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Mercredi 3 février 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 31

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet, Président

– Audition de M. Christophe Bouillon, président du conseil d’administration, et de M. Pierre-Marie Abadie, directeur général, de l’ANDRA, sur le principe de réversibilité du stockage des déchets nucléaires

– Informations relatives à la commission 22

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Christophe Bouillon, président du conseil d’administration, et M. Pierre-Marie Abadie, directeur général, de l’ANDRA, sur le principe de réversibilité du stockage des déchets nucléaires.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mes chers collègues, deux faits m’ont incité à proposer une série d’auditions sur le projet de stockage à long terme des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue.

D’une part, le débat sur la notion de réversibilité doit faire l’objet d’une décision en 2016.

D’autre part, la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a fixé, par un arrêté du 15 janvier dernier, le « coût objectif » du projet de Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) à 25 milliards d’euros sur une durée de 140 ans à partir de 2016. Or, plusieurs autres chiffrages avaient été rendus publics : celui proposé par l’ANDRA à 34,5 milliards d’euros ; ceux d’EDF, d’AREVA et du CEA à 20 milliards d’euros. Par ailleurs, dans son avis de février 2015, l’Autorité de sûreté nucléaire estimait que « certaines hypothèses retenues par l’ANDRA et ayant un fort impact sur le chiffrage global semblaient optimistes ».

C’est pourquoi nous avons le plaisir de recevoir ce matin notre collègue Christophe Bouillon, nouveau président du conseil d’administration, et M. Pierre-Marie Abadie, directeur général, de l’ANDRA, sur le principe de réversibilité du stockage des déchets nucléaires et sur le chiffrage du projet Cigéo. Ils sont accompagnés par M. Pascal Claude Leverd, responsable du plan directeur pour l’exploitation de Cigéo, et par Mme Valérie Renauld, directrice de la communication et des relations avec la société.

M. Christophe Bouillon, président du conseil d’administration de l’ANDRA. Monsieur le président, mes chers collègues, ce n’est pas la première fois que l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs est auditionnée par l’Assemblée nationale, mais c’est la première fois que je participe à une audition de l’ANDRA en ma qualité de président du conseil d’administration de cette agence d’État, ayant été nommé à ce poste par un décret du Président de la République en date du 23 décembre dernier. C’est une responsabilité que je considère à la fois d’intérêt général et d’intérêt national. Nous avions déjà eu l’occasion d’auditionner Pierre-Marie Abadie, directeur général de l’Agence, en septembre 2014, et avions déjà évoqué à plusieurs reprises la question des déchets radioactifs au sein de cette Commission, notamment lorsque Julien Aubert et moi-même sommes venus vous présenter, en juillet 2013, le rapport d’information sur la gestion des matières et déchets radioactifs dont la rédaction nous avait été confiée. Ce rapport avait nourri nos réflexions, et m’avait aussi permis d’exposer un certain nombre de positions auxquelles je me réfère dans les nouvelles responsabilités qui sont les miennes.

L’ANDRA est une agence d’État, dotée d’un personnel expert et répondant à des missions d’intérêt national. Son objet concerne aussi bien la génération actuelle que les générations futures et, de ce point de vue, elle relève un véritable défi, puisqu’elle couvre des périodes dépassant largement les mandats qui nous sont habituellement confiés. Notre rapport d’information mettait en évidence le rendez-vous régulier de l’ANDRA avec la représentation nationale. Ainsi, dès 1991, la loi Bataille consolidait l’Agence et la rendait indépendante des producteurs de déchets, tout en initiant un premier cycle de réflexion sur la question du stockage des déchets, notamment de ceux de haute activité et de moyenne activité à vie longue. Un autre rendez-vous important a été celui de la loi de 2006 qui, à l’issue d’un débat au cours de l’année précédente, a posé deux principes, celui d’un stockage géologique profond d’une part, de la réversibilité d’autre part ; cette loi appelait à ce que le concept de réversibilité soit précisé ultérieurement par la représentation nationale. C’est donc le Parlement qui prend les décisions relatives aux déchets radioactifs, ce qui est une garantie du fait que ces décisions se prennent de façon démocratique et transparente.

Notre rapport soulignait également que la question des déchets radioactifs est souvent abordée en même temps que d’autres considérations concernant l’ensemble de la filière du nucléaire. Or, quelque opinion que l’on puisse avoir sur le recours à l’énergie nucléaire, les déchets radioactifs existent, et la mission de l’ANDRA consiste à s’occuper concrètement de l’ensemble de ces déchets en France, qu’ils soient issus de la filière du nucléaire civil, de la recherche, de la santé ou encore du nucléaire militaire. L’ANDRA assume la responsabilité consistant à rechercher des solutions dès maintenant, car il ne serait pas imaginable de reporter le problème sur les générations futures. Son rôle n’est pas de discuter des usages de la radioactivité, mais de trouver des solutions pour les déchets.

Ayant rappelé les étapes constituant le jalonnement démocratique de l’ANDRA, ainsi que les missions qui lui reviennent, je vais laisser le soin à Pierre-Marie Abadie d’aborder les questions relatives aux coûts et à la réversibilité. Je conclurai mon propos en soulignant que les options prises depuis des années ont fait de l’ANDRA une référence mondiale en matière de gestion des déchets radioactifs. Ce n’est évidemment pas un hasard si cette audition se fait devant la Commission du développement durable, la question des déchets comportant un enjeu important en termes de protection du territoire. Toute activité humaine génère des déchets, et c’est toute la grandeur de l’ANDRA que d’assumer la responsabilité consistant à trouver des réponses dans ce domaine, comme nos concitoyens nous le demandent. Nous devons avoir conscience de la chance de disposer en France d’un écosystème permettant à la fois d’apporter des réponses et d’exercer régulièrement un contrôle et une évaluation dans un cadre démocratique.

M. Pierre-Marie Abadie, directeur général de l’ANDRA. Avant d’aborder les questions qui formeront l’essentiel de mon propos, je me dois de revenir sur l’événement douloureux que nous avons connu la semaine dernière, à savoir l’accident ayant provoqué la mort d’un salarié de la société Eiffage sur le chantier du laboratoire souterrain situé sur le site de Bure. Ce drame humain a causé une très grande émotion au sein de la communauté constituée par l’ANDRA et ses sous-traitants. Une enquête judiciaire et des expertises sont en cours, mais je veux d’ores et déjà souligner qu’il s’agit d’un accident de chantier, survenu à l’extrémité d’une galerie en cours de creusement, sur le front de taille : lors d’une opération de confortement de ce front de taille, qui se trouvait déjà en partie boulonné, quelques mètres cubes de terre se sont effondrés, ensevelissant le technicien qui se trouvait à cet endroit. Notre sous-traitant, Eiffage, avait déjà réalisé le même type d’opération des centaines de fois sans aucun problème, et le fait qu’un accident survienne aujourd’hui nous rappelle douloureusement que les travaux souterrains restent des activités délicates et dangereuses, en particulier lors de la phase de confortement du front de taille.

J’insiste sur trois points. Premièrement, il ne s’agit pas d’une ruine d’ouvrage, c’est-à-dire de l’effondrement d’une galerie après achèvement de celle-ci, mais bien de l’éboulement d’un front de taille en cours de confortement. Deuxièmement, la galerie où a eu lieu l’accident est actuellement interdite d’accès, des scellés ayant été posés pour les besoins de l’enquête, et nous n’entreprendrons pas d’autre opération de creusement tant que l’analyse des causes de l’accident ne sera pas terminée. Le reste du laboratoire continue cependant de fonctionner : les expérimentations qui y sont actuellement effectuées se poursuivent donc, de même que les achèvements de galerie en cours, qui ne sont pas des opérations du même type que celle lors de laquelle l’accident est survenu. Troisièmement, il est permis de se demander ce qui se serait passé si l’accident était survenu en cours d’exploitation. En réalité, cette question est sans objet, les zones où l’on procède au stockage étant physiquement séparées de celles où l’on construit : l’accident n’aurait donc en aucun cas pu survenir dans une zone où l’on manipulait dans le même temps des déchets – les manipulations de ce type n’ayant vocation à s’effectuer que dans des galeries achevées, entièrement revêtues de béton.

Comme l’a dit notre président, l’établissement public de l’ANDRA a été créé il y a vingt-cinq ans. Je rappelle que Cigéo va accueillir différentes familles de déchets, notamment celle des déchets dits de haute activité (HA), essentiellement issus des combustibles de la production électronucléaire, ainsi que celle des déchets dits de moyenne activité à vie longue (MA-VL), provenant des réacteurs nucléaires, mais aussi des installations du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et de la défense nationale. Il ne faut pas perdre de vue que le projet Cigéo est divisé en phases correspondant chacune à un type de déchets.

Physiquement, les futures installations comprendront une zone de réception, de contrôle et de préparation des colis qui arriveront par chemin de fer – cette zone correspondra à l’endroit où se trouve actuellement le laboratoire souterrain ; une rampe équipée d’un funiculaire descendra à partir de cette zone pour rejoindre la zone de stockage, située à 500 mètres de profondeur dans une couche d’argile. La zone de stockage sera elle-même subdivisée en différentes zones correspondant aux différentes catégories de déchets : d’une part, les quartiers destinés aux déchets dits de moyenne activité à vie longue, qui seront stockés au cours des premières décennies ; d’autre part, les quartiers destinés aux déchets de haute activité (HA1 et HA2), à savoir les combustibles retraités. Le site comprendra également une zone de stockage HA0, destinée aux déchets de haute activité les plus froids, qui pourront être stockés plus tôt : il s’agira donc d’un quartier pilote pour les déchets de haute activité. Enfin, à la verticale du stockage HA0, se trouveront les puits et la zone de soutien logistique aux travaux de creusement, qui comprendra des chevalements assez élevés.

