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Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour la croissance et l’activité

Vendredi 16 janvier 2015

Séance de 9 heures 25

Compte rendu n° 13

Présidence de M. François Brottes, Président

–  Suite de l’examen, ouvert à la presse, du projet de loi pour la croissance et l’activité (n° 2447) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, MM. Christophe Castaner, Laurent Grandguillaume, Denys Robiliard, Gilles Savary, Alain Tourret, Stéphane Travert, et Mmes Cécile Untermaier et Clotilde Valter, rapporteurs thématiques)

–  Présences en réunion

La commission poursuit l’examen du projet de loi pour la croissance et l’activité (n° 2447) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, MM. Christophe Castaner, Laurent Grandguillaume, Denys Robiliard, Gilles Savary, Alain Tourret, Stéphane Travert, et Mmes Cécile Untermaier et Clotilde Valter, rapporteurs thématiques).

Article 27 bis (nouveau) : Harmonisation des délais de recours pour les installations de production d’énergie renouvelable

La commission examine les amendements SPE1416, SPE1417 et SPE1418 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. L’amendement SPE1416 va dans le sens de la simplification. Il propose d’harmoniser les délais de recours sur les projets visant à la production d’énergie renouvelable, qui dépendent actuellement de plusieurs codes. La longueur de ces délais a pour effet de freiner la transition énergétique et de renchérir le coût des installations, dont la construction est financée par la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Nous suggérons d’aligner les différents délais sur celui du recours de droit commun, qui est de deux mois, à compter de la publication de l’autorisation.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Avis défavorable. L’amendement s’inscrit dans la logique du texte, puisqu’il vise à faciliter la construction d’installations favorisant la transition énergétique, mais il est déjà satisfait. L’expérimentation d’autorisation unique pour les installations permettant la production d’énergie renouvelable, que l’article 38 ter du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit d’étendre à l’ensemble du territoire national, comporte une réduction des délais.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Avis défavorable, également. Je comprends l’objectif des auteurs des amendements, mais, compte tenu du nombre de recours déposés sur ces projets, l’adoption d’un délai de deux mois risque de fragiliser les procédures, que l’on peut sûrement sécuriser et accélérer autrement.

M. Francis Vercamer. Je trouve piquant que les Verts, qui ont tout fait pour complexifier le droit de l’urbanisme, plaident pour la simplification quand il s’agit des éoliennes. Mais c’est l’ensemble des procédures qu’il faut simplifier ! Quoi qu’il en soit, je confirme que les entreprises qui veulent implanter une installation classée pour la protection de l’environnement – ICPE – préfèrent s’installer à l’étranger plutôt qu’en France, tant notre droit est compliqué.

M. Patrick Hetzel. En simplifiant l’installation de tous les projets d’infrastructure, on développera la croissance et l’activité. C’est pourquoi je suis favorable à l’orientation adoptée par Denis Baupin. Il est regrettable que le mouvement auquel il appartient tente le plus souvent d’allonger les procédures et de multiplier les recours, ce qui, dans ma circonscription, a pour effet de limiter l’emploi.

M. Denis Baupin. Cette accusation n’est pas fondée : pourriez-vous citer un seul projet sur lequel Europe Écologie Les Verts – EELV – aurait déposé un recours ? Comme vous, je déplore que les ingénieurs qui s’intéressent à l’éolien partent développer des projets à l’étranger. Pour construire une éolienne, il faut huit ans en France, contre quatre dans le reste de l’Europe.

Le projet de loi relatif à la transition énergétique ne prévoit pas d’harmoniser les délais de recours, même s’il tend à établir une autorisation unique, ce qui se traduit par l’obligation de remplir des documents relevant du code de l’urbanisme. Le délai de recours est de deux mois pour un permis de construire, mais de six pour une ICPE. Il faudrait que les bons projets avancent plus vite et que les mauvais soient arrêtés plus rapidement.

M. le ministre. Les trois amendements en discussion portent sur les éoliennes terrestres. J’émets un avis favorable à l’amendement SPE1416, afin d’assurer M. Baupin de ce que le Gouvernement partage ses préoccupations.

En revanche, je suggère le retrait de l’amendement SPE1417. À mon sens, le régime de la simple déclaration n’est pas suffisant pour construire une éolienne, qui appelle une procédure d’autorisation sur la base d’une étude d’impact et d’une consultation publique. Le régime de la simple déclaration serait d’ailleurs contraire au droit communautaire.

Je demande aussi le retrait de l’amendement SPE1418, qui me semble encore moins recevable. Il n’y a pas lieu d’introduire dans le droit une inégalité de traitement favorisant les projets liés à l’éolien terrestre, qui sont nombreux et appellent un investissement limité.

Avant la séance publique, je proposerai à M. Baupin de chercher avec lui le moyen de porter le plus loin possible les dispositions de l’amendement SPE1416.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Avis favorable à l’amendement SPE1416. Je me rallie à la proposition du ministre, car il est important de simplifier ces procédures majeures.

M. Denis Baupin. Je remercie le ministre. Des trois amendements en discussion, le SPE1416 est le plus facile à mettre en œuvre. Je retire les deux autres.

Les amendements SPE1417 et SPE1418 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement SPE1416.

M. le président François Brottes. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Article 28 : Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance dans le domaine du droit de l’environnement

La Commission est saisie des amendements identiques SPE540 de M. Arnaud Leroy et SPE1420 de M. Denis Baupin.

M. Arnaud Leroy. L’amendement SPE540 tend à supprimer l’article 28 pour des raisons de méthode et de fond. Il n’y a pas lieu d’étendre le champ de l’ordonnance à des questions aussi vastes que la procédure d’autorisation, l’évaluation, la planification, la participation du public, la compétence des élus locaux et le pouvoir de substitution du préfet aux maires. Le rapport rédigé par M. Jean-Pierre Duport sur la réduction des délais d’obtention du permis de construire doit soulever bien des difficultés, puisqu’il n’a toujours pas été publié.

S’il faut avancer sur cette question, ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Les États généraux de la modernisation du droit de l’environnement – dont l’organisation est lourde et complexe – doivent poursuivre leur travail, même si certaines parties ont du mal à se retrouver dans la méthode proposée. Pour l’heure, ne fragilisons pas le droit de l’environnement et installons un principe de non-régression, afin de nous assurer que la simplification ne perturbera ni les écosystèmes, ni les milieux naturels.

M. Denis Baupin. L’article 28 nous inspire certaines inquiétudes. Les écologistes souhaitent que l’on modernise les procédures, car, à l’heure d’internet, il est absurde que tout se règle dans des réunions publiques, auxquelles n’assistent que ceux qui ont du temps à y consacrer. On connaît les effets de cette situation : c’est le jour où le chantier démarre que la plupart des gens découvrent son existence, et ils ont le sentiment de ne pas avoir été consultés. Par ailleurs, nous contestons le fait que des projets ayant reçu un avis défavorable du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) ou des commissaires enquêteurs, tels le barrage de Sivens ou le Center Parcs de Roybon, puissent se poursuivre. Une fois que la situation est bloquée et qu’on demande à l’État de trancher des différends, collectivités locales, financeurs et entreprises se retrouvent fragilisés.

Si nous convenons qu’il faut améliorer certains points, nous n’approuvons pas le recours aux ordonnances. Comme vient de le rappeler Arnaud Leroy, ces questions font l’objet d’une étude à laquelle a été associé un groupe de travail du Conseil national de la transition écologique – CNTE. La semaine dernière, sous la présidence de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, nous avons fait pendant deux heures le point sur les différents groupes qui étudient les procédures. Mme la ministre nous a indiqué que les conclusions des États généraux trouveraient une traduction législative dans la loi relative à la biodiversité ou dans un texte spécifique. Il n’a pas été question d’ordonnances.

Par ailleurs, à l’occasion de la conférence environnementale, le Président de la République a estimé que, à la suite du drame de Sivens, il fallait revoir nos procédures. L’ouverture d’un grand chantier sur ces questions procède d’une logique très différente de celle des ordonnances.

Enfin, la Charte de l’environnement dispose, dans ses articles 3, 4 et 7, que l’évolution du droit de l’environnement doit se poursuivre « dans les conditions définies par la loi ». La jurisprudence du Conseil d’État comme du Conseil constitutionnel nous met en garde contre les habilitations trop larges à recourir aux ordonnances. Si l’article est adopté, il sera très fragile aux yeux du Conseil constitutionnel, tout comme les ordonnances qui suivront et les décisions qui en découleront. Beaucoup d’ONG sont irritées par une méthode qui n’a rien de nécessaire. Il existe en effet bien d’autres véhicules législatifs à notre disposition.

M. le ministre. Avis défavorable. Si les dispositions contenues dans l’article 28 figurent dans le projet de loi, c’est parce que le Gouvernement l’a choisi, et qu’il souhaite lever toute ambiguïté. Nous vous proposerons plusieurs amendements visant à clarifier certains points. En outre, les ministres de l’écologie et du logement et moi-même avons adressé à M. Castaner, rapporteur thématique, une lettre visant à lui apporter des garanties sur les modalités d’association du public et des parlementaires au processus de production de l’habilitation. Le CNTE interviendra via une commission spécialisée. D’ailleurs, si le Gouvernement a choisi de confier la rédaction d’un rapport au préfet Duport, c’est précisément parce que celui-ci préside un groupe de travail sur ces questions au sein du CNTE.

L’amendement SPE1575 des rapporteurs tend à inscrire dans la loi l’association pleine et entière du CNTE, dont les travaux seront connus du Parlement, non seulement parce que plusieurs personnalités siègent dans les deux instances, mais parce que, conformément aux engagements que j’ai pris hier et à une pratique déjà observée, les ordonnances seront débattues avant signature devant les commissions parlementaires compétentes. Enfin, comme il est de rigueur pour les textes environnementaux, une consultation sera organisée sur internet.

Les amendements tendant à associer les commissions parlementaires à la rédaction des ordonnances posent des problèmes juridiques, mais je m’engage à ce que celles-ci soient consultées. L’amendement SPE1560 du Gouvernement tend à aménager le champ de l’habilitation prévue à l’article 28, afin de mettre en œuvre des mesures de simplification tout en renforçant la participation du public, ce qui traduit les engagements pris par le Président de la République après les événements de Sivens.

La philosophie d’ensemble de l’habilitation devrait apaiser les inquiétudes de MM. Leroy et Baupin. Je répète qu’elle consiste, sans abaisser notre niveau d’exigence, à simplifier et à raccourcir la réalisation des projets, en coordonnant mieux leurs différentes phases.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Avis défavorable, même si je comprends les interrogations d’Arnaud Leroy et de Denis Baupin. Depuis plusieurs mois, le Gouvernement a engagé un processus tendant à rendre le droit de l’environnement plus simple, plus lisible et plus efficace, sans pour autant réduire le niveau de protection de l’environnement. Sur le sujet, une réflexion est conduite, à la demande du Premier ministre, par M. Jean-Pierre Duport, préfet honoraire, que j’ai eu l’occasion d’auditionner. Ses travaux semblent aller dans le bon sens, tant en matière d’amélioration du droit que de protection de l’environnement. Pourtant, on peut hésiter à habiliter le Gouvernement à agir pour mettre en œuvre des conclusions qui n’ont pas encore été rendues.

