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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mardi 21 février 2017

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 53

Présidence de M. Dominique Raimbourg, Président

– Audition de M. Christian Vigouroux, dont la nomination est envisagée par le Président de la République pour présider la commission prévue à l’article 25 de la Constitution, et vote sur cette proposition de nomination dans les conditions prévues par l’article 29-1 du Règlement

La réunion débute à 14 heures 10.

Présidence de M. Dominique Raimbourg, président.

La Commission examine, sur le rapport de M. Patrice Verchère, la nomination de M. Christian Vigouroux à la fonction de président de la commission prévue à l’article 25 de la Constitution, proposée par le Président de la République.

M. le président Dominique Raimbourg. Nous auditionnons aujourd’hui M. Christian Vigouroux avant d’entendre demain Mme Agnès Roblot-Troizier, dont les nominations aux fonctions de président et de membre de la commission prévue au dernier alinéa de l’article 25 de la Constitution nous sont proposées, respectivement, par le Président de la République et par le président de l’Assemblée nationale.

C’est depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008 qu’est prévue une commission indépendante chargée de donner un avis public sur les projets de textes et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition de sièges de députés ou de sénateurs. Cette commission est composée de six membres : trois magistrats issus du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, et trois personnalités qualifiées, l’une étant nommée par le Président de la République, la deuxième par le président de l’Assemblée nationale et la troisième par celui du Sénat. En 2009, nous avions statué sur la candidature d’Yves Guéna, proposé par le Président de la République, et sur celle de M. Dominique Chagnollaud, dont la nomination était proposée par le président de l’Assemblée. Le mandat des membres dure six ans avec un renouvellement par moitié tous les trois ans. Les deux candidats entendus aujourd’hui et demain par notre Commission seront nommés pour quatre ans et deux mois, c’est-à-dire six ans après l’arrivée à échéance du mandat de leurs prédécesseurs, en avril 2015. M. Vigouroux sera ensuite entendu par la commission des Lois du Sénat, à une date qui n’a pas encore été fixée, et à l’issue de laquelle les sénateurs voteront.

En application de l’article 29-1 du Règlement de l’Assemblée nationale, la Commission a désigné un rapporteur issu de l’opposition, en l’occurrence M. Patrice Verchère, qui a adressé un questionnaire à M. Vigouroux. Je précise que l’audition à laquelle nous procédons aujourd’hui est ouverte à la presse.

M. Patrice Verchère, rapporteur. Monsieur le président, chers collègues, vous avez bien voulu me confier le soin d’être rapporteur sur la nomination de M. Christian Vigouroux aux fonctions de président de la commission prévue à l’article 25 de notre Constitution. Vous me permettrez de faire part de mon étonnement de voir le Parlement être saisi aussi tard d’une nomination envisagée par le Président de la République. En effet, pourquoi attendre la dernière semaine, pour ne pas dire les dernières heures précédant la suspension de nos travaux alors que le poste en question est vacant depuis avril 2015 ? Que justifie un tel empressement alors qu’aucun redécoupage des circonscriptions législatives n’est programmé dans les mois à venir ? C’est, selon moi, une bien mauvaise manière qui nous est faite, ainsi qu’aux sénateurs.

Quoi qu’il en soit, le président vient de rappeler le rôle que joue cette commission en cas de redécoupage des circonscriptions législatives ; je vous propose d’entrer dans le vif du sujet. M. Vigouroux a eu l’amabilité de nous transmettre hier ses réponses écrites au questionnaire que je lui avais adressé.

Je reviendrai sur certaines d’entre elles, en particulier la première. Vous avez rappelé, Monsieur Vigouroux, que l’article L. 567-5 du code électoral interdit de révéler le contenu des débats, votes et documents de travail de la commission. Dans ces conditions, comment garantir la transparence du processus de redécoupage des circonscriptions législatives ?

Deuxième question : la commission prévue à l’article 25 n’a aucun pouvoir d’auto-saisine. En l’état du droit, il ne lui appartient pas de juger obsolètes les limites de circonscriptions. Estimez-vous que le législateur devrait prévoir un délai impératif de révision de la carte des circonscriptions législatives, comme l’avait suggéré la commission Balladur ?

La délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés repose sur les limites des cantons tels qu’ils étaient définis en 2009, mais la loi du 13 mai 2013 a écarté toute obligation de faire coïncider les limites cantonales avec les limites des circonscriptions législatives lors du remodelage des cantons effectué en 2015. Dès lors, ne faut-il pas rechercher une coïncidence entre les limites cantonales et législatives lorsque cela est possible ? Plus généralement, comment mieux prendre en compte les bassins de vie et les évolutions récentes de la carte intercommunale dans la perspective d’un futur redécoupage, sachant que la carte intercommunale ne correspond pas toujours à celle des cantons ?

