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Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Jeudi 11 septembre 2014

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 4

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental, Mme Laure Hézard et M. Jean Jouzel, rapporteurs.

La commission spéciale a auditionné M. Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental, Mme Laurence Hézard et M. Jean Jouzel, rapporteurs.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. J’ai le plaisir d’accueillir le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui œuvre depuis son entrée en fonctions au pluralisme des travaux de cette institution méconnue qui alimente régulièrement la commission par ses rapports de remarquable qualité. Il est accompagné des rapporteurs du Conseil sur le projet de loi.

M. Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental. Le Conseil économique, social et environnemental est très sensible à votre invitation qui illustre les relations qu’entretiennent nos deux institutions. Il se félicite en outre des modifications apportées au texte suite à notre rencontre avec la ministre.

Nous sommes tous témoins des déchirements et des tensions qui caractérisent notre société. Je dis volontiers que les causes rassemblent et que les intérêts déchirent.

Le CESE souhaite contribuer à réduire la très préoccupante fracture entre le monde politique et la société civile. Cette dernière a su, au sein du CESE, dépasser les clivages puisque le rapport, auquel ont pris part des organisations très différentes – patronales, environnementalistes, salariales –, a été adopté avec 169 voix pour et 14 abstentions. Ce vote témoigne de la capacité à faire bouger les lignes. La société a besoin d’être apaisée et mobilisée. Pour y parvenir, ce texte qui conditionne l’avenir des générations futures demande de l’enthousiasme dans la vision qu’il propose et de la clarté dans ses objectifs.

Très tôt, le CESE s’est intéressé à l’énergie. Il a ainsi publié plusieurs documents : dès mars 2013, un rapport sur l’efficacité énergétique, puis un rapport sur la transition énergétique dans les transports et enfin un rapport sur la transition énergétique dans la programmation 2020-2050, avant l’avis sur le projet de loi.

Tous les membres du Conseil ont regretté l’absence de débat à l’occasion des élections européennes sur la croissance et l’énergie. Une réflexion à l’échelle européenne s’impose d’autant plus que la Commission européenne travaille à une écologisation du semestre européen et que la présidence italienne entend faire de l’énergie un secteur économique plus sûr et plus efficace.

L’énergie n’est plus seulement un moyen. L’indépendance énergétique et la compétitivité des entreprises sont des objectifs incontournables. Sans maîtrise du coût de l’énergie, les industries énergivores auront disparu dans quinze ans en Europe.

Nous insistons sur la nécessité d’une cohérence européenne, mais la cohérence doit aussi être recherchée avec les collectivités territoriales et plus encore avec la loi de finances pour asseoir la crédibilité de vos objectifs.

Je laisse la parole aux rapporteurs pour qu’ils soulignent les avancées obtenues de la part de la ministre, les attentes non satisfaites, ainsi que les interrogations qui demeurent.

M. Jean Jouzel, rapporteur du CESE. La question énergétique comprend de multiples sujets : la balance commerciale, la compétitivité, le coût de l’énergie, l’indépendance énergétique, la géostratégie, la précarité énergétique, le nucléaire.

Indépendamment de la question du réchauffement climatique, un débat sur l’énergie est nécessaire en France. Au nom de la communauté scientifique, j’ai remis un rapport sur les scénarios climatiques en France qui rappelle que notre pays n’échappera pas au réchauffement climatique. Si rien n’est fait pour lutter contre le réchauffement, si le développement reste fondé sur les combustibles fossiles, la température augmentera de trois à quatre degrés d’ici la fin du siècle. À l’inverse, si nous souhaitons maintenir le réchauffement climatique en dessous de deux degrés – objectif de la convention sur les changements climatiques –, les émissions de gaz à effet de serre doivent être divisées par deux. La France et l’Europe se sont engagées en faveur d’un effort supplémentaire, avec une division par quatre de ces émissions – communément appelée le facteur 4.