En tant que rapporteur thématique, j’ai demandé au Gouvernement de prendre des engagements, pour éviter que les travaux ne se déroulent hors de notre contrôle et que le Parlement ne soit sollicité que pour ratifier l’ordonnance in fine, sans pouvoir la discuter dans les meilleurs délais. Le ministre a réaffirmé sa volonté de nous associer le plus possible, selon des modalités qui restent à définir.

Il aurait été préférable de passer par une loi plutôt que par des ordonnances, mais nous aurions couru le risque de ne pas disposer, au terme d’un long travail, d’un véhicule législatif approprié. Le projet de loi relatif à la biodiversité ne saurait contenir les mesures sur le logement, l’urbanisme et l’aménagement du territoire, sur lesquels a travaillé le préfet Duport.

M. Jean-Yves Caullet. S’il ne faut jamais mettre la charrue avant les bœufs, comme le disait justement Arnaud Leroy, il ne faut pas non plus jeter le manche après la cognée. En d’autres termes, nous devons poursuivre la tâche commencée. Le vote à l’unanimité de l’amendement SPE1416 de Denis Baupin est un signe : nous avons tous compris que la réglementation, en matière d’environnement, ne constitue plus un frein à la réalisation des projets.

Je comprends les réticences de mes collègues à l’égard des ordonnances. Reste qu’une ordonnance prise dans le cadre d’une habilitation, puis ratifiée, est une loi. Nous pourrions certes attendre un autre véhicule législatif, comme le projet de loi relatif à la biodiversité, mais celui-ci possède un objet clairement identifié : la préservation, la gestion et de développement de la biodiversité. Le texte en discussion aujourd’hui est un cadre plus pertinent pour souligner de manière symbolique la réconciliation entre croissance et activité, et le lien entre les projets concernés et la protection de l’environnement. En discutant l’article, nous prouverons que nous sommes capables de dépasser nos craintes et nos réticences pour construire un texte qui fera date. Je demande donc aux collègues qui ont déposé les amendements de bien vouloir les retirer.

M. Jean-Louis Roumegas. Il est pour le moins paradoxal que le ministre soutienne son projet de loi en invoquant des amendements dont il n’est pas l’auteur. On mesure la précipitation dans laquelle il travaille et la difficulté de réformer rapidement divers codes, même si les socialistes font ce qu’ils peuvent pour colmater les brèches et limiter les dégâts.

Le seul argument qu’on invoque pour nous rassurer est que le recours aux ordonnances ne serait pas si grave, puisque le CNTE et les commissions parlementaires concernées seront consultés. Nous voterons les amendements de repli si l’article n’est pas supprimé, mais nous n’entendons pas signer au Gouvernement un chèque en blanc, compte tenu du nombre de dossiers sur lesquels les défenseurs de l’environnement doivent se battre.

France Nature Environnement, fédération qui participe au CNTE, qui a toujours adopté une position légaliste et qui s’abstient de toute violence, souligne elle-même que le CNTE ne doit pas se substituer au Parlement et ne cautionne pas le recours aux ordonnances. Réduire la participation du public aux débats ne correspond pas à la position exprimée par le Président de la République lors de la conférence environnementale. Ce n’est pas à ce niveau qu’il faut simplifier le droit de l’environnement, mais en travaillant en amont sur la planification et les projets, afin d’éviter les recours inutiles.

M. Denis Baupin. Ces arguments ne me surprennent pas. Le CNTE n’a pas attendu l’examen du projet de loi sur la croissance et l’activité pour se mettre au travail. Les groupes de travail ont défriché bien des sujets. Reste à savoir qui prendra les décisions. L’association du CNTE à la réflexion n’empêchera peut-être pas que ce soit le ministère de l’économie – plutôt que les parlementaires – qui décide du droit de l’environnement. Je le répète, monsieur le ministre : relisez les articles 3, 4 et 7 de la Charte de l’environnement, qui appartient à la Constitution. Le Gouvernement risque de passer des heures à rédiger des ordonnances et, au bout de compte, de se retrouver fragilisé sur le plan juridique.

Mme Cécile Duflot. Je regrette de devoir passer trop peu de temps parmi vous, mais je siège dans le groupe de travail sur l’avenir des institutions, installé par le président Bartolone, qui se réunit en ce moment même. Mme Laurence Parisot a détaillé les défauts de la présidentialisation et M. Jean Pisani-Ferry a expliqué que le dessaisissement de plus en plus fréquent des parlementaires – que l’on n’observe ni en Allemagne, ni au Royaume-Uni – affaiblit la loi et la démocratie françaises.

Hier, monsieur le ministre, tout en louant ma « sincérité » et ma « sensibilité », vous avez critiqué ma posture : la méthode, qui consiste à décrédibiliser l’émetteur du message pour éviter de lui répondre, n’est pas nouvelle. Mais il y a également une posture, dans le projet de loi dont nous discutons : elle consiste à confier tous les arbitrages au ministère de l’économie.

Voilà pourquoi c’est vous, monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, qui venez défendre le texte, alors même que la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie possède dans le Gouvernement un rang plus élevé que le vôtre – belle preuve de l’attachement accordé par le Premier ministre à la défense de l’environnement !

C’est vous qui parlez de l’environnement, comme vous allez bientôt parler de la privatisation de l’Établissement français du sang à la place de la ministre de la santé, ou du logement à la place de la ministre qui en est chargée. En matière d’environnement, le véritable pilote, ce n’est plus le Conseil national de la transition écologique, c’est le Conseil national de l’industrie. En d’autres termes, à travers cette loi, vous faites passer le message que « l’environnement, ça commence à bien faire » !

Nous avions déjà commencé à réformer et à simplifier le droit de l’urbanisme, en nous attaquant par exemple aux recours abusifs. Quelle utilité y a-t-il à réformer maintenant le droit de l’environnement par ordonnances ? Aucune. Vous vous apprêtez à utiliser les conclusions de M. Jean-Pierre Duport, que j’estime par ailleurs, mais pourquoi le préfet devrait-il reprendre la main en cas de refus du maire ? Votre propos n’est pas de protéger l’environnement, mais de faire comprendre que les décisions locales ne sont pas toujours bonnes. Certains ont hurlé quand nous avons proposé que les maires soient dessaisis du plan local d’urbanisme intercommunal, et l’on voudrait à présent que ce soient les préfets qui délivrent le permis de construire ?

Si vous entendez retirer le pouvoir de décision aux parlementaires, ce n’est pas à cause des contraintes du calendrier, mais pour des raisons idéologiques qui justifient à elles seules l’existence de l’article 28. Je comprends que vous préfériez parler de notre posture plutôt que de répondre sur le fond, mais la réforme du droit de l’environnement est un sujet trop sérieux pour qu’on le traite par ordonnances.

M. le ministre. Madame Duflot, vous ne pouvez pas prétendre que je ne vous ai pas répondu sur le fond en ce qui concerne la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), dont nous préservons les avancées, tout en traitant les conséquences néfastes qu’elle a pu avoir et que plusieurs députés impliqués dans l’examen du projet de loi ont eux-mêmes constatées.

Par ailleurs, on ne peut pas dire tout et son contraire. M. Roumegas se plaint que le texte soit modifié par des amendements – preuve que nous collaborons avec le Parlement –, et Mme Duflot, que nous ne tenions pas compte de l’avis des députés : de tels reproches manquent pour le moins de cohérence.

Le texte ne contient pas la moindre disposition qui tende à privatiser l’Établissement français du sang. Il propose seulement d’ouvrir le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB) à d’autres acteurs publics, en l’espèce la Banque publique d’investissement. Ces excès et ces approximations, madame Duflot, ne sont pas à la hauteur des débats que nous menons avec vos collègues. Peut-être cherchez-vous seulement à justifier la posture que vous adopterez lors du vote.

Le préfet Duport n’a été mandaté ni par moi-même, ni par mon prédécesseur, mais par le Premier ministre. La lettre que la ministre du logement et moi-même avons cosignée avec la ministre de l’écologie rappelle que c’est sous l’autorité de celle-ci que se poursuivra le chantier. Il n’y a donc pas lieu de dénoncer je ne sais quelle récupération des dossiers par le ministère de l’économie.

Monsieur Roumegas, je vous invite à relire l’article 28, qui prolonge la réflexion amorcée dans l’article 27. Nous voulons préserver notre degré d’exigence environnementale tout en simplifiant et en accélérant l’instruction des procédures et la délivrance des permis. L’objectif fixé au préfet Duport – un délai de cinq mois – est extrêmement raisonnable.

La vraie question est de savoir si vous faites confiance à l’action publique menée par le Gouvernement, car tous les éléments de fait et de droit ont été traités par l’article 28, compte tenu de la position du rapporteur général, de l’amendement du Gouvernement et des engagements que j’ai pris devant vous.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Si quelque chose affaiblit la crédibilité du Parlement, c’est le mensonge ou l’agressivité inutile. Aucun député n’aurait toléré que l’on privatise l’Établissement français du sang et prétendre le contraire n’est pas admissible.

Par ailleurs, il n’y a pas lieu de traiter le travail des parlementaires avec une sorte de compassion condescendante. Nous ne sommes pas en train de colmater des brèches ou de limiter des dégâts, mais de corriger le texte en supprimant des dispositions inadéquates et en réorientant celles qui doivent l’être. C’est-à-dire que nous remplissons exactement notre mission.

Il va de soi que le CNTE doit jouer son rôle sans se substituer au Parlement. Nous n’avons jamais prétendu l’inverse. La Charte de l’environnement affirme le rôle de la loi, mais qu’est-ce qu’une ordonnance ratifiée, sinon une loi ? C’est si vrai que le Gouvernement a usé de cette méthode dans le cadre de la loi ALUR. Je ne vois donc aucune raison de refuser le débat en supprimant l’article ni, sous l’effet d’une poussée d’agressivité matinale, de nier la qualité de notre travail.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Notre collègue Duflot a prétendu que les préfets allaient dessaisir les maires du droit de délivrer les permis de construire. Il s’agit seulement, quand un maire refuse d’appliquer la loi, de laisser au juge ou au préfet la possibilité de se substituer à lui, une fois qu’une décision de justice définitive aura été prononcée.

La procédure des ordonnances peut susciter bien des commentaires. Au sujet de celles du 3 octobre 2013 relatives au développement de la construction, Le Moniteur s’était montré enthousiaste : « Trois ordonnances pour faire sauter les obstacles ». Jugeant celles-ci nécessaires, nous avons soutenu Cécile Duflot, alors ministre, quand elle les a prises. J’ai même noté ce commentaire d’un internaute qui signe Loulou : « C’est parfait. Quelle audace et quelle énergie ! Enfin un ministre qui prend les choses en main pour résoudre la crise du logement et relancer l’économie... » Je partage l’avis de Loulou ! En revanche, Anticor titrait le même jour : « Des ordonnances taillées sur mesure pour les constructeurs ». Inutile de préciser que ces constructeurs sont les bailleurs sociaux, pour lesquels nous nous sommes mobilisés.

