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Commission spéciale pour l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Mercredi 17 septembre 2014

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 13

Présidence de M. François Brottes Président

– Table ronde, ouverte à la presse, avec la participation de M. Jean-Jack Queyranne, président de la commission « Développement durable, environnement » de l’Association des régions de France (ARF), Mme Frédérique Massat, députée, présidente de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM), M. Philippe Angotti, représentant de l’Association des communautés urbaines de France (ACUF), M. Martial Saddier, député, représentant de l’Association des maires de France (AMF), M. Jean Révéreault, représentant de l’Association des communautés de France (AdCF), M. Bruno Sido, sénateur, secrétaire général de l’Assemblée des départements de France (ADF), Mme Hélène Geoffroy, députée, vice-présidente de la communauté urbaine du Grand Lyon, en charge de l’énergie, et M. Christophe Porquier, représentant de l’ARF

M. le président François Brottes. Cette table ronde s’annonce comme un grand moment, puisque j’ai souhaité que l’ensemble des organisations représentatives des collectivités locales de notre pays nous fassent part ensemble de leurs différents points de vue sur la transition énergétique. L’Association des maires des grandes villes de France n’ayant pas répondu à notre invitation, j’en déduis qu’ils n’ont rien à dire sur la transition énergétique...

M. Jean-Jack Queyranne, président de la commission « Développement durable, environnement » de l’Association des régions de France (ARF). Les régions se sont fortement impliquées dans les débats préparatoires au projet de loi sur la transition énergétique ; au total, ce sont plus de huit cent cinquante débats qui ont été organisés, mobilisant plus de cent soixante-dix mille personnes. Cela témoigne des attentes fortes et de la mobilisation citoyenne que suscite ce projet.

Les régions et les collectivités territoriales sont vouées à être les chevilles ouvrières de la transition énergétique. Il ne faut pas perdre de vue que, si quatre cents décrets d’application ont été nécessaires à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, au-delà de cette formidable machinerie administrative, l’essentiel reste ce qui s’accomplit sur le terrain.

J’en viens au fond du projet de loi. Nous en partageons évidemment les objectifs. Nous sommes favorables à l’idée qu’un article additionnel vienne compléter le titre II, consacré à la rénovation énergétique des bâtiments, pour préciser les objectifs à atteindre en matière de rénovation industrielle. Il s’agit d’un grand chantier pour lequel les régions seront très mobilisées, notamment sur le front de la formation, initiale et continue.

En ce qui concerne l’article 6, relatif au tiers financement, la récente conférence financière et bancaire consacrée au sujet n’a pas beaucoup fait avancer les choses. Or des régions comme l’Île-de-France ou la Picardie ont déjà mis sur pied des instruments de tiers financement, et il est essentiel que ces interventions puissent être consolidées. On évoque le monopole bancaire : il ne s’agit pourtant nullement de faire concurrence aux banques mais d’inscrire ces dispositifs dans la loi au titre du droit à l’expérimentation.

Il nous paraît également important d’inscrire dans la loi la mise en place d’un « carnet de vie » des logements. Il pourrait dans un premier temps s’appliquer aux logements neufs, dont toutes les données seraient collectées sur une carte à puce. Je ne doute pas que les services fiscaux de Bercy verraient d’un bon œil une telle initiative.

M. le président François Brottes. Reste à voir ce qu’en pensera la Commission nationale de l’informatique et des libertés…

M. Jean-Jack Queyranne. Nous souhaitons aussi que soit inscrite dans la loi la notion de service public régional de l’efficacité énergétique. En effet, depuis la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « loi MAPAM », du 27 janvier 2014, les régions sont désormais chefs de file en matière de climat et d’énergie, et la réussite de la rénovation énergétique dépend en grande partie de la capacité qu’elles auront d’informer, de conseiller et d’accompagner les personnes qui entreprendront des travaux de rénovation dans leurs logements. Ce service public doit s’appuyer sur les quelque quatre cents plateformes déployées au niveau intercommunal par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), au travers des contrats de plan. Je vous renvoie ici à l’expérience menée par l’Agence nationale de l’habitat, particulièrement éclairante.

Enfin, les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) doivent être pris en compte dans les documents d’urbanisme afin d’éviter toute incompatibilité.

Pour ce qui concerne le titre III, il nous paraît important, en matière de transports propres, que les plans de déplacements urbains garantissent la compatibilité entre les outils de planification territoriale pour la qualité de l’air, évoqués à l’article 18, et les SRCAE.

L’économie circulaire, qui fait l’objet du titre IV, est un grand enjeu pour nos régions. Certaines d’entre elles sont d’ores et déjà mobilisées et très en avance – je pense à l’Aquitaine. Ce n’est certes pas à la loi de tout écrire, mais l’on peut regretter que le projet de loi ne traite que des déchets, car l’économie circulaire ne concerne pas que les déchets. Cela étant, les régions – à l’exception de l’Île-de-France où s’applique un régime particulier – jusqu’à présent en charge des seuls déchets dangereux, auront bientôt, aux termes de la future loi sur les compétences des collectivités territoriales, la responsabilité de l’ensemble des déchets.

En matière d’énergies renouvelables, nous pensons qu’il faut moduler les tarifs d’achat. Nous proposons pour cela d’établir ces tarifs en fonction de zones définies par leur degré d’ensoleillement : pour des questions de rentabilité, on ne peut en effet appliquer en Lorraine les mêmes tarifs de rachat du photovoltaïque qu’en région PACA. Nous proposons également d’octroyer un bonus de 10 % aux opérations publiques et un bonus de 20 % aux opérations citoyennes.

Je constate que le projet de loi a su s’inspirer de l’excellent rapport de Marie-Noëlle Battistel sur l’hydroélectricité et a en retenu la formule des barycentres. Je connais votre attachement, monsieur le président, au devenir de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), bel exemple de société d’économie mixte, et je ne doute pas que, malgré Bruxelles, le Conseil constitutionnel et tous les épouvantails que l’on agite pour ne pas avancer, votre agilité législative permettra de surmonter les obstacles en la matière.

J’insiste enfin sur la dimension citoyenne de la transition énergétique. Nous assistons à l’émergence d’un nouveau modèle énergétique, voué à se substituer à l’ancien modèle centralisé. Notre politique énergétique a connu deux grandes époques, celles de l’hydroélectricité, dont le symbole pourrait être le barrage de Génissiat, premier barrage construit sur le Rhône à la Libération, et celle du nucléaire dont le développement s’est accéléré avec le premier choc pétrolier. Nous entrons aujourd’hui dans une ère où la production d’énergie sera de plus en plus décentralisée. Qu’il s’agisse de la méthanisation ou d’autres formes de projets territoriaux, le développement des énergies renouvelables implique une nouvelle organisation qui, tout en continuant de s’appuyer sur les grands réseaux nationaux et internationaux, fasse la part belle à la participation citoyenne.