La réaffirmation dans le projet de loi de l’objectif du facteur 4 est un motif de satisfaction. Pour que cet objectif ne reste pas un vœu pieux, il est indispensable de rétablir un prix incitatif du carbone, dont l’application ne peut être qu’européenne. La ministre a indiqué lors de son audition que la dimension européenne ne relevait pas de ce projet de loi. Je l’admets volontiers, mais je rappelle que la politique européenne de l’énergie doit être cohérente avec la politique climatique – l’organisation de la nouvelle Commission européenne reflète cette idée. Il faut construire une Europe forte, solidaire et ambitieuse. La politique de l’énergie ne peut se limiter à des échanges d’électricité en période de pénurie alors que les négociations sur le climat sont conduites par l’Europe. Nous suggérons que le projet de loi rappelle l’objectif pour l’Europe de 20 % d’énergies primaires à l’horizon 2020 ainsi qu’un objectif d’efficacité énergétique à l’horizon 2030.

Autre volet important : la recherche et l’innovation, qui sont une source de création d’emplois. Selon le CESE, la loi devrait contenir des engagements financiers en leur faveur et privilégier deux axes de recherche : le stockage de l’énergie et les réseaux intelligents.

Mme Laurence Hézard, rapporteure du CESE. Ce projet de loi est perçu par les membres du CESE comme une impulsion susceptible de mobiliser tous les acteurs du pays, sous réserve que le financement des mesures proposées soit précisé. Cela suppose ensuite de pouvoir mettre en lumière les résultats obtenus et de les partager afin de convaincre les citoyens de l’intérêt de la démarche et de l’efficacité des mesures.

Si la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre fait consensus, d’autres sujets font apparaître des clivages, que le CESE est parvenu à dépasser en mettant de côté les approches dogmatiques pour poser des jalons sur le chemin de la transition énergétique.

Il nous semble important de hiérarchiser les objectifs – qui trop embrasse mal étreint – et de distinguer entre ceux qui peuvent être réalisés à court terme et ceux qui nécessitent un travail plus approfondi et plus collectif pour une prise de décision éclairée.

Le CESE salue la priorité donnée à deux secteurs, qui sont les plus consommateurs en énergie et dont les effets sur l’environnement sont considérables : le bâtiment et les transports. S’agissant du premier, la notion de performance énergétique du bâtiment semble une référence intéressante, permettant de mobiliser tous les acteurs depuis la maîtrise d’ouvrage jusqu’aux occupants en passant par la maîtrise d’œuvre. Mais cette notion doit encore être précisée pour créer une dynamique. Ce chantier peut, en outre, avoir un impact important en termes d’emploi et de formation, à condition de s’inscrire dans la durée. Les mesures envisagées pour le neuf semblent accessibles. En revanche, pour la rénovation, le pari est plus difficile. La question du financement reste posée : comment inciter les propriétaires à réaliser les travaux nécessaires, malgré l’absence de retour sur investissement ?

Nous portons une attention particulière à la précarité énergétique. La notion d’accès à l’énergie est reprise dans le texte. Si le chèque énergie apporte une réponse pour le paiement de l’énergie consommée, il ne résout pas les problèmes des personnes en difficulté. Mais c’est un autre sujet.

Nous apprécions la place qui est accordée au secteur des transports dans le projet de loi. Pour autant, nous ne croyons pas à la solution du tout-électrique. C’est une voie intéressante, mais le travail d’évaluation du coût complet doit être poursuivi pour s’assurer qu’elle offre une solution durable. Nous avons, en outre, été surpris de constater que certains véhicules – inférieurs à 3,5 tonnes – ne sont pas reconnus alors que des solutions existent – gaz naturel, hybride. Les collectivités territoriales et les services de l’État doivent également participer à la recherche de solutions économes en énergie et de faible impact environnemental.

Nous sommes unanimement favorables à l’abandon des biocarburants de première génération tout en soulignant la nécessité de suivre attentivement le développement de la deuxième génération. Il est important que la France se positionne sur ce marché d’avenir.

L’approche que nous recommandons d’adopter consiste à proposer une solution adaptée à chaque mode de transport et selon la localisation.