Certains craignent que, sous couvert de simplification, on ne renonce à protéger l’environnement. La meilleure des garanties est apportée par la ministre de l’écologie elle-même, qui a écrit de sa main « Cher Christophe », sur la lettre cosignée par les ministres de l’économie et du logement, ce qui prouve bien qu’elle ne me l’a pas adressée sous couvert des autres ministres.

Le recours aux ordonnances n’est pas une insulte au Parlement, mais une manière d’aller vite. En l’espèce, notre rôle s’apparentera moins à une ratification qu’à une coconstruction. En tant que rapporteur thématique, je veillerai à ce que les engagements pris dans la lettre des ministres soient tenus, faute de quoi je m’opposerai à la ratification.

Mme Michèle Bonneton. Le groupe des députés écologistes est favorable au raccourcissement et à la simplification des procédures, à condition que les textes que nous votons soient en cohérence. Il faut aussi que ceux-ci préservent l’avenir. C’est pour cette raison que, sur le terrain, certaines associations sont acculées à s’opposer à des projets, parfois pendant des années, dès lors qu’on a refusé de les écouter et de collaborer avec elles. Il est essentiel d’apprendre à travailler avec ceux qui jugent la protection de l’environnement déterminante pour notre avenir, voire notre survie.

Je regrette que certains recourent à la caricature, décrédibilisent leurs interlocuteurs et préfèrent les arguments d’autorité à ceux de la raison. Ce n’est pas ainsi qu’on noue un dialogue constructif. Si nous sommes vent debout contre le système des ordonnances – le texte en prévoit plusieurs dizaines sur des sujets aussi divers qu’importants –, c’est que les parlementaires, qui représentent les citoyens, n’ont pas vocation à être seulement informés ou consultés. Leur rôle est de participer aux décisions.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je suis choquée d’entendre Cécile Duflot céder à la provocation, en affirmant que la démocratie serait en danger à l’Assemblée nationale. Les députés écologistes sont favorables à la démocratie horizontale, qui consiste à être d’accord avec la personne qui n’est d’accord avec personne. Un conseiller me l’avait expliqué, un jour, dans un parc naturel régional, bien que le sujet n’ait pas grand-chose à voir avec la protection de la nature. La démocratie n’est pas en danger à l’Assemblée nationale, dès lors qu’un groupe ultraminoritaire peut s’y exprimer. Reste que sa décision n’a pas systématiquement à l’emporter.

Je rappelle à Cécile Duflot avant qu’elle ne quitte la salle, qu’elle n’a pas de leçon de démocratie à donner à la majorité actuelle, car, si le parti socialiste n’avait pas abandonné soixante circonscriptions aux Verts – qui en ont gagné dix-huit –, il n’y aurait pas un seul député écologiste à l’Assemblée nationale.

M. Arnaud Leroy. Pour en revenir à l’article 28, je veux dire à Jean-Louis Roumegas que je ne suis pas plombier, je ne suis pas là pour colmater les brèches : je suis parlementaire, et mon travail consiste à proposer des amendements, à entendre les réponses qui me sont faites et à rechercher une majorité pour que mes propositions soient adoptées. Même si j’ai l’intention de soutenir le Gouvernement, je m’interroge au sujet de l’étendue de l’ordonnance qu’il souhaite prendre : il ne faudrait pas que cela amène le Conseil constitutionnel à rendre une décision défavorable en raison du champ d’application de cette ordonnance.

Par ailleurs, je ne pense pas que l’on puisse s’abriter derrière le CNTE, en arguant du fait qu’il s’agit d’un organe de démocratie participative, d’élaboration ou de conseil : s’il y règne une bonne ambiance, il me semble qu’il est difficile d’y faire aboutir des textes. Le sénateur Alain Richard, qui pilote les États généraux de la modernisation du droit de l’environnement, est également réservé au sujet de l’article 28.

J’aimerais voir lever certaines interrogations, mais aussi faire un point de sémantique au sujet de la croissance durable qui, à la différence de la croissance que certains veulent obtenir à tout prix – fût-ce un bouleversement des équilibres de la planète –, durera longtemps parce que nous aurons pris soin du milieu naturel. Pour ce qui est du diagnostic, les notions de participation et de planification ont été évoquées, et le ministre a répondu sur ce point. Reste que la planification continue à poser problème en matière de droit de l’environnement. La participation est un problème politique : si la loi du 27 décembre 2012 prévoit la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement, encore faut-il que ce principe ne se trouve pas piétiné.

Pour ce qui est de la méthodologie, je ne peux me satisfaire de la liaison établie avec le CNTE par les quelques parlementaires ici présents et, pour moi, l’essentiel est qu’une discussion puisse avoir lieu au Parlement. Je demande donc l’instauration d’un groupe de liaison, éventuellement piloté par Christophe Castaner, et que l’on puisse entendre le préfet Duport dans un cadre parlementaire – en dehors du cadre d’une simple audition, qui ne nous offrirait aucune prise – quand ses conclusions seront rendues publiques. Il serait bon d’entendre également France Nature Environnement, qui a un rôle important à jouer dans le dialogue environnemental que l’on s’efforce d’instaurer en France. Si nous parvenions ce matin à mettre au point une méthode, chacun serait rassuré et nous pourrions avancer en direction des objectifs fixés par le Gouvernement.

M. Francis Vercamer. Nous avons assisté tout à l’heure à de vifs échanges, d’abord entre le ministre et Cécile Duflot, puis entre les socialistes et les Verts, et je m’étonne de voir à quel point la majorité est éclatée aujourd’hui.

Sur le fond, la simplification dans le domaine de l’urbanisme et des procédures me paraît extrêmement importante. Je regrette, moi aussi, que les dispositions portant sur cette question soient prises par voie d’ordonnances, mais cela vaut mieux que de ne rien faire et, bien qu’étant dans l’opposition, j’ai le respect de la parole ministérielle. L’UDI votera donc cet article, estimant que réduire les freins qui existent en matière d’urbanisme constitue l’une des clés de la croissance.

M. le président François Brottes. Les interrogations formulées par Arnaud Leroy peuvent-elles trouver réponse avant l’examen du texte en séance publique ?

M. le rapporteur général. Il sera sans doute possible de déterminer, en accord avec le ministère concerné, dans quelles conditions nous pourrions créer un comité de liaison ayant vocation à suivre l’ensemble des travaux afin que, le moment venu, les membres de la commission spéciale soient parfaitement éclairés sur la rédaction des ordonnances.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. J’appelle votre attention sur le troisième élément de proposition figurant dans la lettre qui nous a été adressée par les ministres, à savoir : « ce travail de concertation pourra être complété par des échanges avec la représentation nationale sous une forme dont nous vous proposons de convenir prochainement ». Je n’ai pas souhaité arrêter cette forme avant que nous n’en discutions ensemble, mais je pense que nous pourrions valider avec le Gouvernement, d’ici au 26 janvier, une forme particulière correspondant aux objectifs fixés par Arnaud Leroy et permettant d’associer l’ensemble de la représentation nationale.

M. le président François Brottes. Comme le disait le rapporteur général, le Parlement dispose également d’un pouvoir d’initiative – autrement dit, l’un n’empêche pas l’autre.

M. Denis Baupin. En tant que membre assez assidu des réunions du CNTE, je peux dire que j’apprécie beaucoup de pouvoir dialoguer avec les syndicats et le patronat, avec la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), les organisations non gouvernementales et les collectivités territoriales sur toutes sortes de sujets : cela permet de faire évoluer les esprits et de rechercher des consensus, de dépasser des contradictions ou de prendre acte de certaines différences d’appréciation. Pour autant, cet organisme est loin d’être un véritable lieu de décision où seraient mis au point les textes relatifs au droit de l’environnement. Si les choses ne peuvent se faire en ce lieu, elles se feront forcément dans un cadre interministériel.

Je m’étonne de constater que le ministre n’a pas même donné un début de réponse aux questions que j’ai posées tout à l’heure sur la Charte de l’environnement. Cette Charte, adossée à la Constitution française, fait référence à trois reprises aux « conditions définies par la loi », et plusieurs décisions du Conseil d’État ont déjà annulé des textes réglementaires au motif que celles-ci ne respectaient pas la Charte de l’environnement. Je m’interroge donc sur la solidité juridique de l’article 28, mais aussi sur celle des ordonnances et de l’ensemble des décisions qui seront prises ultérieurement. Les entrepreneurs dont vous avez l’intention de consolider les projets risquent en fait de se trouver fragilisés par le fait que certaines décisions auront été prises sur la base d’ordonnances qui ne sont pas nécessairement conformes aux dispositions constitutionnelles. Alors que vous voulez simplifier le système, vous risquez de le complexifier. J’aimerais vraiment prendre connaissance de votre analyse juridique sur cette question qui, je l’avoue, me laisse perplexe.

M. le président François Brottes. Contrairement à ce que pourraient croire certaines personnes mal informées, une ordonnance n’a rien de comparable à une circulaire ou à un arrêté. En fait, il s’agit d’une loi à part entière, si ce n’est qu’elle est prise en deux temps : dans un premier temps, le Parlement indique au Gouvernement ce sur quoi il va pouvoir légiférer par ordonnances – en d’autres termes, il trace un périmètre qu’il conviendra de ne pas dépasser ; dans un deuxième temps, l’ordonnance est élaborée, éventuellement en concertation avec le Parlement, comme c’est le cas en l’occurrence ; enfin, le troisième temps est celui de la ratification par le Parlement.

Ce qui peut engendrer une frustration pour le Parlement, c’est que l’ordonnance ne donne pas lieu à un débat article par article, alinéa par alinéa, sur son contenu. C’est pourquoi il est parfois décidé de faire figurer les ordonnances dans le texte – cela a été le cas à plusieurs reprises lors de l’examen de ce texte –, ou de porter leur contenu à la connaissance des parlementaires. En tout état de cause, il ne s’agit pas d’un chèque en blanc au profit du Gouvernement pour prendre une disposition réglementaire : je répète qu’il s’agit d’une disposition législative à part entière.

M. Alain Tourret. Appartenant, comme Cécile Duflot, à la commission chargée par le président Bartolone de réfléchir à l’avenir de nos institutions, il m’a fallu choisir, ce matin, entre ses travaux et ceux de la commission spéciale. Considérant qu’un député doit toujours privilégier une commission décisionnelle par rapport à une commission consultative, j’ai choisi de prendre part à la présente réunion et de m’y cantonner, préférant appliquer le « J’y suis, j’y reste ! » du général Mac Mahon plutôt que de courir d’une commission à l’autre à la manière du furet de la chanson.