M. Bruno Sido, secrétaire général de l’Assemblée des départements de France (ADF). Le projet de loi ne parle pas, ou peu, des départements. Est-ce à dire qu’ils ne constituent pas un échelon pertinent dans la mise en œuvre de la politique énergétique, ou leur disparition est-elle d’ores et déjà programmée ? Quoi qu’il en soit, cette loi s’inscrit dans la suite logique des lois « Grenelle 1 » et « Grenelle 2 », dont j’ai été le rapporteur au Sénat. J’ajoute que, invité au titre de mes fonctions au sein de l’ADF, je m’exprimerai également en tant que président de l’Office parlementaire pour l’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).

L’ADF regrette la décision du Gouvernement de recourir à la procédure accélérée. Elle déplore surtout, je l’ai dit, que le projet de loi anticipe clairement la disparition des départements. Elle s’étonne enfin d’un paradoxe majeur : alors que les objectifs fixés sont très ambitieux, ce qui nécessite de mobiliser tous les acteurs, le Gouvernement fait le choix de se passer du concours des conseils généraux, alors même qu’ils jouent un rôle très important dans la mise en place des plans climat-énergie territoriaux (PCET). Plus globalement, à l’exception des départements qui comptent une métropole, le conseil général reste un acteur incontournable pour relayer et renforcer l’impact des politiques nationales.

Les conseils généraux jouent un rôle majeur dans quatre domaines. L’action sociale, qui est leur cœur de métier, représente la moitié de leurs dépenses de fonctionnement. En matière de prévention de la précarité énergétique, ils gèrent les aides financières liées au Fonds de solidarité pour le logement, qui permettent de réduire la facture des ménages aux ressources modestes.

Les conseils généraux sont également nombreux à financer des espaces info-énergie pour la promotion des énergies renouvelables. Beaucoup gèrent aussi des aides à la pierre et interviennent donc dans le domaine du logement. C’est pourquoi l’ADF propose de retenir l’échelon départemental comme maillon d’information et de mutualisation des moyens entre tous les acteurs publics de la transition énergétique. Il s’agirait d’être en mesure d’accueillir le public mais surtout de le renseigner et de monter avec les demandeurs les dossiers d’aide, que les financements relèvent de l’État, de l’ADEME, des conseils régionaux ou des conseils généraux.

Plus largement, les conseils généraux disposent d’une vraie capacité d’ingénierie, qu’ils peuvent mettre au service des autres collectivités, comme les communes, qui en sont dépourvues et sont souvent démunies pour assurer les maîtrises d’ouvrage depuis le désengagement de l’État de ses missions d’assistance technique. L’appel à projet concernant les méthaniseurs prévu par le projet de loi pour le monde rural pourrait ainsi mobiliser les conseils généraux au côté des communes.

Les conseils généraux sont enfin impliqués dans les actions de rénovation thermique. En équipant de panneaux solaires ou de chaufferies bois leurs collèges, ils soutiennent le développement des énergies renouvelables et s’inscrivent dans le cadre de la politique voulue par le Gouvernement.

Si la construction de nouveaux bâtiments publics doit, comme le propose l’article 4, être l’occasion d’atteindre le label BEPOS – bâtiment à énergie positive –, la réglementation ne doit pas alourdir les charges des conseils généraux. Je pense notamment aux obligations thermiques auxquelles sont soumis les bâtiments tertiaires par la loi « Grenelle 2 » : les décrets d’application ne sont fort heureusement pas sortis, mais l’impact d’une telle mesure se chiffrerait, toutes collectivités confondues à plus de 50 milliards d’euros.

Les conseils généraux peuvent, cela étant, contribuer à renforcer l’impact de cette loi, pour peu que le Parlement veille à mieux intégrer cet échelon-clef parmi les acteurs publics concernés.

Je vous renverrai, en conclusion, à deux rapports d’information produits par l’OPECST. Le titre du premier, rédigé par le député Jean-Yves Le Déaut et le sénateur Marcel Deneux parle de lui-même : « Les freins réglementaires à l’innovation en matière d'économies d’énergie dans le bâtiment : le besoin d'une thérapie de choc ». Ses auteurs posent notamment la question du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).

Le second, que j’ai coécrit il y a quelques années avec les députés Christian Bataille et Claude Birraux, se penchait sur la transition énergétique et le temps nécessaire pour diminuer la part du nucléaire dans notre production d’électricité. Nos conclusions étaient qu’il était irréaliste de vouloir aller trop vite et que ramener la part du nucléaire à 50 % d’ici à 2025 était un objectif excessivement ambitieux. L’OPECST plaidait donc pour une trajectoire raisonnée, prévoyant d’atteindre cet objectif à la fin du siècle. Une telle diminution correspond en effet à une réduction de l’ordre de 20 à 25 gigawatts de notre production d’énergie nucléaire, soit l’équivalent d’un jour de consommation d’électricité par semaine !

Mme Hélène Geoffroy, vice-présidente de la communauté urbaine du Grand Lyon, en charge de l’énergie. Nous émettons également un avis plutôt positif sur ce texte de loi. J’insisterai en premier lieu sur la question de la gouvernance, sujet important pour les communautés urbaines, qui sont au cœur de tous les projets d’aménagement urbain, de transports, de réseaux de chaleur et de rénovation des bâtiments.

La réalisation de nos plans d’urbanisme implique l’élaboration de schémas directeurs pour l’énergie, puisque nous disposons désormais de cette compétence ; il est donc important que nos collectivités soient associées à l’élaboration des SRCAE. Le renforcement de la planification énergétique implique également une meilleure cohérence entre les plans locaux d’urbanisme (PLU), les schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les programmes prévisionnels énergétiques. Cela signifie également – ce qui n’apparaît pas clairement dans le projet de loi – que les communautés urbaines, qui connaissent bien les programmes d’investissement, soient associées aux discussions entre l’État et les distributeurs sur la programmation pluriannuelle et qu’elles puissent avoir leur mot à dire sur les investissements et la fixation des tarifs.

Depuis la loi sur les métropoles, celles-ci ainsi que les communautés urbaines sont désormais autorités organisatrices de la distribution d’énergie (AODE). Cette notion a pourtant disparu du projet de loi ; nous pensons utile de l’y réintroduire, dans la mesure où elle assoirait notre légitimité dans le domaine de l’énergie. J’ajoute qu’il y a débat sur la répartition des rôles entre syndicats et collectivités en matière de distribution d’électricité, et qu’il faut évidemment donner le temps à chacun de trouver sa place.

En second lieu, le projet de loi aborde peu la question de la distribution d’énergie. Nous insistons sur le nécessaire équilibre qui doit présider aux relations entre l’autorité concédante et le concessionnaire en matière de distribution d’électricité. Sans remettre en cause ni la position d’ERDF ni les mécanismes de péréquation qui assurent des tarifs équivalents sur l’ensemble du territoire, les communautés urbaines ont besoin de transparence et doivent avoir accès aux données leur permettant d’établir leurs schémas énergétiques.

