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Commission spéciale pour l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Jeudi 11 septembre 2014

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 8

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie

La commission a auditionné M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

M. le président François Brottes. Chers collègues, nous recevons à présent un interlocuteur situé au cœur de la transition énergétique puisqu’il est chargé du contrôle et de la régulation du secteur, tout en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée. Votre rôle de président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), monsieur Philippe de Ladoucette, s’avère donc très important et résulte des missions que vous a confiées le Parlement. Je tiens à saluer Mme Catherine Edwige, devenue commissaire de la CRE à la suite de la recomposition de cette instance que nous avons impulsée pour mieux prendre en compte les zones non interconnectées.

Notre commission spéciale a déjà évoqué l’action de la CRE et il est apparu qu’elle ne jouait pas toujours suffisamment son rôle dans certains domaines.

M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie. La CRE a cherché à éclairer le débat sur la transition énergétique, notamment en fournissant des éléments d'information et des propositions dans ses domaines de compétence et d'expertise que sont les prix et les coûts de l'énergie – à travers ses rapports sur les coûts des fournisseurs historiques –, la surveillance des marchés, la contribution au service public de l’électricité (CSPE), les réseaux électriques intelligents et les énergies renouvelables. Néanmoins, elle a été peu sollicitée par le Gouvernement dans le cadre de l’élaboration du projet de loi sur la transition énergétique, et elle a davantage été invitée aux débats organisés par les collectivités territoriales, ce qui peut sembler paradoxal.

M. le président François Brottes. La CRE était-elle présente dans les tables rondes du débat sur l’énergie ?

M. Philippe de Ladoucette. Non.

M. le président François Brottes. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) vous a-t-il entendu ?

M. Philippe de Ladoucette. Pas davantage.

La CRE n'est pas une instance de décision en matière d’énergies renouvelables ; elle donne simplement un avis sur les arrêtés relatifs au tarif de l'obligation d'achat, pris par les ministres. Sur la base des conditions générales fixées par le ministre de l'énergie, la CRE rédige un projet de cahier des charges – arrêté par le ministre – pour les appels d’offres, répond aux questions des candidats, analyse et classe les offres reçues, et donne enfin un avis sur le choix des candidats, qui relève lui aussi de la responsabilité ministérielle.

Depuis 2011, la CRE a instruit sept appels d'offres : deux au titre des installations photovoltaïques de plus de 250 kilowatts, deux pour celles de 100 à 250 kilowatts, deux au titre des éoliennes en mer, et une pour les éoliennes avec stockage dans les DOM et en Corse ; cela représente au total une puissance de 5 100 mégawatts, soit deux fois plus qu’au cours des neuf années précédentes. La CRE a d’ailleurs reçu plus de 4 500 dossiers.

L'évolution des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, prévue par les articles 23, 24 et 25 du projet de loi, concorde avec les préconisations que la CRE avait déjà exprimées à plusieurs reprises, notamment lors de la dernière consultation publique organisée par le ministre. Sont ainsi inscrits dans le texte l'introduction d'un mécanisme de soutien du type « prix de marché plus prime » – qui constitue le complément de rémunération –, un recours accru aux appels d'offres et le renforcement des sanctions en cas d'infraction ou de manquement aux clauses d'un contrat d'achat ou d'un cahier des charges.

Le projet de loi ne contient en revanche aucun dispositif de prise en compte de l'autoconsommation.

La définition retenue pour le calcul du complément de rémunération abandonne la logique de la référence aux coûts évités et aux externalités des moyens de production – qui s’avèrent difficiles à objectiver – et se limite à un critère lié au niveau de rémunération du producteur. La CRE est favorable à ces nouvelles définitions qui permettent de clarifier le cadre de ses missions. Toutefois, en l'état actuel, le texte ne précise pas si ce calcul sera réalisé ex post ou ex ante ; or ces deux modalités présentent des implications très différentes pour l'efficacité des dispositions de soutien et pour le contrôle et la maîtrise des charges de service public. La CRE considère que la prime ex ante devrait être écartée, en ce qu'elle fait porter des risques supplémentaires sur les porteurs de projet et conduit donc à un renchérissement considérable le coût des énergies renouvelables pour un bénéfice sur les marchés très limité. La commission lui préfère donc une prime ex post qui permet d'obtenir les mêmes effets sur les marchés sans ces inconvénients. L'importance des enjeux qu'emporte cette précision sur la forme du complément de rémunération justifierait qu'elle figure dans le projet de loi.

Du fait du grand nombre de contrats d'obligation d'achat détenus par EDF Énergies Nouvelles – filiale à 100 % du groupe EDF –, il apparaît pertinent que l'acheteur unique prévu par le projet de loi ne soit plus EDF Obligation d'achat. La CRE estime que RTE présente les conditions d'indépendance requises et que la gestion du dispositif lui permettrait d'avoir accès à des informations sur la production et d'améliorer ses modèles de prévision.

Le recours plus systématique aux appels d'offres répond aux nouvelles lignes directrices de la Commission européenne, publiées en avril 2014, concernant les aides d'État à la protection de l'environnement et à l'énergie pour la période comprise entre 2014 et 2020. La CRE s'est exprimée à diverses reprises sur les avantages de ce dispositif pour les filières les plus concurrentielles et a insisté sur le besoin d’accorder une part importante au prix dans la sélection des candidats. Depuis 2011, elle a pu observer une diminution de 25 % du prix moyen pondéré des projets lauréats des appels d'offres photovoltaïques pour les petites installations – de 217 euros par mégawattheure à 162 euros. Le dernier appel d'offres a fait ressortir un prix de l'ordre de 150 euros, qu’il faut comparer au coût moyen de 480 euros pour les installations bénéficiant de l'obligation d'achat. La CRE a également suggéré de recourir aux appels d'offres pour la filière éolienne terrestre, où la concurrence entre les acteurs est forte. L'appel d'offres permet aussi de contrôler le développement des filières, en déterminant ex ante le volume total des nouvelles installations, et de définir la localisation des installations pour favoriser un développement régionalisé.