En ce qui concerne les ordonnances, je n’y suis pas du tout opposé, dans la mesure où elles constituent bel et bien une alternative à la loi. Je veux souligner, en revanche, que le Parlement ne respecte pas la distinction établie par la Constitution en ses articles 34 et 37 sur les domaines de la loi et du règlement. En matière de droit du travail, l’intervention du Parlement est en principe limitée aux grandes orientations générales. Or, le Conseil constitutionnel se refuse à sanctionner le fait que le Parlement outrepasse la répartition instituée par les articles 34 et 37 et que la loi inclue des dispositions qui ne devraient pas y figurer – sur ce point, je vous invite à consulter les analyses du professeur Dominique Rousseau, constitutionnaliste chevronné. Les députés en viennent donc à discuter de tout, alors qu’ils ne devraient débattre que de l’essentiel, conformément à l’esprit de la Ve République. Dans ces conditions, on ne comprend plus l’utilité des ordonnances.

J’estime donc que le Gouvernement a raison de recourir aux ordonnances dans le cadre d’habilitations contrôlées et vérifiées par le Parlement – qui peut toujours décider de ne pas ratifier l’ordonnance qui lui est soumise. Je rappelle que le travail du député ne consiste pas simplement à voter la loi, mais aussi à contrôler l’administration. Ce n’est pas un rôle réglementaire qui lui est confié, mais une mission relative aux grands principes.

M. le président François Brottes. Je rappelle que Cécile Duflot n’est pas membre de la commission spéciale, mais que cette commission donne la parole à tous ceux qui la demandent, car c’est à cette condition qu’elle pourra se prévaloir d’avoir effectué un travail de fond ouvert à tous les parlementaires.

M. Patrick Hetzel. J’ai été un peu surpris d’entendre Cécile Duflot affirmer que la démocratie était menacée – d’autant plus que, si les conditions dans lesquelles nous travaillons ne sont pas idéales, il n’y a rien à redire sur la qualité du travail effectué et l’écoute dont fait preuve le Gouvernement. Par ailleurs, j’ai été choqué qu’elle quitte notre salle de réunion sitôt après s’être exprimée, sans écouter ce que les autres députés avaient à dire. C’est en agissant ainsi que l’on menace la démocratie : en entrant dans un débat dont on ne connaît pas forcément tous les tenants et aboutissants et en jetant l’anathème sur l’ensemble du Parlement.

Enfin, quand j’entends parler de codécision, je veux souligner que c’est justement quand on revendique le fait de ne pas respecter la séparation des pouvoirs en empiétant sur les prérogatives du Gouvernement que l’on fragilise la démocratie. Chacun doit savoir rester dans le rôle qui lui revient.

M. Denys Robiliard. La question que pose Denis Baupin consiste en fait à savoir si la Charte de l’environnement déroge à l’article 38 de la Constitution en matière de droit de l’environnement, c’est-à-dire si l’on ne pourrait pas légiférer par ordonnance dans ce domaine. Pour ma part, je pense qu’il n’en est rien. La Charte de l’environnement a affirmé un certain nombre de principes, mais n’a pas interdit au Parlement de recourir aux techniques qui lui sont habituelles. On peut en penser ce que l’on veut d’un point de vue politique, mais, d’un point de vue juridique et constitutionnel, le fait de recourir aux ordonnances ne fragilise en rien la portée et la valeur des règles qui seront édictées.

Pour ce qui est de la distinction entre le domaine de la loi et celui du règlement, établie par les articles 34 et 37, chacun sait qu’il arrive que des dispositions essentielles soient prises par voie réglementaire. Sans vouloir anticiper sur la discussion de l’article 83 du projet de loi que nous examinons, il est évident que, en matière prud’homale, la réforme de la procédure, de nature réglementaire, est au moins aussi importante que d’autres dispositions prises par voie législative.

M. Jean-Louis Roumegas. Je regrette que certains se permettent d’interpeller Cécile Duflot alors qu’elle n’est plus là pour leur répondre. Je rappelle qu’elle n’est pas membre de la commission spéciale et que nous nous arrangeons pour qu’il y ait toujours au moins un membre de notre groupe présent au sein de cette commission – si l’on se penchait sur les ratios d’assiduité des différents groupes politiques tout au long de la semaine, on constaterait que, de ce point de vue, notre formation n’a certainement rien à envier aux autres. Si elle n’était pas venue du tout, vous lui en auriez fait grief : reconnaissez-lui donc plutôt le mérite d’avoir été présente pour exposer sa position.

J’ai eu le sentiment que les rapporteurs avaient peut-être été blessés par certains des mots que j’ai employés – je pense notamment à l’expression « colmater les brèches ». Ce n’était nullement mon intention, au contraire : je vous remercie très sincèrement d’accomplir votre travail dans les très mauvaises conditions que l’on connaît, afin d’aboutir à un projet de loi le moins mauvais possible.

Ce n’est pas par principe que nous refusons la procédure des ordonnances, que nous avons d’ailleurs acceptée dans d’autres cas, notamment quand il ne s’agissait que de légiférer sur des dispositions à caractère technique. Mais, pour ce qui est de l’article 28, chacun conviendra que l’habilitation est extrêmement large, ce qui n’est pas une bonne façon de procéder. Notre réticence ne procède donc pas d’une quelconque méfiance – ce Gouvernement a toute notre confiance –, mais de la crainte que nous ne finissions par perdre beaucoup de temps, du fait des contestations que cette méthode ne manquera pas de susciter. Le Président de la République a fait preuve d’une grande sagesse lors de la conférence environnementale, en déclarant que l’on pouvait effectivement procéder à des simplifications en la matière, à condition que cela se fasse en accroissant et en améliorant la participation du public.

Enfin, notre réticence s’explique aussi en partie par le fait que nous n’avons pas affaire au ministère de l’environnement, mais au ministère de l’économie. Quand le mot d’ordre est « croissance et activité à tout prix », il est normal que les défenseurs de l’environnement que nous sommes soient inquiets. Sans aller jusqu’à penser que certaines personnes se soient donné pour objectif de détruire l’environnement pour le plaisir, nous savons bien qu’elles le feraient sans hésitation au nom des intérêts économiques auxquels elles sont attachées. Nous tenions à dire qu’une telle approche est biaisée dès le départ.

M. le président François Brottes. Quand vous déplorez les mauvaises conditions dans lesquelles nous travaillons, monsieur Roumegas, je me demande si je ne devrais pas me sentir visé.

M. Denis Baupin. Je voudrais citer les propos d’une personnalité unanimement respectée, Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. À propos du recours aux ordonnances, il a déclaré : « ils se révèlent souvent défectueux, avec des malfaçons qui n’apparaissent qu’a posteriori, là où il se serait sans doute trouvé un député pour soulever, fût-ce innocemment, le problème qui ne s’est découvert qu’après, à l’occasion de contentieux multiples. Le tamis parlementaire a des vertus intrinsèques que ne possède pas cette législation de chef de bureau que sont les ordonnances. » Je confirme notre réticence au sujet du recours aux ordonnances dans le cadre de l’article 28, et note que, en dépit de mes interrogations réitérées, le ministre ne s’est toujours pas exprimé sur le sujet – ce qui me laisse penser que cette question lui pose effectivement problème.

M. le président François Brottes. Chacun aura compris que nous sommes en train d’élaborer une ordonnance comme on ratisse un jardin japonais.

M. le rapporteur général. Je remercie Denis Baupin de citer les bons auteurs, mais est-il bien certain que seules les ordonnances se trouvent modifiées a posteriori, et jamais les lois ? C’est bien plus souvent le contenu de la loi que son mode d’élaboration qui pose problème.

M. le ministre. Au regard de la Charte de l’environnement, des dispositions à valeur législative sont effectivement nécessaires. Nous requérons une habilitation du Gouvernement à prendre des ordonnances, qui vont ensuite être soumises à un processus que nous allons définir ensemble. Une fois ratifiées par le Parlement, ces ordonnances, en vertu de la Constitution dans laquelle s’inscrit la Charte de l’environnement, auront valeur de loi : il n’y a aucun doute juridique sur ce point.

Quant à la rédaction des ordonnances, l’expérience que nous sommes en train de vivre montre que la discussion parlementaire a toujours pour effet d’améliorer un texte de loi – même si nous avons vu hier soir que le tamis que constitue cette discussion n’est pas toujours suffisant. Les dispositions de la loi ALUR que nous avons nous-mêmes corrigées montrent que, sans faire de la législation de chef de bureau, on peut faire de la bonne législation coproduite – qui n’est elle-même pas exempte d’imperfections. J’ai bon espoir que les discussions devant le CNTE, le fait que tous les avis rendus par cet organisme seront rendus publics – tout comme la consultation sur le texte de l’ordonnance –, et la discussion en commission sur le texte de l’ordonnance avant sa signature, constituent un processus de nature à lever toute ambiguïté et à nous permettre d’aboutir à un texte porteur du maximum de garanties au moment de sa ratification. Vos craintes portant sur la qualité de la production juridique et sur le rang du texte dans la hiérarchie des normes ne me semblent donc pas fondées, monsieur Baupin.

M. Arnaud Leroy. Nous allons bien devoir trouver une solution au problème qui se pose à nous. J’ai pris note de l’engagement du rapporteur thématique d’être vigilant et de prendre date pour la discussion en séance publique. Pour ma part, je réitère ma proposition d’instaurer un groupe de liaison qui constituera un tamis supplémentaire et, remerciant le ministre pour l’ouverture contenue dans sa réponse, je retire l’amendement SPE540.

L’amendement SPE540 est retiré.

La commission rejette l’amendement SPE1420.

Elle est saisie de l’amendement SPE1421 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Le vote qui a eu lieu précédemment impliquant le recours aux ordonnances, nous souhaitons savoir dans quel contexte elles vont être prises. J’ai bien entendu le ministre et les rapporteurs affirmer qu’il ne s’agissait pas de démanteler le droit de l’environnement, mais simplement de faire en sorte de rendre plus compatibles l’activité économique et le droit de l’environnement. Nous proposons de formaliser cette intention en précisant dans le texte que les ordonnances seront rédigées dans le respect du principe de non-régression du droit de l’environnement.

M. le ministre. Comme je l’ai dit, l’intention du Gouvernement n’est pas de remettre en cause les exigences environnementales, mais de permettre une instruction plus rapide des procédures qui, en l’état actuel, peuvent parfois prendre des années – je pense notamment aux installations de production d’énergie renouvelable. Il ne nous semble donc pas utile d’introduire dans ce projet de loi un nouveau principe de non-régression du droit de l’environnement, qui n’a pas davantage vocation à figurer dans ce texte que dans un autre – et, s’il fallait le faire figurer dans tous les textes, nous alourdirions considérablement la législation. Je vous confirme qu’il n’y a rien dans notre projet de loi qui témoigne d’une quelconque intention de reculer sur le plan environnemental, bien au contraire, et l’ensemble des engagements pris par le Gouvernement en termes de procédure vous donne toutes les garanties à ce sujet. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président François Brottes. Je conçois que vous ayez voulu obtenir une réponse du ministre, monsieur Baupin, mais vous avez sans doute conscience du fait que l’on ne peut faire figurer une telle disposition dans le texte de la loi. Souhaitez-vous maintenir votre amendement ?