Pour les énergies renouvelables, le dispositif proposé pour améliorer la transparence et la lisibilité du fonctionnement de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) est une très bonne chose. Nous plaidons également pour une évolution des dispositifs de soutien et de régulation des énergies renouvelables. J’insiste enfin sur la simplification des procédures, y compris pour la construction des réseaux de transport d’électricité.

Quant au nucléaire, les mesures ayant trait au renforcement du rôle de l’Autorité de sûreté nucléaire ou à la transparence de l’exploitation des centrales existantes sont très consensuelles. Il importe, sans perturber l’exploitation actuelle, de réfléchir aux scénarios énergétiques de demain et à la place donnée aux différentes énergies. Ces travaux doivent faire apparaître les coûts complets pour éclairer les décisions et faire comprendre à chacun les conséquences des différents scénarios, y compris l’impact sur la facture payée par le consommateur. Ce point nous paraît important pour dépasser les approches parfois trop généralistes et éloignées de la vie du consommateur.

Nous avons été sensibles à la volonté de simplifier le dispositif et d’en améliorer le pilotage, mais celle-ci ne transparaît pas dans le projet de loi. Le texte crée de nouvelles instances sans clarifier le devenir des instances existantes. De même, pour être pertinente, la programmation pluriannuelle doit concerner toutes les énergies. Or, le projet de loi ne précise pas si elle porte sur le secteur pétrolier. Enfin, toute strate supplémentaire dans le pilotage décourage les acteurs et nuit à l’efficacité.

Le pilotage doit s’exercer à court, moyen et long terme, avec des rendez-vous pour mesurer de manière partagée l’efficacité des mesures prises et pour, éventuellement, les corriger ou décider d’autres actions à mener. La qualité du pilotage est essentielle pour créer un climat de confiance et responsabiliser chacun. A cet égard, la réforme territoriale doit rechercher le juste équilibre entre les décisions de niveau national et les marges de manœuvre pour les autres niveaux.

M. Jean-Paul Delevoye. Deux sujets ont donné lieu à désaccords : la réduction de la part du nucléaire, d’une part, et l’objectif trop ambitieux de réduction de la consommation d’énergie, d’autre part. Nous n’avons pas abordé les problèmes spécifiques aux outre-mer.

M. Jean Jouzel. L’avis du CESE comporte un chapitre consacré à l’outre-mer et aux autres zones non interconnectées (ZNI). L’objectif pour ces territoires réside dans l’autonomie énergétique et dans un fort développement des énergies renouvelables. L’outre-mer fait figure de laboratoire pour l’avenir. C’est la raison pour laquelle il faut veiller à ne pas limiter la perspective d’autonomie énergétique par des verrous réglementaires. En outre, les transferts de compétences dans ce domaine doivent s’accompagner des moyens humains et financiers adaptés. Enfin, la réforme de la CSPE ne doit en aucun cas remettre en cause la solidarité nationale.

Mme Laurence Hézard. Nous soulignons combien il est important de donner aux territoires d’outre-mer un pouvoir de décision pour soutenir des projets adaptés au contexte local, ce que permet le texte.

Dès lors que ces territoires constituent un laboratoire, il serait intéressant que les retours d’expérience soient partagés afin de faire progresser les travaux sur les énergies renouvelables.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure sur les titres Ier et V du projet de loi. Avez-vous travaillé sur l’élargissement de l’assiette de la CSPE, à propos de laquelle vous réclamez plus de transparence ?

Pouvez-vous préciser les inquiétudes que vous avez relevées sur le renouvellement des concessions hydroélectriques ?

M. Philippe Plisson, rapporteur sur les titres III et VI du projet de loi. Vous regrettez que les véhicules utilisant le gaz ou le GPL ne soient pas reconnus comme des véhicules propres. Mais, compte tenu de l’objectif de diminution des émissions, ne serait-il pas préférable de faire un effort en faveur des transports en commun qui sont peu pris en compte dans le projet de loi ?

Je suis comme vous favorable à l’abandon des agrocarburants. Le projet de loi est clair sur la deuxième génération de biocarburants et sur la nécessité de protéger l’agriculture.

