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Commission spéciale pour l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Mercredi 24 septembre 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 21

Présidence de M. François Brottes Président

– Examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (n° 2188) (Mmes Ericka Bareigts, Marie-Noëlle Battistel, Sabine Buis, MM. Denis Baupin et Philippe Plisson, rapporteurs)

La commission a examiné le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (n° 2188) sur le rapport de Mmes Ericka Bareigts, Marie-Noëlle Battistel, Sabine Buis, MM. Denis Baupin et Philippe Plisson.

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, d’ici à samedi prochain nous examinerons 2 383 amendements, ce qui constitue un record en commission.

Je suis heureux d’accueillir Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui se trouvait hier encore à New York pour assister au sommet sur le climat convoqué par M. Ban Ki-moon, secrétaire général de l’Organisation des nations unies.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. En participant à la sixième semaine du climat de New York, j’ai constaté la mobilisation mondiale que suscite le sujet que nous abordons ce matin. Le secrétaire général de l’ONU est évidemment très fortement engagé et, dimanche dernier, lors de la marche des peuples pour le climat, plus de 350 000 personnes étaient dans les rues de Manhattan, tandis que d’autres manifestaient, par exemple, à Paris. Les citoyens se mobilisent désormais pour inciter les dirigeants de la planète à prendre leurs responsabilités.

Sur la question du climat, notre pays est aujourd’hui au centre de l’attention mondiale. Avec le Portugal, la France aura, en effet, la responsabilité d’organiser à Paris la Conférence climat de 2015 (COP21). Dès le mois d’octobre prochain, un Conseil européen consacré au paquet climat-énergie sera également suivi de près par de très nombreux pays, qui sauront alors si l’Europe a le courage et la volonté de poser les bases d’une véritable lutte contre le réchauffement climatique.

M. Dominique Ristori, le directeur général de l’énergie de la Commission européenne, a qualifié le projet de loi d’avant-gardiste. Ce texte nous permettra, en effet, de disposer d’une des législations les plus avancées d’Europe en la matière.

Je remercie tous les députés qui ont déposé des amendements. Le Gouvernement sera ouvert aux propositions tout en veillant à la cohérence d’un texte qui doit être efficace et immédiatement applicable. Les entreprises du secteur de la croissance verte attendent que nous leur envoyions des signaux forts pour créer des emplois. Les pays les plus touchés par le réchauffement climatique comptent aussi sur une action immédiate et forte, et il y a urgence à entendre le cri poussé par les représentants de nations insulaires dont la survie est déjà menacée.

Aujourd’hui, le réchauffement climatique déplace plus de populations dans le monde et crée plus de réfugiés que les conflits et les guerres. Il en va donc aussi de la protection de la paix mondiale.

Avec ce texte, nous devons collectivement traiter d’enjeux considérables. Le contexte est positif : hier, à la tribune de l’ONU, tous les chefs d’État du monde ont dit leur volonté d’avancer sur le sujet. Personne ne souhaite prendre la responsabilité d’un échec de la Conférence sur le climat, comme ce fut le cas à Copenhague en 2009.

L’œuvre législative que nous allons accomplir revêt une dimension à la fois européenne et mondiale. Espérons qu’en nous montrant prêts à entrer dans un autre système économique, à adopter d’autres valeurs et à entamer une mutation énergétique forte, nous aiderons d’autres pays à avancer.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour les titres Ier et V. Je tiens à saluer le formidable travail préparatoire au terme duquel a été déposé un texte qui donne force de loi à la feuille de route tracée par le Président de la République lors de la Conférence environnementale de 2013, et qui traduit les engagements de campagne du candidat François Hollande.

Depuis deux ans, une large concertation s’est tenue sur les territoires, qui a associé l’ensemble des acteurs intéressés par la transition énergétique : citoyens, associations, élus, chercheurs et acteurs économiques, tous se sont mobilisés. Un dialogue renforcé avec toutes les parties prenantes, dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, du Conseil national de la transition écologique, et des Conférences environnementales annuelles a permis de poursuivre les efforts initiés par le Grenelle de l’environnement. Il s’agit donc d’un texte qui s’inscrit dans la continuité des actions menées par notre pays, et qui marque une rupture annonciatrice d’une croissance verte créatrice de richesses, d’emplois durables et de progrès.

Le titre Ier du projet de loi vise à « définir les objectifs communs pour réussir la transition énergétique, renforcer l’indépendance énergétique de la France et lutter contre le réchauffement climatique ». Il comprend deux articles définissant les objectifs des politiques publiques en matière d’énergie.

L’article 1er procède à la modification de trois des quatre articles du titre préliminaire du livre Ier du code de l’énergie, relatifs aux objectifs de la politique énergétique. La plupart des objectifs assignés à la politique énergétique figurent d’ores et déjà dans le code de l’énergie. Ils sont pour la plupart issus de la loi de programme, du 13 juillet 2005, fixant les orientations de la politique énergétique, dite loi POPE. Aujourd’hui, il s’agit de les moderniser de manière à rendre encore plus ambitieuse notre politique énergétique.

Ainsi, est consacré le principe selon lequel la politique énergétique vise « l’émergence d’une économie sobre en énergie et en ressources, compétitive et riche en emplois » grâce à « la mobilisation de toutes les filières industrielles et notamment celles de la croissance verte ». Définie comme un mode de développement économique respectueux de l’environnement, la croissance verte associe autant les industries directement liées à l’environnement – assainissement de l’eau, recyclage et valorisation énergétique des déchets, dépollution des sites, énergies renouvelables – que les secteurs traditionnels tels que les transports, l’agriculture et le bâtiment.

Par ailleurs, l’article 1er consacre les territoires à énergie positive (TEPOS), dont la reconnaissance constitue une étape importante pour la promotion de territoires propres engagés dans une démarche de transition énergétique. Cette disposition est évidemment à rapprocher de l’article 56 du projet de loi, qui vise à impulser une dynamique d’expérimentation de territoires à énergie positive, partagée entre l’État et les collectivités territoriales, l’objectif étant d’engager 200 expérimentations de territoires à énergie positive d’ici à 2017.

Enfin, l’article 1er actualise les objectifs quantitatifs assignés à la politique énergétique nationale, en déployant une feuille de route ambitieuse. Deux nouveaux objectifs quantitatifs d’importance viennent compléter ceux déjà formulés : la réduction de la consommation énergétique finale des énergies, et la réduction de la part du nucléaire à 50 % dans la production d’électricité. Nous aurons l’occasion de débattre de ces sujets dans le cadre de l’examen du titre VI rapporté par Philippe Plisson. Pour ma part, je suis convaincue que cette stratégie met en œuvre de manière ambitieuse la transition énergétique et écologique. Il est temps de faire évoluer notre modèle énergétique et de faire face aux défis qui sont devant nous, à l’échelle nationale et internationale.

Le titre V consacré aux énergies renouvelables (EnR) était attendu : il est au cœur d’une transition énergétique ambitieuse, audacieuse, qui confirme le rang de la France parmi les nations à la pointe de la lutte contre le changement climatique.

L’ambition et l’audace sont au rendez-vous, et le soutien aux énergies renouvelables est renforcé. L’article 23 reconnaît les producteurs d’énergie verte comme de vrais acteurs de marché, qui ont toute leur place dans notre mix énergétique. Il ne s’agit plus, comme il y a dix ans, d’accompagner des filières encore balbutiantes, car la production d’énergie renouvelable en France est devenue une réalité tangible. Nous serons néanmoins attentifs à ce que le basculement vers une logique de marché ne soit pas trop abrupt, notamment pour les petites exploitations et les filières non matures.

De même, il faut se féliciter de l’introduction de nouvelles sanctions, à l’article 25, pour lutter contre le dévoiement des dispositifs d’aide. Aujourd’hui, beaucoup de producteurs d’énergie renouvelable, de bonne foi, constatent avec amertume la multiplication des fraudes. Celles-ci ternissent leur image et sèment le doute sur les capacités de développement vertueux du secteur. Nous attendons un signal fort du Gouvernement pour mettre en œuvre ces sanctions grâce à des contrôles renforcés.

Enfin, il faut souligner, aux articles 26 et 27, la remarquable avancée que constitue la possibilité de développer, à l’échelle des territoires, des projets d’exploitation d’électricité renouvelable, qui associent habitants, collectivités et porteurs de projet. Le financement participatif dans le domaine du renouvelable constitue peut-être une des mesures les plus prometteuses du projet de loi : il permettra à la fois d’encourager les projets citoyens et d’améliorer l’adhésion des habitants qui en seront désormais un peu les propriétaires.

Afin de bien comprendre les dispositions du projet de loi relative à l’hydroélectricité, il convient de remettre le sujet en perspective. Nous partons de loin : en 2010 était actée la mise en concurrence sans condition du parc hydroélectrique français, mais cette décision n’était pas satisfaisante, comme nous l’avions relevé avec Éric Straumann, dans notre rapport d’information sur l’hydroélectricité. Aujourd’hui, la ligne a bougé, donnant lieu à de nouvelles possibilités. Ainsi, le barycentre est une méthode innovante, qui permet de prendre en compte des périmètres cohérents à partir de concessions dont les dates d’échéance sont désormais étalées dans le temps. Les sociétés d’économie mixte hydroélectrique permettent d’associer pleinement les acteurs locaux à la gestion de l’eau, qui est au centre de nombreux usages.

Nous défendrons des amendements pour améliorer le dispositif. L’un concernera notamment la mise en place de comités de gestion de l’eau lorsque l’État ne demande pas la création d’une société d’économie mixte (SEM) hydroélectrique. Un autre sera relatif à la possibilité de prolonger les concessions sous condition de travaux. De cette façon, la France se dotera d’une véritable « boîte à outils ». En fonction du contexte propre à chaque vallée, nous serons en mesure de trouver des solutions adaptées.

La loi de transition énergétique permettra de préserver le contrôle sur le parc hydroélectrique français et de garantir la mise en valeur d’une énergie renouvelable décisive. J’aime à le rappeler : l’hydroélectricité est la plus compétitive, la plus propre des énergies ; surtout, elle permet de stocker l’électricité.

Mme Sabine Buis, rapporteure pour les titres II et IV. En matière de transition énergétique, les attentes concernant le domaine du bâtiment et l’économie circulaire sont telles que je n’ai malheureusement pas été en mesure de recevoir toutes les personnes qui le souhaitaient. Je les prie de bien vouloir ne pas m’en tenir rigueur. J’ai évidemment pris connaissance des documents écrits qu’elles m’ont transmis

En matière de rénovation des bâtiments et d’économies d’énergie, l’attente des ménages et des entreprises est très forte. Les articles 3 et 4 lèvent les freins que constituent plusieurs règles d’urbanisme et facilitent certains travaux. Ils permettront de libérer un marché jusqu’à présent soumis à de réels blocages. Je présenterai des amendements sur ces sujets.

L’article 5 concerne l’engagement d’améliorer la performance énergétique d’un bâtiment dès lors que des travaux importants de rénovation sont effectués. J’ai déposé des amendements afin de permettre d’engager des travaux à d’autres périodes que celles prévues par l’article.

L’article 6 est relatif au tiers financement des travaux d’efficacité énergétique. Ce dispositif est déjà mis en œuvre localement par de nombreuses collectivités. Il devrait être plus facile d’accès ; je présenterai un amendement en ce sens.

En matière de logement, on ne peut pas passer à côté de la question des caractéristiques du logement décent telles qu’elles sont définies par le décret du 30 janvier 2002. Les ménages en situation de précarité énergétique et les ONG expriment de très fortes attentes en la matière. Je défendrai un amendement visant à réviser le décret.

Dans son titre IV, le projet de loi a le mérite de définir et d’ancrer dans le réel l’économie circulaire qui est au service de la croissance verte. Je proposerai un amendement afin d’aller encore plus loin. L’article 21 indique que les éco-organismes des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) de gestion des déchets pourront avoir recours à des incitations financières. Si un esprit doit être préservé, hérité de celui du Grenelle de l’environnement, c’est bien celui des REP, même si ces filières méritent d’être revisitées.

Nous avons tous de grandes ambitions pour ce projet de loi ; pour être à leur hauteur, il nous appartient de voter des mesures applicables, conformes à la réalité et à l’intérêt de tous.