M. Denis Baupin. En tout état de cause, je ne veux pas que l’on caricature mon amendement : il ne s’agit pas de faire figurer le principe de non-régression à chaque ligne de chaque article de la loi, mais simplement d’encadrer la façon dont vont être rédigées les ordonnances, en faisant en sorte qu’elles ne puissent aboutir à une régression en matière de droit de l’environnement. Si l’on est d’accord avec ce principe, je ne vois pas ce qui s’oppose à ce qu’il figure dans le texte.

M. le ministre. Il est fait référence à plusieurs reprises à la Charte de l’environnement dans ce texte d’habilitation, et le Gouvernement et les rapporteurs ont même déposé des amendements visant à sécuriser la procédure sur ce plan. En revanche, la rédaction que vous proposez ne me paraît pas satisfaisante, en ce qu’elle rend la loi verbeuse sans vous apporter d’autres garanties que celles que je vous ai fournies au nom du Gouvernement. Il vous a été remis une copie de la lettre cosignée par les ministres reprenant ces garanties, et je considère que l’ensemble des engagements qui vous ont été donnés constitue une sortie collective par le haut que je vous invite à emprunter en retirant votre amendement, qui me paraît satisfait.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Votre amendement, monsieur Baupin, me semble effectivement satisfait par la référence qui est faite à la Charte de l’environnement – et, quand vous dites que vous ne souhaitez pas inscrire ce principe à chaque ligne, je vous fais remarquer que vous avez tout de même déposé six amendements sensiblement identiques. Le principe de non-régression est un concept complexe, qui ne fait pas consensus. Dès lors, son introduction dans le texte impliquerait un risque juridique – ce qui constitue, je n’en doute pas, un argument auquel vous ne pouvez qu’être sensible. Si nous comprenons votre souhait de faire référence à la Charte de l’environnement, nous préférons un droit de l’environnement plus simple, plus compréhensible, plus moderne et bien adapté.

M. le président François Brottes. Il me semble que l’on ne peut faire régresser un droit sans modifier le droit et qu’à droit constant, il ne saurait y avoir de régression.

M. Arnaud Leroy. Je voudrais pour ma part souligner la puissance du droit européen de l’environnement, qui encadre notre droit national et procure une certaine sécurité. L’objectif que je poursuivais avec mon amendement de suppression était de limiter les contentieux, et c’est à mon sens l’objectif que nous devons garder à l’esprit.

M. Denis Baupin. Peut-être ne suis-je pas suffisamment attentif, mais une relecture rapide de l’article 28 ne m’a pas permis de découvrir les références prétendument nombreuses à la Charte de l’environnement qui ont été évoquées – et je n’ai pas davantage trouvé dans la lettre des ministres d’indication selon laquelle il n’y aurait pas de régression du droit de l’environnement. Je constate donc que le principe n’est pas écrit, et je ne peux m’empêcher de m’interroger sur la raison de l’absence de toute formalisation de ce principe, car chacun sait qu’il n’est pas rare qu’une simplification se traduise par des régressions.

J’ai moi-même négocié avec les ONG de protection de l’environnement lors de l’élaboration de l’avis du CNTE sur le projet de loi relatif à la transition énergétique, et l’avis écrit du CNTE précise que les évolutions en matière de facilitation des énergies renouvelables devaient se faire sans régression du droit de l’environnement. C’est pourquoi j’estime aujourd’hui que nous devrions nous assurer que les ordonnances seront, elles aussi, rédigées sans régression du droit de l’environnement.

M. le président François Brottes. Vous ne pouvez comparer l’avis d’une instance à une disposition législative, monsieur Baupin. Par ailleurs, on ne précise pas, chaque fois que l’on rédige un amendement, qu’il doit être conforme à la Constitution. La Charte de l’environnement est de niveau constitutionnel et s’applique de fait et de droit à tous nos textes. Il n’est pas question que la moindre initiative parlementaire vienne en contradiction avec cette Charte et, si cela arrivait, le Conseil constitutionnel censurerait la disposition en question.

M. Denis Baupin. Mon amendement ne porte pas sur la Charte de l’environnement, mais sur le droit de l’environnement au sens large, c’est-à-dire sur l’ensemble du code de l’environnement.

M. le président François Brottes. Vous venez tout de même de souligner que le texte ne contenait pas de référence à la Charte de l’environnement.

M. Denis Baupin. C’était simplement pour répondre au ministre.

M. le ministre. Il est bien fait référence à la Charte de l’environnement à l’alinéa 14 de l’article 28. En tout état de cause, vous savez bien que cette Charte est intégrée à notre droit et que, dans la hiérarchie des normes, elle est située au-dessus des dispositions que le Parlement nous habilite à prendre par ordonnance. Voudriez-vous que nous fassions référence à chaque paragraphe à la norme supérieure ? Ce n’est pas ainsi que l’on fait le droit : dans la mesure où la Charte de l’environnement est située au-dessus dans la hiérarchie des normes, elle sera forcément respectée.

Pour ce qui est du code de l’environnement, s’engager à ne pas y toucher n’aurait pas de sens : on peut en effet vouloir modifier des éléments de ce code pour aller dans le bon sens. Ainsi, si l’on souhaite simplifier les procédures d’autorisation pour les éoliennes – ce qui me paraît une bonne idée –, on est obligé de modifier plusieurs dispositions du code, car les éoliennes tuent des balbuzards et des chauves-souris. Vous pouvez, dans la pondération des facteurs que vous allez prendre en compte, considérer que certaines contraintes portant sur les projets en matière d’énergie renouvelable doivent être regardées différemment, en raison de l’importance de ces projets pour notre économie et pour la transition énergétique. Je trouve un peu paradoxal de vouloir tout sécuriser alors que vous disposez déjà des protections que constituent la Charte, l’engagement gouvernemental à ce qu’il n’y ait pas de régression et une lettre certifiant que les travaux seront faits sous l’autorité de la ministre compétente. En tout état de cause, il n’est pas cohérent d’avoir une approche maximaliste de la sécurisation, consistant à exiger que l’on respecte la Charte de l’environnement et que l’on ne touche pas au code de l’environnement, tout en formulant des propositions semblables à celles que vous venez d’émettre au sujet des éoliennes. Je vous répète par conséquent que l’intention que vous manifestez au moyen de cet amendement est satisfaite à la fois par la Charte, par les engagements que je vous ai donnés et par la lettre des ministres qui vous a été communiquée, et je vous invite à retirer cet amendement qui n’est pas cohérent avec la proposition que vous avez formulée précédemment.

M. le rapporteur général. L’engagement à ne pas provoquer de régression sur le plan environnemental est un engagement politique, un engagement de confiance, et c’est en exprimant cette volonté de manière collective que nous lui donnerons le plus de poids.

M. Denis Baupin. Je répète que la discussion sur la Charte n’a pas lieu d’être : je sais bien qu’elle s’applique à tous, et je ne l’ai évoquée que pour répondre au ministre.

Là où nous avons un vrai désaccord, c’est sur les amendements que j’ai déposés au sujet de l’éolien, qui n’avaient pas pour objet de restreindre la protection de la biodiversité : il ne s’agit pas de dire que les éoliennes valent mieux que les balbuzards et les chauves-souris, mais de simplifier les procédures, les documents et les délais de recours. Le fait même que vous citiez cet exemple, monsieur le ministre, aurait tendance à m’inquiéter plutôt qu’à me rassurer : si vous commencez à dire qu’il vaut mieux construire un building que protéger la biodiversité, il y a tout à craindre pour le droit de l’environnement ! Je le répète, il ne s’agit que de mettre par écrit un principe relatif à la rédaction des ordonnances, et je trouve inquiétant que nous ne puissions nous accorder sur ce point.

M. le président François Brottes. Ce que le ministre vous a expliqué, c’est qu’il était parfois nécessaire de modifier le code de l’environnement.

M. Denis Baupin. J’ai bien conscience du fait qu’il sera nécessaire de modifier certains articles du code de l’environnement. Ce qui m’importe, c’est que cela se fasse sans régression du droit de l’environnement.

M. le ministre. Ainsi, d’après vous, soit l’on écrit dans la loi que l’on s’interdit de modifier une autre loi – en l’occurrence, le code de l’environnement –, soit l’on y écrit ce qui relève de l’engagement politique, et qui figure dans le deuxième paragraphe de la lettre du 13 janvier 2015 : « dont l’objectif est de rendre le droit de l’environnement plus simple, plus lisible, plus efficace et mieux proportionné ». Or, on ne peut pas écrire dans la loi ce que vous proposez d’y faire figurer, car ce n’est pas du droit, mais simplement l’expression d’une volonté politique que nous partageons.

M. le président François Brottes. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Baupin ?

M. Denis Baupin. Je le maintiens.

M. le président François Brottes. Chacun a bien compris que si cet amendement n’est pas adopté, il ne faudra pas y voir un vote contre la non-régression du droit de l’environnement. Cela dit, je pensais que vous pourriez le retirer, monsieur Baupin, afin de nous permettre de sortir d’une ambiguïté qui ne me paraît pas très saine.

M. Jean-Yves Caullet. Au nom du groupe SRC, je voudrais exprimer notre attachement au droit de l’environnement, à l’objectif consistant à simplifier les procédures, et au principe selon lequel le droit de l’environnement doit s’intégrer dans le dispositif législatif au moyen de procédures plus simples. Notre groupe sera vigilant sur ces points et confiant dans les engagements du Gouvernement.

M. Laurent Grandguillaume. Toutes les mesures de simplification élaborées et validées par le Gouvernement l’ont toujours été dans le souci d’assurer la sécurité, c’est-à-dire dans l’objectif de simplifier les normes sans pour autant reculer du point de vue de la sécurité – qu’elle soit environnementale ou se rapporte à d’autres principes – et d’obtenir ainsi une accélération des procédures, de la création de richesses, mais aussi du développement des énergies renouvelables. Pour moi, il n’y a pas incompatibilité entre simplifier et assurer la sécurité. Dès lors, plutôt que de se lancer dans des débats idéologiques, il vaut mieux faire preuve de pragmatisme et travailler avec le Gouvernement afin de mettre en œuvre ces mesures le plus rapidement possible, dans l’intérêt général.

M. Denis Baupin. Ma démarche est évidemment positive, et je trouve déplacés les commentaires mettant en doute mes intentions. Surtout, puisque le débat semble prendre une tournure personnelle, je rappelle que nous avons reçu le ministre devant notre groupe il y a quelques jours, afin d’évoquer le présent projet de loi. Au moment où nous avons abordé l’article 28, il nous a dit qu’il ne fallait pas qu’il ait pour conséquence de faire régresser le droit de l’environnement, et je lui ai demandé s’il était possible de mettre ce principe par écrit, ce qu’il a accepté. Mais que l’on ne vienne pas me dire que c’est fait au motif que cela figure dans une lettre ! On ne vote pas les lettres, et la seule garantie qui vaille est celle consistant à inscrire le principe dans la loi.

Rien n’est normatif dans la façon dont on rédige une ordonnance : on ne fait que préciser le cadre dans lequel cela doit se faire – en l’occurrence, nous souhaitons juste qu’il soit précisé que la rédaction des ordonnances ne doit impliquer aucune régression du droit de l’environnement. Si j’ai posé la question au ministre lors de la réunion de notre groupe, c’était bien en pensant à l’amendement dont nous débattons actuellement.