Dans votre dernière réponse, vous indiquez que « la réduction du nombre des circonscriptions pose la question de la pertinence du cadre départemental ». Dès lors, dans quel cadre alternatif pourrait s’inscrire une nouvelle carte des circonscriptions législatives et comment s’assurer concrètement que la diminution des circonscriptions ne se traduise pas par des circonscriptions trop étendues ?

M. Christian Vigouroux. Votre commission m’a convoqué, le Président de la République ayant proposé de me nommer en tant que personnalité qualifiée – l’adjectif est toujours délicat, car si la qualification de la commission est avérée, celle des personnes doit être établie avec plus de prudence – à la présidence d’une commission constitutionnelle. Je dois à la représentation nationale quelques brèves indications sur mon parcours et sur les raisons qui m’ont poussé à accepter la mission qui m’était proposée. Disons d’emblée que je suis convaincu de l’utilité de cette commission, qui contribue à l’objectivité du débat public. D’autre part, je crois – prétention ultime de ma part – pouvoir être moi-même utile à cette commission qui m’intéresse ; dans le cas contraire, je ne me trouverais pas devant vous.

Jusqu’à ce jour, j’ai exercé un métier et trois activités cumulatives ou alternatives. Mon métier, d’abord, fut celui de conseiller d’État, dans sa double dimension de juge et de conseil. Je l’ai abandonné voici quelques mois, en raison de la limite d’âge, après être parvenu à la présidence de la section de l’intérieur du Conseil d’État, qui est l’instance consultative pour tous les projets de lois et décrets provenant des ministères de l’intérieur, de la justice, de l’éducation et de la culture, donc toutes les questions relatives à la sécurité et à la justice, mais aussi aux institutions et au droit électoral.

Au Conseil d’État, que je sers depuis quarante-et-un ans, j’ai exercé presque tous les métiers, tout d’abord dans les instances consultatives qui donnent des avis au Gouvernement – et, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, à l’Assemblée : je reconnais ici plusieurs parlementaires que j’ai eu l’honneur de recevoir, à leur demande, au sujet de propositions de loi. J’ai notamment présidé deux sections consultatives : celle du rapport et des études, qui fait le lien avec l’université et l’international, et celle de l’intérieur. J’ai œuvré pendant plus longtemps encore dans le contentieux, là aussi à presque tous les postes : rapporteur, assesseur, président de chambre, jusqu’à président adjoint de la section du contentieux du Conseil d’État. Tel est mon métier de base ; j’y suis attaché, et je reste à votre disposition pour vous montrer que ces activités m’ont bien souvent mis en rapport avec le droit électoral. L’une des premières affaires électorales que j’ai eu à traiter comme jeune rapporteur, il y a une quarantaine d’années, fut une affaire douloureuse de détournement du nom d’un candidat à des fins de propagande antisémite. Mes activités consultatives ne m’ont pas conduit à participer directement à l’examen par le Conseil d’État de grands projets législatifs de redécoupage, mais la section que j’ai présidée a examiné de nombreuses cartes administratives – cartes territoriales, carte des universités ou encore carte judiciaire.

À côté de ce métier de conseiller d’État, j’ai exercé trois activités pendant ma carrière dans le service public. La première est alternative : j’ai eu des responsabilités dans des cabinets ministériels, moyennant des conditions que je me suis toujours imposées et sur lesquelles je pourrai revenir si vous le souhaitez. J’ai ainsi exercé dans les ministères chargés des universités, de l’intérieur, de la justice et des affaires sociales – me permettant ainsi de bien connaître le fonctionnement de l’État.

Ensuite, au début de ma carrière, j’ai exercé les fonctions purement administratives de directeur adjoint de l’urbanisme et des paysages. Ce titre mystérieux de « directeur des paysages », comme celui de directeur des libertés publiques, fait sourire : seule la France en est capable. Toujours est-il que j’ai exercé ces fonctions lors de la décentralisation de l’urbanisme, et que j’ai ainsi appris à mieux connaître la France au fil de mes nombreux déplacements pour aller expliquer aux maires ce qui les attendait. Par ailleurs, j’ai été conseiller juridique au ministère de l’industrie et président du comité de déontologie de la Haute Autorité de santé : ce sont des fonctions discrètes mais intéressantes et importantes.

