Accueil > Travaux en commission > Energie : transition énergétique pour la croissance verte > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission spéciale pour l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Jeudi 18 septembre 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 16

Présidence de M. François Brottes Président

– Table ronde, ouverte à la presse, avec la participation de M. Matthieu Orphelin, conseiller spécial et porte-parole sur la transition énergétique de la Fondation Nicolas Hulot, Mme Maryse Arditi, responsable énergie de France nature environnement (FNE), Mme Lorelei Limousin, chargée de mission transports de Réseau Action Climat, M. Marc Jedliczka de CLER-Réseau pour la transition énergétique, et M. Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire de Greenpeace

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui les dernières auditions avant la rédaction du rapport et la préparation des amendements au texte relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, une transition qui est souhaitée, assumée ou subie. Ce matin, nous accueillons les représentants des associations qui sont les plus volontaires à l’engager. À tel point que, si j’ai bien compris, ils ont cherché à aider le travail des parlementaires en rédigeant, à l’avance, des propositions d’amendements. Comme le texte ne fera l’objet que d’une seule vraie lecture à l’Assemblée nationale, il est normal que nous prenions le temps d’entendre les propositions ou les critiques des uns et des autres. Cette commission spéciale aura du reste procédé à un nombre d’auditions bien supérieur à toute autre.

Mme Maryse Arditi, responsable énergie de France Nature Environnement (FNE). France Nature Environnement attendait ce texte depuis plus d’un an, c'est-à-dire depuis la fin du débat sur la transition énergétique auquel elle a très intensément participé. C’est la raison pour laquelle nous proposons une soixantaine d’amendements, que nous avons envoyés à l’ensemble des rapporteurs. J’en ai sélectionné cinq que je vous présenterai plus en détail.

Ce texte propose des objectifs ambitieux à l’horizon 2050 que nous approuvons
– qu’ils soient anciens, comme le facteur 4, ou nouveau, comme la réduction par deux des consommations d’énergie. Il propose également des étapes intermédiaires à atteindre en 2030, ce qui est indispensable. Toutefois, les objectifs pour 2030 sont insuffisants si nous voulons réussir l’étape pour 2050. De même, les propositions pour les dix ou quinze prochaines années sont insuffisantes pour atteindre les objectifs fixés pour 2030.

Autrement dit, les objectifs à long terme sont intéressants, mais il faut dès maintenant se fixer des objectifs d’étape plus ambitieux. On ne fera pas tout dans les cinq dernières années.

Les cinq amendements que nous avons sélectionnés…

M. le président François Brottes. Les cinq propositions d’amendements : laissons au législateur le soin de rédiger les amendements eux-mêmes. Les parlementaires ne sont soumis à aucun mandat impératif et leur travail n’est pas celui des associations, qui peuvent toujours faire des propositions. Le Parlement est souverain.

Mme Maryse Arditi, responsable énergie de France Nature Environnement (FNE). Pardonnez-moi cette expression un peu rapide.

Nous proposons tout d’abord de fixer la consommation d’énergie en 2030 à 115 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP), un chiffre qui correspond à une évolution linéaire des objectifs d’économie d’énergie entre 2020 et 2050. Le Grenelle de l’environnement a en effet fixé l’objectif, transmis officiellement à l’Europe, de porter la consommation nationale d'énergie finale à 131,4 millions de TEP à l'horizon 2020, et le Président de la République a prévu de diviser par deux en 2050 la consommation actuelle.

Le texte évoque également l’intensité énergétique, qui est le rapport de la consommation d’énergie au produit intérieur brut. Or, si l’intensité énergétique est un excellent outil pour évaluer le secteur productif, notamment l’industrie, il n’en est pas de même pour le pays en général. Je prends un exemple : le fait que les bâtiments soient bien ou mal isolés diminue ou augmente la consommation d’énergie mais ne modifie en rien le PIB. C’est la raison pour laquelle nous proposons de clairement axer l’intensité énergétique sur le secteur industriel.

Le texte – il en est de même au plan européen – prévoit un nouveau dispositif de soutien aux énergies renouvelables fondé non plus sur l’achat mais sur la possibilité de vendre directement sur le marché l’électricité produite tout en bénéficiant du versement d’une prime, appelée « complément de rémunération ». Ce passage s’effectuerait par ordonnance sans qu’on connaisse le calendrier. Nous avons participé à la concertation organisée par la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) sur le sujet : nous n’avons aucune opposition de principe à cette mesure à partir du moment où les énergies concernées ont atteint un niveau mature, comme c’est le cas en Allemagne ou au Danemark – ce n’est pas encore le cas en France. En effet, non seulement le niveau de développement des énergies renouvelable est trop faible – éolien et photovoltaïque représentent à peine 5 % de notre production d’électricité –, mais, de plus, le secteur des énergies renouvelables, ces dernières années, a vu s’effondrer de très nombreuses PMI et PME, ce qui a entraîné la perte d’un nombre considérable d’emplois. Une telle mesure ne ferait qu’achever les PME du secteur ; ne resteraient plus, ou presque, pour produire des énergies renouvelables, que Total, GDF et EDF. C’est pourquoi nous proposons que le nouveau dispositif de soutien ne s’applique qu’à partir du moment où les EnR, dont le photovoltaïque, représenteront 10 % de la production d’électricité en France.

Nous faisons également une proposition relative au plan de démantèlement des centrales nucléaires. Chacun a compris au moment où le Président de la République a déclaré qu’il fermerait la centrale de Fessenheim que celle-ci, à l’instar de nos cinquante-huit réacteurs, n’avait pas de plan de démantèlement. La législation, qui prévoit que toute installation nucléaire de base (INB) devra déposer, pour avoir son autorisation, un plan de démantèlement, ne date que de février 2012. Comme il n’est pas possible de demander à EDF d’établir en une année cinquante-huit plans de démantèlements, nous proposons que soit obligatoirement présenté un plan de démantèlement à chaque visite décennale, qui est une visite approfondie visant l’ensemble de la sûreté du réacteur. Tous les réacteurs auront ainsi progressivement leur plan de démantèlement. Il serait impératif de viser en premier lieu les centrales âgées au moins de trente ans.

Le projet de loi vise par ailleurs à supprimer tout débat public en cas d’installation d’une ligne à haute tension : c’est inacceptable pour France Nature Environnement, une association qui se fait un honneur de participer à tous les débats, car ce serait une véritable marche en arrière en matière de concertation et d’implication des citoyens. C’est pourquoi nous serons très attentifs à ce que cette mesure disparaisse du texte – nous avons rédigé une proposition d’amendement en ce sens.

Enfin, le texte instaure une stratégie nationale bas carbone qui repose sur la fixation d’un plafond d’émission de gaz à effet de serre réexaminé tous les cinq ans. Ce plafond ne prend en compte pour l’heure que ce que la France produit sur son territoire national. Or, si, sur les dix dernières années, le secteur industriel a énormément diminué sa consommation et donc sa production de gaz à effet de serre, c’est qu’il a délocalisé, ce qui n’a aucun effet bénéfique pour la planète et pourrait même in fine avoir un effet négatif.

C’est pourquoi nous proposons la création d’un outil fin de pilotage : à côté du plafond de production des gaz à effet de serre, il conviendrait de prévoir une évaluation de la consommation des gaz à effet de serre : elle prendrait en compte les gaz à effet de serre émis en France, auxquels seraient ajoutés les gaz à effet de serre nécessaires pour produire nos importations mais soustraits les gaz émis pour nos exportations. Ainsi, la décision d’un industriel parti en Chine de revenir en France se traduirait évidemment par une émission accrue de gaz à effet de serre « production », mais par une réduction concomitante – et probablement plus importante, et c’est ce qui compte pour la planète – du volume de gaz à effet de serre « importations ».Disposer de ces deux outils de pilotage permettrait d’évaluer la production globale – la seule qui compte pour la planète – et de favoriser des relocalisations.

M. Marc Jedliczka du CLER-Réseau pour la transition énergétique. Le CLER est spécialisé dans l’énergie du climat : il a pris comme sous-titre il y a deux ans « Réseau pour la transition énergétique », à savoir RTE : notre approche est toutefois différente de celle du Réseau de transport de l’électricité !

Nous avons rédigé, nous aussi, à votre attention des projets d’amendements que je regrouperai sous trois grands thèmes.

Le premier concerne la rénovation du bâti, enjeu majeur de la transition énergétique. Le patrimoine bâti dont nous héritons nécessite des travaux vigoureux : à l’horizon 2050, la totalité du parc devra être rénovée à un niveau compatible avec les objectifs du label BBC – bâtiment basse consommation –, voire de l’habitat passif. Or le projet de loi a oublié de prévoir une stratégie de rénovation du bâti : c’est ce que fait notre proposition d’amendement à l’article 2 à moyen et long terme. La crédibilité du texte en sortira renforcée.

Nous proposons également, à l’article 5, qui instaure une obligation d’améliorer significativement la performance énergétique d’un bâtiment à chaque fois que des travaux importants y sont réalisés, des amendements relatifs aux périodes de mutation, c'est-à-dire des changements de propriétaires, comme en cas de ravalement ou de changement de toiture. Il faut instaurer dans la vie des bâtiments des moments où il est obligatoire de réaliser des travaux d’isolation.

Il est, en outre, très important de prévoir que, si les travaux sont réalisés par étapes, chaque étape soit compatible avec la suivante. C’est à cette seule condition qu’il sera possible d’atteindre un niveau de performance énergétique final proche du BBC. Nous vous proposons d’introduire cette précision afin de rendre la disposition véritablement opérationnelle.

Nous avons également rédigé une proposition d’amendement visant à prendre en compte la notion de décence : il est indispensable d’établir une stratégie en direction des « passoires thermiques » qui sont généralement habitées par des personnes en précarité énergétique. Il n’est plus possible de se contenter d’incantations sur le sujet : il faut mener une action vigoureuse.

Nous proposons également à l’article 47 une disposition relative aux appareils électroménagers visant à combler le retard de la France sur la transposition du droit européen en la matière.

