapporteur, je ne fais qu’apporter un complément – qui plus est de bon sens – au texte adopté par le Sénat. J’ai bien compris la règle d’airain qui est la vôtre, et je la respecte.

M. le rapporteur. Je reste défavorable à l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL 11 de M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Cet amendement vise à permettre la saisine en urgence du conseil économique, social et environnemental sur les propositions de loi du pays et les propositions de délibération, à l’instar de ce qui est déjà prévu concernant les projets de texte.

M. le rapporteur. Je suis d’autant plus favorable à l’amendement qu’il répond à une demande formulée à l’unanimité par le congrès de la Nouvelle-Calédonie.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Elle examine ensuite l’amendement CL 12 de M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Les nouvelles dispositions prévues par l’article 5 ne devront entrer en vigueur qu’à l’occasion du prochain renouvellement des membres de l’institution.

M. le rapporteur. Favorable. Il s’agit également d’une demande unanime du congrès.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Puis elle adopte à l’unanimité l’article 5 modifié.

Chapitre II Statut de l’élu

Article 6 (art. 125 et 163 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) : Plafond des indemnités mensuelles des membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et des assemblées de province

La Commission est saisie de l’amendement CL 75 du rapporteur.

M. le rapporteur. En contradiction avec la doctrine que je défends depuis le début de nos débats, cet amendement revient sur une disposition adoptée par le Sénat, relative aux indemnités de fonction versées aux membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et aux membres des assemblées de province.

La référence indiciaire fixée en 1999 n’étant plus d’actualité, un nouvel indice a été choisi par le Gouvernement et validé par le Sénat. L’étude d’impact et le travail de Mme la rapporteure de la commission des Lois du Sénat montrent cependant qu’il résulterait de ce choix une augmentation de l’ordre de 1 000 à 1 300 euros par mois pour des rémunérations d’environ 5 000 à 6 000 euros mensuels. Je n’ai pas cru pouvoir accepter une telle progression. Je propose un abattement sur l’indice de référence afin que les augmentations se limitent à 5 % environ – soit 300 euros mensuels – au lieu des 25 % initialement votés.

À mon sens, il serait politiquement malhabile de s’en tenir au texte du Sénat. La presse locale pourrait se focaliser sur cette seule disposition. Nous donnerions un très mauvais signal aux habitants de Nouvelle-Calédonie en persistant dans cette voie.

M. Philippe Gomes. Je constate que le rapporteur foule aux pieds deux de ses règles d’airain : celle qui consiste à préserver les apports du Sénat, et celle qui lui fait demander un avis favorable unanime du congrès avant de se prononcer en faveur d’un amendement.

Cela dit, il faut savoir contourner les règles, et je le félicite d’avoir rompu deux chaînes qui nous empêchaient jusque-là d’avancer pour proposer une disposition qui reçoit mon total soutien. (Sourires.)

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

En conséquence, l’article 6 est ainsi rédigé.

Article 6 bis (art. 78 et 163 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) : Indemnités de fonction du président de la commission permanente du congrès de la Nouvelle-Calédonie et des vice-présidents des assemblées de province

La Commission adopte à l’unanimité l’article 6 bis sans modification.

Après l’article 6 bis

La Commission examine l’amendement CL 15 de M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Cet amendement et les deux amendements suivants, CL 14 et CL 16, visent à rendre pleinement applicables à la Nouvelle-Calédonie les dispositions des textes relatifs à la transparence de la vie publique que l’Assemblée nationale a définitivement adoptés hier.

Il est d’autant plus légitime d’appliquer ces règles aux membres du congrès de la Nouvelle-Calédonie que ce dernier est, en dehors de notre assemblée et du Sénat, la seule institution de la République qui adopte des textes à caractère législatif. Les règles relatives aux présidents des exécutifs locaux doivent également être mises en œuvre.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Malheureusement pour votre amendement, monsieur le député, la jurisprudence de la Commission s’étend au-delà de l’usage du terme « notamment » : elle veut aussi qu’il ne soit pas débattu d’un amendement déjà discuté. Or un amendement identique au vôtre a été déposé lors de l’examen des textes relatifs à la transparence dont j’étais le rapporteur. Après que j’ai donné un avis défavorable, il a été repoussé. Je crains que le vôtre ne subisse aujourd’hui le même sort en vertu de cette jurisprudence dite « Barbemolle ».

