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Mercredi 16 mars 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 48

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Examen du rapport d’information sur les nuisances aéroportuaires (MM. Jacques Alain Bénisti et Christophe Bouillon, rapporteurs)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné le rapport d’information de MM. Jacques Alain Bénisti et Christophe Bouillon sur les nuisances aéroportuaires.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous nous réunissons ce matin pour examiner le rapport de M. Jacques Alain Bénisti et de M. Christophe Bouillon sur les nuisances aéroportuaires.

La mission d’information sur les nuisances aéroportuaires a été décidée, il y a près d’un an, par le bureau de notre commission. Nos deux rapporteurs ont rencontré une quarantaine d’organismes, associations de riverains, compagnies aériennes, gestionnaires d’aéroports, syndicats professionnels, chercheurs, autorités sanitaires. À partir du constat qu’ils ont dressé sur l’évolution des nuisances sonores et des pollutions et sur l’insuffisance des réponses actuelles, ils ont formulé quarante-six recommandations dans de nombreux domaines comme l’information des riverains, le financement des aides à l’insonorisation, les volets techniques et les trajectoires des avions, la limitation des vols ou l’évolution des plateformes aéroportuaires.

J’ai le plaisir d’accueillir dans notre commission M. Alain Ballay, élu de la première circonscription de Corrèze. Il remplace Mme Sophie Dessus qui nous a quittés il y a quelques jours.

J’indique que notre commission sera concernée par une séance de questions et deux débats organisés pendant la semaine de contrôle du 29 au 31 mars prochains : des questions sur le financement des infrastructures de transport, le mardi 29 mars après-midi ; demandé par le groupe UDI, un débat sur le rapport de la commission d’enquête sur le coût de la filière nucléaire, mercredi 30 mars, après les questions au Gouvernement ; demandé par le groupe Écologiste, un débat sur le rapport d’information de la commission des finances sur les perspectives de développement d’Areva et l’avenir de la filière nucléaire, jeudi 31 mars matin, salle Lamartine.

M. Jacques Alain Bénisti, corapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, le transport aérien traverse une période marquée par de profonds bouleversements, dans laquelle les enjeux environnementaux ont commencé à prendre une place primordiale, non seulement aux yeux des populations survolées, mais aussi auprès de certains États.

La compatibilité entre aéroports et zones urbaines est une problématique de plus en plus pressante, les relations entre les riverains étaient de plus en plus délicates, face aux velléités de développement de certains de ces aéroports, spécialement – mais pas seulement – en Île-de-France.

Aujourd’hui, 4 700 000 personnes subissent des nuisances aéroportuaires. Celles-ci sont de plusieurs ordres. La principale est, de loin, la nuisance sonore. Mais on peut aussi parler de la pollution atmosphérique, de la pollution des sols, des cours d’eau et de la pollution lumineuse ; ces pollutions, comme on l’a constaté dans un certain nombre de rapports, impactent la santé et le cadre de vie des riverains des différentes plateformes aéroportuaires.

Face à ces enjeux, notre commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a pris l’initiative de lancer cette mission d’information sur les nuisances aéroportuaires, dont nous sommes les rapporteurs. Je tiens particulièrement à remercier le président Chanteguet pour cette initiative.

Nous devions rendre notre rapport au mois d’octobre, mais nous avons dû effectuer des visites sur le terrain pour constater ces nuisances et aller étudier les perspectives d’aéroports de substitution pour répondre au nombre grandissant de passagers et d’aéronefs dans certaines régions. Voilà pourquoi, après presque une année de travail et de nombreuses auditions qui nous ont permis d’entendre tous les acteurs du transport aérien, nous avons formulé, Christophe Bouillon et moi-même, une cinquantaine de propositions. Ce sont des propositions réalistes et ambitieuses, qu’il va vous énumérer tout à l’heure, et qui tendent à mieux concilier les intérêts environnementaux avec les intérêts économiques, et particulièrement les problèmes d’emploi que nous connaissons aujourd’hui.