Deuxième thème : les EnR. Nous pensons que l’ensemble des énergies capitalistiques, qui coûtent cher à l’investissement mais ne coûtent quasiment rien en fonctionnement, sont très peu compatibles avec le marché. Ce sont les énergies dites fatales : les EnR en font partie, le nucléaire aussi – c’est la raison pour laquelle EDF demande un tarif d’achat pour sa production nucléaire au Royaume-Uni, ce qui prouve que la notion de marché n’est pas tout à fait adaptée à ce type de production. C’est pourquoi il conviendrait, sans le rendre irréversible, de tester le dispositif de versement de la prime pour la vente des EnR sur le marché. Ainsi, en Allemagne, chaque mois, un producteur photovoltaïque ou éolien peut choisir d’être présent sur le marché ou soumis au tarif d’achat. Nous proposons de mettre en place un système analogue, au moins à titre transitoire.

L’article 30 prévoit que le Gouvernement pourra légiférer par ordonnance dans le domaine des énergies renouvelables : cela nous semble dangereux et pour tout dire inacceptable. Il est de votre devoir, mesdames et messieurs les membres de la représentation nationale, de conserver le contrôle de ce chapitre important de la transition énergétique et donc de supprimer ces deux alinéas.

Le troisième thème concerne les relations avec les réseaux de distribution, qui posent des problèmes. C’est pourquoi il n’est pas souhaitable à nos yeux que les autorités régulatrices de la distribution perdent au profit de la CRE la possibilité de sanctionner leurs concessionnaires comme le prévoit le texte. Les collectivités locales, via les autorités organisatrices de la distribution d’énergie (AODE), doivent au contraire garder la main et pouvoir négocier à forces égales avec les concessionnaires – cela vaut pour tous les domaines : le gaz et l’électricité comme l’eau et les déchets. Le monopole tel qu’il est structuré aujourd'hui est archaïque : il est temps de le réformer et de prévoir des possibilités de négociation et de collaboration avec les territoires.

Nous proposons en outre la séparation effective entre ERDF et EDF, à laquelle est également favorable le médiateur de l’énergie.

Une autre proposition d’amendement, d’apparence très technique mais importante, a trait à ce que l’on appelle le raccordement indirect. Une directive européenne a créé les « réseaux fermés de distribution », en fait des réseaux privés ou semi-privés raccordés au réseau public – ce peut être le cas d’un campus universitaire, d’un site industriel, etc. Cette possibilité donnée aux États membres n’a pas encore été transposée en droit français : nous souhaitons qu’elle le soit, mais dans des conditions permettant aux opérateurs en aval qui sont raccordés à ces réseaux fermés de bénéficier à la fois de l’ouverture des marchés – autrement dit de choisir leur fournisseur – et des aides à la production des énergies renouvelables : tarifs d’achat, appels d’offre, etc. Il faut savoir que nous rencontrons aujourd'hui sur le terrain des problèmes avec les gestionnaires de réseaux pour faire valoir ce droit, qui appartient à tous les citoyens comme à toutes leurs organisations.

L’accès aux données des réseaux de distribution a été longuement évoqué dans le cadre du débat : nous avons proposé un amendement à l’article 54 ouvrant l’accès non pas seulement aux données physiques – taille et longueur des câbles – mais aussi aux données de consommation et de production, et ce en temps quasi réel, tout en respectant les contraintes liées aux ICS, c’est-à-dire aux données sensibles au plan commercial.

Les réseaux de distribution constituent l’épine dorsale d’une politique territoriale de l’énergie : or les territoires sont constitués non seulement des collectivités et des réseaux, mais également des citoyens, qui ont besoin d’être informés de manière neutre, indépendante et objective, sur toutes les questions touchant l’énergie. Ils doivent pouvoir notamment distinguer l’information de la communication commerciale. Or, aujourd'hui, la confusion est totale. C’est pourquoi nous avons proposé un amendement visant à pérenniser le réseau des espaces Info Énergie qui remonte déjà à une quinzaine d’années, mais qui vit dans la misère – j’en sais quelque chose en tant que directeur de l’espace Info Énergie de la partie rurale du département du Rhône. Il serait souhaitable que ce service public d’information indépendante sur l’énergie, qui a fait la preuve de sa qualité, soit reconnu au même titre que les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), et assuré de financements pérennes, ce qui éviterait de devoir aller pleurer chaque année des subventions régulièrement en baisse auprès des conseils généraux et de l’ADEME. Il s’agit de métiers très complexes, tout à la fois techniques et sociaux, puisque les espaces Info Énergie accompagnent aussi bien des personnes en précarité que des catégories socioprofessionnelles favorisées, ce qui exige de s’adapter aux différents publics et de se tenir informer des évolutions techniques qui sont très rapides dans le domaine du bâtiment et de l’énergie.

Mme Lorelei Limousin, chargée de mission transports de Réseau Action Climat. Le Réseau Action Climat, un réseau de seize associations nationales qui luttent contre le changement climatique, vous remercie de lui donner l’occasion de s’exprimer devant vous aujourd'hui sur le projet de loi relatif à la transition énergétique.

La transition énergétique, qui est une nouvelle trajectoire vers un modèle énergétique plus sobre tendant vers le 100 % renouvelable, est un enjeu crucial pour lutter contre les changements climatiques. Le projet de loi sur lequel vous travaillez sera un marqueur fort alors que la France présidera en 2015 la conférence des Nations unies sur le climat. Elle doit à ce titre faire preuve d’exemplarité et de volonté.

Le cinquième rapport du GIEC est sans équivoque. Les changements climatiques se font déjà sentir : le niveau des mers n’a jamais augmenté aussi vite et la terre s’est déjà réchauffée de 0,85 degré par rapport à l’ère préindustrielle. En France, les impacts seront multiples comme une augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes ou l’arrivée des maladies tropicales en métropole. La montée du niveau des mers menacera nos infrastructures de transports en submergeant, à en croire les études de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, quelque 355 kilomètres d’autoroutes, 4 338 kilomètres de routes départementales et 1 967 kilomètres de voies ferrées.

La responsabilité de l’homme dans ces bouleversements n’a jamais été aussi certaine. Il est donc de notre responsabilité d’agir, non seulement pour éviter le scénario du pire, mais aussi parce que – tous les rapports récemment publiés l’attestent – les solutions aux changements climatiques existent et sont bénéfiques en terme d’emplois, de santé publique, de justice sociale et de lutte contre la précarité énergétique, d’indépendance et de facture énergétiques et de prévention de conflits internationaux.

En France, ces solutions passent notamment par la transition énergétique.

Dans le secteur des transports, premier secteur émetteur de gaz à effet de serre, les solutions ne peuvent se limiter à la promotion d’une seule motorisation ou des biocarburants : il faut enclencher une véritable politique durable de transport des personnes et des marchandises permettant et encourageant les mobilités alternatives.

Les points forts du titre III relatif aux transports concernent les zones de circulation restreintes ou les objectifs chiffrés imposés aux entreprises de la grande distribution pour lesquels nous attendons une mise en œuvre effective.

Toutefois, le projet de loi ne contient pas de mesures concrètes à même de favoriser le report modal, que ce soit pour le transport des personnes ou des marchandises. Ni les modes actifs comme le vélo, ni les transports en commun n’y figurent et la lutte contre l’étalement urbain y fait grandement défaut.

Parmi l’éventail des mesures nécessaires pour atteindre dans ce secteur le facteur 4, c’est-à-dire la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en 2050, objectif inscrit dans le texte dans ce secteur, voici quatre propositions des organisations non gouvernementales.

Il faut en premier lieu mieux articuler urbanisme, mobilité et offre de transports dans le cadre de la planification des déplacements à l’échelon local, ou mieux intercommunal. Seule la moitié des Français, aujourd'hui, sont concernés par les plans de déplacements urbains : les PDU ne sont obligatoires que pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Comme ce dispositif, après trente ans d’existence, a fait ses preuves pour développer les mobilités alternatives, il est temps d’abaisser ce seuil à 20 000 habitants.

Nous partageons le même souci de planification à l’échelle des entreprises. Alors que la proportion de Français utilisant leur voiture pour aller au travail stagne – elle ne diminue que dans les centres urbains – les plans de déplacements entreprises (PDE) gagneraient à devenir obligatoires, comme en Belgique, pour les établissements qui regroupent plus de cinquante salariés. Cette mesure aurait pour effet d’encourager les nouvelles mobilités, comme le covoiturage, une meilleure organisation du travail – télétravail, horaires flexibles pour éviter les problèmes de congestion –, les modes actifs, les transports en commun et l’intermodalité dont les possibilités sont souvent mal connues ou mal évaluées par les salariés. Ces PDE sont aussi l’occasion de réduire les coûts imputés par les transports à l’entreprise, notamment en matière de stationnement, et au salarié, qui verra ses frais de carburant baisser. Cette mesure poursuit aussi un but social, car les salariés peuvent bénéficier d’un accompagnement et d’un conseil en mobilité. Le projet d’amendement que nous proposons encourage aussi les plans de déplacement interentreprises (PDIE) pour atteindre une masse critique de covoitureurs : alors que le covoiturage se développe rapidement pour les longues distances, il reste peu employé pour la mobilité locale.

Ce dispositif devra être complété par des mesures de soutien spécifique au vélo, dont le potentiel est évident mais sous-exploité. Ainsi, les cyclistes sont les seuls à ne pas être remboursés par leurs employeurs pour leur déplacement domicile-travail : ils ne peuvent bénéficier d’un calcul de leurs frais réels comme les automobilistes, ce qui accrédite l’idée selon laquelle le vélo ne serait pas un véritable mode de transport, alors même que la moitié des trajets effectués en voiture fait moins de trois kilomètres. Une indemnité kilométrique dédiée de 25 centimes par kilomètre permettra de remettre les modes de transport sur un pied d’égalité, mais également et d’enclencher un véritable report modal. Il conviendra évidemment de multiplier les parkings à vélos sécurisés, notamment à l’occasion des travaux dans tous les bâtiments.