Enfin, la troisième activité – cumulative avec mon emploi au Conseil d’État – que j’ai exercée est aussi ma passion : l’enseignement. J’ai été pendant vingt ans professeur associé à l’Université de Paris-I puis à Saint-Quentin-en-Yvelines. J’ai ainsi constaté qu’à niveau équivalent, les étudiants de la première voulaient tous préparer le concours de l’École nationale d’administration ou devenir parlementaires tandis que ceux de la seconde se préparaient aux concours de catégorie B et C et envisageaient de devenir conseillers généraux. Ce fut aussi une manière d’apprendre la France.

J’en viens aux questions de M. le rapporteur. J’ai répondu à son questionnaire avec beaucoup de modestie : si je m’intéresse aux questions de droit électoral, je ne suis pas un puits de science en la matière. La première question, relative à la publicité des débats de la commission, est sans doute la plus importante. Pour avoir exercé dans de nombreux comités consultatifs, je sais deux choses : tout d’abord, il ne faut pas confondre le donneur d’avis et le décideur. J’ai participé à l’élaboration de la décision rendue par le Conseil d’État en 2003 sur l’affaire Stilinovic, dans laquelle le garde des Sceaux, après s’être engagé à se conformer à l’avis du Conseil supérieur de la magistrature, a vu sa décision annulée au motif qu’il ne pouvait pas lier son pouvoir à un donneur d’avis. J’en ai retenu qu’un donneur d’avis n’est qu’un donneur d’avis, même s’il en est de deux sortes : certains, comme le Conseil d’État jusqu’à une date récente, émettent des avis qui ne sont destinés qu’à ceux qui les ont sollicités, en l’espèce le Gouvernement, tandis que d’autres, comme la commission prévue à l’article 25 de la Constitution, sont de nature très différente puisqu’ils versent leurs avis au débat public – je dirais même qu’ils le pensent pour le débat public, car on n’écrit pas de la même manière un avis destiné à un pouvoir constitutionnel et un avis rendu sur la place publique.

Je sais qu’à sa création en 2008, la commission qui nous occupe a donné lieu à d’abondants débats. Devait-elle se charger elle-même du redécoupage ou se contenter de veiller sur le processus ? La solution adoptée se trouve à mi-chemin : la commission n’effectue pas le découpage elle-même puisqu’elle est saisie par le Gouvernement mais, en rendant un avis, elle effectue en quelque sorte un deuxième découpage. C’est de cette façon qu’elle a travaillé en 2010, et c’est sain : le donneur d’avis, sans décider, propose néanmoins au décideur de comparer son projet avec le résultat qu’aurait produit une méthode différente. Dès lors que le délibéré est secret, qu’il n’est pas prévu de publier des opinions dissidentes et que la « boîte noire » de la production de l’avis demeure close, il me paraît judicieux que l’avis soit rendu public s’agissant d’une question qui concerne si hautement l’Assemblée nationale et le Sénat. La solution alternative consisterait à confier le découpage à la commission, mais cela signifierait que les pouvoirs constitutionnels se défont d’une responsabilité qui est la leur. Je suis sans doute affreusement conservateur, monsieur le rapporteur, mais la solution actuelle me satisfait donc.

Vous m’avez interrogé sur l’autosaisine de la commission : vous comprendrez que mon sentiment est le même. Je crois à la Constitution – je suis même de ceux qui conservent toujours dans leur portefeuille un exemplaire de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui peut toujours servir. Que les organes constitutionnels remplissent leurs fonctions, et qu’ils s’appuient sur les organes consultatifs les plus indépendants qui soient ou qu’ils s’en éloignent. Nuançons cependant : sans s’autosaisir à proprement parler, les commissions de cette nature savent, dans leurs avis, faire passer des messages que le Gouvernement est libre de suivre ou non, par exemple concernant le redécoupage décennal automatique – bien que je ne sois guère favorable à l’automaticité dans ce domaine. Certes, la commission n’a pas la parole dès lors qu’elle n’est pas saisie ; une fois saisie, elle sait néanmoins dire si l’évolution sociale rend un nouveau découpage nécessaire. N’y voyez pas une tautologie : la commission peut ainsi être saisie d’un projet de révision partielle de la carte et saisir l’occasion pour émettre un avis général. Elle jouit donc d’une marge d’autosaisine, en quelque sorte.

Quant aux limites cantonales, il me semble raisonnable, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel que le Conseil d’État a reprise, de les rapprocher de celles des circonscriptions, même si ce rapprochement n’est pas automatique. Dans les zones de scrutin uninominal, l’histoire des terroirs parle d’elle-même, et je préfère l’histoire à la jonglerie. Je présiderai dans trois mois une partie du Congrès des sociétés d’histoire naturelle et d’archéologie du Centre, qui portera justement sur les frontières entre les régions d’oc et d’oïl : ce n’est pas un hasard si l’on réfléchit encore à ces questions aujourd’hui.