Les galeries constituant la descenderie et les futures alvéoles de Cigéo seront très renforcées, afin de pouvoir durer toute la vie du stockage, et très automatisées. Il s’agira d’installations comportant beaucoup de béton, mais aussi beaucoup de technologie. Notre projet est conçu en fonction du principe de réversibilité qui a été posé. À l’horizon 2035, c’est-à-dire à la fin de la phase industrielle pilote, nous aurons construit un début de quartier MA-VL, ainsi que le premier quartier de haute activité froide (HA0). En 2085, nous aurons presque achevé le quartier de moyenne activité et nous commencerons celui de haute activité. En 2100, nous aurons achevé le quartier MA-VL, et presque achevé la première moitié des quartiers de haute activité. Enfin, c’est en 2145 que nous devrions avoir terminé les quartiers de haute activité.

Comme vous le voyez, la construction est très progressive, et le développement de l’activité sera très incrémental. C’est en 2018 que nous remettrons notre demande d’autorisation à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Nous devrons alors être en mesure de faire la démonstration complète de l’ensemble du stockage, tout en prévoyant de laisser une marge, en termes d’espace, en vue d’éventuelles évolutions et adaptations – car on peut penser que des progrès techniques vont s’accomplir en cent ans.

L’année 2015 a été très importante pour nous dans la mesure où elle s’est traduite par la fin de la phase d’avant-projet sommaire et par l’entrée dans la phase de l’avant-projet détaillé. Cette phase, au cours de laquelle a été mis en œuvre le pilotage stratégique et opérationnel, nous a conduits à réorganiser profondément l’ANDRA afin de renforcer ses capacités en termes de maîtrise d’ouvrage et de pilotage du projet. Nous avons également travaillé, avec les producteurs, au renforcement de la gouvernance collective du projet afin de rendre celle-ci plus stratégique grâce à une bonne mobilisation des expertises d’EDF, d’AREVA et du CEA. Parallèlement, la maîtrise d’ouvrage de l’ANDRA, futur exploitant, a été définie en prévoyant une forte capacité d’arbitrage et de décision, et un meilleur partage entre les différents acteurs des grands enjeux et des grands jalons du projet.

Sur la base des importants travaux techniques qui se sont achevés en 2015, dès cette année, nous allons remettre à l’Autorité de sûreté nucléaire des documents importants dans trois domaines. En matière de sûreté, il s’agira d’un dossier d’options de sûreté en exploitation – où sont décrites les mesures à prendre en cas d’incendie, au cours des travaux et lors de la réception des colis – et après fermeture. C’est un rendez-vous important en vue de la remise du dossier de demande d’autorisation de 2018.

En matière de réversibilité, nous allons remettre deux documents. D’une part, un plan directeur pour l’exploitation de Cigéo, mettant en perspective le déroulement des 150 ans de stockage ; d’autre part, un dossier d’options techniques de récupérabilité. Enfin, nous devrons remettre un document de territoire, ayant pour objet de préparer et de fournir des données en vue de l’intégration territoriale de Cigéo en matière d’emploi et de développement économique.

Un bon calendrier est un calendrier ambitieux, mais aussi réaliste – à défaut, ce n’est pas un bon outil de pilotage. De ce point de vue, la leçon à tirer de l’avant-projet sommaire (APS) est que notre calendrier n’était peut-être pas tout à fait réaliste. Dans le cadre de la préparation de l’avant-projet détaillé (APD) j’ai veillé à ce que l’on s’assure de disposer du temps nécessaire pour effectuer les études, en particulier à ce que l’on réserve deux ans pour mettre au point l’APD, en extraire une revue et, enfin, transformer celle-ci en demande d’autorisation. Ceci m’a conduit à proposer au conseil d’administration et aux tutelles de fixer le dépôt de la demande d’autorisation à mi-2018, et non en 2017, comme cela était initialement prévu : à vouloir économiser du temps sur la conception, on le paye souvent très cher au moment de la réalisation.

En matière de réalisation, justement, la phase de creusement comporte des contraintes logistiques extrêmement fortes. Nous avons, là aussi, revu le calendrier pour fixer la réception des travaux de creusement à 2025, qui marquera le démarrage de la phase industrielle pilote, et le stockage du premier colis radioactif à l’horizon 2030, sous réserve que nous disposions des autorisations nécessaires. Le calendrier défini reste ambitieux, tout en étant suffisamment réaliste pour constituer un véritable outil de pilotage du projet.

Piloter le projet, c’est aussi travailler sur la maîtrise de son coût, ce qui a donné lieu à un feuilleton comportant de multiples rebondissements. L’exercice d’évaluation du coût du projet à laquelle il nous a été demandé de procéder comporte des limites. Il s’agissait d’additionner, sans les actualiser, tous les coûts sur 150 ans, quelle que soit leur nature – aussi bien les coûts de construction que les coûts d’exploitation, de fermeture ou de surveillance. Un tel exercice est exceptionnel : quand on construit le viaduc de Millau, on ne s’oblige pas à additionner tous les coûts qui seront nécessaires à la maintenance de cet ouvrage.

Certains étant tentés d’établir des comparaisons entre les différents exercices, je dois souligner qu’une telle entreprise est très délicate pour des raisons de périmètre – que fait-on entrer exactement dans les coûts ? – et d’inventaire. Ainsi, entre les évaluations de coûts réalisées en 2005 et celles effectuées cette année, l’inventaire a radicalement changé : l’EPR est venu se rajouter, on a pris pour hypothèse une durée de vie des réacteurs de cinquante ans, et les conditions économiques ont beaucoup changé – depuis 2005, les prix du BTP ont sensiblement augmenté. Cela dit, une fois les effets de périmètre et d’inventaire corrigés, on aboutit à une évaluation s’inscrivant dans le même ordre de grandeur que celui de l’évaluation initiale.

Additionner les coûts suppose d’adopter des approches plus ou moins conservatives, plus ou moins volontaristes ou optimistes, quant à l’avenir. Cela vaut aussi bien pour les conditions économiques –le prix du béton en 2030, le coût de la main-d’œuvre en 2050 – que pour les progrès techniques et, plus largement, tout ce qui pourra permettre une optimisation des procédés mis en œuvre. Suivant que l’on est plus ou moins optimiste sur chacun des points comportant une marge d’incertitude, on peut aboutir, sur 150 ans, à des écarts cumulés extrêmement importants – en l’occurrence, on peut passer d’une vingtaine à une trentaine de milliards d’euros. Je précise que les débats ne portent en aucun cas sur la sûreté, qui ne se négocie pas, mais sur la possibilité technique et financière de chaque opération envisagée, sur le coût des matières premières et de la main-d’œuvre, ainsi que sur le rythme auquel les opérations techniques vont s’effectuer – le fait de creuser plus ou moins vite peut se traduire, sur 150 ans, par un écart de coût d’un milliard d’euros.

Les limites de l’exercice ont des répercussions sur le provisionnement, ce qui m’amène à évoquer trois questions. Premièrement, le consommateur d’électricité d’aujourd’hui paye-t-il l’intégralité des coûts liés au stockage ultime des déchets ? La Cour des comptes a affirmé à plusieurs reprises que le projet représentait 1 % à 2 % de la facture du consommateur : comme on le voit, les incertitudes relatives au coût sont de deuxième ou troisième ordre par rapport à la part actuellement mise à la charge du consommateur.

Deuxièmement, comment conduire le projet ? En tant que maître d’ouvrage et exploitant futur de Cigéo, c’est là ma première préoccupation vis-à-vis de mes tutelles, mais aussi vis-à-vis des producteurs, qui nous financent en application du principe « pollueur-payeur ». Nous avons bien identifié l’ensemble des sujets clés qui conditionneront le coût du stockage et partageons aujourd’hui avec tous les acteurs le même design et la même liste comportant soixante à soixante-dix optimisations auxquelles il s’agit maintenant d’appliquer un bon pilotage stratégique.

Troisièmement, pour ce qui est des provisions, la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a tranché en retenant un coût objectif de 25 milliards d’euros. C’est le coût vers lequel nous allons tous essayer de tendre, sans jamais réduire le niveau de sûreté, mais en travaillant constamment sur la soixantaine d’optimisations. J’insiste sur le fait que le principal levier de réussite du projet à court terme résidera, tout au long de la conception, dans la qualité et dans la réussite de sa réalisation. Je suis extrêmement attaché à préparer, en amont et en parallèle des instructions que nous aurons au titre de la sûreté, les bonnes conditions de réalisation et de succès de ce projet.

Pour donner un dernier ordre de grandeur et mettre en perspective des chiffres qui peuvent sembler un peu abstraits, je veux préciser ce que nous aurons à faire dans un premier temps. La première tranche de Cigéo correspond à la construction et à l’exploitation durant la phase industrielle pilote, jusqu’à 2035. Cette tranche représente un coût de 6 à 7 milliards d’euros, pour lequel la part d’investissement est un peu inférieure à 4 milliards d’euros. Ce que nous avons à réaliser dans un premier temps constitue donc un projet de grande envergure, mais tout à fait appréhendable et maîtrisable.

