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Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mercredi 26 octobre 2016

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 4

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Audition ouverte à la presse, de Mme Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, sur les crédits pour 2017 en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.

La séance est ouverte à 16 heures 35.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes auditionne Mme Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, sur les crédits pour 2017 en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Madame la présidente Catherine Coutelle. Nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui Mme Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, pour évoquer plus particulièrement les crédits pour 2017 en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Au nom de la Délégation, je vous remercie vivement d’avoir répondu favorablement à cette invitation, madame la ministre.

Comme chaque année depuis 2012, nous avons en effet souhaité faire le point sur la politique publique de l’égalité entre les femmes et les hommes, dont je rappelle qu’elle est par nature transversale et interministérielle, et sur les moyens qui lui sont alloués.

À cet égard, je ne peux que me féliciter de l’augmentation de près de 8 % des crédits du programme 137 relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes, par rapport à la loi de finances initiale pour 2016, pour atteindre environ 30 millions d’euros en 2017, soit un montant bien supérieur aux crédits prévus pour 2012, qui étaient de 20 millions d’euros, soit une augmentation de 50 %.

Outre les moyens prévus en matière de promotion des droits et de lutte contre les violences faites aux femmes, qui représentent une partie importante des crédits du programme, je note en particulier l’augmentation des crédits consacrés à la prévention et à la lutte contre la prostitution, qui permettront de financer le dispositif de sortie de la prostitution, suite à l’adoption de la loi du 13 avril 2016.

Vous pourrez nous présenter plus précisément la mise en œuvre de ce dispositif, et plus, largement vos priorités pour 2017.

L’égalité femmes-hommes est au cœur d’une politique intégrée portée par tous les ministères et dans toutes les politiques publiques, et plusieurs instruments ont été déployés en ce sens depuis 2012 – feuilles de route ministérielles pour l'égalité, comité interministériel aux droits des femmes, études d’impact, etc.

C’est pourquoi, au-delà du seul programme 137, il est essentiel de prendre en compte l’ensemble des actions et des moyens mis en œuvre par d’autres ministères qui concourent à l’égalité femmes-hommes, et donc d’analyser sous le prisme du genre d’autres programmes budgétaires. C’est précisément l'intérêt d’une annexe annuelle au PLF – le document de politique transversale (DPT) relatif à la politique interministérielle de l’égalité femmes-hommes –, même si, à l'évidence, des progrès restent à faire en matière de gender budgeting.

Enfin, au-delà des crédits relevant du budget de l’État, il faut ne pas oublier les moyens mis en œuvre dans le cadre de la protection sociale ainsi que par les collectivités territoriales, et qui contribuent également à faire progresser l’égalité réelle et les droits des femmes – je pense, par exemple, au développement de l’accueil des jeunes enfants, qui a représenté un effort financier conséquent.

Madame la ministre, avant de vous donner la parole, je tiens à vous redire notre satisfaction de voir votre budget augmenter pour 2017.

Mme Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes. Cette audition devant votre délégation est un moment particulier pour vous et moi car elle est probablement la dernière de cette législature. Mais nous pouvons être fiers du travail mené à la fois par la Délégation aux droits des femmes et le Gouvernement depuis 2012.

Madame la présidente, je sais que vous avez été particulièrement vigilante à ce que, cette année encore, les crédits accordés à la politique en faveur des droits des femmes soient préservés. C’était aussi mon ambition, qui a été largement satisfaite puisque le budget qui vous est présenté, pour ce nouveau projet de loi de finances, prévoit une hausse de 8 % du programme budgétaire 137 dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Cette nouvelle hausse s’inscrit dans la dynamique engagée il y a plus de quatre ans maintenant. Sur toute la durée du quinquennat, les crédits du programme 137 auront augmenté de 50 %. En 2012, la loi de finances initiale prévoyait 20 millions d'euros de crédits. En 2017, ce sont 30 millions d’euros qui sont désormais budgétés.

L’année dernière, déjà, de nouveaux crédits étaient venus abonder le programme 137. Ce n’était en aucun cas une opération cosmétique, comme certains l’ont prétendu. Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, le gouvernement avait fait le choix de redéployer des crédits provenant des ministères de la santé, de l'intérieur et de la justice vers le ministère des droits des femmes pour créer le fonds dédié à l’accompagnement des personnes prostituées.

In fine, la hausse continue du programme 137 est remarquable et traduit la détermination du Gouvernement à développer cette culture de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Cette ambition se traduit directement sur le terrain puisqu’une très large majorité des crédits du programme 137 bénéficie directement aux associations. Elles sont, comme vous le savez, les chevilles ouvrières de la politique en faveur des droits des femmes dans les territoires, qu’il s'agisse de l’accès au droit, de la lutte contre les violences, de l’égalité professionnelle ou encore de la lutte contre les stéréotypes. Depuis 2012, plus d’une dizaine de conventions pluriannuelles d’objectifs ont été signées entre l’État et de grandes associations, permettant ainsi de mieux sécuriser leur activité.

Mais le budget consacré aux droits des femmes ne se concentre pas sur le seul programme 137.

D’autres programmes budgétaires contribuent à l'égalité entre les femmes et les hommes et s’ajoutent ainsi à celui du programme 137. Ils sont recensés dans le document de politique transversale (DPT) qui affiche pour 2017 près de 310 millions d’euros au titre de cette politique transversale – ce document sera mis en ligne aujourd’hui ou demain. Ces crédits se répartissent autour de six axes : construire la culture de l’égalité des sexes dès le plus jeune âge ; agir contre la pauvreté et l’exclusion sociale ; réduire les inégalités entre les femmes et les hommes en matière de santé ; lever les obstacles à l’égalité professionnelle effective ; combattre les violences ; protéger les victimes et prévenir la récidive ; affirmer la diplomatie française en matière de droits des femmes.

À cela, nous pourrions ajouter d’autres crédits : du temps de personnel, par exemple, ou des dispositifs qui relèvent de mon propre portefeuille ministériel. Je tiens à souligner à quel point la politique familiale française est un puissant levier d'autonomisation des femmes. En développant et en diversifiant les modes d’accueil du jeune enfant, nous parvenons notamment à combiner un fort taux de natalité et un fort taux d'emploi des femmes.

Comme vous le voyez, pour répondre avec justesse et sincérité à la question « Où est l’argent pour les droits des femmes ?», il est nécessaire d’adopter cette approche globale et transversale.

Tous les ministères sont mobilisés et concourent à la politique en faveur des droits des femmes.

Nous avons développé toute une architecture institutionnelle, des instances interministérielles, pour que les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes irriguent l’ensemble des politiques publiques. Cela est rendu possible notamment grâce à la nomination de hauts et hautes fonctionnaires à l'égalité dans chaque ministère, à la désignation d’une « référente » ou d’un « référent égalité » au sein de chaque cabinet, et à la préparation d’études d’impact annexées aux projets de lois.

Nous menons d'ailleurs actuellement les conférences annuelles de l’égalité. Chaque année, le ministère des droits des femmes auditionne chacun des autres ministères afin de faire le bilan et de concevoir les ambitions de chaque ministère en termes de politiques publiques et de ressources humaines. Nous avons encore du travail, mais nous voyons d’ores et déjà le chemin parcouru. Pour s’en convaincre, je vous livre quelques-unes de ces actions.