Les bassins de vie sont un critère important. J’ai participé à l’examen des projets de loi sur l’intercommunalité et sur la naissance des métropoles. En la matière, la transformation est formidable ! Songez qu’en 1927 le département du Rhône avait déjà quatorze circonscriptions tandis que la Creuse en avait quatre ; aujourd’hui, le Creuse n’en a plus qu’une, chancelante, alors que le Rhône campe toujours sur ses quatorze circonscriptions. Il va de soi que la prise en compte des transformations géographiques sera au cœur des travaux de la commission, si j’y exerce des responsabilités.

Quant au cadre départemental, je ne rêve pas chaque matin d’y porter atteinte. Vous avez, Monsieur le rapporteur, évoqué l’hypothèse de la réduction du nombre de circonscriptions : ce débat est somptueusement illustré dans les travaux préparatoires à la loi de 1927 portants rétablissement du scrutin uninominal, où l’on affirmait déjà que le nombre de circonscriptions était trop élevé – c’est dire la permanence des problématiques. Dans leur rapport sur l’avenir des institutions, MM. Bartolone et Winock envisagent de ramener ce nombre à quatre cents. Je ne dis pas que je suis favorable à cette hypothèse, mais, si les autorités politiques en décidaient ainsi, je ne vois guère comment, dans le Limousin qui m’est cher, la Creuse pourrait à elle seule conserver une circonscription. C’est pourquoi je crois qu’il faudrait adopter une nouvelle conception en variant le découpage selon les cas, par exemple en regroupant des départements ou en divisant des régions, et faire preuve d’inventivité. Si la commission était saisie de projets de cette nature, je suis convaincu qu’elle aurait de beaux jours devant elle pour tâcher de donner un avis approprié.

M. le président Dominique Raimbourg. Je vous remercie. Nous en venons aux questions des députés.

M. Guillaume Garot. Je salue M. Vigouroux, dont le parcours très républicain est tout entier tourné vers le service public. La République n’est forte que si elle permet aux citoyens d’avoir confiance dans leurs institutions, et si elle tient en permanence sa promesse d’égalité ; voilà ce qu’est la République.

S’agissant du redécoupage électoral, qui est l’objet des travaux de la commission, considérez-vous, monsieur Vigouroux, que le critère démographique est exclusif de tout autre ou vous faudra-t-il intégrer d’autres préoccupations dans vos travaux, comme le suggérait notre rapporteur ?

M. Guy Geoffroy. Permettez-moi une remarque sur les propos de M. Vigouroux avant de faire une déclaration au nom de mon groupe. Ma remarque porte sur l’appréciation que l’on peut porter concernant le nombre, suffisant ou non, de parlementaires, en particulier de députés. Je rappelle que l’Assemblée nationale avait 487 députés lors de sa première élection en 1958, que ce nombre n’a jamais varié jusqu’en 1986, quelle que soit l’évolution de la population, et que c’est à cette date, lors de l’instauration du scrutin proportionnel, qu’il a été porté à 577. Je fais ce rappel factuel non pas pour contredire vos propos, monsieur Vigouroux, puisque vous n’avez pas pris position sur le sujet, mais pour éclairer la question de l’insuffisance – ou non – du nombre de députés.

J’en viens à ce qui nous réunit aujourd’hui, en prévenant notre invité, qui est proposé par le Président de la République à des fonctions importantes, que mon propos ne vise en aucun cas ni sa personne, ni sa compétence, ni son expérience, ni son incontestable capacité à assumer la mission pour laquelle il est pressenti. Il porte sur ce que nous sommes en train de vivre à l’instant même. Depuis avril 2015, deux membres de la commission dont nous parlons auraient dû être renouvelés et ne le sont pas. L’ancien président de cette commission, Yves Guéna, qui avait cessé ses fonctions en avril 2015, est décédé le 3 mars 2016. Depuis lors, la commission demeure incomplète, à la veille du terme de la XIVe législature. Aussi sommes-nous perplexes, étonnés et très insatisfaits de la manière dont les pouvoirs publics et, en l’occurrence, le Président de la République traitent ce sujet. C’est la raison pour laquelle la question n’est pas pour nous de dire si nous adhérons à la proposition du Président de la République ou si nous y sommes hostiles – car nous n’avons aucune raison d’y être hostiles a priori mais, compte tenu du caractère extrêmement préoccupant de la méthode et, surtout, du laisser-aller général qui prévaut dans cette période, notre groupe ne participera pas au scrutin auquel nous avons été invités aujourd’hui.