Je partage votre souci d’enrichir la partie consacrée aux transports. La ministre ayant fait part de son ouverture, quelles sont vos propositions en la matière ?

M. Denis Baupin, rapporteur sur les chapitres Ier à III du titre VIII du projet de loi. J’ai entendu avec plaisir vos propos sur le nucléaire. Le pragmatisme et la transparence que vous appelez de vos vœux rejoignent les conclusions du rapport de la commission d’enquête dont j’étais chargé. Je partage votre souhait d’informer les consommateurs sur la facture quelle que soit la stratégie choisie.

Quant à la programmation pluriannuelle de l’énergie, il est impensable que le pétrole ne soit pas pris en compte dans un document dont tout l’intérêt tient à ce qu’il s’intéresse, en plus des énergies de réseaux, aux énergies fossiles et à leurs émissions.

Le texte est muet sur l’utilisation de la valeur tutélaire du carbone dont il acte le principe : s’agit-il d’un outil pour la fiscalité, d’un indicateur sur les marchés carbone, ou d’un élément d’évaluation de la pertinence des politiques menées ?

L’avis du CESE donne la priorité au fait régional, mais avez-vous débattu de la coordination entre régions et intercommunalités et de la répartition des compétences ?

Sur le chèque énergie, le texte comporte des avancées importantes, mais la question de son financement et celle de son utilisation restent en suspens. Il semble qu’il servira à payer les factures et à financer les travaux de rénovation thermique. Peut-on imaginer de l’étendre à l’achat d’appareils électroménagers plus performants, dont les effets sur la facture énergétique des ménages se feraient sentir rapidement ?

Dans le domaine des transitions professionnelles, la proposition d’un plan de programmation de l’emploi et des compétences paraît très intéressante. A-t-elle été élaborée de manière consensuelle avec les partenaires sociaux ?

Enfin, je souhaite, comme le CESE, voir la recherche orientée prioritairement vers le stockage et les réseaux intelligents.

Mme Sabine Buis, rapporteure sur les titres II et IV du projet de loi. Pouvez-vous préciser les raisons qui ont conduit le CESE à suggérer de permettre aux collectivités de faire du tiers financement afin d’encourager les travaux de rénovation des bâtiments ?

Vous proposez également d’accélérer la mise en place d’un guichet unique de rénovation de l’habitat. Quelle forme peut-il prendre ? Quel est l’échelon approprié compte tenu du rôle de la proximité dans la décision ?

Quel est votre avis sur la définition de l’économie circulaire que propose le projet de loi ? Peut-on envisager d’étendre la responsabilité élargie du producteur (REP) à d’autres filières ou produits ? L’avis du CESE ne fait jamais référence au remploi préférant le terme de recyclage. Est-ce un choix volontaire ?

Mme Éricka Bareigts, rapporteure sur le titre VII et le chapitre IV du titre VIII du projet de loi. Peut-on, selon vous, faire de la CSPE un outil réorienté vers la dynamique verte ?

Les transferts de compétence, aujourd’hui limités à la Guadeloupe et la Martinique, peuvent-ils être opérés pour les autres ZNI ?

La programmation pluriannuelle de l’énergie peut-elle être un nouveau moyen de gouvernance pour les ZNI ?

Vous déplorez l’absence de traduction dans le projet de loi de la volonté de simplification affichée. Pouvez-vous préciser ?

Je considère que la notion de laboratoire qui est accolée à l’outre-mer doit être écartée car elle risque de donner lieu à de mauvaises interprétations et de favoriser des dérives des politiques publiques. Les territoires d’outre-mer doivent être des territoires avant-gardistes, porteurs d’une approche globale de gouvernance et de dynamique vertes, qui seraient une source d’inspiration pour le territoire national et d’innovation pour notre industrie.

M. Jean Launay. Sur la CSPE, vous accueillez favorablement la création du comité de gestion. De même, vous dites que l’électricité ne peut pas porter seule le financement des énergies renouvelables tandis que l’avis du CESE évoque la possibilité d’envisager des financements complémentaires. Que pensez-vous de l’idée d’élargir la CSPE à toutes les énergies, à tout le moins aux énergies de chauffage ? J’espère convaincre mes collègues que l’évolution de la CSPE vers une contribution à l’énergie est souhaitable. Elle permettrait de financer le chèque énergie et de rendre le système plus lisible et plus équitable.