Nous proposons également une mesure à effet immédiat, déjà émise dans la synthèse du débat sur la transition énergétique : la baisse des limitations de vitesses d’au moins dix kilomètres-heure sur les routes et les autoroutes. L’effet escompté correspond à une diminution annuelle de 4 millions de tonnes de CO2 environ, ce qui est considérable, et revient à rapprocher la vitesse des autoroutes françaises de la vitesse moyenne européenne, qui est de 120 kilomètres heure. Instaurée en 2011 par l’Espagne, cette mesure a permis d’alléger de 450 millions d’euros sa balance commerciale. Les bénéfices de cette mesure dépassent largement la sphère environnementale puisqu’elle entraîne une diminution directe de la pollution de l’air et du nombre d’accidents. Sur plusieurs dizaines de kilomètres, cela ne fera que quelques minutes de perdues contre des centaines de vies gagnées, sans compter les économies de carburant. Par ailleurs, généraliser le trente kilomètres heure en ville permettrait d’apaiser les centres urbains et d’encourager les mobilités alternatives.

Nous savons pertinemment qu’il ne sera pas possible d’atteindre le facteur 4 sans un signal prix ambitieux et pérenne sur le carbone et l’énergie – tel est le verdict des économistes et des scientifiques. Si la contribution climat énergie n’est pas inscrite dans ce projet de loi, nos organisations redoubleront d’attention lors de l’examen du projet de loi de finances, qui aura lieu peu de temps après le sommet Climat organisé par le secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki Moon.

M. le président François Brottes. Les élus locaux connaissent le succès des PDU et des PDE. Le volontarisme doit être de mise. Je suis certain que notre rapporteur fera des propositions fortes en ce sens.

Pour ce qui est du vélo, l’assistance électrique peut se révéler utile dans les zones un peu plus accidentées. Or il existe des problèmes d’homologation des vélos électriques.

Je tiens enfin à rendre hommage à la loi pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové – loi ALUR – qui a prévu de nombreux dispositifs contre l’étalement urbain. Il n’est donc pas utile de la récrire dans le prochain texte relatif à la transition énergétique. Évitons de réécrire sans cesse les lois.

M. Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire de Greenpeace. Nous nous sommes mis d’accord pour que nos différentes interventions évitent de se répéter. Les représentants des différentes associations présents ce matin sont donc d’accord sur l’essentiel.

Ce texte ne satisfait évidemment pas Greenpeace, qui est favorable à une sortie la plus rapide possible du nucléaire. Toutefois, après en avoir pris connaissance avec pragmatisme, nous nous sommes concentrés sur la préservation de l’accès à l’information et de la consultation du public, surtout dans le domaine de la sûreté. Notre position fera peut-être hurler certains opposants au nucléaire, qui considéreront que nos propositions d’amendements valent acceptation de la durée de vie des centrales. Tel n’est pas le cas : nous prenons acte de l’existant, à savoir un texte qui porte sur un parc nucléaire dont la moyenne d’âge des réacteurs est de trente ans – certains approchent les quarante ans. C’est pourquoi nos propositions visent avant tout l’exploitation des réacteurs au-delà de quarante ans et l’information des citoyens – Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a évoqué la démocratie participative : il faut continuer dans ce sens, d’autant que, si les installations nucléaires font l’objet de débats publics lors de leur création, il ne se passe pratiquement plus rien après, même à des moments très importants de leur existence, comme le passage des quarante ans. Nous avons enfin formulé trois propositions d’amendements sur la gouvernance de la politique énergétique.

Pour ce qui est de l’exploitation des centrales au-delà de quarante ans, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) formulera très bientôt en direction d’EDF des recommandations génériques qu’elle aura définies. En 2019, elle annoncera les mesures à prendre pour permettre une exploitation au-delà de quarante ans. Or, aucune étape de ce processus ne prévoit une nouvelle consultation du public, alors que la remise à niveau de sûreté des centrales impliquera des modifications importantes, dont certaines pourraient déjà être qualifiées de « modifications notables », obligatoirement soumises à enquête publique comme le prévoit la loi. Chacun sait que le passage des quarante ans est primordial : M. Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN, a plusieurs fois eu l’occasion de le souligner devant vous, ajoutant que l’exploitant aura à faire la démonstration de sa capacité non seulement à maintenir mais à augmenter le niveau de sûreté de manière à conduire le parc existant à un niveau de sûreté équivalent à la génération III, qui est celle de l’EPR.

C’est la raison pour laquelle nous préconisons que, deux ans avant les quarante ans de la centrale, l’exploitant demande de manière formelle l’autorisation de prolongation au-delà des quarante ans. Cette période de deux ans devra donner lieu à un processus similaire à la création d’une installation nucléaire de base (INB). Cette mesure devra concerner toutes les installations présentes.

Il est également impératif de préciser la notion de quarante ans, qui reste diffuse – même l’ASN et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) n’en ont pas la même définition ! À nos yeux, il est important de calculer les quarante ans non pas à partir de la mise en service mais de la divergence, c’est-à-dire du démarrage de la réaction en chaîne. Il n’est donc pas acceptable de prendre comme référence la fin de vie prévue, dans la mesure où l’on n’en sait strictement rien… Préciser la notion des quarante ans est une nécessité d’ordre réglementaire.

S’agissant de l’obligation d’information dans les périmètres des plans particuliers d’intervention (PPI) – dix kilomètres autour des installations – je rappelle qu’au niveau européen comme au sein des autorités françaises, un débat a lieu sur une extension éventuelle de ces zones. Il nous semble nécessaire, quant à nous, d’étendre l’information bien au-delà du périmètre actuel des PPI, jusqu’à cinquante kilomètres – nous avons rédigé une proposition d’amendement en ce sens. L’expérience de Fukushima a en effet largement démontré que les hôpitaux et les services communaux manquaient de l’information nécessaire sur l’attitude à adopter en cas d’incident. D’autres ont proposé de prendre en considération la notion de bassin de vie. Nous n’y sommes pas opposés. Il faut en tout cas prévoir une information des citoyens au-delà des périmètres couverts par les PPI, notoirement insuffisants.

Nous souhaitons également que le Gouvernement garde le contrôle de l’application de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). La rédaction actuelle du texte rendant possible des flexibilités trop importantes sur la manière dont la PPE pourra être appliquée, il convient de verrouiller ce contrôle au niveau politique. Il est notamment primordial de pouvoir vérifier de manière permanente que les investissements effectués par les exploitants ne sont pas en décalage avec la PPE. Ils doivent être approuvés par le ministre chargé de l’énergie, qui doit garder le dernier mot. L’article 55 précise qu’« un commissaire du Gouvernement, nommé auprès de tout exploitant produisant plus du tiers de la production nationale d’électricité, peut s’opposer à une décision d’investissement incompatible avec la PPE » : à notre sens il devrait non pas « pouvoir » mais « être tenu » de s’opposer à toute décision incompatible avec la PPE.

M. Matthieu Orphelin, conseiller spécial et porte-parole sur la transition énergétique de la Fondation Nicolas Hulot. Avec les travaux de la commission spéciale à l'Assemblée Nationale, la loi sur la transition énergétique connaît son heure de vérité.

Allez-vous en faire un texte fondateur, le « texte le plus avancé au niveau européen » pour reprendre l’ambition du Gouvernement, une loi à la hauteur des enjeux et qui impulse une dynamique nouvelle sur la transition énergétique et la croissance verte ? Vous seuls avez la réponse.

Le texte doit être significativement amélioré pour atteindre cet objectif. Vous en avez la responsabilité dans le cadre des amendements que vous déposerez.

Nous croyons en votre travail sur ce projet de loi. C'est pourquoi la Fondation Nicolas Hulot a formulé trente-cinq ans propositions pour vous permettre d’enrichir le texte. Une bonne partie est consensuelle et peut être facilement intégrée au texte.

Vous ne partez pas de zéro. Alors que vous allez étudier le texte en quelques jours seulement, n’oubliez pas que les parties prenantes ont travaillé le sujet depuis le lancement du débat sur l’énergie il y a deux ans…

Les experts pluralistes mobilisés sur le débat ont produit de nouvelles connaissances sur les scénarios comme sur les bénéfices macro-économiques de la transition énergétique. À vous d'en tirer profit.

Nous avons construit patiemment des consensus, des organisations patronales aux syndicats de salariés, des collectivités aux ONG, sur des sujets essentiels et parfois conflictuels. Or beaucoup de ces consensus sont passés sous silence dans le texte actuel. Je vous donnerai trois exemples : le nécessaire dispositif de suivi des moyens financiers consacrés à la transition énergétique – j'y reviendrai –, le lancement d'une étude d'impact sur la baisse généralisée des vitesses – ce n’est pas cette baisse qui faisait consensus, mais bien le lancement de l’étude d’impact – ou encore la nécessité de mobiliser les entreprises sur les transitions professionnelles des salariés, un sujet sur lequel le projet de loi est quasi-muet. Je le répète : toutes ces recommandations étaient consensuelles, y compris pour le MEDEF. À vous de les réintégrer dans le texte.

Je souhaite revenir très rapidement sur le thème central du financement de la transition énergétique. Vous pouvez grandement améliorer le texte notamment sur le financement par les citoyens des projets d'énergies renouvelables. La rédaction actuelle de l'article 27 peut être améliorée. Il faudrait ouvrir le financement à tous les citoyens, et non seulement aux riverains « résidant habituellement à proximité du projet », comme le texte le prévoit actuellement. Il faut également préciser comment les porteurs de projet EnR seront exonérés des contraintes liées à l'appel à l'épargne des particuliers. Il faut, plus globalement, inscrire dans la loi un délai d’un an pour identifier et lever tous les freins actuels, s’agissant notamment des modalités techniques liées aux règles pour l'appel à l'épargne des particuliers ou des statuts juridiques. Par exemple, certaines obligations liées au statut des sociétés coopératives d’intérêt collectif pourraient être levées très facilement pour leur permettre de connaître le même succès qu’en Allemagne.

Une fois ces trois préalables réalisés, il serait possible, d’ici trois à cinq ans, de rendre cet appel au financement citoyen obligatoire comme au Danemark.