Comme l’a dit notre président, la réversibilité est le dernier élément législatif qui manque, étant précisé que la décision de principe du stockage souterrain a été prise en 2006. Au-delà de la réversibilité, c’est en fait la gouvernance du projet sur quatre ou cinq générations qui est en jeu. Cette évidence, posée dès 1991 et réaffirmée en 2006, vient du fait que notre génération a la responsabilité de trouver une solution pour ses déchets, sans prétendre imposer tous ses choix aux générations suivantes. Nous nous devons donc d’agir, tout en nous assurant de laisser une marge de manœuvre suffisante, des capacités de réadaptation, aux générations suivantes. Sur ce point, la réflexion a mûri au fil des années. Initialement, la vision de la réversibilité était très technique : elle consistait simplement à se demander comment on pourrait, par exemple, extraire un colis stocké qui présenterait une difficulté. Elle a ensuite consisté à s’interroger sur les possibilités d’adaptation à un changement de politique énergétique, d’intégration du progrès technique et de l’apprentissage, du retour d’expérience des premières années du projet. Régulièrement, on va devoir réévaluer, sur la base de ce que l’on a vécu et appris, ainsi que des innovations techniques. On pourra alors décider, soit de poursuivre le chemin initialement défini, soit de le faire évoluer, soit de revenir sur des choix effectués antérieurement. Le besoin politique collectif est bien là, dans la capacité à mettre en œuvre, d’une génération à l’autre, le cycle de réévaluation du projet.

Pour s’assurer de la réversibilité, il importe de disposer d’une boîte à outils complète, comprenant divers outils techniques et de gouvernance, notamment l’acquisition continue de connaissances – qui va de l’expérience acquise au sujet des alvéoles de stockage jusqu’à l’innovation, le progrès technique et l’effort en matière de recherche et développement dans la durée. La capacité d’avoir un développement incrémental – pouvant consister, par exemple, à mettre en œuvre des variantes successives d’alvéoles, ou à creuser et construire progressivement –, est également très importante, car elle permet de disposer d’une meilleure flexibilité et adaptabilité en matière architecturale ; nous assistions hier à une réunion avec l’ASN, qui a rappelé que la chose la plus irréversible qui soit est de creuser l’argile – car lorsqu’un trou est fait, on ne peut revenir en arrière. La flexibilité, la possibilité de procéder à des réajustements en matière architecturale, présente également un grand intérêt d’un point de vue de politique énergétique : si l’on venait à stopper le retraitement, ou si la décision était prise de ne pas construire les réacteurs rapides, nous pourrions nous écarter du scénario prédéfini. Nous devrons apporter en 2018 la démonstration de notre faculté à nous adapter ainsi. Dans ce contexte, la récupérabilité est un élément de flexibilité dans la gestion opérationnelle et dans la gestion à moyen terme du stockage.

La boîte à outils contient des enjeux très forts en matière de connaissances, de mémoire, de transparence et de participation de la société et de l’ensemble des parties prenantes, avec deux acteurs particulièrement essentiels, à savoir l’Autorité de sûreté – ce qui ne pose pas de difficultés particulières, l’ASN ayant déjà l’habitude de procéder à des revues de sûreté décennales de toutes les installations nucléaires – et le Parlement, dans le cadre de revues régulières de supervision de ce projet.

La récupérabilité ne se confond pas avec la réversibilité, ne serait-ce qu’en raison du fait qu’elle est forcément limitée dans le temps. D’une part, Cigéo est conçu pour permettre le retrait sur toute sa période d’exploitation, de l’ordre d’une centaine d’années, d’autre part, en termes de démonstration, nous ne serions pas crédibles si nous promettions une récupérabilité sur plusieurs siècles – peut-être existera-t-elle, mais il est extrêmement difficile de la démontrer a priori. La récupérabilité n’a donc de sens qu’au sein de l’ensemble des outils de la réversibilité – dans le cadre de laquelle on peut envisager de modifier les alvéoles, ou de réallouer tel ou tel colis – et elle ne saurait être une fin en soi, notamment en ce qui concerne sa durée.

La phase industrielle pilote résulte d’une proposition de l’ANDRA, faite à l’issue du débat public, et retenue lors d’une délibération de mai 2014. Elle consiste à définir un temps, entre 2025 et 2035, réservé au démarrage progressif du stockage. J’insiste sur le fait que cette phase n’est pas un stockage-pilote, mais une période durant laquelle on va activer tous les outils de la réversibilité. On va apprendre à se servir de l’objet, des puits, des descenderies et des premières alvéoles, faire des démonstrations in situ, afin d’être en mesure, après validation de l’ensemble des concepts, mais aussi des déchets, notamment ceux classés HA0, de commencer à exploiter.

Au-delà du débat législatif, il est clair que la réversibilité est un sujet dont il faut parler dans la durée, de manière itérative, avec l’ensemble des parties prenantes. Pour cela, il existe deux documents supports, le principal étant le plan directeur pour l’exploitation de Cigéo. Derrière cet intitulé extrêmement technocratique, on trouve un document ayant pour objet de présenter Cigéo dans la durée, décennie après décennie, en en détaillant le calendrier des jalons décisionnels, les conditions de démarrage de l’installation et les conditions dans lesquelles le stockage va mettre en œuvre la réversibilité – c’est-à-dire comment le stockage est adaptable, flexible et récupérable. Début 2016, une première version de ce document permettra une concertation avec les parties intéressées, avant qu’il ne fasse l’objet, au cours des deux années à venir, de deux allers-retours entre les parties prenantes, dans la perspective de la mise au point d’une nouvelle version, plus affinée, au moment du dépôt de la demande d’autorisation de création (DAC), mi-2018.

La note de positionnement de l’ANDRA sur la réversibilité qui vous a été remise a pour objet de vous présenter ce concept en quelques pages, et de montrer qu’il correspond en fait à la gouvernance du projet sur les 150 prochaines années.

M. Jacques Krabal. Avant d’aborder la réflexion sur le principe de réversibilité, un sujet déjà évoqué à de multiples reprises, je veux revenir sur l’accident de chantier qui s’est produit le 26 janvier dernier sur le site de Cigéo, à la suite d’un éboulement en bout de galerie qui a fait un mort et un blessé au sein de l’équipe de prestataires en cours d’intervention. Une enquête est en cours, et nous devons attendre que la justice ait fait toute la lumière sur les circonstances de ce drame avant de prendre position dans un sens ou dans l’autre. Comme l’a dit M. Abadie, le laboratoire souterrain n’accueille pas de déchets radioactifs, il s’agit d’un laboratoire de recherche et d’expérimentation dédié à la conception du futur centre de stockage, qui sera physiquement séparé du laboratoire.

Pour ce qui est de la réversibilité, la loi du 28 juin 2006 précise que la solution de stockage géologique doit être réversible pendant au moins cent ans. Pourtant, des ingénieurs nous expliquent régulièrement que les techniques permettant la réversibilité ne sont pas totalement au point, et cette absence de garantie suscite des inquiétudes. La mise en œuvre de la réversibilité exige, outre une qualité de sûreté, la récupérabilité et la flexibilité. Selon la Commission nationale d’évaluation (CNE), à terme, le stockage de déchets radioactifs a vocation à être fermé. Les dispositions favorables à la réversibilité ne compromettent-elles pas la sûreté, tant pendant l’exploitation qu’après la fermeture ?

Par ailleurs, que pensez-vous d’un seuil de libération pour les déchets de très faible activité (TFA) ? Pour ces déchets, ne serait-il pas plus judicieux de parler de recyclage ? Peut-on recycler les TFA dans des enveloppes de confinement ? A-t-on procédé à une évaluation du gain de place, ainsi que d’une évaluation économique et financière de cette pratique ? Enfin, quelles sont les possibilités de traçabilité des TFA ?

Pour ce qui est du coût, il est difficile de procéder à une évaluation sur cent ans, le niveau d’incertitude posant problème. Sans un minimum de visibilité, comment pouvons-nous prendre des décisions ? Les dépenses supplémentaires qu’engendre la réversibilité ont-elles été évaluées ? Le 15 janvier 2016, le ministère de l’écologie a publié un arrêté fixant à 25 milliards d’euros le coût objectif de mise en œuvre des solutions de gestion à long terme – 140 ans – des déchets radioactifs. De son côté, l’ANDRA estime qu’environ 33 milliards d’euros seraient nécessaires, tout en reconnaissant que l’exercice de prévision du coût sur une centaine d’années est périlleux. Si la sûreté n’a pas de prix, la crise et la réduction de nos moyens financiers risquent d’entraîner une réduction des effectifs. Dans ces conditions, serons-nous demain en mesure d’assurer la sûreté ?

Un autre sujet de préoccupation est le débat qui devrait avoir lieu sur le stockage de longue durée. L’amendement qui l’introduisait dans le cadre de la loi Macron a finalement été censuré par les sages du Conseil constitutionnel. Depuis, notre collègue Jean-Yves Le Déaut a déposé une proposition de loi. Pouvez-vous nous donner une idée du calendrier de cette proposition de loi ? J’aimerais que son examen soit l’occasion d’un véritable débat sur le stockage, mais aussi sur l’ensemble de la filière, que nous appelons de nos vœux depuis que nous discutons de ce sujet. La transparence doit valoir dans tous les domaines, et nos concitoyens ont le droit de savoir. En ce qui nous concerne, nous avons le devoir de dire les choses. N’ayons pas peur de la vérité, sur quelque sujet que ce soit, soyons au contraire offensifs dans ce domaine ! C’est une exigence d’éthique au service de notre démocratie, trop malmenée aujourd’hui. Le pire de tout, c’est d’avoir peur : rien ne pèse tant qu’un secret, comme le disait Jean de La Fontaine dans sa fable Les Femmes et le secret. Il est donc temps pour nous de donner du sens à nos décisions politiques en toute transparence, surtout en ce qui concerne la filière nucléaire.