Les tarifs d’achat de l’électricité renouvelable manquent de lisibilité, alors que tous les acteurs de terrain conviennent que cette lisibilité est essentielle pour permettre l’émergence de projets innovants et efficaces.

Par ailleurs nous souhaiterions savoir ce qu’il en est du fonds de garantie annoncé avant l’été ainsi que des prêts à taux faible pouvant être consentis aux investisseurs.

Enfin, nous restons attentifs à l’impact budgétaire de certaines mesures. Je pense notamment à la rénovation thermique des bâtiments. Conscients que les collectivités se doivent d’être exemplaires, nous approuvons sa prise en compte dans les PLU et les SCOT, mais la réalisation de bâtiments à énergie positive ne saurait se traduire par un report de charges sur les collectivités.

Nous saluons la création d’un comité de gestion de la contribution au service public de l’électricité (CSPE), mais j’insiste une nouvelle fois sur les transferts de données entre opérateurs, autorités concédantes et collectivités, dont il est question à l’article 51. Les collectivités en ont besoin pour piloter leur politique énergétique et mieux planifier, par exemple, la gestion des chèques énergie, grâce à une meilleure connaissance des populations bénéficiaires.

L’article 5 instaure l’obligation d’améliorer significativement la performance énergétique chaque fois que des travaux importants sont réalisés. Il nous est annoncé un décret en Conseil d’État. Les collectivités souhaiteraient pouvoir être associées à son élaboration.

M. Jean Révéreault, représentant l’Association des communautés de France (AdCF). C’est une gageure que de tenter de dire en un temps aussi court tout ce que doit nous inspirer cette grande loi, a fortiori dans le contexte législatif mouvant et incertain des différents textes de lois, votés ou à venir, voués à redéfinir les différents niveaux de l’administration territoriale. Les communautés de France plaident quoi qu’il en soit pour un approfondissement de la décentralisation, qui donne corps aux évolutions récentes et à celles que portera la loi sur la nouvelle organisation des compétences.

Il y a dans ce projet de loi plusieurs points qui conviennent aux intercommunalités. Il est très important à nos yeux qu’il y ait une réelle articulation entre notre action et les SRCAE, via les plateformes locales.

Je m’émeus qu’en matière de financement, domaine le plus symbolique de l’émancipation des niveaux infra-étatiques, on en soit encore à opposer le monopole bancaire à des initiatives qui peuvent partir de la base. Il faut faire cesser cela, car le tiers financement est le plus bel outil qui existe pour attacher les citoyens à l’action locale et les mobiliser.

Nous avons relevé des incohérences dans le chaînage des documents de planification et de programmation, et l’AdCF pense que vos juristes doivent clairement faire apparaître l’articulation logique entre SRCAE, SCOT et PCET, sans qu’un niveau de collectivités soit sous la dépendance d’un autre, sans non plus céder à la tentation de la recentralisation, dont le projet de loi n’est pas tout à fait exempt – qu’en est-il par exemple du plan de protection de l’atmosphère ?

Président d’une communauté de communes, je suis également à la tête du Service public des déchets en Charente, syndicat mixte départemental qui gère collecte et traitement ; je me félicite donc que le titre IV du projet de loi soit consacré à l’économie circulaire. Il définit une politique nationale ambitieuse en matière de déchets, en proposant en particulier une véritable révolution des modes de traitement, qui vise à diminuer de 50 % le stockage des déchets. Il est essentiel que cette mutation se fasse dans le respect des collectivités. Le compte n’y est pas aujourd’hui et il est temps que la responsabilité élargie du producteur devienne une réalité. Sur les 8 milliards d’euros que coûte aux collectivités locales le traitement des ordures ménagères, 1,5 milliard sont supportés par les ménages alors qu’ils devraient être financés par l’écocontribution assumée par les producteurs. J’attire également votre attention sur la survie du service public des déchets, que vous serez amenés à examiner lors de l’examen du projet de loi de finances. La TVA sur la collecte des déchets ménagers est passée de 5,5 % à 7 %, puis à 10 %, ce qui est une aberration pour un service public de première nécessité, auquel les citoyens ne peuvent déroger. Il est tout aussi anormal d’ailleurs que cet effort leur soit demandé dans le cadre de l’économie circulaire, pour des déchets qui iront alimenter l’industrie pour la fabrication de produits recyclés.

La loi, en établissant une définition adaptée de la responsabilité élargie des producteurs et en veillant à établir une fiscalité appropriée, doit veiller à protéger l’équilibre budgétaire des collectivités. Par ailleurs, il faut rendre à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sa vertu pédagogique et son rôle originels : faire financer par les mauvais élèves de l’écologie des politiques vertueuses.

Il y a sans doute aussi à débattre de l’articulation entre collectivités.

Pour toutes les communautés de communes, il y a un besoin important d’aller en amont de la loi pour une nouvelle organisation territoriale de la République, s’agissant de certaines compétences qui ne sont pas aujourd’hui clairement définies, ce qui complique la vie des élus dans l’exercice de leur mandat. Je ne parle pas seulement des effets de taille, mais également de la cohérence des politiques relatives à la transition énergétique.

Le temps me manque pour vous faire part de notre position sur la coordination des actions relevant de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations et plus globalement sur la politique de l’eau, notamment l’hydroélectricité.

Sur tous ces sujets, l’AdCF vous transmettra ses propositions avant la date limite de dépôt des amendements.

Mme Frédérique Massat, présidente de l’Association nationale des élus de montagne (ANEM). Notre association a pour spécificité de reposer sur un zonage géographique défini par la loi, la montagne, mais également de regrouper plusieurs niveaux de collectivités – douze régions, quarante-huit départements, 6 249 communes, 596 intercommunalités. À cet égard, permettez-moi de me réjouir de la présence à cette table de plusieurs élus de la montagne, qu’il s’agisse du président de la région Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne, de vous-même, monsieur le président Brottes, ou encore de Martial Saddier, élu de Haute-Savoie et ancien président de l’ANEM. Nous avons réussi à tisser notre toile à travers les associations et voyez quel impact que nous pouvons avoir !

La montagne est un gisement d’énergies renouvelables, même si elles ne sont pas toutes présentes dans les mêmes proportions. Ses territoires sont le château d’eau de la France, l’énergie solaire y est très développée, les ressources liées à la forêt dans de moindres proportions, tandis que l’éolien reste difficile à implanter.

L’énergie hydraulique étant la première des énergies renouvelables dans notre pays, les territoires de montagne revendiquent, à juste titre, me semble-t-il, qu’une participation financière vienne accompagner leurs apports. Ils préservent en effet le bon état des eaux, notamment les nappes phréatiques, et contribuent à l’entretien des barrages. La question se pose d’autant plus que les élus de la montagne ne s’interdisent d’envisager de nouvelles installations, notamment des retenues.

