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Mardi 16 février 2016

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 35

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet, Président, de Mme Danielle Auroi, Présidente de la commission des affaires européennes et de Mme Frédérique Massat, Présidente de la commission des affaires économiques

– Audition, commune avec la commission des affaires européennes et la commission des affaires économiques, de M. Karmenu Vella, commissaire européen en charge de l’Environnement, des affaires maritimes et de la pêche

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu, conjointement avec la commission des affaires européennes et la commission des affaires économiques, M. Karmenu Vella, commissaire européen en charge de l’Environnement, des affaires maritimes et de la pêche.

Le Président Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. Au nom de Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes, et au nom de Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques, je vous souhaite la bienvenue, monsieur le commissaire, pour cette audition conjointe.

La Présidente Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Je suis très heureuse, monsieur le commissaire, de vous recevoir aujourd’hui, pour la première fois à l’Assemblée nationale, pour parler de deux sujets majeurs, l’environnement et la pêche, dans le cadre de cette audition conjointe avec la commission du développement durable et la commission des affaires économiques. Nous essayons d’organiser ce type d’auditions communes le plus souvent possible, pour entendre ce que fait, ou ce que ne fait pas, l’Union européenne.

Deux textes importants de cette législature, la loi relative à la transition énergétique et le projet de loi sur la biodiversité, démontrent pleinement l’engagement de notre assemblée sur les priorités environnementales. Cette audition a également lieu sur le fond positif de la réussite de la COP 21, mais aussi sur le fond du scandale Volkswagen, événement certes moins positif.

Le programme de travail de la Commission pour 2016 donne la priorité aux « modifications législatives pouvant avoir un impact rapide et direct sur l’emploi et la croissance, sur l’environnement et le bien-être social, sur la sécurité et la manière d’aborder un monde interconnecté ».

Parmi les vingt-trois initiatives nouvelles, je regrette que seules deux concernent directement l’environnement, le paquet « économie circulaire » et l’initiative « Prochaines étapes pour un avenir européen durable ».

Après le retrait du premier paquet présenté en juillet 2014, qui avait provoqué des inquiétudes partagées par beaucoup, en particulier ici, la Commission a respecté son engagement et adopté le 2 décembre dernier un nouveau paquet « économie circulaire », que vous avez, avec les vice-présidents Timmermans et Katainen, présenté au Parlement européen le même jour.

Son approche a reçu un accueil très mitigé. Les ambitions que vous affichez en matière de gestion des déchets sont en effet revues à la baisse, par rapport à la première mouture, et si le plan d’action a pour ambition de permettre une transformation en profondeur du fonctionnement de notre économie, il laisse de côté la question – pourtant centrale – de l’efficacité de l’utilisation des ressources, ainsi que celle du marché des matières secondaires, questions que notre commission des affaires européennes a jugé essentielles à la réussite de cette transition vers un nouveau modèle d’économie, dans une résolution européenne adoptée en décembre dernier.

Quelles réponses pouvez-vous donc apporter à nos inquiétudes, également exprimées par le Parlement européen et les organisations non gouvernementales (ONG), quant à l’impact environnemental de ce paquet et au flou qui demeure sur la déclinaison opérationnelle du plan d’action, notamment en matière d’écoconception et d’empreinte environnementale ?

Parallèlement, un financement a été annoncé, de 5,5 milliards d’euros, issus à la fois des fonds structurels et d’investissement européens, du programme Horizon 2020, et des fonds structurels pour la gestion des déchets. Pouvez-vous nous préciser les modalités de ce financement ?

Ce paquet pose également la question de l’articulation avec la réglementation sur les substances chimiques, alors qu’est en cours un bilan de l’ensemble des réglementations sur les produits chimiques, hors règlement REACH, l’évaluation de ce dernier étant prévue en 2017. Fin novembre, le Parlement européen s’est ainsi massivement opposé à l’utilisation du phtalate DEHP dans des PVC recyclés. Comment comptez-vous procéder pour garantir un niveau élevé de protection de nos concitoyens ? Nous connaissons bien l’aspect nuisible des phtalates.

En matière de biodiversité, le récent rapport sur l’état de la nature dressé par l’Agence européenne de l’environnement montre que la stratégie mise en place en 2011 pour enrayer le déclin de la biodiversité à l’horizon 2020 et la dégradation des services systémiques est loin de produire les effets attendus : 30 % des espèces protégées sont menacées ; l’environnement marin est toujours surexploité. Un consensus semble pourtant émerger entre le Parlement européen et les États membres pour dire que la réglementation existante
– notamment les directives Nature, à savoir la directive Habitat et la directive Oiseaux – a été efficace et qu’il conviendrait, d’une part, de renforcer sa mise en œuvre, et, d’autre part, de renforcer les financements qui y sont consacrés. Pouvez-vous nous rassurer quant à ces derniers ?

Quelle réponse la Commission peut-elle apporter à cet égard ? Comment son action doit-elle et peut-elle s’articuler avec celle des États membres ? Dans cette assemblée, nous allons examiner d’ici peu, en deuxième lecture, le projet de loi sur la biodiversité, porté par Mme Ségolène Royal. Comment mieux intégrer la biodiversité à d’autres secteurs, en particulier à la pêche, mais aussi à l’agriculture ? Pouvez-vous nous indiquer comment vous entendez mieux agir contre le trafic illicite d’espèces sauvages, ainsi que la menace croissante que représente pour la biodiversité et les écosystèmes les espèces envahissantes, liées à des trafics commerciaux passés ou présents, alors que le Parlement européen a jugé en décembre dernier inadéquate la liste d’espèces invasives proposée par la Commission ? Pensez-vous revoir cette liste des espèces invasives ?

Enfin, et c’est un sujet d’actualité tant pour l’Union que pour la France – puisque la Cour des comptes vient de publier un rapport d’évaluation des politiques nationales de lutte contre les pollutions atmosphériques peu flatteur – comment mieux protéger nos concitoyens des effets de la pollution de l’air ? Chaque année, cette dernière est la cause de plus de 400 000 décès prématurés en Europe. Elle est à l’origine de nombreuses maladies respiratoires et cardio-vasculaires et d’un affaiblissement de la qualité de la vie des Européens, notamment dans les villes.

Les objectifs définis dans la directive de 2001 fixant des plafonds d’émission nationaux pour certains polluants atmosphériques sont arrivés à échéance en 2010, ils doivent donc être revus.

Une proposition de révision de cette directive a été faite par la Commission en décembre 2013. Plus de deux ans plus tard, où en sommes-nous ? Peut-on espérer un accord rapide sur un texte ambitieux, alors que le Conseil a amoindri le niveau d’ambition, n’a pas retenu la proposition du Parlement européen d’un objectif intermédiaire contraignant en 2025, et a prévu un système élargi de flexibilités ? Je dois vous dire que les récents développements sur la question des émissions de pollution automobile m’incitent au pessimisme, car je ne trouve guère encourageante la réponse donnée à la triche de Volkswagen. Quel signal cet assouplissement des normes d’émissions automobiles donne-t-il, à vos yeux comme aux yeux des consommateurs européens ?

Je ne veux pas être trop longue, et je serai donc volontairement brève à ce stade sur les questions de pêche, importantes et sensibles, que mes collègues vont certainement aborder, dans leurs dimensions économiques et sociales, mais aussi environnementales.

Je voudrais simplement dire à ce stade que nous sommes fortement inquiets pour l’avenir des ressources halieutiques, mais aussi des petits pêcheurs artisanaux, qui sont plus menacés que les gros pêcheurs industriels.

En Atlantique, le «  rendement maximum durable », semble en voie d’être atteint pour de nombreux stocks, mais la connaissance des ressources halieutiques doit encore être renforcée et améliorée afin d’optimiser la politique des totaux admissibles de capture (TAC). En Méditerranée, la situation est particulièrement préoccupante, selon vos propres déclarations, du fait à la fois de la surpêche et de la pollution. À peine 4 % des stocks pêchés par les navires européens s’approcheraient du rendement maximum durable. Pouvez-vous nous préciser votre point de vue à ce sujet et les actions entreprises ou envisagées ?

La Présidente Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. Je vous souhaite à mon tour la bienvenue à l’Assemblée nationale. La commission des affaires économiques compte la pêche dans son périmètre de compétences. Certains déplorent que ce sujet ne soit pas suffisamment abordé en son sein. Je suis sûre que notre réunion d’aujourd’hui saura leur apporter satisfaction sur ce point.

La France est le quatrième producteur européen après l’Espagne, l’Angleterre et le Danemark. La pêche a donc une dimension économique assez importante. La politique commune de la pêche est révisée tous les dix ans, la dernière révision remontant à 2013. Des sujets restent en débat, comme les TAC ou la pêche en eau profonde, dont les enjeux sont importants tant pour l’environnement que pour l’activité économique de nos pêcheurs.

Je souhaiterais vous interroger plus particulièrement sur la proposition de révision du règlement sur la pêche en eau profonde que la Commission européenne a présentée le 19 juillet 2012. Elle vise à renforcer le régime d’encadrement des pêcheries d’espèces d’eau profonde, avec notamment l’extension du champ d’application de ce régime à d’autres zones de pêche que celles actuellement couvertes, l’élargissement de la liste des espèces profondes visées, l’élargissement des flottes de pêche soumises à l’obligation de détention d’une autorisation de pêche spécifique, l’obligation de réduction de la capacité de pêche ou encore la restriction de la liste des engins autorisés. Sur ce dossier technique, mais aussi polémique, où en sont les discussions ? Quelles sont les avancées ? Quel est l’atterrissage prévu, si je puis m’exprimer ainsi ?

M. Karmenu Vella, commissaire européen en charge de l’environnement, des affaires maritimes et de la pêche. Mesdames les présidentes, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de cette invitation de vos trois commissions. Je suis particulièrement heureux d’être ici, car c’est pour moi, en un sens, comme me sentir à la maison. Avant de devenir commissaire européen en charge de l’environnement, des affaires maritimes et de la pêche, j’ai été parlementaire à Malte pendant trente-huit ans. J’ai donc une compréhension profonde de votre rôle. Pour être vraiment efficace, la politique européenne doit faire deux choses : elle doit être facile à mettre en œuvre et facile à comprendre. Votre rôle est de garantir l’un et l’autre.

Vous êtes en effet au contact quotidien de vos circonscriptions et des situations locales. Vous comprenez bien le contexte pratique où doivent s’insérer les politiques environnementale et maritime. Vous êtes les mieux placés pour vous assurer que les aspects de durabilité sont pris en compte dans tous les champs de l’action politique.