La CRE s'est exprimée à diverses reprises sur la nécessité de contrôles et de sanctions effectifs face aux cas de dérives frauduleuses qu'elle a pu identifier dans le cadre de ses missions de gestion de la CSPE – par exemple, sur la qualification de l'intégration au bâti pour le photovoltaïque. Les modalités de contrôle des installations, compte tenu des conséquences sur le niveau des charges de service public dans un contexte de renforcement de la surveillance de la gestion de la CSPE, mériteraient d'être stabilisées par voie réglementaire.

S’agissant des zones non interconnectées (ZNI), j'avais écrit en octobre 2013 au Premier ministre pour l'alerter de la nécessité de disposer d'un outil de planification des investissements dans les moyens de production d'électricité ou de maîtrise de la demande d'électricité, afin d'améliorer la gouvernance dans les DOM et de clarifier le rôle et les missions confiées à la CRE dans le cadre de la péréquation tarifaire. Nous nous réjouissons que les DOM, la Corse et Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficient désormais de leur propre programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), définie à l'article 49 du projet de loi. Ce nouvel outil permettra de disposer d'une vision intégrant le développement concomitant de la production renouvelable, du stockage et des actions de maîtrise de la demande en électricité.

La définition d'une enveloppe quinquennale de moyens publics alloués à la réalisation de l'objectif de mix énergétique devrait par ailleurs permettre une maîtrise de l'augmentation des charges de service public ou, a minima, une meilleure visibilité sur leur évolution.

Le projet de loi ne dit rien du partage entre les régions de Guadeloupe et de Martinique et la CSPE sur la prise en charge des surcoûts résultant de dispositifs spécifiques à un territoire, adoptés dans le cadre des habilitations. Ce silence peut poser un problème.

Le sujet ayant trait à la gouvernance de la CSPE est lié aux dispositions relatives aux énergies renouvelables et aux ZNI qui ont une incidence sur le niveau des charges couvertes. La CRE exerce les missions prévues par le code de l'énergie ; ainsi, elle propose au ministre chargé de l'énergie, avant le 15 octobre de chaque année, le montant des charges à retenir pour l'année suivante et celui de la contribution unitaire permettant de les couvrir. Pour ce faire, elle étudie les déclarations de charges prévisionnelles et constatées qui lui sont transmises par 140 acteurs différents. D’importantes opérations de contrôle sont effectuées en cette occasion sur l'ensemble des données déclarées, qui représentent, pour la métropole continentale, 25 millions d'informations recouvrant 30 types de contrat et plus de 100 conditions tarifaires différentes. La CRE a développé des systèmes d’information pour effectuer cette tâche. Elle supervise les opérations de recouvrement et valide les demandes d'exonération de la CSPE, en lien avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui représentent plusieurs milliers de déclarations. Ces exonérations, applicables aux gros consommateurs industriels, sont chaque année plus nombreuses. Elle émet également un avis sur les décisions ayant des conséquences sur les charges de service public, à savoir les nouveaux projets d'investissement dans les ZNI et les tarifs d'obligations d'achat.

La CSPE représente aujourd'hui 6,2 milliards d’euros de charges au titre de l'année 2014, résultant du soutien aux énergies renouvelables et à la cogénération – pour 4,2 milliards d’euros qui se divisent en 2,1 milliards pour le photovoltaïque, soit 34 % des charges totales, et 855 millions pour l'éolien, soit 14 % de celles-ci –, de la péréquation tarifaire dans les ZNI – représentant 1,7 milliard d’euros – et de la mise en œuvre de dispositifs sociaux, soit 350 millions d’euros et 5,6 % des charges.

En 2014, la CSPE représente 13 % de la facture d'un client ; toutefois, elle reste fixée à un niveau inférieur à ce qu'il devrait être pour couvrir la totalité des charges, ce qui occasionne un important déficit de compensation pour EDF.

La CRE accueille favorablement la création d'un comité de gestion de la CSPE ayant pour vocation de favoriser la maîtrise des charges. Le fait de soumettre à un organe comprenant des parlementaires une évaluation du coût des charges liées aux appels d'offres – qui peuvent engager la CSPE pour 20 ans, pour des montants parfois considérables, comme les deux appels d’offres sur l’éolien en mer qui représentent 1,75 milliard d’euros par an pendant 20 ans – est logique compte tenu de la nature fiscale de ce prélèvement. Certaines des missions confiées à ce comité recoupent le travail que la CRE effectue déjà, notamment s'agissant des avis sur les décisions susceptibles d'affecter le niveau des charges et la publication de scénarios prospectifs. En mai 2011, j’avais présenté une simulation de la CSPE à l’horizon de 2020 : nous avions sous-estimé la progression de la CSPE car nous n’avions pas anticipé la baisse du prix de marché de gros. Dans le cadre de notre rapport sur le fonctionnement des marchés de détail de l'électricité et du gaz, nous avons publié depuis janvier 2013 des scénarios prospectifs et avons émis de nombreux avis sur la rentabilité des installations bénéficiant d'un dispositif de soutien, soit à l'occasion de la publication de nouveaux arrêtés tarifaires, soit lors de notre première analyse des coûts et de la rentabilité des filières d’énergies renouvelables, publiée en avril 2014. La mise à jour semestrielle des scénarios prospectifs d'évolution des charges pourrait être réalisée par la CRE, qui est l’organisme disposant de l'expertise et des données nécessaires.