M. Jean-Yves Caullet. Je voudrais d’abord vous remercier pour vos interventions, monsieur le président et monsieur le directeur général, qui ont répondu à une grande partie de mes interrogations. Je rends hommage à l’ANDRA qui, conformément à la mission qui lui a été confiée, prend sur ses épaules, pour notre compte, la partie la moins noble et la moins facile d’une filière nucléaire dont tout le monde reconnaît l’excellence, à savoir la gestion des déchets.

Aujourd’hui, ces déchets sont une réalité, il ne s’agit plus de se demander s’ils existent, et en quelle quantité – on le sait –, mais de prendre la responsabilité de leur gestion. Indépendamment de la qualité de vos travaux et du principe d’éthique qui les guide, je rappelle que nous devons tous être conscients que c’est en notre nom que vous travaillez, et que la responsabilité de la nécessité de traiter les déchets radioactifs nous incombe à tous depuis le début de l’histoire de la filière de l’énergie nucléaire dans notre pays. Nous ne saurions nous défausser sur un organisme, si prestigieux fût-il, de cette responsabilité collective.

Nous nous trouvons en plein dans cette phase de responsabilité qu’il est nécessaire d’assumer – dans des conditions inédites, puisqu’elles dépassent la génération actuelle. Alors que nous avons parfois du mal à envisager ne serait-ce que le moyen terme, nous sommes aujourd’hui obligés d’envisager le très long terme. Je vous remercie de la manière dont vous avez présenté la réversibilité à l’égard des générations futures. Vous l’avez fait de la manière la plus ouverte et la moins prétentieuse qui soit en disant qu’il s’agit simplement de faire en sorte de ne pas imposer nos choix à ceux qui nous suivront en la matière – étant précisé que nous avons déjà imposé notre choix de la filière nucléaire.

Je rends hommage à la façon transparente que vous avez eue d’évoquer l’accident dramatique récemment survenu sur le chantier de Cigéo, qui tranche avec les titres sensationnalistes et trompeurs que l’on a pu voir dans la presse au sujet de cet accident.

Ceci fait, j’aurai deux questions à vous poser. Premièrement, comment envisagez-vous l’acceptabilité territoriale – l’intégration territoriale, pour reprendre les termes que vous avez employés –, et un vrai calcul d’actualisation est-il possible sur ce que peut représenter, pour une population, l’implantation sur son territoire d’un projet concernant toute la Nation ? En effet, 99 % de la population bénéficiant de la filière nucléaire se trouvera très éloignée du problème, et il va être demandé à une toute petite part de la population – la plus réduite possible – d’assumer l’équation entre acceptabilité et responsabilité. Une telle chose est très difficile : sur quels éléments de calcul avez-vous pu procéder à une estimation de l’acceptabilité économique et sociale du projet ?

Deuxièmement, quelle est la situation sur le plan international ? Nous sommes très heureux de vous entendre nous confirmer que la France est en pointe dans le domaine du stockage des déchets radioactifs mais, à l’heure où la filière nucléaire se développe partout dans le monde, quelle est la part des déchets que l’ANDRA va gérer par rapport aux déchets produits par la filière à l’échelle internationale ? Où en est la réflexion sur ce point dans les pays où la filière s’est déjà développée, et comment est envisagée la gouvernance de cet ensemble qui concerne toute l’humanité ?

Enfin, pouvez-vous nous dire un mot de la gestion foncière de l’ANDRA ? On lit parfois que l’Agence a acquis des surfaces considérables : qu’en fait-elle ?

M. Gérard Menuel. Je suis élu de l’Aube, un département qui a beaucoup donné à la filière nucléaire, puisqu’il abrite à la fois une centrale, à Nogent-sur-Seine, et un centre de stockage, à Soulaines-Dhuys, et je peux témoigner que nos relations avec l’ANDRA sont marquées par la transparence et la concertation.

L’installation d’un projet tel que Cigéo nécessite de répondre aux interrogations légitimes des populations et d’être en mesure d’apporter des arguments de nature à démontrer que ce qui est proposé est bien sécurisé. La réversibilité conditionne un ensemble de mesures de surveillance et la mise en place de protocoles très stricts. Dans ce domaine, l’ANDRA fait preuve d’un grand professionnalisme et de transparence, et je suis convaincu que l’Agence ne fera que gagner en crédibilité au fil des années.

Le projet Cigéo est d’une importance capitale en matière de stockage des déchets radioactifs. Permettre le retrait dans l’avenir, c’est rassurer, grâce à la mise en œuvre de solutions optimisées et d’une surveillance mieux garantie des sites, qui n’enferme pas les générations futures dans des choix faits hier ou avant-hier. Cela dit, ce projet va se traduire par un coût important. Les budgets correspondants seront-ils sanctuarisés dans le temps, comme je l’estime nécessaire ?

Par ailleurs, en dépit de tous les efforts que vous déployez, l’image négative renvoyée par le fait d’accueillir un site de stockage de déchets radioactifs ne facilite pas la reconversion économique des bassins de vie concernés qui, au cours des décennies passées, ont déjà perdu des dizaines de milliers d’emplois. Je pense notamment à la forge en Haute-Marne, ou au textile dans l’Aube, sans parler de l’agriculture, et surtout de l’élevage, confrontés à de grandes difficultés. L’acceptabilité par les populations locales et ses représentants passe également par une image plus dynamique des territoires concernés. De ce point de vue, l’ANDRA devrait, à mon sens, être encore plus à l’écoute des doléances locales.

M. Stéphane Demilly. La France et l’énergie nucléaire entretiennent une histoire compliquée, une longue histoire faite d’amour et de désamour qui a commencé en 1957, à Chinon, avec la construction du premier réacteur électronucléaire à usage civil en France, entré en service six ans plus tard.

Aujourd’hui, notre pays compte cinquante-huit réacteurs de différentes puissances, répartis sur dix-neuf centrales nucléaires. Selon le dernier bilan de RTE, 77 % de la production d’énergie totale en France en 2014 était d’origine nucléaire, contre 12,6 % pour l’hydraulique, 5 % pour les centrales thermiques à combustibles fossiles, 3,1 % pour l’éolien et 1,1 % pour le photovoltaïque. La France est ainsi le deuxième producteur mondial d’électricité nucléaire derrière les États-Unis et loin devant la Russie, la Chine – même si sa part augmente –, le Canada ou le Royaume-Uni.

La question de la gestion des déchets issus du nucléaire entretient cependant le désamour avec la filière nucléaire. Le sujet qui anime nos débats aujourd’hui est loin d’être nouveau, comme nous le savons tous. En août 1999, le journal Le Monde faisait paraître un article débutant ainsi : « Le Gouvernement vient de donner son feu vert à la construction d’un laboratoire souterrain, dans l’argile de la commune de Bure, où seront menées des recherches sur le confinement à long terme des résidus du nucléaire » –, après des études menées de 1994 à 1996.

Vingt ans plus tard, le centre de stockage de déchets radioactifs Cigéo fait toujours débat. Introduites puis retirées du projet de loi sur la transition énergétique et de la loi Macron, les conditions de mise en œuvre du principe de réversibilité du stockage des déchets nucléaires n’ont toujours pas trouvé le cadre législatif attendu. Pourtant, la loi de 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs précise que l’autorisation de création d’un centre de stockage en couche géologique profonde ne sera délivrée que si la réversibilité de ce stockage est assurée pour une durée d’au moins cent ans.

Tout cela prend donc du temps, un temps nécessaire qui n’est rien au regard de la durée de vie radioactive de plusieurs milliers d’années des déchets concernés – des déchets qui représentent 3 % à 4 % du volume des déchets radioactifs produits en France, mais qui concentrent plus de 99 % de la radioactivité produite sur le territoire national. Nous allons cependant devoir accélérer si nous ne voulons pas transmettre, encore un peu plus, à nos enfants, l’héritage d’une société qui aura cruellement manqué de courage sur des sujets aussi lourds de conséquences.

Nos collègues du groupe Socialiste, républicain et citoyen, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Louis Dumont, Christian Bataille et Anne-Yvonne Le Dain, ont déposé en novembre dernier une proposition de loi précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue. Quel regard portez-vous sur ce texte ?

La question du travail sur la mémoire à transmettre aux générations futures n’y figure pas pour le moment. Depuis fin 2010, l’ANDRA a cependant engagé un travail sur ce thème par le biais du projet « Mémoire pour les générations futures ». Pouvez-vous faire un point sur ce projet et nous faire savoir s’il serait pertinent et utile d’inscrire cette réflexion dans un cadre législatif ?

Le nouveau calendrier pour le projet Cigéo repousserait l’instruction de la demande d’autorisation de création de l’installation à 2018 au lieu de 2015. Pouvez-vous nous confirmer ces informations et nous donner la position des ministères de tutelle sur ce projet, ainsi que sur le calendrier envisagé ?

Enfin, travaillez-vous ou avez-vous prévu de travailler avec d’autres pays bien avancés sur ce sujet, de façon à partager les expériences ? Je pense par exemple à la Finlande, où la construction du site d’Onkalo vient d’être approuvée par le gouvernement, ou à la Suède, où un premier coup de pioche est prévu avant 2020 à Forsmark.

M. Denis Baupin. Monsieur le président, monsieur le directeur général, je vous souhaite bon courage (Sourires), car vous allez devoir gérer tous les problèmes que l’industrie nucléaire n’a pas su gérer depuis plusieurs décennies. C’est un peu comme s’il vous était demandé de construire des toilettes dans un appartement qui en était jusqu’alors dépourvu ! (Murmures divers) Quand vous nous dites que les déchets nucléaires sont une réalité et qu’il faut bien les gérer, nous ne saurions vous donner tort : il faut bien que la génération actuelle, et celles qui suivront, assument l’impéritie de ceux qui ont engagé la France dans cette filière sans prévoir aucune solution pour les déchets qu’elle engendre. Que l’on ne vienne pas nous dire que l’enfouissement des déchets dans la croûte terrestre constitue une solution digne de ce nom : cette idée soulève plus de questions qu’elle n’en règle, et nous ne sommes même pas certains que le projet Cigéo, qui va commencer par une phase expérimentale, soit un jour opérationnel. De mon point de vue, il ne serait pas inutile de réfléchir à un plan B quand on se dit soucieux du sort des générations futures.