M. Philippe Plisson, rapporteur pour les titres III et VI. Ce projet de loi a fait l’objet d’une mobilisation générale et d’un travail intense de la part de tous les acteurs impliqués.

Le titre III du texte vise à développer les transports propres pour améliorer la qualité de l’air et protéger la santé. Il donne la priorité aux transports les moins polluants, et vise à favoriser de nouveaux comportements utilisant d’autres modes de déplacement : transports en commun, covoiturage, vélo…

Je me félicite de l’état d’esprit qui a prévalu, en particulier lors des auditions et des discussions relatives à la sûreté nucléaire et à l’information des citoyens en ce domaine, au titre VI. Toutes les parties ont montré leur volonté de chercher des solutions consensuelles.

Si nos débats se poursuivent dans le même climat, je suis persuadé que nous écrirons ensemble une grande loi qui marquera un tournant historique dans notre approche du développement et permettra de ne pas jeter les générations futures dans le chaos climatique redouté.

Mme Éricka Bareigts, rapporteure pour le titre VII et le chapitre IV du titre VIII. Le titre VII du projet de loi est consacré à la simplification des procédures, afin de gagner en efficacité et en compétitivité, et de maîtriser les coûts.

L’article 35 modifie les règles de participation du public pour les ouvrages linéaires énergétiques. La Commission nationale du débat public aura uniquement la possibilité de désigner un garant chargé d’organiser la concertation du public. Les acteurs concernés ont évoqué leurs inquiétudes au cours des auditions. J’estime néanmoins que cette démarche tend à améliorer l’implication des citoyens puisqu’ils peuvent émettre un avis ciblé sur le tracé des ouvrages dans le cadre d’une consultation. Elle permet également de raccourcir significativement les délais. Dans le cadre de la transition énergétique, accélérer et faciliter le développement de nouvelles lignes électriques me paraît essentiel pour accueillir davantage d’énergies renouvelables sur le réseau.

L’article 37 élargit les dérogations à la loi littoral introduites par la loi du 15 avril 2013, dite loi Brottes. Désormais, toutes les lignes enterrées pourront bénéficier de cette dérogation, concourant ainsi à l’intégration au réseau des énergies renouvelables. En lien avec l’article précédent, cet article sert l’objet de la loi qui vise à accélérer la transition vers un nouveau modèle énergétique. Pour ma part, je suis défavorable à la notion de « nécessité technique impérative » qui conditionne l’obtention de la dérogation. En effet, cette condition peut conduire à priver d’effet l’article 37. À mon sens, le projet de loi prévoit déjà de fortes garanties. Je reviendrai sur ce sujet lors de la discussion des amendements.

L’article 39 confie à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) la compétence explicite d’approbation des règles de calcul du coût prévisionnel des ouvrages créés dans le cadre des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables. La neutralité de la CRE garantit la qualité de la méthode d’évaluation employée, afin de prévenir d’éventuelles contestations de la part des producteurs d’énergie renouvelable.

L’article 40 apporte plusieurs compléments au dispositif de marché de capacité. Il l’adapte aux petits acteurs qui pourraient être pénalisés par l’obligation de capacité et par le risque de pénalité financière. Il crée la fonction de responsable de périmètre de certification chargé de prendre en charge la responsabilité des écarts entre les capacités certifiées et les capacités effectives. En outre, cet article prévoit une plus grande souplesse en matière de transfert d’obligations de capacité.

L’article 41 traite du mode de calcul des tarifs réglementés de vente. Il rend pleinement applicables les dispositions de la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME, relatives à l’empilement des postes de coûts pour construire les tarifs réglementés de vente. Plus précisément, il substitue au « coût du complément à la fourniture d’électricité » le « coût du complément au prix de marché ». Cette mesure permet de fixer les tarifs réglementés de vente sur la base du prix de marché, et non sur celle des coûts de production d’EDF. De cette façon, la contestabilité du tarif de vente est pleinement garantie.

L’article 43 s’inscrit dans l’objectif de gain de compétitivité poursuivi par le titre VII. Il donne une base juridique à la CRE pour fixer un tarif de réseau plus favorable aux entreprises électro-intensives, qui perdent en compétitivité notamment face à l’Allemagne, qui a fixé un tarif préférentiel aux entreprises de ce type. Au cours de ce débat, nous renforcerons l’effectivité de cet article, en insérant explicitement l’objectif de compétitivité poursuivi, de façon à donner une base juridique très solide à l’Autorité de régulation.

L’article 44 encourage le développement de l’effacement de consommation. La CRE pourra définir une option du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) qui incite les consommateurs à s’effacer au moment des pointes locales. De même, il donne la possibilité d’accompagner les effacements tarifaires en amplifiant la différence de prix entre les heures ou jours pleins, et les heures ou jours creux.

L’article 47 permet à la CRE de conclure des accords de coopération avec l’agence de coopération des régulateurs de l’énergie, et non plus seulement avec les différents régulateurs nationaux. Il lui accorde également la possibilité de faire financer les frais d’audits des comptes des entreprises qu’elle contrôle par ces dernières.

Nous débattrons, tout au long de l’examen du titre VII, de la simplification des procédures en cas de contentieux, sujet sur lequel les contributions ont été très nombreuses.

Je suis également rapporteure pour les dispositions du projet de loi relatives aux outre-mer et autres zones non interconnectées (ZNI), prévues par les articles 62 à 64. Ces territoires subissent des contraintes particulières et méritent, à ce titre, de bénéficier de dispositions spécifiques. Le projet de loi prévoit en leur faveur des mesures importantes, comme la mise en place d’une programmation pluriannuelle de l’énergie spécifique pour chaque territoire d’outre-mer. Mais ces articles méritent d’être complétés, afin de véritablement placer les outre-mer à l’avant-garde énergétique. J’ai déposé plusieurs amendements en ce sens, qui reposent sur les préconisations que M. Fasquelle et moi-même avons présentées dans le cadre de notre rapport d’information sur l’adaptation du droit de l’énergie aux outre-mer. Le dispositif de la programmation pluriannuelle de l’énergie devra jouer le rôle de document de référence en matière de politique énergétique. C’est sur cette base consensuelle que pourront se lancer les appels d’offre et s’élaborer les tarifs d’achat adaptés aux territoires concernés.

M. Denis Baupin, rapporteur pour le titre VIII. Le débat national sur la transition énergétique, que d’aucuns ont jugé long, a été utile en ce qu’il nous a permis d’entendre tous les acteurs. À mon sens, un tel projet de loi ne devrait pas être préparé autrement. En tant que rapporteur du titre VIII relatif à la gouvernance, c’est-à-dire au pilotage de la politique énergétique par les pouvoirs publics, il me semble important d’impliquer tout le monde.

L’article 48 créé les « budgets carbone » et permet à la France de se doter d’une stratégie carbone globale. Notre pays enverra ainsi un signal fort avant la COP21 montrant sa volonté de mettre en place, sur son territoire, en coordination avec le reste de l’Europe, une politique de plafonnement et de réduction des émissions de CO2.

L’article 49 instaure une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui complète les programmations actuelles trop sectorisées et concerne toutes les énergies et leur maîtrise. Nous reviendrons sur l’indispensable coordination entre cette PPE et les documents infranationaux, comme les schémas régionaux.

L’article 55 traite du mix électrique. À partir du moment où la loi affirme la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025, l’État doit assumer son rôle de pilotage afin de faciliter la diversification – quand une source d’énergie prend une trop grande place, elle risque d’empêcher le développement des autres. Au sein de cette question, la prolongation de la vie des centrales nucléaires se pose également – le rapport de notre commission d’enquête sur le coût de la filière nucléaire remis en juin dernier l’a bien montré –, mais aussi celle des réseaux ou du stockage.

Je proposerai des amendements afin d’aller encore plus loin que le projet de loi en ce qui concerne la transition et la formation professionnelle. Un très fort consensus se dessine sur ce sujet du côté des partenaires sociaux, et les régions ont un rôle essentiel en la matière.

Il est également essentiel d’affirmer dans la loi que l’effort de la recherche en matière d’énergie doit porter prioritairement sur les solutions conduisant à la réussite de la transition énergétique.

Les articles 56 à 60 du projet de loi organisent la transition énergétique dans les territoires. Des outils de planification existent, comme le schéma régional climat air énergie (SRCAE) au niveau régional ou le plan climat air énergie territorial (PCAET) dans les intercommunalités. Si la planification est une bonne chose, encore faut-il que la réalisation suive. Je défendrai des amendements afin que les collectivités qui ont élaboré ces documents puissent aussi donner une impulsion pour leur mise en œuvre. Il ne s’agit évidemment pas de corseter les territoires, mais plutôt de créer une véritable dynamique. Le projet de loi prévoit des expérimentations intéressantes sur les boucles locales ou les réseaux électriques intelligents qui permettront de dynamiser plus encore la transition.

Dernier gros sujet, le chèque énergie est un outil attendu de lutte contre la précarité énergétique. Le dispositif mérite d’être clarifié, notamment quant à son financement, ou encore sur la manière de réussir le passage des tarifs sociaux existants au nouveau chèque énergie sans inquiéter les bénéficiaires. Ce dispositif, parce qu’il peut permettre de prévenir l’augmentation des factures par une politique de réduction de la consommation, a évidemment de l’avenir.

Le présent texte est un bel outil. Nous avons l’occasion de l’améliorer afin qu’il y ait, en matière de transition énergétique, un avant et un après.

M. Christophe Bouillon. Depuis que le texte est connu, le monde est presque séparé en deux, entre ceux qui disent « Enfin ! » et ceux qui disent « Déjà ! ».

« Il était temps ! », disent les acteurs des différentes conférences environnementales, les nombreux participants au débat national sur la transition énergétique ou les milliers d’intervenants aux débats organisés en région, sans oublier les milliers de citoyens qui ont envoyé des contributions. Il était temps que vienne l’heure du Parlement. « Laissons-nous encore un peu de temps », pensent certains autres, sans doute pour poursuivre la réflexion et continuer à alimenter le débat. Mais la vérité, c’est qu’il y a urgence sur les trois plans du climat, de la géopolitique et de l’économie.

En ce qui concerne l’urgence climatique, les rapports se suivent et se ressemblent : tous confirment le changement climatique en cours, dont les conséquences apparaissent de plus en plus visibles, sensibles et dramatiques. Personne ne peut contester que notre planète va mal et que le quotidien de ses habitants en est affecté. La pollution de l’air rend certaines villes invivables.

Vous étiez, Mme la ministre, à New York, avec Laurent Fabius, Yann Arthus-Bertrand, Al Gore et beaucoup d’autres, pour manifester, comme dans de nombreux autres pays, contre le changement climatique. Vous y êtes allée non seulement pour manifester mais pour agir. La prise de conscience n’est plus seulement celle de scientifiques, fussent-ils des milliers à travers le monde, ni celle de décideurs, de plus en plus mobilisés ; elle est celle d’habitants toujours plus nombreux qui veulent agir. Les initiatives citoyennes se multiplient, des plateformes se créent pour changer nos modes de production et de consommation. Ces mouvements ont été pionniers dans le domaine de l’économie circulaire, et je me réjouis que la loi consacre ce concept. Ne rien faire, ce serait accentuer le décalage entre la classe politique et les citoyens. Ce texte de loi répond d’abord à cette urgence.

L’actualité internationale, pesante et parfois dramatique, nous rappelle l’urgence géopolitique. L’Irak, l’Ukraine ou encore la Syrie ne sont pas seulement des lieux où la dignité humaine est meurtrie ; ce sont aussi des lieux de production d’énergie fossile ou de passage obligé pour son transport. L’enjeu est celui de nos approvisionnements et de notre indépendance énergétique ; la grande leçon est qu’il ne faut pas être dépendant d’une seule énergie. Le mix énergétique et la diversification prennent là tout leur sens.

Ce texte n’est ni anti- ni pro-nucléaire. Avec 50 % de production d’électricité issue du nucléaire, la France restera une référence, notamment sur la sûreté. Mais, et c’est un changement radical, avec l’ambition que porte ce texte, elle sera également une championne des énergies renouvelables.

L’urgence économique, c’est la facture énergétique de la France qui pèse trop lourd dans notre balance commerciale et dans les dépenses des Français. La facture énergétique des entreprises est un élément de compétitivité. L’efficacité énergétique, la lutte contre la précarité énergétique par un meilleur isolement des bâtiments, et le développement des énergies renouvelables, pour qu’elles deviennent de moins en moins chères, sont des leviers pour répondre à ces enjeux. Ce sont également de formidables gisements d’emplois.