Le Conseil d'État a récemment transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité sur la CSPE, qui porte sur le caractère insuffisamment précis de la définition de ses modalités de recouvrement par le législateur. La CRE a été saisie de 47 000 demandes de remboursement de la CSPE fondée sur ce moyen et sur celui de l'illégalité du tarif éolien de 2008. Elle n'a évidemment pas les moyens de faire face au recouvrement et au contentieux de la CSPE, qui n'a d’ailleurs aucun lien avec la régulation et qui devrait relever de l'administration fiscale.

La CRE suit les appels d’offres sur les énergies renouvelables, activité chronophage imposée par le législateur national, mais qui ne correspond pas au rôle de régulateur de la commission ; d’ailleurs, aucune directive européenne n’impose que cette tâche soit assumée par une autorité administrative indépendante de régulation. Cette situation pose à la CRE des problèmes de moyens. L’administration fiscale pourrait être chargée de cette mission et de celle liée à la CSPE.

Concernant les électro-intensifs, la CRE se félicite du principe de l'inclusion de dispositions sur ces consommateurs à l'article 43 du projet de loi, qu’elle a d'une certaine façon anticipée dans sa délibération du 7 mai 2014. Pour qu'un tel dispositif puisse être efficacement mis en vigueur, deux éléments importants doivent être pris en compte : tout d’abord, des échanges avec la Commission européenne – et avec l'Allemagne et les Pays Bas qui ont adopté des mesures comparables – concernant le principe, le niveau et les justifications de l'abattement sont souhaitables, afin que les pays de l’Union européenne (UE) aient une approche harmonisée des mesures concernant leurs industries électro-intensives et ne se livrent pas à une concurrence tarifaire en la matière ; ensuite, il est très important que la loi ne se contente pas de renvoyer à une approche technique et économique pour fonder le calcul de l'abattement. Elle doit en effet définir d'autres critères pour le justifier, en délimitant les catégories concernées et en fixant les modalités de calcul voire son montant. En l’état actuel du texte, la CRE n’aura pas les compétences techniques et économiques pour faire face au dispositif créé par la loi.

Le droit à l'expérimentation locale permettra d'offrir au gestionnaire de réseau de distribution un service de flexibilité locale. L'article 58 du projet de loi introduit un droit à l'expérimentation des boucles locales, afin de fédérer au sein d'une association un ensemble de consommateurs et de producteurs, et de gérer les flux d'électricité en corrélant consommation et production à la maille locale ; cela doit se traduire, d'après le texte, par une convention conclue avec le gestionnaire de réseau et dont les modalités financières et techniques doivent être soumises à l'approbation de la CRE. Celle-ci est évidemment favorable à ce que des acteurs puissent s'associer localement pour innover, mais nous nous interrogeons sur ce qui pourrait être soumis à l'approbation du régulateur. En outre, ce dispositif aurait pour effet d'imposer des modalités particulièrement contraignantes ; ainsi, une collectivité devra regrouper les acteurs en association, l'avis conforme du gestionnaire de réseau sera nécessaire, l'association constituée ne pourra pas pouvoir évoluer au fil du temps alors que de nouveaux acteurs pourraient souhaiter la rejoindre, et les modalités techniques et financières devront faire l'objet d'une approbation du régulateur avant toute mise en œuvre. Ce système nous semble un peu lourd et complexe.

L'article 59 du projet de loi introduit un droit à un déploiement expérimental d'un ensemble de solutions de réseaux électriques intelligents dans une zone géographique, permettant au Gouvernement de prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour mener à bien cette expérience. Sans attendre la publication d'une ordonnance pour accompagner ce déploiement expérimental, la CRE a déjà identifié des évolutions législatives qu'il conviendrait d’adopter dès maintenant. Dans sa délibération du 12 juin 2014 portant recommandations sur le développement des réseaux électriques intelligents en basse tension, elle propose trois modifications de la loi touchant à la qualification juridique de l'activité de recharge du véhicule électrique, à la prise en compte par le code de l'énergie des installations de stockage d'électricité et à la création d'un nouveau chapitre dans le code de l'énergie sur la modulation à la hausse de la consommation, en complément de l'effacement

L’article 47 du projet de loi dispose que « la CRE peut faire contrôler aux frais des entreprises les informations qu'elle recueille dans le cadre de ses missions ». Ces dispositions sont essentielles pour la CRE dans le contexte budgétaire actuel très contraint – la CRE ne dispose plus en effet que de ressources très limitées pour financer des audits sur les 50 milliards d’euros de facture d'énergie qu'elle fixe ou qu’elle contrôle –, car elles lui permettraient de transférer la charge de ces contrôles aux entreprises concernées. Il serait utile de préciser que ces contrôles sont effectués, comme dans les dispositions actuellement applicables à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH), « par un organisme indépendant qu'elle choisit ». Concrètement, les auditeurs seront choisis par la CRE dans une procédure de marché public et payés par l'opérateur concerné via une délégation de paiement. Nous parlons là d’une somme n’excédant pas un million d’euros.

M. le président François Brottes. Nous avons auditionné hier M. Jean Gaubert, médiateur de l’énergie, qui nous a affirmé être disponible pour faciliter des négociations sur les installations de gestion des énergies renouvelables chez les particuliers. Avez-vous un avis sur cette question ?

Nous avons longuement évoqué la gouvernance d’ERDF, et il apparaît qu’il serait opportun que la CRE dispose des mêmes pouvoirs sur ERDF que ceux qu’elle possède sur réseau de transport d’électricité (RTE) en matière de planification et d’investissements. Quel est votre sentiment sur ce sujet des réseaux ?

L’infrastructure raccordant les boucles locales, ou les autoconsommateurs et les autoproducteurs, doit-elle être en partie financée par ceux qui n’utilisent pas l’énergie du réseau, mais qui peuvent en avoir besoin à tout moment ? Le prix de cette sécurité équivaut-il à un tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) ? Le texte évoque l’autoconsommation, mais ne définit pas le périmètre des modalités d’accès et de financement.

Nous sommes nombreux à penser que le consommateur ne se retrouve pas dans le compteur Linky, car il ne dispose pas d’information en temps réel sur son niveau de consommation, qui pourrait l’aider à la moduler. La CRE pense que le marché résoudra la question grâce aux offres d’interface proposées par les opérateurs ; ainsi, ceux qui peuvent payer le feront et ceux rencontrant des difficultés financières pour acquitter leurs factures ne bénéficieront jamais de ce service. Que penserez-vous d’une disposition législative exigeant l’accessibilité gratuite de tous – et en priorité des plus démunis – à cette information ?

Ce thème rejoint celui de l’élargissement de l’assiette de financement de la CSPE, rendu nécessaire par l’augmentation de celle-ci : pourquoi seule l’électricité financerait l’émergence des énergies renouvelables alors que l’on peut produire du gaz à partir de l’électricité ?

S’agissant de l’effacement, je suis déçu que la volonté du législateur – exprimée dans la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennesde favoriser les mégawatts non consommés se soit traduite par une rémunération de ceux qui ne vendent pas les kilowatts qu’ils espéraient vendre. Ce détournement de la lettre et de l’esprit de la loi nous conduira à la retravailler. Quelle est votre opinion sur ce sujet ?

RTE a annoncé hier des chiffres faisant état de tensions à venir concernant la consommation. Votre analyse corrobore-t-elle cette approche ou prenez-vous les simulations de RTE pour argent comptant ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour les titres Ier et V. Monsieur le Président Ladoucette, dans votre introduction, vous avez évoqué le complément de rémunération : le transfert d’une partie du risque de marché sur les producteurs d’énergie renouvelable aura probablement un impact sur leurs coûts de production et par conséquent, sur la CSPE. Car pour vendre leur électricité sur le marché, ces producteurs devront probablement avoir recours à des agrégateurs, ce qui risque de leur coûter cher. À quelle alternative pourraient-ils recourir ? Devrait-on prévoir un mécanisme de transition à l’allemande ? Les producteurs auraient alors la liberté de choisir entre le régime des tarifs d’achat et le régime du complément de rémunération. Des allers-retours trop fréquents entre ces deux voies poseraient-ils des difficultés ?

S’agissant des options de prime, vous avez évoqué votre préférence, qui rejoint celle du Syndicat des énergies renouvelables.

En ce qui concerne l’élargissement de la base de la CSPE, la hausse prévue est inéluctable si l’on ne modifie pas le système.

Eu égard aux sanctions, quels volumes et quelles formes de manquements aux obligations figurant dans les contrats des producteurs avez-vous pu observer ?

Enfin, de nombreux électro-intensifs seront en grande difficulté en fin d’année 2015. Comment faire pour permettre l’accès à l’énergie électrique la plus compétitive – et en particulier à l’hydraulique historique ? Quels seraient pour vous les critères les plus pertinents pour identifier les entreprises bénéficiaires : le procédé de production, l’électro-intensivité, le marché, la valorisation d’effacement ou la saisonnalité ?

M. Denis Baupin, rapporteur pour le titre VIII. Comme l’a évoqué le Président Brottes, les compétences de la CRE pourraient être étendues au contrôle du respect par ERDF de sa trajectoire d’investissement, comme c’est déjà le cas pour RTE. Et vous écriviez dans votre rapport d’activité de 2008 qu’il vous paraîtrait indispensable que les dividendes que ERDF reverse à EDF respectent les équilibres financiers d’ERDF afin de maintenir un niveau de capitalisation compatible avec un fonctionnement indépendant. Le moins qu’on puisse dire aujourd’hui, c’est que l’impossibilité pour ERDF de s’endetter en raison même de l’endettement considérable de son entreprise-mère EDF, ne contribue pas à en faire une entreprise fonctionnant de façon indépendante, ni à garantir un niveau de qualité d’entretien des réseaux attendu par les consommateurs. Ne serait-il pas temps de doter ERDF d’un statut similaire à celui de RTE ?

S’agissant des énergies renouvelables, vous avez évoqué la notion d’acheteur unique et indiqué que RTE pourrait jouer ce rôle plutôt qu’EDF. Mais faut-il vraiment un acheteur unique ? Le rachat d’électricité produite à l’aide d’énergies renouvelables ne pourrait-il pas être ouvert à la concurrence ? L’intervention de différents acteurs permettrait de faire baisser le prix globalement payé par la collectivité.

Je n’ai pas compris si vous jugiez pertinent l’article 50 du projet de loi, qui porte sur la CSPE. Sachant que la CRE exécute d’ores déjà l’ensemble des dispositions qui y figurent, en quoi l’ajout d’un dispositif supplémentaire consolidera-t-il la CSPE ? Cela vous paraît-il utile ou superfétatoire ?

Enfin, vous n’avez pas abordé le chèque-énergie : le projet de loi prévoit qu’il sera « notamment » financé grâce à la CSPE et une contribution sur le gaz. Ce matin, le président de l’ADEME nous expliquait l’ampleur des besoins de financement qu’il représente : tout porte à croire que ce « notamment » pourrait être très insuffisant, à moins d’augmenter ces deux contributions au risque d’entraîner un effet pervers, dans la mesure où les consommateurs d’électricité et de gaz se retrouveraient seuls à payer pour l’ensemble des publics précaires – y compris lorsqu’ils se chauffent au fioul ! Quelle est l’analyse de la CRE à ce sujet ?

Mme Éricka Bareigts, rapporteure pour le titre VII et le chapitre IV du titre VIII. S’agissant des modalités d’évaluation des projets proposés pour les zones non interconnectées, la réflexion que nous avons menée nous a conduits à constater que les projets finalement retenus sont tout à la fois les plus lourds et ceux qui dont l’impact environnemental pour nos territoires n’est pas le meilleur. Devrions-nous retenir d’autres critères d’évaluation, qui fassent notamment une plus grande part à l’environnemental et au social ? L’instauration d’une programmation pluriannuelle de l’énergie ne nous permettra-t-elle pas d’améliorer l’évaluation de ces projets et par conséquent de diminuer le coût de ceux qui seront pris en charge au titre de la CSPE ?

Vous avez évoqué l’impact des lois d’habilitation sur la CSPE. Selon nous, ces lois contribuent à la transition énergétique dans la mesure où elles permettent une meilleure adaptation des projets ainsi qu’une meilleure maîtrise de la consommation énergétique des bâtiments sur les territoires. Nous estimons devoir intégrer ces lois d’habilitation dans une logique de PPE ; et au-delà du strict aspect budgétaire, la PPE s’inscrit dans une démarche politique en ce qu’elle est capable d’entraîner une approche de cogestion et de cofinancement. Du coup, elle pourrait devenir un moyen pour vous de modifier demain l’approche d’évaluation des projets et peut-être d’infléchir leur impact financier sur la CSPE.

M. Philippe de Ladoucette. Mme Battistel a évoqué le problème des petits producteurs d’énergie renouvelable qui vendraient leur électricité sur le marché : nous pensons qu’il faut réserver ce mécanisme aux grosses installations capables de se positionner sur le marché et que les petits producteurs doivent rester préservés de ces dispositifs.

Nous n’avons pas réfléchi à l’idée d’une transition à l’allemande, mais cela fait effectivement partie des réflexions possibles.

La CRE n’a pris aucune position sur la question de l’élargissement de la base de la CSPE. Notez que je n’exprime ici aucune position personnelle mais uniquement celles qui sont délibérées par le collège de la commission. Sachez toutefois que si vous élargissez cette base au gaz, cela aura une incidence certaine sur son prix, en tout cas pas négligeable.

La réflexion relative aux électro-intensifs relève de la politique industrielle et non de la politique énergétique. En matière de politique énergétique, nous ne disposons pas aujourd’hui de marges de manœuvre suffisantes pour pouvoir accorder des avantages aux entreprises électro-intensives sans avoir à le justifier auprès de la Commission de Bruxelles. Si nous l’avons fait, c’est que nous avons suivi le modèle allemand. Or celui-ci a été longuement discuté avec la Commission. Qui plus est, le régulateur allemand n’est pas soumis aux mêmes contraintes que le régulateur français : ainsi, il n’y a pas de péréquation en Allemagne, ce qui facilite les choses. Si nous accordons des avantages aux électro-intensifs sans en avoir discuté avec la Commission, nous serons immanquablement rattrapés par la Direction de la concurrence.

S’agissant des sanctions, je n’ai pas bien compris votre question, Madame Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour les titres Ier et V. Avez-vous recensé de nombreux manquements aux obligations des contrats conclus par les exploitations de production d’électricité renouvelable, sachant que le projet de loi instaure de nouvelles sanctions à leur encontre ?

M. Philippe de Ladoucette. Je n’ai cité tout à l’heure que l’exemple des toitures. Nos contrôles sont aléatoires : nous n’avons pas les moyens d’en effectuer sur l’ensemble du territoire. Cette question mériterait toutefois d’être regardée de plus près. Car si nos contrôles restent insuffisants, ceux que nous avons effectués nous ont permis de constater des dérapages. De ce point de vue, l’instauration de sanctions pourrait contribuer à la maîtrise de l’évolution de la CSPE.

Monsieur Baupin, vous avez cité le rapport d’activité de la CRE de 2009 et non celui de 2008 : nous avons effectivement un peu levé le pied sur ce sujet horriblement conflictuel pour nos partenaires : les collectivités locales, ERDF, la maison-mère et son actionnaire principal qu’est l’État.

M. Denis Baupin, rapporteur pour le titre VIII. Vous êtes donc influençable !

M. Philippe de Ladoucette. Nous sommes indépendants, mais dans une certaine mesure…

Un autre élément entrerait en jeu si nous devions exercer la responsabilité d’approuver les programmes d’investissement d’ERDF. Lorsque nous le faisons pour RTE, l’approbation est annuelle, conformément à la loi française, mais triannuelle et décennale au titre du droit européen. Sur quelle base se fondera-t-on pour considérer que ERDF doit investir dans telle zone plutôt que dans une autre alors que notre structure est localisée à Paris ? Quelle légitimité le régulateur aurait-il pour entrer dans de tels détails ? Le cas de RTE est différent car il développe de très grands programmes. Par conséquent, si le principe est séduisant, son application poserait très rapidement un problème de faisabilité. Je conçois difficilement un dialogue entre les collectivités locales, la FNCCR, la CRE, ERDF et son actionnaire sur ce sujet. On pourrait imaginer de s’accorder sur une enveloppe globale sans entrer dans le détail, pour peu que l’on s’y tienne une fois celle-ci affichée. Mais nous n’avons pas les moyens d’entrer dans le détail des investissements locaux, car nous ne sommes pas décentralisés.

Le régulateur allemand, qui a aujourd’hui la responsabilité d’approuver les investissements de l’ensemble des gestionnaires de réseau, dispose pour cette seule tâche de 100 personnes, tandis que nous n’en avons que 125 pour tout faire !

Une approbation globale des investissements d’ERDF est envisageable, mais cette solution ne répondra pas totalement à la préoccupation des collectivités locales qui souhaitent que les investissements prévus dans tel ou tel département soient effectivement réalisés.

Quant à accorder à ERDF un statut similaire à celui de RTE, c’est là une question d’indépendance globale qui dépasse celle de l’approbation des seuls programmes d’investissement. La CRE publiant des rapports relatifs aux codes de bonne conduite et à l’indépendance, elle ne peut qu’être favorable au renforcement d’ERDF.

M. le Président François Brottes. Vous êtes donc d’accord sans être d’accord.

M. Philippe de Ladoucette. Je suis d’accord sur le principe, mais sa mise en application ne me paraît pas techniquement faisable.

M. le Président François Brottes. Voulez-vous dire que vous n’avez pas les moyens de l’appliquer ? Pour RTE, comment faites-vous ?

M. Philippe de Ladoucette. Ce n’est pas pareil. Nous ne sommes pas dans des ruisseaux comme dans le cas d’ERDF.

M. le Président François Brottes. Mais ce sont les ruisseaux qui font les grandes rivières…

M. Philippe de Ladoucette. S’agissant de RTE, ce sont des éléments très lourds que nous examinons, mais nous n’entrons pas dans tous les détails : si RTE a un projet d’investissement d’un montant donné et qu’il décide d’investir moins, il devra nous expliquer pourquoi.

M. le Président François Brottes. Autrement dit, vous pourriez le faire mais vous n’en avez pas les moyens.

M. Philippe de Ladoucette. Cela pose un problème de légitimité vis-à-vis des collectivités locales.

M. le Président François Brottes. Mais la loi pourrait organiser les choses…

M. Philippe de Ladoucette. Certes.

M. le Président François Brottes. La question de la légitimité de votre intervention aux yeux des collectivités locales peut être soulevée, dans la mesure où celles-ci sont effectivement propriétaires des réseaux. Nous savons bien, pour en avoir débattu, qu’il est plus facile d’obtenir de l’argent pour enterrer des lignes que pour assurer la maintenance des transformateurs du réseau de distribution. C’est le cas dans ma commune où un transformateur a pris feu alors que l’enterrement de l’ensemble des réseaux a pu être financé ! Je persiste à penser qu’il vaut mieux réserver la priorité à la sécurité. Reste que l’organisation de la gestion des investissements sur les réseaux de distribution est défaillante, malgré l’application du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité. C’est tout de même vous qui déterminez le niveau auquel doit être rémunéré le réseau de distribution ! Vous ne pouvez fixer le montant sans vous assurer la bonne exécution des investissements réalisés sur ce réseau…

M. Philippe de Ladoucette. Nous pouvons contrôler si un investissement de 3 milliards d’euros a été réalisé tel que prévu au départ, mais nous n’avons pas les moyens de vérifier si, parmi ces 3 milliards, le gestionnaire de réseau a bien investi les 200 millions prévus à un tel endroit, tel que l’espérait la collectivité locale concernée. Ce n’est pas faisable pour un organisme comme le nôtre.

M. le Président François Brottes. Bref, c’est comme pour les campagnes électorales : vous contrôlez le montant global mais vous ne regardez pas comment cela a été dépensé !

M. Philippe de Ladoucette. Pour RTE, si. Pour ERDF, ce n’est pas possible.

M. le Président François Brottes. Nous insistons, car le sujet est important.

Mme Frédérique Massat. La séparation d’EDF et ERDF et leur indépendance patrimoniale permettent déjà de réduire le degré de porosité entre les deux structures et donc de garantir une certaine visibilité sur les investissements du réseau de distribution. À ce titre, la CRE a son rôle à jouer en matière de contrôle. Cela est nécessaire pour que nous puissions nous assurer que les opérations prévues sur le réseau y sont bien réalisées. Surtout lorsque l’on sait les investissements que cela suppose – sans même parler des réseaux communicants ni des smart grids.

M. le Président François Brottes. Nous aurons forcément ce débat dans le cadre de l’examen du projet de loi.

M. Philippe de Ladoucette. S’agissant de la pertinence de l’article 50 du projet de loi, organiser la présence de parlementaires au sein du comité de gestion de la CSPE peut être une garantie supplémentaire en terme de contrôle ; mais pour le reste, cela n’apportera rien. Peut-être cela nous donnera-t-il du boulot en plus, mais ce n’est pas ce comité qui fera le travail que nous faisons déjà. Ou alors, nous allons le lui repasser, et avec grand plaisir… Mais je ne crois pas qu’il le fera. L’intérêt de l’article 50 tient à ce qu’il introduit la présence de parlementaire dans la mécanique, qui permettra de légitimer les évolutions de la CSPE.

La CRE n’a effectué aucune analyse du chèque-énergie.

Faut-il un acheteur unique ou plusieurs acheteurs ? Le problème en multipliant les acheteurs uniques, c’est que vous multipliez aussi les frais de gestion de la CSPE. Cette multiplication pourrait avoir des vertus, mais il faudrait faire une analyse des coûts et bénéfices de cette option avant de la retenir. C’est là une question à laquelle je n’ai pas de réponse définitive. Cela étant, nous gérons aujourd’hui 300 000 contrats. Les répartir sur plusieurs acheteurs aura incontestablement un impact.

Eu égard à l’évaluation des projets portant sur les ZNI, vous estimez, Madame Bareigts, que nous ne retenons pas toujours les projets les plus intéressants pour les territoires concernés car nous prenons essentiellement en compte un critère de prix et non des critères sociaux ou environnementaux : c’est effectivement ainsi que nous procédons. Car dès lors que l’on tient compte de critères très subjectifs, on se heurte à un problème d’évaluation et de réalisation, même si la loi définit leurs fondements. Sur quelle base objective allons-nous juger de la valeur environnementale ou sociale d’un projet ? Qui nous fournira une expertise ? Je m’exprime ici sans filet, car nous n’avons pas abordé ce sujet au sein de la CRE. Si jamais la loi le prévoit, nous verrons comment faire ; mais cela pose problème.

Mme Éricka Bareigts, rapporteure pour le titre VII et le chapitre IV du titre VIII. J’entends bien que les critères social et environnemental sont subjectifs et qu’ils seraient donc difficiles à évaluer pour la CRE. Mais dès lors que la PPE deviendrait un document de programmation budgétaire et politique, ne pourrait-elle constituer l’élément de référence pour l’évaluation des projets présentés à la CRE ?

M. Philippe de Ladoucette. En effet : la réponse est oui.

J’en reviens aux questions du président Brottes.

J’ai indiqué tout à l’heure que nous n’avions pas d’avis sur l’élargissement de la CSPE. Mais si vous l’élargissez au gaz, je répète que cela augmentera son prix de façon non négligeable.

Je n’ai pas d’avis a priori sur les préconisations du médiateur visant à faciliter l’installation de systèmes de production d’énergie renouvelable chez les particuliers.

M. le président François Brottes. Ma question portait sur la médiation des conflits.

M. Philippe de Ladoucette. À mon avis, le médiateur le fait déjà.

M. le président François Brottes. Non, mais il souhaiterait s’en charger.

M. Philippe de Ladoucette. Ce serait très bien.

En ce qui concerne l’autoconsommation et les boucles locales, on ne peut à la fois vouloir bénéficier d’une assurance sans la payer. À moins de vivre en autarcie totale, quiconque est relié au réseau de distribution ou de transport doit à l’évidence payer le TURPE : quel que soit l’usage qu’un particulier fait du réseau, l’investissement est le même.

S’agissant de Linky, la ministre de l’écologie a fait une annonce, lors d’une conférence de presse récente, concernant l’information des consommateurs en temps réel.

M. le président François Brottes. Vous aurez compris que le Parlement souhaite parfois aller plus loin que le Gouvernement…

M. Philippe de Ladoucette. Nous avons déjà averti le Gouvernement que l’on frôlait l’atteinte au droit de la concurrence. La France a fait le choix d’accorder un monopole au distributeur – jusqu’au compteur mais pas au-delà.

M. le président François Brottes. Ce que nous souhaitons, c’est que le consommateur sache qu’il est en train de dépenser pendant que son compteur tourne, quel que soit son fournisseur. Le compteur de votre voiture vous indique à quelle vitesse vous roulez et quelle quantité d’essence vous consommez : cela ne met nullement en cause le droit de la concurrence ! Si le compteur est intelligent, qu’il le soit pour tout le monde : pas seulement pour les roues de la voiture, mais aussi pour le conducteur…

M. Philippe de Ladoucette. Je ne saurais vous répondre.

Pour ce qui est des tensions à craindre sur le niveau de consommation en hiver, nous en discutons, mais nous considérons que RTE est une entreprise sérieuse et nous prenons en considération ses propos.

J’ignore où l’on en est concernant l’effacement. J’ai perdu la trace du dossier il y a un certain temps. Une fois que nous avons exprimé notre avis et que le dossier a été transmis au Conseil supérieur de l’énergie, il n’a plus été de notre ressort mais de celui du Gouvernement.

M. le président François Brottes. Cela nous permet de voir comment les lois que nous votons s’appliquent ou pas : on peut donc les effacer…

M. Philippe de Ladoucette. Pour ce qui nous concerne, nous n’avons rien effacé du tout : nous avons fait notre travail – en trois mois –, envoyé le dossier au Gouvernement, et nous ne l’avons plus revu…

M. Julien Aubert. Vous avez évoqué l’élargissement de l’assiette de la CSPE. L’autre lame du ciseau consisterait à mieux contrôler la croissance des énergies renouvelables. Le médiateur de l’énergie nous a indiqué que l’engagement en faveur des énergies renouvelables s’élèverait à 80 milliards d’euros, chiffre qui ne correspond pas à une valeur actualisée nette mais à l’addition de plusieurs éléments. Avez-vous un chiffre convergent ?

Que pensez-vous du dispositif du complément de rémunération prévu par le projet de loi ? Aura-t-il un impact sur ces engagements ? Si oui, de quelle ampleur ?

Enfin, je voudrais indiquer au Président Brottes qu’il existe un autre moyen de développer le compteur intelligent, grâce aux applications des smartphones. En effet, certaines entreprises permettent au citoyen, moyennant quelques euros, de couper à distance son radiateur ou sa télévision et de contrôler sa consommation d’énergie depuis son téléphone mobile. Par conséquent, si l’utilisation de Linky pose des problèmes juridiques, le législateur pourra adopter des dispositifs encourageant les Français à se doter de ce type d’applications.

Mme Cécile Duflot. Les questions que je souhaitais poser sur ERDF ont largement été évoquées. Une dépêche AFP a fait état de la baisse des moyens de la CRE. Faut-il en déduire que des menaces réelles pèsent sur la capacité de votre commission à assumer l’ensemble de ses missions ?

M. Jean Launay. En septembre 2010, j’ai commis avec Michel Diefenbacher un rapport sur les enjeux et les perspectives de la CSPE. C’est l’important déficit de compensation à EDF qui fut à l’époque à l’origine de la demande de rapport de la commission des finances. Même si la bulle photovoltaïque qui causa ce déficit s’est beaucoup réduite, celui-ci demeure. Il convient donc de trouver des solutions. L’élargissement de la base de la contribution ne serait-il pas le moyen adéquat pour mettre les citoyens en situation d’égalité au regard des modes d’énergie auxquels ils ont recours pour se chauffer ? Voilà qui pourrait partiellement répondre à la question prioritaire de constitutionnalité actuellement en cours de traitement, qui porte sur les conditions précises de son encaissement. Dès lors que l’on renforce l’égalité des citoyens devant les bases en appliquant un taux unique – quitte à entraîner une augmentation du prix du gaz –, la portée de la QPC pourrait s’en trouver atténuée. Vous avez également avancé l’idée que l’encaissement de la CSPE devrait relever des impôts, confirmant par là qu’il s’agit bien d’une imposition de toute nature, comme je l’ai indiqué dans le débat d’hier. Cela dit, le reversement et la centralisation de la CSPE s’opèrent via la Caisse des dépôts et consignations : cela vous paraît-il à ce point inopérant pour souhaiter un retour à un encaissement par l’administration compétente ? Je ne pense pas qu’il soit opportun, au moment où l’on veut atténuer le poids de la dépense publique, de re-centraliser le recouvrement des taxes affectées comme certains le préconisent, y compris au Haut conseil des prélèvements obligatoires. Notre État reste très jacobin et souhaite procéder à de nombreuses rebudgétisations. Mais en l’occurrence, je crois qu’on améliorerait la lisibilité du système en élargissant la base de la CSPE.

M. le président François Brottes. Je suis troublé par la notion d’imposition de toute nature dans la mesure où la CSPE ne relève pas du budget de l’État.

M. Philippe de Ladoucette. Les engagements en faveur des énergies renouvelables et la péréquation seront effectivement de l’ordre de 80 milliards d’euros au cours des dix prochaines années. Mais il convient d’y ajouter 35 milliards d’euros au profit de la production offshore.

J’ignore quel est l’impact du complément de rémunération sur la CSPE.

M. le président François Brottes. Pourriez-vous nous fournir une réponse écrite à cette question dans les jours qui viennent ?

M. Philippe de Ladoucette. J’essaierai.

Pour répondre à la question de Mme Duflot sur la baisse des moyens de la CRE, je tiens à rappeler que de tous les régulateurs de l’énergie des dix plus grands pays européens, la commission de régulation de l’énergie est la plus petite en termes d’effectifs. Les Anglais emploient 700 personnes, les Roumains 307, les Allemands 285, les Hongrois 235. Nous n’en employons que 125. Nous sommes également le régulateur le moins bien doté en termes de budget. Nous ne disposons donc pas des mêmes moyens que nos homologues européens. Les « arbitrages » opérés à un moment donné au ministère du redressement productif nous ont conduits à une diminution du nombre d’emplois de l’ordre de 4 % contre 2 % pour le reste de l’administration des finances. J’ai d’ailleurs écrit au Premier ministre à ce sujet pour lui indiquer que dans de telles conditions, nous serions amenés à abandonner certaines de nos responsabilités ou à les exercer de façon très dégradée. Je songe en particulier aux appels d’offres : si ces arbitrages devaient être confirmés, nous ne mettrions plus deux ou trois mois pour les traiter, mais six à neuf mois. Depuis 2009, le législateur nous a accordé sa confiance en nous confiant de plus en plus de responsabilités – et nous en exerçons beaucoup. Mais jamais nos moyens n’ont suivi : ils ont au contraire diminué, tant en termes de capacités d’étude que d’emplois. Les arbitrages opérés nous ramènent à notre situation d’emploi de 2005, soit dix ans en arrière. Il est possible que les décisions que j’évoque ne soient pas définitives. Mais voilà où nous en sommes aujourd’hui.

S’agissant de l’élargissement de la base de la CSPE, la CRE n’a pas pris position officiellement. Mais s’il fallait l’élargir, il faudrait inclure le fioul.

Enfin, en ce qui concerne le rôle de la Caisse des dépôts et de l’administration, ce n’est pas elle mais bien la CRE qui a reçu 47 000 demandes de remboursement. Or notre commission est incapable de gérer une telle situation. Ne serait-ce que pour le stockage du courrier, il nous a fallu louer des locaux à l’extérieur ! Il est donc inconcevable que la CRE puisse assurer la gestion d’un tel dossier, dans l’hypothèse où il faudrait rembourser les demandeurs. À moins de la transformer en administration pure et simple, et qu’elle ne fasse plus que cela.

M. le président François Brottes. Je vous remercie, monsieur le Président.

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Membres présents ou excusés

Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Réunion du jeudi 11 septembre 2014 à 16 heures

Présents. - Mme Sylviane Alaux, M. Julien Aubert, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. Christophe Bouillon, M. François Brottes, Mme Sabine Buis, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, Mme Cécile Duflot, M. Jean Launay, M. Alain Leboeuf, M. Jean-Yves Le Déaut, Mme Frédérique Massat, M. Philippe Plisson, Mme Émilienne Poumirol, M. Patrice Prat, Mme Béatrice Santais, M. Stéphane Travert, Mme Catherine Troallic

Excusés. - M. Patrice Martin-Lalande, M. Rémi Pauvros