Lorsque je dis que c’est un petit peu comme d’être à la maison que de venir ici, cela est aussi dû au fait que, depuis que je suis commissaire, la France est le pays que j’ai le plus visité – en dehors de Malte, bien entendu ! L’une de mes premières missions fut pour Lyon. J’y ai remis le prix européen de l’entreprise pour l’environnement. Ces prix sont la vitrine de l’innovation et du talent européen. Et l’occasion fut pour moi un révélateur précoce du potentiel énorme de l’Europe dans le domaine de l’économie circulaire.

Je viens régulièrement à Paris. La conférence sur le climat, ou COP 21, compte bien sûr parmi les événements marquants où je me suis rendu. Mais j’ai également assisté à plusieurs salons du commerce maritime où l’innovation française était à l’honneur.

Au cours de ma tournée sur la gouvernance des océans, j’ai visité Brest. J’y ai été impressionné par la beauté magnifique du parc d’Iroise, qui est désormais une zone Natura 2000. Si mes visites en France sont si fréquentes, c’est que votre pays joue un rôle essentiel pour l’Union européenne. Car vous promouvez la coopération à l’intérieur de l’Union européenne et sur le plan international. La COP 21 en a fourni l’un des meilleurs résultats.

Aujourd’hui, je voudrais me pencher sur notre programme commun, afin de voir comment nous pouvons faire avancer ensemble les différents points. Je commencerai par un rappel que je crois plus nécessaire que tout autre. Je pense que la politique environnementale et la politique de croissance doivent être indissociables. Il ne s’agit pas d’une quelconque question d’équilibre. Il s’agit d’une stratégie intégrée. L’environnement, les pêches et la politique maritime peuvent stimuler notre économie, tout en sauvegardant nos ressources si précieuses. Voilà ce que j’appelle une croissance verte et bleue. Ce sont les meilleurs outils dont nous disposons pour stimuler la compétitivité européenne. En nous en servant comme il faut, nous pouvons créer des emplois pour l’avenir et créer un avenir à ces emplois.

La dynamique est puissante. La COP 21 fut une grande réussite pour les peuples et pour la planète. Je n’ai que des louanges à adresser à la France et à ses dirigeants, qui en furent les hôtes et en assurèrent la présidence. Pour reprendre les mots de mon collègue et ami le commissaire au Climat Miguel Arias Cañete, la COP 21 était notre dernière chance, et nous l’avons saisie. L’accord a prouvé que l’ouverture et l’inclusivité peuvent fonctionner. Tous les pays se sont investis dans cet accord, parce qu’ils s’y sentaient partie prenante.

Dans la phase préparatoire à la conférence de Paris, la communauté internationale est arrivée à un consensus sur l’Agenda 2030 du développement durable. Il appelle à agir indifféremment les pays à bas, à moyen et à haut revenu. Il constitue un programme équilibré et intégré, défini par des objectifs et des cibles économiques, sociaux et environnementaux. Je suis fier de ce que l’Union européenne ait pu le rendre possible.

Mais ces deux accords passeront l’épreuve décisive au moment de leur mise en œuvre. Il s’agira de savoir comment la communauté internationale apporte de réels changements dans la vie des gens. Beaucoup dépendra de la détermination des dirigeants politiques.

La Commission est déterminée à mettre en œuvre l’Agenda 2030 et aide les autres pays à faire de même. Le programme de travail de la Commission pour cette année trace les prochaines étapes pour un avenir européen durable. Je m’implique personnellement pour en faire une réussite.

Le meilleur moyen de convaincre est d’entraîner par le bon exemple. Je voudrais prendre le temps de vous expliquer, cet après-midi, trois priorités qui permettent à l’Union européenne d’agir en ce sens : la croissance intelligente et durable, le projet de renouer le lien entre l’Europe et le citoyen, et la volonté de marquer des progrès sur le terrain.

Commençons par la croissance intelligente et durable. C’est l’essence du paquet sur l’économie circulaire que la Commission a publié en décembre dernier.

Je pense que nous pouvons tous être d’accord pour dire que le modèle du tout jetable est un modèle du passé. L’Europe de l’avenir aura besoin de retenir les ressources, si précieuses, dans la chaîne de production, comme elle aura besoin d’exploiter pleinement la valeur économique qu’elles contiennent en elles.

Le paquet que nous avons adopté nous donne la possibilité d’atteindre un niveau très élevé en matière de gestion des déchets. Il nous donne la possibilité de développer des chaînes de production qui sont véritablement circulaires. À notre sens, la transformation viendra d’une réglementation simple et intelligente, combinée à des incitations.

L’économie circulaire n’est pas seulement une initiative environnementale parmi d’autres. Les avantages environnementaux seront énormes. Mais le potentiel économique et les occasions de faire des affaires sont tout aussi importants. En réalité, ce sera un triple gain. La société pourra y gagner grâce à la création d’emplois, grâce aux économies dégagées pour les entreprises et grâce à la diminution des émissions de carbone. C’est une opportunité majeure pour l’Europe ; la France est bien placée pour en récolter beaucoup de bénéfices.

Adoptée l’été dernier, la loi française de transition énergétique pour une croissance verte traite aussi de l’économie circulaire. Elle fut une source d’inspiration pour la Commission lorsque nous avons préparé le paquet législatif européen.

La France compte déjà beaucoup de champions de l’économie circulaire. Le mois dernier, par exemple, au forum économique mondial de Davos, Veolia s’est vu attribuer l’un des prix circulaires. Ces prix prestigieux récompensent la pensée en économie circulaire. Ce prix récompensait l’usage de stratégies circulaires pour remettre à neuf des produits, pour prolonger le cycle de vie des produits, pour recycler des eaux usées et pour améliorer l’efficience énergétique. Voilà un très bon exemple de l’excellence française en ce domaine.

C’est aussi un très bon exemple de l’approche intégrée. Comme je l’ai dit, si nous pensons seulement en termes d’équilibre sur une corde tendue entre l’environnement et l’économie, nous serons comme paralysés, trop effrayés pour avancer. Une approche intégrée, comme l’atteste l’exemple de Veolia, nous permet au contraire d’avancer et de nous adapter à des tendances changeantes.

Il y aurait d’autres bons exemples, mais je ne suis pas seulement ici pour adresser des louanges. Je suis aussi ici pour vous demander votre aide. Car la France a le potentiel de faire davantage et l’Assemblée nationale peut l’y aider. Déplacer la fiscalité de l’emploi vers la pollution et l’utilisation des ressources, par exemple, a tout son sens, tant sur le plan environnemental que sur le plan social. Il y a en France un haut potentiel pour une telle évolution.

Le paquet économie circulaire s’intéresse surtout aux terres, mais c’est le genre de réflexion que nous avons besoin d’appliquer aussi aux mers. Là aussi, nous ne pouvons pas nous permettre d’appauvrir nos ressources. Malheureusement, nous n’en sommes dangereusement pas loin. Prenez l’état présent des réserves de poissons en Méditerranée. Comme vous le savez, la situation est alarmante : plus de 90 % des réserves halieutiques sont surexploitées.

Pour cette raison, nous avons tenu un séminaire de haut niveau sur l’état des réserves de poissons en Méditerranée et sur l’approche de la PCP à Catane, la semaine dernière. La France y était représentée. Cette manifestation a marqué l’engagement accru de tous les acteurs dans le combat contre l’appauvrissement des réserves de poissons en Méditerranée.

Nous sommes en train de préparer un programme pluriannuel pour les espèces démersales en Méditerranée occidentale. En France, cela concernera le golfe du Lion. Les dernières évaluations scientifiques confirment que, si nous échouons à y améliorer la gestion des réserves démersales, des espèces telles que le merlu pourraient s’effondrer –sans espoir de jamais récupérer.

Les autorités françaises sont impliquées depuis le début dans cette démarche. Le secteur des pêches et d’autres parties prenantes ont été sollicités pour donner une contribution, incluant des données socio-économiques pour une consultation publique.

Mesdames et messieurs, nous avons besoin de mers propres et productives pour toute une série de raisons. Nous voulons des emplois qui viennent de la croissance économique, mais nous ne pouvons avoir d’emplois durables si nous ne prenons pas soin de notre environnement marin. En réalité, l’économie bleue et l’économie verte sont complémentaires. En augmentant l’efficience des ressources et en diminuant les déchets, nous pouvons protéger nos océans.

Avec des mers propres, l’économie bleue peut apporter de grandes récompenses. Elle représente déjà près de 4 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Union européenne. Au moins cinq millions de gens en dépendent pour leur subsistance. Outre les secteurs traditionnels comme les pêches, de nouvelles activités maritimes ont le potentiel pour stimuler la croissance future. L’énergie marine renouvelable et la biotechnologie marine en sont de bons exemples.

En ce domaine, je suis heureux de voir que la France ouvre la voie. L’énergie marine renouvelable est en pleine expansion, particulièrement le long de la côte atlantique, où j’ai pu me rendre compte par moi-même des résultats. L’installation d’éoliennes flottantes est un objet de recherche et développement pour les entreprises françaises, de même que l’exploitation minière des grands fonds marins. Ces secteurs génèrent un potentiel d’emploi local de haute qualité dans les zones côtières.

Il y a un autre domaine où nous pouvons travailler ensemble, car l’Union européenne est prête à soutenir l’investissement dans l’économie bleue. Le programme Horizon 2020 finance des projets liés à la croissance bleue dans les secteurs de la recherche et de l’innovation. Le nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) offre lui aussi des possibilités de financement pour de grands projets maritimes.

Des fonds sont également disponibles pour le développement régional. Des investissements de cent millions d’euros visant à transformer le port de Cherbourg en un centre de développement de l’énergie marine renouvelable, par exemple, reçoivent le soutien des fonds régionaux européens à hauteur de quinze millions d’euros.

En travaillant en commun, les États membres peuvent maximiser l’impact de leurs investissements dans l’économie bleue. Telle est la démarche qui guide la Stratégie atlantique, qui rassemble le Royaume-Uni, la France, l’Irlande, l’Espagne et le Portugal.

Bien sûr, la France a un palmarès et une expérience ancienne dans la coordination maritime et transversale. Elle est aussi le moteur du processus d’intégration méditerranéen, tout particulièrement de l’Union pour la Méditerranée. Votre engagement constructif a permis à l’Union européenne d’adopter la déclaration ministérielle sur l’économie bleue en novembre dernier. Je suis très reconnaissant du soutien constant que vous apportez dans ces secteurs.

Je voudrais maintenant en venir à ma deuxième priorité, à savoir la nécessité de renouer le lien entre l’Europe et les citoyens.