Le texte répond à toutes ces urgences. Mieux, il porte trois principes qui lui donnent de la force et tirent les enseignements de nos échecs passés : la planification, la participation et l’anticipation.

La planification pour voir loin et voir clair. Il faut en finir avec le complexe de Pénélope qui consiste à détricoter le lendemain le travail du jour. Il faut laisser derrière nous la politique du stop and go, les zigzags. Les acteurs de l’énergie ont besoin de visibilité et de durée.

La participation irrigue ce texte : participation du Parlement, qui deviendra le passage obligé du mix énergétique et de la stratégie bas carbone ; participation des collectivités locales, qui piloteront en direct nombre de politiques publiques et pourront participer financièrement à la production d’énergie ; participation surtout des habitants, qui pourront faire partie du tour de table pour la production d’énergie renouvelable aux côtés des collectivités et des industriels, et qui seront moins seuls pour faire face aux dépenses de la rénovation thermique.

L’anticipation, enfin, c’est celle qui nous permettra d’être au rendez-vous de la COP21, de tenir nos engagements européens et ceux que nous devons prendre vis-à-vis des générations futures.

Là où certains seraient tentés de dire « La transition énergétique, ça suffit ! », nous souhaitons, pour notre part, dire avec force : « La transition énergétique, allons-y ! ».

M. Julien Aubert. Permettez-moi de déplorer les conditions dans lesquelles le Parlement travaille. Nous avons eu une semaine d’auditions à marche forcée, à des heures parfois indues, avec une présence des députés, tous partis confondus, et des rapporteurs eux-mêmes, extrêmement faible. Cela renvoie l’image d’un Parlement marginalisé. Si je suis heureux que la société civile ait eu deux ans pour réfléchir à la transition énergétique, je regrette que les élus de la nation n’aient que deux semaines. Au passage, je signale que la concertation doit s’étendre jusqu’à l’opposition.

Le texte souffre d’imperfections, la principale étant qu’il a trait non pas à la transition énergétique, mais à la transition électrique. Il laisse en effet dans l’ombre une grande partie du sujet des énergies fossiles. Il faudra bien trancher un jour entre la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et la sortie du nucléaire. L’exemple allemand montre ce qu’une telle stratégie peut avoir d’incohérent. L’UMP, qui souhaite véritablement lutter contre le réchauffement climatique, considère qu’il n’y a pas lieu de désosser l’industrie nucléaire française.

Ce texte souffre de manques flagrants – rien sur les pétroles et gaz de schiste, rien sur le site Cigéo – et comporte des bombes en puissance susceptibles d’avoir un impact sur la filière nucléaire et ses 400 000 emplois, sur EDF dont l’encadrement de la stratégie d’investissement par l’État ressemble à une renationalisation masquée et risque de détruire une partie de la valeur de cette entreprise. Surtout, il n’y a pas de réflexion sur la gouvernance, alors que l’introduction dans le mix électrique d’une grande proportion d’énergies renouvelables aura des conséquences sur le déploiement du réseau et la gouvernance d’objectifs potentiellement contradictoires.

La principale bombe concerne le financement, totalement absent de la réflexion à ce stade. L’Union française de l’électricité (UFE) a évalué à 200 milliards d’euros le coût du remplacement de vingt centrales nucléaires pour atteindre votre objectif de 50 % à l’horizon 2025. Or le problème c’est de trouver de meilleurs financements, pas de distribuer de l’argent que nous n’avons pas.

En revanche, nous sommes favorables à la co-construction. Les membres de l’opposition de la commission du développement durable ont longtemps plaidé pour une commission spéciale : ce point a été acquis. Nous regrettons toutefois qu’il n’y ait eu aucun contact avec votre cabinet, Mme la ministre, car nous pensons que la co-construction se prépare. Nous présenterons des amendements visant à modifier certains pans de ce texte. Soyez certains que nous ne laisserons pas sacrifier dans le silence 100 000 emplois de la filière nucléaire sur l’autel d’un accord idéologique.

M. Bertrand Pancher. Plus que les discours, ce sont les actes qui nous intéressent. Que dire de ce projet de loi ? Ce n’est certainement pas un texte sur le logement, alors que c’est le premier poste de la transition énergétique. Ce n’est pas non plus une loi sur le transport : la messe a été dite dès l’abandon de la taxe poids lourds, et les moyens font à présent défaut pour un vaste plan dans ce domaine, alors que c’est le deuxième secteur de consommation énergétique. Ce n’est pas plus un texte sur les énergies renouvelables : l’abandon du tarif d’achat confirme notre décrochage en la matière. C’est une loi vaguement orientée sur la production d’électricité, déconnectée de la question fondamentale du carbone. Les nombreux indicateurs n’étant assortis d’aucune sanction, la mise en œuvre ne viendra jamais. Le compte n’y est pas.

Les très nombreuses auditions ont montré la grande frustration de tous les acteurs de l’environnement : il faut être sourd pour ne pas les entendre. Ils dressent le même constat sévère que nous.

Nos conditions de travail sont exécrables. De nombreuses auditions ont été conduites en même temps, ce qui ne nous a pas permis de les suivre toutes. L’avalanche d’amendements rend impossible une quelconque expertise. Nous avons donc pioché, entre tant de propositions, selon l’idée que nous nous faisons de l’intérêt général. La procédure d’urgence ne corrigera ni cette frustration ni les erreurs de ce texte.

Une nouvelle loi n’était, du reste, nullement nécessaire. Il suffisait de poursuivre les actions prévues, notamment dans le cadre du Grenelle de l’environnement, en corrigeant ce qui doit l’être et en mobilisant les moyens.

Néanmoins, nous souhaitons nous montrer constructifs et nous défendrons un certain nombre d’amendements. Notre position finale sera fonction de l’accueil qu’ils recevront, mais nous partons avec un regard très négatif sur ce projet.

Mme Cécile Duflot. Le projet de loi a eu un long parcours et suscite une très forte attente. Les grands objectifs que vous avez inscrits dans cette loi, Mme la ministre, en font un tournant dans l’histoire de notre politique énergétique. L’importance de ces grands objectifs, annoncés par le Président de la République lors de la Conférence environnementale, ne doit pas être ignorée.

Il y a tout d’abord l’obligation de réussir face au dérèglement climatique. Après la marche pour le climat, qui a rassemblé des centaines de milliers de personnes, après la remise du rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), l’urgence climatique s’impose à tous. La question n’est pas tant celle de la possibilité d’un accord que celle de la qualité de cet accord : la Conférence de Paris, l’an prochain, doit être une opportunité historique.

C’est ensuite le choix de réduire de 50 % la consommation d’énergie d’ici à 2050, un choix audacieux et courageux qui marque une rupture dans notre modèle de développement. C’est la seule possibilité responsable de nous montrer à la hauteur des enjeux du dérèglement climatique et d’engager une nouvelle révolution industrielle, celle de l’efficacité énergétique. C’est aussi la seule possibilité de résorber le déficit de notre balance commerciale, en grande partie dû à la facture énergétique, et de protéger les Français face aux aléas géopolitiques de notre approvisionnement.

C’est enfin la seule possibilité de fonder un nouveau modèle de développement, basé sur le découplage entre la prospérité de notre société et sa consommation énergétique, choix souligné par le rapport France 2025, Quelle France dans dix ans ?

Ce projet de loi permet également de sortir du tout-nucléaire, avant, nous l’espérons, une sortie du nucléaire. L’histoire énergétique de la France est marquée par son audace et la capacité du pouvoir politique à décider : ce fut le choix du programme électro-nucléaire, que les écologistes désapprouvent, mais nous pensons que la même audace peut nous permettre aujourd’hui de rompre avec ce modèle. Le passage de 75 à 50 % est une opportunité historique de diversification du mix énergétique. C’est un compromis politique, et non le choix des écologistes, car nous souhaitons toujours la sortie du nucléaire.

Le nucléaire, comme l’a montré le rapport de Denis Baupin, est un choix coûteux, notamment parce qu’il requiert des investissements massifs pour rénover le parc. Il risque de nous faire passer à côté de la troisième révolution industrielle s’il stérilise l’innovation et la recherche en empêchant le développement des énergies renouvelables. C’est, en outre, un choix dangereux, comme l’attestent la catastrophe de Fukushima et le rapport subséquent de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur le parc nucléaire français et l’absence à ce jour de solution pour les déchets.

C’est un texte ambitieux, donc, mais également perfectible. Si l’esprit de la loi est celui d’une rupture, le texte en est encore éloigné, et il est même décevant, sur plusieurs points. Il risque de passer à côté de son ambition initiale et de ne pas engager toutes les ruptures nécessaires.

Si l’on peut saluer la trajectoire pour 2050, il manque de précision sur le moyen terme : la définition d’objectifs clairs, identifiables par tous les acteurs, d’ici à 2030, fait défaut. De même, on sent bien l’amorce d’une stratégie d’accélération et d’amplification face au dérèglement climatique, mais elle n’est pas encore aboutie. Ainsi, le texte prend de bonnes mesures dans le bâtiment, mais nous ne disposons pas encore du plan stratégique à l’horizon 2050 dont nous avons besoin pour éliminer les aléas. Sur les énergies renouvelables, il faudrait poursuivre l’audace du modèle allemand et nous inclure dans les perspectives européennes les plus volontaristes.

Le texte manque, en outre, de précision sur la sûreté nucléaire, en particulier sur le délai de quarante ans, estimé par tous les experts, notamment l’ASN, comme un seuil qui mérite réflexion : ce seuil devrait figurer dans la loi.

Le texte manque de précision sur la transition vers les mobilités durables, notamment le développement du véhicule électrique, sur la lutte contre la précarité énergétique, au service de laquelle le chèque énergie est un bon outil dont néanmoins le financement et la portée doivent être élargis, sur l’obligation de rénovation et la manière de l’appliquer, ainsi que sur les constructions à énergie positive.

Enfin, le projet manque de moyens. Les financements publics ne sont pas au rendez-vous. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2015 sera bien sûr déterminant : les objectifs du projet de loi ne pourront être tenus que si les moyens sont présents. C’est pourquoi nous défendrons la possibilité de mobiliser les ressources du livret de développement durable et du livret A sur la transition énergétique, avec l’appui de la Caisse des dépôts.

Nous regrettons, enfin, que ce texte crée des verrous sur les financements innovants, tels que le tiers financement. En confortant le monopole bancaire, l’article 6 de la loi tue la seule possibilité nouvelle de financer la transition énergétique. Nous devons absolument faire évoluer ce point.

Nous saluons la volonté de rupture et de changement que traduit ce texte. À chaque fois que vous avancerez, vous pourrez compter sur notre soutien ; à chaque fois que vous hésiterez, sur notre vigilance. Ce texte est une opportunité unique et historique d’engager une véritable mutation, et nous sommes déterminés à y travailler avec vous.

M. Joël Giraud. Le temps consacré au travail parlementaire est insuffisant ; de nombreux collègues se sont légitimement plaints. Nous aurions aimé travailler en amont avec votre cabinet, madame la ministre, et j’espère à tout le moins que nous pourrons être entendus au cours des débats.

Sur le fond, je partage le point de vue de notre rapporteure sur la précarité énergétique. Il faut retravailler ce point.

En outre, ce texte est particulièrement insuffisant s’agissant de la décentralisation des filières locales. J’ai parfois le sentiment de faire davantage au sein d’une société d’économie mixte locale dont je suis actionnaire qu’au Parlement. Les problématiques de la micro-hydraulique, des réseaux de chaleur, du photovoltaïque local, du rôle de l’agriculture, des fournisseurs coopératifs d’électricité, doivent être traitées plus efficacement, de manière à bâtir une France de l’énergie décentralisée qui remplisse les promesses de la transition énergétique. L’Allemagne a réussi parce qu’elle s’est appuyée sur de telles filières.

Nous avons déposé des amendements sur les procédures abusives dont sont victimes de nombreux hydrauliciens et fabricants d’éoliennes. Il suffit, dans ce pays, de déposer des recours pour obtenir une indemnité transactionnelle, juste avant la fin des autorisations administratives : c’est une forme de racket. Nous demanderons donc de permettre des prolongations d’autorisations administratives dans le cas de lancements de telles procédures.