Nous avons été très émus d’apprendre qu’un employé était décédé lors de l’accident survenu fin janvier, et adressons toutes nos condoléances à sa famille. Monsieur le directeur général, avez-vous une idée des délais dans lesquels l’enquête judiciaire va pouvoir aboutir ? Quels enseignements peut-on tirer de cet accident au sujet de la fragilité de l’argile, censée pouvoir tenir 100 000 ans ? J’ai pris note du principe consistant à séparer la zone de stockage de celle du creusement de nouvelles galeries, mais comment pouvez-vous garantir que ce principe sera encore respecté sur les chantiers qui seront entrepris dans soixante-dix ou cent ans ?

Pour ce qui est du coût, vous rappelez à juste titre que la Cour des comptes a affirmé que son impact sur la facture des consommateurs était tout à fait marginal. Pour autant, je veux souligner à quel point il est essentiel de bien chiffrer ce coût : à défaut, s’il manque de l’argent dans plusieurs dizaines d’années, ce n’est pas nous, les consommateurs ayant produit ces déchets, qui paierons, mais nos enfants, ce qui serait tout à fait anormal. De ce point de vue, les écarts entre les différentes évaluations nous laissent pantois : l’évaluation initiale était de 15 milliards d’euros, les producteurs font état d’un chiffrage de 20 milliards d’euros, vous-mêmes parlez de 33 milliards d’euros – ce que l’Autorité de sûreté nucléaire estime sous-évalué –, et la ministre retient finalement un « coût objectif » de 25 milliards d’euros : cette absence de visibilité est pour le moins préoccupante !

Visiblement, vous vous êtes fixé pour objectif de mener un chantier low cost (Murmures divers), puisque significativement moins cher que ce que vous aviez prévu initialement. Sur quoi allez-vous rogner pour atteindre cet objectif ? J’invite chacun de mes collègues à prendre connaissance des documents publiés par l’ASN et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur les risques inhérents au projet Cigéo en matière d’incendie ou d’explosion, et à réfléchir aux conséquences d’une éventuelle modification, dans quelques années, de la politique menée par le pays en matière de retraitement des déchets radioactifs.

Enfin, je vous avoue que votre exposé relatif à la réversibilité m’a laissé un peu sur ma faim. Si les grands principes ont été rappelés, vous n’avez guère abordé l’aspect concret des choses, notamment ce qui touche aux questions de récupérabilité. L’ASN a dit qu’elle allait donner dans quelque temps – on ne sait pas quand exactement – ses préconisations en la matière. En savez-vous un peu plus que nous sur ce point, et le cas échéant pouvez-vous nous communiquer les informations en votre possession, afin de nous permettre de nous faire un avis ? Il faudra, en tout état de cause, que nous soyons correctement informés avant que le Parlement ne soit amené à prendre position. Enfin, j’ai été surpris par la durée de dix que vous nous avez indiquée pour la phase pilote. La semaine dernière, lors d’une rencontre avec des parlementaires, le directeur général de l’IRSN a fait état d’une durée minimale de trente ans, nécessaire pour que l’on puisse juger de la déformabilité des alvéoles – un critère essentiel en matière de récupérabilité. Sur nombre de questions, nous avons l’impression d’une action menée dans la précipitation.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je précise que nous auditionnerons prochainement l’ASN et l’IRSN.

M. Philippe Plisson. L’obligation de gérer et de stocker les déchets radioactifs durant plusieurs milliers d’années constitue le talon d’Achille de la filière nucléaire. Le principe de l’enfouissement, conçu au départ comme un confinement définitif, avec une dégradation de la radioactivité au fil des ans, a fait la place au principe de réversibilité, qui pose des problèmes techniques en matière d’obturation et de mémoire de la dangerosité du lieu, et quant au processus de décision éventuelle de retirer les déchets. Est-ce cette difficulté qui justifie le différentiel d’évaluation du coût, allant de 25 milliards d’euros pour le ministère à 35 milliards d’euros pour l’ANDRA ?

Par ailleurs, l’ANDRA n’avait initialement pas prévu la réversibilité imposée par la loi. Doit-on considérer que cette obligation témoigne d’un doute portant sur la pertinence du processus de stockage Cigéo ?

Enfin, on a traité il y a quelques années les déchets nucléaires provenant d’Allemagne, sur le site de La Hague. Est-il envisagé, dès maintenant ou à terme, d’accueillir le stockage de déchets étrangers, notamment de ceux provenant des centrales que nous pourrions vendre à d’autres pays, ce qui pourrait constituer un argument de vente décisif compte tenu de la complexité de la problématique du stockage ?

M. Jacques Kossowski. Après une gestation de plus de trente ans, le gouvernement finlandais a donné son accord, en novembre dernier, pour la réalisation d’un centre de stockage de déchets hautement radioactifs sur le site d’Olkiluoto, où se trouve déjà une centrale nucléaire. Ce projet, portant le nom d’Onkalo, constitue une première mondiale et prévoit, dans un premier temps, des essais de stockage à échelle réelle, avant d’aborder la phase d’exploitation qui devrait démarrer dans sept ans, c’est-à-dire en 2023. Dans ce contexte, j’aimerais savoir s’il est prévu d’effectuer des retours d’expérience entre les techniciens finlandais et français autour de leurs projets respectifs. Même si Cigéo et Onkalo présentent des caractéristiques différentes, un échange d’informations serait sans doute très utile : un tel échange est-il envisagé, le cas échéant sous quelle forme ?

Enfin, on peut penser que dans les 100 à 150 ans, il sera certainement fait appel à d’autres formes d’énergie. Est-il prévu de taxer ces nouvelles énergies afin de continuer à financer le travail que vous avez initié ?

M. Yannick Favennec. Si l’on sait que le stockage en formation géologique profonde des déchets est aujourd’hui la seule solution adoptée par les pays dotés de réacteurs nucléaires pour stocker les combustibles radioactifs usagés de haute activité, le concept de réversibilité n’est pas encore totalement abouti. En pratique, je voudrais savoir sur quoi les générations suivantes pourront revenir grâce à la réversibilité du stockage Cigéo.

Par ailleurs, plusieurs pays travaillent actuellement sur le stockage géologique. Leur vision de la réversibilité est-elle différente de la nôtre ? En France, une loi relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs a été votée en 1991, avant qu’en 2006, une autre loi n’avalise le principe du stockage profond, en prévoyant un rendez-vous avec les parlementaires afin de définir les conditions de réversibilité. Cependant, les dispositions relatives à cette question ont été retirées de la loi de transition énergétique, puis à nouveau retirées de la loi Macron, pour des raisons de procédure. Une proposition de loi a été déposée en novembre dernier par Jean-Yves Le Déaut sur les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue ; elle porte notamment sur les questions de gouvernance relatives à la réversibilité. J’aimerais savoir ce que vous pensez de ce texte et si vous disposez d’un calendrier précis quant à son examen.

Mme Marie Le Vern. Poser la question de la réversibilité du stockage des déchets nucléaire revient à poser la question de son acceptabilité sociale et à refuser de prendre aujourd’hui une décision définitive, dans l’espoir que l’évolution technologique permettra de trouver des solutions meilleures. On voit bien que, dans de nombreux débats d’apparence technique et scientifique, il y a une question sociale et citoyenne sous-jacente. Combien de temps devons-nous prévoir cette réversibilité du stockage ? Quelle part de risque acceptons-nous aujourd’hui pour éviter aux générations de demain de subir les conséquences de nos choix ?

Réfléchir à l’acceptabilité, c’est aussi réfléchir à l’inclusion des citoyens et des parties prenantes à la décision. La loi de 2006 posait d’ailleurs comme condition à l’avancée du projet Cigéo la tenue d’un débat public, qui a eu lieu en 2013. Il me semble que cette inclusion citoyenne devrait être plus régulière. Dans le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs 2013-2015, cet aspect était assez marginal. Le plan pour les trois prochaines années devrait, à mon sens, en faire un meilleur cas, ne serait-ce que pour éviter toutes les spéculations et les fantasmes en la matière. J’aimerais connaître votre position à ce sujet.

J’en profite pour vous interroger sur les pratiques en la matière dans les pays confrontés aux mêmes enjeux que nous, tant sur le plan technique que démocratique.

M. Charles-Ange Ginesy. J’ai bien compris que le stockage reposait sur le principe de milieux géologiques faisant office de barrières naturelles à très long terme pour assurer l’isolement des déchets radioactifs aussi longtemps qu’ils présentent un risque pour l’homme. Des centres de stockage basés sur ce principe sont étudiés et conçus pour être fermés et rester sûrs de manière passive, c’est-à-dire sans nécessiter l’intervention de l’homme. Pour autant, le principe même de la réversibilité est de permettre aux générations futures de revenir sur des décisions prises aujourd’hui sur le stockage des déchets. Il me semble donc nécessaire de garder à l’esprit ce qui est réversible ou non – ce qui dépend de la possibilité d’accéder sans risque aux déchets radioactifs, et soulève plusieurs questions. Comment assurer la sécurité de la réversibilité ? Quelles sont les pistes que vous envisagez et les réflexions que vous faites à ce sujet en vue de nous donner des garanties ? Par ailleurs, comment garder en mémoire la dangerosité du lieu sur des millions d’années ? Enfin, d’après les études que vous avez réalisées, y a-t-il un lien entre la durée de la réversibilité et le coût d’une décision future ?