M. Bernard Accoyer. Le président l’a rappelé, deux points ont suscité des inquiétudes : la baisse de la part du nucléaire dans le mix énergétique ainsi que la surestimation manifeste de la diminution de la consommation d’énergie. Il faut être réaliste lorsque l’on est en responsabilité !

Au vu des réalités et de l’actualité, je m’interroge sur la sécurité de l’approvisionnement en pétrole et en gaz compte tenu de la situation internationale, sur la capacité à sauvegarder le pouvoir d’achat et la compétitivité compte tenu du coût de l’énergie ainsi que sur la réalité cruelle de l’état des finances publiques, qui laisse une marge de manœuvre financière nulle alors que ce texte encourage des dépenses nouvelles et renchérit le coût de l’énergie.

J’aimerais connaître l’opinion du CESE sur plusieurs points : le programme de fermeture des réacteurs, la recherche sur les réacteurs de quatrième génération, le refus d’appliquer la loi sur la recherche d’hydrocarbures non conventionnels, la surévaluation de l’apport des énergies renouvelables ou encore la menace que fait peser ce texte sur la pérennité de la filière automobile.

M. Bertrand Pancher. Les conditions de la saisine et du travail du CESE ont suscité des réactions très vives. Monsieur le président, êtes-vous satisfaits de votre travail et des conditions dans lesquelles il a été mené ? L’êtes-vous également de la manière dont les recommandations du CESE ont été prises en compte ?

Les plus dangereux ne sont hélas pas les climatosceptiques, mais ceux qui, tout en reconnaissant le changement climatique, considèrent que le problème se règlera de lui-même et que la crise impose de reporter la recherche d’une solution.

Sur le prix du carbone, le texte comporte des avancées mais les mécanismes de réorientation sont-ils suffisants ?

L’équilibre général du texte repose à la fois sur des économies d’énergie importantes et sur une diminution de la part du nucléaire que viendrait compenser la montée en puissance des énergies renouvelables. Comment atteindre cet équilibre alors que l’objectif pour les énergies renouvelables apparaît peu réaliste ?

En résumé, ce texte est sympathique mais peu crédible.

Mme Cécile Duflot. Vous émettez des réserves sur les mesures concernant les véhicules. Que proposez-vous pour les améliorer ?

M. Michel Lesage. Afin de mobiliser les acteurs sur le territoire, comment clarifier les compétences des collectivités territoriales et les articuler avec l’implication forte de l’État, garant de la cohérence nationale et du modèle centralisé de production électrique ?

Comment améliorer la sensibilisation des acteurs au premier rang desquels les citoyens ?

Vous avez insisté sur l’importance de la recherche et de l’innovation. Comment associer et mobiliser les différents acteurs dans ce domaine ?

Vous avez souligné les limites du chèque énergie. Quel autre dispositif peut-on imaginer pour garantir un accès à l’énergie pour tous ?

M. Julien Aubert. Parallèlement aux créations d’emplois liées à la transition énergétique que vous mettez en avant, avez-vous évalué les conséquences pour l’emploi de la réduction de la part du nucléaire et les destructions d’emploi inévitables ?

Vous réaffirmez votre attachement au facteur 4, mais le projet de loi est-il à la hauteur de cet effort exceptionnel, d’autant qu’il entend copier le modèle allemand qui a provoqué une hausse des émissions ?

M. Jean-Jacques Cottel. L’économie circulaire exige, selon vous, une démarche de long terme et une impulsion politique. Comment mettre en place un politique industrielle du recyclage et comment adapter l’appareil productif ?

Quel est votre avis sur le plan de méthanisation inscrit dans le projet de loi ? Comment développer ce procédé en milieu rural ?