Le texte est quasiment muet sur la sobriété énergétique des collectivités locales. Les choix de celles-ci ne sont pas récompensés. Il faut que les communes qui tâchent de ne pas ressembler à un sapin de Noël toutes les nuits, à trois heures du matin, pour n’éclairer que quelques noctambules, soient récompensées, non par le biais de primes, mais par une réaffectation de produits liés à la dotation de solidarité rurale (DSR) ou à la dotation globale de fonctionnement (DGF). Vous pourrez considérer nos amendements en ce sens comme des amendements d’appel en vue de bâtir une véritable politique de sobriété énergétique des collectivités locales.

Notre groupe a également déposé des amendements tendant à améliorer la sûreté nucléaire.

M. le président François Brottes. Peu de textes ont fait l’objet d’autant de travail en commission. La Commission spéciale a conduit dix-neuf auditions, dont sept tables rondes, entendant ainsi plus de cinquante personnes, au cours de quarante-sept heures de réunion. De leur côté, les rapporteurs ont auditionné des centaines de personnalités. Le temps a été court, certes, mais le volume de travail très important.

Mme la ministre. Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail, conduit en partenariat avec mon cabinet et moi-même. Nous nous sommes efforcés de répondre à toutes leurs questions techniques. Toutes les propositions permettant d’améliorer ce texte seront considérées avec beaucoup d’attention.

Je remercie également les orateurs des groupes. Christophe Bouillon a bien identifié les valeurs auxquelles se rattache ce texte. Je suis heureuse de pouvoir compter sur le soutien du groupe socialiste.

Nos concitoyens, monsieur Aubert, monsieur Pancher, ne sont pas demandeurs d’une polémique sur la méthodologie. Il est contradictoire de se plaindre d’un calendrier trop court tout en remarquant que le texte est attendu depuis deux ans. Christophe Bouillon a bien souligné l’urgence économique, sociale et écologique. Le sujet a fait l’objet de nombreux débats dès avant ma nomination. J’ai tâché, depuis mon arrivée en fonction, d’accélérer l’élaboration de ce texte, qui est à la fois ramassé et efficace, accompagné d’une dynamique pour les territoires et d’une dynamique pour les filières économiques. Il vient un moment où il faut passer à l’action, décider, avancer.

Cécile Duflot a relevé les points positifs de ce texte, tout en soulignant l’esprit de vigilance, légitime, des écologistes. Il faudra que ce texte soit, en effet, audacieux pour être à la hauteur des défis. J’ai bien noté qu’elle considérait qu’il s’agit d’un tournant dans la politique énergétique, posant les bases d’un nouveau modèle de développement.

Laissons de côté, monsieur Giraud, les polémiques sur les délais. En critiquant la méthode de travail, vous vous critiquez vous-mêmes. Vous avez conduit un travail exceptionnel dans les auditions, que j’ai toutes lues. Cessons de mettre en cause la qualité de ce travail et montrons, au contraire, que nous sommes capables, dans un temps maîtrisé, de répondre à l’urgence écologique.

La Commission spéciale en vient à la discussion des articles du projet de loi.

M. le président François Brottes. M. le président de la commission des finances m’a adressé hier une lettre m’indiquant que tout ce qui concerne la contribution au service public de l’électricité (CSPE) relevait désormais de l’article 40, dès lors que, EDF ayant une dette importante de 5 milliards d’euros, l’État avait pris le relais.

Je vais à présent indiquer les amendements qui ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40.

Mme la ministre. Ces amendements pourront être repris par le Gouvernement, si j’estime qu’ils permettent d’améliorer le texte. C’est le cas de certains d’entre eux.

M. le président François Brottes. Je signale également, outre l’ouverture faite à l’instant par Mme la ministre, que l’on peut passer le cap de l’article 40 lorsqu’on préconise des expérimentations avec une durée limitée encadrée par l’État. Cela donne des marges de manœuvres.

Ont donc été déclarés irrecevables par la commission des finances, les amendements CS1814 de M. Denis Baupin et CS1907 de M. Jacques Krabal, à l’article 4 ; les amendements CS449 de M. Patrick Hetzel, CS923 de M. Julien Aubert, CS340 de M. Jean-Jacques Cottel, CS749 de M. Jean-Luc Bleunven et CS1404 de M. Philippe Plisson, après l’article 5 ; les amendements CS372 de M. Antoine Herth et CS1485 de Mme Cécile Duflot, après l’article 6 ; les amendements CS1494, CS1493 et CS1495 de M. Denis Baupin, après l’article 8 ; les amendements CS302 et CS303 de M. Michel Heinrich, CS422 et CS424 de M. Razzy Hammadi, CS1500 de M. Denis Baupin, CS135 de M. Jean-Marie Tetart, CS139 de M. Martial Saddier, CS149 de M. Jean-Marie Tetart, CS153 de M. Martial Saddier, CS600 de M. Bernard Accoyer, CS1502 de M. Denis Baupin, CS2112 de M. Julien Aubert, CS618 de M. Michel Lesage, CS842 et CS963 de M. Julien Aubert, CS1280 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1503 de M. Denis Baupin, CS1639 de M. Jacques Krabal et CS1040 de M. Michel Lesage, à l’article 9 ; les amendements CS128 de M. Jean-Marie Tetart et CS174 de M. Martial Saddier, après l’article 9 ; les amendements CS1518 et CS1519 de M. Éric Alauzet, après l’article 11 ; les amendements CS1200 de Mme Michèle Bonneton, CS1281 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1522, CS2115 et CS2116 de M. Denis Baupin, à l’article 13 ; l’amendement CS352 de M. Jean-Jacques Cottel, après l’article 19 ; les amendements CS286 de M. Michel Heinrich et CS1073 de M. Bertrand Pancher, après l’article 21 ; l’amendement CS1847 de M. François-Michel Lambert, après l’article 22 ; les amendements CS1415 de M. Philippe Plisson, CS1543 et CS1553 de M. Denis Baupin, à l’article 23 ; l’amendement CS632 de M. Jean-Jacques Guillet, après l’article 25 ; les amendements CS1204 de Mme Bernadette Laclais, CS1343 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1405 de M. Philippe Plisson, à l’article 26 ; les amendements CS832 de M. Julien Aubert, CS1338 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1556 de M. Denis Baupin, CS617 de M. Michel Lesage, CS1308 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1574 de M. Denis Baupin, après l’article 27 ; l’amendement CS547 de M. Jean-Michel Clément, à l’article 30 ; l’amendement CS1751 de M. Denis Baupin, après l’article 34 ; l’amendement CS1678 de M. Joël Giraud, après l’article 36 ; l’amendement CS1348 de M. Jean-Paul Chanteguet, après l’article 38 ; l’amendement CS752 de M. Yves Blein, après l’article 43 ; l’amendement CS548 de M. Jean-Michel Clément, après l’article 45 ; l’amendement CS408 de M. Patrick Hetzel, avant l’article 46 ; l’amendement CS550 M. Gilles Savary, après l’article 53 ; les amendements CS1137 de M. Bertrand Pancher et CS1250 de M. Jean-Paul Chanteguet, après l’article 54 ; les amendements CS157 de M. Jean-Marie Tetart, CS689 de M. Michel Lesage, CS1389 de M. Philippe Plisson, CS908 de Mme Frédérique Massat, CS1797 et CS1798 de Mme Brigitte Allain, CS1371 de M. Philippe Plisson, CS1125 de M. Bertrand Pancher et CS330 de M. Jean-Jacques Cottel, à l’article 56 ; les amendements CS344 de M. Jean-Jacques Cottel, CS870 de M. Jean-Luc Bleunven, CS1130 de M. Bertrand Pancher et CS1408 de M. Philippe Plisson, à l’article 57 ; les amendements CS1364 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS910 de Mme Frédérique Massat, après l’article 57 ; les amendements CS240 de M. Damien Abad, CS300 de M. Michel Heinrich, CS1808 de Mme Cécile Duflot, CS2020 de M. Joël Giraud, CS341 de M. Jean-Jacques Cottel, CS609 de M. Michel Lesage, CS705 de M. Martial Saddier, CS855 de Mme Frédérique Massat, CS1062 de Mme Barbara Romagnan, CS1234 de M. Charles-Ange Ginésy, CS1701 de M. Joël Giraud, CS1806 de Mme Cécile Duflot, CS1703 et CS1704 de M. Joël Giraud, à l’article 60 ; l’amendement CS1435 de M. Victorin Lurel, après l’article 64.

Ces amendements irrecevables ne représentent que 5 % du volume total d’amendements et plusieurs d’entre eux sont rattrapables.

J’indique encore qu’un petit nombre d’amendements ont été retirés de la liasse, soit parce qu’ils étendaient le champ des ordonnances, ce qui est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, soit parce qu’ils contenaient des injonctions à l’adresse du Gouvernement, ce qui est autorisé dans l’expression mais interdit dans la loi, à l’exception des demandes de rapport.

Mme la ministre. Le Gouvernement reprendra certains de ces amendements, à la mise en œuvre desquels il travaille d’ores et déjà. C’est le cas pour les amendements concernant la mise en place du Fonds de garantie, les mesures de soutien au financement participatif ou le Fonds de péréquation. Le projet de loi de finances pour 2015 doit, par ailleurs, comporter des dispositions sur le crédit d’impôt de la transition énergétique (CITE), le rendant applicable aux travaux commandés à compter du 1er septembre dernier.

En matière de financement des travaux visant à améliorer la performance énergétique, la Caisse des dépôts a ouvert une ligne de crédit de 5 milliards d’euros destinée aux collectivités territoriales et permettant de leur allouer jusqu’à 5 millions d’euros par opération sans apport initial. Il s’agit de dispositions qui ne relèvent pas de la loi, pas davantage que les mesures concernant le Fonds de transition énergétique.

Ces outils financiers doivent soutenir la triple dynamique qui doit s’enclencher à la fois chez les particuliers, au sein de nos entreprises et dans nos territoires. La France, à l’avant-garde de la recherche et des opérateurs énergétiques, doit conforter et accroître son avance et permettre à ses entreprises de trouver leur place dans la compétition mondiale et d’investir dans ces filières qui vont devenir de plus en plus rentables. Quant aux collectivités, certaines se sont déjà mises en mouvement, comme les outre-mer qui veulent accéder à l’autonomie énergétique ; d’autres s’apprêtent à entamer leur transition énergétique. Les unes et les autres participeront, en marge du sommet de la planète, au sommet consacré aux territoires. D’ici là, ils doivent pouvoir s’appuyer sur cette loi, tout en lui donnant toute sa portée.

Je précise que, comme je m’y étais engagée, les ordonnances prévues par le texte ont été rédigées et que vous pourrez en prendre connaissance avant le débat en séance publique.

TITRE Ier

DÉFINIR LES OBJECTIFS COMMUNS
POUR RÉUSSIR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE,
RENFORCER L’INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCE
ET LUTTER CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CS56 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Le terme de transition suppose qu’on veut changer d’énergie, ce qui implique une sortie du nucléaire. En réalité, nous avons plutôt besoin d’une stratégie, terme qui a le mérite d’être plus neutre et moins dogmatique.

Mme la ministre. Avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le projet de loi que nous examinons est consacré à la transition énergétique. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère qui nécessite une mutation de notre modèle économique. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS2173 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Bien que le premier enjeu demeure la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et donc la lutte contre le réchauffement climatique, l’expression de « changement climatique » me paraît plus pertinente que celle de « réchauffement climatique ».

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS57 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Deux objectifs majeurs doivent sous-tendre la transition énergétique : d’une part, la maximisation de la compétitivité de notre économie, d’autre part, la préservation du modèle énergétique français, garantissant une énergie à faible coût, socialement acceptable. Toute mesure contenue dans la programmation pluriannuelle énergétique devrait donc être évaluée au regard du coût de la tonne de CO2 évitée et du coût pour le consommateur final. Il ne s’agit pas seulement de dépenser des milliards mais de choisir à quoi ces milliards seront le mieux utilisés.

Mme la ministre. Le projet de loi propose déjà un modèle de transition énergétique qui assure l’équilibre entre nos exigences en matière de compétitivité, de lutte contre la précarité énergétique et de solidarité. Avis défavorable.