Les temps sont durs pour l’Union européenne. Les citoyens posent des questions fondamentales. Ils veulent savoir en quoi l’Union européenne travaille pour eux. Ils veulent voir si les efforts de l’Union européenne se matérialisent par des résultats. Pour ce qui concerne l’environnement et les pêches, nous pouvons répondre avec confiance par l’affirmative. Car, sur le plan environnemental, la législation européenne sauvegarde directement la santé et le bien-être des citoyens européens.

Il y en a de nombreux exemples, mais commençons par les efforts de la Commission européenne en faveur de l’amélioration de la qualité de l’air. L’Agence européenne de l’environnement rapporte que, chaque année, plus de 400 000 personnes meurent de manière prématurée du fait de la pollution de l’air, car les normes européennes sont continuellement dépassées. Plus de 50 000 de ces personnes se trouvent en France. La pollution de l’air affecte aussi les entreprises et les budgets publics, à travers la perte de jours travaillés et le coût en soins de santé des maladies liées à la pollution. Cette situation doit changer.

Nos citoyens méritent de respirer un air propre. Mais c’est un défi permanent. Ici, en France, par exemple, dix-neuf zones de qualité d’air dépassaient les limites en matière de dioxyde d’azote l’année dernière. Dix-sept zones dépassaient en outre les limites en matière de particules fines. C’est pourquoi, à travers l’Union européenne, la Commission européenne a ouvert beaucoup de procédures en manquement liées à la qualité de l’air. Voilà pourquoi, également, le paquet législatif de la Commission relatif à la qualité de l’air, qui est en train d’être négocié entre le Conseil et le Parlement, peut constituer une aide.

La proposition de révision de la directive fixant des plafonds d'émission nationaux (PEN) pour certains polluants atmosphériques, par exemple, s’attaquera à la pollution de l’air nationale et transfrontalière, qui contribue tant au problème. Cela pourrait réduire pour plus de la moitié les effets actuels nocifs à la santé. Les négociations entrent dans une étape clé, et nous comptons sur le soutien de la France pour donner à nos concitoyens la qualité de l’air – et la qualité de vie – qu’ils méritent.

L’Europe a également beaucoup fait dans un domaine où elle aide le citoyen à renouer avec la nature telle qu’il l’aime. Le réseau européen de zones protégées Natura 2000 représente l’action la plus importante entreprise en pratique dans l’Union européenne pour lutter contre la perte de biodiversité. Le réseau inclut actuellement plus de 26 000 sites, ce qui en fait le plus large réseau coordonné, au monde, de zones à haute valeur de biodiversité.

Ce réseau apporte une contribution décisive à la préservation de la biodiversité pour les générations à venir. Nous en tirons aussi des avantages immenses, en matière de stockage du carbone par exemple. Les réserves naturelles de carbone représentent dix milliards de tonnes par an, soit l’équivalent de 35 milliards de tonnes de dioxyde de carbone. Si nous l’évaluions en termes monétaires, ce service vaudrait entre 600 et 1 300 milliards d’euros.

Les services ainsi rendus par l’écosystème sont l’une des raisons pour lesquelles la stratégie européenne de biodiversité demeure une priorité. Elle a pour objectif d’enrayer la réduction de la biodiversité et des services rendus par l’écosystème dans l’Union européenne d’ici 2020. Mais notre récent bilan d’étape a montré qu’il faut considérablement intensifier les efforts si nous voulons parvenir à nos objectifs. Or nous devons y parvenir. La nature est le moteur de l’économie verte et le socle de tout avenir durable. J’y insiste de nouveau : nous devons nous efforcer de créer des emplois pour l’avenir et de créer un avenir à ces emplois.

La France a la chance d’avoir un patrimoine riche et diversifié. Vous détenez le deuxième plus grand domaine maritime du monde. Cela vous place devant des défis considérables, qui ne vont pas sans responsabilité spéciale.

Investir dès aujourd’hui dans la protection de la biodiversité apportera à l’avenir de nombreux avantages. Le développement rural, le tourisme, en particulier le tourisme côtier, et une agriculture plus durable et plus compétitive joueront un rôle clé. Je suis heureux de voir que ces secteurs sont pris en compte dans l’ambitieux projet de loi relatif à la biodiversité qui est en cours de discussion devant l’Assemblée nationale et le Sénat. J’espère que son niveau d’ambition sera conservé dans la législation finalement adoptée.

Mais il y a aussi beaucoup d’autres sujets sur lesquels l’environnement peut aider le citoyen à renouer avec le projet européen. Le citoyen exige la propreté de l’eau et l’Europe apporte son secours. À travers l’Union européenne, plus de 99 % de l’eau potable distribuée est désormais sûre. Cela est dû à la mise en œuvre toujours améliorée de la directive européenne sur la qualité de l’eau potable.

Le citoyen exige des produits chimiques plus sûrs. Avec le cadre législatif REACH, nous conjuguons un niveau élevé de protection avec un renforcement de la compétitivité et de l’innovation. Avant REACH, il régnait un manque général de connaissances relativement à la vaste majorité de produits chimiques en circulation sur le marché européen. Des produits chimiques pouvaient être commercialisés sans devoir passer d’essai très strict du point de vue de la santé et de la sécurité. C’était une triste époque que personne ne regrette.

Le développement d’une stratégie assurant le passage vers un environnement non toxique constitue le nouvel horizon. Nous y parviendrons en continuant à passer au crible la législation relative aux produits chimiques. Nous veillerons à sa bonne mise en œuvre. Cela ne contribuera que plus à la réduction du fardeau que constituent les maladies liées à la présence de produits chimiques dans l’environnement.

Quand il s’agit d’établir un lien avec les citoyens, quelle meilleure manière de le faire qu’en assurant une amélioration de la qualité de l’air ? Les institutions européennes ont la grande responsabilité de s’accorder sur un paquet législatif relatif à la qualité de l’air. Nous le devons à nos concitoyens.

J’en arrive à ma troisième priorité. Ma préoccupation sera ici de me concentrer plus étroitement sur une amélioration de la mise en œuvre. L’Europe dispose d’un cadre juridique solide pour l’environnement. Nous avons désormais une PCP réformée qui est plus forte. Mais notre cadre juridique doit marcher en pratique. C’est ce qui me fait dire que ma troisième priorité, c’est la mise en œuvre.

Comme je l’ai dit en introduction, pour être vraiment efficace, la politique européenne doit faire deux choses : elle doit être facile à mettre en œuvre et facile à comprendre.

Pour ce faire, nous devons garantir que la politique européenne de l’environnement demeure apte à servir ses objectifs. Le bilan de santé de notre politique vis-à-vis de la nature qui est en cours a reçu énormément d’attention. En pratique, il a occasionné le plus grand nombre jamais atteint de réponses de citoyens à une consultation européenne, soit plus de 500 000. Parmi elles, 35 000 venaient de France. Cela révèle de manière nette l’attachement des citoyens à la politique européenne vis-à-vis de la nature.

Mais ce n’est qu’une partie d’un bilan de santé plus large de l’ensemble de notre législation environnementale. Des évaluations similaires ont été menées pour la législation européenne sur les eaux douces ou sur les déchets. Les prochaines initiatives du programme pour une réglementation « affûtée et performante » (regulatory fitness and performance programme (REFIT)) comprennent une initiative horizontale de notifications environnementales, de bilans des politiques individuelles telles que le système de management environnemental et d'audit (SMEA) et la réglementation des écolabels.

Dans le domaine environnemental, le défaut de mise en œuvre de la législation existante cause à l’économie européenne des dommages estimés à 50 milliards d’euros par an. Ce gaspillage d’argent n’a pas de sens, tout particulièrement dans les circonstances économiques actuelles.

Ayant ces problèmes en tête, nous présentons en 2016 un nouvel outil. Il nous permettra une analyse d’ensemble des raisons qui expliquent cet écart de mise en œuvre en matière de politique de l’environnement. Il identifiera les difficultés rencontrées par chaque État membre est confronté. Nous pourrons ainsi orienter les financements de manière plus efficace et faire ressortir plus nettement les meilleures pratiques.

Cet outil servira également à l’amélioration de la contribution apportée par les politiques de l’environnement au Semestre européen, ce cycle annuel de croissance économique. Une amélioration des données nous aidera à approfondir l’intégration au Semestre européen des réflexions sur l’efficacité énergétique.

Vous pouvez nous aider à produire ces résultats en menant à bien le processus de transposition. Vous pouvez définir des règles nationales de mise en œuvre qui soient les mieux adaptées aux problèmes rencontrés. Cela ne rendra que plus facile le suivi et le pilotage de cette mise en œuvre.

Enfin, cette troisième priorité implique un renforcement de la coopération avec les pays tiers et avec les institutions internationales. Nos océans sont une ressource partagée. L’environnement ne connaît pas de frontière et nous ne réussirons que si nos partenaires internationaux adoptent eux aussi une démarche durable. L’Agenda 2030 du développement durable fournit un cadre solide pour arriver à des résultats.

L’objectif spécifique relatif aux mers et aux océans représente un grand pas en avant. Le maintien de la propreté des océans, la protection de la biodiversité et de l’environnement marin sont essentiels pour éradiquer la pauvreté, pour une croissance économique soutenue et pour la sécurité alimentaire. Le développement durable de l’économie bleue garantit aussi aux entreprises européennes des opportunités sur le marché mondial.

Mais le mot-clé, c’est la durabilité.

Nous avons besoin d’une gouvernance internationale des océans qui soit plus forte, pour garantir que nos océans se développent de manière durable. Cela signifie aussi un échange des bonnes pratiques et la discussion, avec nos partenaires à travers le monde, des options possibles pour une gestion efficace des océans.

La gouvernance des océans est d’une grande importance pour l’Union européenne et je m’implique personnellement pour la faire avancer pendant mon mandat. L’année dernière, la Commission a conduit une consultation publique visant à mieux comprendre les principaux enjeux des différentes parties prenantes. Nous avons été heureux de recevoir beaucoup de contributions françaises, positives et très précieuses.

Nous venons de publier le résumé de ces contributions. Une première analyse des réponses montre que nous disposons déjà de beaucoup des éléments dont nous avons besoin. Ici aussi, il s’agit trop souvent d’une amélioration de la coordination et de la mise en œuvre. Nous préparons en ce moment une initiative dans cette direction, qui devrait être lancée d’ici la fin de l’année.

Mesdames et messieurs, permettez-moi de finir en rappelant les mots du président de la Commission, Jean-Claude Juncker, dans son discours sur l’état de l’Union. Il a déclaré que ce n'est pas le moment de continuer le train-train habituel, parce que notre Union européenne ne va pas bien.