En 2017, les premières femmes militaires rejoindront nos sous-marins militaires.

Depuis quelques semaines, nous comptons 50 % de femmes parmi les recteurs et les rectrices d’académie.

Autre exemple : pour limiter les effets du temps partiel sur les revenus de ses agents, le ministère de l’économie expérimente depuis peu « le temps compressé », une organisation du travail qui permet aux agents auparavant à 90 % – 80 % de ces agents sont des agentes – de reprendre un temps plein en concentrant leur temps de travail sur quatre jours et demi.

Vous le voyez, les ministères avancent et s’engagent véritablement.

Le Premier ministre a aussi très clairement rappelé l’objectif pour chaque ministère d’obtenir avant la fin 2017 le label égalité et le label diversité. Cela impose le déploiement au sein des administrations d'une politique exigeante d'égalité entre les femmes et les hommes qui passe par la lutte contre les stéréotypes de genre ou encore par l'articulation des temps de vie personnelle et professionnelle.

Cette exigence s’inscrit également comme une volonté de ne pas considérer différemment le secteur public et le secteur privé, car ils rencontrent les mêmes difficultés. C'est pour cette raison que le plan interministériel en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes traite des deux secteurs. C’est pour cette même raison que le Premier ministre a confié à l'une de vos collègues, Madame Françoise Descamps-Crosnier, une mission relative aux évolutions de carrières et aux écarts de rémunération entre hommes et femmes au sein de la fonction publique.

S’agissant des pistes d’évolution pour le budget consacré aux droits des femmes, nous avons encore à progresser sur de nombreux points.

D’abord, pour évaluer avec davantage de précision les crédits qui contribuent à cette politique. Dans le cadre des conférences de l’égalité, nous rappelons la nécessité d’objectiver le plus finement possible les crédits dédiés à la politique en faveur des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Ensuite, comme le souligne le rapport Où est l’argent pour les droits des femmes ?, réalisé par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et des associations de la société civile, nous devons continuer de travailler sur le conditionnement des financements publics au respect de l’égalité femmes-hommes.

La loi du 4 août 2014 a marqué une première étape en conditionnant l’accès des entreprises aux marchés publics et aux partenariats public-privé au respect de leurs obligations en matière d’égalité professionnelle. C’est en imposant des critères d’exemplarité que les pouvoirs publics incitent leurs interlocutrices et interlocuteurs quotidiens à s’impliquer concrètement dans la promotion de l’égalité femmes-hommes.

La prise en compte du genre dans les financements octroyés par les pouvoirs publics est une dimension essentielle que nous continuons à déployer.

C’est pourquoi je me félicite que le Sénat vienne d’adopter un amendement au projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, visant à instaurer la parité dans les commissions des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la Culture. Cette disposition prévoit de fixer à 40 % le seuil de représentants de chaque sexe, à partir du 1er janvier 2018, au sein des commissions qui « attribuent des subventions ou aides financières, sélectionnent, acquièrent ou commandent des œuvres, attribuent des agréments, ou procèdent à des sélections en vue de compétitions internationales ». Dans tous les domaines artistiques, les femmes sont trop souvent évincées des programmations et des procédures de sélection. Il faut briser le cercle vicieux des résistances toujours à l’œuvre pour que les femmes puissent sortir de l’invisibilité, qui est non seulement injuste mais surtout aliénante. Cette mesure produira donc un effet d’entraînement très positif pour améliorer l’accès des femmes aux moyens de production et de diffusion.

Enfin, nous devons également trouver de nouveaux leviers de financement. C’est ce que nous nous sommes attachés à faire dans le cadre du plan interministériel en faveur de l’égalité professionnelle.

Dans le cadre de ce plan, nous travaillons à la mise en place d'un dispositif permettant d’utiliser les pénalités dues par les administrations ne respectant par leurs obligations en matière de nomination paritaire pour la conduite d’actions de sensibilisation et de formation en faveur de l’égalité professionnelle – sanctions prévues par la loi Sauvadet. Il me semble tout à fait cohérent que les ressources dégagées par ces pénalités servent à corriger les manquements qui les ont occasionnées, et participent plus globalement à diffuser la culture de l’égalité au sein des équipes de travail.

Ce plan prévoit également d’activer les crédits du Fonds social européen (FSE) pour financer des projets régionaux qui contribuent à l’insertion professionnelle des femmes, à la mixité professionnelle, à l’accompagnement des actrices et acteurs du dialogue social pour augmenter le nombre d’accords dédiés à l’égalité professionnelle et inscrire l’articulation des temps de vie dans ces derniers. Une instruction spécifique à la mobilisation des crédits FSE sera transmise aux préfètes et préfets invitant les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) à préparer des appels à projets allant dans ce sens. Entre la mobilisation des crédits du FSE et ceux de l’État et des régions, nous devrions pouvoir activer 80 millions d’euros.

La partie recettes discutée, il est bien évidemment question de la façon dont elles vont pouvoir être dépensées ! Avec ce budget, le Gouvernement souhaite mener une action déterminée sur tous les fronts. Permettez-moi de vous présenter celles qui me semblent particulièrement prioritaires. Nous pourrons y revenir par la suite dans le cadre de nos échanges.

Il y a quelques semaines, France Stratégie a rendu public un rapport sur le coût économique des discriminations – je dois ici souligner que le ministère des Droits des femmes n'était pas à l’initiative de cette commande, elle avait été passée avant mon arrivée au ministère. Ses conclusions sont sans appel : être une femme constitue le premier facteur discriminant dans l’environnement professionnel, et supprimer ces discriminations constituerait un formidable levier de croissance.

Ce constat et cette perspective nous ont d’autant plus confortés dans la nécessité d’agir qu’à l'occasion de la quatrième édition de la semaine de l’égalité professionnelle, nous avons lancé le premier plan interministériel en faveur de l’égalité professionnelle.

Ce plan rassemble toutes les mesures qui contribuent à faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes dans le milieu professionnel, qu’elles passent par la lutte contre les stéréotypes, l’accompagnement du dialogue social et la mise en œuvre de la loi, l’insertion professionnelle ou encore la lutte contre les discriminations et les violences.

Grâce ce plan, nous ancrons durablement la politique en faveur de l’égalité professionnelle dans le paysage institutionnel. Nous lui apportons aussi la cohérence et la lisibilité nécessaires pour que chacune et chacun s’approprient l’ensemble des dispositifs. Nous créons également un cadre dans lequel les nombreux acteurs partagent et nourrissent leur réflexion, et cela afin de proposer une politique toujours plus efficiente et cohérente.

Dans les prochains mois, nous allons donc nous attacher à la bonne mise en œuvre de ce plan. L’activation des crédits FSE, la signature du plan mixité dans les métiers du numérique, la sensibilisation des professionnelles et professionnels de la petite enfance à l’implication des deux parents ou encore le lancement d’une réflexion sur le télétravail feront partie des actions prioritaires.