M. le président François Brottes. Il faut considérer la lettre comme une forme d’amendement gouvernemental.

La Commission rejette l’amendement SPE1421.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements SPE1434 et SPE1426 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Ces deux amendements prévoient un avis du CNTE sur les projets d’ordonnance, avis conforme pour l’amendement SPE1434 et avis simple pour l’amendement SPE1426.

M. le ministre. L’engagement de soumettre les projets d’ordonnance à l’avis du CNTE a été pris. Nous ne sommes pas opposés à l’inscription de cette étape de la procédure dans la loi. À cet égard, l’amendement SPE1426 me semble satisfait par l’amendement SPE1575 des rapporteurs, qui précise que le CNTE est associé à l’élaboration des ordonnances. Quant à l’amendement SPE1434, il n’est pas juridiquement possible d’imposer un avis conforme du CNTE. Je demande donc le retrait de ces amendements.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Prévoir un avis conforme du CNTE reviendrait à laisser celui-ci se substituer au Parlement, hypothèse que nos précédents échanges ont fermement écartée. Un représentant du MEDEF au CNTE ne peut pas avoir le même poids que les députés que nous sommes.

Toutefois, le CNTE doit être moteur dans le processus d’élaboration des ordonnances. C’est l’objet de l’amendement SPE1575, qui va plus loin que celui que vous proposez.

M. le président François Brottes. L’amendement SPE1434 est inconstitutionnel, puisqu’il s’assimile à une injonction au Parlement. Acceptez-vous de le retirer ?

M. Denis Baupin. Je le retire.

Toutefois, je n’ai pas le texte de l’amendement SPE1575. Associer le CNTE, ce que j’approuve, ce n’est pas demander son avis. Si nous sommes tous favorables à un avis du CNTE, pourquoi ne pas ajouter cette mention dans le texte ?

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. L’amendement SPE1575 indique que le CNTE « est associé à l’élaboration des ordonnances prévues au I. Il peut mettre en place une formation spécialisée pour assurer le suivi des travaux et la préparation des avis qui sont mis à disposition du public dans les conditions prévues à l’article L. 133-3 du code de l’environnement. »

M. le ministre. L’amendement SPE1575 va plus loin que le vôtre. L’association du CNTE à l’élaboration des ordonnances lui permet d’émettre des avis, mais aussi d’être régulièrement informé et consulté. En outre, la référence aux articles du code de l’environnement garantit la publicité des avis.

M. Denis Baupin. Il n’est pas écrit dans cet amendement des rapporteurs que le CNTE émet un avis sur les ordonnances. Je ne saisis pas pour quelle raison nous ne pourrions pas adopter les deux amendements.

M. le ministre. Compte tenu des textes qui régissent aujourd’hui son fonctionnement, le CNTE, dès lors qu’il est saisi, émet des avis. En outre, le terme d’avis figure expressément dans la seconde phrase de l’amendement des rapporteurs. Vous croyez voir de la malice là où il n’y en a pas. Au contraire, votre amendement est plus réducteur et moins sécurisant que celui des rapporteurs.

M. Christophe Caresche. Au vu du large accord sur le fond, ne pourrait-on pas fusionner les deux amendements ?

M. le président François Brottes. Il me semble que le ministre comme le rapporteur thématique ont clairement indiqué que le CNTE rendrait des avis.

M. le ministre. Afin de rassurer M. Baupin, je suis prêt à accepter une rectification de l’amendement SPE1575, visant à ajouter à la fin de la première phrase les mots : « et émet des avis ».

Les amendements SPE1426 et SPE1434 sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement SPE1458 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement prévoit la consultation du public sur les projets d’ordonnance, conformément à l’article 7 de la Charte de l’environnement.

M. le ministre. Votre amendement introduit dans le projet de loi une disposition figurant déjà dans le code de l’environnement et en vertu de laquelle la consultation est obligatoire. Il est donc satisfait.

M. Denis Baupin. À quel moment de la procédure cette consultation intervient-elle ?

M. le président François Brottes. On est tenté de prévoir tout dans la même loi, en oubliant les textes en vigueur. La loi n’a pas vocation à se répéter...

Mme Sophie Errante. Le processus d’élaboration des ordonnances répond déjà à vos demandes. J’ai pu le constater s’agissant des mesures de simplification : les parlementaires sont consultés et les projets d’ordonnance sont mis en ligne sur un site accessible au public.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. En application de l’article de la Charte auquel vous faites référence, il est prévu que le projet de décision – c’est-à-dire une fois la phase de co-élaboration achevée et avant la ratification –, accompagné d’une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, soit mis à disposition du public.

L’amendement SPE1458 est retiré.

La Commission en vient à l’amendement SPE1427 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement prévoit que les commissions parlementaires permanentes émettent un avis sur les projets d’ordonnance. Je suis également ouvert à d’autres formes d’association en amont du Parlement.

M. le ministre. Je reviens un instant sur l’amendement précédent : c’est l’article L. 120-1 du code de l’environnement qui précise le modus operandi pour la consultation du public.

S’agissant du présent amendement, le Gouvernement a pris des engagements sur l’élaboration des ordonnances, qu’il a déjà honorés en matière de simplification : le projet de réforme du code des marchés publics a été adressé aux commissions parlementaires et est accessible en ligne.

Je le redis ici solennellement : les projets d’ordonnance seront présentés aux commissions permanentes compétentes du Parlement. L’ordonnance relative au logement intermédiaire, dont la commission spéciale a approuvé hier la ratification, en apporte la preuve, sans qu’il ait été besoin de le préciser dans la loi.

Il me semble inutile de multiplier les contraintes dès lors que le Gouvernement s’est engagé. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

L’amendement SPE1427 est retiré.

La Commission examine les amendements identiques SPE242 de M. Jean-Frédéric Poisson, SPE398 de M. Patrick Hetzel et SPE1422 de M. Denis Baupin.

M. Philippe Vitel. Cet amendement traduit le sentiment de frustration de la représentation nationale à l’égard du recours aux ordonnances. La richesse du débat de ce matin a néanmoins permis de nourrir notre réflexion et d’apporter certaines garanties.

J’ai lu avec attention le courrier adressé au rapporteur thématique par les ministres, en particulier la dernière phrase : « Ce travail de concertation pourra être complété par des échanges avec la représentation nationale sous une forme dont nous vous proposons de convenir prochainement. » Quelles formes envisagez-vous de nous proposer, monsieur le ministre ?

Notre principal souci reste la simplification, afin d’éviter les dérives auxquelles nous assistons dans de nombreux domaines. Je prends l’exemple de la gestion des ports, dont le développement, facteur d’attractivité, est freiné par l’absence de distinction entre le domaine public maritime naturel et le domaine public maritime artificiel ou portuaire.

Nous regrettons le flou sur le nombre et le contenu des futures ordonnances ainsi que sur les modalités d’association du Parlement. Nous avons néanmoins été partiellement rassurés par nos débats de ce matin, de sorte que nous pourrions retirer l’amendement.

M. Patrick Hetzel. Le texte provisoire correspondant aux quinze premiers articles adoptés par notre commission spéciale nous a été transmis. Quand pouvons-nous espérer la suite ?

M. le président François Brottes. La partie consacrée aux professions réglementées vous sera transmise en fin de journée. Je tiens toutefois à souligner que la mise à disposition du texte de la commission spéciale au fur et à mesure de l’examen des amendements est une pratique inhabituelle à l’Assemblée. Le sujet le mérite, mais il faut prendre le temps de faire ce travail d’exception.

M. Patrick Hetzel. Il est vrai que cette pratique est rare dans notre assemblée alors que le Sénat connaît cet usage depuis longtemps. Nous pouvons donc améliorer encore nos pratiques parlementaires.

M. Denis Baupin. On peut considérer que l’amendement SPE1422 a été défendu précédemment, puisqu’il traduit notre désapprobation du recours aux ordonnances pour réformer le droit de l’environnement.

M. le président François Brottes. Tirez-vous du débat de ce matin les mêmes conclusions que Philippe Vitel ?

M. Denis Baupin. Non, je ne suis toujours pas convaincu.

M. le ministre. Je réaffirme l’esprit dans lequel ce texte a été rédigé, que viennent compléter la lettre adressée aux rapporteurs et l’engagement pris de soumettre les projets aux commissions.

Le débat parlementaire aura bien lieu. Vous savez que je ne suis pas avare de mon temps, tout comme la ministre de l’écologie.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. J’émets un avis défavorable. Je plaide pour le retrait de ces amendements, compte tenu des engagements qui ont été pris.

Mme Sophie Errante. Nos échanges font écho au travail mené par les députés sur les conditions pour mieux légiférer. Nous pouvons nous féliciter des progrès que nous avons déjà accomplis en la matière.

Les amendements SPE242 et SPE398 sont retirés.

La Commission rejette l’amendement SPE1422.

Puis elle est saisie de l’amendement SPE1376 de Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Je prends acte avec satisfaction de la clarification du ministre sur la consultation des commissions permanentes du Parlement.

Cet amendement substitue au terme d’« autorisation » celui de « décision ». On ne peut en effet préjuger du sort de l’autorisation des projets de construction et d’aménagement : il peut être décidé de l’accorder ou de la refuser.

M. le ministre. Une fois de plus, madame Bonneton, j’émets un avis favorable.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Je partage l’enthousiasme du ministre.

La Commission adopte l’amendement SPE1376.

Elle examine ensuite l’amendement SPE1457 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à préciser que seuls les projets d’intérêt général seront concernés par l’évolution du droit de l’environnement par ordonnance.

M. le ministre. Cet amendement appelle deux réserves. Sur le fond, il n’est pas souhaitable de restreindre ab initio le champ d’application de l’ordonnance aux seuls projets d’intérêt général. L’élaboration de l’ordonnance sera l’occasion d’examiner la pertinence de ce choix. Sur la forme, l’amendement fait référence à des articles de nature réglementaire du code de l’urbanisme. Cela ne me semble guère satisfaisant au regard de la légistique. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. le président François Brottes. La hiérarchie des normes vous oblige à retirer cet amendement.

M. Denis Baupin. J’accepte de le retirer pour les raisons de forme que vous avez invoquées. Malgré tout, les projets dénués d’intérêt général restent visés, au risque d’une régression de l’environnement. Il me semble que nous aurions pu encadrer davantage l’habilitation.

L’amendement SPE1457 est retiré.

La Commission en vient à l’examen de l’amendement SPE1456 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à préciser que seuls les projets favorisant la transition énergétique sont concernés par l’évolution du droit de l’environnement envisagée au moyen des ordonnances.

M. le ministre. J’ai déjà exprimé mon avis défavorable sur ce point lors du débat d’hier soir.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. En effet, nous abordons une série d’amendements dont nous avons déjà débattu. L’avis défavorable ne signifie en rien une régression du droit ou des ambitions de la transition énergétique.

La Commission rejette l’amendement SPE1456.