Car nous sommes confrontés à de nombreuses crises : les réfugiés et la migration, la sécurité et le terrorisme, un contexte économique et social très difficile ainsi que, bien sûr, les défis climatique et environnemental. Aucun de ces défis ne peut être relevé grâce à du rafistolage. S’ils n’ont qu’une chose en commun, c’est la nécessité de trouver des solutions de long terme.

Les décisions que nous prenons maintenant influenceront pour des décennies notre modèle économique, social et environnemental. La croissance verte et bleue apporte un avenir durable – pour l’Europe et pour le monde.

Votre rôle de parlementaires nationaux est fondamental pour aplanir les difficultés sur le chemin de ces formes intégrées de croissance. Depuis le traité de Lisbonne, vous pouvez veiller à ce que nos propositions prennent en considération les caractéristiques nationales. Je suis pleinement persuadé que vous m’apporterez votre soutien dans notre entreprise et que vous veillerez à la bonne obtention des résultats.

M. Arnaud Leroy. Au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, je voudrais vous dire combien nous sommes ravis que vous soyez à Paris. Avec votre portefeuille, vous êtes un commissaire chanceux, car c’est le seul pour lequel il y a une vraie plus-value européenne depuis quelque temps, qu’il s’agisse de la qualité de l’eau ou de la qualité de l’air.

Si vous cherchez à vous faire de l’Assemblée nationale un allié, vous en avez trouvé un. Il y a deux semaines, nous avons adopté, quasiment à l’unanimité, une proposition de loi relative à l’économie bleue, qui doit permettre de travailler de manière intégrée. Nous sommes allés un peu plus vite que le rythme communautaire, en travaillant d’arrache-pied depuis un an. Comme rapporteur de cette proposition, je suis à votre disposition pour évoquer les perspectives qu’elle ouvre.

La récente réunion du Conseil « pêche » a fait sentir ses effets sur les petits pêcheurs, car certains ligneurs, les pêcheurs de bar, ne peuvent se rabattre facilement sur d’autres espèces de poisson. Leurs besoins doivent être pris en compte, quand sont mises en œuvre les interdictions de pêche de certaines espèces. Il y a une agence européenne qui est compétente pour rendre des avis sur ce sujet.

En ce qui concerne les perturbateurs endocriniens, la France s’était beaucoup occupée de la question quand notre collègue Delphine Batho était ministre de l’environnement ; elle en avait fait son grand combat. Au niveau européen, nous nageons, sur ce sujet, dans un océan d’intérêts, tandis que notre pays et notre peuple sont très attachés à ce problème. C’est une vraie question de santé publique, à laquelle il faut trouver une solution.

S’agissant de la gouvernance des océans, vous vous êtes beaucoup impliqué. La France est à vos côtés pour avancer sur ce dossier, dans le respect du principe de subsidiarité. Il faut en tirer le meilleur parti, que ce soit dans le domaine des algues ou des biotechnologies, ou pour répondre au défi alimentaire, via l’aquaculture. Les énergies renouvelables doivent aussi être évoquées.

Dans ce cadre, je voudrais vous demander de prendre votre part à la tentative de simplification que nous menons dans notre pays, pour éviter de produire trop de nouvelles règles, notamment dans le domaine de la planification maritime.

Enfin, je voudrais vous demandez si vous pourriez donner un coup de main à l’association SOS Méditerranée qui va armer un navire dans cette mer pour aller aider au printemps les réfugiés. Vous êtes vous-même un homme de la Méditerranée. Alors que la crise des réfugiés n’est pas près de s’arrêter, et que l’Union européenne a une responsabilité importante dans cette crise, nous avons besoin de fonds. Or les États du pourtour méditerranéen sont exsangues. Je voudrais vous inviter à prendre une place importante dans cette manifestation de la tradition d’entraide et de solidarité qui prévaut entre gens de mer, en particulier au profit des enfants qui traverseront, dans les prochains mois, la Méditerranée.

M. Yannick Moreau. Au nom du groupe Les Républicains, je vous remercie, monsieur le commissaire, d’être venu à notre rencontre. Il est toujours bon que la Commission européenne fasse ce genre de déplacement, à la rencontre des parlementaires nationaux, ceux qui connaissent le mieux nos territoires et leur réalité économique. Je vous invite d’ailleurs, si vous le souhaitez, à vous rendre en Vendée, à Dunkerque, à Lorient ou à Boulogne, pour mieux établir le lien entre les décisions bruxelloises et les réalités maritimes françaises. Je vous poserai trois questions à propos de la pêche, de la gouvernance européenne des questions maritimes et de la protection des frontières maritimes de l’Union européenne.

Premièrement, la pêche artisanale française vit chaque année une heure cruciale à l’occasion du Conseil « Pêche » de décembre. Ce type de gouvernance est obsolète. On y décide dans la nuit, à travers les quotas de pêche pour l’année suivante et non sans un cynisme consommé, la survie de dizaines d’entreprises, de milliers d’emplois et de nombre de ports de pêche nationaux. La Commission européenne arrive généralement avec des propositions effrayantes, pour mieux en rabattre ensuite. Certains évoquent, à juste titre, une « roulette bruxelloise » sur le modèle de la roulette russe. Qu’en pensez-vous pour votre part ? Ne serait-il pas temps d’instituer une pluriannualité des TAC et des quotas ? Nous ne pouvons nous satisfaire du statu quo.

Quant au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), des doutes s’élèvent parfois au sujet des projets qu’il peut financer. L’État se tourne alors vers la Commission européenne, qui malheureusement ne répond pas. Cela n’est pas sans faire peser un risque réel de remboursement des aides versées. Comme commissaire européenne, que pouvez-vous faire pour garantir une meilleure transparence et apporter plus de sécurité juridique ?

Par ailleurs, suite à la réforme de la PCP, le projet de règlement qui encadre les dispositions techniques d’engin n’est toujours pas publié. Annoncé à plusieurs reprises, il pourrait voir finalement le jour à la mi-mars. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Est-ce que la régionalisation prévue sera mise en œuvre par bassin ? Quelle sera la place des instances consultatives dans la mise en œuvre des mesures techniques ?

Deuxièmement, l’Union européenne et la Commission ont copié le mauvais exemple français en plaçant la gouvernance des affaires maritimes sous le signe de l’écologie. Pour ma part, je crois qu’il ne faut pas avoir une vision écologiste et punitive de la pêche artisanale française, mais une vision entrepreneuriale. J’aimerais que l’Union européenne change de vision à l’égard des pêches artisanales nationales. Il faut rechercher davantage de synergie entre les acteurs des différentes filières maritimes. Vous pourriez notamment favoriser la création d’un cluster maritime européen qui permettrait de nouvelles synergies entre les différents acteurs maritimes.

Troisièmement, la protection des frontières maritimes de l’Union européenne nous amène à cette sempiternelle question des garde-côtes européens. À l’épreuve des vagues migratoires et de l’invasion des navires poubelles qui menacent la qualité de notre environnement littoral, quelle initiative la Commission entend-elle prendre pour faire vivre un corps de garde-côtes, peut-être mutualisé entre les États, pour protéger nos frontières ?

M. Bertrand Pancher. Au nom du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, je tiens à vous dire, monsieur le commissaire, que nous doutons beaucoup de la détermination de la Commission européenne dans le domaine environnemental. Nous avons beaucoup d’exemples en tête à ce sujet.

Nous partageons tous votre objectif d’une meilleure application de la réglementation, en faisant bien le départ entre les actions européennes et les actions proprement nationales, car la France ajoute trop souvent une complexité supplémentaire aux objectifs européens en la matière. Serait-on en train de passer d’un excès de réglementation à un risque d’absence de réglementation ? Cela nous inquiète, car l’Union européenne était jusqu’à présent la locomotive de nombreux objectifs environnementaux.

En voici deux exemples. Malgré l’opposition très forte du Parlement européen et du Conseil, vous avez retiré le paquet « économie circulaire », sur les déchets, le recyclage et l’incinération, que vous aviez présenté le 22 janvier 2015, au nom d’un allègement du programme législatif. Le nouveau paquet que vous avez finalement présenté le 2 décembre dernier paraît si allégé que l’on se demande si les objectifs seront encore contraignants. Dans sa première version, le texte affaiblit les objectifs de recyclage des déchets municipaux et les objectifs en matière d’emballage pour 2030. Ils sont passés respectivement de 70 % et 80 % à 65 % et 75 %. Mais ces objectifs seront-ils seulement réellement contraignants ?

Deuxièmement, s’agissant de la pêche en eau profonde, je voudrais saluer les efforts constants de l’Union européenne en ce domaine. Car, à défaut de régulation, il n’y aura bientôt plus que des sachets plastiques à pêcher au fond des océans. Si je me félicite de la proposition publiée par la Commission européenne en juillet 2012, je m’inquiète qu’en février 2016, le règlement relatif à la pêche en eau profonde n’ait toujours pas été adopté. Pouvez-vous nous rassurer sur son adoption rapide et sur l’interdiction du chalutage en eau profonde ?

Pour ce qui est de la transparence, nous nous battons, à l’Assemblée nationale, pour obtenir la publication des subventions allouées au secteur de la pêche. Y êtes-vous favorable ? L’on nous objecte parfois que la transparence ne serait pas vraiment importante dans ce domaine.

Par ailleurs, quelle initiative française suggérez-vous pour éviter la surpêche, phénomène catastrophique ? Certes, il y a de la réglementation européenne, mais vous pouvez sans doute suggérer un certain nombre d’initiatives aux États membres en ce domaine.

Enfin, j’en arrive à la gestion pragmatique des espèces protégées. Je comprends que le loup puisse être protégé en zone de montagne, mais, en plaine, l’espèce prolifère… Où en sont les discussions, parfois compliquées, entre la Commission européenne et notre ministre de l’environnement ? Peut-on rêver d’une gestion plus pragmatique de ces espèces, lorsqu’elles méritent d’être protégées dans certains secteurs, mais le méritent moins dans d’autres ? Je pense au loup, mais aussi au cormoran, par exemple.

M. François-Michel Lambert. Au nom du groupe écologiste, je voudrais vous dire combien je suis heureux de vous retrouver après nos échanges sur l’économie circulaire, à l’occasion de la COP 21. En ce domaine, la France n’est pas le pays le plus avancé. Mais, à travers la loi sur la transition énergétique, nous disposons du moins d’une définition claire et assumée de ce concept, qui dépasse largement la question des déchets et repose sur l’idée que la création de richesses passe par la préservation des ressources et par leur usage efficient. Dans cette loi, nous avons inscrit une obligation pour notre pays de se doter d’une stratégie en matière d’économie circulaire : elle est en cours de rédaction.