Les entreprises et les administrations sont également parties prenantes de la mobilisation contre le sexisme. Le Conseil supérieur à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) révélera le 24 novembre prochain les résultats de son enquête sur la perception du sexisme parmi les salarié.e.s non cadres. La publication de cette étude sera assortie d’un « kit » d’outils à destination des employeurs et du collectif de travail pour leur permettre de mettre en place des actions concrètes de prévention et de lutte contre le sexisme au sein de l’entreprise.

Les femmes perçoivent le lieu de travail comme un environnement particulièrement propice à l’expression du sexisme. Il est donc essentiel que nous accompagnions les entreprises à mettre en place les actions nécessaires. D’autant plus – et en tant qu’initiatrices de ces dispositions, vous le savez parfaitement – que la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels renforce leurs obligations en la matière en intégrant la prévention des agissements sexistes dans le règlement intérieur de l’entreprise et parmi les missions du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et en introduisant une obligation d’agir pour les employeurs.

Vous connaissez également l’urgence et la nécessité d’agir pour lutter contre le fléau des violences faites aux femmes. Parmi les grandes échéances à venir, je lancerai le 25 novembre le cinquième plan de lutte contre les violences faites aux femmes.

La formation des professionnelles et professionnels, l’ordonnance de protection, le téléphone grave danger (TGD), la création de places d’hébergement d’urgence, sont autant de dispositifs qui ont fait leur preuve et qui ont donc vocation à être prolongés et renforcés dans le cinquième plan violences. Sur ce dernier point, nous mettons tout en œuvre pour remplir les objectifs fixés par le Président de la République, soit la création de 1 650 places d’hébergement d'urgence d’ici à 2017. Nous sommes en très bonne voie puisque nous sommes aujourd’hui à quasiment à 90 % de cet objectif.

Je tiens également à ce que ce cinquième plan soit l’occasion d’aller plus loin en développant l’action publique autour de trois enjeux.

D'abord, la lutte contre les violences sexuelles. Il y a urgence à se saisir de ce sujet. L’avis sur le viol remis par le HCEfh a récemment souligné à quel point le viol, crime le plus répandu en France, faisait encore l’objet de tabous et de comportements culpabilisateurs à l’égard des femmes.

Les premiers résultats de l'enquête Violences et rapports de genre (VIRAGE) concerneront les violences sexuelles et viendront étayer nos connaissances à ce sujet. Sur cette base, nous pourrons renforcer la formation des professionnelles et professionnels et poursuivre la sensibilisation de la société à ce sujet.

Deuxième enjeu : la protection des enfants victimes de violences conjugales.

Le périmètre de mon ministère m’invite à porter une attention particulière à ce sujet. Pour avoir travaillé sur la réforme de la protection de l’enfance de mars 2016, sur la prévention des violences faites aux enfants, sur le lien entre les violences subies par les femmes et celles subies par les enfants dans le cadre des violences intrafamiliales, sur les conséquences des séparations des parents pour lesquelles parfois la question des violences faites aux mères n’est pas suffisamment prise en compte, je peux affirmer la nécessité de faire le lien entre les deux victimes que sont l’enfant et la mère, de sorte que le plan de lutte contre les violences faites aux femmes inclue la question de la protection des enfants victimes.

Il y a quelques années, les associations spécialisées dans la lutte contre les violences faites aux femmes auraient réagi quant à l’inclusion de la protection des enfants dans le cadre des violences faites aux femmes. Aujourd’hui, tout le monde a conscience que la visibilité des violences faites aux femmes est devenue bien plus grande que celle des violences faites aux enfants : les premières sont plus identifiées et donnent lieu à de fortes mobilisations – j’en veux pour preuve la pétition en faveur de Jacqueline Sauvage il y a quelques mois –, alors que les violences faites aux enfants continuent de se produire « à bas bruit ». Et les associations admettent désormais la nécessité d’inclure les violences faites aux enfants dans le cadre des violences faites aux femmes. En effet, les enfants sont deux fois sur trois spectateurs des violences commises à l’encontre leur mère ; or un enfant témoin est un enfant victime. Il n’y a donc pas de raison de dissocier les enfants victimes de coups directs des enfants témoins de coups infligés à leur mère.

La lutte contre ce fléau doit être menée en lien avec les magistrats, en particulier les juges aux affaires familiales, qui trop souvent pensent qu’un mauvais mari peut être un bon père et surtout qu’un mari violent peut être un bon père de famille.

Troisième enjeu : la manière d’adapter notre action à destination des femmes qui rencontrent des problématiques spécifiques – et qui cumulent souvent les discriminations – ; je pense aux femmes migrantes, aux femmes en situation de handicap et à celles résidant dans les territoires d’outre-mer. Il nous faudra aussi y réfléchir dans le cadre du cinquième plan contre les violences faites aux femmes.

J’ajoute que nous devrons également travailler davantage sur la lutte contre les violences faites aux femmes dans les territoires ruraux, où le tissu associatif dédié aux violences faites aux femmes n’est pas aussi dense que celui en secteur urbain. Le déploiement d’associations spécialisées dans les violences faites aux femmes dans tous les cantons est impossible ; les travailleurs socioéducatifs du tissu associatif présents dans les territoires ruraux devront donc être formés au repérage, à l’accompagnement, à l’accueil des femmes victimes de violences, afin de pouvoir ensuite faire appel à des associations spécialisées.

Je souhaite également que les violences subies par les jeunes filles et les jeunes femmes soient abordées dans le cadre de ce cinquième plan. En effet, les associations spécialisées dans la lutte contre les violences faites aux femmes, en particulier les associations d’hébergement, nous font remarquer que beaucoup de jeunes filles victimes de violences familiales sont aujourd’hui à la rue, en errance. D’autre part, concernant les jeunes femmes, de moins de vingt-cinq ans environ, il existe un angle mort en matière de violences commises dans le cadre des relations amoureuses. Si les aspects de repérage, d’accompagnement et de prise en charge des femmes victimes de violences sont identifiés concernant les femmes vivant en couple, il n’en est rien pour les plus jeunes ; en particulier, les réseaux d’associations spécialisées dans les violences conjugales ne sont pas identifiés auprès des très jeunes femmes victimes de violences. Or le recoupement d’informations laissent présumer que les jeunes femmes subissent des violences particulières dans le cadre de relations amoureuses et qu’elles s’interrogent souvent sur ce que leur compagnon ou leur amoureux, ou les amis de leur amoureux, peuvent ou non exiger d’elle, ainsi que sur la limite du consentement. Un vrai travail doit être mené sur cette question importante du consentement.

Enfin, autre sujet que je souhaite voir aborder dans le cadre du plan, les associations ayant exprimé un consensus à faire ce travail : l’accès trop facile et trop précoce aux images à caractère sexuel et à la pornographie. Cette problématique renvoie à cette notion d’incertitude sur le consentement que je viens d’évoquer.

Désormais reconnue comme une violence grâce à cette grande loi adoptée par votre assemblée le 6 avril dernier, la prostitution a évidemment vocation à intégrer ce cinquième plan. C’est un signal fort : la philosophie portée par cette loi irrigue désormais les politiques publiques mises en œuvre par le Gouvernement. Dès lors que l’achat de services sexuels constitue une violence à l’encontre des personnes prostituées, il est normal que la mise en œuvre de la loi relève du plan.