M. Guy Bailliart. Monsieur le président, monsieur le directeur général, je vous remercie pour la qualité des documents qui nous sont présentés, dans lesquels nous trouvons presque toutes les réponses aux questions que nous nous posons.

Je veux tout de même vous demander de nous rappeler ce qu’est exactement un déchet ultime. Par ailleurs, vous nous dites que les déchets HA et les MA-VL nécessitent, de par leur nature, des traitements différents. Est-il vraiment justifié de mettre en place des modalités de stockage différentes quand on sait qu’une année d’irradiation naturelle équivaut à un temps de présence de l’ordre de 50 millisecondes à un mètre d’un colis HA, ou de l’ordre de cinq secondes à un mètre d’un colis MA-VL – deux périodes extrêmement courtes, même si l’une est cent fois plus longue que l’autre ?

Par ailleurs, qu’est-il prévu pour les déchets situés juste au-dessus de ceux classés MA-VL, dont il doit exister des quantités très importantes – je veux parler des centaines de milliers de tonnes de débris de très faible activité, mais pas tout à fait inoffensifs ?

En matière de déchets, nous sommes habitués aux solutions de l’ordre du « moins pire », mais il est tout de même inquiétant de s’en tenir à ce principe pour les déchets radioactifs, compte tenu de leur durée de stockage extrêmement longue.

Enfin, je m’étonne qu’il soit question dans votre document d’un plan prévoyant une centaine d’années de surveillance, alors que les déchets concernés vont rester actifs bien plus longtemps. Vous dites qu’à l’issue de la période initiale d’une centaine d’années, l’argile prendra le relais pour retenir les déchets et freiner leur déplacement. Comment pouvez-vous affirmer cela avec certitude, alors que l’évolution de ces déchets n’a pu être étudiée que sur quelques dizaines d’années jusqu’à présent ? N’y a-t-il pas un effet cumulatif de génération en génération ?

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le directeur général, vous avez évoqué les contraintes de l’adaptation aux changements de politique énergétique. La majorité a fait voter une loi faisant passer la part du nucléaire de 75 % à 50 % dans la production d’électricité à l’horizon 2025. Hier, on a lu dans la presse qu’EDF visait une hausse de sa production d’électricité d’origine nucléaire grâce à une meilleure maîtrise des arrêts de maintenance sur ses réacteurs. Si l’on arrête des réacteurs nucléaires, la question des déchets va devenir encore plus essentielle – surtout si le coût des déchets est supérieur à ce qui était prévu.

Dans le nucléaire comme ailleurs, il faut de la constance. Si l’on investit pour les déchets, il faut investir davantage pour maîtriser la filière. Quel est, selon vous, l’impact du désengagement du Gouvernement en matière de nucléaire sur le coût de la gestion des déchets ?

Pour ce qui est de la réversibilité, Marie-Claude Dupuis – qui vous a précédé au poste de directeur général, monsieur Abadie – optait pour l’irréversibilité, c’est-à-dire pour la création d’un centre de stockage des déchets radioactifs les plus dangereux destiné à rester fermé durant des milliers d’années. Selon elle, plus il y a de réversibilité, moins il y a de sûreté. Quelle est l’appréciation du monde scientifique sur cette affirmation ?

M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le président, monsieur le directeur général, je vous remercie au nom de tous ceux qui, chaque jour, bénéficient du nucléaire. La production d’électricité nucléaire dans notre pays n’est plus un débat, mais une réalité depuis plus de cinquante ans. Chaque Français l’utilise tous les jours, et elle a traversé toutes les alternances politiques sans remise en cause fondamentale. Aujourd’hui encore, le nucléaire constitue la seule chance pour notre planète de réduire significativement les émissions de CO2, donc de respecter les engagements internationaux sur les modifications climatiques.

Pour conforter cette filière d’excellence dans notre pays, il importe d’aller jusqu’au bout : de ce point de vue, la construction d’un site de stockage semble évidemment nécessaire. Plutôt que d’évoquer la construction de toilettes dans un appartement, comme l’a fait notre collègue Denis Baupin (Sourires), je ferai plutôt la comparaison avec la construction d’une station d’épuration, qui va permettre de rendre cette filière compatible pour l’avenir (Murmures).

À l’heure où l’Union européenne et le monde ont les yeux tournés vers la France, en pointe dans le nucléaire, est-il prévu que le futur centre de stockage accueille un jour des déchets en provenance de l’étranger ?

M. Michel Heinrich. J’aimerais savoir si l’ANDRA a des contacts avec d’autres pays concernés par les mêmes problématiques, notamment les pays scandinaves, les États-Unis ou encore la Belgique.

Par ailleurs, 60 % des produits qui seront générés par le démantèlement des centrales seront des produits de très faible activité – il me semble avoir entendu parler de 1,3 million de mètres cubes. Pouvez-vous nous dire dans quelles conditions ces déchets seront stockés ?

M. Sylvain Berrios. Je rends hommage à l’action de l’ANDRA, qui répond à un impératif national pour les générations futures : puisque les déchets radioactifs existent, il faut bien les gérer.

Un débat s’est engagé au sujet du coût de la gestion des déchets, avec des chiffres allant de 20 milliards d’euros à 32,8 milliards d’euros. En réalité, le coût global dépend pour 30 % des progrès technologiques, et l’on sait aujourd’hui que la gestion des déchets est désormais un élément important de l’économie générale de la filière du nucléaire. Il est d’ailleurs significatif de constater que, le jour même où l’ANDRA a fait connaître sa nouvelle estimation de coût, l’action EDF a baissé de plus de 5 %.

Êtes-vous en mesure d’évaluer une date de rupture technologique permettant d’envisager une clause de revoyure budgétaire ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. L’estimation du coût de Cigéo sur 140 ans donne effectivement lieu à débat. Ce coût sera pris en charge par AREVA, le CEA et EDF. Quelle est la répartition de ce coût entre les trois acteurs de la filière nucléaire, qui devront constituer des provisions, et quel sera le rythme de constitution de ces provisions ?

M. Pierre-Marie Abadie. Plusieurs questions ont porté sur le thème de la sûreté et de la réversibilité, deux notions que l’on a longtemps opposées en une vision consistant à dire que, plus tôt les déchets seraient enfermés, mieux cela vaudrait pour la sûreté et, à l’inverse, que plus tard ils seraient enfermés, mieux cela vaudrait pour la réversibilité. Plus on a progressé dans la réflexion sur cette question, plus cette vision a semblé simpliste.

Pour ce qui est de la sûreté après fermeture, c’est bien l’argile qui assure la fonction principale de sûreté, la qualité des scellements entre le fond et la surface étant également très importante. La sûreté en exploitation dépend, elle, de nombreux facteurs liés aux conditions industrielles d’exploitation, à la sûreté des travailleurs, ou à la ventilation. De ce point de vue, le fait de fermer plus tard ne s’oppose pas à la sûreté en exploitation. La coactivité telle que nous l’avons actuellement définie, prévoyant de mener simultanément des opérations de construction et de remplissage des alvéoles, ne nous pose pas de problème dès lors que les deux activités sont physiquement séparées ; cela dit, il est certain que si l’on devait assurer dans le même temps une troisième activité, consistant en la fermeture d’alvéoles, on ajouterait de la complexité, ce qui plaide en faveur d’une fermeture plus précoce ou plus tardive de certains quartiers. Il faut trouver un équilibre entre exploitation industrielle, sécurité des travailleurs, sûreté en exploitation, récupérabilité et réversibilité, et c’est ce que nous sommes en train de faire dans le cadre des travaux que nous avons menés en vue de l’élaboration de l’avant-projet sommaire : nous ferons de premières propositions en ce sens à l’Autorité de sûreté.

La sûreté après fermeture soulève la question du lien avec la mémoire. Le principe du stockage profond est celui d’une sécurité passive, c’est-à-dire ne nécessitant plus de surveillance. Il ne serait, en effet, pas réaliste de prétendre assurer la surveillance des déchets durant des milliers d’années. Si l’on admet conventionnellement qu’il doit être possible de garantir les institutions à l’horizon de 500 ans, au-delà, il faut basculer dans la sécurité passive, qui ne repose plus sur la surveillance – ce qui n’exclut pas formellement que celle-ci existe encore.

On peut toujours essayer de repousser cet horizon en ajoutant de nouveaux éléments de sûreté, de nouvelles couches de protection, et en faisant en sorte de renforcer la mémoire. En tout état de cause, ces éléments ne font que se superposer au principe de base qu’est la sûreté passive du stockage.

S’efforcer de déterminer le coût de la réversibilité est un exercice compliqué, car nombre de choix techniques ont été faits pour d’autres raisons que la réversibilité – je pense notamment aux raisons liées à la sûreté en exploitation, telles que la robustesse des galeries ou l’automatisation. On dit parfois que la réversibilité se traduirait par un surcoût de 5 % à 10 %, un chiffre que je ne commenterai pas. En réalité, si le surcoût strictement lié à la réversibilité est assez limité, celui qui résulterait du fait de ne pas prendre ces mesures pourrait être très élevé. De ce point de vue, il existe plusieurs exemples connus, notamment celui du site StocaMine, en Alsace : faute d’avoir pris certaines mesures très simples – par exemple, le fait de préserver un espace suffisant entre la galerie et les déchets –, le retrait des déchets, lorsqu’il se révèle nécessaire, est beaucoup plus coûteux. Un autre exemple du même type est celui de la mine d’Asse, en Allemagne. Il convient donc de relativiser la notion de coût de la réversibilité : celui-ci est profondément lié aux concepts technologiques qui ont été retenus au titre de la sûreté ou de l’exploitabilité.