Sur ce point, les politiques nationales et européennes sont en retard sur la réalité du terrain, tant des entreprises que des collectives locales. Sous l’impulsion de la révolution numérique, qui permet le partage de l’information, l’économie collaborative et le développement d’une pensée qui rompe avec les schémas établis, ces dernières abordent franchement l’efficience des ressources et recherchent la création de valeur sur le moindre flux de matière.

Je voudrais vous interroger sur les contraintes issues du modèle actuel qui pèsent sur le développement de l’économie circulaire, tout comme pèsent la faible acculturation des citoyens, français ou européens, trop peu sensibilisés à la valeur ajoutée des flux, le trop faible développement d’une culture de travail collaborative et transversale au cours des cinquante dernières années ou encore la structure de notre fiscalité. Les Pays-Bas, qui assurent en ce moment la présidence du Conseil de l’Union européenne, recherchent eux aussi dans les marges les opportunités de création de valeur et de richesse.

À la différence de mon collègue Bertrand Pancher, je ne pense pas que le paquet économie circulaire que vous avez présenté pèche par ses objectifs, car vous avez plutôt une approche transversale. Mais vous restez au milieu du gué. Comment pourrez-vous, à la Commission européenne, amener à plus de transversalité, pour rompre avec notre modèle de développement, en lien avec la dynamique engagée par les partenaires économiques et par les collectivités ?

Après la COP 21, comment envisagez-vous que l’Union européenne puisse se conformer aux objectifs auxquels elle a souscrit ? S’agissant de la surpêche, dans l’Atlantique et, plus encore, en Méditerranée, mais aussi de la pêche en eau profonde, l’Union européenne dénonce ce qu’il se passe. Mais quelles politiques pouvons-nous mettre en œuvre, notamment dans le bassin fragile de la Méditerranée, pour que les réserves halieutiques ne s’effondrent pas d’un seul coup, comme nous avons pu le voir ailleurs ?

Enfin, dans le cadre du programme pour une réglementation affûtée et performante (regulatory fitness and performance programme (REFIT)), la Commission passe en ce moment en revue la réglementation Natura 2000. Cette dernière ne risque-t-elle pas d’être fragilisée par la remise en cause des directives qui la fondent ?

M. Serge Letchimy. Vous avez récemment demandé un rapport d’initiative, pour lequel une délégation européenne s’est rendue à La Réunion, l’une des neuf régions ultrapériphériques de l’Union européenne. L’enjeu est important, car vous savez que 97 % des surfaces maritimes françaises se trouvent outre-mer. Nous sommes cependant en face d’un grand paradoxe aujourd’hui.

J’ai bien compris votre approche et vos légitimes préoccupations en matière de pêche durable et de préservation de la ressource. Mais, dans nos territoires, une directive européenne très stricte interdit d’utiliser les fonds publics européens au profit du renouvellement de la flotte dans les régions ultrapériphériques, alors que les ressources halieutiques n’y sont pas en voie d’épuisement, contrairement à ce que l’on observe en Europe. Au contraire, les petits pêcheurs de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion se trouvent même en concurrence avec de grands trusts autorisés à pêcher dans leurs zones. Cela conduit au paradoxe d’un possible épuisement des ressources sur le plateau continental, car les pêcheurs n’ont pas le moyen d’aller pêcher plus loin en mer, faute d’équipement suffisamment moderne. Nous sommes en train de mettre en péril la pêche dans les régions ultrapériphériques.

Que devient ce rapport, dont la parution était prévue cette année ? Ne pourriez-vous mettre en œuvre l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – ce à quoi s’était refusée Mme Maria Damanaki ? Il prévoit en effet la possibilité de dérogation aux dispositifs européens de pêche pour tenir compte des particularités et spécificités des régions ultrapériphériques.

M. Daniel Fasquelle. S’agissant de la pêche, j’aurais quelques vœux à émettre, notamment en faveur de plus de souplesse. Lorsque les avis scientifiques sont bons, comme c’est le cas en ce moment pour la raie, pourquoi ne pas revoir la politique de quotas sur cette espèce ? Je voudrais également plus de réalisme : une politique « zéro rejet » ne peut que mettre en péril nos exploitations, mais aussi la sécurité des marins-pêcheurs et la rentabilité des bateaux.

Je voudrais aussi plus de protection. Pourquoi l’Europe ne surtaxerait-elle pas les importations extracommunautaires, comme le font les États-Unis ? J’en appelle en outre à plus d’écoute. Les pêcheurs ont le sentiment que les scientifiques et les ONG sont largement écoutés, mais qu’eux ne sont pas suffisamment associés aux décisions qui les concernent. Enfin, je forme des vœux en faveur de l’innovation, en regrettant qu’il ne soit pas possible, dans le cadre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), d’aider à la construction de navires de pêche modernes.

S’agissant de la chasse, et de la directive Oiseaux, les différences entre pays, en matière de gibier d’eau ou de chasse à l’oie, sont patentes, puisque les oies peuvent être gazées ou exterminées dans un pays, alors qu’il est interdit d’en chasser en France au même moment. Un rapport récent démontre qu’il s’agit pourtant des mêmes oies, sur l’ensemble du territoire européen ; elles ne le quittent d’ailleurs qu’après le 20 février. Quelles mesures pensez-vous pouvoir prendre pour que nous ayons les mêmes règles partout en Europe s’agissant de la chasse de certaines espèces, notamment la chasse des oies ?

M. Yannick Favennec. J’associe à ma question notre collègue Stéphane Demilly.

Les thèmes que nous développons tout au long de l’année, notamment ceux qui intéressent les grandes questions économiques environnementales, doivent faire l’objet de politiques européennes ambitieuses. De nombreux dossiers ne peuvent en effet être traités avec efficacité et pertinence que s’ils sont pris en main à l’échelon européen et international. Il en va ainsi de l’économie bleue, de la politique maritime, de la protection de la biodiversité, de la réglementation environnementale et des contraintes qui pèsent sur notre agriculture.

Pour tous ces sujets et pour de nombreux autres, il est impératif d’harmoniser nos politiques si nous voulons obtenir des résultats à la hauteur des enjeux et éviter les distorsions de concurrence au détriment de notre agriculture ou de notre industrie. Notre agriculture connaît une crise majeure ; nos agriculteurs sont étouffés par les charges financières, mais aussi par la lourdeur des normes qui pèsent sur eux. Je suis bien conscient que ce sujet concerne en premier lieu les ministres européens de l’agriculture et le commissaire européen à l’agriculture, M. Phil Hogan. Cependant, la question environnementale, dont vous avez la responsabilité, est très prégnante pour nos agriculteurs.

Si des efforts restent naturellement à faire, ils en ont déjà fourni beaucoup et continuent d’en fournir quotidiennement. Nos agriculteurs n’utilisent pas de produits chimiques pour leur plaisir. Ce sont des produits qui ont un coût et nous pouvons compter sur eux pour ne pas y avoir recours à outrance. Il est donc essentiel que la réglementation environnementale à laquelle ils sont soumis soit bien harmonisée au niveau européen et que celle-ci ne soit ni stigmatisante, ni une source d’alourdissement de leurs charges financières et de la paperasse administrative qu’ils ont à gérer. Pouvez-vous nous faire part, monsieur le commissaire, de vos projets en la matière, notamment en termes de simplification ?

Mme Michèle Bonneton. Je dois dire que nous n’avons pas le sentiment, actuellement, que l’Union européenne ait une grande volonté d’améliorer notre environnement. J’en suis vraiment désolée.

Telle qu’est la législation européenne, l’évaluation des substances nocives pour la santé et l’environnement reste très théorique. C’est vrai pour ce qui est des automobiles, ou encore les produits chimiques. Je prendrai l’exemple des perturbateurs endocriniens, dont les effets néfastes sur la santé sont prouvés. Pourtant, nous attendons toujours une définition précise de l’Union européenne, ainsi que des mesures sérieuses. À quand des mesures pour protéger les Européens, et tout particulièrement les enfants, des effets néfastes des perturbateurs endocriniens ?

Dans un autre domaine, comme l’a rappelé madame la présidente, la situation des ressources halieutiques est préoccupante. En Atlantique, l’on approche pour la grande majorité des espèces le maximum de prélèvement possible si l’on veut préserver la ressource à long terme. En Méditerranée, la surpêche est quasi générale. Je voudrais vous poser une question sur la pêche en eau profonde qui est la plus destructrice et qui compromet l’avenir de l’ensemble des ressources de la mer. Pensez-vous que l’Europe soit en capacité de prendre dans ce domaine les mesures rigoureuses qui s’imposent et qui pourraient aller jusqu’à une interdiction ?

Enfin, s’agissant de la politique de la pêche, quand et comment la transparence des aides de l’Union européenne à la pêche sera-t-elle assurée ?

M. Hervé Pellois. J’aimerais moi aussi revenir sur le nouveau paquet sur l’économie circulaire de la Commission. Par rapport au précédent paquet, qui avait été retiré en 2014, on remarque que les objectifs contraignants portant sur le gaspillage alimentaire ont été fortement réduits. Le nouveau paquet requiert désormais simplement des États une surveillance et une évaluation des mesures de prévention du gaspillage alimentaire, alors que l'ancien paquet prévoyait une réduction de gaspillage alimentaire d'au moins 30 % entre 2017 et 2025.

Cela nous semble contradictoire avec la politique volontariste de l’Union européenne en matière de lutte contre le réchauffement climatique, notamment quand on sait que 28 % des terres agricoles servent ainsi à produire des aliments qui finiront à la poubelle. En tant que commissaire européen à l’environnement, quelles évolutions pouvez-vous envisager pour que les politiques nationales et européennes convergent vers un objectif ambitieux en la matière ?

Par ailleurs, je suis député du Morbihan, département qui compte 250 professionnels de la pêche à pied. Ils considèrent qu’ils ne sont pas reconnus à travers le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), qui ne leur consacre aucun volet économique. Ils semblent avoir besoin de reconnaissance. Peut-on faire quelque chose pour eux ?

M. Guillaume Chevrollier. La biodiversité doit être protégée et favorisée, tout le monde en est d’accord. Nos agriculteurs contribuent grandement à la biodiversité mais leur rôle est peu reconnu. Au contraire, ils sont souvent attaqués et vilipendés.

Or je voudrais me faire leur interprète dans leur désir d’être plus associés aux décisions, d’autant plus que celles-ci les concernent au premier chef. C’est ainsi qu’ils devraient être consultés quand il est question de rechercher des mesures de compensation écologique ou lorsqu’il s’agit d’aménager les cours d’eau.

Je voudrais aussi répercuter leur ras-le-bol des contraintes, des directives, des normes que l’Europe leur impose de manière excessive, même si je sais que le gouvernement français a malheureusement tendance à transposer en surtransposant. Il ajoute ainsi des mesures qui ne sont parfois pas utiles à la biodiversité, mais portent en revanche toujours atteinte à la compétitivité de notre agriculture.