Malgré les efforts incontestables réalisés ces dernières années, ces nuisances ne sont pas la priorité absolue des différents acteurs aéronautiques, que ce soit les constructeurs d’avions ou de moteurs, la Direction générale de l’action civile – DGAC – ou même les gouvernements successifs qui, malheureusement, y ont prêté peu d’importance.

Concernant les premiers, la diminution des consommations de kérosène passe largement avant la réduction du bruit ou des émanations de particules. Les principaux constructeurs réalisent avant tout des aéronefs en fonction des priorités du cahier des charges qui leur sont imposées par leurs clients. Cela étant, depuis très peu de temps, certaines compagnies, notamment européennes, mais plus particulièrement asiatiques, lorsqu’elles achètent des avions, prennent en compte dans le cahier des charges le problème de l’environnement, ce qui n’était pas le cas auparavant. Beaucoup d’entre elles inscrivent désormais, en seconde position des critères de choix, la diminution des nuisances environnementales. Évidemment, Airbus et Boeing, en raison d’une concurrence acharnée et de leurs contraintes commerciales, n’inscrivent, dans leurs premières exigences, que les économies énergétiques et les performances des avions.

La DGAC, pour laquelle les nuisances ne sont pas la priorité, préfère se concentrer sur ses missions de prédilection : le bon fonctionnement de la circulation aérienne, la sûreté et la sécurité du trafic. En fait, sous couvert de ces deux derniers points, elle modifie et quelquefois intervertit les configurations de survol des aéronefs sans se soucier un seul instant de la densification des zones impactées ni des nuisances qui en résultent pour les populations survolées ou nouvellement survolées. Les décisions sont prises et les enquêtes d’utilité publiques sont menées dans la plus grande opacité. La DGAC fait fi de tous les textes de loi régissant les règles urbanistiques et environnementales en vigueur. Prenons l’exemple de la décision qui a été prise en 2012 pour le Bourget : les avions qui volaient au nord de la capitale sont désormais passés, comme par magie, au sud de celle-ci. Ainsi, aujourd’hui, des avions survolent Paris entre 1 200 et 1 500 mètres – et une centaine d’avions passent quotidiennement à cette altitude au-dessus de l’Élysée.

L’ACNUSA (Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires), organisme spécialement créé pour lutter contre ces nuisances, n’apporte que peu de remèdes. Elle inflige quelques amendes pour non-respect du couvre-feu et des trajectoires d’approche, mais valide malheureusement souvent des décisions de la DGAC.

Christophe Bouillon et moi-même avons fait un état de ces différentes problématiques, mais surtout, nous avons constaté le manque de prise de conscience et l’absence de vision à long terme de nos gouvernants durant ces dernières décennies, et encore aujourd’hui. Pourtant, ce ne sont pas les solutions qui manquent. Nous en avons listé un certain nombre qui pourraient réduire, considérablement pour certaines, les nuisances subies par les populations survolées, dont le rappelle le nombre : 4 700 000 personnes sont quotidiennement survolées par des avions.

Que ces nuisances soient sonores ou atmosphériques, qu’elles soient occasionnées le jour ou la nuit, il existe des solutions. Nous avons répertorié ces solutions dans ce rapport, même si elles n’ont pas la prétention d’éradiquer toutes les nuisances. Mais elles permettront néanmoins de réduire celles qui sont provoquées par l’augmentation du trafic, notamment en région parisienne.

Les pouvoirs publics ont un rôle central à jouer pour accompagner ce secteur, mais aussi et surtout anticiper ses évolutions dans son contexte global. La question aujourd’hui est de savoir quelles orientations stratégiques la France et l’Union européenne devront adopter pour le transport aérien à moyen et long termes. Nous avons besoin d’un État stratège, visionnaire, qui prenne la mesure des mutations du secteur et de ses enjeux économiques, mais aussi et surtout environnementaux. Comme l’a très justement écrit la Cour des comptes dans un rapport de 2008 sur les aéroports français, « l’État doit maîtriser les évolutions qu’il a lui-même amorcées ». La Commission européenne prépare un Livre blanc qui devrait être publié prochainement. Gageons qu’il saura donner une impulsion politique claire pour l’avenir – du moins je l’espère.

