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Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 18 octobre 2016

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 3

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Communication, ouverte à la presse, de Mmes Édith Gueugneau, Véronique Massonneau et Monique Orphé, sur leur déplacement en Côte d’Ivoire en septembre 2016

– Présentation par la présidente Catherine Coutelle du rapport d’information sur « L’aide publique au développement : une opportunité pour les femmes », suite au colloque organisé par la Délégation le 5 juillet 2016

La séance est ouverte à 16 heures 35.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes entend tout d’abord la communication, ouverte à la presse, de Mmes Édith Gueugneau, Véronique Massonneau et Monique Orphé, sur leur déplacement en Côte d’Ivoire en septembre 2016.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mes chères collègues, nous allons d’abord écouter le compte rendu d’un voyage d’étude réalisé par trois collègues en Côte d’Ivoire, du 4 au 8 septembre 2016, avec l’association CARE, sur le thème de l’autonomisation des femmes. Ensuite, je présenterai le rapport d’information sur « L’aide publique au développement : une opportunité pour les femmes », comportant les actes du colloque organisé par la Délégation le 5 juillet 2016.

Mme Monique Orphé. Merci, madame la présidente, de nous permettre de faire le bilan de ce voyage d’étude organisé par l’ONG Care, qui s’est déroulé du 4 au 8 septembre sur le thème « combattre les inégalités : le chemin des femmes ivoiriennes vers l’autonomisation ». Nous étions sept parlementaires à faire ce voyage, dont mes collègues Édith Gueugneau et Véronique Massonneau. Ce voyage avait pour but de sensibiliser les responsables politiques aux défis auxquels doivent faire face les pays en voie de développement, notamment la Côte d’Ivoire, et surtout de proposer des solutions. Je peux vous assurer qu’à la fin de ce voyage, nous étions plus que convaincus de la nécessité d’agir et de soutenir les actions mises en place.

La Côte d’Ivoire est un pays dynamique économiquement, avec un taux de croissance de 8,5%… Malgré ce dynamisme économique, les conditions de vie y restent très précaires. La situation s’est même dégradée puisque la Côte d’Ivoire a régressé d’un point dans le classement de l’indice de développement humain (IDH) pour l’année 2015, passant de la 171ème à la 172ème place mondiale sur 188 pays. Le taux de pauvreté est de 46,3 %, ce qui le place en 37ème position sur 54 pays d’Afrique. S’agissant des écarts entre les femmes et les hommes, le pays est également très mal placé, puisqu’il occupe le 151ème rang mondial.

Les taux de mortalité infantile et maternelle sont élevés. En 2013, on comptait 720 décès maternels pour 100 000 naissances, soit 16 décès de femmes par jour suite à des complications liées à leur accouchement, et 43 % des naissances n’ont pas eu lieu dans un établissement de santé. En outre, 41 % des femmes ne sont pas assistées de personnel médical. C’est dire tous les défis que doit relever ce pays, notamment en matière d’égalité et, au-delà, pour réduire la pauvreté.

Tous les indicateurs montrent que le pays a beaucoup à faire en matière de développement humain. Nous savons aussi que lorsqu’un pays est peu développé, ce sont les femmes et les enfants qui en sont les premières victimes. C’est pourquoi nous jugeons pertinent que les ONG se placent du point de vue de l’autonomisation des femmes dans la lutte contre la pauvreté dans le pays, comme le fait CARE, que je remercie d’avoir réuni les conditions nous permettant d’observer les différentes initiatives prises sur le terrain.

Plusieurs questions ont été évoquées au cours de ce voyage : l’accès des femmes à la santé et au planning familial, l’éducation, l’accès à la propriété foncière et au travail formel, les violences conjugales, l’autonomisation économique des femmes et l’affirmation de leurs droits.

Nous allons revenir sur chacune de ces questions au travers de nos différentes expériences. Véronique Massonneau va évoquer la santé maternelle et infantile et l’éducation des jeunes femmes. Édith Gueugneau abordera des questions concernant l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que les problématiques économiques – agriculture, épargne, crédit. Pour ma part, j’évoquerai la question des femmes en politique en Côte d’Ivoire, et les questions de santé et d’accès aux soins.

Mme Véronique Massonneau. L’association CARE travaille en lien avec les ONG et associations locales de Côte d’Ivoire, ce qui lui permet d’entrer plus facilement dans les villages où la hiérarchie traditionnelle, avec les chefs de village, est encore très forte.