Je tiens à nouveau à saluer le travail menée par la Délégation aux droits des femmes, et en particulier l’implication de Catherine Coutelle et de Maud Olivier. Quelques chiffres sur la mise en œuvre de la loi : déjà 250 clients ont été condamnés depuis mai – un chiffre qui contredit toutes celles et ceux qui affirmaient que cette loi serait inapplicable. Dans l’Aude, où je me suis rendue il y a deux semaines, le parquet, la gendarmerie, la police de Narbonne, les travailleurs sociaux et les associations m’ont expliqué à quel point la loi est utile concernant la prostitution de routes.

Le dispositif du parcours de sortie sera opérationnel dès janvier prochain. J’ai conscience du décalage entre la mise en œuvre du volet pénal et la mise en œuvre du volet social de la loi : le premier était d’application immédiate, alors le second nécessite des décrets qui exigent une concertation – nous avons élaboré les décrets avec les associations, sur lesquelles repose la mise en œuvre du dispositif. En outre, il s’agit de décrets interministériels, d’où un délai de parution plus long. Un premier décret qui permettra aux préfectures d’agréer les associations et de mettre en place les commissions départementales paraîtra dans les prochains jours – je l’ai signé.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Quels sont les autres ministères concernés ?

Mme la ministre. Ceux de l’Intérieur et des Outre-mer.

Pour 2017, le budget dédié au parcours de sortie a presque triplé et s’élève désormais à 6,6 millions d'euros, auxquels s’ajouteront les recettes provenant de la confiscation des biens et produits des proxénètes et réseaux de traite des êtres humains. Il nous permettra de financer l’aide financière à l'insertion sociale professionnelle (AFIS) versée aux bénéficiaires du parcours de sortie, ainsi que les subventions aux associations qui accompagnent les personnes prostituées.

En parallèle, nous poursuivons le travail de sensibilisation et de conviction auprès du grand public, tout particulièrement à l’attention des clients. Le ministère a participé à une première campagne de sensibilisation à l’occasion de l’Euro 2016, avec pour message « Le prix d’une passe n’est pas celui que tu crois » – le prix d’une passe est le prix de l’amende ! Puis nous avons lancé une nouvelle campagne sur les réseaux sociaux, à l’occasion de la journée européenne contre la traite des êtres humains, rappelant que l’achat d’actes sexuels est désormais interdit et passible d’une amende de 1 500 euros.

Le troisième volet de la loi est la prévention, à savoir l’éducation de la société au respect du consentement et au refus de l’achat de service sexuel. Les effets de ce volet seront évalués sur un temps beaucoup plus long.

Je souhaiterais maintenant mentionner deux autres travaux d’envergure actuellement en cours.

Le premier est lié à la proposition de loi relative à l'extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Soyons clairs : être hostile à l’interruption volontaire de grossesse est une opinion que chacun est libre d’exprimer, mais la liberté d’opinion n’inclut pas le droit au mensonge. Et c’est de mensonges qu’il s’agit quand des femmes désireuses de s’informer sur l’IVG – sur le coût, le montant du remboursement, les délais, les techniques opératoires, etc. – sont attirées sur des sites internet qui cherchent à les culpabiliser, à les dissuader, à mettre en doute leur capacité à décider pour elles-mêmes, et ce afin de les pousser à renoncer à cette intervention. Parfois même, ces sites renvoient à des hotlines où ce que l’on entend est édifiant…

Je soutiens donc pleinement la démarche engagée par les députées et députés socialistes avec cette proposition de loi – je rappelle que le Sénat a refusé de discuter l’amendement déposé sur le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.

L’autre chantier que je mène avec détermination est celui de la lutte contre les stéréotypes de genre dans la communication. En effet, ils nuisent à la liberté des femmes, en les enfermant dans des rôles sociaux, en leur assignant des images dépréciatives et en servant de faire-valoir aux comportements sexistes.

C’est pourquoi les ministères sociaux s’engageront le 2 novembre prochain à suivre les recommandations du HCE pour une communication non sexiste.

C'est également pourquoi j’organiserai, le 7 novembre, en partenariat avec le réseau « Toutes femmes, toutes communicantes », un grand atelier créatif mobilisant les professionnelles de la publicité et de la communication. En les invitant à participer à des études de cas, l’objectif sera de leur montrer qu'il est tout à fait possible, et même souhaitable, de proposer des créations pertinentes et non sexistes. Ce travail permettra également de mettre au point une grille d’analyse que les professionnelles et professionnels pourront facilement utiliser dans leur travail quotidien.

Vous le constatez : le fil conducteur de l’action de mon ministère est celui de la lutte contre le sexisme. À mon arrivée en février dernier, le calendrier ne permettait pas d’engager un nouveau processus législatif – au demeurant, nous disposons déjà de la belle loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, et par ailleurs, nous procédons à divers ajustements, autant que de besoin, à travers des amendements sur des textes en discussion, tels que le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté ou le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Nous avons fait face au constat suivant : malgré un consensus au moins apparent sur l’égalité entre les femmes et les hommes, malgré plusieurs lois – dont la loi Copé-Zimmermann, que je cite très souvent…

Mme Marie-Jo Zimmermann. Merci, madame la ministre !

Mme la ministre. Malgré les politiques publiques et un budget qui n’a cessé d’augmenter tout au long du quinquennat, force est de constater que les résultats ne sont pas encore à la hauteur des ambitions. Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein ? Selon moi, il y a un verre à moitié vide qui se vide, et un verre à moitié plein qui se remplit ; autrement dit, les droits des femmes progressent, l’égalité avance dans un certain nombre de domaines, mais dans le même temps, les menaces sont extrêmement fortes et les régressions ne sont pas loin dans d’autres domaines.

J’ai donc décidé de lancer une campagne contre le sexisme qui vise à mobiliser la société pour faire reculer le sexisme. En effet, des chiffres terribles sont encore sortis récemment sur l’égalité professionnelle : il faudrait attendre 170 ans pour atteindre une réelle égalité professionnelle ! Ce qui bloque, ce n’est pas la volonté des pouvoirs publics, ce sont les résistances dans la société, autrement dit, le sexisme : cet ensemble de représentations, de comportements stéréotypés, qui a pour but de déstabiliser les femmes, de les inférioriser, mais aussi de les délégitimer, de leur faire douter de leur légitimité à être là où elles sont et à vouloir aller là où sont les hommes – activité, pouvoir, création…

Les femmes qui subissent le sexisme ne savent pas forcément le nommer, car elles pensent souvent que c’est leur propre comportement qui génère des remarques sexistes. Il faut donc nommer le sexisme pour que les femmes puissent identifier ce qu’elles subissent, d’une part, et pour que toutes celles et ceux qui le reproduisent, parfois de manière involontaire, puissent mesurer l’impact de leur comportement ou de leurs propos, d’autre part.