Quant aux textes, ils ne sont malheureusement pas aussi faciles à mettre en œuvre et faciles à comprendre que vous l’avez souhaité dans votre intervention liminaire.

Mme Suzanne Tallard. Je vous interrogerai sur la pêche. Les règles actuelles de l’Union européenne ne permettent pas le repeuplement direct des milieux halieutiques, en raison des conséquences parfois néfastes sur certaines espèces sauvages du repeuplement par des poissons d’élevage. Dans le contexte actuel de raréfaction des ressources, ne serait-il pas bienvenu et nécessaire d’étudier, espèce par espèce, site par site, la question du repeuplement en tant que mesure de conservation ? Autrement dit, pourrait-on adopter une attitude plus souple en ce domaine ?

Deuxièmement, vous avez récemment annoncé la levée de l’interdiction de l’utilisation des filets dérivants dans les régions ultrapériphériques, dont les régions françaises d’outremer. Si l’on comprend bien l’intérêt de ne pas aggraver une situation économique et sociale souvent déjà difficile dans ces régions, les filets dérivants continuent d’être la cause de destruction des habitats marins et de mettre en danger la vie des espèces sauvages, et menacent in fine la durabilité de la pêche. Ainsi, cette levée de l’interdiction ne peut être que temporaire. Pouvez-vous nous dire de quelle manière le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) pourrait être utilisé pour soutenir la transition vers une interdiction totale, en apportant aux pêcheurs ultramarins les moyens de vivre d’une pêche durable et non destructrice ?

Enfin, les données pour approfondir les connaissances scientifiques des milieux halieutiques sont soit insuffisantes, soit non suivies. Cela conduit la Commission européenne à des interdictions qui sont, la plupart du temps, non comprises. Vous nous avez parlé, tout à l’heure, de votre intérêt pour la gouvernance. Que pouvez-vous faire pour rapprocher les connaissances des professionnels et des scientifiques ?

M. Jean-Pierre Vigier. La directive cadre sur l’eau qui tend à améliorer la continuité écologique de nos cours d’eau, se fixait l’horizon 2015 pour atteindre le bon état écologique de l’eau. Or, tout le monde le sait, cet objectif n’a pas pu être tenu en France. Parmi ces raisons, le problème de financement, notamment. Il apparait ainsi fondamental de prévoir un financement intégral de certains travaux de restauration, mais uniquement sur des cours d’eau pouvant atteindre le bon état écologique de l’eau.

D’où deux questions : ne pensez-vous pas qu’il est aujourd’hui fondamental d’atteindre ce bon état écologique au moins sur certains cours d’eau prioritaires ? Et pour cela, ne vous parait-il pas essentiel de prévoir des exceptions au régime des aides d’État afin de permettre un financement intégral de certains travaux d’aménagement sur des cours d’eau prioritaires ?

M. Florent Boudié. Je voudrais parler de l’usage des pesticides dans l’agriculture. Cette inquiétude vient de se réveiller chez beaucoup de Français par la diffusion d’une enquête sur une chaîne de télévision publique française. Cette enquête détaille département par département, sur le territoire national, la carte des pesticides, herbicides et fongicides classés dangereux ou potentiellement dangereux. C’est une question sensible.

Il faut le dire, parce que beaucoup d’agriculteurs sont confrontés à une crise violente. D’une certaine façon, à l’impasse économique qui est la leur, vient s’ajouter une forme de soupçon, stigmatisante et mal vécue par la filière agricole. Mais la question est surtout sensible du fait de l’impact des pesticides sur la santé publique, sur la santé des agriculteurs eux-mêmes, mais aussi sur celle des riverains d’exploitations agricoles. Cela pose un réel conflit d’usage. La santé des consommateurs est aussi concernée, tandis qu’il faut également prendre en compte les conséquences sur l’environnement et sur la biodiversité, qui relèvent directement de votre responsabilité.

Des doutes s’expriment ainsi dans la population. Sur ce sujet, la pression sociétale est de plus en plus forte. Elle pèse sur les agriculteurs, dans leurs relations avec la société civile, qui s’organise. Ainsi, à l’initiative de plusieurs organisations environnementales, une marche blanche était organisée ce dimanche à Bordeaux pour alerter sur l’usage des pesticides dans l’agriculture et, en l’occurrence, dans la filière viticole. Il y a donc un impératif de transparence à respecter. L’Europe n’est pas inactive en matière de pesticides. Je pense à la réglementation de la PAC, notamment à la conditionnalité des aides, mais aussi au rôle de l’unité pesticides de l’Agence européenne de sécurité des aliments (European food security agency, EFSA) dans le domaine de la sécurité alimentaire.

Comment l’Europe peut-elle contribuer à renforcer la transparence sur l’usage des pesticides, sur leur impact en termes de santé publique et d’environnement, sachant qu’il y a, sur ce sujet, une attente forte tant de la société civile que du monde agricole ?

M. Martial Saddier. Je voudrais revenir sur la qualité de l’air. Vous avez peint la situation et dressé un bilan. Quelle est la tendance de l’évolution de la qualité de l’air en Europe ? Comment situez-vous la France dans le contexte de cette évolution ? Que pensez-vous notamment du contentieux en cours au sujet des particules fines PM10 au niveau français ?

S’agissant de l’évolution réglementaire, nous n’avons pas de vision globale de la pollution atmosphérique, notamment par les particules fines, et de la pollution climatique, avec le gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone. La réglementation sépare aujourd’hui les deux. Ne serait-il pas envisageable, à l’avenir, d’adopter une réglementation qui prennent en compte en même temps les polluants affectant l’évolution du climat et ceux affectant la qualité de l’air ?

Mme Marie Le Vern. Ma question portera sur les enjeux de la pêche, ou plutôt de la surpêche, dans les eaux européennes.

Monsieur le commissaire, depuis plusieurs mois vous alertez sur ce sujet de préoccupation, avec l’exemple de la Méditerranée en toile de fond. En effet, 96 % des ressources halieutiques de cet espace maritime seraient en situation de surpêche, qui plus est dans des proportions parfaitement inacceptables : deux fois trop de sardines ou d’anchois pêchés, quatre fois trop de rougets, et jusqu’à dix fois trop de merlus dans certaines zones.

Outre la destruction programmée de la biodiversité de la Méditerranée, cette surpêche produit des effets sociaux et économiques désastreux : elle est directement responsable de la diminution continue du nombre de bateaux de pêche et menace à court terme cette activité pour les petits ports – et pas seulement en Méditerranée d’ailleurs.

L’heure est donc à la mobilisation urgente en Méditerranée. La semaine dernière, à Catane, se tenait un séminaire de l’Union européenne chargé de faire émerger des positions communes sur sujets pour agir rapidement. Pouvez-vous nous dresser le plan d’action de la Commission, suite à ce séminaire, pour préserver cette ressource de biodiversité unique ?

Par ailleurs, beaucoup se sont satisfaits du redressement global des stocks halieutiques en Atlantique Nord-Est, avec 50 % de la ressource exploitée de manière durable en 2015, contre seulement 14 % en 2009. Ce bilan positif a justifié l’augmentation récente des quotas de pêche pour 2016 dans pratiquement toutes les catégories, malgré les avis scientifiques et des ONG pour qui  les ministres européens n'ont pas fourni de preuves que les baisses de quotas recommandées auraient sérieusement menacé l'équilibre économique et social des flottes de pêche concernées.

Les quotas pour 2016 permettront-ils de respecter  réellement les équilibres économiques et sociaux des flottes, et surtout des petites flottes, qui ne sont pas responsables de la surpêche et qui subissent, en outre, la concurrence des plus gros ?

M. Michel Heinrich. Vous avez tressé les louanges de notre politique environnementale, en lien avec le développement économique et en encourageant le développement de la fiscalité écologique. Mais que pensez-vous de notre renoncement à l’écotaxe poids lourds ?

S’agissant de la réglementation REACH, pour des substances qui sont avérées cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, les industriels ont obtenu de pouvoir continuer à les utiliser s’ils ne savent pas les remplacer, qu’ils gèrent le risque et qu’ils étudient la conception de produits de substitution. Cela me semble problématique. Je regrette aussi que REACH autorise le mélange des produits non toxiques, alors que ces mélanges peuvent être par eux-mêmes très toxiques, notamment cancérigènes. Comment voyez-vous l’évolution de la réglementation REACH ?

M. Lionel Tardy. Je voudrais vous interroger sur deux sujets sur lesquels la France et l’Union européenne semblent ne pas avancer à la même vitesse.

Premièrement, en juillet 2015, notre ministre de l’environnement, Mme Ségolène Royal, s’était engagée auprès des éleveurs français à demander, au niveau européen, un changement de statut du loup. Êtes-vous favorable ou opposé à cette demande ? Pouvez-vous nous confirmer qu’elle a été formellement effectuée ?

Deuxièmement, l’interdiction des sacs plastiques a pris effet en France au 1er janvier 2016. Souhaitez-vous une réglementation unique ? J’ai cru comprendre que la Commission européenne était sceptique sur la multiplication des sacs présentés comme biodégradables.

M. Jean-Marie Sermier. Je voudrais rappeler que la chimie, c’est aussi la vie. Les pesticides servent d’abord à la lutte contre des maladies végétales responsables de chute de production agricole, qui peuvent aussi avoir des conséquences graves sur la santé humaine. La chimie nous permet d’avancer dans ce domaine.

Quant à la réglementation REACH, elle concerne non moins de 30 000 substances. En France, entre 4 000 et 5 000 entreprises doivent s’enregistrer de ce fait. Or toutes n’ont pas les mêmes capacités financières et techniques, loin de là. Alors que certaines de nos petites et moyennes entreprises trouvent même des molécules compatibles avec une amélioration de la qualité, de la santé et de la protection de la production agricole, comment les aider dans leurs démarches, elles qui apportent un plus à la chimie, c’est-à-dire un plus à la vie ?

M. Philippe Le Ray. Vous vous êtes prononcé en faveur d’une croissance intelligente et durable, en évoquant une Union européenne proche de ses concitoyens, mais aussi un cadre juridique à parfaire, sans affaiblir un certain nombre de professions. Je partage vos préoccupations.

Cependant, vous avez mis l’accent sur des politiques faciles à comprendre et faciles à mettre en œuvre. Or je ne comprends pas deux points. S’agissant des réserves halieutiques, je ne comprends pas la différence entre la vision des pêcheurs, c’est-à-dire ceux qui travaillent, et celle des écologistes, qui voient la situation de plus loin. Deuxièmement, dans une Union européenne où certains salariés sont sous-payés, notamment dans certains abattoirs allemands ou dans certaines fermes espagnoles, comment cette forme d’esclavage peut-elle laisser une place sincère à la protection de l’environnement dans ces pays dits partenaires ?