Des solutions existent. C’est ce que nous avons essayé de démontrer au travers des différentes auditions que nous avons réalisées – notamment auprès de plusieurs experts. Nous avons repris un certain nombre des propositions de ces experts, que nous avons jugées réalistes et surtout conformes en matière de sécurité, de technicité, et donc crédibles aux yeux de tous. Elles permettront, si elles sont mises en application, de réduire considérablement les nuisances. Pour d’autres, elles les atténueront sensiblement, et permettront aux populations subissant ces calvaires de mieux vivre dans le futur.

Nous sommes à un moment clé. Nous devons nous mobiliser pour préparer le futur et prendre les décisions nécessaires pour l’environnement, en portant une attention particulière à la gestion de la cohabitation avec les riverains, l’aménagement du territoire, l’avenir des aéroports, dans une vision multimodale de la politique des transports.

M. Christophe Bouillon, corapporteur. Je tiens à dire d’emblée que j’ai été ravi de faire ce travail avec Jacques Alain Bénisti, dont je n’oublie pas qu’il a été lui-même pilote : nous avions donc un cap, une bonne trajectoire, un plan de vol, et j’espère que nous avons atterri sans dommages.

La réalité, rappelée par Jacques Alain Bénisti, c’est à la fois le développement du transport aérien et la forte concurrence qui existe dans ce secteur. Notre projet, c’est de concilier les deux. Nous avons donc formulé un certain nombre de recommandations, que nous avons classées par famille.

Première famille : remédier aux lacunes dans la production des données, ce qui est essentiel pour instaurer la confiance entre les différents acteurs. Il faut à la fois assurer la pertinence et la fiabilité des données sur les nuisances, qu’il s’agisse des nuisances de bruit, de la pollution de l’air, des nuisances lumineuses ou de la pollution de l’eau. D’où toute une série de recommandations :

– Afin de compléter les PEB (plans d’exposition au bruit) et les PGS (plans de gêne sonore), produire une cartographie de la gêne, pour mieux identifier et définir la totalité de la population survolée aux environs d'un aéroport, en mobilisant les services d'urbanisme des territoires. (1)

– Mettre à la disposition de Bruitparif des données de la DGAC pour reconstituer l'altitude des avions. (2)

– Faciliter la communication des données du laboratoire d'ADP à Bruitparif et aux associations de riverains reconnues par le préfet de région. (3)

– Croiser les données de Bruitparif avec les densités de population, pour obtenir des informations plus précises, permettant de quantifier quotidiennement le nombre d'avions dépassant un niveau de bruit moyen fixe, et de répondre ainsi aux attentes légitimes des riverains. Cet indicateur global tiendrait compte de l'évolution de la population et de l'augmentation du trafic, afin de faire passer celui-ci dans les zones les moins denses et aux horaires les moins gênants. (4)

– Moduler le périmètre ouvrant droit à l'insonorisation selon un indicateur proposé par l'ACNUSA, le « number of events above » ou NA, qui permet de calculer le nombre de mouvements d'avions dépassant un certain niveau de bruit pendant une période donnée et, par conséquent, de savoir précisément combien d'avions par jour dépassent, en moyenne, un niveau de bruit fixé. (5)

– Produire des rapports d'étape des études « Survol » et « Débats », celles-ci devant, par nature, se dérouler sur plusieurs années. (6)

– Revoir les indicateurs pour le calcul du CO2, en prenant en compte les émissions d'altitude : ceux-ci sont en effet actuellement calculés sur la base d'un cycle décollage, atterrissage roulage, dit cycle LTO {Landing and Take Off), qui ne prend en compte que les émissions jusqu'à une altitude de 900 m (7)

– Consolider les missions de Bruitparif dans le domaine des nuisances aéroportuaires, maintenir son financement et clarifier les rôles respectifs de l’État et de la région. (8)

Deuxième famille de propositions : améliorer l’information des riverains, ce qui participe évidemment à l’établissement de la confiance.