Pour faire cette campagne, nous avons préalablement procédé à une enquête d’opinion qui révèle que 40 % des femmes affirment avoir été dernièrement victimes d’une injustice ou d’une humiliation parce qu’elles sont des femmes. Ainsi, plus de 60 % des femmes adoptent une stratégie d'évitement, en ne portant pas certaines tenues vestimentaires, en ne fréquentant plus certains lieux publics ou certains événements, ou tout simplement en ne prenant plus la parole en public.

C’est aux côtés d'associations et de personnalités que j’ai lancé ce grand plan d’actions et de mobilisation contre le sexisme, qui trouve pour mot d’ordre : « Sexisme, pas notre genre ! ». Du 8 septembre au 8 mars, nous allons « faire du bruit », des rencontres, des propositions pour rendre visible le sexisme partout où il se manifeste : au travail, dans l’espace public, dans le sport, à l’école, sur la scène culturelle, etc., et sous toutes ses formes – des remarques qui paraissent anodines aux violences les plus graves. Il existe en effet un continuum entre la remarque sexiste insistante, le harcèlement et in fine le viol – le HCEfh observait la semaine dernière une véritable culture du viol qui tend à minorer, à banaliser les agressions sexuelles, y compris le viol.

Cette mobilisation est résolument constructive. Elle a également pour objectif de mettre en lumière la place des femmes dans la création de richesses économiques, culturelles, industrielles, sportives, et le rôle des femmes qui sont en mouvement pour faire avancer l’égalité.

Á mon arrivée au ministère, j’ai été frappée par la richesse des réseaux constitués dans tous les milieux par les femmes – femmes administratrices, communicantes, ingénieures, femmes issues de grandes écoles… Ces femmes l’ont bien compris : sans réseau, les choses n’avancent pas, d’où un risque de régression ; et elles ont besoin de réseaux car les hommes sont naturellement organisés en réseaux, dans les lieux de pouvoir en particulier. Le but de la campagne est donc de mettre en lumière ces réseaux afin d’attirer d’autres femmes, mais aussi de faire converger les différents réseaux, en soulignant le caractère systémique des inégalités et du sexisme.

Nous tenons aussi à valoriser, à diffuser toutes les solutions qui émergent sur le terrain et qui participent de la lutte contre le sexisme quotidien dans les territoires. Depuis le lancement de la campagne, plus de 200 initiatives « Sexisme pas notre genre » ont été labellisées.

Nous allons continuer de nourrir cette dynamique en organisant des événements fédérateurs jusqu’au 8 mars prochain. Nous avons, par exemple, lancé le concours « Je pitche, tu pitches » qui permettra à des porteurs et des porteuses d’initiatives labellisées de présenter leur action devant les parrains et marraines de la mobilisation – personnalités du monde culturel, du spectacle, du show business, scientifiques, grands chefs cuisiniers, etc.

Depuis le lancement de la campagne, il ne se passe pas un jour sans qu’on entende parler du sexisme, au travers de chiffres ou de la visibilité du phénomène – sexisme qui a d’ailleurs pris une place toute particulière dans la campagne aux États-Unis…

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il faut dire qu’il a fait fort…

Mme la ministre. C’est vrai, et je ne suis pas sûre que le sexisme aurait été le sujet de perdition du candidat il y a dix ou quinze ans…

Ainsi, les choses évoluent, et pas seulement en France. J’attache beaucoup d’importance à la diplomatie des droits des femmes : les droits des femmes sont une question planétaire, les atteintes aux droits des femmes sont à l’œuvre dans nombre de pays, et la France doit porter une parole forte. C’est ce que j’ai fait à l’Organisation des Nations unies (ONU) le 8 mars 2016, mais aussi en Pologne où j’ai rencontré récemment mon homologue et les associations avec lesquels j’ai évoqué les menaces sur l’accès à l’IVG. La problématique est celle du relativisme culturel et du réexamen des droits des femmes à l’aune des coutumes et traditions locales – je pense aux discussions sur la déclaration de Pékin. En effet, les pays où la laïcité n’est pas solidement installée ainsi que les pays du bloc islamique font cause commune à l’ONU pour plaider la réévaluation des droits des femmes à l’aune des pratiques, coutumes ou croyances. En conclusion, le relativisme culturel est une question centrale, à l’ONU comme en France.

Je vous remercie pour votre attention et suis désormais à l’écoute de vos questions.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous sais gré, madame la ministre, d’avoir brossé le tableau de ce qui a été fait. Le budget alloué au programme 137 est le plus faible de tous, mais il a un puissant effet de levier. Des combats en faveur des droits des femmes restent à mener en France d’une part mais aussi à l’international, car ces droits ne sont pas aussi avancés en tous lieux. Il est donc bon que la France parle d’une voix forte dans l’enceinte de l’ONU, comme elle le fait depuis 2012, en particulier au sujet des droits sexuels et reproductifs. On le voit pour les femmes polonaises, que nous avons soutenues ; or, ce combat n’est pas terminé puisque le gouvernement polonais ou certaines composantes de la société polonaise n’ont pas renoncé à porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), dont les conditions sont pourtant déjà très restrictives. Nous devons être très attentives.

Nous apprécions beaucoup la campagne « Sexisme : pas notre genre ». Je constate d’expérience que le port du badge, à l’Assemblée, provoque de nombreuses questions et réflexions. Il faut poursuivre dans cette voie. Pour ma part, j’ai demandé une écriture « genrée » des textes administratifs à l’Assemblée nationale ; je ne sais si nous y parviendrons avant la fin de la législature. À ce sujet, pourriez-vous demander à la ministre de la Fonction publique, Mme Annick Girardin, de diffuser une nouvelle circulaire relative à la féminisation des titres dans la fonction publique – la précédente ayant été signée le 6 mars 1998 par M. Lionel Jospin, alors Premier ministre ? Nous avons connu des incidents à ce sujet, avec en particulier un député qui refusait de dire « Mme la présidente ».

J’en ai eu confirmation : le texte relatif à l’extension du délit d’entrave à l’IVG aux sites Internet qui se font passer pour des sites officiels afin de donner aux femmes des informations volontairement trompeuses devrait être examiné au cours de la dernière semaine de novembre.

Le travail mené en commun par le Gouvernement et notre Délégation a permis de grands progrès. L’ensemble des textes législatifs ayant une répercussion sur l’égalité entre les femmes et les hommes, il convient de muscler les études d’impact à ce sujet et, d’une manière générale, d’en venir à une budgétisation sensible au genre, autrement dit à des budgets systématiquement élaborés dans l’optique de cette égalité.

On envisage d’étendre à d’autres régions les expérimentations en cours relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Sait-on déjà quelle est l’attitude des nouvelles régions à ce sujet ? Je déplore de ne pas avoir obtenu, lors du débat relatif à la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) que la politique en faveur de l’égalité soit désormais une compétence régionale obligatoire. Il en résulte ce que l’on voit maintenant : les nouvelles majorités régionales suppriment des financements destinés aux centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) et aux associations. Avez-vous déjà un premier bilan des expérimentations menées dans les neuf « territoires d’excellence pour l’égalité professionnelle » ?