La répartition du coût de Cigéo est, me semble-t-il, la suivante : 75 % pour EDF, 17 % pour le CEA et 7 % pour AREVA.

En réponse à Mme Marie Le Vern, je dirai qu’une revue régulière est nécessaire, mais que nous comptons également sur un progrès continu. Conformément à une recommandation commune à l’ASN, à la Commission nationale d’évaluation et à l’ANDRA, l’évaluation des coûts doit être régulièrement refaite, d’autant que le parc nucléaire français a encore plusieurs années devant lui – contrairement au parc allemand, qui va fermer très rapidement –, ce qui nous permet de provisionner régulièrement, au fur et à mesure de la production des déchets. Les apprentissages que nous emmagasinons – nous en saurons encore davantage à l’issue de l’avant-projet détaillé – nous permettent d’accroître régulièrement nos possibilités de réajustement.

Enfin, nous devons distinguer l’investissement nécessitant de mobiliser du cash à court terme de celui qui sera réalisé ultérieurement. J’ai évoqué la partie de l’investissement liée à la première tranche, s’élevant à environ 4 milliards d’euros ; cette somme doit être mise en perspective de ce que représente, par exemple, le grand carénage d’EDF, dont le coût serait de l’ordre de 40 à 50 milliards d’euros.

Plusieurs questions ont porté sur l’international. Deux pays se trouvent actuellement au même stade de développement que nous, à savoir qu’ils viennent d’entrer en phase de conception et d’instruction vis-à-vis de leurs autorités de sûreté : il s’agit de la Finlande et de la Suède. Une décision de principe de l’autorité de sûreté finlandaise a avalisé les grands principes du stockage relatifs au site d’Onkalo, sur la presqu’île d’Olkiluoto. Les Suédois sont entrés dans la phase d’instruction de leur dossier. Quant à nous, nous préparons le dépôt de notre dossier à l’horizon 2018. Cela dit, les procédures ne sont pas tout à fait identiques, et les Finlandais ont pris des décisions sur un niveau d’études situé plus en amont que le nôtre. Ces trois pays se réfèrent chacun à des concepts qui leur sont propres, et essentiellement liés à la géologie et à la taille de leurs parcs. Nous sommes dans l’argile, comme la Suisse et la Belgique – qui avancent bien –, tandis que les pays nordiques sont dans le granit, qui présente l’intérêt d’une très grande imperméabilité, mais le défaut d’être une roche qui faille assez facilement – ce qui oblige les pays du Nord à recourir obligatoirement à des colis faisant environ deux mètres de long, et recouverts de sept centimètres de cuivre. Nous bénéficions d’une double chance : d’une part, nous disposons de couches géologiques d’argile, un matériau présentant de nombreux avantages en matière de stockage ; d’autre part, nous avons à traiter les déchets provenant d’environ soixante réacteurs, et non dix fois moins, comme en Suède ou en Finlande.

Nous avons une forte activité internationale, d’abord avec les pays ayant fait les mêmes choix que nous, par exemple les Suisses et les Belges pour ce qui est des aspects scientifiques, ou les Suédois pour les questions d’accompagnement des territoires et de dialogue avec les populations – pour cela, une Suédoise siège d’ores et déjà au sein de l’un de nos comités de conseil – ainsi que pour l’ingénierie et la conduite de projet, dans lesquelles la Suède a une grande expérience.

Pour répondre à M. Denis Baupin, je dirai que nous n’avons pas du tout fait le choix du low cost. En réalité, nous avons compris que certaines questions allaient être résolues dès 2018, à l’issue des études, tandis que d’autres ne trouveraient leur solution que lorsque nous les aborderons concrètement, par exemple lors des premiers creusements. Ainsi, si nous retenons actuellement une vitesse de creusement de trois mètres par jour – résultant de notre expérience en laboratoire et d’autres expériences industrielles –, il n’est pas exclu que cette vitesse atteigne cinq mètres par jour : la différence entre ces deux estimations se traduit immédiatement par une différence de coût de 1,2 milliard d’euros. De même, en matière de dimensionnement, nous pensons construire des alvéoles de stockage de 70 centimètres de diamètre sur 100 mètres de long, mais nous pensons pouvoir passer à 150 mètres de long au bout d’un certain temps, ce qui permettrait également une réduction des coûts.

M. Denis Baupin. Avec des alvéoles de 150 mètres de long, vous pensez vraiment que la réversibilité sera assurée ?

M. Pierre-Marie Abadie. Justement, toute la question est là, et je vous répète que nous ne passerons à ce format que si nous sommes certains de pouvoir le faire en toute sécurité à l’issue de la phase pilote HA0. Là encore, l’enjeu s’élève à 1,2 milliard d’euros. Comme vous le voyez, ce n’est pas une question de low cost, mais de développement incrémental.

Il m’a été demandé quelle serait la durée de la phase industrielle pilote. Pour nous, cette phase initiale de dix ans correspond à la prise en main de l’équipement et doit être suivie de rendez-vous réguliers. En plus des revues de sûreté décennales déjà prévues par l’ASN, des rendez-vous réguliers doivent être pris avec les différentes parties prenantes afin de suivre les évolutions, de franchir les grandes étapes qui jalonnent le projet – je pense, par exemple, à la construction des alvéoles HA1 et HA2, ou encore à la fermeture des premiers quartiers. Il ne faut donc pas voir la période d’apprentissage comme une période à l’issue de laquelle il ne se passe plus rien : une fois la phase d’exploitation courante entamée, il y aura encore des rendez-vous réguliers de sûreté et de gouvernance avec les différents acteurs concernés.

Une semaine seulement après l’accident, il est difficile de savoir combien de temps il faudra aux experts pour rendre leurs conclusions.

Je réaffirme très solennellement que Cigéo n’a pas vocation à stocker les déchets étrangers. En tout état de cause, la loi française est très claire sur ce point, la question ne se pose donc pas.

Le projet de territoire est au cœur du projet Cigéo. Dès le début, nous avons travaillé avec les deux départements concernés, à savoir la Meuse et la Haute-Marne, et un accompagnement économique a été mis en place depuis plusieurs années, au travers de groupements d’intérêt public. La réalisation du projet se rapproche et se concrétise par la construction de routes, d’un poste électrique, d’une voie de chemin de fer, et des infrastructures d’approvisionnement en eau. Après évaluation de la demande d’autorisation de création et enquête publique, nous en viendrons aux travaux de terrassement puis, en 2021, aux premiers creusements, sous réserve d’avoir obtenu l’autorisation de l’autorité de sûreté. Dès maintenant, ont lieu chaque jour sur le terrain des opérations préalables au dépôt des dossiers, qu’il s’agisse d’archéologie préventive, de forages ou de relevés environnementaux visant à préparer les études d’impact. Tout cela suppose de travailler en concertation avec le territoire. Chacun reste évidemment dans son rôle : il n’appartient pas à l’ANDRA de dicter au territoire les décisions à prendre dans les domaines relevant de ses compétences. En revanche, il est de notre devoir de fournir le plus tôt possible toutes les caractéristiques du projet dont la connaissance est nécessaire au territoire pour se préparer.

Il convient également de travailler avec le territoire afin qu’il tire le meilleur parti possible de la réalisation du projet en matière de développement, d’emploi, de formation, d’attractivité et, plus généralement, de développement. Nous allons, dans les semaines qui viennent, remettre un certain nombre de documents, parmi lesquels se trouve le document de territoire, ayant vocation à projeter dans le temps des éléments relatifs à notre projet, mais également d’identifier, en matière d’emploi ou de développement économique, par exemple, ce que pourrait apporter l’ANDRA et au moyen de quelles actions.

En matière de développement économique, nous avons adopté depuis longtemps une politique d’achat local. Il faut également préparer le territoire aux grandes étapes de construction que seront le terrassement, les travaux de BTP, puis la mise en place de l’équipement nucléaire. Pour les entreprises de mécanique souhaitant entrer dans le secteur nucléaire, les marchés que notre projet devrait ouvrir sont encore lointains. Cela dit, il est possible de mettre en place dès aujourd’hui des synergies avec EDF, grâce aux marchés que procure le grand carénage. De même, en matière d’emploi, nous travaillons, dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) territoriale, afin de pouvoir recruter, le moment venu, suffisamment de conducteurs de chantiers, de personnels du BTP et d’autres spécialités, à la fois pour nous-mêmes et pour nos sous-traitants. De ce point de vue, les documents que nous allons mettre sur la table ne sont pas figés dans le temps : ce sont avant tout des documents de travail, qui permettent d’engager la discussion avec le territoire.

Soit directement, soit par le biais de mises en réserves auprès de la SAFER, l’ANDRA dispose d’environ 3 000 hectares de terrain. Une telle superficie peut paraître disproportionnée par rapport à la surface qui sera finalement utilisée par nos sites. Il y a plusieurs explications à cela. Premièrement, nous avons eu besoin d’acquérir certains terrains afin de procéder à des opérations d’échange avec les agriculteurs. Deuxièmement, certaines de nos acquisitions constituent des réserves dans la perspective des compensations environnementales qui seront mises à notre charge, notamment en raison des défrichements auxquels nous devrons procéder, qui nécessitent que nous possédions de la forêt en quantité suffisante, en termes de surface comme de variété d’essences, pour répondre aux choix qui seront faits en matière de compensation. Une fois toutes les opérations d’échange et de compensation effectuées, nous libérerons les surfaces que nous n’aurons pas utilisées.

