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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 2 juillet 2014

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 68

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Audition de Mme Adeline Hazan dont la nomination aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté est proposée par M. le président de la République (M. Sébastien Huyghe, rapporteur)

– Vote sur cette proposition de nomination

– Audition de M. Jacques Toubon dont la nomination aux fonctions de Défenseur des droits est proposée par M. le président de la République (M. Guy Geoffroy, rapporteur)

– Vote sur cette proposition de nomination

– Examen de la proposition de loi de M. Jean-Louis Touraine et M. Pierre-Alain Muet relative à la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier de Gerland (Lyon) (n° 2031) et de la proposition de loi de Mme Gilda Hobert relative à la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier de Gerland (Lyon) (n° 2032) (M. Jean-Louis Touraine, rapporteur)

La séance est ouverte à 10 heures.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission procède à l’audition de Mme Adeline Hazan dont la nomination aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté est proposée par
M. le président de la République (M. Sébastien Huyghe, rapporteur).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Madame, je vous souhaite la bienvenue devant la commission des Lois.

Cet exercice est le quatrième auquel nous nous livrons depuis le début de la législature. Nous nous sommes déjà prononcés sur les propositions faites par le président de la République pour la nomination d’un membre du Conseil constitutionnel, du directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et du président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Nous avons également entendu deux personnalités dont le président de l’Assemblée nationale envisageait la nomination au Conseil constitutionnel et à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Le mode de fonctionnement que nous avons adopté en début de législature prévoit, pour ce type d’exercice, la désignation d’un rapporteur. J’ai souhaité que ce rapporteur soit un membre de l’opposition. Je remercie M. Sébastien Huyghe d’avoir accepté cette tâche pour la présente audition, et M. Guy Geoffroy pour celle de M. Jacques Toubon.

Comme Alain Tourret en avait pris l’initiative à l’occasion de l’audition de M. Jean-Louis Nadal, un questionnaire est désormais adressé aux impétrants. Nous avons franchi une étape supplémentaire le 30 juin dernier en mettant en ligne, sur la page du site internet de l’Assemblée nationale réservée à la commission des Lois, les réponses de Mme Adeline Hazan et de M. Jacques Toubon. Ce document, consultable par le public, vaut aussi engagement de la part des candidats sur l’exercice de leurs fonctions.

Un mot concernant l’organisation de ces auditions. Les demandes d’intervention étant nombreuses, je propose que les questions et les réponses soient limitées à deux minutes chacune, et que la personnalité auditionnée réponde immédiatement après chaque question. Par ailleurs, nous procéderons au vote après chacune des auditions, mais le dépouillement n’aura pas lieu aujourd’hui. L’audition de Mme Adeline Hazan et de M. Jacques Toubon au Sénat est en effet prévue le 9 juillet et le scrutin doit être dépouillé au même moment dans les deux assemblées.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Institué par la loi du 30 octobre 2007, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante, est chargé, aux termes de l’article 1er, de « contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux ».

Au moment de la création du Défenseur des droits, le constituant et le législateur s’étaient interrogés sur l’opportunité de maintenir en dehors de son champ de compétences le contrôle des lieux de privation de liberté au bénéfice du Contrôleur général. Grâce au travail remarquable réalisé par M. Jean-Marie Delarue, à qui je souhaite rendre hommage et dont le magistère moral, durant les six années où il a exercé cette fonction, mérite d’être salué, il n’y a plus lieu de s’interroger sur une telle absorption. Au contraire, la spécialisation du Contrôleur général a permis d’en faire, selon les propres termes de M. Delarue, « le thermomètre de l’application des droits fondamentaux des personnes » privées de liberté. Nous avons même, par la loi du 26 mai dernier, consolidé et élargi ses pouvoirs.

Le Contrôleur général est compétent pour s’intéresser à tous les lieux de privation de liberté. Assisté par une équipe de contrôleurs aux profils variés, il a le droit d’obtenir des responsables du lieu privatif de liberté « toute information ou pièce utile à l’exercice de sa mission » et peut s’entretenir en toute confidentialité avec les personnes qu’il juge utile d’entendre.

Le Contrôleur général et ses équipes peuvent par ailleurs visiter les lieux de privation de liberté à tout moment : ces visites, planifiées ou inopinées, ne peuvent être refusées par les autorités responsables que pour des « motifs graves et impérieux » précisément définis par la loi. Depuis 2007, 805 établissements pénitentiaires ont été visités. Les autres lieux privatifs de liberté n’ont pas été négligés : les locaux de garde à vue où se déroulent le plus grand nombre de procédures ont été contrôlés, à défaut d’avoir pu tous être visités. L’institution s’est déplacée dans la totalité des centres éducatifs fermés. À la fin de 2012, 106 des 369 établissements de soins psychiatriques sans consentement avaient fait l’objet d’une visite.

En outre, le Contrôleur général est destinataire de quelque 4 000 lettres par an, portant pour l’essentiel sur les prisons. Ces courriers sont souvent l’occasion de mener des enquêtes sur place.

En plus de son pouvoir général de recommandation, le Contrôleur général dispose du pouvoir de transmettre au procureur de la République tout fait susceptible d’être pénalement poursuivi et aux autorités disciplinaires compétentes les comportements relevant d’une procédure disciplinaire.

C’est ce travail que devra poursuivre la personne désignée pour succéder à M. Jean-Marie Delarue, parfois face à « l’inertie des pouvoirs publics » et au « mauvais vouloir des administrations ». Elle devra se saisir des nouvelles missions qui lui ont été récemment reconnues, comme l’extension de sa compétence au contrôle de l’exécution des mesures d’éloignement des étrangers ou la possibilité de formuler des avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté. Pour ce faire, le Contrôleur général disposera de nouvelles prérogatives. Il pourra demander communication d’un plus grand nombre d’informations – certains procès-verbaux de garde à vue ou de retenue, informations couvertes par le secret médical –, grâce à la protection des personnes avec lesquelles il communique contre toute sanction ou pression, au renforcement du secret de ses correspondances avec une personne incarcérée et à la création d’un nouveau délit d’entrave à son action.

Madame Hazan, les réponses au questionnaire que je vous ai adressé ont été rendues publiques. Plusieurs interrogations demeurent cependant.

Tout d’abord, comment comptez-vous exercer avec une réelle indépendance et une totale impartialité les fonctions de Contrôleur général, compte tenu notamment des responsabilités politiques que vous avez exercées et de votre engagement partisan ? Vous êtes, comme chacun sait, une proche de Martine Aubry, et je ne peux m’empêcher de me demander si cette proposition de nomination n’est pas un moyen de s’attirer les bonnes grâces de celle dont on dit qu’elle serait à la manœuvre dans l’animation des parlementaires récalcitrants. (Vives protestations des commissaires membres du groupe SRC.)

M. Yann Galut. N’importe quoi ! C’est honteux, inadmissible !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le rapporteur est tombé bien bas !

M. Dominique Bussereau. Vous nous avez habitués à pire !

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Du calme, je vous prie.

M. le rapporteur. Ensuite, vous appelez de vos vœux un renforcement des moyens humains et matériels à la disposition du Contrôleur général. Compte tenu des contraintes budgétaires actuelles, nous aimerions en savoir plus à ce sujet.

Enfin, au-delà du projet de loi tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales, quelles seraient vos propositions pour lutter contre la surpopulation carcérale ?

Mme Adeline Hazan. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je souhaite tout d’abord dire à quel point je suis honorée que le président de la République ait proposé mon nom à votre Assemblée pour l’exercice de cette fonction.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, institué par la loi du 30 octobre 2007, est aujourd’hui une des institutions importantes de notre démocratie. Je salue à cet égard le rôle actif que le Parlement a joué dans sa création. Vous avez permis qu’existe désormais dans notre pays une autorité administrative indépendante de prévention et de contrôle qui vérifie l’application des droits fondamentaux des personnes qui, à un moment ou à un autre de leur vie, se trouvent privées de liberté. Il faut rendre un hommage particulier au sénateur Jean-Jacques Hyest, président de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, dont le rapport du 29 mai 2000 posait déjà toutes les questions qui nous occupent et s’est traduit par le dépôt de la proposition de loi relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons, première étape d’un processus qui a abouti à la loi de 2007. Vous avez également rappelé, monsieur le rapporteur, que la loi du 26 mai 2014 étend les pouvoirs et les compétences du Contrôleur général.

Par la création de cette institution, la France s’est mise en conformité avec les textes internationaux, notamment le protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 2002.

Il appartiendra à votre Commission de décider si elle confirme le choix fait par le président de la République, c’est-à-dire de juger si je présente les qualités et les compétences nécessaires à l’exercice de ces fonctions.

Si cette mission représente à mes yeux un enjeu primordial, c’est d’abord parce que la défense des libertés et des droits fondamentaux est le fil conducteur de ma vie professionnelle, associative, syndicale, élective et citoyenne. C’est pour cette raison que j’ai choisi de m’engager dans la magistrature : aux termes de la Constitution du 4 octobre 1958, l’autorité judiciaire est « gardienne de la liberté individuelle » et « assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Là est toute la grandeur de la fonction de magistrat, que j’ai eu l’honneur d’exercer pendant une longue période et à laquelle je suis revenue récemment, après la fin du détachement dont j’ai bénéficié lorsque j’étais maire et présidente de la communauté d’agglomération de Reims.

C’est pour cette raison aussi que j’ai choisi, pour ma première affectation, un poste de juge d’application des peines à Châlons-sur-Marne, puis, de 1983 à 1990, un poste de juge des enfants. Parmi les fonctions très variées qu’offre la magistrature, celles-ci présentaient à mes yeux l’intérêt primordial de se trouver aux confins du droit, de la psychologie et du secteur social.

À partir de 1990, j’ai exercé plusieurs fonctions interministérielles, d’abord comme chargée de mission au secrétariat général à l’intégration, instance qui était à l’époque placée auprès du Premier ministre, puis, pendant cinq ans, comme directrice d’un des quatre pôles de la délégation interministérielle à la ville, celui consacré à la prévention de la délinquance et à la citoyenneté, où j’ai eu le grand honneur de travailler aux côtés de Jean-Marie Delarue. Entre 1997 et 1999, j’ai effectué deux années au cabinet de la ministre de l’Emploi et de la solidarité. Ces expériences m’ont permis de me familiariser avec les rouages de l’État.

J’ai ensuite exercé deux mandats de députée européenne, de 1999 à 2008. Durant ces neuf années, j’ai choisi de siéger à la commission des Libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures. J’ai notamment travaillé sur la construction de l’espace judiciaire européen et j’ai été rapporteure de la recommandation du Parlement européen à l’intention du Conseil sur l’évaluation du mandat d’arrêt européen, en date du 15 mars 2006. Pour mon groupe politique, j’ai également été rapporteure de la directive dite « Retour », visant à harmoniser les conditions de retour des personnes devant repartir dans leur pays.

Étant opposée au cumul des mandats, j’ai démissionné de mon mandat européen en mars 2008, juste après mon élection à la mairie de Reims et à la présidence de la communauté d’agglomération rémoise. Dans ces nouvelles fonctions, j’ai travaillé en partenariat très étroit avec les autorités judiciaires, la police et les représentants de l’État sur de nombreuses questions, notamment celles de la prévention de la délinquance et de la sécurité. J’ai également présidé le conseil de surveillance du centre hospitalier universitaire de Reims, ce qui m’a permis de connaître la condition des personnes hospitalisées sous contrainte. En tant que maire, j’ai eu aussi la lourde charge de prendre des décisions de placement sous contrainte en urgence.

Telles sont les expériences qui, je crois, m’ont préparée à l’exercice de la mission pour laquelle ma nomination est proposée.

Je veux ensuite rendre un hommage sincère au remarquable travail réalisé par Jean-Marie Delarue. Nommé Contrôleur général par décret du 13 juin 2008, c’est lui qui a mis en place cette institution. Pour l’avoir entendu à de nombreuses reprises, vous savez que sa personnalité ne peut qu’inspirer le plus grand respect, tant par la multiplicité de ses expériences professionnelles que par son dévouement total au service de la démocratie. Pour installer l’institution, il s’est entouré d’une équipe pluridisciplinaire et très diversifiée. Il a effectué un gigantesque travail de terrain, visitant pendant la durée de son mandat 900 établissements – la totalité des établissements pénitentiaires et des centres éducatifs fermés, ainsi que les centres de rétention administrative et de nombreux hôpitaux psychiatriques. Par son exigence, son indépendance, son impartialité, mais aussi par son obstination, il a su devenir un interlocuteur privilégié des personnes privées de liberté, des personnels et des instances parlementaires et gouvernementales. Grâce à lui, l’enfermement est une question qui a désormais sa place dans le débat public. Pour reprendre son expression, il a « donné à voir l’invisible ». Il a également pensé la privation de liberté comme personne ne l’avait sans doute encore fait. Le seul regret que l’on puisse émettre est qu’il n’ait pas été suffisamment écouté par les autorités administratives et gouvernementales.

Quoi qu’il en soit, tous ses rapports, avis et recommandations répondent à un très grand souci d’équilibre entre le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, le besoin de les impliquer, et les exigences liées à l’exercice de la fonction publique.

Je souhaite m’inscrire dans la continuité de cette action, en poursuivant le travail de terrain, les visites d’établissements, les rencontres avec les personnes privées de liberté et les personnels – je tiens à souligner combien la tâche de ces derniers est difficile – et en proposant des modifications réglementaires et législatives. Je me félicite, à cet égard, des relations exceptionnelles que Jean-Marie Delarue a nouées avec le Parlement.

Permettez-moi de conclure en citant une phrase devenue célèbre, même si elle est d’attribution incertaine : « On reconnaît une démocratie à la façon dont elle traite les détenus. » et, plus globalement, aux personnes privées de liberté. Si le Parlement veut bien confirmer le choix du président de la République, ce sera pour moi un immense honneur et je m’efforcerai d’accomplir au mieux cette tâche difficile et exaltante.

Mme Laurence Dumont. Le président de la République nous propose votre candidature à la succession de M. Jean-Marie Delarue, qui a installé l’institution, affirmé son indépendance et donné une assise et une portée incontestable à ses travaux. Comme le rapporteur et vous-même, je veux ici le remercier pour le travail accompli pendant ces six années.

L’enjeu de la présente audition est la nomination d’une personnalité capable de maintenir cette indépendance – je n’ai aucun doute à cet égard et je regrette vivement les propositions du rapporteur –, de mener les contrôles dans l’ensemble des établissements concernés en dépit des réticences et des entraves parfois constatées, et de hausser le ton face aux ministères et aux administrations chargées de ces établissements afin d’obtenir des réponses aux questions posées et, surtout, afin qu’ils réalisent les actions préconisées. Il s’agit enfin de se montrer habile gestionnaire des ressources humaines pour mener à bien l’ensemble des missions incombant au Contrôleur général.

Votre formation et votre parcours professionnel, syndical et politique ne laissent aucun doute quant à vos compétences et connaissances pour occuper ce poste. Ce qui nous importe, dès lors, est la vision que vous avez de votre mission et les objectifs et les priorités que vous vous fixez pour l’accomplir.

Vos réponses au questionnaire du rapporteur et votre propos introductif montrent que vous souhaitez vous inscrire dans une certaine continuité par rapport à l’action de M. Delarue. Mais nous avons voté en mai dernier – en dépit de l’abstention de l’opposition, que je regrette – de nouvelles attributions et un élargissement du champ d’investigation du Contrôleur général. Pour mettre en œuvre ces dispositions, vous souhaitez réduire le délai qui s’écoule entre les visites et la publication de ses avis et mettre en place une cellule de veille qui assurera le suivi de ses recommandations. Avez-vous d’autres éléments à nous soumettre concernant la diffusion des recommandations au plus près des établissements concernés et la protection, prévue par la loi du 26 mai dernier, des interlocuteurs du Contrôleur général ? Comment celui-ci pourrait-il mieux se faire entendre ? Comment élargir l’origine des saisines, en les ouvrant notamment aux professionnels du droit et aux associations ? Enfin, quelles sont vos intentions s’agissant de la coordination entre le Contrôleur général et les autres autorités administratives indépendantes, au premier rang desquelles le Défenseur des droits ? Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur Guy Geoffroy, M. Toubon parle de « compétence concurrente » entre les deux institutions, tout en s’efforçant de tracer une solution.

Mme Adeline Hazan. Je souhaite en effet m’inscrire dans la continuité de l’action de Jean-Marie Delarue et reprendre les méthodes qu’il a mises en place. Cela dit, la loi du 26 mai 2014 donne de nouvelles attributions au Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je m’emploierai à mettre ces dispositions en vigueur, notamment en matière de suivi des reconduites à la frontière – ce qui nécessitera, soit dit en passant, la création de quelques postes supplémentaires.

Jean-Marie Delarue ne fait pas mystère des problèmes rencontrés lors de son mandat : non seulement l’absence de suivi suffisant de ses recommandations de la part des autorités gouvernementales, mais aussi le délai excessif – plusieurs mois, voire plusieurs années – entre l’achèvement des rapports du Contrôleur général et leur remise auxdites autorités. C’est pourquoi je prévois de créer en interne une commission de suivi et d’évaluation qui s’assurera de la bonne transmission des avis, recommandations et rapports, et de la suite qui leur sera donnée. Le Contrôleur général a produit beaucoup de documents. Sans doute faut-il s’interroger sur la manière de regrouper certaines réflexions en fonction des régions concernées ou des thèmes abordés, de manière à mieux centraliser les réponses. Cependant, Jean-Marie Delarue n’a pas manqué de formuler immédiatement des recommandations et de saisir les ministres pour faire face à des situations d’urgence, par exemple au centre pénitentiaire des Baumettes et dans différents centres éducatifs fermés.

Quant à la question récurrente d’une éventuelle fusion avec le Défenseur des droits, vous l’avez déjà tranchée et avez confirmé votre position en renforçant les compétences du Contrôleur général par la loi du 26 mai 2014. S’il avait été question de fusionner les deux instances, je ne pense pas que le législateur aurait pris une telle initiative !

Au reste, on ne peut parler de concurrence entre les deux autorités. Si le Défenseur des droits et le Contrôleur général interviennent tous deux dans des différends entre les citoyens et l’administration, le second dispose, à la différence du premier, du pouvoir de s’autosaisir, de décider seul de la visite des établissements dont il souhaite examiner le fonctionnement, de mener des entretiens avec les personnes privées de liberté et les surveillants, et de faire ensuite des propositions. C’est là, à mon sens, que se trouve la véritable différence. Le Contrôleur général des lieux de privation doit pouvoir visiter les établissements à tout moment, car il doit en avoir une vision d’ensemble.

J’ai lu comme vous les propos de M. Jacques Toubon en faveur d’une amélioration de l’articulation entre les deux autorités. Rappelons néanmoins qu’une convention en ce sens a été passée, à l’initiative de Jean-Marie Delarue, dès l’installation du Défenseur des droits en 2011. Si le Parlement confirme ma nomination, il sera de mon devoir d’examiner avec le nouveau Défenseur des droits les effets de cette convention et de l’actualiser si cela semble nécessaire.

M. Alain Tourret. Au nom du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je salue la hauteur de vues dont vous faites preuve.

Je souhaiterais tout d’abord connaître votre opinion au sujet du numerus clausus dans les prisons. L’introduction d’une telle disposition, soutenue en son temps au sein de cette commission par M. Jean-Pierre Michel, a été très attaquée par les conservateurs.

Vous savez par ailleurs que je me préoccupe beaucoup de la situation des femmes en prison. L’Assemblée nationale a récemment adopté à l’unanimité un de mes amendements imposant à l’administration de prendre toutes les dispositions utiles afin qu’aucune femme enceinte ne puisse être placée ou maintenue en détention au-delà de la douzième semaine de grossesse. De même, un aménagement de la peine devrait être prévu pour la période des dix-huit mois qui suivent l’accouchement. Pour les humanistes que je représente, la situation de ces femmes et de ces enfants est insupportable. Quelle est votre position à ce sujet ?

Mme Adeline Hazan. Le numerus clausus fait l’objet de nombreux débats depuis quinze ou vingt ans. Après mûre réflexion, je considère que son introduction contreviendrait au principe de l’individualisation des peines. Elle aurait pour conséquence de faire sortir le détenu qui approche le plus de la fin de l’exécution de sa peine pour permettre d’en incarcérer un autre. Ce mécanisme me semble par trop automatique.

En revanche, il conviendrait que les autorités, notamment judiciaires, aient une connaissance exacte du nombre de détenus incarcérés dans les établissements pénitentiaires de leur ressort, ce qui n’est pas toujours le cas. Et surtout, comme le suggèrent la loi pénitentiaire de 2009 et l’actuel projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines, les peines alternatives à la détention doivent être développées de manière à produire leur plein effet. Aujourd’hui, pour 68 500 personnes détenues, 14 000 bénéficient d’un aménagement de peine. La contrainte pénale permettra, je l’espère, d’améliorer cette proportion.

En ce qui concerne les femmes, j’approuve les récentes dispositions qui viennent d’être votées et qui offrent aux femmes enceintes ou venant d’accoucher un statut plus protecteur.

M. Patrice Verchère. Votre prédécesseur, M. Delarue, envisageait d’étendre son contrôle aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Il estimait en effet que nombre de ces établissements sont fermés pour garantir la protection des personnes âgées dépendantes, lesquelles sont donc, de fait, privées de liberté. Selon lui, le contrôle des EHPAD permettrait d’améliorer la transparence de leur gestion et rassurerait les familles ainsi que les associations de malades. Qu’en pensez-vous ?

Mme Adeline Hazan. L’extension de la compétence du Contrôleur général aux EHPAD est une question très complexe. Si elle a été exclue dans un premier temps, c’est que la loi donne au Contrôleur général compétence sur les personnes privées de liberté par une autorité publique, ce qui n’est pas le cas des personnes séjournant en EHPAD. Cela étant, nous pouvons d’autant moins ignorer qu’il existe dans les EHPAD des unités fermées et des restrictions de liberté que le vieillissement de la population rend la question de plus en plus cruciale. Il me paraît donc indispensable de reprendre le débat avec le Parlement et le Gouvernement, afin d’envisager, dans un premier temps, une expérimentation.

Mme Marietta Karamanli. Quelle est votre position sur les possibles mesures de rétorsion à l’égard des personnes privées de liberté ? Votre prédécesseur s’affirmait attentif à ce que l’administration désavoue toute action ou tout fait de cette nature. Il avait souligné à plusieurs reprises la nécessité d’inscrire dans la loi l’article 21 du protocole des Nations unies sur la protection des personnes donnant des informations au Contrôleur.

Votre prédécesseur était par ailleurs favorable à un très strict respect du secret professionnel auquel sont soumises les professions médicales. Cependant, face à la difficulté à tracer certaines décisions médicales, notamment dans les cas de mise à l’isolement, et devant la nécessité de mieux contrôler l’adéquation entre les soins reçus et la pathologie, il s’était interrogé sur l’opportunité de lever le secret médical au seul profit du Contrôleur et en l’assortissant de conditions. Qu’en pensez-vous ?

Mme Adeline Hazan. Jean-Marie Delarue regrettait à juste titre que l’article 21 du protocole des Nations Unies n’ait pas été repris dans la loi de 2007. La loi de mai 2014 règle la question en instaurant un délit, puni d’une amende.

La question du secret médical me paraît également réglée par la loi de mai 2014 qui autorise, d’une part, la levée du secret médical, sous réserve que le patient l’autorise, et permet, d’autre part, aux contrôleurs, si toutefois ils sont médecins, d’accéder au dossier médical. C’est la raison pour laquelle, si vous confirmez le choix du président de la République, j’aurai à recruter un médecin.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Quelles seraient vos recommandations pour améliorer la situation des femmes – détenues, mais également surveillantes – et des mineurs en milieu carcéral, en particulier les relations entre les gardiens et ceux-ci ?

Mme Adeline Hazan. L’incarcération des femmes appelle en effet des réponses particulières et une approche spécifique. Des progrès restent à faire, notamment en matière de formation des surveillants.

Quant aux mineurs, il s’agit d’un problème dont l’administration pénitentiaire ne s’est jusqu’à présent pas suffisamment préoccupée. Si l’incarcération des mineurs doit évidemment rester exceptionnelle, un mineur ne peut être traité en prison comme un adulte et la prévention de la récidive comme les mesures de préparation à la sortie revêtent dans son cas une importance toute particulière. J’ajoute que de très nombreux centres éducatifs fermés n’ont aucun projet éducatif et que leurs personnels sont souvent insuffisamment formés pour encadrer des mineurs difficiles.

M. Philippe Goujon. Tous s’accordent à reconnaître l’autorité morale et l’indépendance avec laquelle votre prédécesseur aura exercé ses fonctions ; il a placé la barre très haut.

Vous dites vouloir faire de la nouvelle compétence du Contrôleur général en matière d’exécution des mesures d’éloignement forcé d’étrangers en situation irrégulière l’une de vos priorités. Ces mesures vont beaucoup plus loin que les directives européennes et sont susceptibles de créer des différences de traitement entre les éloignements forcés visés par le règlement Dublin II et les réadmissions dans les pays d’origine. L’impossibilité de garantir l’exécution d’un contrôle sur des procédures qui n’en nécessitaient pas jusqu’alors introduit un risque juridique nouveau de non-conformité, qui pourrait être soulevé par les intéressés devant un juge des libertés et de la détention, et conduire à l’annulation de ces procédures. Vous éludez par ailleurs l’aspect budgétaire de la question, sachant que votre prédécesseur avait dû renoncer aux déplacements outre-mer. Cette priorité que vous voulez accorder au suivi des étrangers en situation irrégulière éloignés par décision judiciaire, alors même qu’ils ne passeront que quelques minutes dans l’espace aérien français, va-t-elle se refléter dans vos choix budgétaires ?

J’aimerais par ailleurs connaître votre opinion sur l’utilisation des téléphones portables et des communications électroniques en détention, dont l’autorisation éventuelle suscite l’inquiétude des magistrats, des policiers et des personnels pénitentiaires.

Mme Adeline Hazan. La loi de mai 2014 a élargi les compétences du Contrôleur général au contrôle de la reconduite à la frontière, dans sa phase postérieure à la rétention administrative. Ce n’est pas une tâche facile et elle requiert nécessairement la création de deux ou trois postes de contrôleurs supplémentaires – Jean-Marie Delarue, dont je salue ici la rigueur de gestion, avait déjà fait des demandes à Bercy en ce sens –, car les personnels actuellement en fonction ne pourront assumer, en plus de leurs tâches actuelles, le suivi des reconduites à la frontière. Nous devons au départ nous fixer des objectifs modestes, se limitant à quelques contrôles par an. Ces derniers ne me paraissent présenter aucun risque juridique, puisqu’ils sont prévus par la loi. Quant à mes choix budgétaires, ils refléteront en effet mes priorités.

L’autorisation des téléphones portables en milieu pénitentiaire est une question éminemment sensible. Elle m’amène à évoquer au préalable la question plus générale du téléphone en prison. Si l’usage du téléphone est permis sous conditions – limitation des numéros autorisés, écoute possible des communications par l’administration, à l’exception des conversations avec les avocats ou les autorités judiciaires –, des progrès doivent être faits, notamment en matière de localisation de ces téléphones afin de garantir au détenu une plus grande intimité. C’est d’autant plus important que le maintien des relations familiales est l’une des conditions de la réinsertion.

La prolifération des technologies modernes pose ensuite évidemment la question de l’utilisation des téléphones portables. Nous devons trouver une solution qui, tout en ne troublant pas l’ordre public, soit favorable aux détenus. Ma réponse est volontairement vague, car nous devons poursuivre la réflexion avec l’administration et le Parlement avant d’autoriser l’emploi encadré des téléphones cellulaires en prison.

M. François Vannson. Vous avez évoqué la nécessité de mobiliser de nouveaux moyens ; qu’entendez-vous par là et pensez-vous que cela soit compatible avec les difficultés budgétaires que connaît le pays ?

Ne pensez-vous pas qu’allouer des moyens supplémentaires à la création de nouvelles places de prison pour permettre l’incarcération des détenus dans de meilleures conditions va également dans le sens de votre mission ?

Mme Adeline Hazan. Mon expérience au sein de structures ministérielles ou interministérielles et ma récente expérience à la tête d’une grande ville m’incitent au pragmatisme en matière budgétaire. Dès lors cependant que la loi de mai 2014 confère au Contrôleur des missions nouvelles, il n’est pas pensable qu’elles puissent s’exercer à effectifs constants.

M. Georges Fenech. Vous avez été, entre 1986 et 1990, présidente du Syndicat de la magistrature, lequel avait adopté en 1985 une motion en faveur de l’abolition de toute forme d’emprisonnement. Il m’importe donc de connaître votre opinion personnelle sur le rôle de la prison dans une société. La jugez-vous utile, notamment pour les courtes peines ? Avez-vous l’intention de favoriser la construction de places nouvelles, sachant que les conditions de détention sont, dans notre pays, proprement indignes ? Nous disposons actuellement de quelque 58 000 places de prison contre 96 000 pour le Royaume-Uni et, contrairement à ce que prétend la garde des Sceaux, ce n’est pas de surpopulation carcérale dont nous souffrons, mais de sous-équipement : notre taux d’incarcération est en effet de 98 pour 100 000 habitants, quand la moyenne européenne se situe à 117 pour 100 000.

Mme Adeline Hazan. Vous avez évoqué une époque où vous-même présidiez le syndicat adverse de celui que je présidais il y a trente ans…

Un commissaire membre du groupe SRC. Un syndicat d’extrême droite !

Mme Adeline Hazan. Voilà, ce n’est pas moi qui l’ai dit…

M. Dominique Bussereau. Comment cela, « voilà qui est dit » ?

Mme Adeline Hazan. J’ai dit « ce n’est pas moi qui le dit ». Je n’ai pas dit « voilà qui est dit ». Il s’agit simplement de rappeler qu’il y a plusieurs périodes dans une vie et que M. Fenech et moi-même avons été responsables à la même époque de syndicats qui ne défendaient pas les mêmes options. Cela ne m’a pas empêchée par la suite de m’acquitter des missions qui m’étaient confiées avec la plus grande impartialité, de même que je ne doute pas que M. Fenech soit le député de tous les habitants de sa circonscription. Je précise par ailleurs que j’ai présidé le Syndicat de la magistrature de décembre 1986 à décembre 1990, quand la motion dont il a été question remonte à 1985. Je ne puis donc en être tenue pour comptable.

Quant à mon opinion sur les prisons, je ne suis pas pour leur abolition, car penser une société sans lieu où garder les détenus sous contrainte me paraît une utopie. Cela ne m’empêche pas de considérer la prison comme le dernier recours. Tel est d’ailleurs le sens de la dernière loi pénitentiaire que vous avez votée et qui précise que la prison n’a pas seulement pour vocation de protéger la société, mais également de réinsérer les détenus et de prévenir la récidive. J’ajoute que, pour faire face à la surpopulation carcérale – 10 000 détenus de plus que le nombre de places –, il est indispensable de construire des prisons nouvelles, en évitant l’inflation carcérale qui inciterait les magistrats à multiplier les peines d’emprisonnement plutôt que des peines alternatives.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Madame Hazan, nous vous remercions pour vos réponses. Je vais vous raccompagner.

J’invite le public à quitter la salle afin que la Commission puisse statuer et voter. Le dépouillement aura lieu en même temps qu’au Sénat.

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Délibérant à huis clos, la Commission se prononce par un vote au scrutin secret dans les conditions prévues à l’article 29-1 du Règlement, sur la nomination envisagée par M. le président de la République, de Mme Adeline Hazan aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

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Puis la Commission procède à l’audition de M. Jacques Toubon dont la nomination aux fonctions de Défenseur des droits est proposée par M. le président de la République (M. Guy Geoffroy, rapporteur).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. La Commission va maintenant procéder à l’audition de M. Jacques Toubon, dont le président de la République envisage la nomination aux fonctions de Défenseur des droits.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Avant toute chose, comment ne pas avoir, en cet instant, une pensée pour Dominique Baudis, qui fut un grand Défenseur des droits et dans la lignée duquel Jacques Toubon aura, je n’en doute pas, à cœur de s’inscrire ?

Le Défenseur des droits occupe une place singulière dans le paysage des autorités indépendantes, d’abord parce qu’il incarne la seule autorité constitutionnelle. Singulière est également l’ampleur de ses missions, puisque le Défenseur succède en les réunissant à quatre autorités : le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). Il assure non seulement la défense des droits et libertés dans les relations avec le service public, mais aussi la défense et la promotion des droits de l’enfant ; il lutte contre toutes les discriminations et veille au respect de la déontologie dans le domaine de la sécurité.

Le Défenseur se distingue également par le nombre et la diversité des requérants fondés à le saisir : toute personne, physique ou morale – y compris les enfants et les ayants droit –, qui s’estime lésée dans ses droits et libertés ou victime de discrimination, le tout à l’encontre des agissements de personnes publiques ou privées, contre lesquelles le Défenseur peut également se saisir d’office.

Il faut souligner enfin l’étendue de ses pouvoirs, qui vont de la conciliation à un pouvoir d’accompagnement vers des sanctions. Le Défenseur dispose pour cela de larges moyens d’information – demandes d’explications, auditions, convocations, demandes d’étude au Conseil d’État ou à la Cour des comptes, contrôles sur pièces et sur place et possibilités de mise en demeure – et d’importants pouvoirs d’action – médiation et résolution amiable des différends, transaction, injonction, saisine du procureur de la République ou des autorités disciplinaires, saisine des autorités locales compétentes. Il est enfin une force de proposition et peut recommander des modifications législatives et réglementaires, lancer des actions de communication et d’information, le tout à travers les rapports qu’il publie. Ajoutons que le Défenseur, assisté de trois collèges spécialisés pilotés par un adjoint vice-président, peut s’appuyer sur un réseau de délégués bénévoles sur le territoire.

Cette institution, qui a fait la preuve de son efficacité se trouve aujourd’hui confrontée à de nombreux défis. En près de trois ans, Dominique Baudis est parvenu à donner visibilité et autorité à la fonction de Défenseur des droits. Pour contrer la « violence institutionnelle » générée par la société actuelle, « ses rouages administratifs, ses normes, ses modalités de fonctionnement perçues comme difficilement accessibles, ne remplissant pas aussi souvent qu’ils le devraient leur rôle de protection auprès de nos concitoyens, en particulier les plus démunis », il a multiplié les initiatives, qu’il conviendra de poursuivre.

Dans une société marquée par un besoin d’immédiateté, assorti d’un défaut d’écoute généralisé et d’un certain repli sur soi – déjà souligné par Jean-Paul Delevoye –, les occasions de défense et de promotion des droits et libertés des individus se trouvent multipliées. Constituent également de grands défis la prise en considération de nos concitoyens dans toutes leurs déclinaisons, notamment en tant qu’usagers des services publics de l’État et des collectivités territoriales, et les nécessaires progrès à réaliser dans la lutte contre les discriminations de tous types, en particulier en matière de protection de l’enfance en danger et de sécurité.

Au cours de l’année 2013, la dernière année pleine, on a compté plus de 100 000 demandes d’intervention ou de conseil adressées au Défenseur des droits, dont 78 000 dossiers de réclamation et 32 000 appels aux plateformes téléphoniques. La désignation du Défenseur des droits est donc lourde de conséquences pour nos concitoyens. Je tiens à saluer la décision du président de la République de ne pas s’en être remis à des considérations qui, quoique légitimes, procéderaient d’une orientation partisane, mais d’avoir plutôt choisi une personnalité, une expérience, une compétence, un engagement. Je remercie M. Toubon d’avoir fourni des réponses approfondies et de qualité aux questions que je lui avais adressées par écrit et, si certaines d’entre elles méritent d’être complétées, nous sommes là pour cela aujourd’hui.

La proposition du président de la République a entraîné des réactions de surprise, et parfois un rejet affiché, de la part de certains de nos concitoyens et de nos collègues. Vous aurez l’occasion de répondre à chacun, comme je sais que vous avez à cœur de le faire. Pour ma part, j’ai également souhaité me référer aux déclarations que vous avez pu faire lorsque vous étiez parlementaire, afin de montrer que la teneur de vos interventions, à mon sens insuffisamment connues, attestait très souvent d’une réalité bien différente du portrait que vos opposants veulent faire de vous. Je ne vous poserai qu’une seule question, en rapport avec ce que je viens de dire : quelle a été votre réaction lorsque vous avez pris connaissance de la proposition du président de la République ? Avez-vous été surpris par l’honneur qui vous était fait en vous proposant d’accéder à cette très haute fonction de Défenseur des droits ?

M. Jacques Toubon. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la confiance que me fait le président de la République m’honore et je vous remercie toutes et tous de prendre part à cette audition. Avant mon propos liminaire, je veux avoir une pensée affectueuse et reconnaissante pour Dominique Baudis, qui restera le bâtisseur du Défenseur des droits. Je ferai d’abord quelques mises au point sur des sujets, pour la plupart anciens, qui m’ont valu en leur temps de vives attaques publiques, puis j’exprimerai mes convictions et présenterai l’orientation que je souhaite donner à la fonction.

Reprenant quelques-uns de mes votes parlementaires et de mes actes ministériels, beaucoup m’ont dénoncé comme illégitime et incompétent. Je respecte leur opinion, mais je dis qu’elle n’est pas fondée. S’agissant de positions prises il y a plus de vingt ou trente ans, dans un contexte social fort différent et sur des sujets où l’esprit public et la classe politique ont sensiblement évolué, je ne suis pas sûr que ces critiques ne soient pas entachées d’une certaine dose d’anachronisme intellectuel. Je ne suis pas l’homme que certains disent. La vie politique a des exigences partisanes qui entraînent à des propos et à des attitudes qui nous caricaturent, et que souvent l’on regrette quand on connaît vraiment les enjeux. Ici et maintenant, je vous dirai ma vérité.

Abolitionniste de raison et de cœur, j’ai fait campagne en 1981 derrière Jacques Chirac lorsqu’il s’est prononcé pour l’abolition de la peine de mort devant les électeurs. Comme lui et quinze autres députés du Rassemblement pour la République (RPR), j’ai voté l’article 1er du projet de loi abolissant la peine de mort en France. Je n’ai cependant pas voté pour l’ensemble du texte, car notre proposition d’une peine de remplacement avait été rejetée par Robert Badinter.

Pour ce qui est de l’abrogation de l’article 331 du code pénal, qui discriminait les relations homosexuelles avec un mineur de dix-huit ans, et d’autres lois des années quatre-vingt qui ont engagé la lutte contre les discriminations, j’ai opté, comme la totalité de l’opposition, pour un vote négatif à caractère politique, où toutes les convictions étaient confondues. La mienne était, et reste plus que jamais, que la sexualité relève d’un choix de vie que chacun et chacune doit pouvoir faire en toute liberté, et que la nécessaire indifférence de la société à l’égard des comportements individuels implique l’égalité en droit de toutes et tous. Aussi bien, quand j’ai exposé en 1995, en tant que ministre de la Justice, la position du gouvernement sur le PACS, l’expression « contraire à l’ordre public » n’avait aucun caractère de jugement moral. Elle faisait référence à une notion fondamentale de notre édifice juridique, « l’ordre public », qui désigne l’ensemble des règles d’intérêt général régissant la vie en société et ne pouvant être contournées, même par un contrat.

Quant aux droits des femmes, dans les débats de fin 1992 relatifs au harcèlement sexuel ou à diverses mesures d’ordre social, j’ai présenté des arguments de caractère juridique et technique, insistant notamment sur les réponses qu’apportait déjà le code pénal. Sur le fond, j’ai marqué mon accord avec les dispositions proposées. Comment aurais-je pu, par exemple, soutenir les commandos anti-avortement alors que, maire du 13e arrondissement, j’ai à maintes reprises demandé à la police d’évacuer les assaillants de la clinique Jeanne d’Arc de la rue Ponscarme ! À cet égard, je reconnais avoir commis une erreur – que je regrette – en n’excluant pas de l’amnistie au quantum de 1995 les personnes condamnées pour de tels faits d’entrave.

En ce qui concerne la loi Gayssot de 1990, en m’y opposant, je n’ai certes pas entendu exonérer le négationnisme, mais voulu souligner deux arguments que le Parlement retrouvera pour d’autres lois mémorielles : la crainte de donner la vedette dans le prétoire aux négationnistes eux-mêmes et le refus de voir la loi, donc la majorité politique, faire l’histoire. L’histoire est ou n’est pas ; aux historiens, et à eux seuls, de la découvrir et de la faire connaître. D’où, aussi, mon soutien à Jacques Chirac lorsqu’il a fait annuler l’article de la loi de 2005 relatif à l’enseignement des apports positifs de la colonisation.

En somme, voilà ce que je ne suis pas. Alors, qu’ai-je pensé et qu’ai-je fait au long de cette « vie pour la République » ? Les exemples, les « petits faits vrais », comme disait Stendhal, que je vais vous raconter, seront pour certains d’entre vous inédits ou surprenants. Ils ont pourtant constitué mon apport réel au droit, à la justice, à la culture et, peut-être, à l’harmonie sociale.

En tant que conseiller technique au cabinet de Jacques Chirac, Premier ministre, chargé des affaires constitutionnelles, de la justice et de l’outre-mer, j’ai préparé la loi fondatrice du 11 juillet 1975 instituant le divorce par requête conjointe, sans faute et sans responsabilité. Quel nouvel espace de liberté ! Dans le même temps, j’ai suivi les réformes constitutionnelles voulues par le président Giscard d’Estaing, notamment l’abaissement de la majorité civile à dix-huit ans et l’ouverture aux parlementaires de la saisine du Conseil constitutionnel, et soutenu, dans les couloirs, la magnifique Simone Veil qui présentait la loi dépénalisant l’avortement.

Député, membre de votre commission des Lois, j’ai participé à tous les débats autour du code pénal et du code de procédure pénale, souvent d’accord avec les rapporteurs socialistes. La présidence de la commission des Lois que j’ai occupée en 1986 et 1987 a été marquée par l’adoption de notre législation antiterroriste. Fondée sur une procédure judiciaire, la procédure pénale, elle est protectrice des droits fondamentaux. Ma réflexion sur les questions de sécurité, je l’ai exposée dans Pour en finir avec la peur, un livre paru en 1984. M’efforçant à la nuance et à l’exactitude, en une période où ces questions étaient l’objet de discours antagonistes et simplificateurs, je proposais que la politique de sécurité échappe à la polémique politique et bénéficie d’une trêve. Je n’ai pas changé d’opinion, et je voudrais être sûr que nous ayons fait des progrès dans ce sens.

À la fin de la législature en 1992, j’ai joué un rôle déterminant dans le relatif consensus sur les lois d’éthique biomédicale – procréation médicalement assistée, greffes, épidémiologie, des sujets neufs pour le Parlement à l’époque –, et j’ai soutenu les projets du gouvernement. Mon explication de vote du 25 novembre 1992 résume un peu ma philosophie de l’action politique : « La démocratie, c’est l’information, le questionnement, le doute – comme pour la science –, le respect de la minorité, l’expression de nos valeurs. Ce débat a été un exemple de démocratie. »

Au ministère de la Justice, certains considèrent que mon rôle se serait borné à faire envoyer un hélicoptère dans l’Himalaya. Outre que cette affaire a impliqué d’autres acteurs de l’État que la Chancellerie, et que je n’ai jamais empêché l’ouverture de l’information judiciaire, son évocation est fort commode pour occulter le fait que, place Vendôme, j’ai fait avancer le droit et les droits. Je tiens à rappeler que je suis celui qui a introduit en France, jusque-là à la traîne de l’Europe, le second degré de justice criminelle. J’ai fait voter en première lecture au Sénat un projet de loi qui instituait un tribunal criminel et une cour d’assises d’appel, supprimait le passage en chambre de l’instruction, prévoyait la motivation des jugements criminels et l’abaissement à dix-huit ans de l’âge des jurés.

C’est le gouvernement Jospin qui inscrira l’appel dans la loi du 15 juin 2000 et ce n’est que la loi du 1er août 2011, applicable depuis le 1er janvier 2012, qui obligera à motiver désormais les décisions. L’âge de dix-huit ans n’a pas été retenu, je le regrette. De même, j’ai préparé le projet de loi relatif à la délinquance sexuelle qui deviendra la loi Guigou de 1998. Il contenait l’innovation du témoignage par enregistrement audiovisuel des mineurs victimes. Pour protéger les mineurs de la prison, j’ai créé ce qu’on appelle les centres fermés. J’ai aussi porté la loi du 30 décembre 1996, restreignant la faculté de recourir à la détention provisoire ; j’ai élargi les droits des détenus, mis à l’étude les unités de vie familiale, c’est-à-dire les parloirs, créé plus de 1 000 places de semi-liberté, soutenu le milieu ouvert et inscrit pour la première fois dans le code de procédure pénale le bracelet électronique comme substitut aux fins de peine.

Au ministère de la Culture, j’ai voulu assurer notre droit à une politique culturelle. L’exception culturelle, c’est l’instauration d’un droit à conduire des politiques culturelles qui permettent à l’art et aux artistes d’échapper aux contraintes du seul marché. En ce moment, je me bats pour garantir la diversité culturelle sur les plateformes et les réseaux numériques. La loi sur l’emploi du français, c’est le droit de parler dans la langue qui est celle de 99 % des Français, le trésor de chacun, même le plus démuni, et le moyen de renforcer le lien social.

Avec le ministre des Affaires étrangères et celui de l’Intérieur, j’ai accueilli sur notre territoire un grand nombre d’artistes et d’intellectuels algériens menacés de mort par le GIA. Fait plus connu, car plus récent : je m’investis depuis plus de dix ans dans les questions relatives à l’immigration et à l’intégration. Mon objectif est de conjuguer la République et la diversité pour reconnaître l’identité multiple de la nation et promouvoir les droits de tous les hommes et de toutes les femmes.

J’ai inspiré en 2002 deux projets de la campagne de Jacques Chirac : la HALDE, créée en 2005, et le Centre de mémoire de l’immigration, devenu en 2007 le musée de l’histoire de l’immigration, où nous avons accueilli l’an passé 100 000 visiteurs. Membre du Haut Conseil à l’intégration, j’ai mis en avant les principes de la laïcité et de l’intégration républicaine. J’ai pris position contre « l’amendement ADN » et pour le maintien du droit du sol. Si je deviens Défenseur des droits, je donnerai mon avis sur les projets de loi relatifs à l’immigration et à l’asile, notamment pour les droits des malades.

Mon combat n’a jamais cessé d’être celui des valeurs de tolérance et d’humanité contre le racisme et les inégalités. Les événements de ma vie montrent mon engagement constant pour faire prévaloir les principes qui sont les miens : le respect de la dignité humaine, l’égalité pour tous, le rejet des extrémismes, du racisme, de la xénophobie, par le droit. La triple passion qui m’habite – de la dignité, de la culture et du droit – peut, je le crois, constituer un levier puissant pour bâtir une plus grande égalité des droits pour tous. Ce sera mon projet.

Le Défenseur des droits a pour mission centrale la garantie des droits. Mais aujourd’hui, devant vous, je souhaite aller au-delà des convenances pour employer un langage moins policé, exprimant mieux ce que je ressens. Mesdames et messieurs les députés, ce que je voudrais faire demain, c’est la guerre à l’injustice ! Injustice ressentie, injustice subie, qui naît de l’inégalité et ne peut être vaincue que par une réelle égalité des droits. Je ne conçois pas le Défenseur des droits selon son seul statut constitutionnel d’indépendance, dans une sorte de hautain isolement. Je l’imagine, pour user d’une image musicale, plus pacifique, comme un chef de pupitre dans l’orchestre national de l’action politique. Avec vous, députés, sénateurs, membres du Conseil économique, social et environnemental, maires, présidents de conseils généraux, associations, enseignants et chercheurs. Car il s’agit de volonté politique.

Sans être présomptueux, je crois que mon expérience politique m’a permis de connaître les Français, tous ceux qui vivent chez nous, ceux que vous représentez et défendez par votre mandat. En même temps, je connais les arcanes de l’État et celles de Strasbourg, de Bruxelles et de Luxembourg, dont l’influence est de plus en plus grande sur le sens et la pratique des droits. Cette expérience me donnera plus de force et, j’espère, d’efficacité, pour accomplir la mission. La politique, ce n’est pas qu’appareils partisans, rapports de force ou mécanismes institutionnels, élections et compétition : c’est l’art de donner à chacun et chacune un commun sentiment d’appartenance, de tolérance, d’estime de soi et des autres, en somme une envie de vivre et de bâtir ensemble, quand la cité nous prend, toutes et tous, également en considération.

Le Défenseur des droits doit devenir le généraliste de l’accès au droit et aux droits face à la montée des détresses, des précarités, des violences et du sentiment d’injustice et de discrimination. Bien sûr, il doit d’abord assurer l’application générale et égale des droits existants. Plus encore, promouvoir les droits, faire connaître ceux qui existent et imaginer ceux qui, au-delà, seraient nécessaires.

Je vais évoquer prudemment quelques orientations pour l’action future du Défenseur, afin de compléter mes réponses au questionnaire du rapporteur. Quels sont les champs de compétence qui me paraissent prioritaires ? Certes, le Défenseur des droits doit remplir toutes ses missions sans en négliger aucune, mais je vois dans les années qui viennent deux domaines auxquels j’apporterai une attention prioritaire : d’une part, les discriminations ressenties et subies, en particulier par les personnes âgées dépendantes, les personnes atteintes de handicap ainsi que les discriminations du fait de l’origine ; d’autre part, la protection des enfants, par le renforcement de l’application de la convention internationale signée il y a vingt-cinq ans et l’amélioration de la loi de 2007 sur la protection de l’enfance, dont la mort de la petite Marina montre la nécessité.

Au carrefour de la fin des discriminations et de l’intérêt de l’enfant se situent les questions de filiation, d’état civil, de nationalité qui ont fait et feront l’objet de décisions judiciaires dont le pouvoir politique devra tirer les conséquences. Le recul dans l’effectivité du droit à l’avortement constitue pour moi une préoccupation majeure. L’ambiance nationale et internationale n’est pas bonne, c’est pourquoi nous, Français, devons être solides ! Permettez-moi de vous dire que j’ai été étonné du refus de l’Assemblée d’inscrire le droit à l’avortement dans la loi sur le développement et la solidarité internationale, adoptée il y a quelques jours.

Une autre priorité est celle de l’accès au droit. Il faut que nous puissions connaître nos droits, les articuler, trouver auprès de qui ils pourront être exercés – et réclamés, s’ils ne sont pas reconnus – et comment faire appel des refus et des résistances. L’un des chantiers les plus importants va consister à former tous les agents de la fonction publique à la culture de l’accueil : ainsi, je voudrais que chacun des délégués que nous nommons commence par aller se présenter aux parlementaires de son département. Il convient également de raccourcir les délais de traitement des réclamations, de donner au site du Défenseur des droits une forme et un contenu plus grand public, de tenter de supprimer « l’angle mort » du numérique, constitué des personnes – 20 % de nos concitoyens – qui ne peuvent ou ne savent pas utiliser internet pour leurs démarches. Enfin, je poursuivrai activement la négociation d’une convention de partenariat avec la Chancellerie, pilote ministériel des dispositifs d’accès aux droits, dans la ligne du décret d’Alain Juppé qui officialisa les maisons de la justice et du droit en 1996.

Je veux recourir davantage à la méthode partenariale. La place de plus en plus large que tiendra le Défenseur des droits dans la société française implique qu’il s’insère encore davantage dans un environnement de relations étroites et permanentes avec les autres parties prenantes, et d’abord avec le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Il me semble indispensable de conduire une enquête sociologique sur les inégalités d’accès au Défenseur, afin de déterminer qui en aurait besoin et qui y accède réellement. Dans mon esprit, cette enquête serait la première étape vers la création d’un observatoire indépendant des relations entre les services publics et les citoyens.

Enfin, il faut mieux faire savoir – non pour « faire de la communication », mais pour développer la promotion des droits. Ainsi, je suggérerai au Gouvernement de faire du Défenseur des droits et de la promotion des droits une grande cause nationale en 2015. Mesdames et messieurs les députés, je suis fier d’avoir été choisi pour exercer les fonctions de Défenseur des droits. Ces fonctions, je les remplirai en toute liberté, au-dessus des contingences et des intérêts. Soyez sûrs que, si vous m’accordez votre confiance, je saurai m’en montrer digne.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Permettez-moi de vous dire que je vous ai trouvé meilleur à l’oral qu’à l’écrit, monsieur le ministre. Je vous remercie pour votre franchise, qui va contribuer à donner une grande qualité à nos échanges.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Une grande partie des questions qui vont vous être posées, monsieur Toubon, seront certainement en rapport avec ce que vous venez de dire. Pour ma part, je veux vous poser une question s’inspirant d’une réflexion de notre collègue Guillaume Garot, évoquant la complexité de la société, son caractère contradictoire et la difficulté qu’il y a pour le corps social à s’autoréguler, à trouver des solutions acceptables par tous. Comment envisagez-vous le rôle du Défenseur des droits à l’aune de la complexité du corps social ?

M. Jacques Toubon. Je commencerai par répondre à la question que m’a posée votre rapporteur tout à l’heure : lorsque cette proposition m’a été faite, j’ai réagi de manière très simple, trouvant que la décision du président de la République était légitime et cohérente – pour reprendre des mots qu’il a lui-même employés, me semble-t-il.

Pour ce qui est de votre question, monsieur Le Bouillonnec, j’y ai déjà partiellement répondu en évoquant la méthode partenariale : j’estime nécessaire que le Défenseur des droits s’entoure d’un réseau composé de toutes les personnes publiques et privées compétentes. Un autre élément de réponse est celui de l’expertise. J’ai été frappé, en m’intéressant au fonctionnement des services du Défenseur des droits, de constater le degré d’expertise nécessaire – dans les domaines juridique, social et sanitaire, pour ne citer qu’eux – pour répondre à des situations par essence toutes différentes. Mais après avoir examiné un dossier avec toute l’expertise nécessaire, et en concertation avec tous les partenaires ayant vocation à être consultés, c’est la conviction qui doit emporter la décision prise. Ma conviction, comme je l’ai dit, c’est que nous devons mettre fin à l’injustice subie et ressentie avec les moyens dont nous disposons – et avec vous, représentants de la nation.

M. Alain Tourret. Je veux, moi aussi, souligner la qualité remarquée de votre discours. J’étais venu ici, je l’avoue, avec un a priori très défavorable, compte tenu de ce que j’avais lu à votre sujet, mais je dois rendre hommage à votre punch et à votre sens de la contre-attaque. À l’image de certains beaux discours prononcés par Jacques Chirac, le vôtre a montré que, finalement, vous n’êtes pas un sceptique, mais un battant !

M. Jacques Toubon. Le scepticisme, je ne connais pas !

M. Alain Tourret. En tant que rapporteur pour avis du budget de la fonction publique, j’ai déjà eu l’occasion d’interroger l’un de vos prédécesseurs sur le harcèlement et la discrimination dont sont victimes les femmes dans la fonction publique. Selon les sondages, près de 30 % des femmes travaillant au sein de la fonction publique ont été soit harcelées, soit discriminées. Il est frappant de constater qu’un phénomène d’une telle ampleur n’aboutit qu’à deux ou trois condamnations par an, et je m’en étais ému auprès de M. Baudis : pourquoi garde-t-on le silence, pourquoi accepte-t-on comme un fait acquis cette situation allant à l’encontre des droits des femmes, plutôt que de chercher à la comprendre pour y remédier ? Je vous pose la même question, et vous demande ce que vous comptez faire en la matière si vous devenez Défenseur des droits.

M. Jacques Toubon. Lorsque j’ai parlé des partenariats, je n’ai cité qu’un seul organisme, à savoir le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette institution créée en 2013 par Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, a déjà accompli un travail remarquable – je pense notamment à l’excellent rapport produit en novembre 2013 sur l’accès à l’interruption volontaire de grossesse. La lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes est, à l’évidence, l’un des domaines dans lesquels il y a le plus à faire. Cela rejoint ce que j’ai dit en évoquant la nécessité d’effectuer une enquête sociologique sur les inégalités d’accès au Défenseur, et de créer un observatoire des relations entre les services publics et les citoyens ; je pense que ce travail devrait être confié à des chercheurs, c’est-à-dire à des personnes par nature indépendantes et libres, car n’ayant pas de comptes à rendre d’un point de vue de la carrière ou de la hiérarchie.

En conclusion, je citerai trois statistiques qui en disent long sur la France d’aujourd’hui : dans le privé, il y a en moyenne 24 % d’écart de salaire entre les femmes et les hommes ; on compte 80 000 viols par an, dont 11 % seulement font l’objet d’une plainte ; enfin, il y a 220 000 avortements. Le Défenseur des droits a un rôle à jouer, avec les pouvoirs qui sont les siens et aux côtés des politiques, pour que nous fassions changer les choses et pour que le sentiment d’appartenir, de s’estimer et d’estimer les autres, progresse dans notre pays.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Ma première question porte sur les moyens et ressources humaines destinés à être alloués au Défenseur des droits. Si cette question est loin d’être anodine, car les moyens dont on dispose influent forcément sur la manière dont on exerce ses responsabilités, je n’ai pas trouvé de réponse très claire sur ce point dans le document que vous nous avez remis.

Par ailleurs, si le même document mentionne des mots extrêmement importants tels qu’écoute, empathie, humanisme, antiracisme, République, dignité, culture, droit et éthique, il fait peu référence à la notion d’égalité et à notre devise nationale – « Liberté, égalité, fraternité » – qui fonde pourtant notre droit, et à laquelle vous devrez vous référer dans les fonctions qui seront peut-être les vôtres. Pouvez-vous nous en indiquer la raison ?

Enfin, une partie des collaborateurs du Défenseur des droits, travaillant généralement en province, sont des bénévoles. Quelle sera votre attitude à leur égard en termes de gestion des ressources humaines ?

M. Jacques Toubon. Je pensais avoir beaucoup insisté, dans mon intervention liminaire comme dans les réponses écrites que je vous ai adressées, sur le fait que le chemin des droits passe par l’égalité. C’est un point dont je suis si convaincu que je le répète volontiers.

Dès lors que je ne suis pas encore en fonction, il m’est difficile de répondre sur la question des moyens, dont je conviens qu’elle est stratégique. Les délégués locaux sont un élément majeur de ce qu’on pourrait appeler la « force de frappe » du Défenseur des droits. Si l’expertise caractérise le niveau central, plus de 400 personnes de valeur, qui ont toute ma confiance, agissent sur le terrain. C’est par elles que passent les réclamations, dont seules 15 % remontent au niveau central. Autant dire que les délégués traitent 85 % des demandes.

Une de mes priorités est de leur accorder beaucoup d’attention et de les former, comme je voudrais que soient formés tous les agents de la fonction publique qui seront en face d’eux. Je précise que, si les délégués sont bénévoles, ils perçoivent du moins des indemnités, notamment pour leurs déplacements.

M. Sergio Coronado. L’idée de vous proposer à la fonction de Défenseur des droits, qui vous semble légitime et naturelle, a surpris et heurté. La drôle d’idée du président de la République ne fait consensus ni au sein de notre commission ni dans l’opinion. Nous mesurons les limites de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution : comme l’a indiqué à plusieurs reprises le président de notre Commission, même si la majorité des commissaires socialistes, écologistes, radicaux et communistes des deux commissions des Lois se prononçaient contre votre nomination, celle-ci n’en serait pas moins validée, sans cet esprit de confiance et de consensus.

Votre parcours politique ne plaide pas en faveur de cette nomination, malgré le brillant plaidoyer pro domo que vous venez de prononcer. Rappelons certaines de vos positions, particulièrement polémiques. Vous avez voté contre le projet d’abolition de la peine de mort et contre la dépénalisation du délit d’homosexualité. Vous avez soutenu les commandos anti-interruption volontaire de grossesse (IVG), ou du moins adopté, à leur égard et à l’égard des déclarations de Christian Vanneste, une position bienveillante. Vous vous êtes opposé, au nom de l’ordre public, à la reconnaissance des couples de même sexe. Pour vous en expliquer, vous invoquez la situation de la société française à l’époque et la nécessaire discipline partisane, inhérente à l’engagement politique. Il est vrai que certaines de ces positions sont anciennes, et que vous avez pu évoluer sur certains sujets. Reste qu’elles construisent une cohérence et façonnent un profil. En tout cas, elles ne témoignent pas d’une capacité à s’affranchir des disciplines partisanes et des logiques politiques, ce qui est nécessaire pour occuper la fonction de Défenseur des droits.

Puisque, en tout état de cause, vous l’assumerez dès la semaine prochaine, j’aimerais savoir quelle suite vous donnerez au chantier ouvert des relations entre police et population, et à la décision par laquelle la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France à inscrire à l’état civil français les enfants nés d’une gestation pour autrui (GPA) à l’étranger.

M. Jacques Toubon. Je vous remercie de votre propos. Il exprime votre sincérité, que je respecte. Si certains m’accordent leur confiance, je tenterai de la mériter. Si d’autres me la refusent, je m’efforcerai, pendant toute la période où je serai en exercice, de leur montrer qu’ils avaient tort.

J’en viens à votre question sur les liens entre police et population. Dès 2012, un travail a été engagé sur les contrôles d’identité. Nous sommes en train de le reprendre. Ce sera l’une de mes priorités. Avec la magistrate chargée de la déontologie de la police et de la gendarmerie, et en m’appuyant sur les dispositions du code de la sécurité, votées l’an dernier par l’Assemblée, je donnerai plus d’importance à cette mission. Nous traiterons deux séries de réclamations : celles qui ont été formulées après la « Manif pour tous » et celles qui se sont élevées contre le service de sécurité de la SNCF. Vous me verrez à l’œuvre sur ces sujets.

Nous pourrions consacrer une séance entière aux questions de filiation, d’état civil et de nationalité posées par la conjonction de l’utilisation de certaines techniques, que j’ai été le premier à évoquer dans cette maison en 1992, et de la nouvelle loi sur le mariage entre personnes de même sexe, dont les conséquences n’ont pas toutes été traitées par la loi. Sur ce sujet, toutes les décisions judiciaires prises au niveau national ou à l’échelon communautaire devront avoir des conséquences politiques. On ne peut attendre que les juridictions traitent le dossier au cas par cas.

En application des dispositions constitutionnelles et de la loi organique, le Défenseur des droits fera connaître ses observations, et formulera peut-être des propositions au Parlement. La décision revient au Gouvernement et au Parlement, mais, pour bien connaître ces questions, je pense qu’on ne peut pas les laisser pendantes.

Mme Sandrine Mazetier. À la deuxième question qui vous a été posée par écrit – « Quelles qualités vous semblent devoir être requises pour occuper cette fonction ? » –, vous avez répondu : « Être un homme libre », avant de rappeler que la Constitution et la loi organique organisent l’indépendance du Défenseur des droits. Avez-vous connaissance de l’article 64 de la Constitution, qui garantit l’indépendance de la justice ? Avez-vous eu le sentiment d’être un homme libre quand, étant garde des Sceaux, vous avez envoyé en mission ce fameux hélicoptère, dont vous regrettez aujourd’hui qu’il occulte toute votre action au ministère de la Justice ? Au reste, vous avez eu l’élégance de rappeler que vous n’étiez pas seul responsable de la décision que vous aviez prise alors.

J’ai eu l’honneur de présider une association de parlementaires libres, qui a réalisé un audit de la politique migratoire du gouvernement précédent. Cette association pluraliste regroupait députés, sénateurs et eurodéputés de toutes tendances. L’UMP, le Modem et l’UDI y étaient représentés, ainsi que toutes les formations de gauche, alors dans l’opposition. Pendant un an, nous avons auditionné des experts à Paris, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Quand nous avons voulu présenter le rapport d’audit, et que je vous ai sollicité, en vous demandant d’accueillir notre réunion à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI), vous avez refusé, au motif que le CNHI ne saurait accueillir de réunion politique. Étiez-vous un homme libre quand vous avez fait cette réponse ?

Je rappelle que le Défenseur des droits doit défendre contre l’opinion dominante et l’administration, parfois aveugle, les petits, les sans-grades et les sans-moyens. Comment défendrez-vous les droits de ceux qui n’en ont pas ?

M. Jacques Toubon. Sur le dernier point, je me suis longuement exprimé. Je veux faire la guerre à l’injustice, et lutter par le droit contre les situations de précarité, de détresse, de violence et de discrimination.

Les statuts de la CNHI, qui est un établissement public dont je préside le conseil d’orientation, lui interdisent, aux termes d’un décret de 2006, d’accueillir une manifestation ou un événement à caractère politique. Je me suis contenté de les appliquer. Vous savez bien, madame Mazetier, que, dans le 12e arrondissement, je veille à entretenir les meilleures relations avec chacun, notamment avec la mairie, alors que je ne partage pas les idées politiques de la majorité du conseil municipal.

Je suis heureux de revenir un instant sur l’indépendance de la justice, car je crois à notre organisation judiciaire, qui distingue le siège et le parquet, à l’indépendance de l’instruction et de l’accusation, et au statut de magistrat inamovible. L’alternative d’une procédure accusatoire implique l’indépendance du parquet. Je l’ai dit en 1990 – sur ces questions, la profondeur historique n’est pas négligeable –, quand Mireille Delmas-Marty a publié son rapport sur la procédure pénale : il faut renforcer les droits de la défense et nommer les membres du parquet, avec avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Telle est la position que je défends depuis vingt-cinq ans. Henri Nallet, qui a lui aussi été garde des Sceaux, et avec lequel je suis toujours en accord, vous le dirait mieux que personne. Les responsabilités de l’institution judiciaire ne sont pas celles du Défenseur des droits, mais, quand je dis que je suis libre et que j’agirai en homme libre, il ne s’agit pas d’un vain mot.

M. Philippe Gosselin. Je salue l’homme libre qu’est Jacques Toubon, non sans m’amuser des procès d’intention qu’on lui intente. C’est avec plaisir que je l’ai entendu mentionner l’intérêt supérieur de l’enfant comme unique boussole. Comment ce principe peut-il être concilié avec d’autres éléments d’ordre public et une pratique comme la GPA ?

M. Jacques Toubon. C’est une question très prégnante, au sens où elle touche nos consciences, notre for intérieur et nos choix privés ou publics. Je suis depuis toujours défavorable à la GPA, car je suis hostile à la chosification du corps humain. Ma position est celle de l’article 16-7 du code civil, fondateur de notre organisation sociale.

Tandis que notre droit interne mentionne « l’intérêt de l’enfant », la Convention internationale des droits de l’enfant, qui remonte à 1989, parle de « l’intérêt supérieur de l’enfant ». Dès 1997, le Conseil d’État et, en 2005, la Cour de cassation ont « transposé » cette convention dans notre droit. En aucun cas, la notion d’intérêt supérieur de l’enfant ne possède de caractère absolu ou prédéterminé. Loin de pouvoir être définie en dehors d’un usage concret, elle est étroitement associée aux notions de besoins et de droits fondamentaux, et donc à la protection de l’enfant. On apprécie l’intérêt de celui-ci au regard de sa situation propre, sans faire de cette notion un critère général. Quand plusieurs intérêts sont en tension, on se demande lequel privilégier. Il existe aujourd’hui un ensemble de décisions, parfois contradictoires, sur lesquelles la Cour de cassation se prononcera, au moins partiellement, à l’automne. Le Défenseur apportera sa contribution aux prochains chantiers législatifs que sont la loi famille et la réforme de la justice des mineurs.

Mme Marietta Karamanli. La loi du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe a renforcé la lutte contre la haine de l’autre. Elle a notamment institué un délit réprimant la contestation de toute forme de crimes contre l’humanité, tels que punis par le jugement de Nuremberg – en d’autres termes, le révisionnisme, qui tend à nier l’existence des camps de la mort. Cette loi est le pendant français d’une loi allemande dite « loi du mensonge d’Auschwitz ».

Au cours de son examen, vous vous êtes dit défavorable à une mesure visant le révisionnisme. « La proposition de loi accrédite les propos et les thèses de ceux qui doutent, avez-vous dit, de ceux qui nous demandent de douter. » Vous avez aussi indiqué que le juge aurait du mal à appliquer la loi, qui ne représentait à vos yeux qu’une « barrière de papier ».

Vingt-quatre ans après sa promulgation, la loi Gayssot a donné lieu à plusieurs dizaines de jugements et arrêts, ce qui constitue un bilan positif. À l’heure de la massification de l’information, du net, des réseaux et de la fausse information, pensez-vous que la lutte contre le racisme, le génocide et la xénophobie appelle de nouvelles dispositions ? Quel rôle entendez-vous jouer en la matière ?

M. Jacques Toubon. Vous avez raison de rappeler que l’application de la loi Gayssot a été positive et que mes alarmes étaient infondées. Reconnaissez pourtant que c’est aux historiens et non aux législateurs de lever le doute sur l’histoire. Veillons à ne pas tenir pour vraie l’histoire que la loi aurait patentée, alors que l’autre histoire serait réputée douteuse. Dans certains pays, la loi vise précisément à raconter une histoire qui n’est pas la vraie.

En 1996, j’ai proposé que les mesures visant le racisme dépendent non plus de la loi sur la presse, mais du code pénal. La proposition n’a pas abouti. J’avais contre moi les directeurs de publication et la plupart des avocats. Je me demande toujours si la loi Gayssot ne sort pas du cadre de la liberté d’expression, régie par la loi sur la presse de 1881. Quoi qu’il en soit, n’étant pas anglo-saxon, je ne pense pas qu’on puisse tout dire et tout écrire. Peut-être serons-nous amenés à formuler d’autres propositions. L’affaire Dieudonné a placé ces questions au cœur de l’actualité. Son nouveau spectacle en rajoute encore. Je ne suis pas le Conseil d’État, mais la question me touche profondément.

M. Gérald Darmanin. La présence de M. Toubon devant nous tient à une décision du président de la République, ce dont les députés de la majorité devraient se souvenir. Mais si je comprends le raisonnement de M. Coronado, Mme Hazan, parce qu’elle est socialiste, est qualifiée pour occuper ses nouvelles fonctions, alors que M. Toubon ne l’est pas, puisqu’il est issu du RPR. Reconnaissons tout de même que M. Toubon a manifesté une grande sincérité au cours de son audition, ce dont je le remercie.

Ma question porte sur la saisine du Défenseur des droits. Seuls les parlementaires pouvaient saisir le médiateur de la République ; aujourd’hui, tous les citoyens peuvent saisir le Défenseur des droits, mais beaucoup l’ignorent, malgré l’existence du réseau de délégués départementaux, et sollicitent les élus. Comment améliorer le lien entre les parlementaires et le Défenseur des droits ?

M. Jacques Toubon. Je l’ai dit tout à l’heure : j’aimerais que, dès sa nomination, chaque délégué rencontre les parlementaires de son département. Je voudrais aussi que, grâce à des actions de promotion, nous fassions mieux connaître notre organisation. Nous devons être à la disposition de ceux qui sont le plus éloignés de l’éducation et de l’environnement qui permettent de trouver les bons chemins. En la matière, députés et sénateurs peuvent avoir quasiment un rôle d’« assistante sociale » comme on dit traditionnellement. Le Défenseur des droits a lui aussi un rôle à jouer.

Enfin, je transmettrai à M. Coronado une copie d’un article de Nord Éclair, qui montre que je n’ai jamais participé à aucune réunion avec M. Vanneste.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Évoquant les positions que vous avez prises dans des contextes fort différents, vous avez balayé les critiques qui vous sont adressées comme autant d’« anachronismes intellectuels ». Je reviendrai néanmoins sur une des positions que vous avez prises en tant que député européen. Vous avez voté, comme la majeure partie du groupe PPE, contre une résolution adoptée le 20 mai 2008, relative aux progrès réalisés en matière d’égalité des chances et de non-discrimination dans l’Union européenne. Ce texte appelait la Commission à mener une politique plus active et à adopter une approche globale du sujet, au lieu de renvoyer chaque catégorie de discriminations à une directive spécifique. Le sujet avait fait débat. Une pétition en ligne avait recueilli un grand nombre de signatures. Selon vous, la politique de lutte contre les discriminations doit-elle faire l’objet de mesures séparées ou relever d’une approche globale ?

M. Jacques Toubon. Au niveau communautaire, les députés européens, qui votent, au sein de chaque groupe, dans le cadre d’une délégation nationale, se prononcent au terme de longues discussions internes, au cours desquelles ils pèsent chaque amendement et sous-amendement. En l’espèce, j’ai voté comme mon groupe et ma délégation contre un texte qui portait atteinte à la subsidiarité, car il s’opposait à la législation française en matière d’avortement, de fécondation in vitro et de procréation médicalement assistée. Les Français doivent être solides sur le droit à l’avortement et résister aux offensives menées au niveau européen. Fin 2013, le Défenseur des droits a eu l’occasion d’évoquer ces sujets avec ses homologues européens.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Tout au long de l’examen de la loi organique relative au Défenseur des droits, dont j’étais rapporteur, j’ai tenté, sans toujours y parvenir, d’élargir les compétences et les pouvoirs de l’institution. En déclarant la guerre à l’injustice, vous vous heurterez aux résistances administratives, alors que vous ne disposerez pas de tous les pouvoirs. Vous pourrez user de la mise en demeure et du pouvoir d’injonction, mais d’aucun pouvoir coercitif.

Si vous êtes désigné, dénoncerez-vous les blocages et les dysfonctionnements de la société ? Dans le rapport national que vous rédigerez, formulerez-vous des recommandations et pointerez-vous les inégalités que vous aurez rencontrées ? Vous montreriez ainsi à ceux qui n’ont pas eu gain de cause que vous voulez avoir raison des blocages.

M. Jacques Toubon. C’est exactement ce que j’ai l’intention de faire. Le scepticisme n’est pas mon fort. Sur quelque sujet que ce soit, le non ne me vient pas spontanément à l’esprit.

Mme Élisabeth Pochon. Votre parcours politique a déjà été longuement évoqué, aussi bien au cours de notre discussion que dans la presse. Ce passé – ou ce passif – s’est imprimé chez la militante de gauche que je suis, contemporaine de votre parcours. En tant que parlementaire, ayant pour ligne de mire l’intérêt du pays, je m’interroge non seulement sur votre légitimité pour occuper le poste de Défenseur des droits, mais aussi sur les raisons de votre détermination à poursuivre ce but, dans un climat hostile à votre candidature.

Un homme ne se réduit cependant pas à une action. L’âge conduit parfois à la sagesse, à la tolérance, et invite à se détacher des dogmatismes. Je me tourne donc vers l’avenir. Votre candidature intervient dans un climat de tension, en matière de vivre ensemble, ce qui demandera au Défenseur des droits une attention particulière. À la lumière de votre expérience à la CNHI, que pensez-vous du vote des étrangers aux élections locales ? Le président de la République devrait tenir avant la fin du quinquennat cet engagement pris au cours de sa campagne électorale.

M. Jacques Toubon. Si je suis depuis longtemps favorable au droit de vote des étrangers aux élections locales, l’histoire de l’immigration nous montre aussi que citoyenneté et nationalité constituent les deux piliers d’une société harmonieuse. Cela étant, dans la fonction qui sera peut-être la mienne demain, je n’aurai plus l’occasion d’exercer d’influence sur cette question.

Mme Colette Capdevielle. Grâce à votre vibrant « coming out » – ou, en français, à votre « sortie du placard » –, je découvre aujourd’hui, monsieur Toubon, que sommeillait en vous, trop longtemps et profondément dissimulé, un ardent défenseur des libertés, de l’égalité et de l’accès au droit.

Certains tribunaux de grande instance ont rejeté, pour des motifs juridiques variés, les demandes d’adoption plénière par des couples mariés de personnes de même sexe. Cela crée une rupture d’égalité devant la loi sur l’ensemble du territoire national. Qu’en pensez-vous ?

D’autre part, auriez-vous des propositions concrètes à formuler pour améliorer le fonctionnement de l’aide juridictionnelle, qui paraît aujourd’hui à bout de souffle ?

M. Jacques Toubon. Je n’ai pas de propositions à formuler en matière d’aide juridictionnelle : je pourrais en avoir en tant qu’ancien garde des Sceaux, mais pas en tant que Défenseur des droits. Néanmoins, si je constate qu’il s’agit là d’un des blocages qu’il m’incombera de corriger, je serai tout à fait disposé à réagir dans le cadre de mes prérogatives.

S’agissant de la filiation, il nous faut prendre en compte l’ensemble des situations existantes, attendre que les plus hautes juridictions se prononcent, puis en tirer les conséquences politiques et juridiques qui s’imposent. Une telle question ne peut rester pendante, car ceux qui souffrent le plus de l’incertitude et de l’incohérence sont les enfants qui, eux, n’ont rien demandé.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Avec l’adoption, en 1993, de la loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, les étrangers en situation irrégulière se sont vus exclure du périmètre d’accès à l’assurance maladie. En 1999, un dispositif spécifique d’aide médicale de l’État a été créé. Depuis, outre les difficultés d’accès au dispositif, nombre de praticiens refusent de prodiguer des soins à ces étrangers. En mars 2014, Dominique Baudis a souligné que cette pratique illégale perdurait, bien qu’elle eût été dénoncée à maintes reprises. Il a ainsi expliqué que « ces refus de soins illégaux, manifestes ou déguisés, contreviennent de manière évidente à la volonté du législateur, de même qu’à l’intérêt général en matière de santé publique, puisqu’ils nuisent aux mesures de prévention et de détection précoce des pathologies ainsi qu’à leur traitement ». Le prétexte de ces refus est soit la situation irrégulière de la personne, soit sa non-affiliation à l’aide médicale de l’État.

À titre d’illustration, le planning familial a observé que des femmes étrangères en situation irrégulière s’étant vu refuser la prise en charge d’interruptions volontaires de grossesse, ont été obligées soit de payer intégralement cet acte, soit d’y renoncer. Et elles ne sont malheureusement pas les seules aujourd’hui à se voir opposer des résistances, voire des refus. Ce droit fondamental des femmes est sans cesse remis en cause, soit par les héritiers des commandos anti-IVG, soit par le biais de stratégies insidieuses menées par des organisations telles qu’Alliance Vita.

Monsieur le ministre, quelle sera, en tant que Défenseur des droits, votre action en matière d’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière ? Comment lutterez-vous contre les entraves à la pratique de l’IVG ?

M. Jacques Toubon. Je porterai une attention particulière à la question du droit d’accès des étrangers aux soins lorsque seront examinés les projets de loi sur l’immigration et sur le droit d’asile. Ainsi, je me demande si le transfert de certaines prérogatives du ministère de la Santé au ministère de l’Intérieur est une bonne idée. Connaissant la position prise par Dominique Baudis à l’égard des refus de soins, je ne souhaite pas que nous en restions au statu quo.

Quant au droit à l’avortement, il a progressé puisque nous sommes passés de la dépénalisation de l’avortement à la consécration d’une véritable liberté. Pourtant, de nombreux obstacles subsistent sur le terrain. Je m’efforcerai donc, chaque fois que j’en aurai l’occasion, d’assurer l’effectivité de ce droit, tout en précisant qu’elle est aussi fonction des moyens dont disposent les hôpitaux.

M. Patrick Mennucci. Je vous remercie, monsieur Toubon, d’avoir donné une explication que je juge crédible et sincère de vos prises de position passées, notamment sur la peine de mort ou la dépénalisation de l’homosexualité. Je ne suis pas certain que ces précisions raviront tous nos collègues, mais je dois avouer que, après vous avoir entendu, mon sentiment est plus nuancé qu’il ne l’était après avoir pris connaissance de tel ou tel rappel vous concernant. Je crois, pour ma part, que c’est le processus de nomination qui fait le Défenseur des droits.

Quelle serait votre position, en tant que Défenseur des droits, sur les femmes qui portent le foulard et qui, selon le bon vouloir des directeurs d’école, se trouvent exclues des sorties périscolaires ?

M. Jacques Toubon. Votre question renvoie à plusieurs sujets d’actualité. Tout d’abord, je me réjouis de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme relative à la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public. Je me félicite aussi de la décision de la Cour de cassation concernant la crèche Baby Loup, même s’il est vrai que, ne traitant que du cas d’espèce, elle ne règle pas en principe la question. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle n’est pas contradictoire avec l’avis rendu par le Conseil d’État le 19 décembre 2013.

Enfin, monsieur Mennucci, sachez que je suis favorable à l’application de la circulaire Chatel. Nous nous devons d’être attentifs aux personnes qui entourent les enfants dans leurs activités éducatives. Cette question complexe se pose tant au ministre de l’Éducation nationale qu’aux inspecteurs d’académie, aux inspecteurs de l’éducation nationale et aux maires. Et ce n’est pas le Défenseur des droits qui s’opposera aux prérogatives dont disposent ces derniers.

M. Sébastien Denaja. Nous nous félicitons de vous entendre dans cette enceinte parler d’un « droit à l’avortement », expression que les députés de l’opposition contestaient encore il y a quelques semaines, lorsque nous débattions d’un amendement au projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, supprimant la condition que les femmes se trouvent en « situation de détresse » pour pouvoir recourir à l’IVG.

D’autre part, si vous succédez à Dominique Baudis, vous serez membre de droit de la Commission nationale consultative des droits de l’homme : comment appréhendez-vous votre futur rôle au sein de cette institution ?

M. Jacques Toubon. Je serai très honoré d’y siéger sous la présidence de Christine Lazerges, qui, en tant que rapporteure de votre Commission, avait introduit l’appel des jugements criminels dans la loi renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes.

M. Erwann Binet. Monsieur Toubon, vous avez évoqué de vous-même les interrogations qui se sont exprimées au sujet de vos positions passées concernant le contrat d’union civil, le PACS et la dépénalisation de l’homosexualité, et vous avez parlé d’« anachronismes intellectuels ». N’est-ce pas oublier que l’égalité des droits des couples fait encore débat dans notre société, singulièrement à l’initiative, la plupart du temps, de la famille politique dont vous êtes issu ? Il n’est donc pas anachronique de vous interroger sur le cheminement de votre pensée dans ce domaine.

Ainsi, en ce qui concerne les couples de personnes de même sexe, sur quels enjeux concentrerez-vous votre réflexion ? S’agissant des enfants nés à la suite d’une gestation pour autrui et vivant sur notre sol, vous avez rappelé votre attachement au respect et à la promotion de l’intérêt de l’enfant, et vous vous êtes référé à de nombreuses reprises à la Convention internationale des droits de l’enfant. Vous avez aussi souligné la nécessité de tirer les conséquences politiques des décisions judiciaires qui ont été prises. Or il est une contradiction à travers laquelle il vous faudra frayer votre chemin : la Cour de cassation écarte formellement l’application de cette convention et refuse la prise en compte de l’intérêt de l’enfant. Est-il selon vous dans l’intérêt de l’enfant né d’une gestation pour autrui et vivant en France de lui accorder l’état civil ou au contraire de le lui refuser, au motif qu’il est né après la signature d’une convention frappée de nullité ?

M. Jacques Toubon. Monsieur Binet, vous connaissez ces sujets mieux que personne et je note que, lorsque le président de la République a proposé ma nomination, vous avez été l’un de ceux qui ont considéré qu’il fallait m’accorder le bénéfice du doute. Je vous en remercie.

Bien que ces enfants soient hors-la-loi selon les tribunaux, ils n’ont rien demandé. Dans leur intérêt, il conviendrait, comme l’a indiqué la Cour européenne des droits de l’homme, de leur conférer une identité et un statut. Cela étant, ce n’est pas le Défenseur des droits qui mettra un terme aux divergences de jurisprudence entre les différentes juridictions. Les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ayant pris dans notre hiérarchie des normes une place beaucoup plus importante qu’il y a dix ans, c’est au pouvoir politique qu’il revient de résoudre ces questions. Il ne saurait exister plusieurs communautés de citoyens aux droits différenciés, car, ce qui fait que des individus sont citoyens, c’est précisément l’égalité des droits qui leur est reconnue.

M. Philippe Doucet. Monsieur le ministre, vous avez tenté de rétablir votre vérité : j’en prends acte. Ce faisant, avec vos déclarations sur l’avortement et le droit de vote des étrangers, vous prenez un risque, car vous pourriez ne pas rencontrer l’assentiment des députés de gauche et perdre celui des députés de droite.

M. Jacques Toubon. On ne me dira pas, après cela, que je ne suis pas un homme libre !

M. Philippe Doucet. Vous avez reconnu avoir un regret. N’en avez-vous pas au moins un autre, à propos d’une affaire que vous avez rapidement évacuée ? Comment ne pas nous interroger sur les raisons qui vous ont poussé, en 1996, alors que vous étiez garde des Sceaux, à dépêcher un hélicoptère dans l’Himalaya à la recherche du procureur de l’Essonne, alors en vacances, et dont l’adjoint venait d’ouvrir une information judiciaire contre Xavière Tiberi, épouse du maire RPR de Paris ? Une telle histoire ne saurait être réduite à une simple anecdote ou à une erreur de parcours de votre part. L’usage que vous avez fait de votre position de pouvoir témoigne d’une certaine vision de la justice – consistant à aider les tout-puissants à se sortir des procédures intentées à leur encontre – et de l’égalité devant la loi. Il nous conduit aussi à douter de votre capacité à respecter une déontologie inhérente à l’exercice de responsabilités publiques et, a fortiori, politiques. Aussi, pourriez-vous nous prouver concrètement que vous serez capable de défendre une justice qui soit la même pour tous et de promouvoir l’égalité de tous devant la loi ?

M. Jacques Toubon. J’ai répondu par avance à cette question, de la manière dont je pensais devoir le faire.

Mme Cécile Untermaier. Je dois reconnaître l’excellence de vos propos préliminaires, et, en vous écoutant, je me disais que nous aurions pu mener ensemble de nombreux combats. Il en est un, en tout cas, que nous pourrons mener : celui qui concerne le vote des étrangers.

Le 25 juin, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a rendu un arrêt d’espèce mettant un terme à l’affaire de la crèche Baby Loup. Comment concevez-vous la liberté religieuse, compte tenu des exigences de notre société complexe ?

D’autre part, le Défenseur des droits doit à mon sens adopter une vision progressiste et anticiper l’évolution de notre société. Car c’est souvent le décalage entre le regard que l’on porte sur la société et l’évolution de celle-ci qui explique les souffrances et les discriminations. Partagez-vous ce point de vue ? Mesurez-vous la difficulté d’une telle exigence et vous interrogez-vous sur les moyens d’y satisfaire ?

M. Jacques Toubon. Vous avez raison, madame Untermaier. Compte tenu de sa capacité d’expertise, de son expérience du terrain et de ses prérogatives, le Défenseur des droits doit avoir un coup d’avance.

S’agissant de la liberté religieuse, mes convictions sont connues de tous : il n’y a pas de communautés en France. C’est grâce au principe de laïcité que nous pouvons exercer toutes nos libertés, à commencer par les libertés d’expression et de conscience. Nous nous devons donc de faire en sorte que règne l’harmonie sociale, tant dans le secteur public que dans les entreprises privées. Si j’ai beaucoup travaillé sur ces questions au Haut Conseil à l’intégration, le Défenseur des droits n’a pas à adopter d’idéologie en la matière et n’ira pas se battre contre les uns ou les autres. La communauté nationale des citoyens et la communauté des hommes et des femmes vivant sur notre sol doivent être réunies par un seul lien fondamental : celui de la liberté et de l’égalité.

M. Pascal Popelin. Consacrée par la réforme constitutionnelle de 2008, la création du Défenseur des droits est issue de la fusion de plusieurs autorités administratives indépendantes, parmi lesquelles le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la HALDE. Ce regroupement ayant conféré un caractère pluriel aux missions assignées au Défenseur des droits, nombre d’observateurs de la vie publique ont dénoncé le risque de dilution et d’affaiblissement des pouvoirs publics dans ces différents champs d’intervention. Sans vouloir être injustement critique avec le bilan de l’action du premier titulaire du poste de Défenseur des droits – dont je salue moi aussi la mémoire –, force est de reconnaître que sa pratique de la fonction n’a pas permis de donner tort à ceux qui avaient exprimé de telles inquiétudes. Ainsi, si les prérogatives qui relevaient auparavant du Médiateur de la République ont été pleinement exercées, celles qui procédaient des deux autres instances n’ont pas été suffisamment explorées. Quelles leçons tirerez-vous de cette expérience afin de rendre toute sa plénitude à la fonction de Défenseur des droits dans l’hypothèse où elle vous échoirait ?

M. Jacques Toubon. Au terme de cette brève période de trente-trois mois, il importe effectivement que le Défenseur des droits trouve un rythme de croisière dans l’ensemble de ses champs de compétences, et en particulier dans ceux que vous avez cités.

M. Matthias Fekl. Datant de 2008, la réforme de la procédure de nomination des candidats aux emplois et fonctions visés à l’article 13 de la Constitution constitue une avancée importante, mais elle est néanmoins inaboutie puisqu’elle ne confère pas de réels pouvoirs au Parlement : je serais favorable à l’instauration d’une règle de majorité de validation aux trois cinquièmes de ses membres en lieu et place de la règle actuelle de majorité de blocage, ce qui mettrait un terme aux nominations du fait du prince dont la Ve République est coutumière.

Monsieur Toubon, de nombreux habitants des quartiers de banlieue et des zones rurales font l’objet de contrôles au faciès, souvent motivés par leur origine ou leur style vestimentaire. Face à de telles pratiques, le législateur devra aussi assumer ses responsabilités sur ce sujet qui est un engagement de campagne du président de la République. Mais le Défenseur des droits ne pourrait-il pas, dans le cadre des rapports qu’il publie, établir des comparaisons avec l’étranger, formuler des recommandations et proposer des expérimentations ?

M. Jacques Toubon. Comme je l’ai déjà expliqué, je compte poursuivre et amplifier les mesures qui ont été prises par le passé en matière de contrôles d’identité. Je porterai une grande attention à la question de la déontologie de nos forces de sécurité. Mon expérience personnelle de haut fonctionnaire originaire du corps préfectoral, puis d’élu local et de conseiller d’État, ainsi que ma carrière politique, me rendent particulièrement sensible à ces questions auxquelles j’accorderai la priorité.

Mme Laurence Dumont. Vous avez beaucoup œuvré ce matin, monsieur Toubon, pour dépeindre mieux, repeindre même un peu diverses positions que vous avez prises par le passé. Si j’ai des préventions – et elles sont fortes –, c’est parce que je sais quel homme public vous avez été. Un homme ne se résume certes pas à ses prises de position anciennes, mais elles font partie de son histoire, et il est préférable de les assumer.

Votre prédécesseur s’est inquiété du nombre important de saisines du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et a évoqué un risque de double saisine de ce Contrôleur et du Défenseur des droits. Or, dans vos réponses au questionnaire de notre rapporteur, vous parlez de « compétence concurrente » depuis l’adoption de la loi du 26 mai 2014. Confirmez-vous votre attachement à la coexistence de ces deux autorités administratives et votre refus de l’absorption du Contrôleur par le Défenseur des droits ?

M. Jacques Toubon. Il ne me semble pas qu’il soit question d’absorption. La loi du 26 mai 2014 crée une situation que j’ai décrite aussi objectivement que possible dans ma réponse écrite : il y a des risques. Je vais vous faire une confidence : avant d’entrer dans la salle, je me suis entretenu brièvement avec Mme Adeline Hazan, que vous veniez d’entendre ; nous envisagions justement, si nous étions tous les deux nommés, de nous rencontrer très prochainement pour évoquer cette question – à savoir comment exercer au mieux, chacun de notre côté, nos compétences, et au profit des demandeurs, c’est-à-dire les détenus.

M. Jean-Michel Clément. Supposons que vous arriviez demain à la tête d’une institution qui n’ignore rien de vos prises de position passées. Nous avons découvert ce matin un certain nombre d’éléments ; mais, derrière vous, il y aura demain toute cette institution. Dans ce contexte, comment comptez-vous acquérir la confiance de vos collaborateurs ? Comment faire vivre le service public de la défense des droits et des libertés pour que notre société s’inscrive délibérément dans une modernité que nous pouvons aujourd’hui envier à bien d’autres pays ? Comment retrouver l’esprit des Lumières, ou l’esprit de Montesquieu, au travers de la fonction qui sera la vôtre ?

Je terminerai par une question simple : autoriseriez-vous les agents de vos services à participer à la Marche des fiertés dans le dessein d’informer sur la lutte contre les discriminations ?

M. Jacques Toubon. Tout mon exposé et toutes mes réponses sont une réponse à votre interrogation.

D’autre part, les agents du Défenseur des droits sont des femmes et des hommes totalement libres : ils participent à tous les événements et à toutes les manifestations qu’ils souhaitent. Ce n’est assurément pas le Défenseur des droits qui se fera censeur à cet égard.

M. Yann Galut. Merci, monsieur Toubon, de vos propos introductifs. Je n’avais pas le plaisir de vous connaître personnellement, et je le regrette. Car ce n’est pas vous faire injure – bien au contraire – que de dire que vous êtes un vrai « animal politique ». Vous avez réussi ce matin ce « grand oral » à front renversé. En vous écoutant, nous avions peine à croire que vous aviez été membre du RPR, et que vous êtes, aujourd’hui encore, membre de l’UMP : toutes les positions que vous avez exprimées tout à l’heure sont en contradiction totale avec les dernières positions de l’UMP, que ce soit sur le mariage pour tous, sur l’égalité, sur l’avortement ou sur le droit de vote des étrangers. Je crains que nos collègues de l’UMP ne s’opposent à votre nomination…

Vous êtes – et ce n’est pas un reproche – un homme politique brillant. Vous l’êtes encore, puisque vous êtes toujours membre des instances de l’UMP. Mais comprenez que vos prises de position passées nous posent problème. Vous en avez justifié une partie. Nous en avons retrouvé d’autres, par exemple, en 1982, sur le non-remboursement de l’IVG ou, en 1991, sur le harcèlement sexuel – vous aviez alors parlé dans l’hémicycle d’un « effet de mode » et vous pensiez qu’il ne fallait pas en faire une infraction spécifique. Vous vous êtes aussi exprimé sur le contrat d’union civile.

Pensez-vous être assez consensuel, assez rassembleur pour occuper cette formidable fonction de Défenseur des droits ?

Je terminerai par une question délicate. Vous n’en êtes certes pas responsable, mais ne pensez-vous pas qu’il y a dans votre nomination une certaine discrimination à l’égard de la jeunesse, et que, à partir d’un certain âge, on a droit au repos, à rédiger ses Mémoires et qu’occuper certaines fonctions posent problème ? (Exclamations des commissaires membres du groupe UMP.)

M. Jacques Toubon. Je vous remercie de vous être exprimé en ces termes. Vous avez assez largement sollicité mes propos ; mais il est vrai que, en matière de consensus, je ne suis probablement pas, parmi les hommes politiques qui ont exercé depuis quelques dizaines d’années, l’un des plus mal placés. Cela étant, le Défenseur des droits n’est pas affaire de consensus, mais de vérité, de vérité juridique. Comme le disait tout à l’heure l’un de vos collègues, il s’agit de se frayer un chemin dans les deux sens, de faire en sorte que celui qui réclame le droit ait la possibilité d’accéder à la proclamation et à la réalisation de ce droit, et que le Défenseur des droits, lui, puisse aller jusqu’à la vérité des situations, les qualifier et en tirer toutes les conséquences pour que le droit qui est revendiqué puisse être mis en œuvre par ceux qui sont compétents – tribunaux, administrations… Ne confondons pas tout. Je me garderai d’être un Défenseur des droits « Bisounours » : je serai un Défenseur des droits, du droit. Cela implique parfois que certains soient d’accord et d’autres non, mais c’est le travail qui me sera – peut-être – confié.

Quant à votre dernière question, vous pourriez l’adresser au président de la République, qui m’a fait l’honneur de proposer ma nomination. Pour ma part, je vous répondrai ceci. J’ai récemment assisté à la représentation d’un opéra de Monteverdi, Le Couronnement de Poppée. Voici ce qu’y dit Sénèque – cela pourrait s’adresser à toutes les majorités, à toutes les forces dominantes à un moment donné : « Le parti néfaste l’emporte toujours quand la force surpasse la raison. » Je crois qu’il a raison.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Cette audition a été utile à chacun d’entre nous et valide la procédure que notre Commission a mise en place. Je voudrais pour ma part exprimer mon accord avec ce qu’a dit tout à l’heure M. Fekl : j’espère qu’un jour nous changerons la règle de majorité pour les nominations proposées par le président de la République pour passer d’une condition de trois cinquièmes de votes négatifs à une condition de trois cinquièmes de votes positifs.

J’invite le public à quitter la salle afin que la Commission puisse statuer et voter. Le dépouillement aura lieu en même temps qu’au Sénat.

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Délibérant à huis clos, la Commission se prononce par un vote au scrutin secret dans les conditions prévues à l’article 29-1 du Règlement, sur la nomination envisagée par M. le président de la République, de M. Jacques Toubon aux fonctions de Défenseur des droits.

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La Commission examine, sur le rapport de M. Jean-Louis Touraine, la proposition de loi de M. Jean-Louis Touraine (n° 2031) et la proposition de loi de Mme Gilda Hobert relatives à la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier de Gerland (Lyon) (n° 2032).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous allons à présent examiner les propositions de loi de M. Jean-Louis Touraine et de Mme Gilda Hobert qui sont relatives à la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier de Gerland à Lyon.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis très heureux d’avoir été accueilli au sein de la commission des Lois pour rapporter sur deux propositions de loi, quasiment similaires, déposées par Mme Gilda Hobert et par M. Pierre-Alain Muet et moi-même, qui visent à sécuriser les transactions relatives à la zone d’aménagement concerté (ZAC) du quartier de Gerland à Lyon par le biais d’une validation législative.

Cette ZAC a été créée par arrêté du préfet du Rhône le 16 février 1983 pour favoriser la réhabilitation de ce quartier en utilisant notamment les terrains relevant du domaine public de la ville de Lyon qui avaient servi d’assiette aux anciens abattoirs municipaux progressivement désaffectés entre 1967 et 1977.

Il a toutefois été constaté récemment, que ces terrains, bien que désaffectés, n’avaient jamais fait l’objet d’un déclassement formel du domaine public, à l’exception de trois parcelles déclassées avant 1967. Or, l’article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques précise que pour pouvoir sortir du domaine public, les biens doivent en principe être désaffectés et déclassés, ces conditions étant cumulatives. Le juge administratif considère que si la désaffectation peut être démontrée par tout moyen, le déclassement doit en principe être expressément constaté par un acte administratif, c’est-à-dire, en l’espèce, par une délibération du conseil municipal de la ville de Lyon. Malgré les recherches effectuées par la ville, aucun acte de déclassement n’a pu être retrouvé depuis 1967. Toutefois, l’absence de déclassement formel des terrains précédemment affectés au domaine public de la ville n’a altéré ni la transparence ni la sincérité des opérations menées sur ces terrains. Cette omission n’a d’ailleurs jamais été relevée par le contrôle de légalité exercé par le préfet. Les deux propositions de loi présentées visent donc à revenir sur cette formalité en validant, de manière rétroactive, l’ensemble des contrats relatifs à ces terrains, autorisés et passés par la ville de Lyon, de manière à les réputer réguliers, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée.

La Cour européenne des droits de l’homme comme le Conseil constitutionnel encadrent les validations législatives en posant quatre conditions qui sont, selon moi, réunies ici et que je souhaite vous exposer.

En premier lieu, la validation législative doit respecter la séparation des pouvoirs et les décisions de justice ayant force de chose jugée. Tel est bien le cas en l’espèce puisque la validation proposée intervient à titre préventif : aucun litige relatif à la ZAC de Gerland n’est pendant devant une juridiction à ma connaissance. En outre, le dispositif précise, conformément à l’usage, que la validation n’intervient que « sous réserve des décisions passées en force de chose jugée ». Cette première condition me paraît donc remplie.

En deuxième lieu, le juge exige que la validation respecte le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions. Or, la validation proposée a simplement pour objet de couvrir l’irrégularité d’actes administratifs et des contrats relatifs aux terrains de la ZAC de Gerland, si bien que ce critère est également respecté.

En troisième lieu, il est impératif de définir strictement la portée de la validation, ce que propose le dispositif proposé. Celui-ci précise en effet que sont régularisés les contrats autorisés et passés par la ville de Lyon relatifs à aux terrains de la ZAC de Gerland, « en tant qu’ils seraient contestés par le motif qu’ils n’auraient pas été précédés d’un acte administratif formel, constatant qu’après leur désaffection, ces terrains avaient été déclassés du domaine public communal ». Cette immunité n’est donc pas absolue dans la mesure où rien n’empêchera l’annulation des actes litigieux sur d’autres fondements juridiques. Le juge constitutionnel a d’ailleurs reconnu à plusieurs reprises la constitutionnalité d’une validation législative visant à couvrir une irrégularité purement externe comme un vice de compétence –QPC du 22 septembre 2010 – ou l’omission de formalités obligatoires dans le domaine de l’urbanisme – décision relative à la loi du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat.

En dernier lieu, le juge vérifie que la validation législative répond à un motif impérieux d’intérêt général, ce dont on ne saurait douter en l’espèce. Je rappelle en effet que les objectifs poursuivis par les deux propositions de loi sont :

– de garantir la sécurité juridique des transactions passées et en particulier le droit de propriété des habitants ayant acquis ou fait construire des logements construits sur ces terrains ;

– de garantir le maintien d’une vie privée et familiale normale en ne remettant pas en cause la capacité des occupants des logements sociaux construits sur ces terrains ;

– d’assurer la continuité des services publics installés sur ces terrains, et en particulier des services publics d’enseignement : je précise en effet que cette ZAC accueille plusieurs établissements scolaires ainsi que l’École normale supérieure de Lyon (ENS Lyon), des instituts de recherche comme l’institut national de la santé de la recherche médicale (INSERM), etc. ;

– enfin, de faciliter la construction de nombreux logements et la réalisation de projets d’intérêt général autour du pôle de compétitivité à vocation mondiale qu’est « Lyonbiopôle ». Certains projets sont déjà bien engagés tels que le développement du pôle de recherche en infectiologie de l’INSERM, la relocalisation sur le site du centre international de recherche en cancérologie de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’extension d’un laboratoire de l’ENS Lyon, la construction d’une résidence universitaire et d’un restaurant interuniversitaire, l’implantation de nombreuses entreprises, à commencer par la construction du nouveau siège social de Sanofi et l’extension du laboratoire pharmaceutique indépendant Aguettant.

En conclusion, la présente validation législative devrait donc permettre non seulement de pérenniser le développement économique et social dans le quartier de la ZAC de Gerland mais également en favoriser l’essor grâce à la sécurité juridique conférée à de nombreux projets en cours. Elle contribuerait ainsi à développer l’emploi et l’excellence française dans le domaine de la santé et des biotechnologies dans ce quartier. Sous réserve d’un amendement purement rédactionnel réécrivant l’article unique et d’une précision apportée au titre, je vous invite donc à adopter ces deux propositions de loi.

Mme Gilda Hobert. Je tiens tout d’abord à remercier notre cher collègue, Jean-Louis Touraine, d’être rapporteur de ces deux propositions de loi et de son exposé très éclairant. Chers collègues, nous allons absolument dans le même sens. S’il ne vous aura pas échappé que si nous discutons aujourd’hui de ma proposition de loi conjointe et similaire qui fait suite à celle déposée par M. Thierry Braillard, aujourd’hui secrétaire d’État, il n’en est pas moins que cette démarche relève, et j’insiste, d’une volonté commune et partagée de sécuriser la situation juridique du quartier au cœur de ma circonscription, la zone d’aménagement concerté du quartier central de Gerland.

En effet, comme l’a expliqué mon collègue lyonnais, cette zone, qui correspondait anciennement aux abattoirs municipaux et qui relevaient donc du domaine public de la ville de Lyon, a connu une réhabilitation accueillant nombre d’activités très importantes pour la ville développant le dynamisme local des commerces, des logements parmi lesquels des logements sociaux, des entreprises, etc. Si nous pouvons dire aujourd’hui que la réhabilitation de ce quartier a été une vraie réussite, nous nous sommes rendus compte après des années, que ces terrains n’avaient pas fait l’objet d’un déclassement formel. Ces deux propositions de lois visent donc à régulariser cette situation en validant de manière rétroactive l’ensemble des contrats relatifs à ces terrains.

Ce développement continue, de nombreux projets sont à venir. Outre le projet de développement de l’université de Lyon au travers de l’extension engagée d’un laboratoire de l’école normale supérieure de Lyon dans le cadre du plan Campus, de la construction d’une résidence universitaire ou encore d’un restaurant interuniversitaire, cela s’est traduit également par la signature de trente-quatre baux à construction donnant lieu à quatorze divisions de copropriété dont six à des bailleurs sociaux ou encore par le projet de construction du nouveau siège social de Sanofi qui emploiera près de sept cents personnes.

Or, le manque de sécurité juridique ne doit pas freiner ce bel élan à venir. Renforcer le pôle de compétitivité, dit aussi « Lyonbiopôle », qui détient une place importante dans le domaine de la santé et des biotechnologies est aussi un élément majeur de cette proposition de loi qui participera activement à l’attractivité de notre territoire et au rayonnement de la France à l’international. Cette démarche aura un impact très important pour ce quartier lyonnais en favorisant, j’en suis certaine, l’essor économique et social. Mais c’est avant tout en faveur de l’intérêt général que nous vous demandons de vous prononcer aujourd’hui.

En effet, non seulement comme je l’ai rappelé précédemment, il s’agit de sécuriser les habitants de la zone mais il s’agit aussi d’agir en faveur du dynamisme de notre territoire, d’encourager l’emploi et la réussite de la réhabilitation de nos quartiers. Voilà, chers collègues, ce que je vous voulais vous dire au sujet de cette proposition de loi très brève avec son article unique mais éminemment importante. Je soutiendrai avec force ces deux propositions de lois.

Mme Pascale Crozon. Je voulais indiquer que certains d’entre nous avaient exprimé des inquiétudes sur la destination de ces terrains. Après avoir entendu l’exposé de notre rapporteur et de Mme Hobert, nous sommes tout à fait rassurés.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article unique : Validation législative des contrats passés et autorisés par la ville de Lyon relatifs aux terrains compris dans le périmètre de la zone d’aménagement concerté du quartier central de Gerland à Lyon

La Commission examine l’amendement rédactionnel CL1 du rapporteur réécrivant l’ensemble de l’article.

La Commission adopte l’amendement et ainsi l’article 1er modifié.

Titre : Sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier de Gerland (Lyon)

La Commission adopte l’amendement CL2 du rapporteur.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

La séance est levée à 13 heures 50.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nathalie Appéré, M. Christian Assaf, M. Erwann Binet, M. Jacques Bompard, M. Marcel Bonnot, M. Dominique Bussereau, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Gilbert Collard, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Gérald Darmanin, M. Carlos Da Silva, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Jean-Pierre Decool, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, M. Marc Dolez, M. Philippe Doucet, Mme Laurence Dumont, M. Olivier Dussopt, M. Matthias Fekl, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Guillaume Garot, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, Mme Françoise Guégot, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie
Kosciusko-Morizet, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec,
Mme Anne-Yvonne Le Dain, Mme Sandrine Mazetier, M. Patrick Mennucci, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L’Huissier, Mme Nathalie Nieson, M. Jacques Pélissard, M. Edouard Philippe, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Pascal Popelin, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
M. Jean-Louis Touraine, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. François Vannson, M. Patrice Verchère, M. Alain Vidalies, M. François-Xavier Villain, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Bernard Lesterlin, M. Alfred Marie-Jeanne

Assistaient également à la réunion. - M. Malek Boutih, M. Yann Galut, M. Mathieu Hanotin, Mme Gilda Hobert, M. Christophe Léonard