Le Président Jean-Paul Chanteguet. Je voudrais revenir sur la lutte contre les espèces exotiques envahissantes et sur l’objectif que l’Union européenne a fixé en ce domaine, car elles portent atteinte à la biodiversité. Les dommages qu’elles causent en mer, sur la terre et en forêt sont estimés à douze milliards d’euros. Comment la Commission européenne peut-elle aider aujourd’hui les territoires qui mettent en place des politiques de lutte contre les espèces envahissantes ? Est-il possible de mobiliser les moyens de l’Instrument financier pour l’environnement (LIFE) ou le programme LEADER ?

Vous avez lancé une consultation publique sur le bilan des directives Oiseaux et Habitats. Où en est-elle ? Une révision de ces directives est-elle prévue ?

Par ailleurs, le Parlement européen a demandé que l’Union européenne prenne une initiative sur les pollinisateurs. Qu’en est-il exactement ?

Enfin, une partie des crédits du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) est-elle réservée au soutien de la pisciculture continentale ?

M. le commissaire Karmenu Vella. S’agissant de l’économie bleue, à laquelle nous croyons profondément, il faut prendre conscience de ce que, à l’avenir, des problèmes nés sur les terres pourront trouver une solution dans les océans. Nous avons identifié des secteurs, tels que le tourisme littoral, la biotechnologie, la pêche ou l’aquaculture, comme des secteurs porteurs d’opportunité. Si l’on songe que notre planète est constituée d’eau à 70 %, nous nous rendons que notre économie, terrestre à 95 %, se concentre sur seulement 30 % de notre planète. Aussi voyons-nous un fort potentiel dans l’économie bleue.

Cela étant, ces opportunités économiques vont de pair avec des responsabilités environnementales. J’en arrive donc au sujet de la gouvernance des océans. Elle doit garantir que leur exploitation économique se déroule de manière correcte et de manière durable, pour éviter de répéter les erreurs que nous avons faites sur terre. Malheureusement, plusieurs erreurs y ont déjà été faites là aussi. Des actions de remédiation sont en cours, mais, si nous commençons dès maintenant à agir différemment, nous pouvons peut-être prévenir le pire.

En France, la pêche, mais aussi les activités d’aval qui y sont liées, sont importantes. Vous avez raison de dire qu’il faut prendre en compte les intérêts des pêcheurs. Nous ne voulons pas tuer de poissons pour l’amour des pêcheurs, mais nous ne voulons pas non plus tuer de pêcheurs pour l’amour des poissons ! Après tout, la pêche est une activité économique et nous ne pouvons pas ignorer cet aspect. À Malte, il y a quinze jours, nous avons eu un séminaire de deux jours pour débattre des considérations économiques qui méritent d’être prises en compte lorsqu’il s’agit de définir des politiques de pêche.

La France soutient les efforts en matière de gouvernance des océans. Au mois de juillet, nous avons lancé une consultation internationale publique sur ce thème. Alors que notre planète est constituée d’eau à 70 %, la moitié de ces zones échappent à une juridiction nationale ; elles sont de la responsabilité de tous –donc finalement de personne. Nous posons donc deux questions : le cadre juridique que nous avons est-il suffisant pour répondre aux défis actuels et futurs ? S’il n’est pas suffisant, qu’en faire ? Nous sommes en relation avec la Chine, le Brésil, les États-Unis, les Nations unies… Tous reconnaissent que le cadre actuel est valable, mais que des problèmes doivent être traités. À la Commission, nous allons faire des propositions cette année. Il ne s’agit pas d’une question européenne, mais d’une question mondiale. Aux Nations unies, l’on nous a demandé si nous étions prêts à jouer un rôle de tête de file sur le sujet. Nous avons répondu que ce serait plus logique qu’il revienne aux Nations unies, mais que nous sommes là pour tirer la sonnette d’alarme et que tous doivent agir.

Pour certains problèmes, il est en effet déjà trop tard. Les déchets marins tuent déjà les poissons et appauvrissent la biodiversité marine. Qui parle de biodiversité pense généralement à la biodiversité sur terre, mais 90 % de la biodiversité végétale est présente en milieu marin. Certains d’entre vous ont fait des commentaires sur l’excès de réglementation. C’est précisément pour cette raison que nous cherchons à la simplifier, car nous ne pouvons certes pas mesurer notre succès à la quantité de législation adoptée. Il faut plutôt le mesurer par les résultats qui découlent de cette législation.

Au stade de la mise en œuvre, nous ne sommes pas assez précis. Nous nous concentrons donc plus qu’auparavant sur la mise en œuvre. Il faut être ambitieux, non dans la quantité de législation adoptée, mais dans les résultats recherchés et attendus.

La question des migrants est ancienne et ne va pas disparaître en un mois ou un an. Auparavant, nous la gérions au gré des crises. Pour la première fois, aujourd’hui, la Commission la traite de manière planifiée. Beaucoup de solidarité s’exprime. J’aimerais appeler tous les États membres à continuer de travailler dans un esprit de solidarité.

La Commission européenne actuelle a pour préoccupation d’être plus proche des citoyens. Les membres du collège sont priés d’aller à leur rencontre. C’est pourquoi nous nous déplaçons et organisons également des réunions avec les parlementaires comme nous le faisons aujourd’hui. Nous rencontrons partout des ONG ou des parties prenantes aux différentes politiques, car nous voulons nous rapprocher des citoyens. Mais les parlementaires nationaux sont ceux qui sont le plus proches des citoyens. Je le sais d’expérience, pour avoir été parlementaire durant près de quarante ans. Personne n’est plus proche qu’eux des citoyens.

S’agissant des petits pêcheurs artisanaux, nous reconnaissons leur importance, car ils pratiquent la pêche de manière durable. Certaines initiatives du FEAMP les concernent aussi. Mais c’est aux États membres qu’il revient de les aider. Il y a deux ou trois semaines, un débat a eu lieu au Parlement européen, qui a adopté des amendements encourageant chaque État membre à aider la pêche artisanale, par exemple dans l’affectation des quotas, compétence nationale. En ce qui concerne les TAC, nous les encourageons également à travailler ensemble pour trouver des solutions conjointes. À cet égard, j’aimerais aussi parler de régionalisation, thème que vous n’avez pas abordé. Nouveauté de l’actuelle PCP, elle pourrait cependant apporter des solutions très intéressantes.

Concernant les situations économiques, nous avons bien sûr besoin de plus de données. Nous devons créer un système de collecte qui nous permette de disposer de données de manière juste et complète. Parfois, les données socio-économiques sont utilisées pour repousser la mise en place d’une politique ou pour l’éviter tout à fait. Il faut changer d’approche et utiliser les données socio-économiques pour aider et soutenir l’industrie de pêche.

Quelqu’un a parlé du cluster maritime européen. La France s’active beaucoup sur ce sujet. Il s’agirait d’activités qui ne concernent pas seulement la pêche, mais également l’économie bleue et tout le secteur maritime. L’activité maritime ne se renferme pas tout entière dans la pêche ; elle inclut également le traitement du poisson et d’autres activités qui représentent, en volume, quatre fois l’activité de la pêche proprement dite. L’économie bleue emploie en France environ 400 000 personnes, alors que le nombre de personnes qui travaillent dans la pêche et la pisciculture ne s’élève qu’à 12 000. Cela vous donne une idée de l’échelle de l’économie bleue par rapport à l’activité de la pêche. C’est pour cela qu’il faut prêter plus d’attention à ces activités bleues, sans pourtant oublier les activités de pêche.

S’agissant des garde-côtes européens, l’Union européenne ne veut pas prendre le contrôle des frontières maritimes, mais soutenir les États membres et coordonner leurs activités.

Quelques doutes se sont exprimés à propos de l’ambition environnementale de notre Commission. Si nous en voulons des preuves, il nous suffit pourtant de jeter un œil au programme de travail pour 2016. Nous traiterons de la qualité de l’air, de l’économie circulaire et de la biodiversité. Et il ne s’agit que du programme législatif. Les programmes non législatifs vont encore plus loin. Donc si, nous sommes très ambitieux. Nous cherchons surtout des résultats.

Concernant les sacs en plastique, l’Union européenne s’est en effet penchée sur la question l’année dernière. Quant à l’économie circulaire, j’en parlerai un peu plus en détail. L’objectif de 65 % a été évoqué. Il n’est cependant pas possible de comparer terme à terme avec la version initiale, qui ne concernait que la gestion des déchets, le paquet nouveau, puisqu’il couvre l’ensemble de l’économie circulaire. Il concerne en effet aussi le stade de la production, en cherchant à éviter le gaspillage et l’apparition de déchets dès ce stade. Car mieux vaut éviter la production de déchets qu’avoir à les gérer. Nous nous sommes donc éloignés d’un modèle où la production débouchait mécaniquement sur des déchets à gérer, au profit d’un type de production causant moins de déchets ; la question du traitement de ces derniers ne vient alors qu’ensuite.

Concernant la France et les fonds européens, la France est l’un des pays qui absorbent une large part des fonds du FEAMP, beaucoup plus qu’anciennement. Il me semble qu’elle reçoit de lui deux fois plus de crédits que du fonds qui l’a précédé.

S’agissant des sacs en plastique, nous avons lancé une stratégie incluse dans notre réflexion sur l’économie circulaire, qui ne se borne pas au recyclage.

Quant aux espèces envahissantes, nous travaillons également. Concernant la question soulevée à propos des oies sauvages, il faut réfléchir davantage sur la directive Oiseaux. Nous venons de lancer un projet pilote pour essayer de mieux comprendre le problème et ses causes en France. Concernant les mesures techniques, nous voulons en finir avec la micro-gestion pour aller vers une régionalisation.

Nous avons un programme très ambitieux pour toute l’Europe, concernant l’eau. Des fonds sont disponibles pour mettre en œuvre cette législation. Il ne revient qu’aux États membres de les utiliser. S’agissant des pesticides, il faut prendre des décisions à partir d’études scientifiques. Bien sûr, nous reconnaissons tous l’importance de la sécurité et de la santé.

S’agissant de l’agriculture en général, nous ne pouvons nous voiler la face devant la situation. Il faut s’asseoir à une table avec les agriculteurs pour trouver des solutions à leurs problèmes et aux nôtres. Je crois sincèrement que les agriculteurs seront partie intégrante de la solution. Je ne vois pas les agriculteurs comme un élément du problème, mais plutôt comme un élément de la solution.