Nous avons eu la chance de rencontrer un groupe de parole, la « classe des mamans », animé par une sage-femme dans un quartier très défavorisé d’Abidjan. Ce groupe de parole permet aux femmes de se réunir toutes les semaines pour parler de santé infantile, de santé maternelle, de la contraception, des relations dans le couple – comment convaincre le mari d’accepter de ne pas faire un enfant tous les ans. Vous le savez, en Afrique, plus vous avez d’enfants, plus votre famille est « riche ». Cette sage-femme étant très dynamique, elle arrive à réunir une centaine de femmes avec leurs enfants, mais aussi des jeunes femmes de quinze ou seize ans enceintes, qui peuvent poser des questions – comme dans un planning familial – sur leur grossesse, la difficulté de passer des examens tout au long de leur grossesse, certains examens étant gratuits, d’autres payants. Nous avons pu parler à une jeune femme enceinte qui était très inquiète de ne pas pouvoir accéder au service de santé prénatale.

Au-delà de l’éducation à la santé, l’éducation tout court est très compliquée pour les filles en Côte d’Ivoire. Le taux de fréquentation des écoles primaires et secondaires a un peu augmenté, mais un enfant sur deux d’une classe d’âge n’achève pas le cycle de l’enseignement primaire. Le taux d’alphabétisation des femmes adultes et la durée moyenne de scolarisation des jeunes filles sont très inférieurs à ceux d’autres pays dont la croissance économique est moins importante. Il y a donc en Côte d’Ivoire une décorrélation entre croissance économique et efforts pour l’éducation, notamment des filles. En outre, 36% des Ivoiriennes ont un niveau primaire et lorsque les filles peuvent accéder aux études secondaires, les parents décident souvent de les retirer de l’école, surtout en milieu rural, soit parce qu’elles doivent se consacrer aux tâches ménagères, soit parce qu’il existe un risque d’insécurité sur le chemin de l’école. Ainsi, en zone rurale, seules 7,1 % des filles atteignent le niveau secondaire.

Si l’éducation est compliquée pour les jeunes femmes ivoiriennes, se prendre en charge, s’autonomiser, prendre des décisions sans la permission de leur conjoint l’est tout autant. En effet, elles n’osent souvent pas prendre de décisions seules, c’est-à-dire sans l’autorisation de leur mari.

Après Abidjan, nous nous sommes rendues dans une zone très rurale, près de San Pedro, où Médecins du Monde a mis en place un centre de soins, qui peut accueillir de futures mamans. Nous y avons pu discuter des difficultés rencontrées par les femmes en termes de santé maternelle et infantile. Il n’y a pas de centres de santé partout en Côte d’Ivoire : si le centre est situé à cinquante kilomètres du village, les femmes n’y vont pas, faute de moyen de transport ; s’il est moins éloigné, elles s’y rendent en mobylette, ce qui n’est pas évident vu l’état des routes… En plus de traiter les maladies – notamment le sida, très développé dans ce pays, le paludisme, etc. –, ces centres de soins proposent une éducation aux moyens de contraception de manière très pratique : des panneaux montrent toutes les méthodes contraceptives mises à disposition et leur mode d’utilisation.

Nous avons aussi rencontré une association de femmes qui tente de restaurer un lien de confiance entre la communauté et le centre de santé dans le but d’augmenter la fréquentation de ce dernier. En effet, même si un centre de santé est situé tout près d’un village, beaucoup de femmes n’y vont pas, pour plusieurs raisons. Le mari ne veut pas – on doit accoucher chez soi – ; il y a un manque de confiance dans ces centres de santé, alors que tout y est fait pour préserver la santé maternelle et celle de l’enfant ; et certains maris sont réticents à l’idée d’utiliser la contraception, parce que pour eux l’enfant est un don. Donc, on essaie de dire très simplement aux femmes : « vous avez eu un enfant, vous dites à votre mari d’attendre trois ans pour en faire un autre » – proposition très pragmatique et qui a rencontré un certain écho : ainsi, à chaque fois que nous avons rencontré des femmes, nous nous sommes rendu compte qu’elles avaient bien retenu ce message.