Mme la rapporteure. La plupart des éléments contenus dans votre amendement sont redondants avec les dispositions des articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-3 du code de l’énergie, ainsi qu’avec celles relatives à la programmation pluriannuelle sur laquelle se fonde notre stratégie bas carbone. Avis défavorable.

M. Martial Saddier. Il n’est pas neutre que le projet de loi ne mentionne pas le coût socialement acceptable de l’énergie comme un des objectifs à atteindre. Outre que plusieurs amendements concernant les véhicules polluants ont été censurés au titre de l’article 40, il manque à ce projet un volet sur l’efficacité énergétique dans les bâtiments. Il ne suffit pas, en effet, d’éviter que les bâtiments consomment de l’énergie, il faut aussi améliorer l’efficacité énergétique des moyens de chauffage. Il est très important de réaffirmer dans le propos liminaire du texte que le coût de la transition énergétique devra être socialement acceptable pour nos concitoyens, qui ont de plus en plus de difficulté à payer leur facture énergétique.

Mme Sophie Rohfritsch. Ce projet de loi doit proposer autre chose que des mesures purement techniques permettant, d’un strict point de vue quantitatif, de réaliser des économies d’énergie. Il doit mettre en œuvre une transition énergétique qui nous permette de restaurer la compétitivité de nos entreprises.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS58 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. La transition énergétique doit respecter les principes suivants : la progressivité, certes en contradiction avec l’horizon assez proche auquel a été arrêtée notre sortie du nucléaire ; la flexibilité, d’où découlera notre capacité à nous adapter à un contexte international mouvant ; la réversibilité et la soutenabilité, qui doivent nous garantir des déceptions technologiques à moyen terme ; la stabilité et la sécurité juridique ; un État qui conserve ses marges d’action face à la logique de marché dans le développement des EnR.

Mme la ministre. Le projet de loi tient déjà compte de ces exigences. J’y ajouterai la détermination et, contrairement à ce que vous proposez, l’irréversibilité : ce n’est qu’à cette seule condition que les acteurs économiques s’engageront avec confiance dans la transition énergétique. Avis défavorable.

Mme la rapporteure. Cet amendement est superfétatoire. La progressivité est inhérente au concept même de transition ; la flexibilité va de pair avec notre sécurité d’approvisionnement ; quant à la réversibilité et à la soutenabilité, ce sont les principes mêmes d’une programmation pluriannnuelle de l’énergie (PPE). Vous souhaitez également que soient garanties la stabilité et la sécurité juridique : c’est tout l’enjeu des stratégies à long terme, comme la stratégie bas carbone ou la PPE. La politique de soutien aux EnR, enfin, est l’un des premiers objectifs de la présente loi. Avis défavorable.

Mme Cécile Duflot. Je mets en garde M. Aubert contre les faux débats. Personne ne peut mettre en doute l’engagement des écologistes en faveur de la sortie du nucléaire, ce qui ne nous empêche pas d’avoir de la question, dans le cadre de cette loi, une approche fondamentalement pragmatique. S’il ne nous appartient pas d’assumer les décisions prises dans les années 60, il nous revient de prendre en compte une réalité qui est tout le contraire de ce que vous prétendez, monsieur Aubert, puisque nous sommes grandement dépendants aujourd’hui d’une unique source de production électrique. Pour assurer notre flexibilité et notre indépendance énergétique, garantir une transition énergétique réversible et soutenable, et offrir aux investisseurs un environnement juridique stable et sécurisé, il faut donc développer les EnR. Les écologistes, en soutenant cette loi, restent fidèles à leurs principes tout en prenant acte du principe de réalité. Ayant constaté notre dépendance énergétique à l’égard du nucléaire, nous souhaitons sa réduction progressive et ordonnée.

M. Julien Aubert. Avant de dépendre du nucléaire, l’économie française dépend surtout du pétrole.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS59 de M. Julien Aubert.

M. Michel Sordi. La transition énergétique doit pleinement tenir compte du rôle majeur de l’énergie nucléaire française dans la stabilisation du réseau électrique français et européen – notamment par son rôle de « soupape » permettant d’absorber les intermittences du réseau allemand –, dans la stabilisation du prix de l’électricité demeuré relativement peu élevé depuis le lancement du programme nucléaire français, et dans le développement de nouvelles filières, s’agissant notamment de la quatrième génération de réacteurs, de l’enfouissement des déchets radioactifs ou encore du démantèlement des installations définitivement arrêtées.

J’ajoute que la fermeture de la centrale de Fessenheim risque de peser sérieusement sur le budget d’EDF et, partant, sur le budget de l’État : elle devrait donc, au même titre que les amendements que le président nous a énumérés, être considérée comme une mesure irrecevable.

Mme la ministre. Avis défavorable. Cet amendement n’est pas de nature législative. Vous y affirmez un point de vue, tout à fait respectable au demeurant et que je ne conteste pas. Un titre entier de ce projet de loi est consacré à l’énergie nucléaire, qui conserve une part importante dans notre production énergétique, puisqu’elle continuera à fournir 50 % de l’électricité que nous produisons, soit le taux le plus élevé de tous les pays industrialisés.

Mon souci n’est pas d’opposer les énergies les unes aux autres, mais de monter en puissance sur un nouveau mix énergétique.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

M. Michel Heinrich. Cet amendement rappelle le rôle du nucléaire. Une bonne politique énergétique consiste à pouvoir fournir de l’énergie à tous, particuliers et entreprises, à bas coût et tout en respectant l’environnement. La transition énergétique a pour objectif la diminution des énergies carbonées, et il ne faudrait pas que, comme en Allemagne où 45 % de l’électricité est produite à partir de charbon sous prétexte de limiter le nucléaire, on ait recours massivement à ces énergies carbonées. Le nucléaire permet de limiter les émissions de gaz à effet de serre et de produire de l’énergie à un coût très compétitif. Je rappelle qu’un particulier allemand paie son électricité deux fois plus cher qu’en France.

M. Bertrand Pancher. Il faut relativiser la portée de cet amendement, dans la mesure où chacun sait que les objectifs de diminution de la part du nucléaire fixés par ce projet de loi sont utopiques. Le rythme de développement de nos énergies renouvelables est inférieur à ce qu’il devrait être, comme le sont nos progrès en matière d’économies d’énergie. N’oublions pas, par ailleurs, les mises en garde de RTE sur les risques que ferait courir à moyen terme à la sécurité de nos approvisionnements une telle diminution de notre énergie nucléaire.

M. Charles de Courson. L’intérêt de cet amendement est qu’il évoque la dimension européenne de la politique énergétique, que le texte ne traite malheureusement pas. La moitié de l’électricité produite par la centrale de Fessenheim est exportée vers la Suisse et vers l’Allemagne, et la centrale de Chooz livre un tiers de sa production à la Belgique qui, après avoir fermé cinq de ses réacteurs nucléaires, connaît une pénurie d’électricité. On ne résoudra donc pas seul les problèmes énergétiques de la France.

M. Denis Baupin. Je ne veux pas entrer dans un grand débat sur le nucléaire, et je renvoie nos collègues au rapport de la commission d’enquête sur ce sujet. Toutefois, pour couper court aux idées reçues qui risquent de revenir régulièrement, je rappelle que nous ne produisons pas d’uranium sur notre territoire. Peut-on vraiment parler d’indépendance énergétique quand 100 % de l’uranium consommé par nos centrales nucléaires proviennent de l’étranger ?

Je le dis en tant qu’écologiste, nous sommes défavorables à la reprise du charbon en Allemagne. C’est la raison pour laquelle les écologistes ne participent pas à la coalition entre la CDU et le SPD. En tout état de cause, en Allemagne, le charbon remplace, non pas le nucléaire, mais le gaz, comme en Grande-Bretagne et en France. Aujourd’hui, du fait de la production de gaz de schiste aux États-Unis, la consommation de charbon y est moindre. Le charbon arrive donc en Europe en plus grande quantité et à bas prix, ce qui contribue à sa reprise. Ce n’est pas une bonne chose, mais cela ne doit pas être mis en relation avec la sortie du nucléaire en Allemagne.

Enfin, le prix de l’électricité de nos voisins allemands est certes plus élevé que chez nous, mais leur consommation est moindre. Ce qui importe, c’est la facture, c’est-à-dire la multiplication de la consommation par le tarif ; en l’occurrence, nos voisins allemands consacrent à peu près la même part de leur revenu à l’énergie que les ménages français. C’est bien la preuve qu’avec une politique tarifaire et une politique de consommation menées de concert, on peut avoir à peu près le même impact sur les ménages.

M. Jean-Luc Laurent. Je voterai cet amendement de principe, qui rappelle opportunément nos atouts énergétiques industriels que sont les coûts à bon marché, et le nécessaire développement de nouvelles filières, en particulier la quatrième génération de réacteurs nucléaires.

Je tiens à dire à Denis Baupin que le choix du charbon par l’Allemagne résulte de la volonté de sortir du nucléaire. Or, pour répondre à la demande, encore faut-il avoir une capacité de production d’énergie ! Comme quoi, la sortie du nucléaire, telle qu’elle est conduite en Allemagne et telle qu’elle pourrait l’être en France si l’on écoutait les écologistes, serait une catastrophe du point de vue de l’industrie, mais aussi des usagers, qu’ils soient entreprises ou particuliers.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS533 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je suis surpris que M. Baupin utilise encore l’argument l’uranium, sachant que les éoliennes utilisent des métaux rares importés de Chine.

Il faut sortir de l’ambiguïté : soit nous voulons une loi pragmatique, soit nous en faisons une qui risque d’asphyxier lentement une filière pourtant extrêmement importante pour réussir la transition énergétique. L’adoption de notre amendement précédent aurait permis de faire apparaître des mots clés, comme « Europe », « enfouissement des déchets », « quatrième génération ». Le Parlement doit prendre conscience qu’il y aura des choix à faire dans les années à venir.

Aujourd’hui, avec la mise en concurrence, il existe des tensions dans certaines industries du secteur qui ont des statuts spéciaux. Le service public doit se voir reconnaître une place au cœur de la transition énergétique, au titre d’un modèle social français dont il est la colonne vertébrale. Tel est le sens de l’amendement CS533.

Mme la ministre. Il faut veiller à ce que la loi ne soit pas une suite de pétitions de principe, où chacun se fait plaisir. Le service public a, certes, un rôle majeur à jouer, mais nous devons nous en tenir à un texte opérationnel, avec des normes juridiques claires qui entrent dans le cadre législatif.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Article 1er (articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 du code de l’énergie) : Objectifs de la politique énergétique.

La Commission est saisie des amendements identiques CS294 de M. Michel Heinrich, CS806 de M. Julien Aubert, CS1242 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1994 de M. Joël Giraud.

M. Michel Heinrich. L’objectif de santé publique et d’environnement doit jouer un rôle primordial dans la transition énergétique et diriger tous les autres.

M. Alain Leboeuf. Nous pouvons sans doute tomber d’accord sur un amendement comme celui-ci qui, sans dénaturer le texte, rappelle le rôle primordial de la santé publique et de l’environnement.

M. Jean-Paul Chanteguet. Il nous semble important de remonter dans la liste des objectifs de la politique énergétique la préservation de la santé humaine et de l’environnement.

M. Joël Giraud. Même logique, même raisonnement : il s’agit de prioriser cet objectif.

Mme la ministre. Avis défavorable. La liste des objectifs n’est pas hiérarchisée ; ils ont tous la même importance et le même intérêt. Ne perdons pas de temps avec des considérations hiérarchiques quand il y a, dans ce texte, des sujets majeurs.

Si cela peut vous rassurer, je présenterai prochainement en conseil des ministres un plan global pour la stratégie nationale de santé et, au cours de la Conférence environnementale qui aura lieu au mois de novembre, un thème spécifique «  santé et environnement » sera traité à l’Institut Pasteur.

La rédaction de l’article 1er a fait l’objet de nombreuses consultations, et notamment d’un débat approfondi dans le cadre du Conseil national de la transition écologique. Il ne serait pas de bon aloi de changer, au gré des humeurs, l’ordre des objectifs qui sont tous également prioritaires.

M. Bertrand Pancher. La santé humaine, madame la ministre, passe également par un bon sommeil. Ce type d’amendement nous fait bien dormir la nuit ; c’est une belle intention qui ne change absolument rien. Il y a d’ailleurs des tas de déclarations de ce genre dans votre projet de loi. Je ne vois pas pourquoi nous n’adopterions pas cet amendement.