L’avenir de l’hydroélectricité – à cet égard, je salue le travail de Marie-Noëlle Battistel, qui est également une élue de montagne –, au-delà de sa part prépondérante dans le mix énergétique, peut aussi s’envisager à travers l’amélioration des équipements, le développement de nouvelles ressources, et la petite hydroélectricité, très présente dans les zones de montagne.

S’agissant du renouvellement des concessions hydro-électriques, l’association des élus de la montagne, comme beaucoup d’autres associations d’élus, tente d’adopter une position de consensus.

M. le président François Brottes. Comme sur la CNR !

Mme Frédérique Massat. Elle ne souhaite pas entrer pas dans le débat sur l’ouverture des concessions ou le recours aux sociétés d’économie mixte (SEM). Elle considère comme une excellente chose le regroupement par vallée de l’exploitation des concessions hydrauliques. Les élus de la montagne réclament toutefois fortement d’être associés à la rédaction éventuelle des cahiers des charges. Quel que soit le scénario retenu, ils demandent qu’il y ait un retour sur investissement au niveau local. Ils n’envisagent pas que l’exploitation des retenues, qui a un impact sur ces territoires, ne s’accompagne pas d’engagements à soutenir des projets de développement, à maintenir de l’emploi et à faire vivre les populations.

En matière de SEM, nous n’avons pas de religion mais, si cette solution l’emporte, nous souhaitons que tous les niveaux de collectivités puissent être associés, même si nous avons bien conscience que toutes les communes, en particulier les plus petites, n’auront pas la capacité de participer, compte tenu du niveau des investissements demandés.

S’agissant de la petite hydroélectricité, nous sommes confrontés au problème du classement des cours d’eau, qui fait l’objet d’un traitement différent selon les territoires. Lors de la discussion du projet de loi, nous défendrons des amendements visant à instaurer une obligation de révision périodique du classement des cours d’eau, notamment lors de la mise à jour du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux.

Concernant le titre II relatif à la rénovation des bâtiments, le texte prévoit essentiellement des mesures en matière d’isolation des immeubles, que nous partageons totalement, mais laisse ouverte la question des modalités du renouvellement du parc des appareils de chauffage domestique. Certaines zones du territoire étant soumises à des températures plus basses, en particulier les zones de montagne, nous considérons qu’il faudrait les faire bénéficier d’incitations particulières, à l’instar du bonus-malus de la loi Brottes. Je pense que des amendements seront déposés en ce sens pour assurer l’égalité entre tous les citoyens.

En matière de transports, nous regrettons que le projet de loi ne comporte aucune disposition favorisant le report modal de la route vers le rail, notamment pour les marchandises. C’est une dimension importante à prendre en compte dans une vision globale du changement climatique. Plusieurs articles auraient pu y être consacrés.

En matière de simplification des procédures, objet du titre VII, nous insistons sur la nécessité d’un apaisement, car la multiplication des recours contre-productifs gèle les projets liés aux énergies renouvelables.

M. le président François Brottes. Même pour les barrages ?

Mme Frédérique Massat. Pour tous les projets, monsieur le président !

En l’état actuel du texte, les tiers peuvent exercer un recours dans un délai d’un an dans le cadre de la procédure de délivrance d’une autorisation d’installation de production. Il nous paraîtrait souhaitable de reconsidérer ce délai pour l’aligner sur le délai de deux mois habituellement retenu pour les décisions administratives.

En matière d’appels d’offres, il est clair que certains ne sont pas adaptés aux territoires de montagne – inadéquation dont souffrent aussi les collectivités d’outre-mer, comme nous avons pu le voir. Il conviendrait dès lors d’assouplir certains critères selon une logique de zonage afin de permettre aux collectivités de montagne de mieux y répondre.

Nous défendrons également des amendements visant à assurer la présence d’un élu de la montagne au sein du comité de gestion de la contribution au service public de l'électricité. Il nous semble important de pouvoir nous aussi nous exprimer sur ces questions.

Par ailleurs, nous émettons des réserves sur l’application de l’obligation d’élaborer des PCAET aux EPCI de plus de 20 000 habitants. Les zones de montagne comptent de petites communes qui auront des difficultés à participer à la mise en place de ces dispositifs.

Je terminerai par les réseaux de distribution, que nous évoquions lors de notre débat sur l’outre-mer. Les mêmes problématiques s’appliquent aux territoires de montagne, où leur installation et leur entretien impliquent aussi des surcoûts. Il conviendrait d’établir un fléchage beaucoup plus pertinent des moyens du Fonds d’amortissement des charges d’électrification et de revoir sa gouvernance, dans la perspective d’un maintien de la péréquation tarifaire dont la disparition aurait de lourdes conséquences pour nos territoires.

M. le président François Brottes. Nous allons clore ce tour de table avec Martial Saddier, qui n’est pas là pour témoigner de la survivance du cumul des mandats dans notre pays (Sourires), mais pour exprimer la position de l’Association des maires de France.

M. Martial Saddier, représentant de l’Association des maires de France (AMF). Je me suis efforcé d’avoir des modèles dans toutes les familles politiques, et vous en faites partie, monsieur le président. (Sourires.)

Tout d’abord, je vous demande de bien vouloir excuser notre président, Jacques Pélissard, qui m’a demandé de le représenter pour vous transmettre les propositions et les remarques de l’AMF, dictées par les principes fondamentaux auxquels nous sommes attachés : ancrage territorial des politiques énergétiques, subsidiarité et péréquation tarifaire nationale, recherche de leviers financiers et techniques pour accompagner et soutenir les actions des collectivités territoriales, expérimentation – à cet égard, nous nous félicitons que le texte ouvre son champ, comme la Constitution le lui permet.

Nous prenons acte de l’identification de la région en tant que force organisatrice globale, tout comme de la reconnaissance du rôle essentiel du bloc local dans la réalisation concrète de la transition énergétique.

Nous avons toutefois des inquiétudes au sujet du caractère inflationniste de certaines mesures dont la complexité pourrait aboutir à des superpositions, à l’extension du champ du recours contentieux et à une augmentation des coûts qui pèsent sur les collectivités territoriales.

Nous invitons, par ailleurs, députés et sénateurs à être attentifs à la responsabilité pénale des élus en matière de qualité de l’air. Il ne faudrait pas que l’État se défausse sur les maires ou les présidents d’intercommunalité en leur laissant assumer la charge de réaliser les objectifs.

Comme d’autres l’ont relevé avant moi, les moyens financiers suscitent également des inquiétudes. Le bouclage financier du projet de loi n’est pas assuré à l’heure où nous parlons, et nous redoutons les incidences que cela pourrait avoir sur le bloc local.