Il convient également que le texte lève les freins au tiers-financement. La version précédente de la loi était plus satisfaisante sur ce point. Il s'agit d'une question de volonté politique. La loi doit permettre au tiers-financement de se développer enfin et aux collectivités d'y prendre toute leur part. Rappelons que les banques ont pu bénéficier au cours des dernières années de conditions très favorables sur lesquelles l'Etat a été très clément – dois-je rappeler l'historique de la création du Livret Développement durable appelé à remplacer le CODEVI ? Aux banques maintenant de jouer le jeu.

Il est également nécessaire de prévoir la mise en place, par le Gouvernement, d'un suivi régulier et partagé des moyens financiers publics et privés mis en œuvre pour financer la transition énergétique. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce suivi n'existe pas encore. Il devrait faire l’objet d’un rapport annuel du Gouvernement à destination du Parlement. C'était une demande consensuelle de tous les acteurs du débat, reprise également dans l'avis du Conseil national de la transition énergétique (CNTE). Ce dispositif permettra notamment de suivre la mise en œuvre effective, et le rythme, des dispositifs annoncés par le Gouvernement cet été : doublement du fonds chaleur, fonds spécial de 1,5 milliard, les 5 milliards de prêts dédiés à la transition énergétique de la Caisse des dépôts et consignations. Ce sont de bons outils : encore faut-il s'assurer de leur mobilisation pleine et entière et du rythme de celle-ci.

Il faut par ailleurs encourager les comportements vertueux de tous les acteurs. Sur certains sujets essentiels, ce n'est pas le cas dans la version actuelle du texte. Je vous livre trois exemples sur lesquels vous pouvez efficacement faire progresser les rédactions. Je précise que nous avons veillé à respecter l'article 40, en précisant, lorsque c'est nécessaire, les sources de financement mobilisées.

S’agissant des collectivités, l'article 9 impose 20 % de véhicules sobres dans les parcs des collectivités, mais cet objectif, déjà inscrit dans la loi sur l'air adoptée il y a dix-huit ans, en 1996, n'est toujours pas respecté. Il faut instaurer, comme une précédente version du projet de loi le prévoyait, une contribution pour les collectivités qui ne respecteraient pas cette obligation. Le produit de cette contribution serait intégralement reversé au financement des projets mobilités douces des collectivités. Les collectivités les moins vertueuses financeraient ainsi les projets des collectivités les plus vertueuses, ce qui devrait rassurer les associations qui les représentent.

S’agissant des entreprises, il serait utile d’ajouter, par exemple à l’article 22, un principe de mesures de soutien, notamment fiscales, aux TPE et PME qui s’engageraient dans l'économie circulaire et l'éco-conception. Ces mesures pourraient être financées par une augmentation très raisonnable et échelonnée dans le temps de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) stockage payée par les entreprises.

S’agissant enfin des citoyens, il faut les inciter à adopter eux aussi des comportements vertueux ; encore faut-il qu’ils en aient les moyens. L'ouverture de la prime à la conversion, prévue à l'article 13, à l'achat d'un véhicule d'occasion récente, constituerait une grande avancée sociale. Elle pourrait être financée par une augmentation progressive de la fiscalité sur le diesel. Un ménage modeste n’a pas toujours les moyens de s’acheter une voiture neuve.

Ces trois mesures favoriseraient les comportements vertueux en pénalisant un peu ceux qui le seraient moins. Tel est le sens du basculement vers une fiscalité plus écologique que soutient la Fondation Nicolas Hulot, un autre sujet sur lequel le projet de loi pourrait prévoir une trajectoire en élevant, par exemple, le prix de la tonne de CO2 à 100 euros en 2030. Cette mesure devrait être évidemment conjuguée avec des dispositifs de soutien adaptés favorisant la conversion des acteurs économiques les plus fragiles.

Vous l'aurez compris, nous comptons beaucoup sur vous et vos amendements. Nicolas Hulot a appelé à ce que, au-delà des clivages, ces travaux parlementaires soient l'occasion de laisser les armes au vestiaire, de mutualiser les intelligences et de tirer cette loi vers le haut, comme cela avait été le cas de la loi Grenelle 1. Cette loi de transition énergétique peut être le moteur de l'économie de demain : à vous de le rendre possible !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure sur les titre Ier et V du projet de loi. Certains d’entre vous se sont dits réservés sur le mécanisme de complément de rémunération en soulignant que ce dispositif ne devrait concerner que les filières matures et demeurer dans un premier réversible. Êtes-vous unanimes sur ce point ?

Si nous avons conscience de cette difficulté, nous entendons conserver un œil attentif sur le montant de l’enveloppe de la CSPE, afin de ne pas alourdir encore la charge qui pèse sur les factures d’électricité. Il est parallèlement nécessaire de nous orienter vers la convergence avec les marchés, préconisée par la Commission européenne. Pensez-vous qu’instaurer le financement participatif des citoyens ou des collectivités au capital des sociétés anonymes de projets EnR est une bonne chose et permettra un meilleur développement des EnR, notamment en termes d’acceptabilité des projets ?

La Fondation Hulot propose que cette possibilité soit donnée à tous les citoyens et non seulement aux riverains : or les citoyens ont tendance à se mobiliser de préférence sur des projets locaux. Les autres associations jugent-elles elles aussi nécessaire d’élargir cette possibilité à tous les citoyens ?

Le CLER a estimé que les appels d’offre sont parfois inefficaces : comment en améliorer le système pour qu’il contribue efficacement au développement des EnR ?

La convention pour une hydroélectricité durable signée par le CLER et la Fondation Nicolas Hulot vise notamment à développer la petite hydroélectricité sur des sites propices. Or force est de constater qu’il est très difficile d’atteindre ces objectifs, pourtant peu ambitieux, au regard notamment du classement en vigueur des cours d’eau. Êtes-vous favorables au développement de la petite hydroélectricité ? Les schémas de classement doivent-ils être révisés périodiquement pour prendre en considération les évolutions techniques et les modifications des milieux ?

Enfin, êtes-vous favorables à l’élargissement de l’assiette de la CSPE ? Pensez-vous qu’il aura une incidence sur le prix d’autres combustibles ?

M. Philippe Plisson, rapporteur pour les titres III et VI du projet de loi. M. Orphelin souhaite améliorer ce texte : il a déjà le grand mérite d’exister et il doit être surtout complété. Nous sommes ouverts à vos suggestions, d’autant que le temps nous est compté.

Un grand nombre des propositions de la Fondation Hulot nous intéresse dans le domaine des transports et nous essaierons de les reprendre. Il en est de même des propositions de Réseau Action Climat. Vous appelez à mieux articuler l’urbanisme et le transport ; nous en sommes bien d’accord. Je regrette qu’on parle toujours des plans de déplacement urbain et jamais de plans de déplacement ruraux : il est vrai qu’ils n’existent pas encore. La mobilité rurale est un vrai problème ; il convient d’y réfléchir et de l’organiser afin d’éviter une France à deux vitesses.

Je ne suis pas opposé à rendre obligatoires les plans de déplacement des entreprises ; encore faut-il savoir où placer le curseur. Nous réfléchissons également à des plans de déplacement pour les lycées et les collèges, ainsi que pour les administrations. Il faut des plans partout où il y a du monde afin d’organiser un déplacement durable.

Nous reprendrons vos propositions relatives au vélo et en formulerons également en vue de soutenir ce mode de transport. La question des parkings mérite effectivement d’être traitée dans la loi.

J’ai rencontré les représentants de Vinci : il faudrait, comme cela se fait à Madrid, aux États-Unis et dans d’autres pays, prévoir des voies dédiées à ceux qui entrent en ville au moment de l’embauche en réservant une file aux transports en commun, au covoiturage et éventuellement aux taxis. Ce dispositif est difficile à mettre en place compte tenu de la variété des situations mais il est nécessaire d’aller en ce sens.

S’agissant du nucléaire, nous avons reçu beaucoup de demandes relatives à l’exploitation des centrales au-delà de quarante ans. Autant il est possible d’arriver à un consensus sur le transport, autant les discours sur le nucléaire sont tranchés, dans un sens ou dans l’autre. C’est pourquoi le rapporteur ne proposera pas d’amendement pour éviter d’apparaître comme un partisan au risque de nuire à l’objectivité des débats. Il existe toutefois une marge de progression.

S’agissant de vos propositions relatives à la consultation du public, je suis plutôt réservé. Je suis maire d’une commune située dans un périmètre couvert par un PPI – elle est à dix kilomètres d’une centrale nucléaire. Le problème de l’information, c’est que les habitants s’en fichent ! Voilà trente et un ans que la centrale fonctionne : elle appartient désormais au paysage. Des manœuvres ont été organisées cette année : personne n’est venu, en dépit de la mobilisation des médias, contrairement aux premiers exercices auxquelles tous les habitants avaient participé. Vous pourrez élargir le périmètre autant que vous voudrez : plus on sera éloigné de la centrale, moins on se sentira concerné. Il faut trouver des solutions pour sensibiliser les habitants à cette problématique. Trouver un consensus sur le sujet est nécessaire.

M. Denis Baupin, rapporteur sur les chapitres Ier à III du titre VIII du projet de loi. Après avoir entendu successivement les collectivités territoriales, les organisations patronales, les syndicats et les organisations non gouvernementales, je suis frappé de constater que le débat sur la transition énergétique a permis une réelle prise de conscience et a développé une expertise qui n’existait pas nécessairement au départ. Si les textes législatifs étaient plus souvent précédés de tels débats, ils y gagneraient en qualité.

Étant en charge du chapitre sur la gouvernance, j’aimerais savoir ce que vous pensez de ce dispositif innovant et inédit : au plan national, le projet prévoit la création d'un budget carbone assorti d'une stratégie ad hoc, une programmation pluriannuelle de l'énergie, des schémas stratégiques pour les producteurs d’électricité. Ces mécanismes vous semblent-ils permettre un réel pilotage par les pouvoirs publics ? S’agissant du budget carbone, la question des importations – des fuites de carbone liées aux délocalisations – est importante, comme le reconnaissait le responsable du MEDEF auditionné l’autre jour. Si nous n’y prenons garde, ce type de dispositifs peut engendrer des effets pervers et favoriser les délocalisations.