Enfin, dans un quartier extrêmement pauvre, où tout le monde a été réuni par l’association – pères, chefs de quartier, femmes, jeunes mamans, bébés – pour discuter de l’espacement des naissances, de l’accès à des centres de santé, de l’information sur les soins des bébés, des mamans, des vaccinations, de la contraception, nous avons pu voir comment les choses se passaient entre une personne de l’association locale et une jeune maman de quinze ans qui venait d’avoir un enfant. Le matériel utilisé est extrêmement simple : il s’agit de pictogrammes et de dessins très réalistes expliquant les soins de l’enfant, la contraception, les vaccinations, la consigne formelle de ne pas utiliser l’eau du village pour le lait en poudre jusqu’aux six mois de l’enfant – car cette eau est insalubre, elle coule au milieu de la rue. Nous nous sommes rendu compte que l’association mène un travail de fond : la jeune maman a très bien compris l’importance de respecter les consignes et de retenir les gestes qui sauvent pour elle-même et son bébé.

En conclusion, je dirai qu’il y a encore beaucoup à faire : même si l’éducation est prévue jusqu’à seize ans en Côte d’Ivoire, dans la réalité, les choses sont bien différentes.

Mme Édith Gueugneau. Je remercie CARE France de nous avoir conviées à cette visite d’étude de quatre jours qui nous a permis d’appréhender toutes les problématiques en Côte d’Ivoire. Je vais vous parler de l’égalité entre les femmes et les hommes et du développement économique.

Nous avons découvert « l’école des maris », où les hommes s’impliquent dans l’amélioration de la santé des femmes en ayant un rôle majeur puisqu’ils vont porter la bonne parole et sensibiliser la communauté à la santé maternelle. Ainsi, lorsqu’une femme attend un enfant, ces hommes vont parler aux maris pour leur expliquer qu’elle doit arrêter les travaux dans les champs à sept mois de grossesse, par exemple.

À ce jour, les femmes sont particulièrement vulnérables : le rôle des hommes est aussi d’expliquer que la violence et les discriminations doivent être proscrites et que, lorsque des femmes veulent travailler, il faut leur laisser la possibilité d’avoir une activité.

Ce sont des objectifs ambitieux : si l’égalité entre les hommes et les femmes est un droit fondamental, le chemin sera très long, et ce changement passera impérativement par les hommes.

Le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) soutient ce projet. C’est pour moi la clé pour plus de justice, plus d’égalité ; impliquer les hommes dans la promotion de la santé, c’est aussi favoriser le changement qui est d’autant plus nécessaire que de nombreuses jeunes filles n’ont pas le droit d’aller à l’école car elles n’ont pas été déclarées à la naissance, d’où l’importance de l’information.

Nous avons eu des témoignages de femmes et de maris qui apprécient ce changement. Parmi les messages très forts sur la santé maternelle, il y a la régulation des naissances – très importante pour la famille et l’avenir des enfants car beaucoup de mères meurent en couche.

Dans un village, nous avons fait une belle rencontre d’agricultrices réunies en coopératives. Ces femmes se prennent en main en faisant face à de nombreuses difficultés : l’accès à la terre n’est pas évident, elles ont peu accès à la formation et aux matériaux agricoles pour subvenir aux besoins de leur famille – elles utilisent toujours la faux et la binette –, elles travaillent très dur et souvent avec un enfant sur le dos ou en étant enceinte. Je trouve ces femmes extraordinaires : elles cultivent, elles vendent et peuvent ainsi mettre un peu d’argent de côté, elles se soutiennent et augmentent leur productivité, et ce dans un but ultime qui est la scolarité de leurs enfants.

Nous avons également rencontré une association villageoise d’épargne et de crédit, dans la périphérie d’Abidjan, qui permet de financer les activités génératrices de revenus – un peu comme l’économie sociale et solidaire chez nous. L’argent épargné permet aux femmes d’investir dans des matériaux et d’acheter des semences. Le fait de mener leur projet permet aux femmes d’avoir une meilleure estime d’elles-mêmes, de mieux comprendre leurs droits, ce qui contribue à leur émancipation et à leur participation aux espaces de décision.

L’« homme champion » dans le village, membre de la « commission genre », exerce un rôle de médiateur au sein de la communauté. Les femmes participent ainsi aux « causeries » grâce auxquelles elles peuvent s’exprimer, parler de leurs difficultés. Ces hommes champions interviennent lorsqu’un mari interdit à sa femme de participer à une activité.

Nous avons également rencontré Leadinvest, un groupe de femmes soutenu par l’ONG locale LeadAfricaines qui est avant tout un observatoire des inégalités de genre dont la mission est d’apporter aux femmes et aux filles les plus défavorisées les ressources nécessaires pour devenir autonomes et acquérir les savoirs, sous l’angle de plusieurs thématiques : accompagnement, autonomisation, formation, capitalisation des bonnes pratiques, information, orientation, réseautage pour l’intégration du genre, plaidoyer, sensibilisation… L’autonomisation est un levier extraordinaire pour renforcer les droits des femmes et constitue la clé du développement.