Mme la rapporteure. Certains de ces objectifs figuraient déjà dans cet ordre dans le code de l’énergie. Avis défavorable.

La Commission adopte les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CS1395 de M. Jean-Luc Laurent, les amendements identiques CS436 de M. Patrick Hetzel et CS929 de M. Julien Aubert, les amendements CS1438 et CS1439 de M. Denis Baupin, les amendements identiques CS1136 de M. Bertrand Pancher, CS1245 de M. Jean-Paul Chanteguet et CS1440 de Mme Cécile Duflot, les amendements identiques CS437 de M. Patrick Hetzel et CS928 de M. Julien Aubert, l’amendement CS1441de M. Denis Baupin et l’amendement CS1253 de M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Luc Laurent. L’amendement CS1395 propose une autre hiérarchisation des différents objectifs de la politique énergétique et précise certains éléments.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre mérite d’être affirmée d’emblée et ne doit pas être sacrifiée aux enjeux nouveaux qui sont au cœur du projet de loi. Alors que Paris va accueillir la Conférence sur le climat en décembre 2015, la France ne peut pas apparaître en retrait.

Par ailleurs, il est important d’affirmer la nécessité de la souveraineté énergétique sur le territoire national, de préserver la santé humaine, de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de maintenir un prix de l’énergie compétitif, qui doit participer au redressement productif et à la compétitivité retrouvée de la France. Voilà pourquoi je propose une rédaction différente des alinéas 3 à 6.

M. Julien Aubert. L’amendement CS929 est défendu.

M. Denis Baupin. L’amendement CS1438 précise que nous voulons soutenir les filières industrielles sobres en énergie et en ressources, mais aussi en carbone.

Pour ce qui est de l’amendement CS1439, il tend à préciser les objectifs de la politique énergétique en y inscrivant la recherche de l’indépendance énergétique, gage de la souveraineté du pays. Aujourd’hui, notre dépendance, et celle de l’Europe en général, aux importations d’énergies fossiles est forte : près de 500 milliards d’euros y sont consacrés chaque année au niveau européen. Ces milliards sont utilisés à des fins géopolitiques par certains – je pense à M. Poutine, au Qatar et à des groupes terroristes qui ont aujourd’hui la maîtrise de territoires où il y a des productions pétrolières. Il s’agit du transfert de fonds le plus important à travers le monde, tout cela parce que l’Europe n’a pas de politique de maîtrise de l’énergie. Il me semble donc qu’avoir une vision de ce que l’on importe ou non est un élément stratégique de politique énergétique.

Enfin, que les éoliennes et les panneaux photovoltaïques soient fabriqués avec des éléments importés, tout comme l’uranium, m’a-t-on rétorqué, j’en conviens. Seulement, il y a une grosse différence entre l’investissement et le fonctionnement. S’agissant de l’investissement, on importe aussi les cuves de nos réacteurs nucléaires, et ceux-ci fonctionnent sous licence Westinghouse, avec de l’uranium importé. En revanche, nous n’importons ni le soleil ni le vent !

M. Bertrand Pancher. Le développement indispensable de l’efficacité énergétique passe par un changement de paradigme, à savoir la nécessité de raisonner non plus en fonction du prix de l’énergie, mais de son coût global pour le consommateur quel qu’il soit. C’est pourquoi l’amendement CS1136 tend à substituer le mot « coût » au mot « prix ».

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1245, identique, est défendu.

Mme Cécile Duflot. Il en est de même de l’amendement CS1440.

M. Patrick Hetzel. L’amendement CS437 vise à favoriser l’innovation et la recherche dans le domaine de l’énergie des entreprises, et particulièrement des très petites, petites et moyennes entreprises.

Les arguments développés par M. Baupin sur la filière énergétique sont discutables. On ne peut pas avoir une vision simpliste du nucléaire. Pour effectuer actuellement, au sein de l’OPECST, un travail sur les terres rares, je puis vous dire qu’il faut en utiliser jusqu’à une tonne par éolienne. Or ces terres rares sont obtenues par un processus en amont qui pollue énormément, mais l’on n’entend jamais M. Baupin sur ce point.

M. Martial Saddier. Mme la ministre ne sera pas insensible à notre amendement CS928, car nous ne relèverons pas le défi de la transition énergétique sans les très petites, petites et moyennes entreprises, qui sont l’un des objectifs de ce texte.

M. Denis Baupin. À l’alinéa 6, l’impact sur la santé humaine et l’environnement n’est envisagé qu’à travers l’aggravation de l’effet de serre. Les risques industriels majeurs peuvent également, dans le cadre de la production énergétique, être lourds de conséquences. L’amendement CS1441 propose de les ajouter.

M. Jean-Paul Chanteguet. Avec cinquante-huit réacteurs, la France est le pays le plus nucléarisé au monde. Il me paraît nécessaire d’indiquer, dans l’alinéa 6, qui concerne la préservation de la santé humaine et de l’environnement, que la politique énergétique vise aussi à la maîtrise du risque nucléaire.

Mme la ministre. Tous les objectifs sont d’une importance égale. En changeant l’ordre des priorités, on donnerait un signal négatif, au sens où l’on ferait apparaître que certains objectifs seraient plus importants que d’autres. C’est contraire au but recherché. Avis défavorable à l’amendement CS1395 de M. Laurent, de même qu’aux amendements CS436 de M. Hetzel et CS929 de M. Aubert.

Pour ce qui concerne les amendements CS1438 et CS1439 de M. Baupin, j’émets un avis favorable au premier. Quant au second, qui vise à réduire la dépendance aux importations d’énergie, il est satisfait par la référence à l’autonomie énergétique du pays. Cet amendement me semble donc redondant. Cela étant, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

Avis favorable aux amendements identiques CS1136 de M. Pancher, CS1245 de M. Chanteguet et CS1440 de Mme Duflot, qui me paraissent judicieux.

S’agissant des amendements identiques CS437 de M. Hetzel et CS928 de M. Aubert relatifs aux petites et moyennes entreprises, pour lesquelles vous connaissez mon attachement, je suggère de les déplacer à l’endroit du texte où nous débattrons des moyens donnés à la recherche. S’il faut faciliter l’accès à l’innovation et à la recherche pour les petites et moyennes entreprises, ces dernières peuvent travailler en sous-traitance pour des grands groupes, et il ne faut pas les opposer les unes aux autres. On entre là dans des mécaniques qui s’éloignent un peu des grands objectifs de la loi définis à l’article 1er

Les risques industriels majeurs sont déjà intégrés à la question de la protection de la santé humaine et de l’environnement. Néanmoins, j’émets un avis favorable à l’amendement CS1441 de M. Baupin. En tout cas, je le préfère à l’amendement CS1253 de M. Chanteguet, car il y a des risques industriels majeurs qui vont bien au-delà des risques nucléaires. L’amendement de M. Baupin englobe la totalité des risques industriels majeurs.

Mme la rapporteure. Avis défavorable à l’amendement CS1395 de M. Laurent.

Je donne un avis favorable à l’amendement CS1438 de M. Baupin, mais défavorable au CS1439 du même auteur. Assurer la sécurité de l’approvisionnement implique de renforcer l’indépendance énergétique nationale en réduisant notamment les importations.

Je profite de cet amendement pour répondre de manière globale à tous ceux qui suivront. Le projet de loi apporte des compléments nécessaires, mais peu nombreux, aux articles L. 100-1 et L. 100-2 du code de l’énergie. Ainsi, la plupart des objectifs listés figurent déjà dans le code de l’énergie, dont la sécurité d’approvisionnement. Les amendements me semblent donc satisfaits.

J’ai a priori un avis plutôt défavorable aux amendements identiques CS1136 de M. Pancher, CS1245 de M. Chanteguet et CS1440 de Mme Duflot, car il me semble que si l’on ne se préoccupe que du coût de l’énergie, on peut entraver le développement de nouvelles filières de production d’énergie. Je ne suis pas sûre que ce soit notre objectif premier.

Je suis défavorable aux amendements identiques CS437 de M. Hetzel et CS928 de M. Aubert, dont l’objet est abordé à l’alinéa 14 de l’article 1er ainsi qu’à l’article 53.

Enfin, avis favorable à l’amendement CS1441 de M. Baupin et défavorable à l’amendement CS1253 de M. Chanteguet.

M. Denis Baupin. Je ne vois pas, dans le projet de loi, où figure la mention de la réduction de nos importations d’énergie. Assurer la sécurité d’approvisionnement ne procède pas tout à fait de la même idée : cette sécurité peut être assurée par le biais de pas mal d’importations, ce qui ne contribue pas à la réduction de notre dépendance aux importations.

M. Patrick Hetzel. L’intérêt de l’amendement CS437 était précisément de figurer à cette place de l’article 1er. Néanmoins, je le retire.

Les amendements identiques CS437 et CS928 sont retirés.

La Commission rejette successivement l’amendement CS1395 et les amendements identiques CS436 et CS929.

Puis elle adopte successivement les amendements CS1438 et CS1439, les amendements identiques CS1136, CS1245 et CS1440 ainsi que les amendements CS1441 et CS1253.

La Commission est saisie des amendements identiques CS293 de M. Michel Heinrich, CS620 de Mme Barbara Romagnan, CS807 de M. Julien Aubert, CS1257 de M. Jean-Paul Chanteguet, CS1442 de Mme Cécile Duflot et CS1993 de M. Joël Giraud.

M. Michel Heinrich. Nombre de nos concitoyens sont concernés par la précarité énergétique ou pourraient l’être. L’objectif de cohésion sociale, assuré par la possibilité d’accéder à une énergie à bas coût, compatible avec les revenus de nos concitoyens, doit être affirmé dans la loi.

M. Philippe Plisson. L’amendement CS807 vise à prendre en compte la nécessité de l’accès à l’énergie pour tous.

M. Daniel Fasquelle. Avec l’amendement CS807, il s’agit de mettre le droit français en conformité avec la directive européenne 2003/54/CE, selon laquelle les prix doivent être « comparables, transparents et raisonnables ».

Madame la ministre, une commission d’enquête sur la tarification de l’électricité a été créée, mais vous avez, dans le même temps, fait des annonces à la suite d’une décision du Conseil d’État. Quelle est votre position en ce qui concerne l’évolution des prix de l’électricité et leur tarification ?

M. Jean-Paul Chanteguet. L’amendement CS1257 est défendu.

Mme Cécile Duflot. Il en est de même de l’amendement CS1442.

M. Joël Giraud. La cohésion sociale ne doit pas être qu’incantatoire.

Mme la ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte les amendements.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS218 et CS244 de M. Damien Abad.

M. Damien Abad. L’amendement CS218 tend à prendre en compte la dimension européenne de la transition énergétique, qui est la grande oubliée du projet de loi. L’idée est de construire une politique commune de l’énergie, considérant que c’est en marchant ensemble et en s’accordant sur une politique commune de transition énergétique que les États membres de l’Union pourront changer véritablement la donne. Ce texte doit être un premier pas dans ce sens.

L’amendement CS244 va un peu plus loin en proposant de fixer comme objectif la mise en place d’une communauté européenne de l’énergie, un peu sur le modèle de l’ancienne Communauté européenne du charbon et de l’acier.

Mme la ministre. Nous sommes bien évidemment engagés dans une dynamique européenne. D’ailleurs, dans le domaine de l’énergie, beaucoup de sujets relèvent de la compétence européenne. Ces amendements ne me paraissent pas très utiles. Sagesse.

Mme la rapporteure. L’article L. 100-1 définit les objectifs de la politique énergétique nationale à laquelle il n’y a pas lieu d’associer la construction d’une Europe de l’énergie, même si cet objectif est souhaitable.

M. Charles de Courson. Il faut inscrire la politique française de l’énergie sinon dans une politique européenne de l’énergie, qui fait actuellement défaut, du moins dans une perspective européenne. En matière d’énergie, l’Europe va au-devant de grandes difficultés, qui pourraient commencer dès cet hiver. Chaque État compte sur les autres, qui ne pourront pas toujours l’approvisionner.

Je préfère le second amendement, dont on pourrait modifier ainsi la rédaction, lors de la réunion qui se tiendra au titre de l’article 88 : « participe à l’élaboration d’une future politique européenne de l’énergie ».

Mme la rapporteure. Je suis plus favorable à l’amendement CS218 qu’au CS244.