L’avant-projet de loi prévoyait la création d’un comité d’experts sur les questions énergétiques, proposition qui a été supprimée dans la version actuelle du texte, sans doute par souci de ne pas multiplier ce genre de structures. Pour ma part, je pense qu’il aurait eu le mérite de permettre la confrontation d’analyses divergentes venant d’experts indépendants et d’horizons différents, et d’éclairer les débats sur ces sujets complexes.

Marc Jedliczka a insisté sur l’importance du conseil en efficacité énergétique qui pose le problème de la territorialisation de la gouvernance. Depuis l’adoption de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, la région est devenue le chef de file pour ces questions ; elle pilote donc le service public d’efficacité énergétique créé par la loi Brottes. Avez-vous des idées sur la manière d’articuler au mieux le travail de la région avec celui des établissements publics de coopération intercommunale, chargés des plans climat territoriaux, afin d’impulser sans la brider l’initiative locale ?

S’agissant de la distribution, le statut d’ERDF est au cœur de nos débats. Même si les syndicats ont un point de vue particulier sur le sujet, tous les intervenants ont l’impression qu’une partie du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE), payé par les consommateurs, se retrouve dans les dividendes versés par ERDF à EDF, alors qu’il n’a pas été créé pour soutenir les cours de bourse de l’opérateur et que l’on peut redouter un déficit d’investissements dans les réseaux. Pourquoi ne pas revoir le statut d’ERDF, en s’inspirant de celui de Réseau de transport d'électricité, pour avoir une meilleure maîtrise du TURPE et pour que les collectivités locales, c'est-à-dire les autorités organisatrices de la distribution d’électricité, puissent être présentes dans les instances d’ERDF ?

Je partage les points de vue exprimés sur l’insuffisance du texte en matière de transition professionnelle. Le Conseil économique, social et environnemental a fait des propositions totalement consensuelles, comme l’ont confirmé les organisations syndicales et patronales lors de la table ronde. Le texte pourrait donc être renforcé sans nuire, bien au contraire, au dialogue entre les partenaires sociaux.

La durée de vie des réacteurs nucléaires français, fixée à quarante ans, est un sujet relevant à la fois de la gouvernance et de la transparence, qui a été identifié par la commission d’enquête sur les coûts du nucléaire et par l’Autorité de sûreté nucléaire. Il faut que tout le monde – y compris l’exploitant – sache comment cela va se passer.

M. le président François Brottes. Après les questions des rapporteurs, nous passons à celles des orateurs inscrits.

M. Jean Launay. Mon intervention consistera essentiellement à demander à nos interlocuteurs ce qu’ils pensent de l’élargissement de la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Hier, les syndicats ont reproché au texte de ne parler que d’électricité, certains allant même jusqu’à le qualifier d’anti-EDF. Que pensez-vous de l’idée d’élargir l’assiette de la CSPE et de créer une contribution au service public de l’énergie, ce qui permettrait de mettre les énergies fossiles dans la boucle du financement des énergies renouvelables ?

M. Bertrand Pancher. Nous avons reçu environ 500 à 600 propositions, notamment de la part des grandes organisations environnementales, alors que nous sommes contraints de déposer nos amendements vendredi. C’est un peu mission impossible. Notre groupe se bornera donc à examiner les propositions qui peuvent faire consensus.

Vous qui représentez les grandes organisations environnementales, comment avez-vous travaillé ensemble ? Avez-vous validé vos propositions d’amendements collectivement ? Les propositions émanent de grandes organisations représentatives comme France Nature Environnement, d’associations expertes, de fondations, de Greenpeace qui dispose aussi de ses propres experts. La réponse à cette question nous importe et elle nous permettra de nous faire notre propre avis.

S’agissant de la séparation entre le distributeur et le fournisseur d’électricité, nous avons eu peu de préconisations sur la matérialisation du renforcement du rôle du régulateur. Cela nous embête parce que nous nous rendons bien compte que le régulateur est plutôt affaibli par la baisse de ses moyens, alors qu’il devrait être renforcé.

L’électricité occupe une place de choix dans le domaine des transports où nous sommes le réceptacle de propositions venant de tous les lobbies et organisations – après vous, nous recevrons le patron de GDF-Suez. Pensez-vous que nous devons renforcer la place du gaz, grand absent de ce projet de loi ?

Sur les déchets, il n’y a rien dans vos propositions et il n’y a pas grand-chose non plus dans le projet de loi, reconnaissons-le, même s’il y est question de reprendre certaines dispositions européennes. Pourquoi n’en avez-vous pas parlé ?

En matière de concertation, nous soutenons évidemment les débats publics, à condition que les ultras ne viennent pas les empêcher et tout casser. Nous allons soutenir vos propositions d’amendements, mais comment pouvez-vous nous aider face à vos irréductibles ?

En ce qui concerne les indicateurs et les suivis, nous sommes d’accord avec la Fondation Nicolas Hulot. Vous avez beaucoup d’idées et nous attendons des propositions d’amendements précises, parce que nous manquons de temps pour retravailler tout cela.

M. le président François Brottes. Chers collègues, je vous rappelle que vous avez la capacité d’initiative et la liberté d’expression pour écrire vos propres amendements sans que d’autres tiennent la plume.

Mme Frédérique Massat. Monsieur Rousselet, le texte a développé les pouvoirs de l'Autorité de sûreté nucléaire. Pensez-vous que ce soit suffisant ou faut-il aller plus loin ?

Des dispositions figurent dans la directive sur la sûreté nucléaire, révisée en juin 2014. Ce texte doit-il servir de véhicule législatif pour transposer ces dispositions, notamment celle qui prévoit un test de résistance tous les six ans ?

Que pensez-vous des commissions locales d’information dont le rôle et les capacités d’intervention ont été quelque peu affirmées ?

Monsieur Jedliczka, je suis tout à fait d’accord avec votre appréciation sur les espaces info énergie qu’il faut conforter, installer dans le paysage et doter d’un statut moins hybride et défaillant.

Concernant les réseaux, qu’elle est votre vision de la péréquation ? Issue d’un territoire de montagne, je constate que le renforcement des réseaux et de la desserte y coûte beaucoup plus cher que dans les territoires plus densément peuplés. Que se passerait-il en cas d’une déperdition au niveau du réseau, alliée à la possibilité pour certains de faire appel à des réseaux privés ? C’est une question qui me soucie. Ce système de péréquation, qui nous permet d’avoir un même tarif en tout point du territoire, est important. Sa remise en cause pourrait avoir des conséquences dramatiques pour les zones les moins densément peuplées telles que les territoires de montagnes. Sur ce point, je souhaite un complément d’informations.

Que pensez-vous des 7 millions de bornes de recharges électriques prévues par le texte à l’horizon 2030 et de la création d’un opérateur national ?

Vous proposez d’élargir la prime de conversion aux véhicules d’occasion récents, au risque de mettre le neuf au prix d’une occasion récente. Cette idée est à étudier avec précision.

Monsieur Orphelin, j’ai lu hier sur les réseaux sociaux que vous aviez l’intention de réveiller l’Assemblée nationale. Même après des auditions nocturnes qui nous font veiller tard, nous ne sommes pas du tout endormis et nous sommes même nombreux sur tous les bancs, en ce jeudi matin. Soyez rassuré : certains parlementaires travaillent sur ces sujets depuis des années, dans le cadre de leurs mandats et de leurs différentes activités. Votre apport est essentiel dans le débat, comme celui de tous les acteurs, mais je puis vous garantir que notre intérêt pour la transition énergétique ne date pas d’une semaine. Quant à vous, monsieur le président, je vous remercie de nous rappeler que nous avons la capacité d’amender : nous ne sommes pas que des boîtes aux lettres.

M. le président François Brottes. Denis Baupin demande souvent que certaines aides puissent être dévolues au changement d’appareils ménagers comme les réfrigérateurs. En accorder pour le changement de véhicules d’occasion comporte le même risque, celui d’une augmentation des prix. Chaque fois qu’une aide publique est « fléchée » vers tel ou tel produit, y compris les panneaux photovoltaïques ou les chauffages à bois, on voit apparaître de la spéculation et une augmentation des prix. Il serait bon que vous réagissiez à propos de cet effet pervers : le détournement d’objet des aides accordées.

M. Alain Leboeuf. Madame Arditi, vous trouvez que les objectifs intermédiaires sont insuffisants et vous proposez une méthode pour atteindre les objectifs de 2030. Vous suggérez d’affiner les mesures en ce qui concerne la stratégie bas carbone, en introduisant la notion de « gaz à effet de serre consommation ». Vous prônez un plan de démantèlement des cinquante-huit réacteurs nucléaires français en trente ans. Comment rendre ces différents objectifs compatibles ? Autrement dit, comment diminuer la production d’électricité pour réduire l’émission de gaz à effet de serre, tout en supprimant très rapidement nos centrales nucléaires ?

Monsieur Jedliczka, vous avez parlé de la rénovation du bâti et vous nous proposez des amendements mais vous n’avez fait aucune remarque sur la qualité des matériaux, que ce soit dans la rénovation ou le neuf. Personne n’a évoqué les isolants biosourcés qui me tiennent à cœur car ils offriraient de nombreux avantages, outre leur pouvoir isolant : ils peuvent être produits et utilisés localement, autrement dit, ils sont une source importante d’emplois locaux ; ils ont un rôle à jouer en termes d’économie circulaire.

Madame Limousin, nous sommes prêts à vous suivre en ce qui concerne la mobilité urbaine, le covoiturage, l’encouragement du vélo – mon département détient le record de longueur de pistes cyclables – et la lutte contre l’étalement urbain. Reste un sujet trop rarement évoqué : les déplacements interurbains. Pour ce type de déplacements, on continue à utiliser des bus exclusivement au diesel malgré les problèmes liés aux gaz d’échappement. Ne faudrait-il pas amender le texte afin d’encourager le remplacement de ces bus interurbains par des véhicules fonctionnement avec des énergies renouvelables telles que le biométhane ?

Mme Cécile Duflot. Pour rassurer ceux de nos intervenants qui pourraient être inquiets, j’indique que le groupe écologiste de l’Assemblée nationale n’a pas changé de position : il souhaite toujours que soit adoptée une loi visant à faire sortir notre pays du nucléaire. Néanmoins, nous travaillons dans le cadre d’un texte de compromis qui reflète l’état démocratique de notre pays.

En ce qui concerne la vie des réacteurs nucléaires, nous considérons que la durée de quarante ans est la règle et que toute prolongation relève de l’exception. C’est pourquoi nous serons très attentifs au dispositif qui envisagerait une possibilité de prolongation. D’ailleurs, le président de l’ASN a bien insisté sur cette date fatidique et particulière pour les centrales nucléaires. Quels dispositifs précis souhaiteriez-vous voir mis en place à l’occasion de cette date, dans l’hypothèse de la poursuite de l’activité de ces réacteurs ?

Madame Limousin, vous avez regretté des manques dans les dispositifs prévus pour les transports et je partage votre analyse. Quelles mesures complémentaires vous sembleraient les plus utiles ?

Pour faire écho aux interventions de Maryse Arditi et de Matthieu Orphelin sur l’absence dans le texte de l’objectif intermédiaire de 2030, j’aurais une dernière question : comment pourrait-il être efficacement formulé comme guide des programmations pluriannuelles de l'énergie ?

M. Jean-Pierre Le Roch. Après Mme Battistel, je voulais revenir sur les parcs photovoltaïques qui se créent sur appels d’offres assortis de cahiers des charges précis. Or, lors des derniers appels d’offres, les territoires du nord de la Loire ont été exclus, notamment la Bretagne, région déficitaire en production énergétique. Quelle solution proposez-vous, sachant que ces parcs pourraient être créés sur des terres non agricoles et que le critère du transport de l’électricité pourrait être retenu ?

Mme Bernadette Laclais. Madame Limousin, je vous remercie d’avoir cité le transport de marchandises dans votre propos liminaire, tout en notant que vous n’avez pas fait de propositions sur ce sujet. De même, je m’étonne que la Fondation Nicolas Hulot ne l’évoque pas dans son document alors qu’il est à l’origine de 30 % des gaz à effet de serre dans le domaine des transports. Rappelons que la France ne respecte pas certaines conventions européennes, en dépit des projets d’ores et déjà lancés.

Toujours dans le domaine des transports et de la vitesse, vous avez parfaitement raison d’évoquer aussi la sécurité. Pour être élue d’une circonscription où la voie rapide urbaine traverse la ville, j’y ajouterais la question du bruit : nous avons constaté que la baisse de la vitesse avait un impact extrêmement fort sur les riverains. Cet élément de pédagogie et de communication peut être largement utilisé.

Monsieur Jedliczka, le CLER a fait un travail remarquable sur le terrain pour sensibiliser les parlementaires. J’approuve totalement votre proposition d’amendement relative aux espaces info, peut-être parce que je viens d’un département précurseur en la matière avec l’Association savoyarde de développement des énergies renouvelables (ASDER).

J’ai plus de réserves sur celle relative à l’intégration de la qualité du bâtiment en matière énergétique dans les critères relevant du classement des logements décents. Ancienne élue locale, j’ai pu constater que les personnes en grande difficulté vivent dans des logements qui ne sont pas de bonne qualité d’un point de vue énergétique, mais qui répondent à un vrai besoin. Où trouve-t-on le point d’équilibre ?

Je vous remercie tous car, en ciblant les propositions qui vous tiennent vraiment à cœur, vous nous permettez d’aller plus vite à l’essentiel.

M. le président François Brottes. Avant de laisser nos invités répondre et pour prévenir d’éventuelles frustrations, je vais faire trois remarques. D’abord, je rappelle que l’article 40 de notre Constitution interdit d’aggraver la charge publique d’où qu’elle vienne et quelle qu’elle soit, ce qui peut engendrer des frustrations. Aucune réforme constitutionnelle n’est annoncée sur ce point et tous les gouvernements apprécient ce dispositif qui verrouille quelque peu l’initiative parlementaire.

Ensuite, et je peux vous faire partager mon expérience dans ce domaine, certaines dispositions peuvent ne pas être constitutionnelles.

Enfin, certaines propositions relèvent plus du règlement que de la loi. Il est inutile de surcharger la loi de cette façon, ce qui contraint en outre à la retoucher à chaque modification de règlement. Pour la cogénération, il a ainsi fallu attendre un véhicule législatif qui permette de régler des problèmes de tarifs d’achat.

M. Matthieu Orphelin. Nous avons travaillé ensemble pour harmoniser nos interventions, ce dont peut témoigner Anne Bringault, notre coordinatrice. C’est l’une des originalités du collège ONG.

M. le président François Brottes. Vous voulez dire que nous aurions pu n’auditionner qu’un seul d’entre vous ?

M. Matthieu Orphelin. Tout à fait, mais nous n’aurions pas eu le plaisir de vous rencontrer et de voir votre belle énergie, madame la députée Massat. Nous avons besoin de ces rencontres parce que nous doutons, tant ce sujet ne nous semble jamais susciter l’attention qu’il mérite. Il ne s’agit pas tant de vous réveiller que de faire en sorte que ce débat prenne enfin la place qu’il mérite.

Si j’ai cité tous les citoyens, c’est parce que la définition actuelle me semble comporter un risque de contentieux : les anti-éoliens, par exemple, pourraient attaquer la définition, très floue, du riverain. Vous avez tout à fait raison de penser que les gens préfèrent investir dans des projets de proximité, mais cela peut signifier dans leur région et pas seulement aux abords immédiats de leur domicile.

Les positions sur l’élargissement de l’assiette et l’utilisation de la CSPE étaient quasi consensuelles pendant le débat, puisque seul le MEDEF a fini par s’en écarter. Nous avons besoins de travaux complémentaires et, à la faveur de la discussion du texte, une étude approfondie peut être demandée sur ce sujet complexe.

Monsieur Plisson, vous avez abordé la question des taxis. Pourquoi ne pas imposer aux taxis et aux voitures de tourisme avec chauffeur des objectifs de réduction, comme la loi le prévoit déjà pour les entreprises de la distribution ? Il y a plein de manières de le faire, détaillées dans nos documents. À chaque fois que je prends un taxi, le chauffeur m’explique qu’il en reste au diesel parce que cela lui coûte moins cher que d’acheter un véhicule hybride, ce qui nous ramène à la fiscalité.

Nous approuvons la création du budget carbone, en rajoutant les émissions importées, au moins à titre pédagogique pendant les cinq ou dix premières années. Les mutations professionnelles font l’objet de nombreuses propositions consensuelles. Le biogaz est une manière de réintégrer le gaz, notamment dans la définition des véhicules sobres.

En ce qui concerne les véhicules d’occasion récents, pour connaître l’impact d’une éventuelle mesure sur les prix, il faut la prévoir dans la loi, quitte à y renoncer par la suite. Votre interrogation est légitime ; encore faut-il se donner les moyens de le vérifier.

Pourquoi avons-nous oublié le transport des marchandises ? Notre ambition étant d’améliorer le texte existant, nous n’allions pas vous resservir tous nos discours sur la défunte écotaxe : vous connaissez nos positions et nos regrets. Mais nous pouvons vous renvoyer quelques idées sur la manière de faire évoluer le nouveau dispositif pour qu’il se rapproche de l’ambition et de l’efficacité de l’écotaxe.

M. Yannick Rousselet. Est-il difficile de parvenir à un consensus ? Il est vrai les positions peuvent être radicales sur le nucléaire, mais nos propositions d’amendements me semblent de bon sens et peuvent faire l’objet d’un large consensus.

Cet après-midi, vous allez recevoir l’Association nationale des comités et commissions locales d'information qui va revenir sur cette affaire des quarante ans. Un consensus est possible sur cette question sur laquelle l’ASN a régulièrement appelé l’attention.

Pour notre part, nous préconisons un processus tout simple s’appuyant sur la réglementation en vigueur pour la création d’une installation nucléaire de base. Deux ans avant le terme des quarante ans, l’exploitant demanderait une prolongation à laquelle s’appliquerait la réglementation applicable aux créations d’INB. C’est d’une simplicité absolue.

Nous avons regretté que le texte ne détaille pas davantage les moyens de l’ASN – un thème qui est revenu de manière récurrente dans les débats – et ne prévoie pas de l’autoriser à appliquer des sanctions graduelles. Que ce soit dans la loi ou dans des ordonnances futures, ces sanctions devront être inscrites dans les textes le plus rapidement possible. Actuellement, l’ASN n’a d’autres choix que de laisser fonctionner ou d’arrêter une installation ; elle ne dispose pas d’un arsenal de mesures coercitives variées et graduelles. Nous espérons que le texte va créer un système de sanctions graduelles, calculées en fonction des moyens des exploitants et qui ne se limitent pas aux 1 500 euros prévus pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Elles devront être proportionnelles à l’importance des installations.

S’ils sont appliqués dans les délais, les niveaux de sûreté des installations, qui prévoient notamment une réévaluation tous les dix ans, sont plutôt satisfaisants. Nombre de mes collègues étrangers aimeraient voir s’appliquer un processus de ce niveau dans leur propre pays. L’ASN a une bonne méthode et un bon calendrier ; encore faut-il qu’elle ait les moyens – notamment humains – de les appliquer. Dans les mois et les années à venir, l’agence va devoir faire face à une surcharge de travail gigantesque due à l’application du délai de quarante ans et à l’élaboration de nouvelles normes « post Fukushima », un travail qui n’est pas terminé. Les textes existants sont plutôt bien faits mais encore faut-il les respecter et s’en donner les moyens.

Les gens se fichent des risques nucléaires, dites-vous. Je vis moi-même à dix-huit kilomètres de l’usine de La Hague et à environ vingt kilomètres de celle de Flamanville, j’y suis né ; j’aime cet endroit ; je participe aux différentes commissions locales d'information et je fais partie d’autres institutions. Je n’ai pas l’impression que les gens s’en fichent. Ils n’ont pas eu l’habitude d’être associés à ces processus et les exercices nucléaires tels qu’ils sont pratiqués, même s’ils tendent à s’améliorer, ont plutôt été contre-productifs : d’un côté, on demande aux gens de faire les exercices et de jouer le jeu ; de l’autre, on leur explique qu’il ne faut rien changer à la vie économique ni aux habitudes de l’endroit.

Où que j’aie participé à des exercices – Penly, Paluel, La Hague ou Cruas – j’ai constaté que l’on disait une chose et son contraire à la population. Pour lutter contre le désintérêt des gens, nous devons améliorer les méthodes d’information du public, ce qui n’est pas contradictoire avec le fait d’élargir le cercle des personnes informées. À Fukushima, il a été constaté que le personnel hospitalier ou les agents de la circulation exerçant autour de la zone étaient très dépourvus de formation et d’information.

Il est absolument nécessaire d’élargir le périmètre actuellement défini dans le projet de loi en ce qui concerne l’information et la formation du public, notamment celles de certains employés communaux, des personnels des hôpitaux et autres centres de secours. En fonction des scénarios d’accident, les zones d’évacuation peuvent aller au-delà des dix kilomètres prévus. Nous avons proposé cinquante kilomètres. On peut en discuter. Les commissions locales d'information proposent de se caler sur la notion de bassin de vie. Pourquoi pas ? En tout état de cause, il faut aller au-delà du périmètre du PPI d’un site nucléaire.

Rappelons qu’une partie du public agit par délégation. Quand les commissions locales d'information sont pluralistes – qu’elles intègrent notamment des représentants d’associations et de syndicats – et qu’elles fonctionnent bien, les gens leur font confiance et accordent du crédit aux informations officielles. D’où l’importance d’avoir de vrais contre-pouvoirs dans ces instances.

M. le président François Brottes. Vous évoquez la durée de vie des réacteurs et l’idée d’établir un dossier de demande de prolongation deux ans avant l’âge fatidique des quarante ans, mais une centrale nucléaire doit fonctionner parfaitement bien jusqu’à son dernier jour.

Le fait d’accorder ces deux ans pour monter un dossier ne va-t-il pas avoir des effets négatifs ? D’une part, n’y aura-t-il pas un risque de sous-investissement pendant cette période d’attente de la part de ce qui est un opérateur économique ? D’autre part, ne faut-il pas exiger aussi une réponse impérative de l’autorité à l’échéance prévue pour éviter que cela ne dure la nuit d’Héra ? Ne faut-il pas imposer une contrainte de temps aux deux parties ?

M. Yannick Rousselet. C’est précisément pour cela que nous avons proposé deux ans : dans la pratique actuelle, les allers et retours entre l’exploitant et l’ASN tendent à faire traîner les choses. Or nous avons besoin de visibilité, notamment pour donner à la représentation nationale la possibilité d’évaluer l’ensemble des moyens à disposition, dans le cadre de la PPE, et le commissaire du Gouvernement doit pouvoir vérifier la conformité des investissements. À partir de là, on peut décider de fermer ou non Fessenheim, de prendre telle ou telle décision concernant l’EPR, etc.

Actuellement, il n’y a aucune visibilité : bien malin est celui qui est capable de savoir ce qu’il va advenir des installations dans deux ans. C’est pourquoi nous avons proposé ce délai préventif. Il ne faut pas attendre d’être au pied du mur pour prendre les décisions. Cela étant, nous ne sommes pas complètement inconscients : si un événement suffisamment grave et important se produisait, il serait possible d’intervenir comme le prévoit d’ores et déjà le texte.

M. le président François Brottes. L’ASN souhaite, à juste titre, que l’on durcisse les sanctions lorsque les consignes ne sont pas respectées. Ne pourrait-on pas aller jusqu’à prévoir de sanctionner l’ASN elle-même si elle ne respecte pas ses délais de réponse et met, par exemple, quatre ans pour réagir à un problème donné et alors que des investissements sont engagés ?

M. Yannick Rousselet. J’avoue ne pas y avoir réfléchi en ces termes. De fait, la loi pourrait imposer à l’ASN de faire ses prescriptions ou recommandations dans certains délais, à condition de lui en donner les moyens.

Au-delà de la question des moyens, encore faut-il que l’ASN soit écoutée. En lisant la loi, je n’ai pas l’impression que tout le monde a écouté ce que Pierre-Franck Chevet et André-Claude Lacoste vous expliquent depuis des années : l’effet falaise, la possibilité de fermer plusieurs réacteurs d’un coup. Que va-t-il se passer, en l’état du texte, si l’on découvre que les fissures de la centrale de Tricastin sont en train d’évoluer alors qu’elles sont censées ne pas bouger, et si huit cuves sont condamnées ? L’ASN vous alerte sur ce problème depuis plusieurs années.

Au-delà de la question des moyens, il faut donc s’interroger sur la manière dont on intègre davantage les règles et les recommandations de sûreté données dans le cadre de la PPE et de son application.

M. le président François Brottes. Je crois que les fissures sont surveillées en permanence.

M. Yannick Rousselet. Pas tout à fait. La semaine dernière, nous avons eu une réunion d’une journée entière sur ces cuves – c’était passionnant ! – avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et l’ASN. Des calculs sont effectués en permanence et, théoriquement, ces cuves ne doivent pas bouger, ce que nous espérons tous.

L’ASN va vérifier le réacteur n° 3 de Blayais l’an prochain et, dans un scénario de fiction, j’ai imaginé ce qui pouvait se passer si, tout à coup, on découvrait qu’une des fissures a bougé. On pourrait alors se retrouver dans une situation où l’ASN serait amenée à exiger l’arrêt non pas d’un seul, mais des neuf réacteurs. Tout n’est pas une question de moyens ; la capacité d’écoute est également importante.

Mme Lorelei Limousin. Sur le thème de l’économie circulaire et des déchets, je vais reprendre trois propositions qui viennent d’associations membres du Réseau action climat – Les Amis de la Terre, le Centre national d'information indépendante sur les déchets (CNIID) et le mouvement Zero Waste – et aussi de France nature environnement.

La première incite à fixer des objectifs de réduction de production de déchets plus ambitieux pour les ménages et les entreprises. Cette conclusion du plan national de prévention des déchets de cet été ne figure pas dans le projet de loi. La deuxième vise à définir une hiérarchisation non seulement des déchets – ce qui est prévu – mais aussi des ressources. Il s’agit d’utiliser les ressources déjà prélevées plutôt que d’en prélever de nouvelles. La troisième tend à développer le réemploi des objets d’occasion dans les établissements publics. Sachant que la commande publique représente environ 10 % du produit intérieur brut, une telle mesure pourrait avoir un impact sur le développement du réemploi et permettrait aussi de réutiliser les objets – ceux de l’éducation nationale dans les associations, par exemple.

S’agissant de l’énergie, du budget carbone et de la stratégie nationale bas carbone, nous approuvons l’idée de calculer en parallèle les émissions liées à la consommation. Le RAC a fait deux publications sur les émissions liées aux importations, que l’on peut considérer comme des passagers clandestins du commerce international.

Nous aimerions que les objectifs définis dans les programmations pluriannuelles de l'énergie s’appliquent aussi aux transports et à toutes les énergies, notamment au pétrole pour le volet production. Nous voudrions aussi que l’on améliore la consultation sur les scénarios de consommation dessinés en amont des PPE. Enfin, nous recommandons d’assurer une meilleure cohérence entre les investissements et les PPE.

En ce qui concerne le capital des sociétés de projet pour la production d’énergie renouvelable, nous préconisons son ouverture obligatoire à tous, pas seulement aux riverains, même si ces derniers sont concernés au premier chef.

En matière de transports, nous sommes très favorables aux plans de déplacements ruraux et à ceux qui ne concernent pas les entreprises. Le RAC et la FNH ont publié un document sur les territoires ruraux et périurbains, dans lequel nous prônons un renforcement des offres de transport mais surtout de leur organisation dans les territoires moins denses, afin d’apporter des solutions à des ménages de plus en plus concernés par la précarité énergétique liée à la mobilité. Cela implique des moyens. Nous nous rallions à la FNH pour préconiser un appel à projet pour ce type de solutions de mobilité, dédié à ces territoires.

La question du transport collectif interurbain y est évidemment liée. Pour ce qui est des trains intercités, actuellement laissés à l’abandon, je vous renvoie à la dernière analyse de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports. Pour les trains intercités, les TER et les cars, nous sommes favorables à la fixation d’objectifs en termes d’efficacité énergétique et d’énergie renouvelable, et donc à l’intégration du biométhane dans les véhicules lourds.

Nous pensons aussi qu’il faudrait encourager l’utilisation des transports collectifs par le biais des infrastructures, en les rendant plus attractifs grâce à des voies dédiées. Mais nous pensons qu’il faudrait une phase d’expérimentation. Si ces voies dédiées sont ouvertes au covoiturage, il faut veiller à ce que cela ne pénalise pas les transports collectifs. Surtout, nous préconisons d’aménager ces voies dédiées sur des infrastructures existantes, pour qu’elles ne servent pas de prétexte à élargir ou construire des autoroutes, ce qui serait très contradictoire avec la lutte contre l’étalement urbain.

Construire 7 millions de bornes électriques à l’horizon de 2030 nous paraît être un objectif tout à la fois démesuré – en l’absence d’étude d’impact mesurant leur effet sur le réseau électrique – et réducteur parce qu’il existe d’autres options technologiques comme le biométhane qu’il faudrait intégrer dans la définition du véhicule propre.

Pour notre part, à l’horizon 2030, nous préférerions qu’il y ait un objectif de réduction de la consommation de carburant pour tous les véhicules particuliers, quel que soit le carburant. Il faudrait prendre de l’avance sur ce type de réglementation qui existe au niveau européen jusqu’en 2020. Nous préconisons un objectif de soixante grammes de CO2 par kilomètre à l’horizon 2030. Cette réglementation produit des effets ; les constructeurs français sont particulièrement bien placés en matière d’efficacité énergétique des véhicules. Elle doit être appliquée aux autres types de véhicules – lourds, utilitaires légers, deux-roues – dont les émissions ne baissent pas.

Quelles mesures envisageons-nous pour les transports de marchandises ? La pollutaxe ou taxe kilométrique poids lourds est indispensable si nous voulons rationaliser le transport routier, favoriser le report modal et lever des fonds pour investir dans la régénération du réseau ferroviaire. J’espère que cet enjeu budgétaire très important sera réglé dans la loi de finances. On peut aussi inciter les entreprises à s’implanter à proximité des voies ferrées afin de favoriser le fret ferroviaire, et encourager les opérateurs ferroviaires de proximité. De nombreuses pistes existent et c’est faute de temps que nous n’en avons pas parlé.

Qu’est-ce qui est plus utile à la transition énergétique dans les transports ? Répondre en une phrase est un peu compliqué : le secteur est très diffus et il faut activer différents leviers. S’il n’y a pas de solution miracle, je répondrais quand même que la plus utile est la contribution climat-énergie. Comme Matthieu Orphelin, je pense qu’il faut donner une trajectoire pour 2020-2030, afin d’orienter les investissements vers les domaines prioritaires. Cela suppose une bonne utilisation des ressources, notamment en matière de prévention et de lutte contre la précarité énergétique, qu’elle soit liée au logement ou à la mobilité.

M. le président François Brottes. Au passage, j’en profite pour saluer le travail effectué par Jean Sivardière à la FNAUT, que vous avez citée.

M. Marc Jedliczka. Nous sommes évidemment favorables aux matériaux biosourcés et au gaz, renouvelable de préférence. Notre successeur dans cette salle, M. Mestrallet, va certainement vous vanter le gaz non renouvelable, qui est une option moins pire que le pétrole puisqu’il ne produit pas de particules, de NOx, etc. On peut le favoriser mais dans la perspective d’une transition, très simple, vers le biométhane : un véhicule au gaz peut très facilement fonctionner au biométhane.

S’agissant des tarifs d’achat, sachez que vos collègues allemands votent leur niveau par filière et presque par puissance. Nous n’avons pas cette tradition en France ; les tarifs sont fixés de manière réglementaire mais la loi pourrait établir quelques principes de base, notamment décider qu’ils doivent refléter une économie maximum pour l’ensemble de la collectivité.

Ainsi, nous proposons de régionaliser les tarifs d’achat pour le photovoltaïque et faire en sorte qu’ils soient plus élevés dans le nord que dans le sud, ce qui éviterait la spéculation et permettrait aux Bretons d’avoir des centrales photovoltaïques. Il faudrait revenir sur des coûts qui nous semblent illégitimes comme le coût de l’intégration au bâti, une spécificité française que nous avions dénoncée au moment de sa mise en place et que tout le monde regrette à présent parce qu’elle conduit à des conflits d’assurance. Libérons les toitures !

À la campagne, le photovoltaïque se heurte à un problème de réseau : les grosses installations peuvent se payer un raccordement mais il faut veiller à ne pas avoir trop d’installations intermédiaires – typiquement dans le monde agricole. En ville, le facteur limitant n’est pas le réseau, mais l’accès au soleil des toitures. Il faut pouvoir installer des panneaux sur les toitures plates, avec des systèmes qui coûtent d’autant moins cher que les prix baissent rapidement.

Tout cela renvoie plutôt à une discussion avec la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), après l’adoption de la loi. Cela étant, la France manque surtout d’une expertise de l’État sur ces questions, d’où le comité d’experts évoqué par Denis Baupin, une idée du débat national sur la transition énergétique.

Faut-il créer un comité Théodule, sachant que les expertises sont complexes et multiples ? Peut-être y a-t-il une piste à creuser du côté de la Commission de régulation de l'énergie dont la baisse du budget nous inquiète ? Depuis quelques années, la CRE est venue sur des terrains qui n’étaient pas dans ses attributions obligatoires, mais en montrant un bon niveau d’expertise et une grande capacité de dialogue : ses publications sont très intéressantes et les points de vue y sont très équilibrés. N’étant pas un expert en la matière, je laisse la représentation nationale discuter de cette piste potentielle.

La péréquation, qui revient souvent dans les débats, n’a pas de lien avec la dissociation de ERDF et EDF. On doit pouvoir imaginer des systèmes de redistribution entre les zones comme cela se pratique pour nombre d’infrastructures. La péréquation doit demeurer mais il faudra réfléchir à une territorialisation des productions : l’énergie renouvelable peut être produite en zone rurale, loin des grands réseaux de transport électriques, ce qui peut même représenter un atout. Il faut avoir un raisonnement plus ouvert, tout en permettant à tous de satisfaire leurs besoins énergétiques de base, en passant par le réseau, et à un tarif raisonnable. En écho à Denis Baupin, je rappelle qu’une partie des recettes du TURPE alimente les gains des actionnaires d’EDF, si l’on en juge par l’analyse des flux de trésorerie.

Mme Maryse Arditi. Peut-on envisager en même temps une stratégie bas carbone et une réduction de la production d’électricité nucléaire ? Premièrement, notre consommation d’énergie stagne depuis dix ans et notre consommation d’électricité stagne depuis cinq ou six ans. Deuxièmement, les quatre trajectoires étudiées au cours des débats conduisent toutes à une diminution progressive de la consommation d’énergie, plus ou moins importante.

M. le président François Brottes. Ce n’est pas ce qu’indique le rapport de RTE.

Mme Maryse Arditi. Le rapport de RTE indique que nous aurons un problème en cas de grande vague de froid durant les hivers 2015 ou 2016. Mais dès à présent, nous ne parvenons pas à assurer l’équilibre en période de vague de froid : c’est l’Europe entière qui permet à la France de se chauffer, en lui fournissant la moitié du supplément d’énergie dont elle a besoin.

M. le président François Brottes. Grâce au charbon…

Mme Maryse Arditi. Notamment grâce au charbon. Or l’Allemagne va fermer un nombre important de ses centrales de charbon et elle ne pourra plus nous vendre l’électricité dont nous avons besoin en cas de vague de froid.

Nous sommes dans une phase où tout le monde s’accorde sur la nécessité de faire des économies d’énergie, et où la production d’énergies renouvelables va augmenter, même en France où son développement est freiné. Si la consommation d’électricité n’augmente pas, nous allons finir par en avoir trop. C’est déjà le cas : nos réacteurs fonctionnent à seulement 73 % de leur disponibilité, alors que ce taux atteint entre 85 % et 90 % dans les autres pays qui possèdent des centrales nucléaires. Avec des taux comparables, la France pourrait fermer quinze réacteurs tout en assurant la même production.

Comme EDF n’a pas les poches pleines, l’idée qui se profile est de lui fixer l’objectif suivant : concentrer ses moyens sur la remise à niveau excellente d’un nombre limité de réacteurs, pour éviter les risques d’un Fukushima sur Seine. Il n’est donc pas contradictoire d’envisager à la fois une stratégie bas carbone et une réduction de la production d’électricité nucléaire.

Nous aussi, nous avons des propositions d’amendements sur les énergies renouvelables. Le capital des sociétés de production d’énergie renouvelable doit être ouvert aux voisins et aux collectivités territoriales. Le texte prévoit d’ores et déjà que si les voisins et les collectivités territoriales ne sont pas preneurs, on peut aussi l’ouvrir à l’ensemble des organismes d’économie sociale et solidaire dédiés aux énergies renouvelables. Or la possibilité existe déjà et elle est utilisée dans des sociétés qui ont ouvert leur capital. Il faudrait donc faire de cette possibilité une obligation. Pour compléter, nous proposons que les aides qui leur sont accordées – primes, tarifs d’achat ou autres – subissent un abattement si les sociétés n’ont pas ouvert leur capital aux citoyens ou aux collectivités territoriales.

S’agissant de la contribution au service public de l'électricité, nous sommes très réticents à l’idée d’un élargissement. Vous voulez faire payer les fossiles ; mais avant de les faire payer, arrêtons déjà de les subventionner ! Une partie non négligeable de la CSPE subventionne les énergies fossiles pour les îles auxquelles on interdit de produire plus de 30 % d’énergies renouvelables. Mettons en place une contribution climat-énergie qui monte réellement en puissance et qui dessine l’avenir, en adoptant une fiscalité sur la tonne de CO2 réellement pertinente.

M. le président François Brottes. Autrement dit, vous voulez supprimer la CSPE ?

Mme Maryse Arditi. Non, mais nous ne voulons pas l’élargir. Nous voulons la laisser dans sa forme actuelle.

Le comité d’experts pourrait être intéressant à condition qu’il soit non seulement pluriel mais contradictoire : autour de la table, il doit y avoir des gens qui ont des avis réellement différents, même s’ils doivent ensuite se mettre d’accord. Cela permet de mettre en exergue les points d’accord, mais également les points de divergence.

Pour conclure, une remarque de rédaction : l’article 55 indique tout d’abord que la compatibilité du plan stratégique d’EDF est « constatée » par l’autorité administrative, avant d’envisager, quelques lignes plus loin, que ce plan peut ne pas être compatible… Nous proposons donc de remplacer « constatée » par « vérifiée ».

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Réunion du jeudi 18 septembre 2014 à 9 h 30

Présents. - M. Julien Aubert, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. Philippe Bies, M. Christophe Borgel, M. Christophe Bouillon, M. François Brottes, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, Mme Françoise Dubois, Mme Cécile Duflot, M. Daniel Fasquelle, M. Claude de Ganay, M. Guy Geoffroy, Mme Bernadette Laclais, M. Jean Launay, M. Jean-Luc Laurent, M. Alain Leboeuf, Mme Frédérique Massat, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, Mme Béatrice Santais, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter

Excusés. - M. Jean-Michel Clément, M. Franck Reynier

Assistaient également à la réunion. - M. Laurent Kalinowski, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Hervé Pellois