– Inclure et clarifier les informations sur les nuisances sonores aéroportuaires dans la promesse de vente ou le bail locatif dans les PEB et PGS. (9)

– Réaliser des enquêtes publiques en bonne et due forme avant chaque modification de trajectoires et survol de nouvelles populations. (10) Cela a été rappelé par Jacques Alain Bénisti dans son exposé. Dans certains cas, des modifications ont été réalisées sans enquête publique. Je crois qu’il est nécessaire, pour rétablir la confiance et apporter une bonne information aux riverains, de procéder autrement et de réaliser systématiquement des enquêtes publiques.

Troisièmement famille de recommandations : revoir l'aide à l'insonorisation et son financement.

– Remodeler les PEB et PGS en leur substituant un document unique, en harmonisant les procédures, en simplifiant les cartes, et en prenant en compte les niveaux maxima de bruit. (11)

– Permettre une vision dynamique du territoire inclus dans les PEB et PGS, mais avec une extension maîtrisée, sous le contrôle du préfet du département. (12) Il ne s’agit pas d’empêcher le développement de ces territoires, qui sont déjà fortement impactés par les nuisances sonores. Mais il faut, en la matière, avoir une approche pragmatique.

– Mettre en place un système de tiers financeur, sous condition de ressources, afin que le coût des travaux d'isolation ne soit pas un obstacle à leur engagement (13) – un peu à l’instar de ce qui a été fait dans le cadre de la loi sur la transition énergétique et sur l’isolation thermique.

– Mettre en œuvre une approche conjointe entre isolation acoustique et isolation thermique, afin de coupler les travaux. (14) On sait qu’il existe en la matière des dispositifs fiscaux ou des incitations, et il serait opportun de mener de concert ces deux approches d’isolation. Il faut éviter d’avoir à refaire des travaux ultérieurement, et de réaliser des travaux d’isolation thermique qui viennent en contradiction avec les travaux nécessaires à une meilleure couverture acoustique.

– Remettre à plat la TNSA (taxe sur les nuisances sonores aériennes) qui n'est plus efficiente, la remplacer par une nouvelle fiscalité, fondée sur le principe pollueur-payeur, et revoir le système de financement de l'insonorisation des habitations. (15)

– Enfin, prévoir la souscription d'un emprunt par ADP pour réduire les stocks de dossiers déjà instruits ; l'emprunt serait remboursé au fur et à mesure par le produit de la TNSA ou d'une nouvelle taxe. (16) On ne peut pas se satisfaire d’un tel niveau de stocks. Là encore, pour rétablir la confiance, il faut pouvoir traiter dans les meilleurs délais l’ensemble de ce stock de dossiers.

Quatrième famille de recommandations : limiter les vols de nuit à Paris-CDG

Nous souhaitons que soient étudiées et mises en œuvre de nouvelles configurations de trajectoires permettant de survoler les zones les moins urbanisées. (17) C’est pour nous un sujet important. Il ne s’agit pas d’interdictions des vols de nuit. Ce n’est le propos ni des rapporteurs que nous sommes, ni même d’ailleurs des revendications qui ont été portées, que ce soit pour des associations de riverains ou d’autres acteurs du domaine.

Nous souhaitons également mettre en œuvre dans les meilleurs délais les propositions du rapport du préfet Guyot : généralisation des descentes douces entre 0 h 30 et 5 heures ; mise en place d'une alternance régulière des travaux de maintenance des pistes, afin de permettre aux riverains de récupérer tous les 15 jours ; veiller à la ponctualité des vols sur les marges de nuit, afin de préserver le cœur de nuit – je crois que c’est un sujet vraiment essentiel et qui a été évoqué à plusieurs reprises avec beaucoup de force par les associations de riverains comme par les élus, dont certains sont présents aujourd’hui ; améliorer l'information des riverains, notamment par internet. (18)

Nous souhaitons : sur la période 00 h 00-05 h 00 qui est une période cruciale, de nouvelles restrictions opérationnelles avec la suppression rapide des vols commerciaux (19) ; et sur la période 22 h 00-06 h 00, la suppression des avions qui émettent au sol des émissions supérieures à 70 dB (A). (20)

Nous recommandons la réalisation du projet Euro Carex, réseau express ferroviaire européen, qui doit permettre le report modal d'une partie du trafic fret avionné – trafic express et postal. (21)

Cinquième famille de recommandations : optimiser les trajectoires.