M. Guillaume Larrivé. Je n’ajouterai rien aux propos que M. Geoffroy vient de tenir au nom de notre groupe. J’ai simplement pour M. Vigouroux une question de nature juridique. Nous, députés, sommes élus dans des circonscriptions territoriales auxquelles nous sommes très attachés, car elles sont la condition de l’enracinement et de la proximité avec nos concitoyens. Cela étant, nous sommes avant tout, sur le plan juridique, des députés de la nation représentant le peuple français. Aujourd’hui, le découpage des circonscriptions se fait pourtant en fonction non pas du nombre de Français, mais du nombre d’habitants en France, à partir des recensements de l’INSEE. Vous devinez ma question : y aurait-il selon vous un obstacle constitutionnel à ce qu’un prochain découpage soit fait, de manière novatrice, non plus en fonction du nombre d’habitants mais en fonction du nombre de citoyens français, c’est-à-dire d’électeurs ? Certains d’entre nous, comme notre collègue Alain Marleix, très intéressé par ces questions, ont d’ailleurs signé une proposition de loi en ce sens. Est-il possible, sans modifier la Constitution, de faire le découpage en fonction du nombre de Français ?

Mme Cécile Untermaier. Je tiens tout d’abord à remercier M. Vigouroux d’avoir accepté la proposition qui lui était faite de se présenter à la présidence de cette commission. Les travaux que vous avez conduits en matière de déontologie m’ont particulièrement intéressée, et je ne doute pas que ce thème sera au cœur des activités de la commission que vous devriez présider.

Ma première question est simple : quel regard portez-vous sur les circonscriptions des Français établis hors de France ?

Ma deuxième question porte sur les circonscriptions situées sur le territoire national. Le groupe de travail coprésidé par MM. Bartolone et Winock, auquel j’ai participé, a certes recommandé la diminution de 577 à 400 du nombre de députés, mais la discussion a été vive et cette proposition n’est pas aussi affirmative que nos propos pourraient le laisser penser. Pour ma part, je suis très réservée : selon moi, une loi sur le non-cumul n’implique pas une réduction du nombre de députés ; au contraire, il faut réfléchir sur les effets du non-cumul et sur la façon dont le député devra travailler dans sa circonscription.

Quant aux circonscriptions, en particulier les circonscriptions rurales, nous sommes arrivés à un stade où il n’est guère envisageable qu’elles soient plus grandes, sauf à ce que les députés passent leurs nuits sur les routes pour aller à la rencontre des habitants et faire en sorte que le politique et le citoyen travaillent ensemble.

Enfin, pour avoir étudié de près la réduction du nombre de députés, j’ai constaté que les parlements les moins nombreux sont souvent ceux de régimes autoritaires. Ma vigilance à ce sujet est extrême ; la partagez-vous ? Une réduction modeste de trente à quarante députés ne me gênerait pas, mais une réduction drastique me semble dangereuse.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je fais miennes les observations formulées par M. Geoffroy et, en tant que vice-président de la Commission, je vous demande, monsieur le président, si vous pouvez expliquer pourquoi nous devons, dans l’urgence d’une fin de session et de législature, statuer sur un sujet aussi important, puisqu’il dépend de l’autorité du Président de la République et que le Parlement est associé à cette décision. Ce n’est pas la première fois que nous faisons face à une telle précipitation : comment expliquez-vous ce calendrier pour le moins étonnant – comme M. le rapporteur l’a signalé dans son introduction – et irrespectueux de la belle commission que vous avez l’honneur de présider, et qui se montrera demain, lors de la présentation du bilan de ses travaux, sous un jour – espérons-le – plus positif ?

M. Jean-Luc Warsmann. Je tiens avant toute chose à saluer M. Vigouroux et sa présence parmi nous. Sur la forme, je partage les propos de mes collègues : lorsque j’étais étudiant, on nous apprenait à consulter le Journal Officiel des derniers jours d’un gouvernement car c’est à cette période que quelques turpitudes sont adoptées en vidant les tiroirs – non pas que l’on nous propose en l’occurrence une turpitude, puisque j’ai commencé par saluer M. Vigouroux dont la carrière est une ode au service de l’État.

Permettez-moi d’intervenir sur un sujet de fond. Lors du dernier recensement, je m’en suis voulu de ne pas avoir engagé ce débat : nous avons tort, selon moi, de continuer d’établir le nombre de circonscriptions en fonction du nombre d’habitants. L’île de Mayotte, par exemple, avait 212 645 habitants en 2012, contre 235 000 aujourd’hui, la moitié des habitants étant âgés de moins de dix-huit ans et un tiers environ étant des étrangers en situation irrégulière. Sans caricaturer, on pourrait presque dire que le deuxième siège de député a été accordé à ce département pour des non-citoyens.