Mme Sophie Rohfritsch. L’avis du CESE insiste sur l’efficacité énergétique, mais ne rappelle pas les travaux de plusieurs pôles de compétitivité sur ce sujet qui permettraient de faire valoir de nouvelles normes au niveau européen, auxquelles les corps de métiers ont déjà été formés. Je regrette que le cadre européen de l’énergie ne trouve pas sa place dans ce texte. Il ne suffit pas de décréter l’efficacité énergétique. Il faut constater les résultats de ces pôles, les consacrer et les porter au niveau européen pour être les pionniers d’un nouveau système normatif.

M. Serge Letchimy. On ne peut pas parler de transferts de compétences s’agissant de la Guadeloupe et de la Martinique. En réalité, il s’agit de leur confier un pouvoir législatif et réglementaire pendant cinq ans. Un véritable transfert de compétences est-il, selon vous, possible ?

Je partage le point de vue de la rapporteure sur la notion de laboratoire. Pour faire de l’outre-mer un laboratoire, il faut adjoindre à la possibilité pour ces territoires de faire la loi et le règlement, la possibilité de mener une politique industrielle et de mettre en place une gouvernance locale de l’ingénierie.

Avez-vous mené une réflexion sur l’interconnexion des ZNI avec la géographie transfrontalière ? Les exemples de dynamique d’interconnexion sont nombreux : pour le gaz avec Trinité-et-Tobago, pour la géothermie avec la Dominique, pour la biomasse avec le Brésil. Cette interconnexion, coûteuse, suppose de donner à ces zones une liberté en matière de coopération économique régionale, notamment pour la mutualisation des déchets potentiellement transformables en énergie. L’Europe finance le transfert de déchets de La Réunion vers la Paris qui n’a aucun sens.

La transition énergétique est une chance pour l’outre-mer mais elle passe par l’adoption d’un nouveau modèle de développement économique. L’énergie est un bon vecteur pour accompagner ces territoires sur la voie de l’autonomie économique.

M. Daniel Fasquelle. Avez-vous conduit une réflexion sur le coût pour les particuliers de l’énergie ? Comment définir des tarifs au sein d’un marché européen de l’énergie alors que le Conseil d’État a remis en cause à plusieurs reprises les tarifs décidés par le gouvernement ?

Contrairement au souhait que vous exprimez dans votre rapport de voir l’État, les citoyens et les territoires agir ensemble, je crains que l’État ne se donne avec ce projet de loi les moyens d’imposer aux autres des éoliennes en mer, sans considérer l’impact environnemental de ses décisions et leurs conséquences pour l’économie touristique. Le médiateur de l’énergie l’a rappelé lors de son audition : le coût d’une éolienne en mer restera supérieur à son rendement, ce qui n’est pas le cas des éoliennes terrestres, dont on peut espérer qu’elles deviendront rentables un jour. Ce surcoût sera supporté par le consommateur ou le contribuable. Avez-vous étudié la nécessité d’un accord des habitants qui auront à subir l’implantation des champs d’éolienne en mer ?

M. le président François Brottes. Il ne vous reste plus, monsieur le président, madame et monsieur les rapporteurs, à répondre à toutes ces questions avec toute la concision possible…

M. Jean-Paul Delevoye. Les délais de saisine ont été brefs, mais le CESE travaille depuis longtemps sur la transition énergétique, si bien que les nombreux documents produits ont permis de répondre dans un temps très court.

En outre, tant le Gouvernement que le Parlement ont pris l’habitude de présenter au CESE leurs projets en amont, pour nous permettre d’amorcer la réflexion. Enfin, il existe des procédures d’urgence, auxquelles nous n’avons pas eu recours, mais qui permettent de rendre un avis en moins d’un mois.

Par ailleurs, nous réfléchissons à la forme que pourrait prendre un droit de suite sur l’avis que nous avons rendu.

M. Jean Jouzel. Monsieur Baupin, nous souhaitons en effet affecter une partie des quotas de carbone à la recherche et l’innovation.

S’agissant du rôle des régions, nous avons repris les recommandations des rapports précédents, notamment le rapport sur la transition énergétique 2020-2050, sans approfondir cette question. L’État doit rester le garant de la cohérence nationale de la politique climat-énergie et de ses déclinaisons fiscales tandis que les régions ont la responsabilité de la cohérence sur le territoire de la transition énergétique, sans toutefois négliger le rôle des intercommunalités.