LeadInvest est donc un groupe de femmes qui investissent en bourse afin de financer leur activité professionnelle sans devoir passer par un prêt de la banque, souvent difficile à contracter. Ces femmes, leaders en quelque sorte, contribuent à l’émergence de modèles ou de références, et elles communiquent auprès des jeunes générations pour soutenir l’idée que les femmes sont actrices de leur vie.

En conclusion, je dirai que les barrières culturelles sont très fortes : ces femmes n’ont pas le droit de choisir leur propre vie. Une forte mobilisation des ONG est donc indispensable, tout comme l’aide publique au développement, qui doit servir cette ambition de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes. Le travail en faveur du changement se fera avec l’accord des hommes. Les gouvernements ont donc un rôle à jouer. La France a salué l’adoption de l’agenda 2030 qui fixe les objectifs de développement durable (ODD) pour la planète. Il faut donc lutter contre la pauvreté – l’objectif d’éradiquer la pauvreté est-il atteignable ? –, et notre expérience en Côte d’ivoire nous a montré que le chemin pour y parvenir sera très long. La France doit apporter tout son soutien à la poursuite de toutes ces expériences réalisées en Côte d’Ivoire et plus généralement en Afrique. C’est pourquoi nous faisons partie des députés qui soutiennent fortement l’enjeu de l’aide au développement.

Mme Monique Orphé. Ces femmes mènent un combat très difficile dans un contexte particulier. Pendant ces quatre jours, nous avons senti le poids des traditions. L’excision est interdite, mais pratiquée par 85% des familles. Des élus, que j’ai interrogés, ont minimisé ce problème et surtout se sentent impuissants car les gens vont dans le pays d’à côté qui autorise l’excision.

Cela étant dit, nous avons vu des initiatives très innovantes. Je pense à un petit film choc visant à sensibiliser les femmes, où l’on voit une femme décéder après un accouchement. On reste sans voix face à tels drames humains.

Malgré cela, les femmes qui mènent toutes ces actions sur le plan économique – ce sont elles parfois qui apportent la nourriture à la maison –, le font avec peu de moyens mais beaucoup de conviction. Or 60 % des femmes sont illettrées, ce qui pose aussi le problème de l’engagement des femmes en politique. Nous avons rencontré la ministre de la promotion de la femme, de la famille et de la protection de l’enfant, Mme Euphrasie Kouassi Yao, femme dynamique, convaincue et qui a un certain pouvoir sur les autres ministères. Le problème est qu’elle a des idées, mais pas d’argent : son budget n’est pas prioritaire. C’est donc une politique de petits pas mais qui pourra porter ses fruits demain à la faveur d’une prise de conscience. Elle essaie de mener des actions tant bien que mal : politique transversale en lien avec les autres ministères, lobbying pour sensibiliser sur l’éducation, sur la santé, etc.

Nous avons également eu des échanges avec des parlementaires qui travaillent sur le genre et siègent à la délégation des droits des femmes. Seules 9 % de femmes siègent à l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire : d’origines diverses, elles sont souvent cheffes d’entreprise.

Les femmes élues disent que les femmes ne veulent pas trop s’engager, alors que les femmes non élues déclarent vouloir le faire. Mais, comme en France, il est très compliqué de s’engager si l’on n’est pas soutenu par un parti politique ; la sélection par l’argent est donc un frein à l’engagement des femmes. Un autre frein puissant est l’éducation : beaucoup de femmes sont illettrées et ne peuvent donc pas prétendre à ces hautes fonctions électives. Nous avons rencontré dans un quartier une femme cheffe d’entreprise, très dynamique, qui avait envie de s’engager, mais qui rencontrait des difficultés car elle est analphabète.

Ainsi, l’aide publique au développement (APD) doit mettre l’accent sur l’éducation et l’égalité entre les femmes et les hommes. Or, alors que l’objectif est de 0,7 % du revenu national brut, l’APD est à 0,3 % et diminue de 170 millions.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Non, elle va augmenter.

Mme Monique Orphé. Nous proposerons donc par nos amendements un fléchage des aides vers l’égalité hommes-femmes.

*

Puis, la Délégation examine le rapport d’information sur « L’aide publique au développement : une opportunité pour les femmes », présenté par la présidente Catherine Coutelle, suite au colloque organisé par la Délégation le 5 juillet 2016,

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mes chères collègues, merci pour cette présentation qui illustre parfaitement des thématiques évoquées dans ce rapport d’information sur « L’aide publique au développement : une opportunité pour les femmes », qui comporte les actes du colloque organisé par la Délégation aux droits des femmes le 5 juillet 2016.