Au cours de cette législature, Mme Pochon et moi-même avons mené un travail que chacun a suivi afin de faciliter l’inscription sur les listes électorales ; ce travail achevé, le prochain redécoupage des circonscriptions législatives devra selon moi se fonder sur le nombre d’électeurs inscrits. Cette solution serait beaucoup plus équitable et pourrait être consensuelle ; elle éviterait des situations telles que celle que j’ai citée, qui met quelque peu mal à l’aise. Telle est la suggestion que je formule, même s’il appartiendra le moment venu aux parlementaires de trancher.

M. Joaquim Pueyo. Vous avez abordé la question de la transparence, monsieur Vigouroux. Il me semble que la qualité des personnes siégeant dans cette commission ne fait peser aucun doute sur leur indépendance et leur respect de la déontologie. Le fait que vous ayez accepté d’être candidat me rassure, parce que toute votre carrière démontre à la fois votre engagement au service de l’État et de la République, et les grandes qualités dont vous avez fait preuve dans l’exercice de vos différentes fonctions.

Jugez-vous utile que des Français vivant à l’étranger soient représentés à l’Assemblée nationale ? Ce système existe dans très peu de pays démocratiques. La question mérite donc d’être posée. D’autre part, je suis très attentif à l’équité : il ne faudrait pas que nous aboutissions à un système où, comme aux États-Unis, le président pourrait être élu avec deux millions de voix de moins que son adversaire. Nous devons donc instaurer un système équitable où chaque électeur est représenté à égalité. Dans certaines collectivités territoriales, un électeur rural peut représenter jusqu’à dix fois ce que représente un électeur vivant en zone urbaine. J’ai dénoncé cet état de fait lors de l’examen de la loi d’affirmation des métropoles afin que ce déséquilibre soit corrigé.

En cas de diminution du nombre de circonscriptions, cependant, il faudra sans doute revoir la méthode d’élection des députés parce qu’il ne leur sera pas possible de parcourir des centaines de kilomètres pour rencontrer les citoyens. La question qui se pose est alors celle du lien entre le député et la population. La circonscription me semble propice à son maintien, mais la réduction du nombre de députés présentera une difficulté qui exigera certainement de modifier le mode de scrutin.

Mme Sophie Dion. Nous sommes tous impressionnés par votre parcours, monsieur Vigouroux. Permettez-moi deux questions : tout d’abord, je vous ai beaucoup entendu parler d’histoire et de géographie, l’une et l’autre nourrissant des valeurs fortes, en particulier dans les territoires ruraux et de montagne. Or, un kilomètre en montagne ne vaut pas un kilomètre en plaine : en cette période de perte des repères et de désengagement des services publics, comment aborderez-vous la question de ces territoires de montagne dans le cadre d’un redécoupage ?

D’autre part, vous avez enseigné à l’université de Paris-I : cette expérience vous a-t-elle enrichi et comment avez-vous appréhendé le contact avec les étudiants ?

Mme Sandrine Mazetier. Aurez-vous, monsieur Vigouroux, une quelconque influence sur le caractère paritaire de la commission que vous êtes susceptible de présider, conformément à ce que prévoit la Constitution, puisque je constate qu’elle ne l’est toujours pas au début d’un siècle pourtant bien entamé ?

S’agissant de représentativité, il existe une réelle différence entre les deux camps de notre commission, les uns estimant que le peuple français se réduit aux électeurs, les autres qu’il comprend l’ensemble de la population vivant en France, y compris les mineurs et les personnes privées de leurs droits civiques, par exemple. Est-il envisageable que la commission que vous pourriez – je le souhaite – présider se penche sur un système permettant d’assurer la parité de la représentation législative comme nous l’avons pleinement assurée durant cette législature dans les départements – y compris dans le 101e département, Mayotte – alors même qu’ils étaient les collectivités où la présence des femmes – qui, rappelons-le, forment plus de la moitié de la population française – était la plus déséquilibrée ?

Telles sont donc mes questions : la parité au sein de la commission que vous présiderez d’une part, et une réflexion sur la parité à l’Assemblée nationale, quelle que soit la population prise en compte pour déterminer les limites des circonscriptions – car l’humanité tout entière est paritaire, par-delà les continents et les siècles.