– Limiter les nuisances résultant du trafic de l'aviation d'affaire de l'aéroport de Paris-Le Bourget : soit l'aviation d'affaires est transférée à Paris-CDG ; soit la DGAC propose de reconfigurer les trajectoires d'approche ou de décollage de cet aéroport en épargnant les zones les plus urbanisées. (22)

– Choisir des configurations permettant le survol des zones les moins peuplées, alors qu'actuellement, les trajectoires survolent les zones les plus densifiées. (23)

– Faire avaliser les trajectoires par le préfet de région. (24)

– Enfin, réaliser de vraies enquêtes publiques avec information des élus et des populations survolées à chaque changement de trajectoires. (25)

Sixième famille de recommandations : alourdir les pénalités en cas de non-respect des trajectoires et des couvre-feux.

– Porter la sanction à des niveaux bien plus élevés que ceux appliqués jusqu'à présent afin qu’elle soit réellement dissuasive. (26) Nous sommes, avec des variantes, dans des niveaux de sanction autour de 20 000 euros, selon le type d’infractions. Cela n’est manifestement pas dissuasif pour certaines compagnies. C’est une recommandation que nous souhaitons voir mettre en œuvre assez rapidement.

– Redéployer les moyens pour recouvrer les pénalités, de manière plus performante et plus coercitive. (27)

– Examiner la possibilité d'immobiliser l'avion de compagnies multirécidivistes ou de celles qui ne règlent pas les amendes. (28) Cela existe, et là encore, il faut pouvoir taper du poing sur la table.

Septième famille de propositions, qui nous tiennent à cœur : délester les plateformes d’Île-de-France. Nous avons étayé ces propositions sur les auditions réalisées dans le cadre de notre mission. Nous avons cherché à tenir compte des remarques qui ont été formulées auprès de nous, tant au niveau par la DGAC que par ADP, ou même par les autorités douanières. Ces propositions nous semblent à la fois ambitieuses et réalistes. Il s’agit, afin de mieux répartir le trafic, de répondre à la démocratisation du transport aérien et au développement des compagnies low cost, en étudiant le report d'une partie de ce trafic selon deux scénarios.

Premier scénario : un report sur l'aéroport existant de Vatry, dont les potentialités ne sont pas toutes exploitées, en utilisant les infrastructures de la SNCF. Je vise l'ancienne ligne Paris-Strasbourg, sur laquelle circulerait une navette très rapide. Ce site peut parfaitement accueillir de nombreux vols, et dispose d’une grande marge.

Deuxième scénario : un report sur Pithiviers (Césarville), soit en construisant une piste réservée aux vols Schengen, pour tenir compte d’un certain nombre de conditions particulières en matière de contrôles douaniers, avec une voie LGV dédiée la reliant à Orly ; soit en construisant un nouvel aéroport près de la future gare TGV. (29)

Ces propositions relèvent du bon sens et tiennent compte d’un certain nombre de remarques que l’on nous a faites.

Nous souhaitons – huitième famille de propositions – renforcer le rôle de la Gendarmerie des transports aériens (GTA), en lui attribuant les compétences actuellement dévolues aux agents instructeurs de la DGAC. (30)

Nous proposons – neuvième famille – de revoir les CCE (comité central d’entreprise) pour organiser une vraie gouvernance entre l'État, Aéroports de Paris et les collectivités concernées – nous connaissons le travail de notre collègue Jean-Pierre Blazy en la matière.

Nous proposons donc de revoir le mode de fonctionnement, le pouvoir et la composition des CCE, en privilégiant la participation des maires des communes impactées par les nuisances (31) ; et faire agréer les associations par le préfet de région, comme pour les associations de l'environnement, ce qui leur conférerait une vraie reconnaissance, selon des critères objectifs à définir. (32)

Dixième famille de proposition : nous souhaitons mettre en œuvre le plus rapidement possible les communautés aéroportuaires créées par la loi du 23 février 2004, leurs missions portant à la fois sur les aspects économiques et environnementaux des aéroports (33). Ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui.