Ce rapport souligne que la pauvreté est fondamentalement sexiste, que 70 % des personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour sont des femmes, que les deux tiers des adultes analphabètes sont des femmes. Il évoque également les problématiques de la scolarisation, de la contraception, des droits sexuels, de l’absence de structures d’accueil et les écarts salariaux. Ces inégalités ont un coût économique important pour les pays. C’est dire si l’autonomisation des femmes est une condition du développement.

Au cours de la précédente législature, Mme Danielle Bousquet avait organisé un colloque à l’Assemblée nationale sur le thème « Filles et développement », qui a montré que deux à trois ans d’alphabétisation supplémentaires des filles représentaient plusieurs points de produit intérieur brut (PIB) pour les pays. Autrement dit, si les filles allaient plus longtemps à l’école, cela permettrait d’augmenter les capacités des pays ne serait-ce qu’en termes de développement.

L’aide publique au développement représente 0,37 % du revenu national brut, soit 8,3 milliards d’euros, alors qu’elle devrait atteindre, c’est ce que nous souhaitons, 0,7 %. Mais elle va augmenter cette année.

L’efficacité de notre aide au développement est un enjeu majeur. Je compte sur vous pour faire aboutir nos demandes. Je vais demander à M. Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères et du Développement international de mettre sur pied la nouvelle stratégie « Genre et développement » pour 2017-2020 – stratégie qui est normalement fléchée « femmes ». Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) est chargé d’évaluer la stratégie « Genre et développement », et nous analysons le budget de l’APD sous cet angle avec un fléchage des aides vers les filles.

L’ensemble des projets doivent être examinés sous le prisme du genre, et il a été fixé l’objectif de 50 % de projets marqués genre d’ici 2017, c’est-à-dire soit du chiffre 1, soit du chiffre 2. Le chiffre 1 concerne les projets intégrant l’égalité des sexes comme un objectif significatif. À titre d’exemple, on peut financer un transport collectif pour une route qui mène à une école de filles : on aura atteint l’objectif si les filles peuvent monter dans le bus et continuer à aller à l’école en toute sécurité. Le marquage 2 concerne les projets ayant l’égalité pour objectif principal. Ce peut être un dispensaire, un centre de planification, l’accueil de la petite enfance, l’aide aux femmes entrepreneures, etc.

Or, d’après le dernier rapport du HCEfh, la part d’aide bilatérale marquée genre n’est que de 17 % en 2015 (marqués 1 ou 2), et seulement 0,16 % d’engagements, représentant 9 millions d’euros, ont été marqués 2. C’est dire si des progrès restent à accomplir. Le rôle des parlementaires, en lien avec les ONG, est de demander continuellement la façon dont est réparti le budget de l’APD.

D’après ce que j’ai compris, la demande d’augmentation du budget de l’APD serait acceptée. En plus des vôtres, je déposerai deux amendements : un amendement global sur les politiques interministérielles, afin que les documents de politique transversale (DPT) annexés au projet de loi de finances soient réellement genrés – ces annexes doivent en effet permettre de voir quelles aides vont aux femmes et quelles aides aux hommes – ; un second amendement tendant à réaffirmer l’objectif de 50 % : les mesures doivent être détaillées dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale « Genre et développement ».

Il s’agit ainsi d’un sujet très important, et nous ne devons pas baisser la garde. Lors de la COP 21, nous avons souligné que la lutte contre le changement climatique passerait par les femmes. Ce sont elles qui font l’économie, ce sont elles qui vont aux champs, y compris lorsqu’elles sont enceintes. Il faut leur donner les moyens d’accéder à la terre – elles doivent donc être déclarées civilement –, d’obtenir l’accès à la succession – elles doivent donc pouvoir devenir propriétaire –, de disposer de semences durables, de vendre leurs produits, etc. L’aide au développement doit être ciblée, et il faut le souligner à nouveau : aucun budget n’est neutre, il est forcément genré.

Félicitations encore, mesdames, pour votre travail.

La Délégation adopte le rapport d’information.

La séance est levée à 17 heures 20.

——fpfp——

Membres présents

Présentes. – Mme Catherine Coutelle, Mme Édith Gueugneau, Mme Véronique Massonneau, Mme Monique Orphé.

Excusée. –  Mme Marianne Dubois.