Sur l’économie circulaire, M. Yves Legrain a présenté un avis très riche. J’en conviens, le projet de loi est trop limité aux déchets et au recyclage, alors que le réemploi est une mission importante. Nous souhaiterions une approche plus globale.

S’agissant des DOM-TOM, le terme de laboratoire provient du titre du rapport de Patrick Ganelon : « Les énergies renouvelables outre-mer : laboratoire pour notre avenir » qui contient de nombreuses propositions. Mais l’outre-mer est plus qu’un laboratoire, car les objectifs en matière d’énergies renouvelables sont très ambitieux : 50 % pour La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, et 30 % pour Mayotte.

Quant au facteur 4, la loi est très ambitieuse mais elle est cohérente. Du rapport des experts sur la transition énergétique, il ressort que, dans tous les scénarios, le respect du facteur 4 et la réduction de la part du nucléaire aboutissent mécaniquement à une division par deux de la consommation énergétique. Cette diminution, qui est davantage une conséquence qu’un objectif, figurait déjà dans la loi de programme de 2005 fixant les orientations de la politique énergétique.

Il est vrai que l’Allemagne peinera à atteindre les objectifs 2020. Pour réussir à atteindre le facteur 4, notre pays aura besoin de beaucoup de recherche et d’innovation. Il serait très regrettable que, dans dix ans, certains problèmes – l’intermittence, le développement du solaire – aient trouvé des solutions et que nous n’en soyons pas partie prenante, ce qui ne sera pas les cas de l’Allemagne. Le rapport du GIEC indique que la moitié de l’énergie pourrait être produite par les renouvelables. Il ne faut pas passer à côté de cette révolution en marche. Le projet de loi s’inscrit dans le long terme en affichant des objectifs ambitieux et difficiles.

Face aux climatosceptiques, nous devons rappeler l’urgence à agir. J’espère que l’objectif du facteur 4 ne sera pas remis en cause par votre Assemblée. La France se doit en effet d’être exemplaire dans la perspective de la conférence climat de 2015.

Mme Laurence Hézard. Le CESE considère que la priorité doit être donnée à la transparence et à la compréhension du fonctionnement de la CSPE ainsi qu’à un système de contrôle. Cela permettrait de savoir comment chaque énergie supporte les externalités. À partir de ces travaux, il sera possible d’imaginer une évolution du système ou un autre système. Envisager des solutions consistant à élargir l’existant ne permettra en aucun cas de clarifier le coût et les impacts de chaque énergie, ni de faire des choix pertinents pour le mix énergétique. Nous devons d’abord connaître les externalités supportées par chaque type d’énergie.

M. le président François Brottes. Que se passe t-il dans le cas de l’hydrogène, pour lequel l’électricité et le gaz sont tous deux concernés ?

Mme Laurence Hézard. Je me garderai de vous répondre, car mon avis ne serait pas le reflet de la position de l’ensemble des conseillers.

Le CESE s’est interrogé sur l’opportunité d’évoquer les concessions hydroélectriques dans le projet de loi. Mais les inquiétudes portaient principalement sur la notion de société d’économie mixte, et, dans une moindre mesure, sur la gestion de l’eau. Nous sommes arrivés à la conclusion qu’un travail doit être mené avec les différents partenaires pour définir un projet partagé et clarifier les objectifs poursuivis.

Dans le domaine des transports, le CESE recommande aussi de travailler sur l’urbanisme, l’organisation territoriale et les comportements – les jeunes ont une relation différente à la voiture dont témoigne l’essor du covoiturage et de l’autopartage.

Pour la filière automobile, il faut veiller à la cohérence entre les dispositifs réglementaires et les incitations fiscales pour encourager la recherche et la conception des véhicules de demain avec l’objectif d’une diminution de la consommation de carburant au kilomètre et de baisse des émissions de gaz et de particules. Quant aux propositions concrètes que nous pourrions formuler, le récent rapport sur la transition énergétique dans les transports en comporte certainement.