Mme Maud Olivier. Je vous remercie, madame la ministre, pour le magnifique programme que vous avez décrit et que nous porterons avec enthousiasme le plus longtemps possible. La Délégation aux droits des femmes a adopté le rapport d’information que j’ai présenté sur les études de genre. Ces études scientifiques permettent de comprendre l’origine des inégalités entre les sexes et les raisons de la domination des hommes sur les femmes ; de très nombreuses universités et instituts de recherche travaillent assidûment à ces questions.

J’ai été amenée à formuler plusieurs recommandations. L’une tend à ce que le Gouvernement élabore un guide de bonnes pratiques destiné aux collectivités territoriales et visant à mieux intégrer la dimension du genre dans leurs politiques. Une autre recommandation vise à ce que les délégués régionaux et les chargés de mission départementaux aux droits des femmes et à l’égalité soient systématiquement associés à l’élaboration des politiques publiques en matière d’urbanisme, politiques dont on sait l’impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Je recommande encore que, pour mesurer l’impact de l’action publique sur l’égalité entre les femmes et les hommes, figurent des données sexuées dans toutes les politiques publiques.

La publication du décret fixant les modalités d’octroi de l’aide financière allouée aux personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution est attendue avec une grande impatience. Il est bon que la pénalisation des clients soit entrée en vigueur – elle commence à porter ses fruits – mais l’aide sociale annoncée doit prendre forme ; puisque vous avez signé le décret, madame la ministre, nous pouvons espérer une mise en œuvre rapide du dispositif.

Quelle est la part prise par les autres ministères dans l’alimentation du fonds constitué à cette fin ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je vous remercie, madame la ministre, pour votre compte rendu. Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui vous a précédée dans vos présentes fonctions, a veillé à ce que les entreprises ne respectant pas l’obligation légale de réaliser un rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes (RSC) soient pénalisées. Je l’en avais félicitée car il en va du respect pour les femmes au sein des entreprises. Autant vous dire que la loi Rebsamen, qui a fait disparaître le RSC, m’est restée sur l’estomac ; j’observe toutefois avec satisfaction que l’obligation demeure dans la fonction publique.

Ce rapport est le seul moyen permettant de donner de la lisibilité aux carrières des hommes et des femmes dans les entreprises. La loi fixant un seuil minimal de 40 % de femmes ou d’hommes dans les conseils d’administration et de surveillance des grandes entreprises privées et publiques, que nous avons promulguée au cours de la précédente législature, tendait à compléter l’obligation légale de réalisation d’un RSC. Il faut briser le plafond de verre ; une erreur a donc été commise dans la loi Rebsamen, car sans RSC, il est difficile de mettre en évidence les écarts dans l’évolution des carrières selon les sexes. Je ne cesserai donc de combattre en faveur de la réintroduction, dans un véhicule législatif à déterminer, de l’obligation de réalisation d’un RSC distinct. L’incorporation de ces données dans le bilan social leur fait perdre en lisibilité.

En imposant des objectifs contraignants pour la proportion de femmes nommées aux postes de direction dans la fonction publique, la loi Sauvadet a permis que certaines voient leur carrière dans la haute fonction publique progresser, en s’appuyant sur les indications incontestables mises en évidence dans les RSC. Un bilan de cette loi, promis par Mme Marylise Lebranchu, a-t-il été fait ?

Il m’arrive de me rendre au commissariat de police de Metz et dans les gendarmeries de ma circonscription ; j’observe que la formation des fonctionnaires aux entretiens avec les femmes victimes de violences pêche. Celle des gendarmes me semble plus appropriée – des policiers ont eux-mêmes évoqué devant moi une formation à ce sujet légère, sinon inexistante. Comment changer cela ?

Toutes les majorités ont légiféré pour combattre ce fléau ; pourtant, les violences faites aux femmes persistent, et semblent même s’accroître. C’est pour moi un vif sujet d’inquiétude. Doit-on considérer que les campagnes de sensibilisation ont eu pour effet que les femmes viennent plus facilement porter plainte, ou les violences suivent-elles une courbe ascendante exponentielle ? Gendarmes et policiers s’accordent à me dire qu’elles sont de plus en plus nombreuses. Enfin, alors que la loi prévoit désormais l’éviction du conjoint violent du domicile conjugal ou familial, des associations m’ont indiqué, avant-hier encore, que cette disposition n’est pas appliquée.

Mme la présidente Catherine Coutelle. C’est difficile.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Certes, mais cela pose un problème réel de protection des femmes violentées. Nous avons, les uns et les autres, adopté des mesures visant à améliorer la situation des femmes en danger et nous nous sommes efforcés d’éviter une régression de leurs droits. Il est très gênant que le plus compliqué soit de faire appliquer la loi.

Enfin, nous nous grandirions tous en admettant que les législateurs de tous bords ont eu à cœur de faire respecter les femmes. J’ai moi-même accompagné Mme Roselyne Bachelot aux Nations unies. Nous avons, toutes, eu pour souci majeur de faire avancer la cause des femmes, et cela n’a pas commencé en 2012 : avant cela, Mme Ameline et Mme Bachelot, alors ministres, exprimaient les mêmes convictions aux Nations Unies et chacune s’est employée à favoriser une évolution. Lorsque je présidais la Délégation, j’ai toujours cité l’apport de Mme Catherine Génisson, dont la loi relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est une référence pour moi. C’est pourquoi je vous remercie d’avoir accompagné l’adoption de la loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, d’en avoir étendu le champ et d’avoir tenu à pénaliser les entreprises qui ne respectent pas la proportion de 40 % de femmes au sein de leur conseil d’administration. C’est ensemble que nous pourrons faire appliquer les lois, avec l’ambition commune de faire respecter les femmes pour que l’égalité entre les sexes devienne la norme – et le travail qui nous reste à faire est considérable.

Mme la présidente Catherine Coutelle. S’il y a effectivement une continuité dans le combat pour les droits des femmes par tous ceux qui le mènent, il connaît parfois des accélérations ou des ralentissements et l’on n’est jamais à l’abri de reculs, même en France.

Le RSC n’a pas été supprimé mais, vous avez raison, sa visibilité est amoindrie, ce qui fait courir le risque que les partenaires sociaux soient moins enclins à s’emparer du sujet. Nous avons tenté de rétablir le RSC en tant que tel lors du débat sur la loi El Khomri. Il y a maintenant des plans, mais plus le document proprement dit ; toutefois, les entreprises qui ne signent pas un accord d’entreprise sur l’égalité sur la base de ce plan sont passibles de pénalités.

Mme Véronique Massonneau. Je vous remercie, madame la ministre, pour ce large bilan. J’étais, à l’origine, défavorable à la loi relative à la prostitution ; en particulier, le parcours de sortie m’inquiétait car le montant alloué à l’aide sociale me paraissait bien faible. Je suis donc heureuse qu’il soit triplé et, m’étant défaite de certaines influences, ma réflexion sur le texte a évolué et je suis plutôt satisfaite des résultats obtenus depuis le vote de la loi.

Je me suis, d’autre part, félicitée de la création de l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires ; quel sera son budget et comment fonctionnera-t-elle ?