Les amendements SPE1339, SPE1338 et SPE1337 de M. Denis Baupin sont retirés.

La Commission examine l’amendement SPE1378 de Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. L’alinéa 5 de l’article 28 du projet de loi, que cet amendement propose de supprimer, tend à accorder au juge administratif qui a annulé le refus de permis de construire la faculté de délivrer ledit permis.

Après l’annulation du permis de construire, il n’appartient pas au juge administratif de se substituer au maire ou au préfet qui reste saisi de la demande de permis. Le juge administratif ne peut exercer ce pouvoir qu’autant que la procédure d’instruction est régulière et il n’a pas qualité pour conduire une procédure de participation du public lorsqu’elle est nécessaire. L’annulation du refus ne donne pas nécessairement un brevet de légalité au regard de toutes les normes applicables.

M. le ministre. L’objet de l’alinéa 5 est d’aménager les pouvoirs du juge administratif lorsqu’il statue sur les recours contre des autorisations d’urbanisme. L’annulation du refus de délivrance doit pouvoir conduire à la réinstruction du dossier par le préfet. Tout en préservant les droits et les garanties dans les procédures, il s’agit d’éviter la procrastination ou la perte de temps pour des acteurs économiques qui sont de bonne foi.

Je suis sensible à vos préoccupations. Il n’est pas question d’empêcher les recours, mais de corriger les dysfonctionnements de la procédure pour la rendre plus simple, plus lisible et plus juste. C’est bon pour l’économie et l’environnement. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Fort de mon expérience, je souligne la difficulté à laquelle est confronté un maire qui a bloqué un permis et qui se trouve obligé, par une décision de justice qui devra être définitive, de réinstruire le dossier, entretenant ainsi le conflit qui l’oppose au bénéficiaire de la décision.

Il ne s’agit pas de se substituer au pouvoir des maires, mais de confirmer une décision définitive du juge et de donner les moyens de la mettre en œuvre. Il est proposé, dans cet alinéa, de donner au juge la possibilité de décider en lieu et place du maire dont la décision n’est pas fondée.

Toutefois, les auteurs de l’amendement ont raison de souligner que, dans un tel cas, le juge aura à contrôler la légalité de l’ensemble des procédures au regard des normes applicables et à prendre, le cas échéant, les initiatives nécessaires pour établir la légalité de celles qui seraient défaillantes.

Il est important de prévoir que le juge, pour mettre en œuvre sa décision, puisse s’appuyer sur l’autorité du préfet, qui doit être l’ultime recours. La substitution intervient en dernière extrémité lorsqu’un maire refuserait la bonne application du droit, après une décision de justice devenue définitive.

Mme Michèle Bonneton. Un certain flou demeure dans la rédaction de l’alinéa 5. La décision du juge valant permis de construire ne peut pas être contestée par un tiers. Celui-ci est donc privé du droit d’accès au juge, en violation de l’article XVI de la Déclaration des droits de l’Homme, pour discuter d’éventuels autres griefs d’illégalité. Je veux bien vous croire sur parole, mais je maintiens que la rédaction n’est pas assez précise.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce sujet n’est pas nouveau. Voilà plusieurs décennies que le législateur cherche à concilier le droit d’ester en justice et l’efficacité opérationnelle, qui impose de purger les contentieux. En matière pénale, cette possibilité existe.

L’ordonnance doit être l’occasion de trouver un moyen d’empêcher que les contestations, une fois tranchées par la justice administrative de manière définitive, ne soient remises sur la table par d’autres techniques.

Pour résoudre ce problème, le juge pourrait non seulement dire la cause de la nullité, mais aussi indiquer les solutions pour la corriger. J’ai conscience que cette démarche est nouvelle et très compliquée.

Il n’est pas acceptable que le droit d’ester en justice soit l’instrument le plus efficace pour bloquer un certain nombre d’initiatives.

Mme Michèle Bonneton. Nous avons conscience de la nécessité de sortir de ces blocages. Je souhaite obtenir des assurances de la part du ministre sur la séparation des rôles entre l’autorité judiciaire et l’autorité administrative, ainsi que sur le fait que le tribunal n’est pas juge et partie.

M. le ministre. Je peux vous donner ces assurances. Vous avez rappelé à juste titre les textes constitutionnels qui protègent les droits des citoyens, en particulier le droit au recours. Vous savez donc que, si nous méconnaissions ces droits, nous serions rattrapés par la hiérarchie des normes. Je le redis, le droit au recours des citoyens sera préservé dans la procédure future.

L’amendement SPE1378 est retiré.

La Commission adopte l’amendement de cohérence SPE538 des rapporteurs.

La commission est saisie de l’amendement SPE1169 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Les procédures sont parfois très longues et le recours abusif est trop souvent la règle dans certaines d’entre elles. Un article issu d’une récente ordonnance permet de limiter le contentieux. Cet amendement propose d’étendre son application aux affaires en cours.

M. le ministre. Le Gouvernement partage cet objectif. Dans le cadre de la loi ALUR, des expérimentations ont été mises en place. Il y a encore aujourd’hui beaucoup trop de recours abusifs. Votre souci rejoint celui de l’alinéa que nous venons d’évoquer, à savoir éviter les pratiques dilatoires. C’est pourquoi j’émets un avis favorable.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Si je partage la préoccupation exprimée par cet amendement, j’appelle toutefois votre attention sur la référence aux affaires en cours. L’application à des contentieux en cours présente un risque au regard de la Constitution. J’invite à la prudence sur ce point.

M. le président François Brottes. La référence aux contentieux en cours ne me gêne pas. Nous voyons trop souvent le droit utilisé pour faire des profits sur le dos de ceux qui investissent ou paient des loyers. Alors que nous entendons durcir les règles, il ne faut pas envoyer un signal de mollesse qui encouragerait les moins scrupuleux à s’engouffrer dans la brèche et poursuivre les abus tant qu’il en est encore temps.

La Commission adopte l’amendement SPE1169.

Puis elle examine les amendements identiques SPE1252 de M. Joël Giraud et SPE1379 de Mme Michèle Bonneton.

M. Alain Tourret. J’insiste de nouveau sur les dégâts extrêmement graves causés par les recours abusifs. Ils sont responsables d’un préjudice direct, mais ils ont aussi pour conséquence de tout retarder : l’administration suspend tout, alors même qu’elle n’a pas à le faire puisque la décision positive vaut tant que la décision définitive n’a pas été prononcée. Ce blocage est insupportable. Rappelez-vous que le pont de l’île de Ré a été construit sans autorisation, malgré l’annulation du permis de construire... En outre, le demandeur débouté de son recours n’est pas sanctionné. On pourrait pourtant infliger une amende civile en cas de recours abusif. De même, les juridictions ne condamnent jamais à des dommages-intérêts correspondants au préjudice subi. Enfin, les frais irrépétibles mis à la charge de l’auteur du recours sont très faibles. Rien n’est fait pour décourager les recours abusifs ou intimider leurs auteurs.

S’agissant de l’amendement lui-même, il tend à supprimer l’alinéa 6 de l’article 38 du projet de loi, qui me paraît gênant au regard du droit des collectivités territoriales. Cette disposition semble imputer la responsabilité du blocage auxdites collectivités. Pourtant, le tribunal administratif peut déjà ordonner sous astreinte une remise de l’autorisation en cas d’annulation. Cette solution me paraît préférable à la substitution du représentant de l’État.

Mme Michèle Bonneton. Avec cet alinéa, les collectivités territoriales se trouvent dessaisies de leurs compétences, alors que le raccourcissement des délais d’instruction qui doit résulter de la mesure sera modeste.

M. le ministre. L’alinéa 6 s’applique aux cas dans lesquels le refus de délivrance d’une autorisation est annulé par le juge. Le porteur du projet revient devant le maire qui peut de nouveau lui refuser l’autorisation : il se trouve alors dans une impasse. Des projets se trouvent ainsi bloqués continûment pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Si le juge annule le refus d’autorisation, il faut donc pouvoir sortir de la situation d’impasse dans laquelle on se trouve en renvoyant systématiquement au maire. Lorsque le refus de délivrance a été annulé par le juge administratif, celui-ci doit pouvoir solliciter le préfet en lieu et place du maire.

Le cadre de cette procédure doit être précisément défini : c’est l’objet de l’habilitation. On ne peut pas se satisfaire d’une situation dans laquelle un maire peut continuer à refuser d’accorder une autorisation sans raison valable, et ce, malgré l’annulation de sa décision par le juge. Est-ce conforme à la liberté d’entreprendre, autre principe à valeur constitutionnelle ?

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. En miroir des recours abusifs, on peut aussi parler des inactions abusives. La solution proposée par l’alinéa 6 permet de sortir de l’impasse de la meilleure manière. J’indique que la décision du juge de saisir le préfet est susceptible d’appel. Je rappelle également que cette possibilité est ouverte seulement en cas de blocage du système par le maire sanctionné par le juge au travers d’une décision définitive.

L’alinéa 6 est plus protecteur encore que l’alinéa 5, car les services du préfet sont en mesure de garantir l’instruction et la décision, qui est elle-même susceptible d’appel. Cette disposition apporte une réponse à l’inaction de certains maires, qui pénalise des opérateurs dans leur juste droit.

M. le président François Brottes. Pour complaire à Michèle Bonneton, il respecte le droit des tiers...

M. Alain Tourret. Nous ne partageons pas la même philosophie. Afin de respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales, je préfère la sanction du maire à la substitution du préfet. La commune pourrait être condamnée à des dommages-intérêts substantiels en cas de refus d’une autorisation.

Vous oubliez aussi que le tribunal administratif peut ordonner la remise du document sous astreinte. Le recours à cette procédure efficace, qui est de plus en plus fréquent, permettrait de préserver le rôle des collectivités territoriales.

En redonnant ainsi du pouvoir au préfet, vous commettez un péché de jacobinisme. La solution que je propose est bien plus efficace et plus respectueuse des principes du droit.

M. le ministre. Je suis sensible à l’attachement de M. Tourret à la libre administration des collectivités territoriales. Le souci d’efficacité qui guide ce projet de loi conduit à écarter la sanction financière que vous préconisez. Elle est moins efficace et peut en outre entraîner des effets pervers.

J’ajoute que le préfet ne décide pas seul de se substituer à l’élu compétent. La substitution intervient sur décision du juge administratif. Je suis toutefois prêt à accepter un amendement pour préciser ce point.

M. Jean-Yves Caullet. L’amendement pourrait remplacer les mots : « se substitue », qui laissent entendre un pouvoir autonome, par les mots : « est substitué par décision de justice ».

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Dans l’esprit des rédacteurs du projet de loi, la substitution du préfet est autorisée par décision de justice. Je propose néanmoins d’introduire cette précision rédactionnelle.

Mme Michèle Bonneton. J’attends de connaître l’amendement pour me prononcer sur le sort de mon amendement.

M. le président François Brottes. Monsieur le rapporteur thématique, pourriez-vous présenter votre amendement SPE1954, qui sera appelé dans un instant ?