En matière de compensation, au-delà des obligations réglementaires – la compensation d’une zone humide, la préservation d’un couloir écologique –, nous avons la conviction qu’il faut avoir une vision à plus long terme, et plus étendue sur le plan territorial. Nous ne devons pas perdre de vue qu’en plus des défrichements réalisés au départ, d’autres auront lieu au cours des 150 ans du stockage. Par ailleurs, certaines entreprises installées autour de notre site de stockage pourraient être intéressées par la possibilité d’accéder aux réserves d’actifs de compensation que nous avons constituées. Il faut donc adopter une vision territoriale collective de la compensation écologique, sur le long terme.

La question des déchets ultimes et du seuil de libération des déchets de très faible activité n’est en rien spécifique à Cigéo, mais constitue néanmoins un sujet important pour la filière et pour l’ANDRA. Si nous possédons dans l’Aube des sites dédiés à la gestion de ces déchets, il faut bien reconnaître que la perspective du démantèlement des centrales risque de poser un problème, car cela va se traduire par l’arrivée massive de millions de mètres cubes de déchets de très faible activité, voire pas du tout contaminés. Aujourd’hui, au regard du droit français et de l’ASN, il n’existe pas de seuil de libération, contrairement à ce qui se fait dans la plupart des autres pays – ce qui donne lieu à un débat acharné entre les partisans d’un seuil de libération et ceux qui sont résolument contre. L’ASN, qui dispose d’une véritable légitimité historique, considère qu’il importe de faire en sorte qu’un déchet provenant d’une zone dénucléarisée ne puisse se retrouver n’importe où : il ne faut pas qu’il fasse sonner le portique d’une décharge classique, comme cela a pu arriver dans les années 1990. Cela dit, il est tout aussi légitime de considérer qu’il est injustifié de déplacer des millions de mètres cubes de gravats inoffensifs pour aller les placer en un lieu sécurisé.

Alors que les positions des uns et des autres étaient assez figées jusqu’à une époque récente, plusieurs commissions viennent d’être mises en place, et des missions menées, afin de réfléchir à ce qui pourrait être fait au sujet des gravats d’une part, de la ferraille recyclée et dépolluée d’autre part. Cette démarche pose plusieurs questions, notamment celle du niveau de traçabilité que l’on souhaite maintenir, et de proportionnalité des solutions à apporter en matière de stockage, par exemple en termes de robustesse. Peut-être trouvera-t-on des solutions pragmatiques dans le cadre actuel, c’est-à-dire en maintenant le principe de l’absence de seuil de libération, à l’issue d’un dialogue entre les producteurs de déchets – EDF, AREVA et CEA – l’ASN et l’ANDRA.

S’il se révèle impossible de trouver de telles solutions, il faudra engager un vrai débat sociétal afin de déterminer quelle est la solution la plus adaptée pour les déchets inoffensifs, mais représentant une masse énorme – soit les laisser sur place en les sécurisant, soit les banaliser, soit les déplacer sur de très longues distances pour les stocker –, en tenant compte des critères écologiques, mais aussi économiques, c’est-à-dire de l’impact des différentes solutions sur les moyens de la collectivité.

M. Christophe Bouillon. Le concept de responsabilité ressort très nettement de l’ensemble des interrogations qui ont été formulées. La responsabilité, cela signifie apporter des réponses. Il s’agit d’abord des réponses que nous devons apporter aux générations actuelles en matière de déchets et, sur ce point, la question de la responsabilité élargie du producteur a souvent été évoquée au sein de cette Commission. On peut imaginer que l’ANDRA est une forme d’éco-organisme ayant pour mission de trouver une destination aux déchets produits par la filière nucléaire, par les secteurs de la recherche et de la santé, ainsi que par les activités liées à la défense nationale – je pense notamment aux sous-marins nucléaires.

Nous avons également des réponses à apporter aux générations futures, car il est inconcevable de les laisser se débrouiller avec des problèmes auxquels nous n’avons pas su trouver de solution. Ces réponses doivent intégrer les conditions du moment, mais aussi se projeter un peu dans l’avenir, notamment pour ce qui est des questions relatives au coût.

Nous avons des responsabilités vis-à-vis des territoires qui acceptent d’accueillir un projet qui n’est pas seulement d’intérêt général, mais d’intérêt national. De ce point de vue, la qualité du projet de territoire, la contribution de l’ANDRA au développement de ces territoires, me paraissent constituer des enjeux essentiels.

Enfin, nous avons aussi une responsabilité vis-à-vis des décisions prises par la représentation nationale. En 1991, la loi Bataille traçait déjà trois chemins possibles pour les déchets, à savoir soit la séparation et la transmutation, soit le stockage de longue durée en surface ou subsurface, soit le stockage en couche géologique profonde. Après un débat en 2005, le Parlement a fait le choix en 2006 du stockage géologique profond, avec l’idée qu’il appartenait à la représentation nationale de fixer les conditions de la réversibilité.

Vous nous avez interrogés au sujet des initiatives prises pour répondre à ce rendez-vous de la réversibilité, notamment au sujet de la proposition de loi de Jean-Yves Le Déaut. S’il ne nous appartient pas de fixer le calendrier des travaux du Parlement, je peux néanmoins dire que cette proposition constitue une bonne base, qui apporte les réponses nécessaires pour continuer à mener à bien un projet décidé par la représentation nationale. On ne peut souhaiter un débat le plus transparent possible, intéressant l’ensemble de la Nation, et, dans le même temps, refuser que ce débat ait lieu dans le cœur battant de la République qu’est le Parlement : de mon point de vue, il est tout à fait essentiel de continuer sur le chemin démocratique que nous suivons depuis vingt-cinq ans.

Le fait d’assumer ses responsabilités en répondant aux générations actuelles et futures, aux territoires et aux décisions prises par la représentation nationale, est fondé sur plusieurs exigences. Il s’agit d’abord de la sûreté, qui n’est pas négociable et fait partie des missions fondamentales de l’ANDRA. Pour ce qui est des coûts, ils représentent un investissement pour les générations futures tout en répondant aux exigences de sûreté. Enfin, il existe une exigence de continuité, car sur un sujet tel que la gestion des déchets radioactifs, il n’est pas permis de changer d’orientation tous les cinq ou six ans. (Approbations)

Dès lors que les déchets existent et que l’on considère impossible de les laisser aux générations futures sans solution, on ne peut rompre du jour au lendemain avec ce long récit commencé il y a vingt-cinq ans.

Bien sûr, cela ne doit pas nous empêcher de tenir compte des incrémentations technologiques, que l’ANDRA est parfaitement capable d’intégrer pour améliorer constamment son projet, comme elle l’a démontré. Par ailleurs, les recherches scientifiques portant sur le traitement des déchets résultant de l’utilisation des combustibles nucléaires, dans lesquelles l’ANDRA est impliquée, se poursuivent, et sont susceptibles d’aboutir à des résultats de nature à améliorer ses projets. Enfin, à la suite du débat public de 2013, l’ANDRA a pris en compte des évolutions liées à la réalité de la société : je veux parler de l’exigence des citoyens, qui me paraît tout à fait légitime, d’être pleinement associés à un projet tel que Cigéo. Quels que soient le projet et le territoire où il est mené, la question de l’acceptabilité se pose systématiquement. L’ANDRA a pris la décision, via son conseil d’administration, de mettre en place un comité « Éthique et société », qui doit permettre d’éclairer nos décisions, dans une volonté permanente d’élargissement.

Je vous remercie pour vos questions, qui reflètent celles que se posent nos concitoyens, et j’espère que nous avons su vous convaincre de la volonté de l’ANDRA de répondre au mieux aux missions qui lui ont été confiées par la représentation nationale.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le président, monsieur le directeur général, je vous remercie pour cette audition particulièrement riche.

——fpfp——

Informations relatives à la commission

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La proposition de résolution européenne de Mme Danielle Auroi sur la révision des procédures de mesure des émissions de polluants atmosphériques automobiles (n° 3396) a été transmise à notre commission. Compte tenu de l’obligation pour la commission de se prononcer avant le 17 février prochain, nous n’examinerons pas cette proposition de résolution qui sera donc considérée comme adoptée dans un délai d’un mois.

Par ailleurs, j’appelle votre attention sur le calendrier d’examen en deuxième lecture du projet de loi relatif à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages que le Gouvernement envisage d’inscrire à l’ordre du jour de notre Assemblée dans la semaine du 15 mars prochain. Cela nous conduit à examiner le texte en navette dès la reprise après la suspension des travaux parlementaires. Compte tenu qu’il reste 160 articles à examiner dont 60 nouvellement adoptés par le Sénat, il est prévu de répartir l’examen sur deux semaines. Nous commencerons l’examen des articles le mardi 1er mars en fin d’après-midi et poursuivrons les 2, 8 et 9 mars. En conséquence, le délai de dépôt des amendements sera fixé au vendredi 26 février à 15 heures.

M. Martial Saddier. Je constate que le délai de dépôt des amendements tombe pendant la demande de suspension des travaux parlementaires.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je rappelle que le système électronique Eloi permet de déposer les amendements à distance, sans qu’il soit nécessaire d’être présent à l’Assemblée, ni d’attendre le dernier jour pour les déposer.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 3 février 2016 à 9 h 30

Présents. - M. Guy Bailliart, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Sylvain Berrios, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Laurent Furst, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Marie Le Vern, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, Mme Chantal Berthelot, M. Jean-Pierre Blazy, Mme Sabine Buis, Mme Florence Delaunay, M. Christian Jacob, M. Franck Marlin, M. Napole Polutélé, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville, M. Thomas Thévenoud, M. Jean-Pierre Vigier

Assistaient également à la réunion. - M. Denis Baupin, M. Dino Cinieri