Mme la ministre. Nous soulignons, dans les conférences de l’égalité, l’importance d’une budgétisation sensible au genre. Nous invitons les autres ministères à présenter, le plus qu’il est possible, des budgets « genrés » et à toujours s’assurer, dans les études d’impact, que la neutralité, dans les textes qu’ils élaborent, n’aggrave pas les discriminations envers les femmes – car c’est souvent le cas.

Neuf nouveaux territoires d’excellence pour l’égalité professionnelle se sont engagés dans la démarche en 2015. L’évaluation a permis de cerner les bénéfices de l’expérimentation et le Gouvernement accompagnera les nouvelles régions dans la mise en œuvre d’une politique territoriale de l’égalité professionnelle, notamment dans le cadre de la mobilisation du FSE. Nous ne disposons pas encore d’indications précises sur le positionnement de toutes les nouvelles régions au sujet de l’égalité entre les sexes en général ; comme vous, je déplore que ce ne soit pas une compétence identifiée des régions.

L’article 61 de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes fait obligation aux collectivités locales de présenter un rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes en leur sein. La loi ayant été promulguée le 4 août 2014, je pense que nous n’aurons pas encore de résultats probants cette première année. Il faut laisser aux collectivités le temps de se saisir de ce nouvel outil qui permet de « genrer » les politiques locales. C’est un excellent instrument, pour les majorités comme pour les oppositions : les premières peuvent en faire un beau moment de démocratie locale, les secondes porter ces questions si elles jugent qu’elles ne le sont pas suffisamment. Je suis persuadée que le dispositif montera en puissance.

J’approuve l’idée que les déléguées régionales et les chargées et chargés de mission départementaux aux droits des femmes et à l’égalité – qui siègent à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) – participent à l’élaboration des projets de politiques de la ville. Dans toute collectivité, un membre de l’exécutif devrait être chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, puisqu’elle demande, partout, des politiques transversales.

Le financement du parcours de sortie de la prostitution a été fait la première année par abondement du fonds spécifique ; les ressources de ce fonds sont pérennisées, à hauteur de 6,6 millions d’euros, par des crédits du budget général de l’État.

À ce jour, 11 000 accords et plans d’action sur l’égalité ont été déposés par les entreprises, 2 147 entreprises ont été mises en demeure d’en déposer un et 97 ont été sanctionnées par une pénalité financière faute d’en avoir déposé. Le plus souvent, les mises en demeure aboutissent à l’élaboration d’un plan égalité – il faut, en quelque sorte, les stimuler.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il faut communiquer à ce sujet. Mme Vallaud-Belkacem l’avait fait, et c’est très utile.

Mme la ministre. Nous allons maintenant inviter les entreprises à signer des chartes d’engagement contre le sexisme, car le sexisme nourrit l’inégalité professionnelle. Cela découle du plan gouvernemental pour l’égalité professionnelle entre hommes et femmes –plan, pour la première fois, interministériel.

Il est prévu dans la loi Sauvadet que le Gouvernement présente au Conseil commun de la fonction publique un rapport annuel dans lequel figure le bilan des nominations des femmes et des hommes dans la fonction publique.

Les gardiens de la paix reçoivent depuis des années, lors de leur formation initiale, une formation spécifique relative aux violences faites aux femmes. L’accueil des femmes change beaucoup quand est présente, dans un commissariat, une assistante sociale chargée spécifiquement de traiter ces situations ; il est très utile que les collectivités se cotisent pour prendre de telles embauches en charge.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La nécessaire confidentialité fait souvent défaut lors de l’accueil dans les commissariats. Incidemment, cela vaut aussi, dans les pharmacies, pour les jeunes filles et les femmes qui viennent acheter des contraceptifs. Il faut réfléchir à l’aménagement des lieux.

Mme la ministre. Je m’interroge, comme vous, pour savoir si la hausse du nombre de déclarations de violences traduit la détermination d’un plus grand nombre de femmes de signaler ces faits ou si les violences envers les femmes sont en hausse. L’enquête Violences et rapports de genre (VIRAGE) nous en dira davantage, mais les signaux sont inquiétants et c’est pourquoi j’ai parlé des jeunes filles. De manière générale, le nombre de crimes commis en France a baissé mais l’augmentation de faits de violence est avérée ; de plus, la banalisation de la violence due aux images et aux paroles de certaines chansons rehausse le seuil de tolérance. Est-ce que cela se traduit en actes à l’encontre des femmes ? Je ne saurais le dire, mais l’analyse doit être affinée. Le nombre de femmes mortes victimes de leurs conjoints ou anciens conjoints aurait un peu baissé cette année, mais il n’y a pas lieu de pavoiser. Si l’on en croit les projections, le nombre de morts serait, en 2016, de 20 % inférieur à celui de 2015, avec 100 décès et non plus 130, mais ces chiffres devront être confirmés. Chaque année, 200 000 femmes sont victimes de violences en France ; c’est considérable. Un sujet d’inquiétude tient aux constats faits en Espagne. Alors que ce pays mène une politique exemplaire à ce sujet, voulue par le gouvernement Zapatero, qui en avait fait une priorité, le nombre des actes de violence envers les femmes ne diminue guère : la violence machiste demeure.

Sans parler de violence physique, les femmes cadres dans des entreprises à dominante masculine ont le sentiment que l’on est passé, à propos de l’égalité salariale et de l’égalité de carrières, de l’indifférence ou de la résistance passive à une résistance agressive. Elles évoquent fréquemment une tension entre les femmes et les hommes dans les lieux de compétition, en particulier quand les femmes sont âgées de plus de 45 ans : une solidarité masculine se forme contre elles.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Cela tient peut-être à ce que les femmes cadres étaient beaucoup moins nombreuses que les hommes. J’ai le souvenir consterné qu’un orateur, que par charité je m’abstiendrai de nommer, ne cessait de nous dire, lors du débat sur la loi Sauvadet : « Si vous nommez des femmes à des postes de direction, que deviendront les jeunes hommes qui doivent faire carrière ? ». On constate la même résistance à la parité en politique : on veut bien l’égalité, mais jusqu’à un certain point.

Mme la ministre. Cette tension étant ressentie dans le milieu policé des cadres, on ne peut exclure qu’elle existe ailleurs, et dans les domiciles. L’éviction du conjoint violent est la première et la meilleure des solutions ; mais, le plus souvent, ce sont les femmes qui partent – c’est ce qu’il y a de plus facile pour se protéger des coups. De plus, même quand il y a éviction, le conjoint violent qui n’est pas incarcéré revient ; au moins les femmes sont-elles préservées par la confidentialité qui s’attache à l’adresse des lieux d’hébergement. Mais le déménagement a de fortes conséquences sur les enfants, qui doivent changer d’école. De fait, même si la loi en dispose, l’éviction n’est pas le moyen le plus fréquemment utilisé.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Peut-être fut-ce une erreur de légiférer ainsi.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je ne le pense pas. Ce n’est pas à la victime de violences de quitter le domicile familial – sauf si elle décide de se mettre à l’abri – mais au conjoint violent. Les gendarmes me disent que, le week-end, ils interviennent principalement pour faire cesser des violences conjugales. Mettre les victimes hors danger, à cet instant, c’est faire partir ceux qui sont menacés. Il reste à trouver comment éloigner durablement du domicile les conjoints violents.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il faudra retravailler la question des conjoints violents lors de la prochaine législature.