Onzième famille : favoriser les plans de déplacement des entreprises. Bien évidemment, la place aéroportuaire parisienne est essentielle, non seulement en termes de transports aériens, le hub de Paris est essentiel dans le paysage aéroportuaire européen et même mondial. Il génère un certain nombre d’emplois, comme notre rapport l’indique.

Nous proposons d’étudier un tarif spécifique aux salariés d'ADP et des compagnies concernées pour le CDG Express et la future liaison avec Orly, afin de limiter leurs déplacements en voiture particulière qui contribuent à la pollution atmosphérique et à la congestion autour des aéroports. (34) Je sais que ce sont des propositions portées par un certain nombre de collègues ici présents.

Douzième famille : promouvoir la solidarité territoriale.

Nous recommandons de mettre en place une péréquation afin de compenser équitablement les nuisances aéroportuaires entre communes, et de permettre aux pouvoirs publics de répondre aux enjeux sociaux, environnementaux et urbains des territoires concernés – étudier une redistribution de la redevance sur les oxydes d'azote (NOx) et un fléchage de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) vers l'aide à certaines communes. Le fonds de compensation des nuisances aériennes devrait être généralisé pour aider les communes les plus touchées par les nuisances. (35) Il s’agit de bien prendre en compte l’ensemble des solidarités territoriales, et pas seulement celles qui sont très proches des plateformes aéroportuaires.

Treizième famille : encourager la recherche, et donc accentuer l'aide à la recherche pour le secteur aéronautique, à l'image des investissements d'avenir dédiés à la protection de l'environnement. (36) Nous avons rencontré nombre d’acteurs qui sont très impliqués dans le domaine de la recherche. Les aéronefs sont sources de bruit, mais des progrès conséquents ont été réalisés depuis plusieurs années pour limiter cette nuisance. Plus généralement, certains concepteurs comme Airbus et l’ensemble des acteurs français sont capables de véritables ruptures technologiques. Il en est de même au niveau européen.

Notre dernière famille de propositions concerne la réduction des nuisances des hélicoptères. Là encore, nous avons rencontré à la fois des associations de riverains, des constructeurs comme Airbus et différents acteurs. Il s’agirait de :

– Réviser le décret du 20 octobre 2010 afin de prendre en compte réellement la densité de population avec des critères adaptés, en s'appuyant sur la définition d'Eurostat pour les zones à forte densité de population (ZFDP) (37).

– Limiter les vols dans les zones à forte densité de population, et pas seulement au départ et à l'arrivée des aérodromes situés dans ces zones. (38)

– Renforcer les contrôles sur les zones de nuisances, et pas seulement à proximité directe des plateformes. (39)

– Réviser l'arrêté du 6 mai 1995 sur les hélisurfaces, qui devraient être limitées à quinze dans les zones à forte densité de population. (40)

– Transférer progressivement les dispositions des chartes dans des arrêtés (41).

– Faire respecter les trajectoires et altitudes en région parisienne et remettre à plat des procédures d'atterrissage et de décollage, et mettre en place un système d'amendes réellement dissuasives (42).

– Réfléchir à la délocalisation de l'héliport d'Issy-les-Moulineaux (43).

– Relever les altitudes de vol minimales, notamment en région parisienne, accompagnées de mesures plus coercitives sur la recherche systématique des plafonds (44).

– Confier au représentant de l'État dans chaque région la possibilité de fixer des limitations au trafic des hélicoptères, en nombre de mouvements, de plages horaires, de niveau sonore ou de type d'appareils (45).

– Enfin, favoriser l'implantation en mer des hélistations se trouvant en territoire côtier (46).

Je tiens à faire remarquer que, même si, à travers ces recommandations, nous avons donné le sentiment de beaucoup parler de la région Île-de-France, nous avons rencontré d’autres acteurs des aéroports, sur Beauvais, sur Lyon ou sur d’autres places aéroportuaires, ainsi que l’ensemble des acteurs et des associations de riverains concernés sur l’ensemble du territoire. En grande partie, ces propositions ne valent pas seulement pour l’Île-de-France, mais pour l’ensemble de notre pays.