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. L’amendement précise que c’est seulement sur décision du juge administratif que le préfet peut être saisi, ce qui sécuriser le dispositif et est de nature à rassurer Alain Tourret. Il est ainsi rédigé : « À l’alinéa 6, après le mot : “substitue”, insérer les mots : « “, sur décision du juge administratif,” ».

M. Alain Tourret. Je retire mon amendement de suppression de l’alinéa.

Mme Michèle Bonneton. Pour ma part, je persiste à défendre l’idée que les permis de construire doivent être délivrés par les maires. Je ne retire pas mon amendement.

L’amendement SPE1252 est retiré.

La Commission rejette l’amendement SPE1379.

La Commission est saisie de l’amendement SPE539 du rapporteur général et des rapporteurs thématiques.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Cet amendement tend à réserver la possibilité d’une substitution du représentant de l’État à l’autorité délivrant l’autorisation d’urbanisme aux seuls cas d’annulations devenues définitives afin de garantir l’ensemble des droits du justiciable.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement SPE539.

Puis elle adopte l’amendement SPE1954 des rapporteurs.

Elle examine ensuite les amendements identiques SPE1250 de M. Joël Giraud et SPE1380 de M. Jean-Louis Roumegas. 

M. Alain Tourret. L’amendement SPE1250 est défendu.

M. Jean-Louis Roumegas. La suppression de la procédure d’autorisation des unités touristiques nouvelles – UTN – proposée par cet alinéa est prématurée. En effet, la loi ALUR prévoit une révision progressive des schémas de cohérence territoriale – SCoT – qui leur fera intégrer les dispositions de la « loi montagne » et, ce faisant, les rendra alors suffisants pour former écran à leur application pour les plans locaux d’urbanisme (PLU). Cet amendement propose de rétablir la procédure jusqu’à ce que les SCoT aient effectivement intégré l’ensemble des dispositions des lois Grenelle et ALUR.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. Le dispositif des UTN a été utile, efficace et protecteur. Aujourd’hui, les UTN sont couvertes par la loi ALUR et cette protection me paraît suffisante. Le dispositif était devenu lourd pour seulement trois ou quatre projets par an. La mesure proposée permet d’éviter une double procédure sans abaisser le niveau d’exigence.

M. le ministre. Le rapporteur a rappelé l’état du droit. Désormais, les SCoT intègrent les projets d’UTN. La procédure d’autorisation, qui a été conçue pour éviter le suréquipement des communes, s’avère inadaptée à la gestion. Elle est particulièrement lourde pour les petits projets, en particulier les campings.

Afin de remédier à l’empilement des législations, il est donc prévu de supprimer la procédure d’autorisation des UTN et de prévoir un avis du préfet en distinguant deux cas de figure : en présence d’un SCoT, un avis plus léger, car le SCoT couvre les UTN ; et, en l’absence de SCoT, un avis conforme.

Je réitère l’engagement pris d’associer les parlementaires sur ce point également et je vous demande de retirer cet amendement.

Mme Michèle Bonneton. À l’heure actuelle, il s’agit plus d’aménager des stations existantes que d’en créer de nouvelles, mais ces procédures ont leur importance puisqu’elles impliquent un passage devant une commission. Si cette procédure était supprimée, le passage en commission le serait aussi et de nombreux acteurs de la montagne, en particulier les associations environnementales, ne seraient même plus au courant des projets de modification. Or, nous avons bien insisté sur le fait que ces réformes ne devaient pas nuire à la bonne information du public. De plus, les dossiers d’UTN sont concrets et nécessairement bien chiffrés. Peut-être y a-t-il des aménagements à faire en fonction de l’importance des projets concernés, mais nous pensons vraiment qu’il faut maintenir ce dispositif d’UTN.

M. le président François Brottes. Dès lors qu’ils sont étudiés dans le cadre d’un SCoT, ces projets n’échappent pas à la vigilance de nombreuses commissions départementales concernant la protection des sites, de l’agriculture, etc. Le SCoT n’exonère pas de consulter l’ensemble des commissions départementales pour des projets de ce type et la consultation ne sera pas meilleure si le dossier remonte à Paris.

M. Christophe Castaner, rapporteur thématique. En effet, ces consultations demeurent et il y a aussi des enquêtes publiques. C’est le SCoT qui garantit l’information, y compris sur les évolutions d’UTN. Cette procédure de simplification ne doit pas susciter d’inquiétudes, car elle ne remet pas en cause la transparence, l’ouverture et l’association du public et de tous les élus concernés.

Mme Bernadette Laclais. Plus ancienne que la « loi montagne », la procédure UTN a déjà été simplifiée. Elle a fait la preuve de sa pertinence, au moins au départ, mais le contexte a changé : l’intercommunalité et le droit de l’environnement ont évolué ; la « loi montagne » a pris en compte certaines problématiques. Pour avoir longtemps siégé dans les comités UTN, je pense que l’on peut s’interroger sur le rapport entre la lourdeur de la procédure et les bénéfices qu’elle procure en termes de qualité des décisions prises. Cela étant, il demeurait des interrogations et je remercie le ministre de nous avoir apporté toutes ces précisions, ces éléments de lecture et de compréhension.

Si vous le permettez, monsieur le président, je vais évoquer mon amendement SPE1185, qui aurait pu faire l’objet d’une discussion commune. Il propose d’écrire clairement que la procédure d’autorisation des UTN est maintenue « lorsque le projet touristique est en dehors d’un territoire couvert par un SCoT ou non prévu par un SCoT ». Dans ce dernier cas, il faudra intégrer le projet d’une manière ou d’une autre, soit en révisant le SCoT, soit en recourant à la procédure UTN. Quelle est la solution la moins lourde ? Il faudra répondre à la question si nous escomptons des retombées positives sur le territoire. Le Premier ministre a demandé des évaluations et des propositions, en vue du prochain Conseil national de la montagne. Pour ma part, je ne suis pas opposée aux simplifications, mais mon amendement vise à lever certaines inquiétudes.

M. le président François Brottes. J’estime, quant à moi, préférable de réviser le SCoT, par souci de cohérence et pour ne pas donner à penser que le projet n’est pas celui des élus. Rappelons que les directives territoriales d’aménagement – qui existent toujours – peuvent permettre à l’État de passer outre les procédures existantes, en se contentant d’un minimum de concertation. Elles ont été utilisées dans les Alpes, entraînant des conséquences qui ne sont pas forcément traumatisantes.

Mme Bernadette Laclais. Les propositions des élus n’impliquent pas systématiquement la révision du SCoT, processus qui est relativement lourd. Dans certains cas, le SCoT couvre un territoire beaucoup plus large. Si nous disposions d’une étude sur les UTN et leur évolution dans le temps, je pense que nous serions d’accord pour les simplifier, comme le propose le ministre. En tout cas, cette étude nous aiderait à prendre une décision.

M. le président François Brottes. Le monde change, les élus aussi. Pour ma part, je pense qu’un SCoT doit être révisable régulièrement.

M. Jean-Louis Roumegas. Dans les territoires où s’applique la « loi montagne », vous essayez de distinguer entre les zones qui sont couvertes par un SCoT et les autres. Or, cette distinction ne devrait pas exister : la loi ALUR prévoit que tout le territoire doit être couvert par des SCoT. Il convient de tenir compte de la situation spécifique des zones de montagne pour lesquelles ont été prévues ces UTN et des concertations supplémentaires, alors que vos propositions tendent à replacer ces territoires dans le lot commun. C’est pourquoi nous maintenons notre amendement.

M. le président François Brottes. Les UTN ne concernent pas que la montagne.

M. Gérard Cherpion. En tant que président du comité de massif des Vosges, je pense que, si la procédure UTN a été utile lors de sa création, les choses ont beaucoup évolué. Les sujets traités dans ce cadre sont d’une très faible importance, pour ne pas dire marginaux, et ils font le plus souvent l’objet d’un consensus. Nous pouvons certainement simplifier le système en nous appuyant sur les SCoT et l’évolution territoriale en cours.

La Commission rejette les amendements SPE1250 et SPE1380.

Puis elle examine l’amendement SPE1185 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. J’ai déjà défendu cet amendement.

M. le ministre. Mon intervention précédente visait à répondre à cette préoccupation à laquelle je suis sensible, en évoquant les avis conformes du préfet. Dans l’étude d’impact, une vingtaine de pages montrent la grande difficulté que posent ces projets. Les grands projets – pour lesquels la procédure UTN était sans doute pertinente, parce que très contraignante – sont mûrs, arrivés à la phase de gestion. Pour de nombreux petits projets – campings et autres –, auxquels elles s’appliquent désormais – et qu’elles bloquent –, les dispositions UTN sont considérées comme excessivement lourdes.

Il n’y a pas de problème dans les territoires couverts par les SCoT, car l’avis conforme du préfet permet de s’assurer que les exigences proportionnées UTN sont bien reprises. Le Gouvernement souhaite que ces SCoT gagnent du terrain. Dans les territoires qui ne sont pas couverts par les SCoT, il y aurait finalement deux approches : la vôtre consiste à faire cohabiter deux systèmes et à garder les dispositions UTN, qui demeurent un peu disproportionnées pour les petits projets ; celle que je vous propose revient à conserver ce qui est proportionné dans les dispositions actuelles UTN pour les intégrer à la procédure que nous allons créer, suivant l’avis conforme du préfet. Je peux m’engager à travailler dans cette direction : garder ce qui est proportionné dans la procédure UTN tout en sortant de blocages manifestes. En dissipant tout malentendu, notre débat a été très utile. L’esprit de votre amendement est satisfait par notre démarche, et je vous invite à le retirer.

Mme Bernadette Laclais. Je le retire d’autant plus volontiers que sa rédaction laisse à désirer, puisque le système prévu s’appliquerait dans l’attente que tous les territoires soient couverts par des SCoT. Je note surtout votre volonté de travailler avec les personnes qui sont impliquées dans les UTN, car il est nécessaire d’associer les acteurs de la montagne. Cette procédure a eu le mérite de réunir autour de la table tout le monde socioprofessionnel, associations et porteurs de projet. Il faut garder cet esprit et consulter les élus de la montagne et l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM).

L’amendement SPE1185 est retiré.

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Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour la croissance et l’activité

Réunion du vendredi 16 janvier 2015 à 9 h 30

Présents. - M. Luc Belot, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. Christophe Castaner, M. Jean-Yves Caullet, M. Gérard Cherpion, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, M. Richard Ferrand, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Patrick Hetzel, Mme Bernadette Laclais, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Arnaud Leroy, M. Gilles Lurton, Mme Elisabeth Pochon, M. Denys Robiliard, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gilles Savary, M. Christophe Sirugue, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alain Tourret, M. Stéphane Travert, Mme Clotilde Valter, M. Francis Vercamer, M. Philippe Vitel

Excusés. - M. Jean-Louis Bricout, M. Marc Dolez, M. Jean-Luc Laurent, Mme Sandrine Mazetier, M. Philippe Vigier

Assistaient également à la réunion. - M. Denis Baupin, Mme Cécile Duflot, M. Yves Fromion, M. Hervé Mariton

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