La Commission adopte l’amendement CS218.

Puis elle rejette l’amendement CS244.

Elle examine ensuite l’amendement CS976 de Mme Barbara Romagnan.

M. Christophe Bouillon. Il s’agit d’ajouter un sixième objectif à la politique énergétique de la France : la lutte contre la précarité énergétique.

Mme la ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CS1583 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. L’alinéa 9 doit mentionner explicitement, aux côtés des collectivités territoriales, des entreprises et des citoyens, les associations, dont il faut rappeler la place et le rôle dans notre société.

Mme la ministre. Avis favorable. Reste à savoir s’il n’existe pas un terme plus englobant, qui permettrait d’inclure aussi les organisations non gouvernementales.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle en vient aux amendements identiques CS956 de M. Julien Aubert et CS1604 de M. Joël Giraud.

M. Daniel Fasquelle. Il s’agit de garantir la proportionnalité des aides visant à améliorer la performance énergétique de bâtiments existants aux économies réellement réalisées. On s’assurerait ainsi que l’argent public est bien dépensé.

M. Joël Giraud. On ouvrirait aussi la porte à l’innovation.

Mme la ministre. Avis défavorable. J’invite les auteurs de ces amendements à les retirer, afin de les déplacer, car la performance énergétique des bâtiments est étudiée au titre II du texte. La possibilité de conditionner les aides à la performance énergétique des bâtiments à énergie positive sera ouverte aux régions à titre expérimental.

Mme la rapporteure. Avis défavorable, pour la même raison. En outre, on ne peut insérer dans un code un article demandant la remise d’un rapport. Enfin, si l’on veut conditionner les aides publiques à l’efficacité énergétique réelle, mieux vaut solliciter la création d’une mission d’information au sein de l’Assemblée nationale.

Les amendements CS956 et CS1604 sont retirés.

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CS780 de M. Julien Aubert et les amendements identiques CS438 de M. Patrick Hetzel et CS927 de M. Julien Aubert.

M. Alain Leboeuf. À l’alinéa 10, l’amendement CS780 propose d’ajouter après « efficacité » les adjectifs « énergétique active et passive ». L’efficacité active a trait à la gestion et au pilotage, l’efficacité passive, à l’isolation.

M. Patrick Hetzel. L’amendement CS438 tend à supprimer la référence à la sobriété énergétique, cheval de bataille des économistes de la décroissance. Je m’étonne de l’écart qui oppose les orientations du Gouvernement en matière énergétique et celles que le Premier ministre a présentées dans son discours de politique générale. La croissance est indispensable si l’on veut aider nombre de nos concitoyens à accéder à l’emploi.

Mme la ministre. L’amendement CS780 entre en contradiction avec les amendements CS438 et CS927. Le premier rappelle que l’efficacité énergétique active et passive est complétée par la sobriété énergétique, que les deux autres proposent de supprimer.

Le Gouvernement, qui entend construire une société de sobriété énergétique, est défavorable aux amendements CS438 et CS927. Pour l’amendement CS780, il s’en remet à la sagesse de la Commission. Attention, toutefois, au mot « passif » qui prend, en matière d’énergie, un sens particulier. Quelqu’un qui isole un bâtiment ou le dote d’équipements plus performants est loin d’être passif, au sens où on l’entend généralement.

M. Charles de Courson. Qu’est-ce que la sobriété ? Consiste-t-elle à ne pas boire du tout ou à consommer peu d’alcool ? D’ailleurs, que signifie boire peu ? Évitons d’introduire dans la loi une notion aussi floue, qui n’a pas de portée normative.

M. le président François Brottes. Je partage votre avis sur ce point.

M. Bertrand Pancher. Les amendements ouvrent aussi le débat entre la croissance et la décroissance, ce qui n’a pas de sens. Sur le plan économique, une société est tenue de se développer.

M. Julien Aubert. Je comprends le concept de performance ou d’efficacité énergétique active ou passive, qui établit un lien avec les smart grids et la gestion moderne de l’énergie. Mais pourquoi invoquer une sorte de jansénisme ou de chasteté énergétique, qui nous renvoie à un modèle social très différent du nôtre ? On dépasse l’enjeu du texte si l’on prétend ne plus consommer d’énergie ou tout recycler, et, si vous voulez ouvrir un débat national, nous devons disposer d’une expertise qui nous fait défaut.

M. Serge Letchimy. Je comprends mal le lien que M. Aubert établit entre sobriété énergétique et décroissance. Être sobre, c’est rechercher l’efficacité technique et réduire la demande en modifiant le comportement de chacun. C’est une adhésion collective à une démarche, ce qui n’a rien à voir avec la décroissance.

M. Christophe Bouillon. La sobriété énergétique répond à un engagement européen, auquel nous adhérons. Nul n’ignore que les ressources ne sont pas infinies.

M. Éric Alauzet. La sobriété est un objectif, qui consiste à consommer moins ; l’efficacité énergétique est un moyen. M. de Courson fait sûrement la différence entre la sobriété et l’abstinence.

La Commission rejette successivement l’amendement CS780 et les amendements CS438 et CS927.

Elle aborde l’amendement CS646 de Mme Barbara Romagnan.

M. Philippe Plisson. L’amendement CS646 tend à garantir un droit effectif à l’énergie, sur le modèle du droit d’accès au compte bancaire, à l’eau ou au logement.

Mme la ministre. Sagesse.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Les dispositifs existants, même imparfaits, assurent à nos concitoyens l’accès à l’énergie. Les lois Brottes et ALUR ont renforcé la protection des plus précaires en encadrant le dispositif des coupures et en allongeant la trêve hivernale.

M. Julien Aubert. Pourquoi affirmer un droit sans le rendre opposable, ce qui en limite la portée ? Mieux vaudrait garantir l’existence d’un service public et protéger celui-ci, malgré l’ouverture à la concurrence.

M. Jean-Paul Chanteguet. On ne peut garantir un droit d’accès à l’énergie qu’en luttant contre la précarité énergétique, comme le fait le texte.

M. le président François Brottes. Le vote de l’amendement appellerait une série de dispositions normatives que ses auteurs ont sûrement anticipées.

La Commission rejette l’amendement CS646.

Elle en vient à l’amendement CS1443 de Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Les plus démunis doivent bénéficier non seulement de l’accès à l’énergie mais de tous les moyens qui permettent de l’économiser. On évitera ainsi que certaines personnes ne soient logées dans des passoires énergétiques.

Mme la ministre. Avis favorable, d’autant que le déploiement des compteurs intelligents permet désormais une gestion active de la consommation.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS972 de M. Yves Daniel.

Mme la ministre. Avis favorable.

Mme la rapporteure. La précision est inutile, puisque le texte définit les objectifs de la politique énergétique nationale.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement C974 de M. Yves Daniel.

M. Christophe Bouillon. Dès lors que le projet de loi reconnaît l’énergie comme bien de première nécessité, il doit favoriser son accès à tous tant sur le territoire national qu’à l’étranger. La pauvreté énergétique étant un frein majeur au développement des pays les plus pauvres, nous proposons de faire de l’accès à l’énergie une priorité de notre politique d’aide au développement.

Mme la ministre. Sagesse.

Mme la rapporteure. L’amendement apporte une précision superfétatoire. L’article 4 et le rapport annexé de la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, dite loi Canfin, font de l’accès à l’énergie une priorité de notre aide au développement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1444 de M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Les consommateurs et les acteurs économiques sont responsables de leur consommation énergétique. Encore faut-il qu’on leur donne les moyens de la maîtriser, notamment par le biais d’internet et des nouveaux outils, comme les compteurs intelligents.

Mme la ministre. Sagesse. L’amendement me semble satisfait par les dispositions tendant à permettre une gestion active de la consommation d’énergie.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. L’amendement est satisfait par les alinéas 10 et 13.

L’amendement CS1444 est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CS2190 de la rapporteure et les amendements identiques CS196 de Mme Sophie Rohfritsch et CS590 de M. Stéphane Travert.

Mme la rapporteure. L’amendement CS2190, qui tend à substituer le mot « électricité » au mot « énergie », est de précision.

Mme Sophie Rohfritsch. Le texte souffre sur ce point, non d’un manque de précision, mais d’un véritable flou : il est presque exclusivement orienté vers l’électricité, ce que l’amendement CS196 propose de corriger.

M. Stéphane Travert. Pour éviter d’opposer les énergies les unes aux autres ou d’exclure certains modes de production d’énergie, l’amendement CS590 propose d’ajouter, après le mot « électricité », les mots « , de gaz et de chaleur ».

Mme la ministre. Avis favorable à l’amendement CS1290. Dès lors qu’il s’agit de corriger une erreur matérielle, les procès d’intention ne sont pas de mise. Avis défavorable aux amendements CS196 et CS590.

M. Bertrand Pancher. S’agit-il vraiment de corriger une erreur matérielle ? Le texte, ciblé sur l’électricité, parle fort peu du gaz ou d’autres formes de production énergétique.

M. Charles de Courson. L’amendement de la rapporteure, auquel nous sommes favorables, n’est pas de précision. L’objectif premier du texte était d’abaisser à 50 % la part de l’électricité d’origine nucléaire et d’augmenter la part du renouvelable, autrement dit de diversifier de manière équilibrée les sources de production d’électricité. Il s’agissait d’un texte « tout électrique », qui ignorait en grande partie le gaz et le pétrole.

M. le président François Brottes. Mme la ministre a plaidé l’erreur. Évitons les faux débats.

M. Charles de Courson. L’amendement est non de la ministre mais de la rapporteure. Et celle-ci a raison de dire qu’il faut mener une politique globale des énergies. Mais il s’agit là d’une modification réelle.

Mme la ministre. Relisez le titre du projet de loi : vous constaterez que celui-ci porte sur la transition énergétique, non sur la transition électrique. Quant au pétrole, il est au cœur du texte, qui vise à remplacer les énergies fossiles par les énergies renouvelables ou les économies d’énergie, afin de diminuer la facture énergétique.

La Commission adopte l’amendement CS2190.

En conséquence, les amendements CS196 et CS590 sont sans objet.

La Commission en vient à l’amendement CS916 de Mme Béatrice Santais.

Mme Béatrice Santais. L’amendement vise à inscrire dans le texte de loi les énergies renouvelables produisant de la chaleur.

Mme la ministre. Avis défavorable. L’amendement est satisfait par l’amendement CS2190, que nous venons d’adopter.

Mme la rapporteure. Même position.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS926 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Pour revenir un instant sur les amendements précédents, je rappelle qu’aucun chapitre du projet de loi ne traite des hydrocarbures ni des énergies fossiles. Les énergies vertes et électriques ne remplacent pas le pétrole, mais le nucléaire. Autant dire que la substitution du mot « énergie » à celui d’« électricité » ne relève pas d’une simple précision.

L’amendement CS926 vise à remettre la compétitivité des entreprises au cœur du texte, pour donner à celui-ci une dimension tant écologique qu’économique.

Mme la ministre. Avis défavorable. L’amendement est satisfait, puisque le mot compétitivité figure à l’article 1er.

Mme la rapporteure. Même position.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient aux amendements identiques CS89 de M. Martial Saddier et CS212 de M. Charles de Courson.

M. Martial Saddier. L’amendement CS89 est défendu.

M. Charles de Courson. Nous avons eu un long débat sur la compétitivité. Je retire l’amendement CS212.

L’amendement CS212 est retiré.

Mme la ministre. L’amendement CS89 est satisfait.

Mme la rapporteure. Même position.

M. Martial Saddier. Je retire l’amendement CS89.

L’amendement CS89 est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS1163 de M. Jean-Yves Le Déaut.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cet amendement vise à modifier la rédaction de l’alinéa 12 de l’article 1er, afin de préciser que l’État doit veiller à « promouvoir un contexte réglementaire favorable à l’innovation, notamment dans les petites et moyennes entreprises et dans les petites et moyennes industries ; ».