M. le rapporteur. Défavorable. La « jurisprudence Barbemolle » vaut pour les trois amendements CL 15, CL 16 et CL 17.

La législation relative à la transparence de la vie politique s’applique à la Nouvelle-Calédonie. Toutefois, il est vrai que le législateur n’est pas allé jusqu’à considérer que la situation des membres du congrès était équivalente à celle des parlementaires nationaux. Il a considéré que ces élus calédoniens relevaient des règles applicables aux membres des assemblées locales.

M. Philippe Gomes. Je regrette que vous fassiez une telle analyse. Alors que la Nouvelle-Calédonie est en voie d’émancipation et qu’elle exerce déjà toutes les compétences, à l’exception de celles, régaliennes et d’ordre public, relatives par exemple à la monnaie, aux relations étrangères ou à la défense, il aurait été normal que les élus calédoniens soient soumis aux mêmes règles de transparence que les parlementaires de la République. La Constitution a consacré le cheminement institutionnel spécifique de la Nouvelle-Calédonie, et la situation des membres du Congrès n’a strictement rien à voir avec celle des élus locaux métropolitains – la responsabilité des premiers est beaucoup plus importante.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL 14 de M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Défendu.

M. le rapporteur. Défavorable. Le dispositif proposé est fondé sur les textes relatifs au non-cumul des mandats qui sont toujours en discussion devant le Parlement et sur lesquels il n’est donc pas encore possible de s’appuyer.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL 16 de M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Défendu.

M. le rapporteur. Défavorable. En matière de déclarations de patrimoine et d’intérêts, M. Gomes souhaite manifestement accorder aux membres des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie un statut différent de celui attribué aux conseillers régionaux et aux conseillers généraux métropolitains, alors que, de façon cohérente, la loi relative à la transparence de la vie publique leur a réservé le même sort.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL 17 de M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Il s’agit de remplacer les dispositions prévues par la loi organique statutaire en matière de déclaration d’intérêts par celles, plus contraignantes, qui viennent d’être adoptées dans les textes relatifs à la transparence de la vie publique.

M. le rapporteur. Défavorable. La « jurisprudence Barbemolle » s’applique à nouveau.

La Commission rejette l’amendement.

Article 7 (art. 138-1 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) : Précision sur l’incompatibilité entre les fonctions de sénateur coutumier et de membre du conseil économique, social et environnemental

La Commission adopte l’article à l’unanimité sans modification.

Article 7 bis (nouveau) (art. 78-1 et 163-1 [nouveaux] de la loi organique n° 99-209 du 19 mars relative à la Nouvelle-Calédonie) : Encadrement de la mise à disposition de véhicules et des avantages en nature au bénéfice des membres du congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL 76 du rapporteur et CL 18 de M. Philippe Gomes.

M. le rapporteur. Il s’agit de transposer dans la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie certaines dispositions adoptées dans la loi relative à la transparence de la vie publique. Cet amendement a le même objet que l’amendement CL 18 de M. Philippe Gomes, dans une rédaction qui a ma préférence.

M. Philippe Gomes. Je retire mon amendement CL 18.

L’amendement CL 18 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL 76.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. La Commission poursuivra l’examen des amendements cet après-midi.

La séance est levée à 13 heures 15

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nathalie Appéré, M. Erwann Binet, M. Jacques Bompard, M. Dominique Bussereau, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Jean-Michel Clément, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Jean-Pierre Decool, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Marc Dolez, M. René Dosière, M. Matthias Fekl, M. Yann Galut, M. Philippe Gosselin, Mme Françoise Guégot, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Bernard Lesterlin, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. François Vannson, M. Patrice Verchère, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. - M. Marcel Bonnot, M. Carlos Da Silva, Mme Laurence Dumont, M. Édouard Fritch, M. Guy Geoffroy, M. Daniel Gibbes, M. Yves Goasdoué, Mme Axelle Lemaire, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Bernard Roman, M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Assistaient également à la réunion. - Mme Chantal Berthelot, M. Hervé Gaymard, M. Philippe Gomes, M. Napole Polutélé, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean-Paul Tuaiva