Nous nous préoccupons des effets directs ou indirects de certains dispositifs sur la vie des habitants et des habitantes des collectivités territoriales que nous représentons au même titre que les élus. Je pense notamment à l’interdiction faite aux véhicules les plus polluants de circuler, sachant que ceux qui les utilisent ne le font pas par plaisir mais parce qu’ils n’ont pas le choix. Je déplore l’absence totale de mesures d’accompagnement pour le renouvellement de ce parc comme pour le renouvellement des équipements de chauffage défectueux, qu’il s’agisse des cheminées ouvertes, des chaudières au fioul ou à gaz.

La présidente de l’ANEM a souligné l’absence de mesures consacrées au transport des marchandises, je n’y reviens pas.

Enfin, il me semble utile de rappeler que si tous les territoires sont favorables aux énergies renouvelables, toutes les énergies renouvelables ne sont pas forcément adaptées à tous les territoires. Ainsi, la géothermie profonde est peu compatible avec la présence de réserves importantes d’eau potable. Des précautions s’imposent selon les spécificités de chaque territoire.

J’en viens au détail du texte.

S’agissant de l’article 3, nous sommes défavorables à ce que la loi permette de passer outre les autorisations d’urbanisme délivrées par les collectivités territoriales, communes ou intercommunalités, si la compétence est déléguée.

Nous redoutons que les dispositions des articles 4 et 5, pour des raisons de forme, n’aboutissent par leur superposition à une complexification et à un alourdissement des coûts.

À l’article 9, l’objectif d’inscrire dans la loi une proportion obligatoire de véhicules propres dans les flottes des collectivités publiques est louable, mais il se heurte à plusieurs objections. Tout d’abord, nombre d’entre elles se sont déjà engagées dans le renouvellement de leur parc. Ensuite, il n’est pas sûr qu’il appartienne au législateur d’imposer un tel pourcentage. Enfin, d’un point de vue technique, certains véhicules n’ont pas d’équivalent parmi les véhicules propres.

Concernant la pollution de l’air, si nous prenons acte du retour dans la loi des plans de protection de l’atmosphère, qui avaient été supprimés, nous estimons qu’il y a lieu de clarifier les responsabilités pénales en la matière. L’article 18 appelle, quant à lui, des clarifications, compte tenu des risques de superposition de procédures administratives extrêmement lourdes.

S’agissant des déchets, la volonté d’inscrire dans la loi un pourcentage est une fois de plus louable. Je salue d’ailleurs l’honnêteté de Mme la ministre, qui a reconnu lors de son audition que les objectifs fixés par la loi étaient extrêmement ambitieux et ne seraient pas forcément atteints dans les délais. La vertu pédagogique risque de se heurter à la réalité des faits : financement et moyens posent problème et la filière industrielle pourrait elle-même ne pas être prête. Or, un écart avec les objectifs affichés est toujours délicat en termes de crédibilité. Nous craignons que les élus locaux en soient tenus responsables.

Une mesure en particulier nous inquiète très fortement : l’article 21 prévoit de donner aux éco-organismes la possibilité de sanctionner la gestion des déchets d’une collectivité, ce qui nous paraît tout simplement inacceptable du point de vue tant du bon fonctionnement de ce service que du respect de l’autonomie des collectivités territoriales.

S’agissant de la question cruciale du financement des énergies renouvelables, nous pensons, je le répète, que le texte n’est pas abouti mais nous faisons confiance à la représentation nationale pour apporter les compléments nécessaires.

Si, aux articles 26 et 27, nous saluons la possibilité offerte au bloc local de participer au capital des sociétés anonymes, nous souhaitons que le décret prévu ne réserve pas aux plus grandes des collectivités territoriales, c’est-à-dire aux régions, la possibilité de participer au capital des sociétés d’économie mixte.

M. le président François Brottes. Pas d’OPA hostile !

M. Martial Saddier. Nous rejoignons la présidente de l’ANEM pour dire qu’il est impératif que le bloc local soit représenté dans le comité de gestion de la CSPE.

Enfin, à l’article 56, nous souhaiterions que soit précisé que les actions menées par les EPCI peuvent donner lieu à la délivrance de certificats d’économie d’énergie, comme le prévoit la loi Grenelle.

M. le président François Brottes. Je précise, avant de donner la parole à mes collègues pour poser des questions, que si M. Queyranne n’a pas évoqué l’outre-mer, c’est que nous avons consacré une réunion ce matin même à la présentation du rapport d’information sur l’adaptation du droit de l’énergie aux outre-mer.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure sur les titres Ier et V du projet de loi. Concernant l’ouverture des possibilités données aux collectivités d’entrer au capital des sociétés anonymes de production d’énergies renouvelables, quel regard portent les collectivités que vous représentez ? Quelle gouvernance les collectivités sont-elles à même de mettre en œuvre pour soutenir les exploitations de production d’énergies renouvelables ? Quelle solution retenir entre partenariat actionnarial et financement participatif pour ces projets dont l’objectif premier est bien de susciter l’adhésion des citoyens ?

L’Association des régions de France préconise dans ses amendements que les collectivités puissent bénéficier automatiquement des tarifs d’achat proposés par voie d’appels d’offres. À quels freins sont liées les difficultés qu’elles rencontrent pour y répondre ?

Monsieur Queyranne, je connais votre attachement sans faille à la Compagnie nationale du Rhône, vous connaissez le mien pour la filière hydraulique française dans son ensemble. Que pensez-vous de la possibilité donnée aux collectivités d’être partenaires, aux côtés de l’État, des SEM ? À quel niveau minimum doit, selon vous, se situer la part publique pour être pertinente ? La prolongation des concessions fondées sur le calcul barycentrique vous semble-t-il préférable ?

S’agissant de la petite hydro-électricité, madame Massat, j’ai bien pris note de votre souhait d’une révision régulière du classement des cours d’eau. Je le partage totalement. Les différences entre départements sont parfois très fortes. Par exemple, dans les territoires dotés de schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), les cours d’eau ont pu être analysés beaucoup plus finement. Il faut étudier la possibilité de réviser ces classements au regard de l’évolution de la technique comme de la modification des milieux.

M. Denis Baupin, rapporteur sur les chapitres Ier à III du titre VIII du projet de loi. Je regrette tout d’abord que le président de l’OPESCT ait choisi de n’évoquer que deux rapports, alors qu’il aurait pu citer le rapport sur la mobilité sobre dont je suis l’auteur, adopté, lui, à l’unanimité, à la différence de l’un des deux rapports qu’il a cités, plus tendancieux… (Sourires.)

S’agissant du service public de l’efficacité énergétique, il nous paraît important d’avancer. Les parlementaires, du fait de l’article 40 de la Constitution, n’ont pas la possibilité de déposer des amendements visant à créer des services publics. L’idée qui doit nous guider est-elle bien celle d’une coordination au niveau régional d’un service public se déclinant dans les territoires ?

Le projet de loi ne prévoit que la prise en compte des gisements d’énergies renouvelables. Ne pensez-vous qu’il devrait favoriser une articulation plus forte entre les schémas régionaux et la réalisation des programmations pluriannuelles de l’énergie ?

Etes-vous d’accord sur le fait qu’il devrait également favoriser la compatibilité entre schémas régionaux et PCAET, avec une déclinaison au plus près des territoires ?

Depuis l’ouverture des travaux de la commission spéciale, nous avons un débat sur la distribution d’électricité. Nous pensons qu’il pourrait être pertinent de revoir ses liens avec la production. Par ailleurs, nous estimons qu’il serait bon que les collectivités, en l’occurrence les AOD, soient parties prenantes du conseil d’administration d’ERDF et qu’un travail soit mené sur la coordination des investissements. Cela vous paraît-il pertinent ?

Enfin, dernière question : considérez-vous que l’article consacré aux données est suffisant ? Si non, quelles seraient vos préconisations pour aller plus loin, tout en préservant l’anonymat des personnes, cela va de soi ?

Je retiens la remarque très pertinente qui a été faite à propos du chèque énergie. Il serait en effet intéressant d’établir un lien avec l’accompagnement territorial des politiques de précarité, aspect qui n’est pas pris en compte dans le projet de loi.

Mme Sabine Buis, rapporteure sur les titres II et IV du projet de loi. Tout d’abord, je note que chacun parmi vous s’accorde à dire que, malgré les contraintes, les collectivités territoriales ont toute leur place dans le chantier énorme qu’est la transition énergétique. Cela mérite d’être souligné, me semble-t-il.

S’agissant de la rénovation des bâtiments, j’ai bien pris note de la proposition de M. Queyranne d’ajouter avant l’article 3 un article additionnel fixant des objectifs.

À propos des bâtiments publics, les élus que vous êtes ont posé la question de l’exemplarité des collectivités. Certes, elle se pose mais des contraintes financières s’imposent à nous, principe de réalité qu’il ne faut pas esquiver. Il est important de se dire qu’il existe un autre type d’exemplarité, celle de l’action publique, qui met en jeu sa crédibilité même, sujet sur lequel nous sommes attendus au plus haut point à l’heure actuelle. Au-delà du chantier de la rénovation énergétique, il y a cet autre chantier qu’il faut garder à l’esprit. Cela dit, maintenir l’objectif pour les bâtiments publics est important, même s’il représente des contraintes pour les collectivités.

À Martial Saddier, je répondrai que la loi ne propose nullement de passer outre les documents d’urbanisme. Bien au contraire, elle prévoit qu’ils apportent des précisions et portent des ambitions.

Autre question importante : celle des logements, qu’il s’agisse des copropriétés, des logements particuliers ou des logements isolés. Des pistes ont été avancées et j’aimerais que nous les explorions de manière plus approfondie : le carnet de vie, le tiers financement, l’apport du service public régional de l’efficacité énergétique. Pourriez-vous, monsieur Queyranne – puisque c’est principalement vous qui les avez évoquées –, nous expliquer en quoi elles pourraient nous permettre d’aller plus loin dans notre ambition et de mieux réaliser nos objectifs ?

Je terminerai par la notion d’économie circulaire, qu’il ne faut pas négliger. Pour beaucoup d’entre vous, se limiter à la gestion des déchets est trop restrictif, et je vous rejoins. Avez-vous à proposer une autre définition de l’économie circulaire que celle posée dans le projet de loi ? S’agissant des filières de responsabilité élargie du producteur, certains se sont posé la question de savoir s’il fallait les élargir. Je considère que si nous réussissons à imposer ce que chacun est en mesure de faire, ce serait déjà une bonne chose.

M. Philippe Plisson, rapporteur sur les titres III et VI du projet de loi. Monsieur Queyranne, vous évoquez la planification des déplacements urbains ; je propose pour ma part d’y ajouter un plan de mobilité rurale, qui viendrait compléter les SCOT : il s’agirait de coordonner l’ensemble des plans de déplacement – des entreprises, des établissements scolaires, de l’administration… – en prenant en considération tous les types de transports, y compris le covoiturage, le transport fluvial, etc. Ces plans seraient établis et gérés par l’intercommunalité quand elle coïncide avec le périmètre du SCOT, ou à défaut par le syndicat mixte de SCOT. La région, à son tour, coordonnerait l’ensemble de ces plans et construirait un plan de mobilité propre et durable.

Quant au parc de véhicules propres, la loi impose certes un minimum de 20 % pour les collectivités territoriales, mais sans fixer de calendrier : cela ne me paraît donc pas choquant.

Faut-il proposer la mise en place de plans de déplacement pour les agents des collectivités territoriales, comme ce sera le cas pour les entreprises ? C’est une question qui reste posée.

M. le président François Brottes. Je ne suis pas favorable à un droit de veto des régions sur les plans de déplacement. Nous en reparlerons.

M. Jean-Yves Le Déaut. Plusieurs rapports de l’OPECST ont été rendus pour préparer cette loi. L’une des personnes que nous avons auditionnées nous a déclaré : « Pouvons-nous nous contenter, dans un pays où il manque un million de logements et où il faudrait rénover 800 000 logements chaque année, de changements à la marge ? Il faut jeter des pavés dans la mare, et pour cela il faut une volonté politique forte, capable de mettre au pas une administration vivant de la complexification réglementaire. » Ce dangereux gauchiste, c’est Yves Farge, ancien directeur de la recherche et du développement du groupe Péchiney, ancien président du comité consultatif du Centre scientifique et technique du bâtiment, membre de l’Académie des technologies. Aujourd’hui, c’est la centralisation, et non la décentralisation, qui freine globalement la rénovation thermique du bâtiment.

L’idée d’un article additionnel qui fixe des objectifs me paraît judicieuse.

S’agissant du service public régional, il me semble que le niveau régional est le plus pertinent, la région jouant alors un rôle de coordination des différentes collectivités territoriales. Pour l’indispensable simplification des aides, comme pour la mise en place du « carnet de vie » des bâtiments, l’échelon régional n’est-il pas le plus pertinent ? Toute rénovation ne devrait-elle pas passer par un audit, et ne devrait-on pas disposer, comme en Allemagne ou en Suède, de conseillers à la rénovation, labellisés et coordonnés ?

Le droit à l’expérimentation me paraît crucial. Il a déjà beaucoup été question de tiers financement ; il existe, dans le code de la consommation, un prêt viager hypothécaire : ne pourrait-on pas l’élargir pour permettre des travaux de rénovation ?

Ne faudrait-il pas rendre obligatoire la prise en compte, dans les appels d’offres pour des équipements énergétiques, de la maintenance, et d’une façon générale du coût du projet tout au long de sa vie ? Aujourd’hui, on ne compte souvent que le coût de l’équipement à l’achat, mais cela peut finir par revenir très cher aux collectivités territoriales.

Enfin, l’idée de certificats d’économie d’énergie me paraît très judicieuse. Les collectivités territoriales ont un rôle très important à jouer dans ce domaine.

M. Jean-Louis Bricout. Élu d’un territoire rural, je vois beaucoup de marchands de sommeil qui profitent de la fragilité de nos concitoyens pour louer des logements qui sont de véritables passoires énergétiques. Aujourd’hui, un maire peut intervenir pour obliger les propriétaires à réaliser des travaux pour améliorer la sécurité ou la salubrité, mais pas pour améliorer la performance énergétique, même dans des cas extrêmes – je parle de logements classés G. Que pensez-vous de l’idée d’inscrire dans la loi la notion d’insécurité économique ? Que pensez-vous d’une obligation de travaux, pour que les familles sortent d’un tel niveau de précarité énergétique, et pour lutter contre ces bailleurs indélicats ?

Quant au chèque énergie, j’ai déposé un amendement qui propose de prendre en considération la situation géographique, mais aussi l’altitude, en se fondant sur la norme BBC (bâtiment basse consommation).

M. le président François Brottes. Eh oui, les besoins en énergie ne sont pas les mêmes selon l’endroit où l’on habite, je le confirme, et je vois que cette notion de bon sens est maintenant admise ! (Sourires.)

Mme Audrey Linkenheld. J’ai été rapporteure de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), et les débats que nous avons eu alors convergent très largement avec ceux que j’entends aujourd’hui. M. Philippe Bies, rapporteur pour avis, a les mêmes souvenirs que moi : nous avions parlé de hiérarchie des normes en matière de planification territoriale, des prescriptions environnementales ou écologiques que l’on pouvait inscrire dans le règlement d’un PLU – une première avancée importante a été réalisée par la loi ALUR –, des sociétés de tiers financement, et surtout d’habitat indigne et de copropriétés dégradées.

Je pourrais en particulier rappeler que j’avais vainement plaidé, auprès de la précédente ministre du logement, pour l’actualisation du décret de 2002 qui définit ce qu’est un logement décent, et en particulier pour l’intégration de la performance énergétique des logements dans ce décret. Nous avions d’ailleurs, en désespoir de cause, obtenu la remise d’un rapport au Parlement sur ce sujet ; il devrait nous être remis très prochainement, me semble-t-il, et il pourrait utilement éclairer nos débats d’aujourd’hui.

M. Jean Launay. Le Gouvernement envisage la prolongation des concessions hydroélectriques de la Dordogne et du Rhône. En revanche, il est question de soumettre à la concurrence la production d’hydroélectricité dans la vallée du Lot et de la Truyère. Or il faut rappeler qu’une convention plutôt innovante de soutien des étiages a été passée pour cette vallée avec EDF, dès 1989, et qu’elle doit durer jusqu’à la fin des concessions : l’importance de ce soutien pour la qualité des eaux, le tourisme, l’agriculture… est prouvée. Quel est l’avis de l’ANEM sur la prolongation des concessions avec EDF ? Quelle est votre position à propos de la redevance sur le chiffre d’affaires de la production électrique et de sa répartition ?

M. Jean-Jack Queyranne. Madame Battistel, l’administration s’est toujours montrée très réservée à l’idée d’autoriser les collectivités territoriales à entrer dans des sociétés anonymes, et aujourd’hui, ce n’est possible que de façon très limitée. Le projet de loi constitue donc une avancée, qui est due à la réussite de projets européens. Nous allons vers une gestion de l’énergie de plus en plus décentralisée : il est donc logique que les collectivités territoriales interviennent. S’agissant de la gouvernance, nous ne sommes pas dans le cas d’une société d’économie mixte, la collectivité locale sera donc minoritaire, et elle ne détiendra donc pas la présidence.

Nous proposons un bonus de 10 % sur les tarifs d’achat quand c’est la collectivité publique qui mène le projet – souvent, ce sont des projets plus difficiles – et de 20 % quand il y a une participation citoyenne. Il faut vérifier si cela est possible juridiquement.

En matière de concessions hydroélectriques, l’idée de remettre en jeu les concessions pour une vallée tout entière, et non plus ouvrage par ouvrage, tout en associant toutes les collectivités territoriales qui le souhaitent, me paraît une grande avancée : aménager une vallée, ce n’est pas seulement produire de l’électricité, c’est aussi aménager tout un territoire.

La Compagnie nationale du Rhône est une création législative qui a très bien réussi. Sa mission n’est pas terminée. La méthode du barycentre est l’une des formules envisagées, et elle permet de justifier la prolongation des concessions d’une quinzaine d’années.

Monsieur Baupin, invoquer un risque au titre de l’article 40 pour s’opposer à la création d’un service public régional de l’efficacité énergétique me paraît exagéré.

Mme Barbara Pompili. C’est pourtant à prévoir !

M. Jean-Jack Queyranne. Il s’agit ici d’établir un service public local.

M. le président François Brottes. L’article 40 concerne toutes les dépenses publiques.

M. Jean-Jack Queyranne. Il me semble qu’il est invoqué pour les seules dépenses de l’État ; sinon, nous ne pourrions plus rien faire !

M. Denis Baupin, rapporteur sur les chapitres Ier à III du titre VIII du projet de loi. Nous sommes bien d’accord, mais…

M. Jean-Jack Queyranne. Si c’est le cas, alors l’article 40 devient une façon commode de déposséder le Parlement de ses pouvoirs.

Ce service public est en tout cas un sujet très important ; il se développe notamment à travers les plateformes de la rénovation énergétique, dont nous pensons qu’elles sont très efficaces pour mobiliser les propriétaires mais aussi tout le tissu économique. Ces plateformes doivent se déployer notamment au niveau des intercommunalités, comme le soulignait M. Révéreault : c’est là que la partie se gagnera.

Monsieur Plisson, aujourd’hui, les régions établissent des schémas régionaux des services de transport ; ces schémas n’ont pas vocation à s’arrêter aux limites des villes, ils doivent concerner les territoires ruraux. J’espère que le législateur confiera un jour aux régions les transports qui relèvent aujourd’hui des départements, mais c’est un autre débat.

M. Christophe Porquier, représentant l’ARF. J’ajoute qu’il ne faut pas imaginer le service public régional de l’efficacité énergétique comme une nouvelle administration, avec de nouveaux fonctionnaires et de nouvelles charges ; ce que nous voulons, c’est construire un instrument de coordination des politiques publiques. L’essentiel de la rénovation de logements sera fait au niveau des communautés de communes, mais il faudra établir un plan de formation des artisans, il faudra échanger avec les organisations professionnelles et les chambres de métiers... Pour aider à l’industrialisation des pratiques, pour mettre en œuvre un plan de formation, pour établir une cohérence entre les différentes pratiques locales, c’est bien l’échelon régional qui est pertinent.

Les besoins sont importants, et des outils comme le carnet de vie des bâtiments ou le tiers financement peuvent permettre d’y répondre. Un propriétaire qui s’est déjà endetté autant qu’il le pouvait pour acheter son logement ne pourra plus emprunter auprès des banques pour réaliser des travaux d’amélioration énergétique ; il est donc condamné à continuer de payer du gaz, du fioul ou de l’électricité, et il contribue à la dette énergétique de notre pays – qui est au total, je le rappelle, de 70 milliards d’euros. Aidons-le par un système de tiers financement à réaliser des travaux : cet argent sera utilement employé.

Enfin, monsieur Baupin, je crois que la question des énergies renouvelables doit également aussi être traitée à l’échelon de la région. Les objectifs nationaux, la programmation nationale que vous évoquez ne sont pas suffisants, notamment pour la biomasse, le bois et la méthanisation. L’adéquation entre les projets et la ressource ne peut pas être programmée au niveau national : là encore, c’est l’échelon régional qui est pertinent. Les schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) sont très importants.

M. le président François Brottes. J’estime pour ma part qu’il faut une cohérence nationale : sur la biomasse, par exemple, il faut à la fois une approche régionale et une régulation nationale.

Mme Hélène Geoffroy. S’agissant de la participation au capital de sociétés anonymes, nous y sommes plutôt favorables. Jean-Jack Queyranne a répondu sur l’article 26 du projet de loi. L’article 27 permet aux sociétés de production d’énergie renouvelable d’ouvrir leur capital aux collectivités et aux citoyens ; nous souhaiterions que cette possibilité soit ouverte à tous.

S’agissant des différents schémas et plans, qui doivent être cohérents, nous préférons l’instauration d’une collaboration entre les différents collectivités à l’établissement d’une hiérarchie. Les communautés urbaines interviennent fortement en matière d’urbanisme et d’énergie, et nous souhaitons donc être bien présents sur ces questions : la question de la gouvernance nous apparaît donc essentielle.

S’agissant de la question des données, nous voulons insister sur la transparence des relations entre concessionnaire et concédant, qui passe par la communication des données. Le projet de loi renvoie aujourd’hui à un décret : nous souhaitons être associés à l’élaboration de celui-ci, et à tout le moins qu’il précise que la communication des données se fait gratuitement, et à une échelle qui permette un pilotage suffisamment fin pour atteindre nos buts en matière de maîtrise de la demande et d’efficacité énergétique.

Nous souhaiterions également que l’article 51 mentionne les autorités concédantes.

M. Jean Révéreault. Les propos très justes de M. Plisson sur les transports s’appliquent aussi parfaitement à la question de l’énergie.

Les intercommunalités jouent un rôle important en matière de transport, d’urbanisme, de développement économique, d’énergie : il serait judicieux que la loi leur donne compétence pour organiser la distribution – c’est la bonne échelle. Notre organisation est centenaire : l’AdCF souhaite qu’elle évolue. Évidemment, le débat serait animé.

M. le président François Brottes. Mais, dans ce cas, comment serait gérée la péréquation ?

M. Jean Révéreault. On pourrait tout à fait gérer autrement la péréquation. Pourquoi s’interdire de réformer ?

M. le président François Brottes. S’il n’y a plus de péréquation nationale, il n’y a plus de tarif unique de l’électricité non plus !

M. Jean Révéreault. Je ne peux pas répondre à de telles questions en une minute ou deux ! Je dis qu’il faut oser bousculer nos habitudes, même si je peux comprendre vos réticences.

M. le président François Brottes. Vous êtes là pour ouvrir le débat, mais je souligne que c’est là un très vaste sujet. On ne peut pas lancer de telles provocations sans mesurer tous les effets qu’aurait une telle mesure !

Vous pouvez nous soumettre des propositions. Le débat aura lieu en séance.

M. Jean Révéreault. Il est temps de donner plus de force à l’action intercommunale, et le statut d’autorité organisatrice de la distribution d’énergie le permettrait. Bien sûr, il y a aurait des conséquences.

M. Martial Saddier. Madame Battistel, l’AMF est pour sa part extrêmement favorable à la participation des collectivités territoriales aux sociétés anonymes ; nous étions même favorables à la première version du texte, qui prévoyait une obligation.

Monsieur Baupin, nous sommes également favorables à la compatibilité des plans et des schémas – encore faut-il que la procédure prévoit que tous les acteurs soient bien associés à leur élaboration.

Madame Buis, sur les dérogations aux documents d’urbanisme, vous avez compris que c’est le renvoi à un décret en Conseil d’État qui nous inquiète : nous comptons sur vous pour essayer d’obtenir les grandes lignes de ce décret.

Monsieur Plisson, la ruralité ne doit évidemment pas être exclue des plans de mobilité. Mais nous nous inquiétons de la multiplication et de la superposition des plans et des schémas, pour des raisons de coût, de complexité administrative, de risques contentieux...

Mais cohérence ne veut pas dire tutelle d’une collectivité sur l’autre.

M. le président François Brottes. M. Sido a dû partir et vous prie de l’en excuser. Il me charge aussi de vous dire qu’il partage mon point de vue sur la péréquation.

Mme Frédérique Massat. Je partage moi aussi vos exigences en matière de péréquation.

Monsieur Launay, l’ANEM soutient la prolongation de la concession hydroélectrique de la vallée du Lot et de la Truyère : des investissements importants doivent être réalisés maintenant, et les enjeux sont importants.

Madame Battistel, je suis heureuse que vous partagiez notre point de vue sur la révision périodique du classement des cours d’eau. Il serait sans doute bon de l’inscrire dans la loi.

Monsieur Bricout, la modulation du chèque énergie que vous proposez paraît en effet judicieuse.

M. le président François Brottes. Merci de vos réponses claires et lapidaires.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Réunion du mercredi 17 septembre 2014 à 11 heures

Présents. - M. Bernard Accoyer, Mme Sylviane Alaux, M. Julien Aubert, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. Yves Blein, M. Jean-Luc Bleunven, M. François Brottes, Mme Sabine Buis, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Jacques Cottel, M. Pascal Deguilhem, M. Daniel Fasquelle, M. Claude de Ganay, M. Jean-Luc Laurent, M. Alain Leboeuf, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Victorin Lurel, Mme Frédérique Massat, M. Philippe Plisson, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Lionel Tardy, M. Stéphane Travert, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter

Excusés. - M. Jean-Paul Chanteguet, Mme Françoise Dubois, M. Antoine Herth, M. Franck Reynier

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Louis Bricout, M. Christian Franqueville, M. Jean-Claude Fruteau, M. Alain Gest, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Michel Lesage, Mme Barbara Pompili, M. Dominique Potier, M. Christophe Premat, Mme Catherine Quéré, M. Bernard Reynès