Mme la ministre. Il se trouve aussi que, les femmes qui demandent de l’aide étant de plus en plus nombreuses, le besoin de moyens budgétaires croît de manière exponentielle. Nous avons créé 1 500 nouvelles places d’hébergement et il y en aura 1 600 mi-2017, conformément à l’engagement pris, mais les associations nous disent qu’il en faut toujours davantage. De plus, il faut veiller à ce que les femmes victimes de violences ne soient pas mêlées aux autres occupants des centres d’hébergement d’urgence. Vous avez raison, il faut traiter la question des conjoints violents, singulièrement par des stages de sensibilisation, et des stages sont également prévus pour les clients de personnes prostituées, mais il faut d’abord répondre aux besoins des femmes.

Mme Maud Olivier. À cet égard, il serait bon de convaincre la chancellerie d’accélérer la publication du décret relatif aux stages.

Mme la ministre. Ce décret paraîtra en janvier.

Mme Maud Olivier. L’Association pour le contrôle judiciaire en Essonne a mis au point un dispositif de prise en charge des auteurs de violences conjugales placés sous main de justice. Cela fonctionne assez bien.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il en est de même dans le Nord.

Mme la ministre. Nous déléguons de nombreuses missions aux associations, auxquelles sont alloués 80 % du budget du ministère. Elles ont besoin de moyens de fonctionnement, et l’on en revient à la question que vous m’avez posée, madame la présidente, sur l’attitude des nouvelles régions au sujet de l’égalité entre les sexes : que les exécutifs régionaux nouvellement élus aient supprimé des subventions aux associations concernées est un signal inquiétant.

Je partage l’opinion de Mme Zimmermann selon laquelle l’intérêt commun de celles et ceux qui mènent le combat en faveur des droits des femmes général est de montrer la continuité de cette action au-delà des clivages politiques, mais j’observe qu’en ces matières les hostilités organisées proviennent toujours des mêmes bancs de l’hémicycle. On trouve des machistes partout, et l’on parvient plus ou moins à les contenir. M. Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, a récemment présenté les choses de la sorte : « La CGT n’est pas machiste mais il y a des machos à la CGT »… J’ai constaté la présence au Parlement d’un bloc d’élus incontestablement contre l’IVG. J’ajoute que quand une polémique sur la lutte contre les stéréotypes de genre est créée de toutes pièces, on ne peut s’abstenir de définir son sens politique en identifiant qui cherche à faire croire que l’on conditionnerait ainsi les garçonnets à changer de sexe quand ils auront 12 ans !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ces comportements sont affligeants, c’est vrai.

Mme la ministre. Outre qu’ils sont affligeants, ils traduisent la négation de l’égalité des sexes, avec l’utilisation d’« arguments » stupéfiants tels que la prétendue disparité des cerveaux des femmes et des hommes… Là où elles s’expriment, il faut marginaliser ces idées, et créer des réseaux associant toutes celles et tous ceux qui, indépendamment des clivages politiques, sont prêts à faire avancer la cause des femmes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. J’ai récemment organisé à l’Assemblée nationale un très intéressant colloque consacré à la montée des conservatismes en Europe. Il y été expliqué comment ces idées sont propagées, dans un amalgame de refus – refus du mariage pour tous, refus de l’IVG, refus de l’égalité entre les femmes et les hommes – qui montre des clivages politiques très forts.

Mme la ministre. En Suède, 35 % de la population approuvaient la loi instituant la pénalisation des clients des prostituées lors de sa promulgation ; dix ans plus tard, 70 % s’y disaient favorables. Votre opinion a donc évolué comme celle des Suédois, madame Massonneau, mais sensiblement plus vite…

Certains avaient jugé l’intitulé du ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes signe d’une régression. C’est pourtant le moyen d’agir avec cohérence. Ainsi, en matière de politique familiale, l’une de mes priorités est d’améliorer le sort des familles monoparentales. C’est pourquoi l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires est adossée à la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) et à la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA).

La mission de l’Agence, qui commencera d’opérer le 1er janvier 2017, sera universelle : il ne sera pas besoin d’avoir lancé une procédure préalable de recouvrement pour la saisir. Elle donnera force exécutoire aux accords amiables entre les parents fixant une pension alimentaire et, sur décision du juge, elle aura un rôle d’intermédiation financière en cas de violences ou de menaces sur le créancier. Une nouvelle étape permettra d’aller plus loin dans ce domaine : à partir de 2018, l’Agence permettra aussi le recouvrement des pensions alimentaires impayées hors divorce ; sans doute devra-t-elle disposer pour cela d’un peu de moyens supplémentaires. Le Québec a créé une agence de cette sorte.

Mme la présidente Catherine Coutelle. L’Assemblée nationale a conduit une évaluation citoyenne de la loi de 2014 par le biais d’internet. Il en ressort que la garantie contre les impayés de pensions alimentaires (GIPA) est l’une des mesures bien connues, aussi bien des hommes que des femmes. C’est un excellent dispositif.

Mme la ministre. Un peu plus d’une famille sur cinq est une famille monoparentale, et 80 % des chefs de familles monoparentales sont des femmes, qui subissent une plus grande précarité que le reste de la population, et une stigmatisation.

Nous avons créé un réseau d’entraide – Parents solo et compagnie – pour aider les familles monoparentales à sortir de l’isolement. Ce réseau associatif a été constitué sur le modèle de Monalisa, dispositif de mobilisation nationale contre l’isolement des personnes âgées que j’avais piloté dans mes précédentes fonctions. La différence est que les personnes âgées sont moins facilement mobilisables que ne le sont les femmes cheffes de famille pour être elles-mêmes des acteurs de la solidarité. Les échanges et l’entraide restaurent la dignité.

Je suis convaincue qu’à l’avenir les politiques publiques devront être construites avec leurs bénéficiaires ; non seulement l’efficacité de ces politiques en sera renforcée mais, en faisant de leurs bénéficiaires les acteurs des politiques sociales, on leur permet de sortir de l’« assistanat psychologique ».

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je partage cette opinion. J’ai le souvenir d’une pièce de théâtre montée par des personnes prostituées, qui ont été très surprises de l’impact de ce spectacle et de constater qu’elles pouvaient être des actrices du changement et de leur sortie de la prostitution. C’est pourquoi j’attends avec impatience la publication du décret fixant les modalités d’octroi de l’aide financière allouées aux personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution.

Je vous remercie, madame la ministre, pour votre engagement et le volontarisme dont vous faites preuve. Qu’un Gouvernement compte un ministère des droits des femmes de plein exercice change les choses. C’est un des aspects très positifs du bilan de ce quinquennat.

La séance est levée à 18 heures 20.

——fpfp——

Membres présents

Présents. – Mme Catherine Coutelle, Mme Véronique Massonneau, Mme Maud Olivier, M. Christophe Premat, Mme Sylvie Tolmont, Mme Marie-Jo Zimmermann.

Excusées. –  Mme Pascale Crozon, Mme Gilda Hobert.