Le texte est très elliptique sur le dialogue social car ce n’est pas l’objet. S’agissant de la transition professionnelle, la proposition d’un programme de prévision des emplois et des compétences a été adoptée à l’unanimité, sans aucune réticence.

M. Jean-Paul Delevoye. Elle constitue même un engagement très fort. Elle traduit l’inquiétude, au-delà des difficultés budgétaires, de voir l’absence de compétence professionnelle entraver la transition énergétique. Pour y répondre, il faut mettre en place une filière professionnelle garantissant des compétences à la hauteur des enjeux. Il y a un risque que la qualité ne soit pas au rendez-vous.

Mme Laurence Hézard. Nous sommes attachés à la cohérence d’ensemble. Pour mener à bien la transformation d’un certain nombre d’emplois dans les différents secteurs, le dispositif doit mobiliser tout le monde et avancer pas à pas.

Quant à la balance des emplois dans le domaine du nucléaire, nous préconisons un travail méthodique sur les différents scénarios de mix énergétique qui comporte évidemment un volet emploi et formation. Le CESE ne s’est pas exprimé sur les conséquences de la diminution de la part du nucléaire sur l’emploi, car la transition énergétique donnera lieu à une recomposition des compétences.

Les échanges au sein du CESE ont beaucoup porté sur le traitement de la précarité et l’aide aux personnes en difficulté tout en admettant que ce sujet ne relève pas de ce projet de loi. Un autre travail doit être engagé au plus près du terrain avec les différents acteurs. Malheureusement, les personnes en difficulté résident souvent dans des habitats énergivores. Le chèque énergie répond à une partie du problème mais l’effort doit porter sur l’amont pour réduire la facture plutôt que d’augmenter le chèque énergie.

L’idée d’un guichet unique, qui soit au plus proche du lieu de la rénovation, a été un point fort de nos échanges.

M. Jean-Paul Delevoye. Nous allons revoir l’ensemble des questions posées et vous adresser une contribution écrite pour y répondre de manière exhaustive.

M. le président François Brottes. Certains promettent et ne tiennent jamais, mais je sais que dans votre cas, cette crainte n’est pas fondée.

M. Jean-Paul Delevoye. La simplification est une question essentielle à nos yeux. Les textes dans ce domaine fixent des objectifs dont l’application s’avère parfois très difficile tant pour les professionnels que pour les collectivités territoriales. C’est le cas des zones de développement de l’éolien terrestre. Sur certains territoires, les promoteurs font les promesses les plus folles aux communes et les élus ne maîtrisent plus l’organisation de leur territoire. Dans ce domaine, le droit précède le politique. Le pouvoir appartient au juge qui décide d’accorder ou pas le permis. Je souhaite que vous réfléchissiez à la gestion des contentieux et au moyen de garantir que l’organisation du territoire reste à la main des élus. Parfois, la gestion des contentieux l’emporte sur la gestion des potentiels.

M. le président François Brottes. Je vous remercie pour votre contribution. Vos réponses complémentaires seront les bienvenues pour éclairer la suite de nos travaux.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Réunion du jeudi 11 septembre 2014 à 9 heures

Présents. - M. Damien Abad, M. Bernard Accoyer, Mme Sylviane Alaux, M. Julien Aubert, Mme Ericka Bareigts, M. Philippe Bies, M. Christophe Bouillon, M. François Brottes, Mme Sabine Buis, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Cécile Duflot, M. Daniel Fasquelle, M. Joël Giraud, M. Jean Launay, M. Jean-Luc Laurent, M. Alain Leboeuf, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Serge Letchimy, Mme Frédérique Massat, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, Mme Émilienne Poumirol, Mme Sophie Rohfritsch, Mme Béatrice Santais, M. Stéphane Travert, Mme Catherine Troallic, M. Jean-Paul Tuaiva

Excusés. - M. Jean-Luc Bleunven, M. Rémi Pauvros

Assistaient également à la réunion. - M. Michel Lesage, M. Hervé Pellois