M. Christian Vigouroux. Permettez-moi de commencer par répondre à la question des critères, démographiques ou autres, de redécoupage. Nous sommes nombreux à vivre et agir pour l’égalité, qui est indispensable pour que les citoyens aient confiance dans leurs représentants. Pour cela, l’écart de population entre les circonscriptions ne doit pas être trop élevé. La science électorale, Madame Dion, est faite d’histoire et de géographie, mais aussi de mathématique et de sociologie. Or il faut parfois savoir corriger la dimension mathématique de l’égalité : qui n’a pas pris la route de Rodez à Millau en février ne comprend guère le pays. Si je siégeais à la commission, je ferais donc de la mathématique et consulterais des spécialistes de la méthode de Sainte-Laguë et de celle de D’Hondt, mais je nuancerais ce critère en consultant aussi un routier qui transporte du bois entre Saint-Dié et Épinal pendant l’hiver. Mais l’égalité prime : le Conseil constitutionnel a tranché le point sur lequel vous m’interrogez dans sa décision du 16 mai 2013 sur la loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, en censurant l’énoncé de ces exceptions. Il faut ajouter une indispensable pincée de « territorial » dans cette recette d’égalité.

Je sais gré à M. Geoffroy d’avoir bien voulu distinguer entre son appréciation sur notre séance et les circonstances qui me dépassent, et que je ne commenterai pas. Permettez-moi tout de même de vous dire ceci, monsieur le député : je pourrais ne pas être là. Je ne suis pas plus ignare qu’un autre citoyen ; j’écoute et je vois. Si je suis venu, c’est parce que je ne place pas la nomination qui est proposée sur le même plan qu’une nomination de directeur d’administration centrale, par exemple. Il m’est arrivé, lorsque j’exerçais en cabinet ministériel, de recommander à des ministres de ne pas nommer de directeurs en fin de quinquennat, de sorte que les autorités suivantes puissent procéder à la nomination et que le ministre et le directeur ainsi désigné travaillent en bonne intelligence. Si je suis ici, à tort ou à raison, c’est parce que je crois qu’un organe constitutionnel doit être pourvu.

M. Larrivé a posé la question passionnante, et très importante, de la population à retenir pour délimiter les circonscriptions : population totale, électeurs ou citoyens français. Cette question a été traitée de manière brillante et profonde lors du débat de 1927 qui a donné lieu à des duels oratoires. Le 9 juillet 1927, la Chambre a voté selon des regroupements partisans parfois inattendus. Le ministre de l’Intérieur, Albert Sarraut, avait les idées claires : « Messieurs, je n’ai qu’une courte déclaration à faire. Le Gouvernement maintient sur la question de la population française la position qu’il a prise dans le projet de loi qu’il a déposé. Je veux prendre en considération la seule population française. » Immédiatement après, il a été procédé au vote : « Je mets aux voix l’amendement de M. Lemoine dont je rappelle les termes : “Le nombre de députés est fixé pour la XIVe législature d’après le chiffre de la population française” ». L’amendement n’a pas été adopté.

Ce débat ancien est très important. Plus récemment, l’amendement de M. Dosière sur Mayotte, présenté comme une adaptation ne portant que sur certains territoires où l’écart entre la population totale et le nombre d’électeurs était considérable et qui met « un coin » dans le principe du critère de population, et non de citoyenneté, a été adopté à une forte majorité. Il a toutefois été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 janvier 2009. Le Conseil, cependant, n’a pas vraiment censuré la disposition sur le fond, mais a estimé qu’il était difficile de ne l’appliquer que dans certains endroits, et qu’elle devait être assumée et généralisée pour être applicable. Sur le plan strictement juridique, je ne vois donc aucune porte fermée, mais un simple rappel de la méthode à retenir pour aborder cette question.

Ne voulant pas éviter de répondre, je vous dirai ceci : je suis très prudent, car ce débat, loin de n’être que contemporain, nous vient de très loin. À première vue, on pourrait être tenté de dire qu’en matière électorale le critère de citoyenneté doit primer. Autant je suis persuadé que l’adéquation entre le citoyen et l’électeur français – hormis les citoyens européens – est absolue, autant j’y regarderais à deux fois avant de ne plus tenir compte de masses de population qui, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont arrivées, vivent en France. Je prétends qu’il n’est pas fondamentalement choquant que des parlementaires soient élus pour faire face à la situation de masses de populations non françaises. En 1927, le député Georges Bonnefous définissait les circonscriptions relevant d’un scrutin uninominal majoritaire comme des circonscriptions « tiroirs », au sens où un cadre est défini dans lequel s’inscrivent des populations différentes et qui évoluent. Je suis favorable aux circonscriptions « tiroirs », et un tiroir engobe la population telle qu’elle est – mais, disant cela, je n’engage que moi : que les choses soient claires.

Je vous remercie, madame Untermaier, d’avoir fait référence à mes travaux sur la déontologie. Je veux dire à la représentation nationale que si j’étais nommé président de la commission, je n’oublierais pas que je suis auteur – et parfois acteur – dans ce domaine.

S’agissant des Français de l’étranger, je crois que l’évolution de la société, notamment de la jeunesse, exige que ceux qui s’expatrient gardent un lien avec la nation. La France s’ouvre, les jeunes vont et viennent ; c’est donc essentiel. La formule retenue en 2008 est-elle pour autant parfaite ? C’est à la représentation nationale d’en juger, mais il me semble que différentes solutions permettraient la représentation des Français de l’étranger.

Quant aux grandes circonscriptions, j’approuve votre mise en garde : on ne saurait étirer jusqu’à plus soif le principe du scrutin uninominal. Si la circonscription finit par épouser les contours d’une région, alors il est sans doute temps de changer de mode de scrutin.

J’ai fait allusion, Monsieur Warsmann, à la proposition de loi sur laquelle Mme Pochon et vous-même avez fait l’honneur à la section de l’intérieur du Conseil d’État de lui demander son avis : il me semble en effet qu’elle change quelque peu la donne. La question de la population de référence est double : elle concerne les étrangers, dont nous avons parlé, mais aussi les non-inscrits, qui sont à l’origine du décalage. En tant que citoyen et non plus en tant qu’ancien président de la section de l’intérieur, je forme le vœu que cette loi qui favorise l’inscription automatique sur les listes électorales soit pleinement suivie d’effet. C’est un chantier délicat, mais sa réalisation permettrait de résoudre une partie de la question.

Sur la question de l’indépendance, monsieur Pueyo, je ne prétendrai pas la main sur le cœur que je serai indépendant, mais je dirai ceci : il y a quelques années, le grand scientifique Jean-Pierre Royer avait écrit un livre sur la société judiciaire, montrant le fichage politique des fonctionnaires et citant les fiches dont ils faisaient l’objet. À l’époque étudiée, les poursuites concernaient les moins républicains d’entre eux – les cléricaux. L’une de mes fiches préférées porte les observations suivantes : « clérical, porte-cierge, marguillier, très bien vu au paradis ». J’assure la représentation nationale que je ne porte les cierges de personne !

La question de la parité, madame Mazetier, est sans doute la plus difficile. Ayant dirigé le cabinet de la première femme garde des Sceaux, époque à laquelle j’ai appris beaucoup de choses sur les femmes en politique, je crois dans les textes sur la parité – la section de l’intérieur du Conseil d’État en a examiné plusieurs. Je suis convaincu que la société peut évoluer grâce aux textes, comme ce fut le cas des conseils départementaux – alors que certains pariaient sur l’échec de cette disposition. Pour ce qui concerne la représentation nationale, la parité me semble tout à fait souhaitable mais mon audace s’essouffle s’agissant des manières d’y parvenir, en imposant des tandems paritaires par exemple. Cela étant, je ne refuse aucunement le débat.

M. le président Dominique Raimbourg. Je vous remercie. La commission va maintenant procéder, hors de votre présence, au scrutin à bulletins secrets. Conformément à l’article 29-1 du Règlement, les bulletins seront dépouillés en même temps que ceux de la commission des Lois du Sénat, qui n’a pas encore arrêté la date de votre audition et de son vote. Jusqu’à cette date, les bulletins seront conservés dans une enveloppe scellée.

En ce qui concerne la date à laquelle se tient la présente audition, je crains de n’avoir guère de lumières à vous apporter, monsieur Geoffroy. Cette commission n’avait pas à se réunir et la question de sa présidence n’a donc pas été jugée urgente, mais il a été décidé de procéder à cette nomination pour mettre fin à la vacance en question dans des conditions qui nous obligent à nous réunir dans des délais très contraints.

Délibérant à huis clos, la commission procède au vote au scrutin secret, dans les conditions prévues par l’article 29-1 du Règlement de l’Assemblée nationale, sur la proposition de nomination par le Président de la République de M. Christian Vigouroux à la présidence de la commission prévue par l’article 25 de la Constitution. Sous le contrôle des scrutateurs les bulletins sont placés dans une enveloppe scellée.

La réunion s’achève à 15 heures 05.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Erwann Binet, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Jean-Michel Clément, Mme Françoise Descamps-Crosnier, Mme Sophie Dion, Mme Laurence Dumont, M. Georges Fenech, M. Guillaume Garot, M. Guy Geoffroy, M. Philippe Gosselin, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, Mme Sandrine Mazetier, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Joaquim Pueyo, M. François Pupponi, M. Dominique Raimbourg, M. Camille de Rocca Serra, Mme Cécile Untermaier, M. Jacques Valax, M. Patrice Verchère, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - Mme Huguette Bello, M. Sergio Coronado, M. Marc Dolez, Mme Maina Sage, M. Roger-Gérard Schwartzenberg