Telles sont les recommandations que nous faisons, en formulant bien évidemment le vœu qu’elles soient suivies d’effet.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Merci à Jacques Alain Bénisti et Christophe Bouillon. Je constate que le nombre de ces propositions est particulièrement important. Cela donne le sentiment que l’on est sur un domaine qui est resté vierge, c’est-à-dire qu’il ne s’est rien passé jusqu’à présent en matière de lutte contre les nuisances aéroportuaires.

Je ne fais pas le même constat pour d’autres missions d’information. Cela m’amène à vous faire, de mon côté, deux suggestions : premièrement, décliner assez rapidement certaines propositions en proposition de loi – laquelle serait signée par nos deux corapporteurs ; deuxièmement, organiser une table ronde réunissant les principaux acteurs – comme Bruitparif, la DGAC, ADP, les associations, etc. Cette table ronde serait publique, et ferait l’objet d’une diffusion et d’un compte rendu.

Il est indispensable que nous nous donnions les moyens de « mettre la pression » pour faire changer les choses.

M. Jean-Pierre Blazy. Je me réjouis de l’exposé qui vient d’être présenté et des recommandations qui viennent d’être faites par nos deux collègues. Jacques Alain Bénisti et moi-même travaillons sur ces sujets de façon permanente dans le cadre du réseau national des élus Ville et Aéroport.

Je suis élu d’un territoire aéroportuaire, qui réfléchit depuis longtemps sur ces questions, et je suis bien placé pour savoir combien les intérêts sont contradictoires, du moins en apparence, entre le développement du transport aérien qui s’est démocratisé et qui constitue une richesse essentielle pour l’économie nationale, et l’exigence environnementale. Depuis de nombreuses années, nous peinons à concevoir le développement durable dans le domaine du transport aérien et du développement aéroportuaire de la France.

De ce point de vue, votre rapport est une véritable bouffée d’oxygène. En conclusion, Christophe Bouillon a formé le vœu que les recommandations de ce rapport soient suivies d’effet. Je m’y associe totalement. Par ailleurs, je pense que les propositions que vient de faire notre président sont utiles : il y a effectivement matière à déposer une proposition de loi sur certains des sujets évoqués ; enfin, une table ronde permettrait de poursuivre le débat et surtout, de faire avancer certaines recommandations.

À en croire le président Jean-Paul Chanteguet, on n’a pas fait grand-chose jusqu’à présent. Pourtant, la liste des rapports sur les nuisances et sur le développement aéroportuaire de la France est longue. Seulement, et on le voit bien aujourd’hui avec Notre-Dame-des-Landes, le niveau d’acceptabilité sociale de la création ou de l’extension d’un aéroport ou d’une activité sur un aéroport a baissé.

Depuis le rapport Douffiagues de 1995 sur le développement aéroportuaire du Grand bassin parisien, jusqu’au vôtre, nous devons en être à une quinzaine de rapports. Tout en portant sur des thématiques parfois différentes, ces rapports abordaient la question du transport aérien et sa relation avec l’environnement. Certes, dans la toute dernière période, disons au cours de l’actuel quinquennat, sans doute en raison de la crise et de la situation de la compagnie nationale Air France, on a plutôt privilégié les aspects économiques – création d’emplois et réponse à la concurrence des autres compagnies aériennes. C’est ainsi que le rapport Le Roux propose des baisses de redevances de taxes pour faire face à la concurrence. Le Gouvernement, avant même la publication de ce rapport, avait d’ailleurs décidé de diminuer les tarifs de la TNSA. Mais il a dû, devant l’évidence, relever ces tarifs, provoquant ainsi, de fortes perturbations dans l’aide accordée aux riverains des grands aéroports du pays.

Votre rapport sur les nuisances aéroportuaires procède à un rééquilibrage salutaire. Je tiens à préciser que l’on assiste depuis dix ans à une précarisation de l’emploi sur les plateformes, même si celles-ci sont créatrices d’emploi. Sur le plan quantitatif, c’est une évidence. Et sur le plan qualitatif, c’est aussi une réalité que l’on ne peut que constater quand on est l’élu d’un territoire aéroportuaire.