Mme la ministre. Cet amendement sera satisfait, car nous intégrerons la prise en compte des PME dans le volet consacré à l’innovation et à la recherche.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1252 de M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2014, l’Assemblée nationale a inséré une disposition créant une contribution climat-énergie. Le carbone fait partie de l’assiette de la fiscalité sur les énergies fossiles, et le prix de la tonne de carbone a été fixé à 7 euros pour cette année, à 14 euros pour l’année prochaine et à 22 euros en 2016. La commission présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard sur les priorités stratégiques d’investissement dans le cadre d’un emprunt national, et le rapport remis par M. Jean Pisani-Ferry, intitulé Quelle France dans dix ans ?, ont proposé que le prix de la tonne de carbone atteigne 100 euros en 2030, afin d’atteindre l’objectif de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre (GES). Nous souhaitons que l’alinéa 12 prévoie que l’État veille à « procéder à l’augmentation progressive de la contribution climat énergie, qui, dans la perspective d’une division par quatre des gaz à effet de serre, doit atteindre en 2030 la valeur de 100 euros la tonne de CO2 ; ».

Mme la ministre. Je comprends la préoccupation sous-tendue par cet amendement, mais le prix de la tonne de carbone résulte du mix et du pilotage énergétiques ; afficher brutalement une hausse de l’énergie enverrait un signal malheureux aux consommateurs en situation de précarité, qui subissent déjà des augmentations de leur facture énergétique.

Mme la rapporteure. Ce sera aux budgets carbones et à la stratégie bas carbone de définir la trajectoire à suivre pour réduire les émissions de GES. La stratégie bas carbone pourra inciter à moduler la contribution climat énergie. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.

M. Bertrand Pancher. MM. Jean-Paul Chanteguet et Arnaud Leroy ouvrent un beau débat en déposant cet amendement : les signaux relatifs au prix du carbone manquent actuellement de clarté et de prévisibilité, comme l’atteste l’instabilité des prix constatée ces dernières années. Les certificats d’économies d’énergie illustrent également les difficultés présentes en ne constituant pas une quelconque valeur pour les entreprises. En outre, nous ne devons pas faire abstraction du débat européen sur le coût des quotas de CO2.

Madame la ministre, on ne peut pas se contenter de brandir l’argument de la dureté de la situation pour occulter cette question. Si nos compatriotes ne changent pas leur mode de consommation, les choses ne s’amélioreront jamais. La réorientation de la fiscalité se révèle stratégique : on ne fera pas de politique de l’environnement sans créer de contraintes et en se contentant d’invoquer une prise de conscience de la part de chacun.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je pourrais déposer un autre amendement indiquant la nécessité de l’évolution du prix de la tonne de carbone dans le temps pour permettre un changement de comportement des consommateurs et des entreprises, mais ne précisant pas le niveau de ce prix en 2030.

Mme la ministre. Nous devons inciter les consommateurs et les opérateurs à changer de comportement pour que le prix évolue. Si nous décidions, au contraire, de matraquer les gens et les entreprises en annonçant aujourd’hui une hausse de la tonne de carbone jusqu’à 100 euros en 2030, nous ferions naître un sentiment anxiogène. Les élus des collectivités territoriales sont engagés dans la transition énergétique et modifient leur comportement, y compris dans leur gestion des fonds publics. Le crédit d’impôt incitera nos concitoyens à faire évoluer leur conduite, et la gestion du prix et des coûts des énergies renouvelables pousseront les entreprises à investir dans la transition énergétique. Il s’agit d’un choix démocratique et de responsabilité des acteurs économiques et des citoyens, afin que les gens aient la possibilité et donc la liberté de modifier leur comportement au moment où nous enverrons un signal sur le prix. Le matraquage par les prix et l’écologie punitive rendront difficile l’évolution des comportements que nous souhaitons. La question du prix du carbone en 2030 se posera, bien entendu, mais ce sont le mix et le pilotage énergétiques – dans lesquels le Parlement aura un rôle très important à jouer – qui permettront de fixer le prix adapté aux comportements les plus vertueux.

M. Éric Alauzet. On peut comprendre les réserves et les appréhensions de l’opinion publique à de telles annonces, mais le prix constitue le seul levier efficace pour assurer la transition écologique ; bien entendu, dans un monde parfait où l’argent serait abondant, on pourrait fonder cette politique sur les seules aides, mais ce choix n’est pas soutenable pour les finances publiques : il convient donc de créer des systèmes de bonus- malus.

La société a besoin de stabilité et de signaux clairs. La contribution climat-énergie a été lancée pour trois ans, mais quel message adressons-nous pour la suite ? La proposition de M. Jean-Paul Chanteguet de ne pas afficher un prix pour 2030 doit permettre de lever les réticences tout en conservant l’annonce d’une direction pour les moyen et long termes. Nous devons avoir ce courage-là.

Mme la ministre. L’annonce d’une augmentation de 100 euros du prix de la tonne de carbone induira chez les Français la perception d’une hausse de 100 euros de leur facture. Il y a lieu d’expertiser cet amendement avant la séance publique, afin de pouvoir répondre à votre préoccupation, M. Chanteguet.

M. Julien Aubert. Il s’agit d’un vrai débat, et le groupe UMP soutient l’adoption de cet amendement. En Allemagne, le développement du charbon résulte du dysfonctionnement du marché du carbone. Madame la ministre, la fermeture des centrales nucléaires enverra également un signal sur le prix de l’électricité. Nous sommes d’accord sur les objectifs, et vous avez sans doute raison sur le calendrier, mais ce qui vaut pour le fossile vaut aussi pour l’électrique. Donnons-nous un horizon plus long pour la hausse du prix de la tonne de carbone, mais n’abandonnons pas le symbole politique et remettons d’aplomb le marché carbone en tapant du poing sur la table.

Mme Cécile Duflot. Le secrétaire général de l’ONU et les présidents français et péruvien ont consacré un important développement à la taxation carbone dans leur déclaration hier à New York. Plus personne ne considère qu’une lutte efficace contre le dérèglement climatique puisse faire l’impasse sur un système donnant à la tonne de carbone un prix bien plus élevé qu’il n’est aujourd’hui. Des grandes entreprises, regroupées dans une coalition dirigée par le président directeur-général de Statoil, acceptent cette idée de la contribution carbone, et les États-Unis sont prêts à s’engager dans cette démarche. Nous ne pouvons pas ne pas nous insérer dans cette dynamique mondiale sur la taxation du prix du carbone.

La France souhaitant se montrer exemplaire avant le sommet sur le climat qu’elle organisera l’année prochaine, nous devons emprunter ce chemin menant à la sortie de la civilisation du carbone. Pour ce faire, nous devons élaborer des objectifs ambitieux en matière de taxation du carbone, ce qui nous permettra de travailler efficacement avec les autres pays.

M. Bertrand Pancher. La nécessité de fixer un niveau élevé au prix du carbone ne suscite aucune controverse chez les chercheurs et les experts. Si nous éludons cette exigence, nous ne réussirons pas à changer notre modèle énergétique. Il faut laisser au consommateur la possibilité de s’adapter, dites-vous, mais la vitesse du changement climatique pourrait ne pas le permettre. Nous devrions donc insérer cet objectif de prix du carbone dans le projet de loi – s’il n’y en avait qu’un à retenir, ce serait sans doute celui-ci.

M. Christophe Bouillon. Chacun s’accorde sur le constat et sur l’objectif louable, mais la rédaction de cet amendement n’est pas satisfaisante. Il serait utile de le retravailler d’ici à la séance publique, afin de fixer en toute connaissance de cause un prix au carbone qui soit adapté au signal que nous souhaitons envoyer.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je ne suis pas opposé à une modification de la rédaction de l’amendement, mais je maintiens celui-ci, car il faut adresser un signal fort. Il sera toujours possible de le réécrire dans le cadre de l’article 88 du règlement de l’Assemblée nationale ou en séance. Je tiens enfin à rappeler que c’est notre majorité qui a mis en place la contribution climat-énergie.

M. Éric Alauzet. La politique d’aide en matière de déchets – prévention, réutilisation, tri, déchetteries – permet péniblement de diminuer la quantité de déchets de 2 à 4 % ; la redevance incitative, quant à elle, a induit une baisse de 30 % en un an. Les aides consomment de l’argent public et s’avèrent peu efficaces, alors que la facturation au prix possède un effet puissant.

M. Martial Saddier. Nous sommes un certain nombre de députés à nous être battus pour que les textes adoptés par les commissions soient ceux discutés en séance publique. Servons-nous de ce renforcement des pouvoirs du Parlement, maintenant entré dans les faits, pour adopter cet amendement, quitte à ce que le Gouvernement propose un nouvel amendement en séance publique. Je rejoins mes collègues sur la nécessité d’envoyer un signal dès maintenant sur le prix du carbone et d’adopter cet amendement.

Mme la ministre. Je propose un sous-amendement qui consisterait à laisser la partie « procéder à l’augmentation progressive de la contribution climat énergie dans la perspective d’une division par quatre des gaz à effet de serre » et à supprimer la partie indiquant que cette contribution « doit atteindre en 2030 la valeur de 100 euros la tonne de CO2 ; ». Nous conduirons une expertise technique d’ici à la séance publique.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je soutiens l’adoption du sous-amendement présenté par Mme la ministre.

La Commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement sous-amendé.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1884 de Mme Anne-Yvonne Le Dain, CS2175 de la rapporteure, CS1445 de M. Denis Baupin, CS650 de M. Yves Daniel et CS2176 de la rapporteure.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. L’alinéa 13 de l’article 1er dispose que l’État veille à « assurer l’information de tous de manière transparente, notamment en matière de coûts et de prix de l’énergie ainsi que leur contenu carbone (…) ». Mon amendement vise à préciser que cette action touche autant le consommable – ce que paient les consommateurs, qu’ils soient des particuliers ou des entreprises – que les investissements initiaux. Il est important d’insérer la consommation en tant qu’acte dans l’article 1er du projet de loi.

M. le président François Brottes. Les amendements CS2175 et CS2176 de Mme la rapporteure sont rédactionnels.

M. Denis Baupin. La transparence de l’information s’avère importante, car plus les consommateurs connaîtront véritablement les prix et les coûts et plus ils effectueront leurs choix dans le sens de l’intérêt général. Ainsi, en ne parlant que du coût, du prix et du contenu carbone, on néglige les impacts sanitaires, sociaux et environnementaux des énergies – pollution de l’air ou risques industriels notamment.

M. Philippe Plisson. L’amendement CS650 est défendu.

Mme la ministre. Les amendements CS1884, CS1445 et CS650 sont satisfaits, car le texte prévoit déjà le droit à l’information de tous. Il n’est pas souhaitable d’alourdir la loi, et l’énumération pourrait conduire à des oublis alors que la formule du droit à l’information couvre tous les aspects directs et indirects de l’énergie.

J’émets, en revanche, un avis favorable à l’adoption des amendements CS2175 et CS2176 de Mme la rapporteure, le premier ayant justement pour objet la transparence et l’information de tous.

Mme la rapporteure. Avis défavorable à l’adoption de l’amendement CS1445, ne serait-ce qu’en raison de sa mauvaise rédaction. Mon avis est le même pour les amendements CS1884 et CS650, déjà satisfaits.

M. Denis Baupin. Je retire mon amendement.

M. Philippe Plisson. L’amendement CS650 est retiré.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je retire également mon amendement.

Les amendements CS1884, CS1445 et CS650 sont retirés.

La Commission adopte les amendements CS2175 et CS2176.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Réunion du mercredi 24 septembre 2014 à 9 h 30

Présents. - M. Damien Abad, Mme Sylviane Alaux, M. Julien Aubert, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. Jean-Luc Bleunven, M. Christophe Borgel, M. Christophe Bouillon, M. François Brottes, Mme Sabine Buis, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean-Michel Clément, M. Jean-Jacques Cottel, M. Charles de Courson, Mme Françoise Dubois, Mme Cécile Duflot, M. Daniel Fasquelle, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Joël Giraud, M. Jean-Jacques Guillet, M. Michel Heinrich, M. Antoine Herth, M. Patrick Hetzel, M. Jacques Krabal, Mme Bernadette Laclais, M. Jean Launay, M. Jean-Luc Laurent, M. Alain Leboeuf, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Serge Letchimy, Mme Frédérique Massat, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Franck Reynier, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Stéphane Travert, Mme Clotilde Valter

Excusés. – M. Patrice Carvalho, M. André Chassaigne, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Patrice Martin-Lalande, M. Lionel Tardy, M. Jean-Paul Tuaiva

Assistaient également à la réunion. - M. Éric Alauzet, M. Yves Daniel, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Marie-Hélène Fabre, Mme Chantal Guittet, M. Michel Lesage, M. Gilles Savary