Quelqu’un a mentionné que les vingt-huit États membres fonctionnent parfois à des vitesses différentes. C’est vrai. Dans le paquet relatif à l’économie circulaire, nous fixons différentes étapes et différentes cibles, à atteindre à des vitesses différentes, car les États membres avancent à leur rythme. Mais nous avons deux options. Soit nous réduisons le niveau d’ambition, c’est-à-dire le niveau d’exigence reflété dans les cibles, pour attendre les États membres qui sont en retard, soit nous gardons les mêmes cibles et ambitions, en aidant les États membres en retard à arriver au niveau des autres États membres.

Nous avons choisi la deuxième option. Nous gardons le même niveau d’ambition, mais identifions les États membres qui accusent un retard, pour trouver avec des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent. Nous les aidons ainsi à atteindre le niveau le plus élevé. En fin de compte, c’est notre rôle.

Certes, les députés doivent s’occuper de législation. Mais, en dehors de cela, nous devons faciliter l’action. Certes, nous faisons les lois, mais ne nous arrêtons pas là. Nous devons faciliter les choses de manière à obtenir des résultats.

S’agissant de l’île de La Réunion, je ne suis pas sûr que le parlementaire qui l’a mentionnée était là lorsque j’ai organisé, avec ma collègue Corina Creţu, une réunion avec les représentants des régions ultrapériphériques au Parlement européen. Il est vrai qu’il y a, dans ces régions, des questions et des problèmes spécifiques, mais il y a aussi des opportunités spécifiques. Il faut regarder la situation et aider ces régions à trouver des solutions. Lorsque nous avions eu cette réunion, nous avions décidé de mettre en place un groupe de travail qui va, de manière continue, dialoguer avec les régions ultrapériphériques et trouver des solutions avec elles.

Quelqu’un a posé la question de savoir pourquoi il y a toujours deux perspectives s’agissant de la gestion des réserves halieutiques. Les uns dénoncent un épuisement des stocks, les autres disent qu’il n’y a rien de tel. En tout état de cause, lorsque nous recherchons à garantir un développement durable, nous nous occupons des intérêts des entreprises et des pêcheurs. Car il n’est pas seulement question de durabilité biologique, mais aussi de durabilité économique de l’activité de pêche. C’est pourquoi j’ai recommandé, à Catane, de faire en sorte que le représentant des pêcheurs soit à la même table que les scientifiques. Très souvent, il y a un décalage temporel entre les informations recueillies par les pêcheurs et l’analyse qu’en donnent, douze à dix-huit mois plus tard, les scientifiques. Mettre les gens ensemble peut permettre de dépasser les difficultés qui naissent de ce délai.

Quelqu’un a parlé du besoin d’être ambitieux non seulement au niveau de l’Union européenne, mais aussi au niveau international, quand on parle de politique maritime. C’est exactement ce que nous faisons en matière de politique des océans. Car, en ce domaine comme dans d’autres, il n’y a pas un environnement chinois, un environnement européen, un environnement brésilien… Non, il n’y a qu’un environnement, celui de la planète. Nous partageons les mêmes problèmes et nous devons arriver à des solutions mondiales. En matière de gouvernance des océans, nous cherchons donc un relais international, car ce sont des problèmes que l’Union européenne ne peut résoudre seule. Nous recherchons ainsi une harmonisation non seulement européenne, mais mondiale et internationale, pour éviter que notre industrie soit désavantagée.

Quant aux produits chimiques et perturbateurs endocriniens, deux jugements ont été rendus. Le deuxième portait sur les critères ; sa matière relève des compétences de l’un de mes collègues au sein du collège des commissaires. La Commission européenne a pris connaissance du jugement du 16 décembre, ainsi que des commentaires des parlementaires européens, comme elle a pris note des inquiétudes soulevées dans nombre d’États membres, y compris en France. Elle a naturellement l’intention de respecter ses obligations juridiques et de proposer de nouveaux critères scientifiques de définition des perturbateurs endocriniens. Une analyse d’impact fondée sur une méthode scientifique est déjà en cours. Les conclusions seront rendues publiques avant l’été 2016.

En ce qui concerne les TAC, je pense qu’ils sont un instrument précieux de préservation de la ressource, mais servent aussi à assurer une certaine sécurité des pêcheurs. Car les pêcheurs savent, chaque année, combien de TAC leur sont alloués. Mais les TAC sont utilisés quand d’autres mesures ne donnent pas les résultats que nous souhaitons en matière de conservation.

La partie la plus ambitieuse du paquet législatif relatif à l’économie circulaire ne concerne pas la gestion des déchets, mais l’exigence d’un plan d’action fourni par tous les États membres et qui sera tout aussi important que la législation. Pour qu’ils soient efficaces, ces plans d’action devront étayés de mesures techniques et de possibilités de financement.

Nous voulions interdire la pêche en eau profonde. Cela n’a pas été retenu par le Parlement et le Conseil, mais des alternatives ont été proposées. En ce moment, la présidence hollandaise a dit que nous approchons d’un accord politique, mais il se laisse attendre. La Commission va continuer à suivre cette question de près. La surpêche demeure un problème énorme ; nous surestimons parfois les ressources qui nous restent.

S’agissant de la surexploitation du poisson, le volume de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) est souvent sous-estimée. Alors que le volume des prises légales en Europe représente 5 % des prises mondiales, les INN en représentent 15 %, soit trois fois plus. Quant au déchargement clandestin (black landing), la Commission prend la situation très au sérieux, mais la responsabilité des inspections revient aux États membres. La Commission joue un rôle de pilotage. Lorsqu’une surpêche était constatée, dans les eaux du Royaume-Uni, de l’Irlande ou de l’Espagne, s’agissant de maquereaux dans ce dernier cas, l’État membre devait rendre le montant équivalent en quotas de pêche. L’Espagne a ainsi dû rendre 100 000 tonnes de quotas de maquereaux.

Quant au loup, nous comprenons qu’il y a des problèmes causés à l’élevage ovin. La Commission est consciente des problèmes posés par l’extension de son territoire de colonisation. La protection d’une espèce peut être gelée, à titre dérogatoire, lorsque cela est justifié. Ce problème peut donc être traité.

Quant à nos actions de suivi de la COP 21, elles sont liées à notre Agenda 2030. La protection des océans a été longuement abordée dans les discussions de la COP 21, car ils absorbent 90 % des émissions de chaleur. Nous ne pourrons jamais traiter la question climatique sans nous intéresser en même temps et surtout aux océans.

S’agissant du gaspillage alimentaire, il est vrai que 30 % de notre production alimentaire est gaspillée, au stade de la production et de la distribution, et se transforment en déchets dans l’Union européenne. Nous nous sommes engagés à réduire ce gaspillage. Des engagements ont été pris pour 2020, non seulement par l’Union européenne, mais aussi par ses États membres. Je pense qu’ils devraient suivre la situation et échanger leurs meilleures pratiques.

En ce qui concerne la biodiversité, je pense que nous devons élargir cette question à la biodiversité des océans. Les rapports sur l’état des océans font état d’éléments positifs et négatifs. Parmi les éléments positifs, nous avons fait des progrès ; parmi les éléments négatifs, nous n’atteindrons pas nos cibles et objectifs si nous ne prenons pas de mesures supplémentaires. Nous pouvons cependant en prendre, car nous disposons d’un vivier d’expériences positives en ce domaine, à travers l’Union européenne.

Quant à la pollution de l’air, nous pourrions en parler longtemps. Nous savons que le dioxyde d’azote est très mauvais et cause directement des maladies. Ses émissions dépassent parfois les normes réglementaires. Nous essayons de contrôler les émissions des véhicules automobiles qui sont supérieures à la limite. Dans le sillage de l’affaire Volkswagen, nous avons demandé à tous les États membres de vérifier les émissions de leurs constructeurs automobiles nationaux.

En ce qui concerne la Méditerranée, les réserves halieutiques ont diminué. La situation ne s’améliore pas. C’est l’une des questions difficiles que nous devons traiter, outre celle de la pollution. Organisée à Catane par la Commission européenne et par le Comité consultatif européen, la réunion dont je vous ai parlé a mis en présence les experts européens et les représentants des États membres. Nous voulons que le problème soit reconnu et que des décisions soient prises quant aux actions à prendre, et surtout quant à leur calendrier. Bien entendu, en Méditerranée, l’état des stocks peut s’améliorer dans certaines zones tandis qu’il se détériore dans d’autres. Mais la question est d’autant plus complexe que tous les États riverains n’appartiennent pas à l’Union européenne. Je me suis efforcé de dépasser la difficulté en réunissant tous les États riverains, membres et non membres de l’Union européenne, pour qu’ils examinent ensemble quelles mesures peuvent être prises qui soient bénéfiques à tous. Une série de réunions bilatérales avec les États non membres de l’Union européenne est également prévue.

Je sais qu’il y a un certain nombre de points auxquels je n’ai pas répondu. Il est aussi possible d’organiser des réunions bilatérales.

M. Daniel Fasquelle. Je vous remercie, monsieur le commissaire. Il n’en demeure pas moins que le fossé se creuse entre les pêcheurs et Bruxelles. Il est urgent de remettre à plat la politique commune de la pêche. Pour ce qui est de la chasse, vous ne m’avez par ailleurs pas répondu, en ce qui concerne la révision de la directive Oiseaux. Je vous enverrai peut-être une question écrite, pour vous permettre de répondre aussi par cette voie. Au besoin, je viendrai vous voir à Bruxelles avec mes amis chasseurs.

M. le commissaire Karmenu Vella. Avec plaisir. Concernant les pêcheurs, je suis venu en France et j’y ai rencontré les représentants des pêcheurs. Au conseil de décembre, la France a enregistré de bons résultats. Les perspectives du secteur s’améliorent et c’est ce que nous recherchons. Nous voulons améliorer sa rentabilité.

Je vous fais la proposition à tous : vous pouvez nous envoyer vos questions par écrit et nous vous répondrons sans faute.

La Présidente Danielle Auroi. Monsieur le commissaire, nous vous remercions.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 16 février 2016 à 17 heures

Présents. - M. Yves Albarello, M. Guy Bailliart, M. Florent Boudié, M. Jean-Louis Bricout, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, M. Philippe Duron, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Michel Heinrich, M. François-Michel Lambert, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, Mme Marie Le Vern, M. Gérard Menuel, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard

Excusés. - M. Sylvain Berrios, Mme Chantal Berthelot, M. Patrice Carvalho, Mme Florence Delaunay, M. Alain Gest, M. Christian Jacob, M. Philippe Martin, M. Napole Polutélé, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville