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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 9 décembre 2015

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 24

Présidence de M. Dominique Raimbourg, Vice-président

– Examen des propositions de loi organique et ordinaire relatives à la modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle (nos 3201 et 3214) (M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur)

La séance est ouverte à 10 heures 30.

Présidence de M. Dominique Raimbourg, vice-président.

M. Dominique Raimbourg, président. Dans le cadre d’un programme de coopération, trois stagiaires des comptes rendus de l’assemblée nationale du Niger assistent aujourd’hui à notre réunion de commission : M. Ibrahim Issa Yanssambou, directeur de service, ainsi que M. Sani Yallé Baoua et Mme Aoua Malam Mamadou, administrateurs. Je vous souhaite, madame, messieurs, la bienvenue et espère que ce stage vous apportera tout ce que vous en attendez.

La Commission examine, sur le rapport de M. Jean-Jacques Urvoas, la proposition de loi organique et la proposition de loi relatives à la modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle (nos 3201 et 3214).

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Voici maintenant cinquante ans que le peuple français élit le Président de la République : la première élection présidentielle au suffrage universel direct a eu lieu les 5 et 19 décembre 1965. Nous n’avions d’ailleurs pas voté au mois de décembre depuis cette date, jusqu’aux élections régionales dont le premier tour a eu lieu dimanche dernier...

L’élection présidentielle continue à faire débat, parfois dans son principe même, le plus souvent dans ses modalités d’organisation. En témoigne notamment le rapport du groupe de travail sur l’avenir des institutions, présenté par Claude Bartolone et Michel Winock, qui recommande de revenir au septennat, à condition de le rendre non renouvelable.

Les propositions de loi que nous examinons ce matin ont un objet plus modeste, mais aussi plus pragmatique : sans remettre en cause les équilibres institutionnels, il s’agit d’améliorer le cadre juridique régissant l’élection présidentielle. Ainsi, je ne vous propose pas de modifier le principe même du « parrainage », institué par la loi du 6 novembre 1962 et modifié en 1976, lorsque nous sommes passés de 100 à 500 signatures.

Plus précisément, il vous est proposé d’apporter des réponses à des questions et contestations qui reviennent à chaque élection concernant le mécanisme des parrainages, le traitement de la campagne par les médias audiovisuels, le contrôle des comptes de campagne, les sondages et la divulgation des résultats ou encore les règles applicables à nos compatriotes résidant à l’étranger.

Sur ces différents points, des dysfonctionnements ont été relevés et des recommandations formulées par les différents organismes de contrôle compétents : le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et la Commission des sondages.

En général, sitôt l’élection présidentielle passée, ces questions s’estompent… pour resurgir cinq ans plus tard. À cet égard, le regretté Guy Carcassonne avait déclaré au Figaro le 20 avril 2012 : « On devrait s’atteler à ces questions après l’élection, mais ça n’intéresse plus personne. On s’y intéresse juste avant, mais c’est trop tard : tout le monde commence à imaginer qui sera avantagé par quoi. Il faut rompre avec cette logique absurde. » C’est précisément ce que je vous propose de faire, en reprenant les suggestions formulées par les instances de contrôle que j’ai citées. Autant dire que je n’ai aucun orgueil d’auteur ! Les différentes propositions qui vous sont soumises n’émanent pas d’une imagination qui pourrait être…

M. Philippe Gosselin. Fertile !

M. le rapporteur. …intéressée ou fertile : elles s’inspirent scrupuleusement de celles de ces instances de contrôle. Compte tenu de la hiérarchie des normes applicables à l’élection présidentielle, je vous présente deux propositions de loi, l’une organique, l’autre ordinaire.

Vous l’avez compris : il s’agit de nous mettre d’accord sur les « règles du jeu ». La démarche se veut donc la plus consensuelle possible. C’est d’ailleurs pourquoi je vous propose de limiter nos débats à la seule élection présidentielle et de ne pas nous lancer dans une hypothétique réforme d’ensemble de notre droit électoral. Depuis 2007, le Conseil constitutionnel invite le législateur organique à prendre ses responsabilités s’agissant des modalités d’organisation de l’élection présidentielle. Je souhaite éviter qu’une telle invitation nous soit à nouveau adressée dans les rapports qui seront publiés à la suite de la prochaine élection présidentielle. Tels sont mon état d’esprit et ma seule intention.

Cinq principales améliorations sont proposées dans ces deux textes.

Premièrement, la proposition de loi organique tend à moderniser le système de présentation des candidats à l’élection présidentielle.

D’une part, les présentations – communément appelées « parrainages » – devront désormais être transmises au Conseil constitutionnel par leur auteur, par voie postale. Il sera donc mis fin à la « centralisation » des formulaires de parrainage par les équipes de campagne. Le caractère personnel et volontaire de l’acte de parrainage sera ainsi réaffirmé. Nous aurons tout à l’heure un débat sur l’opportunité d’ajouter une possibilité de transmission des parrainages par la voie électronique – un certain nombre d’amendements portent sur ce point.

D’autre part, la proposition de loi organique prévoit la publicité intégrale de la liste des « parrains » de chaque candidat à l’élection présidentielle. Aujourd’hui, je le rappelle, cette liste n’est rendue publique que dans la limite de 500 signatures. Cela conduit le Conseil constitutionnel à procéder à des tirages au sort parmi l’ensemble des parrainages, ce qui constitue en réalité une rupture du principe d’égalité. Désormais, la totalité des parrainages des candidats seront rendus publics, ce qui sera plus simple et plus clair. C’est aussi une question de responsabilité politique : les élus doivent assumer publiquement leur parrainage et, le cas échéant, rendre des comptes à cet égard. Des amendements proposent d’ailleurs d’aller plus loin, en prévoyant cette publicité non pas à la fin de la période de recueil des signatures, mais au fur et à mesure de leur réception par le Conseil constitutionnel. Les arguments en ce sens recevront de ma part une écoute très positive.

Deuxièmement, la proposition de loi organique vise à clarifier et à simplifier le traitement de la campagne par les médias audiovisuels. Elle met fin aux règles baroques qui s’appliquent pendant la période dite « intermédiaire », c’est-à-dire celle qui court de la publication de la liste des candidats jusqu’au début de la campagne officielle et dure environ trois semaines – vingt jours exactement en 2012. Aujourd’hui, les chaînes de radio et de télévision doivent faire coexister une stricte égalité des temps de parole des candidats et une simple équité des temps d’antenne. Or, en 2012, neuf directeurs de rédaction de chaînes de radio et de télévision avaient adressé une lettre ouverte au président du Conseil constitutionnel afin de contester ce dispositif, et, parallèlement, onze médiateurs de presse avaient dénoncé le caractère « inapplicable » des règles fixées par le CSA. La proposition de loi organique simplifie la situation en remplaçant la règle d’égalité par un principe d’équité des temps de parole. Elle garantit, en outre, des conditions de programmation comparables, sous le contrôle du CSA.

Troisièmement, les deux propositions de loi tendent à adapter la législation sur les comptes de campagne.

D’une part, suivant une recommandation de la CNCCFP, il est proposé de ramener d’un an à six mois la période pendant laquelle les candidats à l’élection présidentielle doivent faire figurer leurs recettes et leurs dépenses électorales dans leur compte de campagne. J’ai noté que des amendements tout à fait opposés avaient été déposés sur ce point : les uns visent à supprimer cette mesure pour en rester au droit actuel, tandis que d’autres proposent au contraire de l’étendre à l’ensemble des élections.

D’autre part, la proposition de loi ordinaire renforce les moyens de contrôle de la CNCCFP, en lui permettant de recourir à des experts. Il s’agit d’améliorer sa capacité d’appréciation de certaines dépenses électorales difficiles à évaluer, telles que l’impression de documents ou l’organisation de réunions publiques, sujets qui ont beaucoup occupé les médias lors de la dernière élection présidentielle. À la suite de l’audition de François Logerot, président de la CNCCFP, je vous proposerai d’aller plus loin, avec un amendement qui prévoit de rendre publiques périodiquement, au cours de la campagne, les dépenses électorales de chaque candidat.

Quatrièmement, la proposition de loi organique met fin à l’étalement des horaires de fermeture des bureaux de vote entre 18, 19 et 20 heures. Je propose, pour le seul scrutin présidentiel, qu’aucun bureau ne ferme désormais avant 19 heures. Il sera en revanche toujours possible de prévoir des dérogations jusqu’à 20 heures. En conséquence, l’intervalle entre les premières fermetures de bureaux de vote et la clôture du scrutin sera réduit à une heure. Cela rendra difficile une divulgation massive, avant la fin de l’embargo, de résultats partiels ou de sondages faits à partir de « bureaux tests » – j’imagine que la plupart d’entre nous en ont été à nouveau destinataires dimanche dernier avant même l’heure fatidique. Il est également proposé, aux mêmes fins, de renforcer les sanctions pénales réprimant la divulgation de résultats partiels de l’élection avant la fermeture du dernier bureau de vote. Un institut de sondage a d’ailleurs indiqué hier son intention de procéder à une telle divulgation lors de la prochaine élection présidentielle.

Cinquième et dernier point : la proposition de loi organique vise à simplifier les règles applicables aux Français résidant à l’étranger. Là encore, les dispositions du texte en la matière découlent des observations du Conseil constitutionnel, lequel a notamment relevé que 10 000 recours contentieux environ avaient été déposés à ce sujet devant le tribunal d’instance du 1er arrondissement de Paris. D’une part, je vous propose de mettre fin à la possibilité d’être inscrit à la fois sur une liste électorale consulaire et sur une liste communale en France. Nous discuterons probablement de l’application de cette mesure, à laquelle se rapportent un certain nombre d’amendements. D’autre part, la propagande électorale à l’étranger sera désormais autorisée sans discrimination entre les pays, sous la seule réserve de la législation du pays hôte.

En définitive, ainsi que vous pouvez le constater, ces deux propositions de loi, avec les améliorations que nous leur apporterons au cours de nos débats, devraient contribuer à ce que la prochaine élection présidentielle se déroule dans un environnement juridique incontestable. Eu égard à l’importance de ce scrutin, notre responsabilité est, me semble-t-il, d’agir en ce sens.

M. Philippe Gosselin. Nous examinons avec intérêt ces deux propositions de loi, tout en constatant, non sans un peu d’ironie et de méfiance, que vous abordez les règles applicables à l’élection présidentielle après avoir modifié celles des élections cantonales, municipales, communautaires et sénatoriales, et dans l’attente, peut-être, de changer celles des élections législatives, seules à manquer encore au tableau !

Cela dit, il est exact qu’un certain nombre de questions de fond se posent. Vous avez l’ambition de moderniser les règles applicables à l’élection présidentielle et vous vous appuyez pour ce faire sur différentes instances, notamment le Conseil constitutionnel et la CNCCFP. Les deux propositions de loi agrègent des propositions émanant de ces instances, mais elles soulèvent plus de questions qu’elles n’en résolvent. Pour l’anecdote, je ne suis pas sûr que, à l’heure du numérique, la modernisation passe nécessairement par l’utilisation de la voie postale !

Notons d’emblée que la publicité intégrale de la liste des parrainages ne soulève pas de difficulté particulière. Actuellement, il y a en effet une forme d’injustice, voire d’atteinte à la transparence : aucun motif valable ne justifie le tirage au sort des 500 parrainages qui seront publiés. Cette règle a d’ailleurs posé des difficultés à l’occasion de chacun des scrutins présidentiels précédents.

Lors de l’examen des articles et des amendements, je reviendrai plus longuement sur l’envoi des parrainages au Conseil constitutionnel par la voie postale. Alors que vous souhaitez améliorer le système, vous risquez de le compliquer : les candidats ne sauront plus, en temps réel, où en est le recueil de ces parrainages. Si un tel suivi n’est pas un problème pour les « grands » candidats, qui sont à même d’obtenir des centaines, voire des milliers de signatures, c’est une question importante pour les « petits » candidats, qui sont à quelques unités près. En disant cela, je ne cherche nullement à pointer les difficultés à tout prix : nous avons bien vu qu’il y avait, à chaque élection, une course aux parrainages.

J’interviendrai aussi, de même que d’autres collègues, à propos de l’article 4, qui prévoit de remplacer les règles d’égalité des temps de parole dans les médias par le principe d’équité pendant la période dite « intermédiaire ». Je m’interroge sur ce changement. J’ai notamment en tête l’adage que citait volontiers Robespierre : « Dieu nous garde de l’équité des Parlements ! » Depuis lors, le terme « Parlement » a pris un autre sens, mais c’est bien l’équité qui est en cause.

Je retiens de votre propos liminaire, monsieur le rapporteur, que vous souhaitez corseter quelque peu ces deux propositions de loi, en les consacrant exclusivement à l’élection présidentielle. Or pourquoi appliquer à la seule élection présidentielle la réduction d’un an à six mois de la période pendant laquelle les candidats doivent retracer les recettes et les dépenses électorales dans leur compte de campagne ? Peut-être est-ce une façon indirecte – mais telle n’est sans doute pas votre intention, monsieur le rapporteur – de venir en appui au Président sortant. Il serait curieux que les élections législatives, qui suivent immédiatement l’élection présidentielle, ne soient pas soumises aux mêmes règles. La réduction que vous proposez peut être envisagée, mais, pour le coup, il convient de traiter les autres élections de manière équitable !

À ce stade, le groupe Les Républicains ne s’oriente pas nécessairement vers un vote de rejet. Nous avons proposé plusieurs amendements. J’espère, monsieur le rapporteur, que vous ferez preuve d’apaisement et d’ouverture au cours de l’examen des amendements et que vous prendrez en compte un certain nombre de remarques qui nous paraissent fondées. En tout cas, nous ne voudrions pas que ces deux propositions de loi puissent apparaître comme une forme de manipulation ou de trituration des règles du code électoral à un peu plus d’un an – tel sera le cas au moment de leur promulgation éventuelle – de l’élection présidentielle de 2017.

M. Lionel Tardy. Nous allons avoir un débat intéressant ce matin, car certaines questions doivent être tranchées et certaines règles applicables à l’élection présidentielle méritent en effet d’être modernisées.

Cependant, c’est aussi un débat tronqué. Pour commencer, dans la mesure où il s’agit de toucher à l’élection qui est au cœur de nos institutions, nous devrions modifier la loi organique de 1962 non pas dans le cadre d’une procédure accélérée, mais à l’issue d’une réelle réflexion. Et celle-ci ne devrait pas être le fait du seul groupe socialiste : elle aurait dû associer en amont l’ensemble des groupes parlementaires. Tel n’a malheureusement pas été le cas.

Surtout, ce débat sera limité, car nous traiterons uniquement de l’élection présidentielle. Je répète ce que j’ai dit hier soir dans l’hémicycle à propos de la loi Sueur : beaucoup de choses sont à améliorer dans le code électoral et le financement de la vie politique.

Vous proposez de réduire de un an à six mois la durée de prise en compte des dépenses électorales, mais il faudrait appliquer cette mesure d’abord aux élections locales et législatives, pour lesquelles la campagne ne dure jamais plus de six mois. À l’instar de mes collègues du groupe Les Républicains, j’estime qu’il faut le faire pour toutes les élections ou pour aucune ! Or nous allons devoir restreindre notre réflexion à l’élection présidentielle, ce que je regrette.

Si certaines mesures sont bienvenues, en particulier la transparence sur les parrainages, d’autres « modernisations » complexifient en réalité les choses sans les régler, notamment l’envoi des formulaires de parrainage au Conseil constitutionnel par la voie postale et le nouveau système envisagé en matière de temps de parole, véritable usine à gaz médiatique !

Enfin, la question des primaires ouvertes n’est pas réglée. Il faudra pourtant la trancher.

J’espère que nos propositions d’amélioration seront prises en compte.

M. Marc Dolez. Je ferai trois remarques.

Premièrement, nous sommes, bien sûr, favorables à la publicité intégrale des parrainages, mais nous pensons que ceux-ci doivent continuer à transiter par le candidat ou par son équipe de campagne. Selon nous, le candidat doit conserver la possibilité d’adresser directement au Conseil constitutionnel les parrainages dont il dispose, afin d’être en mesure de les comptabiliser.

Deuxièmement, il est en effet important d’apporter une solution effective au problème causé par la divulgation de résultats partiels ou d’estimations avant l’heure de fermeture de l’ensemble des bureaux de votes. Pour notre part, nous sommes favorables à l’harmonisation intégrale des horaires d’ouverture et de fermeture des bureaux de vote. Cette mesure aurait le mérite de la simplicité pour nos concitoyens et permettrait de neutraliser totalement les effets de la divulgation des estimations.

Enfin, et surtout, nous sommes totalement opposés au remplacement de l’actuelle règle d’égalité des temps de parole par le principe d’équité au cours de la période dite « intermédiaire ». Contrairement à vous, monsieur le rapporteur, je ne pense pas que les règles actuelles soient « baroques ». Aux yeux de nos concitoyens, il faut en être conscient, la campagne officielle débute avec la publication de la liste officielle des candidats, même s’il reste encore trois semaines avant le début de la campagne officielle proprement dite.

Je trouve un peu curieux que, pour appliquer ce principe d’équité, on retienne le critère de la représentativité des candidats, appréciée en fonction des résultats obtenus aux « plus récentes élections » par les candidats ou les formations politiques qui les soutiennent et en fonction des indications d’enquêtes d’opinion.

Conditionner le temps de parole lors de la période intermédiaire aux résultats des plus récentes élections revient, de fait, à accorder une prime aux partis en position de force et déjà omniprésents dans les médias en dehors des périodes électorales. Selon nous, cette règle est de nature à mettre à mal le pluralisme et la diversité des expressions, qui doivent pourtant être d’autant plus garantis que les « grands » partis bénéficient d’une couverture médiatique très forte quelques mois avant l’élection du fait de l’organisation des primaires, pratique désormais bien établie. De plus, elle soulève un certain nombre de questions : comment répartir équitablement le temps de parole entre deux candidats issus d’une même formation politique ? Quid d’un candidat dont la formation politique n’a pas été représentée lors des élections précédentes ?

Quant aux enquêtes d’opinion, quelle fiabilité leur accorder ? Nous en connaissons les limites et les lacunes : ainsi que nous l’avons constaté lors de toutes les élections présidentielles, les sondages réalisés deux ou trois mois avant le scrutin n’ont guère de signification, et les chiffres connaissent souvent des évolutions très notables au cours de la campagne. Cela pose des problèmes très sérieux. En retenant le critère des sondages, nous irions à l’encontre de l’objectif de cette proposition de loi : rendre l’élection présidentielle irréprochable.

La question des temps de parole pendant la période intermédiaire constitue un point dur de notre position : si la proposition de loi n’est pas modifiée pour en revenir aux règles actuelles, ce motif justifiera à lui seul l’opposition du groupe de la Gauche démocrate et républicaine aux deux textes qui nous sont présentés aujourd’hui.

M. Sergio Coronado. Les conditions d’organisation de toutes les élections, notamment de l’élection présidentielle, font débat depuis longtemps. Vous avez décidé, monsieur le rapporteur, de proposer des modifications qui tiennent compte des recommandations formulées par les organismes de contrôle. Toutefois, certaines de ces recommandations font elles-mêmes débat : elles ne sont soutenues de manière unanime ni par l’ensemble des organismes de contrôle ni par la représentation nationale. Je salue néanmoins votre volonté d’aboutir à un texte consensuel.

Je souligne, d’abord, les points d’accord.

Ainsi que je l’ai indiqué lorsque j’ai présenté mon avis budgétaire sur le programme « Vie politique, cultuelle et associative », il nous semble nécessaire de réduire de un an à six mois la période pendant laquelle les candidats à l’élection présidentielle doivent faire figurer leurs recettes et leurs dépenses électorales dans leur compte de campagne, afin de permettre un contrôle plus strict par la CNCCFP. La majorité des dépenses sont effectuées au cours des six mois qui précèdent le scrutin et, lorsque nous l’avons auditionnée, la CNCCFP nous a indiqué qu’il lui était difficile de procéder à un contrôle strict sur une durée de un an, compte tenu de ses prérogatives et du personnel dont elle dispose actuellement.

D’autre part, il nous paraît bienvenu d’autoriser la propagande électorale dans tous les pays étrangers.

Cependant, il existe aussi quelques points d’achoppement dans ce texte, voire des propositions auxquelles nous nous opposons.

Ainsi que vient de l’exposer Marc Dolez, le passage de l’égalité à l’équité des temps de parole ne garantit pas le pluralisme qui doit prévaloir lors d’un scrutin aussi important que l’élection présidentielle, laquelle détermine la période électorale qui suit, notamment la campagne pour les élections législatives.

En outre, je crains que la modification des règles relatives aux parrainages ne crée un effet « entonnoir » pour une série de candidatures à l’élection présidentielle. Selon moi, il est indispensable de garder la possibilité d’un suivi par les candidats eux-mêmes. Je proposerai un amendement sur ce point, dont la formulation mérite probablement d’être améliorée d’ici à la séance publique.

Enfin, je suis fortement opposé à la radiation automatique de la liste électorale consulaire. Le problème en cause, qui a été mis en lumière par le Conseil constitutionnel, pourrait trouver d’autres solutions que cette mesure pour le moins brutale et radicale, qui heurte un certain nombre de nos compatriotes résidant à l’étranger. Nous avons d’ailleurs un problème similaire pour les élections européennes, qui reste en suspens pour l’instant.

Je comprends votre volonté de simplifier et d’aller vite, mais vous faites l’impasse sur certaines questions importantes. En particulier, nous nous interrogeons fortement sur les primaires, qui tendent à s’installer dans le paysage politique, mais ne sont encadrées par aucune règle, notamment financière. Il me paraît assez hasardeux de vouloir simplifier l’élection présidentielle sans tenir compte des primaires, qui peuvent mobiliser plusieurs millions d’électeurs, à l’image de celle qu’a organisée le parti socialiste en 2011. Ce point appelle une réflexion de votre part, monsieur le rapporteur, ou de la part de notre commission, dès ce matin.

Mme Élisabeth Pochon. Je salue la qualité du travail de notre rapporteur, dont le texte répond à des questions qui se posent à chaque élection présidentielle.

Celle-ci occupe une place à part dans notre vie démocratique et dans le cœur des Français ; la participation y est très importante, et par cela même elle se doit d’être irréprochable. Les propositions de loi dont nous débattons ce matin lui permettront de se dérouler dans un environnement juridique modernisé et incontestable ; elles s’appuient d’ailleurs sur les recommandations formulées par différents organismes de contrôle – Conseil constitutionnel, Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, Commission des sondages…

Vous proposez d’abord, monsieur le rapporteur, des aménagements nécessaires : mise à jour, par exemple, de la liste des élus aptes à présenter un candidat, suppression des commissions de contrôle des opérations de vote dans les communes de plus de 20 000 habitants, devenues redondantes.

Deux dispositifs devraient, à mon sens, faire consensus : la publication intégrale de la liste des élus ayant souhaité parrainer un candidat, ce qui permettra d’améliorer la transparence, et une modification des règles de transmission des signatures au Conseil constitutionnel. Ces mesures permettront d’éviter les surenchères et les instrumentalisations que nous avons connues, et qui ont conduit à des tromperies.

S’agissant du temps de parole des candidats, la proposition de loi organique opère un changement majeur en remplaçant la règle d’égalité par un principe d’équité pendant la période « intermédiaire » ; elle prévoit toutefois pour tous les candidats des « conditions de programmation comparables », ce qui n’est pas rien.

Ce texte propose également de modifier le calendrier de prise en compte des dépenses électorales, encore une fois sur la recommandation de la Commission nationale des comptes de campagne, qui considère qu’une période de six mois est pertinente.

Il envisage enfin de modifier les heures de fermeture des bureaux de vote, afin d’éviter toute fuite des résultats avant l’issue du scrutin. Ces situations sont bien connues.

Ces propositions de loi n’ont qu’un seul but : la modification des règles applicables à l’élection présidentielle. Ce but est atteint, et le groupe socialiste les soutient fermement.

M. François Vannson. Nous vivons une crise démocratique, mais cette élection demeure la favorite de nos compatriotes et provoque encore de l’enthousiasme : soyons vigilants, et ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.

Je me souviens d’une intervention, dans cette même salle, du regretté Guy Carcassonne, qui soulignait la nécessité de ne pas porter de « coups de canif » à notre Constitution. Le risque de ce genre de réforme, certes intéressante sur le fond, est de donner l’image d’un système très encadré, très contraint. L’électeur a alors le sentiment que la loi cherche à orienter son comportement – dans le contexte actuel, cela peut être très mal ressenti et susciter des réactions. Vous évoquez, monsieur le rapporteur, la proposition qui a été faite d’un septennat non renouvelable. Elle ne figure pas dans ces propositions de loi. Mais imaginons un jour un Président de la République qui suscite de l’enthousiasme, de la confiance : pourquoi la loi devrait-elle interdire qu’il soit reconduit ?

Je note enfin que, depuis vingt-cinq ans, le Parlement n’a de cesse d’encadrer notre vie politique ; la défiance n’a pas pour autant diminué.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je ne partage pas l’enthousiasme du rapporteur.

L’article 6 de la proposition de loi organique reprend ainsi une proposition de la CNCCFP tendant à ramener à six mois, au lieu d’un an, la période durant laquelle sont comptabilisées les recettes et les dépenses électorales. Quel sens aurait cette mesure si elle s’applique seulement à l’élection présidentielle ? Très souvent, les élections présidentielle et législatives se télescopent : comment fera-t-on ?

Comment, par ailleurs, lutter contre la diffusion des estimations de résultats par les médias étrangers, comme vous l’envisagez ?

Quant aux horaires de fermeture des bureaux de vote, pourquoi proposer dix-neuf heures ici et vingt heures là plutôt qu’une heure unique, qui seule garantirait l’absence de diffusion des estimations avant la clôture du vote ?

J’approuve en revanche l’article 3 de la proposition de loi organique, qui prévoit la publication intégrale de la liste des élus ayant présenté un candidat. Cela mettra fin à l’arbitraire du tirage au sort.

Je regrette, vous l’avez compris, que ces textes demeurent globalement très imparfaits.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le groupe UDI aborde cette discussion avec circonspection.

Je commencerai par citer les dispositions qui nous paraissent acceptables. L’article 1er de la proposition de loi organique propose un simple ajustement, tout à fait pertinent. Il nous paraît également normal que la liste des élus ayant présenté un candidat soit publiée intégralement, comme le prévoit l’article 3 : le parrainage doit être assumé publiquement. Que des élus de la République, ayant reçu mandat de leurs concitoyens, parrainent des candidats sans rendre aucun compte était une anomalie. Nous approuvons également l’article 5. Nous sommes plus dubitatifs sur l’article 8, relatif aux électeurs français inscrits à l’étranger. Nous y reviendrons dans le débat.

Vous proposez également des mesures visant à empêcher une diffusion prématurée des résultats. Personne ne peut évidemment se satisfaire de la façon dont ces résultats ont été connus lors des dernières échéances. Nous sommes prêts à accompagner cette disposition – même si je ne suis pas certain qu’elle soit suffisante : il faudra en dresser un bilan.

J’en viens maintenant aux mesures qui nous paraissent très discutables, à commencer par l’article 2 de la proposition de loi organique, relatif aux modalités de transmission des présentations au Conseil constitutionnel. À part pour assurer le confort du Conseil et lui éviter l’attroupement des journalistes rue de Montpensier, je ne vois pas l’intérêt d’un tel dispositif. Bien sûr, cela ne poserait aucun problème aux candidats des grands partis. Cela en poserait en revanche de très sérieux aux candidats qui ne disposent pas d’un fort appareil politique. Or il y en a toujours eu ! Certains peuvent bien nous paraître décalés, voire farfelus ; mais ils ont convaincu cinq cents maires de les présenter, et ils doivent pouvoir s’exprimer. Leur rendre difficile de savoir combien de parrainages ils ont obtenus, et donc leur compliquer la tâche, ne nous paraît pas acceptable.

Vous m’objecterez vraisemblablement, monsieur le rapporteur, qu’il suffira que le Conseil constitutionnel informe les candidats en temps réel de la réception des parrainages ; mais, pour être informé, je ne vois pas de meilleur moyen que de recevoir soi-même le parrainage.

J’observe enfin qu’il peut arriver que des maires souhaitent donner sa chance à un candidat sans pour autant aller jusqu’au bout de leur démarche, si ce candidat a déjà recueilli suffisamment de signatures. C’est au candidat qu’il revient de gérer les parrainages.

La mesure que vous proposez apparaît donc comme une curiosité.

L’article 4 – qui vise à substituer un principe d’équité à la règle actuelle de l’égalité – nous paraît en revanche franchement inquiétant. Aujourd’hui, dans l’audiovisuel français, hors campagne électorale, l’équité est totalement inexistante, ce qui est déjà très mauvais pour la démocratie. On donne l’impression aux citoyens qu’il n’y a aucun renouvellement des discours et des messages, et je crois même qu’une telle situation n’est pas étrangère à ce qui s’est passé dimanche dernier.

Il existait jusqu’à présent à un seul moment, très court, une égalité de temps de parole. Et cela ne concernait que des candidats ayant réussi à passer l’obstacle des 500 parrainages – ce qui, convenons-en, n’est pas une mince affaire ! Si les parrainages n’existaient pas, on pourrait comprendre l’instauration d’un principe d’équité. Mais ce filtre initial est bien là, et alors il faut une période d’égalité du temps de parole, qui ne devrait d’ailleurs pas durer quinze jours mais du moment où le candidat s’est qualifié jusqu’au jour où les électeurs se prononcent. Le système de parrainage prend acte du sérieux de la candidature, et de l’égalité des candidats entre eux, puisque l’on attribue à chacun 800 000 euros pour financer sa campagne. L’accès aux médias doit lui aussi être égal.

La vie politique française a longtemps été très bipolaire ; depuis peu, elle est malheureusement plutôt tripolarisée. Au cours des cinq ans qui séparent deux élections présidentielles, les médias se concentrent déjà énormément sur les formations politiques principales, et on peut le comprendre, même si des changements seraient souhaitables. Mais interdire de facto, au moment où les Français doivent pouvoir entendre des messages différents, l’égalité des temps de parole, n’est pas acceptable. Les Français ne sont pas des imbéciles ! Ils savent très bien reconnaître les candidats farfelus.

On nous dit que les télévisions renonceront à organiser des débats. C’est un leurre. Les médias organisent des débats en fonction de l’audience qu’ils en espèrent. Ils le font à l’occasion des primaires, et ils le feront à l’occasion des présidentielles – ils peuvent d’ailleurs parfaitement organiser des groupes de candidats. Nous avons vu comment cela se passait pour les élections régionales.

Cette disposition justifierait à elle seule un vote contre ce texte. L’égalité des temps de parole, pour quatre à cinq semaines, ne devrait pas déranger – sauf si l’on veut favoriser les candidats dits principaux, et donc empêcher tout renouvellement du système politique français.

Vous proposez également, monsieur le rapporteur, de réduire à six mois la période de prise en compte des dépenses électorales. Vous nous aviez consultés en tant que parti politique : je vous avais alors indiqué que cette mesure nous paraissait nécessaire pour l’élection présidentielle mais aussi pour toutes les autres. Je présenterai un amendement en ce sens. Nous savons tous que la réglementation actuelle pose problème ; comment comptabiliser des dépenses effectuées quand les candidats ne savent même pas encore qu’ils le seront ?

Je vous proposerai aussi un amendement visant à interdire qu’une liste choisisse de s’intituler en utilisant le nom de quelqu’un qui ne figure pas sur la liste. C’est un phénomène que nous connaissons depuis 1989, et qui constitue une tromperie vis-à-vis des électeurs. Nous devrions profiter de ce véhicule législatif pour modifier cette disposition. Il est totalement anormal que sur un bulletin figure en gros caractères le nom de quelqu’un qui n’est pas candidat, tandis que les noms des véritables candidats sont imprimés en très petits caractères.

Enfin, nous devrions réfléchir à l’ouverture d’une possibilité d’appel pour les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne. Vous prévoyez de permettre à cette dernière de recourir à des techniciens et des experts. C’est une très bonne chose. Mais, pour avoir vu quelques aberrations, ici et là, au fil des années, je pense que les candidats doivent pouvoir se défendre deux fois. Aujourd’hui, le jugement d’un expert décide de l’inéligibilité, de fait, d’un élu coupable d’une peccadille, d’une erreur – voire tout simplement confronté à des contradictions ou des évolutions de la jurisprudence de la Commission nationale des comptes de campagne. Nous savons tous ici que les interprétations de cette commission varient ! Ce véhicule législatif pourrait constituer une bonne occasion pour instaurer une instance d’appel, qui ne soit pas le juge, mais où chacun pourrait s’expliquer et faire la démonstration de sa bonne foi.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Vous avez cité en introduction, monsieur le rapporteur, le rapport du groupe de travail coprésidé par Claude Bartolone et Michel Winock. On est bien loin, avec ces textes, de ses recommandations ! Quitte à modifier les règles qui régissent l’élection présidentielle, vous auriez pu aller jusqu’au bout. Certes, c’est sans doute plus facile au début d’un mandat. En tout cas, le groupe de travail de MM. Bartolone et Winock avait insisté sur des points précis, que je ne retrouve pas ici.

Je suis par ailleurs, comme mes collègues, frappée de la teneur de l’article 4 de la proposition de loi organique. Ce remplacement de l’égalité par l’équité est-il seulement constitutionnel ? L’égalité se mesure, objectivement, tandis que vous faites reposer l’équité sur des enquêtes d’opinion. J’en suis d’autant plus surprise que je vous sais d’ordinaire très rigoureux ! À tout le moins, les méthodes des instituts de sondage manquent souvent de transparence, et leur poids dans la vie politique me paraît déjà plus qu’inquiétant.

En ce qui concerne les comptes de campagne et la réduction à six mois du délai de prise en compte des dépenses, pourquoi ne pas en profiter pour clarifier la situation de façon plus générale ? J’ose espérer qu’il n’y aura pas dans les prochains mois de nouvelle modification du mode de scrutin, et il semblerait notamment particulièrement utile de se souvenir que les élections présidentielle et législatives se suivent de façon très rapprochée. Ce sont des élections qui vivent ensemble. Il faut donc que les modalités de prise en compte des dépenses soient identiques.

En ce qui concerne enfin les horaires, je rappelle que, en 2012, 74 % du corps électoral votait dans des bureaux fermant à 18 heures, 4 % dans des bureaux fermant à 19 heures, et 22 % dans des bureaux fermant à 20 heures. Il faut donc agir prudemment, et bien mesurer les conséquences possibles d’une extension des horaires.

Ces deux propositions de loi se concentrent sur l’élection présidentielle : là aussi il faut être vigilant aux conséquences des mesures que nous déciderons ; il n’y aurait rien de choquant à traiter aussi des élections législatives.

M. Pascal Popelin. M. Gosselin nous parle d’« ironie », de « méfiance », et l’on entend aussi les procès d’intention qui pourraient être menés contre ces propositions de loi. C’est un système de pensée auxquels nous sommes habitués, quelle que soit la majorité en place.

Mais vos propositions, monsieur le rapporteur, ne résultent pas d’une pensée machiavélique, et elles ne sont pas le fruit de votre imagination personnelle : elles sont exclusivement tirées des observations récurrentes du Conseil constitutionnel, de la CNCCFP, du CSA... Ces organismes ont en effet, de façon convergente, souligné les limites de notre droit actuel. Ce choix réduit, sans doute, le champ de vos propositions, comme de celles que nous pourrions faire – ce début de discussion générale l’a déjà montré. Il me semble cependant adapté aux circonstances, car il vous exonère de tout soupçon de manipulation.

Vous proposez de faire évoluer les modalités de présentation des candidats. Ce serait un immense progrès pour tous ceux qui croient aux vertus de la clarté, de la transparence et de la déontologie dans le débat public. Vous mettez fin aux manœuvres et aux parties de poker menteur auxquelles nous assistons avant chaque élection présidentielle. Il ne me semble pas illégitime que l’acte de parrainage d’un candidat, prérogative importante et sérieuse conférée aux élus, soit public. Rien ne justifie qu’il échappe au regard des citoyens.

Il est également opportun que chacun connaisse, au fur et à mesure, le nombre de parrainages recueillis par ceux qui aspirent à être candidats. Cela coupera l’herbe sous le pied de quelques aventuriers avides seulement de notoriété médiatique ; cela nous dispensera de faux suspenses et de complaintes de victimisation qui envahissent, à chaque fois, l’actualité de la campagne. Si chronique il y a, au moins celle-ci sera-t-elle fondée sur des informations fiables.

S’agissant du traitement médiatique des candidats, j’ai noté qu’un débat s’ouvrait. Il me semble toutefois de notre responsabilité de trouver des modalités qui soient à la fois justes et applicables : tous les acteurs reconnaissent que le système actuel est paralysant.

S’agissant du renforcement des prérogatives de la CNCCFP, il me paraît nécessaire. Rappelons que la Commission a reconnu elle-même, à l’occasion notamment mais pas uniquement de la dernière élection présidentielle, les limites de ses capacités d’investigation. Nous avons vu combien la fraude et le dépassement des plafonds de dépenses autorisées pouvaient être massifs.

Je souscris aux propos de Jean-Christophe Lagarde sur l’utilité d’une réflexion sur l’instauration de modalités d’appel pour les candidats, afin qu’ils puissent s’expliquer ou se justifier.

S’agissant des horaires, il me semble que c’est une question qui se pose, pour l’élection présidentielle, de façon très particulière : c’est un scrutin national. Il arrive que des bureaux de vote soient encore ouverts alors que l’on dispose déjà de dépêches de l’Agence France Presse (AFP) donnant les premiers résultats ! Ce n’est pas tenable. Il serait vain d’interdire la diffusion d’estimations. En revanche, si les votes s’arrêtent au plus tôt à 19 heures, le travail de modélisation et de projection en sera compliqué : on ne disposera pas avant 20 heures d’un résultat fiable.

La proposition de ramener d’un an à six mois la période au cours de laquelle sont comptabilisées les recettes et les dépenses électorales devrait s’appliquer à tous les scrutins. Compte tenu de la durée effective des campagnes pour les élections législatives, municipales et départementales, il s’avère abusif de maintenir un délai supérieur à six mois. Monsieur le rapporteur, vous avez choisi, à raison, de centrer la proposition de loi sur l’élection présidentielle, mais celle-ci constitue justement, à mes yeux, le seul rendez-vous électoral pour lequel il n’est pas justifié de réduire le délai de computation à six mois ; même si 80 % des dépenses sont engagées au cours des six derniers mois de campagne, la durée d’un an est plus adaptée aux pratiques nouvelles telles que les primaires. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen (SRC) a déposé un amendement pour conserver la durée d’un an, mais, à ce détail près, je soutiens totalement, comme Mme Pochon, vos propositions.

M. Frédéric Lefebvre. Il est opportun de ramener le délai de computation des dépenses d’un an à six mois, mais, par souci de cohérence, cette évolution devrait également concerner les élections législatives bien que je comprenne votre volonté, monsieur le rapporteur, de vous en tenir aux remarques du Conseil constitutionnel et au scrutin présidentiel.

L’article 8 de la proposition dispose que tout électeur inscrit sur une liste consulaire et sur une liste en France choisit celle sur laquelle il maintient son inscription avant le 31 décembre 2016. Vous affirmez vouloir le consensus, mais cette disposition ne répond pas à une injonction du Conseil constitutionnel, qui nous demande simplement de réfléchir à la question. La mission d’information conduite par Mme Élisabeth Pochon et M. Jean-Luc Warsmann souhaite que l’on agisse non pour cette élection présidentielle, mais pour la suivante. Cette recommandation me paraît d’autant plus sage que la mission semble privilégier une direction diamétralement opposée à la vôtre. En effet, nos collègues désirent que la radiation touche les listes électorales en France et non à l’étranger. Cette divergence prouve qu’il serait sage de ne pas légiférer dans l’urgence.

En outre, les amendements déposés, provenant de tous les bancs, montrent qu’il conviendrait de rendre plus efficaces les commissions de radiation à l’étranger, qui se réunissent beaucoup moins fréquemment que celles tenues en France.

Votre texte se heurte à l’article 24 de la Constitution, monsieur le rapporteur, car l’application dans un délai aussi court d’un dispositif de radiation empêcherait certains de nos compatriotes de voter aux élections présidentielle et législatives. Les Français de l’étranger et les consulats consultés se montrent pour le moins circonspects sur l’article 8 de la proposition de loi organique. Il faudrait le retirer et prendre le temps de le retravailler.

M. Philippe Houillon. Je soutiens totalement l’idée de ramener la période de computation des dépenses de campagne d’un an à six mois. En revanche, je m’étonne, monsieur le rapporteur, que vous ne suiviez pas les préconisations de la CNCCFP. Dans votre exposé des motifs, vous faites état d’un rapport de mars 2015, mais la CNCCFP suggère de ramener ce délai à six mois depuis de nombreuses années.

Vous ne suivez pas les avis de la CNCCFP, puisque vous vous contentez de traiter la question des comptes de campagne des candidats à la présidence de la République. En outre, vous agissez dans le cadre de la procédure accélérée et, contre l’usage, à peine plus d’un an avant la prochaine présidentielle ; on ne peut donc que se montrer suspicieux devant ce texte. On nous parle légitimement d’unité nationale et de gravité, mais on n’oublie pas dans le même temps de s’occuper de cuisine électorale et de permettre à l’actuel Président de la République d’utiliser les moyens de l’État six mois de plus s’il décidait de se représenter. Seule l’extension aux élections législatives de la réduction à six mois de la période de calcul des dépenses de campagne vous blanchirait de ce reproche.

Monsieur le rapporteur, votre texte placera les parlementaires dans une situation d’insécurité juridique, parce qu’en maintenant la période de computation à un an pour les législatives et en l’abaissant à six mois pour la présidentielle, vous engendrerez de grandes incertitudes pour les candidats aux primaires qui, battus, se présenteraient à la députation. Que se passera-t-il au cours des six mois précédant le déclenchement du délai applicable à l’élection présidentielle pour les candidats aux législatives soutenant et accueillant dans leur circonscription un postulant à la présidence de la République ? La CNCCFP a souhaité la limitation à six mois du temps du calcul des dépenses pour éviter la confusion de l’avant-dernier semestre précédant l’élection présidentielle. On ne peut que lui donner raison, car les campagnes ne débutent pas un an avant la date du vote ; or, afin d’effectuer votre manœuvre, vous favoriserez les imbroglios et irez à l’inverse des préconisations de la CNCCFP.

Je ne voterai pas ce texte en l’état, car il ne procède pas de l’intérêt général, mais vise à servir un intérêt particulier. Maintenons le statu quo ou réduisons la période de computation pour le scrutin présidentiel et pour les élections législatives, comme le recommande la CNCCFP, mais ne créons pas de déséquilibre entre ces deux rendez-vous électoraux !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Il est légitime que nous nous concentrions, par le biais d’un appareil législatif constitué d’un texte organique et d’un texte ordinaire, sur l’élection présidentielle, car le dépoussiérage a beaucoup tardé et le Conseil constitutionnel a avancé des propositions précises depuis longtemps. En outre, l’élection présidentielle au suffrage universel direct s’avère radicalement différente des autres scrutins nationaux et se distingue également des autres systèmes démocratiques, à l’exception de celui des États-Unis, même si le régime américain diverge fortement du nôtre. Cette élection ordonne toute la vie politique française, l’instauration du quinquennat et d’un nouveau calendrier électoral dans lequel les législatives suivent immédiatement la présidentielle ayant renforcé cette prépondérance. Cela a favorisé le retour du régime des partis, le développement actuel d’un tripartisme renforçant les paradoxes de cette situation, la Cinquième République ayant été conçue pour mettre un terme à la prépondérance des partis. Nous devons nous montrer prudents dans notre action, même dans des matières qui ne semblent que formelles et procédurales.

J’approuve les propos de notre collègue Marc Dolez sur la publicité des parrainages. Cette réforme n’avantagera pas les petits partis, car, si la transparence peut paraître souhaitable, elle favorisera en l’espèce les pressions des appareils des grands partis.

Le passage à une équité assumée du temps de parole dans la période intermédiaire pose la question de l’aura véritable du CSA qui devra la faire respecter. Il s’agit d’un décentrement des pouvoirs, puisque l’on ôte à la loi la fonction d’organisatrice de la très délicate garantie de l’égalité et de l’équité, pour la conférer au CSA. Cette autorité administrative indépendante a-t-elle les moyens législatifs et jouit-elle de suffisamment de légitimité pour assurer ce contrôle ?

À la lumière du débat qui vient d’avoir lieu, je m’interroge encore davantage sur l’opportunité de réduire à six mois le délai de computation des dépenses de campagne. Cette nouvelle règle empêcherait certes le président en titre et candidat à l’élection présidentielle d’utiliser les moyens de l’État les plus tapageurs, mais le délai d’un an l’entrave dans la mobilisation des moyens les plus invisibles. Il y a donc des éléments qui plaident pour l’adoption de cette mesure et d’autres qui engagent à la retenue. L’intérêt de cette réforme réside dans l’arrêt du « fignolage » – ce que le doyen Vedel dénonçait comme l’agrandissement permanent de la boîte à outils –, mais mon avis n’est pas encore arrêté. En la matière comme en tant d’autres, écouter les arguments des uns et des autres avant de se forger une opinion me paraît une bonne politique.

M. Georges Fenech. Monsieur le rapporteur, le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi, car l’utilisation de la procédure accélérée et la présentation d’un texte bénéficiant avant tout à l’actuel chef de l’État, s’il décidait de se représenter à l’élection présidentielle, nourrissent une suspicion quant à l’existence d’arrière-pensées. Elles auraient pu être partiellement dissipées si le texte n’avait pas eu le scrutin présidentiel pour seul objet et avait englobé les élections législatives.

M. Lagarde pose un diagnostic juste sur le travail de la CNCCFP. Il suggère, comme M. Popelin, qu’un appel puisse être interjeté contre les avis de la Commission avant leur transmission au Conseil constitutionnel. Il aurait été opportun d’utiliser ce véhicule législatif, délesté de la procédure accélérée, pour rendre l’instruction plus transparente et plus équitable ; en effet, le candidat contre lequel il est envisagé de transmettre un dossier de rejet des comptes de campagne ne peut à aucun moment s’expliquer. La CNCCFP lui demande certes des éclaircissements, mais il conviendrait, dans un souci d’équité, que le candidat, assisté d’un défenseur, puisse être entendu. L’opacité règne, car il ignore les conclusions du rapporteur. Défendu par un avocat en robe, il est certes entendu par le Conseil constitutionnel, mais il ne connaît pas davantage les conclusions du rapporteur et ne peut pas faire appel de la décision rendue. Toutes les règles du procès équitable auxquelles nous sommes attachés s’avèrent absentes.

La proposition de loi constitue une occasion manquée, car elle n’introduit pas plus d’équité, de contradictoire et de transparence dans les procédures applicables devant la CNCCFP.

M. le rapporteur. Guy Carcassonne, dont les éclairages nous manquent, en appelait au concept, très giscardien, de « décrispation » de la vie politique. Il regrettait que la majorité répugne à perdre un tant soit peu les privilèges de sa puissance et que l’opposition n’entende céder aucune parcelle du confort de son hostilité. Je vous invite à sa suite, mes chers collègues, à faire œuvre de décrispation. Ces propositions de loi vous sont présentées dix-huit mois avant l’élection présidentielle afin de tenter d’organiser un débat dénué de toute intention maligne. D’ailleurs, les précédentes modifications des règles entourant le scrutin présidentiel ont eu lieu à un moment bien plus rapproché de la date du vote, et M. Morel-À-L’Huissier s’en souvient mieux que quiconque, lui qui fut rapporteur d’un projet de loi organique déposé en février 2006. Un autre projet de loi organique, déposé en novembre 2011 sur le bureau de l’Assemblée nationale, fut même adopté en février 2012 !

En outre, cette démarche n’est pas une initiative du groupe SRC, mais répond à des remarques du Conseil constitutionnel de 2007 et de 2012. M. Coronado a affirmé que les propositions de celui-ci n’étaient pas consensuelles, mais le Conseil ne prétend pas au consensus ! Notre objectif est d’étudier ces recommandations, puis de les adopter ou de les écarter. Faisons en revanche en sorte de ne pas contraindre le Conseil constitutionnel à rédiger les mêmes rapports en juillet 2017…

Tous les points de vue sont respectables, et nous devons les départager. Monsieur Tardy, vous nous accusez d’adopter un comportement partisan, mais renseignez-vous auprès de votre président de groupe ! J’ai écrit à chacun d’eux le 6 novembre dernier pour les inviter à discuter et à adopter des mesures consensuelles ; j’ai ainsi rencontré M. Jacob, pour le groupe Les Républicains, le 25 novembre et j’ai débattu avec lui de tous les points de la proposition de loi. J’ai également reçu, le lendemain, Mme Pompili et M. de Rugy, puis Mme Duflot le 2 décembre ; les positions des « deux groupes » écologistes divergeaient entre elles, mais la confrontation de nos idées fut féconde. Je me suis également entretenu avec M. Lagarde, pour l’Union des démocrates et indépendants, si bien que cette démarche s’avère tout sauf partisane. Je vous remercie, monsieur Tardy, de ne pas me rendre responsable du fait que M. Jacob ne fait pas redescendre l’information au sein de son groupe…

Il me semble opportun que ce soit une proposition de loi qui modifie les règles de l’élection présidentielle. Le Parlement prend des responsabilités et ne reste pas spectateur de l’action de l’exécutif ; je n’ai d’ailleurs pas convié le Gouvernement à assister aux travaux de notre commission.

Circonscrire la proposition de loi à l’élection présidentielle est, je le reconnais, un choix parfaitement contestable. De nombreux amendements visent à élargir le champ du texte, et la Commission est libre de les adopter si elle le souhaite. J’ai privilégié la cohérence en ne traitant que du scrutin présidentiel, cette option, couplée à la procédure accélérée, permettant de légiférer rapidement et à une date suffisamment éloignée du prochain scrutin. Monsieur Gosselin, je ne corsète pas le débat, j’en propose un cadre : si vous souhaitez vous en émanciper, allez-y ! Une proposition de loi portant sur les autres élections pourrait d’ailleurs être déposée, et notre collègue Charles de La Verpillière avait adopté cette méthode au cours de la précédente législature en rapportant sur ce que l’on avait appelé un « paquet électoral ». Le groupe SRC travaille sur un chantier comparable, sous la direction de notre collègue Romain Colas ; en outre, Mme Pochon et M. Warsmann ont animé une mission d’information sur les listes électorales. Je ne soutiendrai pas l’extension du champ de la proposition de loi aux autres élections, mais je ne dispose que d’une seule voix au sein de la Commission.

Évitons l’hypocrisie sur la question de l’équité ! Aujourd’hui, l’égalité du temps de parole pendant la période intermédiaire de vingt jours cohabite avec l’équité du temps d’antenne. On mesure une égalité arithmétique et on donne la parole à des candidats à trois heures du matin, si bien que, s’agissant des heures et des médias de grande écoute, l’équité prévaut déjà. Sur ce point, je reprendrai en séance publique l’argumentation développée par le CSA dans deux rapports. Des recours ont été formés en 2007 et 2012 devant le Conseil d’État contre les critères retenus pour mesurer l’équité ; la haute juridiction administrative les a rejetés. Si on ne prenait en compte que les sondages, ce serait insuffisant, mais on retient un ensemble d’éléments, à partir desquels le CSA élabore une doctrine, qui s’applique d’ailleurs aux autres élections. Des amendements utiles visent à ce que le CSA publie régulièrement, plutôt qu’à la fin de la période, les relevés minutés des temps de parole : le regard a posteriori est intéressant, mais il se révèle peu opérant ! Il ne me paraît pas anormal que M. Jacques Cheminade, qui a recueilli 0,25 % des suffrages en 2012, ne bénéficie pas exactement du même traitement que ceux qui dominent dans les sondages, malgré le caractère changeant de ceux-ci. La situation actuelle me semble critiquable, et il convient de privilégier l’équité, sous la responsabilité des chaînes et du CSA.

En ce qui concerne les Français de l’étranger, je suis d’accord avec Sergio Coronado et avec Frédéric Lefebvre. En revanche, on ne peut pas parler, comme l’a fait ce dernier, de solutions « diamétralement opposées », car nous proposons tous de mettre fin à la double inscription, ne discutant que des modalités de la mesure. Il est exact que le Conseil constitutionnel ne nous a adressé aucune injonction : si nous ne sommes pas prêts, votons un amendement qui renvoie le traitement de ce sujet à un texte ultérieur. Je le répète, je n’ai ici aucun orgueil d’auteur ; je souhaite simplement que le législateur prenne ses responsabilités.

S’agissant de la possibilité de faire appel des décisions de la Commission nationale des comptes de campagne, les propos de Jean-Christophe Lagarde, repris par Georges Fenech, sont eux aussi parfaitement justifiés. Aujourd’hui, le système est profondément inégalitaire. Notre ancienne collègue Corinne Narassiguin a vu son élection annulée pour avoir méconnu des obligations qu’elle ne pouvait pas respecter puisqu’elles n’existaient pas au moment où sa candidature a été enregistrée ! Dans le département où je suis élu, plusieurs candidats mutualisent leurs dépenses au moment des élections législatives, mais nous ne sommes pas soumis au même traitement par la Commission nationale des comptes de campagne, parce que le rapporteur n’est pas le même, alors que les dépenses sont identiques : c’est injuste. Je serai donc très attentif, comme nous tous sans doute, à toute proposition tendant à modifier la réglementation en la matière dans le cadre d’un « paquet électoral ».

Quant à la durée de six mois plutôt qu’un an, nous allons en discuter en examinant les amendements. Notre Commission est souveraine à cet égard…

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi organique.

Chapitre Ier
Présentation des candidats à l’élection présidentielle

Article 1er (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Actualisation de la liste des élus habilités à présenter un candidat à l’élection présidentielle

La Commission est saisie de l’amendement CL42 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement tend à actualiser la liste des personnes habilitées à présenter un candidat, en lui ajoutant les maires des communes déléguées des communes nouvelles et ceux des arrondissements de Paris.

La Commission adopte l’amendement.

Elle aborde ensuite l’amendement CL34 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à inclure les vice-présidents de conseils consulaires dans la liste des personnes pouvant présenter un candidat à l’élection présidentielle.

Comme le souligne le rapport des sénateurs Frassa et Leconte sur le bilan de l’application de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France, le fait qu’ils n’y figurent pas « est d’autant plus paradox[al] que le législateur organique a interdit, à compter de 2017, [le cumul de] l’exercice de la vice-présidence d’un conseil consulaire avec le mandat parlementaire, l’assimilant ainsi à une fonction exécutive locale. Par cohérence, vos rapporteurs estiment que, par souci d’équité, le législateur organique devrait, au même titre qu[’aux maires], ouvrir aux vice-présidents du conseil consulaire le droit de présenter un candidat à l’élection présidentielle, actuellement réserv[é] aux conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger ». Ces recommandations sont consensuelles puisqu’elles émanent de deux sénateurs appartenant l’un à la majorité, l’autre à l’opposition.

M. le rapporteur. Une précision, tout d’abord : si c’est des vice-présidents de conseils consulaires que l’on parle ici, c’est parce que leurs présidents sont les ambassadeurs ou les chefs de poste consulaire.

Je suis défavorable à cet amendement, parce que les conseils consulaires n’ont d’autre attribution que consultative. Au nom du parallélisme des formes, l’amendement supposerait d’étendre la qualité de parrain aux adjoints au maire et aux vice-présidents d’EPCI ou de syndicats mixtes.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Transmission au Conseil constitutionnel des présentations des candidats à l’élection présidentielle

La Commission examine les amendements identiques CL18 de M. Marc Dolez et CL35 de M. Sergio Coronado, tendant à supprimer l’article.

M. Marc Dolez. Nous estimons nécessaire de maintenir la possibilité pour le candidat de remettre directement au Conseil constitutionnel les parrainages dont il dispose.

M. Sergio Coronado. Mon amendement CL35 est identique. Il faut préserver les conditions actuelles de présentation pour permettre aux partis de suivre le décompte des parrainages.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Le texte suit la recommandation suivante du Conseil constitutionnel : « Le Conseil constitutionnel souhaite que le législateur organique […] spécifie que l’envoi postal du formulaire adressé au Conseil constitutionnel devra être assuré par l’élu qui présente un candidat. » Il s’agit de garantir le « caractère personnel et volontaire » du parrainage.

Monsieur Coronado, plusieurs de vos demandes sont satisfaites par d’autres amendements auxquels je serai favorable.

La Commission rejette les amendements de suppression.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL9 de M. Guy Geoffroy, CL4, CL2 et CL3 de M. Lionel Tardy, CL23 de Mme Élisabeth Pochon et CL5 de M. Lionel Tardy.

M. Philippe Gosselin. Dans un texte de « modernisation » de l’élection présidentielle, il nous semble quelque peu paradoxal de s’en tenir aux envois papier classiques. Nous proposons donc de prévoir également un envoi numérique, en permettant au Gouvernement de préciser ses modalités par un décret en Conseil d’État.

M. le rapporteur. Avis défavorable : la rédaction de l’amendement CL23 est préférable.

M. Lionel Tardy. Nous convenons tous qu’un envoi papier, comprenant des formulaires et des enveloppes que l’administration se charge d’imprimer, n’est pas envisageable. Lors de la dernière élection présidentielle, il aurait fallu imprimer au moins 5 000 formulaires – 500 multiplié par le nombre de candidats, qui étaient dix – et autant d’enveloppes ! Outre que ce serait contraire à l’article 40 de la Constitution, ce n’est pas réaliste à l’heure de la dématérialisation.

Plusieurs autres solutions vous sont donc ici présentées.

En ce qui concerne l’envoi des formulaires, mes amendements CL2 et CL3 proposent deux rédactions possibles afin de privilégier la voie électronique. L’idéal serait de pouvoir le déposer sur une plateforme dédiée, sécurisée, sur le site du Conseil constitutionnel. Reste à savoir si cette précision relève ou non d’un décret en Conseil d’État, raison pour laquelle j’ai déposé deux amendements.

En ce qui concerne la fourniture des formulaires, l’amendement CL5 tend à permettre la publication sur Internet des formulaires que chacun pourra ensuite imprimer chez lui. À l’instar de ce que prévoit la proposition de loi portant dématérialisation du Journal officiel qui sera votée cet après-midi en séance, je propose qu’un formulaire papier avec son enveloppe puisse être envoyé, mais sur demande uniquement.

Quant à mon amendement CL4, il s’agit d’un amendement de repli que je retirerai si une solution est trouvée. Il tend à faire l’économie au moins de l’impression et de l’envoi des enveloppes, dont rien n’empêche qu’elles soient standard.

Si l’envoi papier devait être conservé, il faudrait prévoir une franchise postale pour l’envoi des parrainages au Conseil constitutionnel.

M. le rapporteur. Je rappelle qu’il existe déjà un modèle d’enveloppe que les « parrains » potentiels reçoivent du Conseil constitutionnel et qui est agréé par ce dernier. En application de la proposition de loi organique, l’envoi du formulaire sous une autre enveloppe ne serait plus valable. C’est un autre moyen de garantir le caractère personnel du parrainage.

Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements. En revanche, il est bon d’envisager la transmission électronique du parrainage, d’où l’avis favorable que j’émettrai sur l’amendement de Mme Pochon.

Mme Élisabeth Pochon. Cet amendement devrait satisfaire nos collègues puisqu’il permet un recueil électronique des présentations – ou parrainages – des candidats à l’élection présidentielle. Cette nouvelle modalité s’ajouterait sans s’y substituer au recueil sur formulaire imprimé aujourd’hui en vigueur.

La transmission électronique conforterait l’indépendance des auteurs des présentations et faciliterait le traitement et le contrôle de celles-ci par le Conseil constitutionnel.

La procédure serait sécurisée grâce à des dispositifs déjà existants, tel celui qui encadre le référendum d’initiative partagée. Chaque parrain disposerait d’un numéro et pourrait procéder au parrainage de manière totalement sûre.

M. Philippe Gosselin. Notre amendement CL9 avait l’avantage de supprimer à terme l’envoi postal, ce qu’il faudra faire tôt ou tard. Il devrait donc être possible d’améliorer encore la rédaction de l’amendement CL23. Je maintiens par conséquent l’amendement CL9 ; peut-être pourrons-nous nous mettre d’accord en séance. En tout état de cause, il n’y a là nul débat de dogmes.

Mme Élisabeth Pochon. D’après les travaux que nous avons menés, il faudra attendre un peu avant que les mairies puissent toutes se connecter, mais nous devrions y parvenir.

M. Jean-Christophe Lagarde. Malgré les propos du rapporteur, je crains que la rédaction de l’amendement CL23 ne pose encore un problème. L’exposé sommaire indique la manière dont les auteurs imaginent que l’on pourrait procéder, mais aucun décret d’application n’est mentionné, s’agissant notamment des modalités de sécurisation. Ne faudrait-il pas remédier à ce manque ?

M. le rapporteur. Ce n’est pas nécessaire : la loi du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel comporte une « disposition-balai » aux termes de laquelle toutes les modalités d’application peuvent être précisées par décret en Conseil d’État.

La Commission rejette successivement les amendements CL9, CL4, CL2 et CL3.

Puis elle adopte l’amendement CL23.

En conséquence, l’amendement CL5 tombe.

La Commission en vient ensuite à l’amendement CL10 de M. Guy Geoffroy.

M. Philippe Gosselin. Lors d’une campagne présidentielle, la pression est forte ; il est donc nécessaire que les candidats soient informés presque en temps réel de l’enregistrement des parrainages. Dans le cas contraire, les « petits » candidats risqueraient de ne pas être qualifiés. Or, contrairement à certains de mes collègues, j’estime que, s’ils ont franchi le seuil des 500 signatures, ces candidats doivent pouvoir aller jusqu’au bout de la procédure.

M. le rapporteur. Ce que vous souhaitez est déjà une réalité : il suffit que les candidats appellent tous les jours le Conseil constitutionnel pour se tenir informés ; ils le font, et le Conseil leur répond. Il est donc inutile d’inscrire cette précision dans la loi.

Je suis sensible à votre préoccupation, mais pourquoi réserver cette possibilité aux seuls candidats ? Tout citoyen devrait pouvoir savoir, au fur et à mesure, combien de parrainages ont été enregistrés. C’est pourquoi je serai favorable à l’amendement CL24 rectifié de Mme Pochon à l’article 3.

Avis défavorable, en revanche, au vôtre.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL43 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 2 modifié.

Article 3 (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Publicité de la liste des auteurs de présentation de candidats à l’élection présidentielle

La Commission est saisie de l’amendement CL24 rectifié de Mme Élisabeth Pochon.

Mme Élisabeth Pochon. Cet amendement vise à rendre publique, à mesure que les signatures sont recueillies, l’identité des élus ayant présenté un candidat à l’élection présidentielle. Le nom et la qualité des citoyens qui ont valablement présenté des candidats seront publiés au moins deux fois par semaine.

Il s’agit de permettre l’information de tous, en ménageant le délai nécessaire à l’examen des parrainages par le Conseil constitutionnel en vue de leur validation. On sait que les candidats peuvent téléphoner chaque jour au Conseil ; désormais, tout citoyen pourra prendre connaissance des présentations au moins deux fois par semaine.

M. le rapporteur. Avis favorable.

L’amendement mettra fin à la pratique de plus en plus répandue qui consiste à entretenir de manière factice le doute sur le nombre de signatures recueillies.

En outre, il protégera les élus du harcèlement croissant des candidats : dès lors qu’un élu aura désigné celui ou celle qu’il parraine, il n’y aura plus lieu de venir le démarcher dans sa mairie.

Enfin, on connaîtra ainsi le nombre de parrainages reçus par l’ensemble des candidats, y compris ceux qui n’auront pas atteint le seuil de 500 signatures.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous sommes opposés, au moins en partie, aux modifications que vous proposez.

S’agissant de cet amendement, toutefois, il paraît nécessaire que la publication soit quotidienne, moins pour les candidats eux-mêmes qu’afin de nous prémunir contre le risque précédemment évoqué par notre collègue Popelin : outre qu’ils entretiendraient un faux suspens, les deux rendez-vous hebdomadaires polariseraient l’attention de la presse et nourriraient le feuilleton médiatique. Quotidienne, la publication perdrait son caractère spectaculaire et disparaîtrait de l’actualité, tout en assurant à l’ensemble des citoyens la transparence de la collecte. Nous déposerons un sous-amendement en ce sens.

M. Alain Tourret. La formule « au moins deux fois par semaine » ne me paraît pas claire. La périodicité devrait être soit hebdomadaire, soit quotidienne.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Les mots « au moins » me gênent : pourquoi le législateur laisserait-il le Conseil constitutionnel choisir entre une périodicité hebdomadaire et une publication plus fréquente ?

En ces matières délicates, la réflexion n’est pas achevée. Je suis plutôt favorable à une publication en continu, « au fil de l’eau ».

Mais qu’en est-il du candidat qui ne voudrait pas recevoir certains parrainages ? Il ne pourra les refuser. Or, étant donné le paysage politique actuel, la question va se poser. La transparence est une très belle chose, mais, jointe à une publication au fil de l’eau, elle pourrait porter indirectement atteinte à la liberté du candidat.

M. Sergio Coronado. Comme Mme Bechtel et M. Lagarde, je suis favorable à la publication en continu, qui éviterait en effet la focalisation et la mise en scène médiatiques, et que les outils techniques actuels permettent de proposer aisément à l’ensemble du public et aux électeurs.

M. Édouard Philippe. Je m’interroge à mon tour sur la formule « au moins deux fois par semaine » : pourquoi avoir voulu laisser cette latitude au Conseil constitutionnel ? Pourquoi pas tous les jours à heure fixe, par exemple ?

M. Pascal Popelin. L’amendement pose un principe intéressant : la publication au fil de l’eau. Je suis toutefois sensible aux arguments avancés car, je l’ai dit, je me méfie de l’« événementisation » de la publication des parrainages.

Peut-être pourrions-nous adopter l’amendement dans sa rédaction actuelle, puis étudier d’ici à la séance la faisabilité technique et matérielle, pour le Conseil, d’une publication quotidienne.

M. Erwann Binet. Mes chers collègues, nous ne pourrons pas empêcher les mises en scène médiatiques, tout au plus les déplacer : chaque jour, ce sera à qui aura obtenu le plus de parrainages, à qui aura atteint le premier le seuil des 500 signatures. Nous devons avoir conscience de ce phénomène pour nous en prémunir dans la mesure du possible.

M. le rapporteur. Pourquoi la formule « au moins deux fois par semaine »?

D’abord parce que l’on ne peut pas écrire « en temps réel » : avant de publier le parrainage, le Conseil constitutionnel doit le valider, en vérifiant que le présentateur est habilité à l’être, qu’il a utilisé le bon document, etc.

Ensuite, le rythme n’est pas forcément le même tout au long de la phase de collecte, d’où le « au moins » : la publication pourra être bihebdomadaire en début de période, mais quotidienne au cours de la dernière semaine. La collecte dure trois semaines et il est plus important d’être informé au cours des derniers jours. Cette formulation est donc un gage de souplesse. Nous en avons discuté avec ceux d’entre nous qui se sont déjà livrés à ce genre d’exercice ; je songe en particulier à Daniel Vaillant.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL7 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. La publication des parrainages dont bénéficie chaque candidat fait consensus. Or nous allons voter tout à l’heure dans l’hémicycle un projet de loi sur l’ouverture des données. Dans le même esprit et dans un souci de transparence, cet amendement tend à ce que les parrainages soient publiés dans un format ouvert et librement réutilisable, c’est-à-dire en open data.

M. le rapporteur. Je vous suggère de retirer votre amendement, car il est satisfait : les parrainages seront publiés sur Légifrance, dont les données sont déjà librement réutilisables.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL1 de Mme Cécile Untermaier.

M. le rapporteur. Cet amendement est satisfait.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 3 modifié.

Chapitre II
Accès aux médias audiovisuels des candidats à l’élection présidentielle

Article 4 (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Principe d’équité de traitement médiatique avant la campagne officielle

La Commission est saisie des amendements identiques CL33 de M. Jean-Christophe Lagarde et CL36 de M. Sergio Coronado, tendant à supprimer l’article.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’ai déjà exprimé mon point de vue sur le sujet, mais j’aimerais réagir aux réponses du rapporteur.

Monsieur le rapporteur, si vous voulez que l’égalité de temps de parole ne soit pas purement formelle, ce qui est le cas lorsque les uns s’expriment à trois heures du matin et les autres à une heure de grande écoute, il existe d’autres moyens législatifs d’y parvenir que de prôner une équité que – nous le savons d’expérience – les règles du CSA ne garantissent pas.

Vous avez suggéré que, dans le cadre de l’élection présidentielle, certains candidats auraient moins vocation à s’exprimer que ceux de l’establishment. Je ne suis pas d’accord. On ne peut conjuguer la barrière des 500 signatures avec un filtre privilégiant les candidats sortants ou installés : cela revient à verrouiller l’élection la plus importante de notre système.

Nous ne pouvons nous en remettre à l’équité d’un CSA qui admoneste et dont il arrive que l’on mette en question l’indépendance selon que l’on fait partie de la majorité ou de l’opposition – je me souviens de discours en ce sens au cours de la précédente législature. Pour trois semaines, cela paraît tout à fait déplacé. Si je n’ai parlé de manipulation à propos d’aucun autre aspect du texte, je nourris quelques doutes quant aux intentions qui ont présidé à la rédaction de cet article.

M. Sergio Coronado. Après les modifications apportées à la présentation des parrainages, le glissement de l’égalité à l’équité des temps de parole possède un effet d’entonnoir non entièrement assumé, mais manifestement recherché. Or le principe de pluralisme doit être respecté. Ses conséquences sont peut-être parfois pénibles, mais c’est le prix à payer en démocratie : tous ceux qui ont satisfait aux exigences requises pour se porter candidats doivent pouvoir présenter leur programme dans les mêmes conditions.

Monsieur le rapporteur, je doute que les déclarations des dirigeants des neuf chaînes audiovisuelles auxquelles vous avez fait référence aient été principalement motivées par un souci de pluralisme. Ces patrons de presse demandaient plutôt qu’on leur accorde une facilité. En leur donnant satisfaction, nous connaîtrions des situations analogues à celles dont nous avons été récemment témoins sur des chaînes du service public où, pour faire le buzz et mettre en scène l’actualité, on invitait certains candidats régulièrement, d’autres jamais.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements de suppression.

Elle aborde ensuite l’amendement CL32 de M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Notre inquiétude grandit à mesure que le rapporteur nous répond. Qu’est-ce qui est censé être « équitable » ? Quels sont les critères qui permettent d’en décider ? « La représentativité des candidats, appréciée, en particulier, en fonction des résultats obtenus aux plus récentes élections par les candidats ou les formations politiques qui les soutiennent. » Voilà un système de corsetage, propre en tout cas à vicier le mécanisme démocratique.

En l’occurrence, les « plus récentes élections » avant l’élection présidentielle, ce sont les élections régionales. J’ai cru comprendre que le parti socialiste souhaitait faire au premier tour liste commune avec ses alliés. Dès lors, si d’aventure ces derniers voulaient présenter un candidat à l’élection présidentielle, le calcul de son temps de parole dépendrait de candidatures qu’ils n’ont pas présentées. En d’autres termes, on va inciter des formations à présenter des candidatures pour obtenir un temps de parole à l’élection suivante ! C’est assez grave, permettez-moi de vous le dire.

Dans la période actuelle de tripartition de la vie politique, cette conception destinée à s’appliquer à l’élection présidentielle oriente déjà l’interprétation du CSA – par lequel j’ai demandé à être auditionné en tant que président d’une formation politique. Le fait de constituer une coalition est pénalisant du point de vue de l’accès aux médias. Ce mode de calcul du temps de parole encourage donc la scissiparité des listes. Réalisons-nous bien ce que nous sommes en train de faire ? Il existe des formations politiques qui ne souhaitent pas former de coalition et qui pourraient rencontrer quelque succès.

J’appelle votre attention sur ces points, et je le ferai de nouveau dans l’hémicycle.

Pour appliquer le principe d’équité, le CSA tiendrait compte d’un deuxième élément : la contribution de chaque candidat à l’animation du débat électoral. Comment va-t-il déterminer la qualité ou l’importance de cette contribution ? Ce critère me paraît parfaitement surréaliste ! Le CSA serait désormais le censeur des idées des candidats à l’élection présidentielle ; les bras m’en tombent ! Les enquêtes d’opinion sont certes sujettes à caution, mais elles donnent au moins une indication.

Par cet amendement, nous vous proposons de retenir comme troisième critère le nombre de parlementaires ayant déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre précédant l’élection du Président de la République, être inscrits ou rattachés aux partis ou groupements politiques qui soutiennent le candidat. Cela permettrait, d’une part, de tenir compte d’une représentation, cette fois, objective, puisqu’elle est le fruit d’un scrutin et, d’autre part, de ne pas s’en tenir aux résultats de l’élection législative précédente. Car, que se passerait-il si d’aventure une divergence au sein d’une formation politique conduisait à l’apparition d’une autre formation politique ? On ne tiendrait pas compte des cinquante, cent ou cent cinquante parlementaires de cette nouvelle formation qui soutiennent un candidat à l’élection présidentielle, alors même que chacun d’entre eux représente une circonscription de 125 000 habitants ? Il me semble que certains sujets n’ont pas fait l’objet d’une réflexion aboutie – je choisis mes termes dans un souci de décrispation, monsieur le Président. (Sourires.)

M. Philippe Houillon. Je suis d’accord avec l’amendement de M. Lagarde, mais adopter ce troisième critère reviendrait à valider les deux autres, qui sont inacceptables, pour les raisons qui ont été exposées précédemment.

M. le rapporteur. Mon ambition n’est pas de changer les fonctions du CSA. Je prends celui-ci pour ce qu’il est, avec ses avantages et ses inconvénients, en étant conscient qu’il ne s’agit pas d’une structure immobile. Je vous invite d’ailleurs à relire le rapport qu’il a publié en septembre sur l’équité des temps de parole, à l’issue d’un travail d’investigation très long. Les préconisations de ce rapport pourraient enrichir nos échanges.

Avis défavorable à cet amendement, qui réserve l’accès à la candidature à ceux qui bénéficient du soutien de parlementaires installés. S’il y a un critère qui favorise l’establishment, c’est bien celui-là ! Quant au rattachement des parlementaires à tel ou tel parti, ce n’est pas toujours un choix de conviction…

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL11 de M. Guy Geoffroy.

M. Philippe Gosselin. Nous dénonçons avec fermeté le remplacement de la règle d’égalité des temps de parole par le principe d’équité, qui nous paraît un non-sens. À cet égard, notre collègue Jean-Christophe Lagarde a développé des arguments qui portent. Il a notamment évoqué le cas des listes d’union. Et, si nous retenions le critère spécieux de la contribution à l’animation du débat électoral, le CSA deviendrait en effet un censeur, car il serait à la fois juge et partie. Nous sommes réellement très inquiets de votre façon de procéder. Dans la mesure où vous vous engagez sur cette mauvaise pente, nous proposons un amendement de repli : il s’agit de permettre au CSA de donner des orientations a priori en matière de temps de parole, afin d’éviter tous ces dérapages.

M. le rapporteur. Monsieur Gosselin, comme vous appartenez à un parti qui est présidé par Nicolas Sarkozy, je vous invite à relire les déclarations que celui-ci a faites au Figaro le 20 avril 2012.

Quant au fait de confier au CSA le soin de fixer a priori un temps de parole minimum et maximum par candidat, cela me paraît relever d’un autre temps, qui rappelle celui de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF).

Enfin, je crains que votre amendement ne soit incompatible avec un principe constitutionnel, celui de la liberté de communication, dont découle notamment la liberté éditoriale des chaînes de radio et de télévision. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CL49 de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation. Le débat que nous avons eu en commission des Affaires culturelles et de l’éducation a été d’une tout autre nature : les députés présents, y compris ceux du groupe Les Républicains, n’ont absolument pas contesté le passage au principe d’équité pendant la période intermédiaire. D’abord, parce qu’il s’agit d’une recommandation formulée par les divers organismes de contrôle, notamment par le Conseil constitutionnel. Ensuite, parce qu’il en va de la vitalité du débat politique et démocratique. Ainsi que vous l’avez très bien expliqué, monsieur le rapporteur, et que nous l’avons l’un et l’autre relevé dans nos rapports, la combinaison du nombre élevé de candidats – douze en 2007, dix en 2012 – et de la longueur de la période intermédiaire depuis 2007 – non pas quelques jours, mais trois semaines – a eu pour conséquence directe une réduction de moitié du volume horaire des émissions consacrées à l’élection présidentielle sur les chaînes généralistes.

Au sein de notre Commission, le débat a porté sur la manière de mettre en œuvre ce principe d’équité. Et si nous n’avons pas adopté les amendements proposés par nos collègues du groupe Les Républicains, c’est pour des raisons non pas de fond, mais de rédaction. Nous nous sommes retrouvés sur deux points. D’une part, nous avons constaté qu’un certain nombre de critères étaient énoncés à l’article 4 pour l’application du principe d’équité. D’autre part, il nous a paru important que le CSA précise ce que sont les « conditions de programmation comparables » – « comparable » n’est pas synonyme d’ « identique » – dans la recommandation qu’il est amené à faire avant chaque élection présidentielle, en général au mois de novembre. Les candidats doivent être traités de manière équitable : il ne faudrait pas que certains d’entre eux soient défavorisés en passant dans des programmes de la nuit, alors que d’autres seraient invités à des émissions diffusées à des heures de forte audience. Tel est l’objet du présent amendement, qui a été adopté par notre Commission à une large majorité.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL12 de M. Guy Geoffroy.

M. Philippe Gosselin. Mes propos ont été mal interprétés : nous n’exprimons par de rejet absolu du principe d’équité, mais nous estimons qu’il faut l’encadrer autrement. Pour le dire de manière triviale, le système qui nous est proposé « ne tient pas la route ».

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL37 rectifié de M. Sergio Coronado.

M. Paul Molac. À notre sens, on ne peut pas mettre sur le même plan les « grands » et les « petits » partis. Si l’on retient le principe d’équité, je crains fort que ces derniers n’aient plus le droit à la parole et que l’on mette sous le boisseau une partie intéressante du débat démocratique. Qui aurait imaginé qu’un parti, qui a débuté en 1973 avec René Dumont, aurait une certaine postérité et qu’il compterait un jour des ténors de la politique ? De même, j’ai pu connaître les idées de Jacques Cheminade grâce à la campagne présidentielle – ce qui ne signifie pas que je les accepte et que je les défende.

Actuellement, le CSA ne publie pas de manière régulière le relevé des temps d’antenne qu’il effectue quotidiennement, ce qui nuit à l’information des citoyens et des candidats, et empêche tout contrôle extérieur. Cet amendement de repli vise à ce que le CSA diffuse très régulièrement ce relevé, dans un format ouvert et aisément réutilisable – open data. Cette diffusion n’entraînera aucun coût supplémentaire, dès lors que les relevés sont déjà effectués et que l’infrastructure permettant de diffuser l’information existe. Au-delà, il semble nécessaire que le CSA, qui ne publie actuellement qu’un seul jeu de données, soit plus transparent avec les données qu’il produit. Nous avons déposé un autre amendement à ce sujet, qui porte sur la proposition de loi ordinaire que nous examinerons ensuite.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Chapitre III
Déroulement et contrôle des opérations de vote

Article 5 (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Suppression des commissions de contrôle des opérations de vote lors de l’élection présidentielle

La Commission est saisie de l’amendement CL44 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise simplement à toiletter les renvois de la loi de 1962 au code électoral.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Chapitre IV
Période d’application de la législation sur les comptes de campagne

Article 6 (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Réduction à six mois de la période couverte par les comptes de campagne à l’élection présidentielle

La Commission examine les amendements identiques CL13 de M. Guy Geoffroy et CL27 de Mme Élisabeth Pochon, tendant à supprimer l’article.

M. Philippe Gosselin. Nous proposons de supprimer l’article 6, qui ne nous convient absolument pas.

Beaucoup d’entre nous partagent le diagnostic : l’obligation de retracer les recettes et les dépenses électorales dans le compte de campagne pendant une année entière présente de nombreux inconvénients. Nous sommes donc disposés à débattre d’une réduction de ce délai à six mois pour l’ensemble des scrutins.

Mais pourquoi réserver cette mesure à la seule élection présidentielle ? On peut éventuellement comprendre que vous écartiez son application à certains scrutins, monsieur le rapporteur, pour les raisons que vous avez évoquées en introduction. Mais il faut l’étendre, au minimum, aux élections législatives, car elles forment un bloc avec l’élection présidentielle depuis l’adoption du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral.

Philippe Houillon a développé d’excellents arguments à cet égard : du fait de la concomitance des deux scrutins, les candidats aux élections législatives sont amenés, de toute évidence, à participer aussi à la campagne présidentielle. Lors des réunions publiques, ils ne peuvent pas se mettre des œillères ou être schizophrènes au point de ne parler que du scrutin législatif sans évoquer le scrutin présidentiel ! Je ne vois pas comment on peut distinguer l’un de l’autre. Soyons cohérents.

En l’absence d’accord sur une extension de la mesure, au minimum, aux élections législatives, il faut, selon nous, la supprimer purement et simplement.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je suis surprise que vous n’ayez pas répondu à nos arguments, monsieur le rapporteur.

D’autre part, je comprends que l’élection présidentielle vous préoccupe particulièrement, mais, depuis le passage au quinquennat, les scrutins présidentiel et législatif sont liés, et on ne peut pas les dissocier, ainsi que l’a dit très justement Philippe Gosselin.

J’ai d’ailleurs déposé un amendement CL1 à la proposition de loi ordinaire, qui reprend la proposition de loi que j’avais déposée, au sujet des comptes de campagne des deux élections, en juillet 2015.

M. René Dosière. Un de nos collègues a dit tout à l’heure qu’une telle disposition pouvait être perçue comme avantageant le Président de la République en place.

Je rappelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel – qui, sur ce point, n’a pas suivi la position de la CNCCFP : même candidat, le Président de la République continue d’exercer son mandat, ce dont il résulte que seules les manifestations évidemment électorales doivent être prises en compte. Ce fut le cas, lors de l’élection de 2012, du meeting de Toulon, organisé par l’Union pour un mouvement populaire (UMP). Cette jurisprudence s’appliquera bien sûr au Président de la République actuel s’il est candidat.

Mme Élisabeth Pochon. L’amendement CL27 tend également à supprimer cet article 6. Il est vrai qu’il reprend une recommandation de la CNCCFP, et que la mesure proposée pourrait être efficace. Mais adopter maintenant cette disposition risquerait de laisser penser que nous avons quelque chose à cacher : elle ne me paraît donc pas opportune. On écarterait aussi les primaires. De plus, nous avons assisté à des hausses brutales des dépenses de campagne hors du délai de six mois lors des élections précédentes.

Nous proposons donc d’en rester à un délai d’un an.

M. le rapporteur. Par cohérence, j’émets un avis défavorable à ces amendements.

M. Jean-Christophe Lagarde. Sur ce point, monsieur le rapporteur, je redis que votre réflexion n’est pas aboutie, ou n’a pas été assez collective. Vous ratez l’occasion de faire passer ce délai à six mois pour toutes les élections, et non pas seulement pour l’élection présidentielle. Ce serait ô combien plus sain. Je ne nie pas le risque d’éveiller la suspicion.

Vous ratez également l’occasion de légiférer sur les compétitions internes qui sont maintenant organisées – par le Parti socialiste en 2011, par Les Républicains bientôt. Elles ne sont pas prévues par la législation, et il serait nécessaire de nous pencher sur ce sujet. À mon sens, les dépenses occasionnées par ces compétitions internes ne doivent pas être prises en compte dans les frais de campagne. Voilà un point qui devrait être tranché par la loi, et non par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Vous ratez enfin – mais les délais rendent impossible d’agir maintenant, ce qui confirme que le chantier n’est pas terminé – l’occasion de régler les modalités de prise en considération des actions du Président de la République en place. Sa spécificité constitue une difficulté, quelle que soit la couleur politique de celui qui occupe ce poste. La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur ce point ne me paraît pas saine. Expliquer qu’un Président de la République s’exprime uniquement en tant que Président, et non en tant que candidat, c’est une imposture. Vous l’avez dit de Nicolas Sarkozy en 2012 ; nous le dirons en 2017. Tout cela pourrit le débat.

M. René Dosière. Cette objection a été écartée !

M. Jean-Christophe Lagarde. Elle a été écartée par le Conseil constitutionnel, mais c’est bien nous qui écrivons la loi ! Nous devons mener une réflexion collective sur ce point. Nous risquons, sinon, d’alimenter les procès d’intention – justifiés ou pas – entre des forces démocratiques, et de faire ainsi le jeu de forces qui ne le sont pas toujours.

M. le rapporteur. Monsieur Lagarde, vous parlez d’occasions ratées ; mais la Commission aura tout à l’heure la possibilité d’adopter l’amendement CL5 avant l’article 1er de la proposition de loi ordinaire, déposé par le groupe Les Républicains, qui prévoit d’étendre à toutes les élections la réduction à six mois de la période de prise en compte des dépenses électorales.

La Commission adopte les amendements identiques CL13 et CL27.

En conséquence, l’article 6 est supprimé et les amendements CL8 de M. Lionel Tardy, CL38 et CL40 de M. Sergio Coronado, et CL45 du rapporteur, tombent.

Articles additionnels après l’article 6

La Commission se saisit de l’amendement CL46 de M. le rapporteur, ainsi que du sous-amendement CL48 de M. Lionel Tardy.

M. le rapporteur. Cet amendement s’inspire d’une recommandation formulée par M. Jean-Louis Nadal, Président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, ainsi que par le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe. Il tend à prévoir la publication pendant la campagne, à intervalles réguliers, des dépenses engagées par les candidats à l’élection présidentielle.

Une fois par mois, chaque candidat sera contraint d’informer la Commission nationale des comptes de campagne des dépenses engagées. En revanche, la Commission n’engagera le contrôle de ces dépenses qu’une fois saisie, après élection, du compte de campagne.

Les citoyens pourraient ainsi exercer leur vigilance en s’assurant que les dépenses qu’ils ont pu constater ont bien été déclarées. Le contrôle a posteriori en sera facilité.

M. Philippe Houillon. Nous avons assisté récemment à des dérapages qui justifient tout à fait l’idée d’une communication des dépenses au fur et à mesure, surtout si le contrôle n’est pas entamé tout de suite. En revanche, l’idée d’une publication me choque. Les candidats peuvent avoir des stratégies qu’ils ne souhaitent pas révéler, en particulier à leurs concurrents et adversaires. Cet amendement me semble aller trop loin : il faudrait même explicitement interdire la publication des déclarations.

M. Lionel Tardy. Le rapport Nadal faisait en effet une double proposition pour améliorer la transparence financière de l’élection présidentielle. La première est de mettre en place un accès en temps réel aux comptes des candidats pour les agents assermentés de la CNCCFP. Je l’ai reprise dans l’amendement CL4 avant l’article 1er de la proposition de loi ordinaire, en l’appliquant non pas aux candidats mais aux partis politiques, car c’est là que se trouve la plus grosse brèche, à combler urgemment – d’autant que les moyens de la Commission des comptes de campagne sont restreints.

La seconde proposition du rapport Nadal est celle que le président Urvoas fait ici : une publication régulière, au cours de la campagne, des dépenses engagées.

Les deux sont peut-être complémentaires, mais j’ai une préférence pour la piste que j’ai avancée. L’idée présentée ici est séduisante, c’est vrai, mais la CNCCFP a-t-elle les moyens d’un contrôle au fil de l’eau ? De plus, je ne suis pas sûr que cette disposition soit applicable, notamment par les petits candidats. De plus, rien n’empêche de masquer certaines dépenses.

Si cet amendement est adopté, il faudra en tout cas que le Gouvernement augmente les moyens alloués à la CNCCFP, ce que nous sommes nombreux à réclamer régulièrement. Il faudra ensuite apporter des précisions, ce que soulignait le rapport Nadal : « Si une telle perspective était retenue, l’instauration d’un plancher des dépenses à prendre en compte et l’opportunité d’anonymiser certaines des informations rendues publiques devraient être envisagées. » Il est vrai surtout que rendre transparent l’achat d’un bureau, d’un fauteuil ou d’un timbre n’aurait pas grand sens. Ces précisions pourraient être apportées par décret en Conseil d’État. C’est le sens de cet amendement.

M. le rapporteur. Le sous-amendement est inutile pour les raisons que j’ai données tout à l’heure : la loi du 6 novembre 1962 renvoie déjà à un décret pour toutes les précisions nécessaires.

Par ailleurs, contrairement à ce que vous avancez, monsieur Tardy, la Commission nationale des comptes de campagne n’effectuera aucun contrôle au fil de l’eau. Elle contrôlera a posteriori. Cet amendement, reprenant une proposition de Jean-Louis Nadal, propose une publication des dépenses engagées afin que les citoyens vérifient qu’elles correspondent à ce qu’ils constatent sur le terrain.

M. Philippe Gosselin. Seront ainsi dévoilées les stratégies des candidats. C’est une vraie question.

M. Philippe Houillon. Vous ne répondez jamais, monsieur le rapporteur !

M. le rapporteur. La parole est libre, monsieur le député. Le rapporteur répond quand il pense devoir répondre.

La Commission rejette le sous-amendement CL48.

Elle adopte ensuite l’amendement CL46.

Puis elle étudie l’amendement CL26 de Mme Élisabeth Pochon.

Mme Élisabeth Pochon. Cet amendement vise à renforcer la transparence en organisant la publicité des dépenses électorales engagées par les partis politiques pour soutenir un candidat à l’élection présidentielle. À l’heure actuelle, ces dépenses sont intégrées au compte de campagne du candidat. La réalité des concours financiers apportés à un candidat par un parti politique est souvent difficile à apprécier, qu’il s’agisse des dépenses directement payées par le parti ou, plus encore, des prestations de services ou des concours en nature. En outre, la publication au Journal officiel des comptes de campagne ne porte que sur des données générales et agrégées, qui ne permettent ni de disposer du détail des dépenses financées par les partis, ni surtout de la ventilation par parti.

Cet amendement propose en conséquence de faire figurer en annexe du compte de campagne du candidat un document précisant, pour chacun des partis ayant soutenu ce candidat, les dépenses, avantages directs ou indirects, prestations de services et dons en nature alloués. Cette annexe serait publiée au Journal officiel, avec le compte, dans le mois suivant l’expiration du délai limite de remise du compte.

M. le rapporteur. Avis favorable. Aujourd’hui, ces dépenses sont données de façon globale. Cette disposition permettrait de distinguer la part prise par chaque parti dans la campagne d’un candidat.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL47 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement, que j’ai déposé avec Patrick Bloche, Président et rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, part de la constatation que notre réglementation est fondée sur une sédimentation d’interdictions. Il y a aujourd’hui un plafond de dépenses électorales ; d’autre part, les candidats ne peuvent pas utiliser leur argent comme bon leur semble. Est ainsi interdite, par exemple, la publication par les candidats d’annonces de réunions publiques. Pour prendre un exemple historique, en 1988, François Mitterrand avait publié sa Lettre à tous les Français dans tous les quotidiens : c’est aujourd’hui interdit.

Nous proposons donc d’assouplir les règles relatives à la propagande électorale par voie d’affichage et de presse.

M. Philippe Gosselin. Dans la mesure où nous avons supprimé l’article 6, la rédaction de cet amendement est-elle toujours cohérente avec l’ensemble de la proposition ? Ne voyez là aucune malice de ma part, c’est une simple question.

M. le rapporteur. Nous y avons veillé.

La Commission adopte l’amendement.

Chapitre V
Horaires des opérations de vote

Article 7 (art. 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Fermeture à 19 ou 20 heures des bureaux de vote lors de l’élection présidentielle

La Commission adopte l’article 7 sans modification.

Chapitre VI
Dispositions électorales applicables à l’étranger

Article 8 (art. 8 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République) : Suppression pour les Français de l’étranger de la possibilité de double inscription sur les listes électorales

La Commission examine l’amendement CL28 de Mme Élisabeth Pochon.

Mme Élisabeth Pochon. Cet amendement vise à ce que la radiation d’un citoyen du registre des Français établis hors de France entraîne de plein droit la même opération sur la liste électorale consulaire, sauf opposition de sa part.

M. Sergio Coronado. Les inscriptions au registre ne sont pas annuelles, mais valent pour quatre ans ; dans les faits, personne ne procède à des radiations du registre car les gens quittent le pays sans en informer le poste consulaire. Comme l’a rappelé mon collègue Frédéric Lefebvre, les postes procèdent au nettoyage des listes électorales à une fréquence très irrégulière, si bien que le croisement entre les listes consulaires et les listes communales s’opère difficilement. La réflexion sur ce sujet doit se poursuivre. De nombreux Français résidant à l’étranger restent attachés à leur inscription sur des listes électorales leur permettant de participer aux élections municipales, départementales et régionales des endroits de France dont ils sont originaires. À terme, je souhaiterais que l’on institue le principe de l’inscription unique car je privilégie la citoyenneté de résidence, mais la situation n’est pas encore mûre pour franchir ce pas. En effet, les postes diplomatiques n’effectuent pas un bon travail dans ce domaine, et les citoyens établis à l’étranger ne bénéficient pas d’une information complète. Je suis donc réservé sur le fait de devoir trancher cette question ici et maintenant.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 8 est ainsi rédigé et les amendements CL39 de M. Sergio Coronado, et CL14 et CL15 de M. Philip Cordery, tombent.

Article 9 (art. 10 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République) : Autorisation de la propagande électorale à l’étranger dans l’ensemble des États

La Commission adopte l’article 9 sans modification.

Article 10 (art. 11 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République) : Extension aux campagnes à l’étranger de l’interdiction de certaines formes de propagande électorale

La Commission adopte l’article 10 sans modification.

Chapitre VII
Dispositions finales

Article 11 (art. 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel) : Actualisation des dispositions du code électoral applicables à l’élection présidentielle

La Commission adopte l’article 11 sans modification.

Article 12 : Gage financier

La Commission est saisie de l’amendement CL50 du Gouvernement.

M. le rapporteur. J’émets un avis favorable à l’adoption de cet amendement par lequel le Gouvernement propose de lever le gage en supprimant l’article.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 12 est supprimé.

La Commission adopte ensuite l’ensemble de la proposition de loi organique modifiée.

*

* *

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article additionnel avant l’article 1er

La Commission examine les amendements identiques CL1 de Mme Marie-Jo Zimmermann, CL5 de M. Guy Geoffroy et CL12 de M. Jean-Christophe Lagarde.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements, par cohérence avec la position que j’ai défendue lors de l’examen de la proposition de loi organique.

M. Philippe Gosselin. Il est bon que le délai de six mois s’attache à l’ensemble des scrutins. Nul ne contestait cette évolution, mais elle devait s’appliquer à toutes les élections, comme le recommandaient le Conseil constitutionnel et la CNCCFP.

La Commission adopte les amendements.

Article 1er (art. L. 52-14 du code électoral) : Possibilité pour la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de recourir à des experts

La Commission étudie l’amendement CL2 de Mme Cécile Untermaier. 

Mme Cécile Untermaier. L’article 1er a pour objet de permettre à la CNCCFP de recruter des experts. Cet amendement vise à garantir leur impartialité, en laissant le soin au pouvoir réglementaire, par un décret en Conseil d’État, de fixer les conditions de leur désignation, et à permettre le concours d’autorités administratives indépendantes (AAI), telles que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

M. le rapporteur. Avis défavorable. Il convient tout d’abord de ne pas alourdir la charge du Conseil d’État. En outre, s’agissant des AAI, nous avons auditionné le président de la CNCCFP, M. François Logerot, qui n’a pas formulé de demande en la matière.

Mme Cécile Untermaier. Comment sera organisé le recours aux experts ? La procédure sera-t-elle encadrée ?

M. le rapporteur. La CNCCFP choisit les experts, mais ceux-ci n’ont pas de pouvoir décisionnaire.

Mme Cécile Untermaier. Dans quelles conditions la CNCCFP décidera-t-elle d’avoir recours à un expert pour l’examen d’un compte de campagne plutôt que pour un autre ? 

M. le rapporteur. Elle le fait, comme toutes les AAI, selon les modalités qui lui sont propres.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CL8 de M. René Dosière.

M. René Dosière. Comme nous l’a expliqué le président Logerot, le recours à des experts visera à apprécier le coût de certaines prestations, notamment télévisuelles, des candidats. La CNCCFP s’interrogera ainsi sur la réalité du montant des factures qui lui seront soumises, et il me paraît opportun de préciser que telle est l’intention du législateur afin de conforter l’action de la CNCCFP.

M. le rapporteur. Je partage votre argument, monsieur Dosière, mais je crains que la rédaction de votre amendement ne soit restrictive, car elle interdirait à la CNCCFP de faire appel à des experts dans l’exercice de sa mission de contrôle des comptes des partis politiques, en limitant cette faculté au contrôle des dépenses électorales. Or j’imagine que vous souhaitez qu’ils puissent aider la CNCCFP dans l’ensemble de ses actions…

M. Dominique Raimbourg, président. Monsieur Dosière, je vous suggère de retirer votre amendement, de le réécrire et de le représenter dans le cadre de la réunion prévue à l’article 88 du Règlement.

L’amendement est retiré

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 (art. L. 89 et L. 90-1 du code électoral) : Harmonisation des sanctions pénales en cas de divulgation prématurée de résultats électoraux ou de sondages

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Articles additionnels après l’article 2

La Commission est saisie de l’amendement CL11 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement est mû par les inquiétudes entourant les fraudes touchant le vote électronique.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle aborde l’amendement CL13 de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation.

M. le rapporteur. Je soutiens cet amendement, qui rend obligatoire la diffusion par les médias audiovisuels publics des mises au point de la Commission des sondages relatives aux enquêtes d’opinion publiées dans la semaine précédant un vote. Cette disposition s’appliquera à toutes les élections, et pas seulement au scrutin présidentiel.

La Commission adopte l’amendement.

Article 3 (art. L. 330-3 du code électoral et art. 23 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen) : Conséquences de la suppression de la double inscription des Français de l’étranger sur les listes électorales

La Commission est saisie de l’amendement CL7 de Mme Élisabeth Pochon, tendant à supprimer l’article.

M. le rapporteur. J’émets un avis favorable, par cohérence.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est supprimé.

Après l’article 3

La Commission examine l’amendement CL10 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Dans la même logique que pour la proposition de loi organique, nous suggérons que les relevés des temps d’intervention par parti politique, communiqués mensuellement aux présidents des deux assemblées et aux responsables des partis, soient diffusés par voie électronique dans un format ouvert et aisément réutilisable. Actuellement, le CSA ne transmet ces informations mensuelles que très tardivement et ne publie les relevés qu’en format PDF, ce qui les rend presque inutilisables.

M. le rapporteur nous a indiqué que Légifrance publiait les parrainages dans un format accessible, et nous souhaitons que le CSA adopte cette pratique pour les temps d’intervention des partis politiques dans les médias.

M. le rapporteur. Votre amendement est cohérent, mais il s’agit d’un cavalier. J’émets donc un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Article 4 : Gage financier

La Commission examine l’amendement CL14 du Gouvernement.

M. le rapporteur. J’émets, comme précédemment, un avis favorable à l’adoption de cet amendement par lequel le Gouvernement propose de lever le gage en supprimant l’article.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 est supprimé.

Puis la Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi, modifiée.

La séance est levée à 13 heures 15.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nathalie Appéré, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Erwann Binet, M. Gilles Bourdouleix, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Frédéric Cuvillier, M. Carlos Da Silva, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Jean-Pierre Decool, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, M. Marc Dolez, M. René Dosière, M. Olivier Dussopt, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Guillaume Garot, M. Bernard Gérard, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Olivier Marleix, M. Patrick Mennucci, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Edouard Philippe, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Pascal Popelin, M. Dominique Raimbourg, Mme Claudine Schmid, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. François Vannson, M. François-Xavier Villain, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Christian Assaf, M. Dominique Bussereau, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, Mme Laurence Dumont, M. Yves Goasdoué, Mme Françoise Guégot, M. Guillaume Larrivé, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Sandrine Mazetier, M. Bernard Roman, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Patrice Verchère, M. Jean-Luc Warsmann

Assistaient également à la réunion. - M. Patrick Bloche, Mme Virginie Duby-Muller, M. Frédéric Lefebvre, M. Paul Molac, M. Lionel Tardy, M. Philippe Vigier