Je suis d’accord avec vous, les nuisances se sont développées, ce qui peut paraître paradoxal, dans la mesure où le bruit à la source des avions s’est réduit. Ces nuisances se sont accrues mais, à ce jour, elles sont mal évaluées. En ce domaine, nous sommes en retard en France par rapport à vos voisins – notamment pour la conduite d’études épidémiologiques.

Je terminerai, puisque vous en avez parlé, sur la mission que Ségolène Royal m’a confiée sur des sujets très précis, qui sont traités dans votre rapport. Je me réjouis de voir que vos propositions rejoignent les miennes, qu’il s’agisse des communautés aéroportuaires, du rapprochement entre le PEB et le PGS, et de la question essentielle de l’aide à apporter aux riverains.

M. Martial Saddier. Monsieur le président, les députés Les Républicains vous remercient de cette initiative, car le sujet est en effet très important : 4 700 000 personnes sont soumises jour et nuit à une triple contrainte : sonore, visuelle et sur la qualité de l’air. Ils remercient les rapporteurs, Christophe Bouillon et Jacques Alain Bénisti, pour leur implication et leur excellent travail qui leur a pris près d’une année.

Je m’exprimerai rapidement, notamment pour laisser à mes deux collègues, députés d’Orly et de Roissy, le temps d’intervenir.

Pouvez-vous nous tracer la perspective d’évolution, en volumes annoncés, du transport aérien ?

Pouvez-vous nous dire quelles idées, et éventuellement quelles sources de financement les autres pays ont trouvées pour aider les riverains ou les collectivités concernées par ces nuisances ?

J’observe ensuite que vous mettez souvent en avant le préfet de région, qui peut en effet intervenir comme coordinateur. À Paris, cela peut se comprendre. Mais est-ce le bon échelon pour la province, et pour les aéroports de province ?

Enfin, je voudrais rappeler que dans les zones de montagne, l’hélicoptère fait partie du quotidien. Il nous est très utile dans de nombreux domaines. J’aimerais que l’on évite de prendre des législations nationales pour nous expliquer localement comment il faut faire, alors que tout se passe bien – même si des améliorations peuvent toujours être apportées.

M. Yannick Favennec. Messieurs les rapporteurs, vous évoquez beaucoup les nuisances aéroportuaires en Île-de-France, mais je n’ai pas entendu beaucoup de choses sur la province, et par exemple sur le projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique vers Notre-Dame-des-Landes. Vous permettrez à l’élu régional des Pays de la Loire que je suis d’y faire allusion.

Les plaintes des riverains se sont multipliées depuis plusieurs années, et les compagnies aériennes ont été condamnées à de lourdes amendes. En effet, l’aéroport de Nantes est équipé d’une seule piste très mal orientée, en direction du centre-ville, et mal orientée par rapport aux vents dominants. Les jours où les vents soufflent de secteur ouest ou sud-ouest, l’approche des avions s’effectue par le nord, avec le survol d’une partie de la ville, et cela dans 50 % des cas ; c’est une nuisance réelle pour 42 000 Nantais. Quant à l’approche par le sud, elle passe juste au-dessus d’une des plus grandes réserves d’eau douce de France, qui abrite Natura 2000, et une importante réserve ornithologique et piscicole. Si l’aéroport de Nantes – et c’est l’argument des opposants – n’est pas complètement saturé aujourd’hui, l’arrivée des compagnies low cost a fait doubler le nombre de passagers en dix ans. Nantes-Atlantique a ainsi accueilli en 2015 près de 4,4 millions de passagers.

J’aimerais que vous puissiez nous donner votre approche du transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique vers le futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Par ailleurs, j’aimerais que vous évoquiez le sujet des nuisances provoquées par le survol des avions militaires lorsqu’ils font des essais à basse altitude. C’est le cas en Mayenne, où l'on n’est pas très loin de certains aéroports militaires bretons. Je n’ai pas entendu de propositions de votre part à ce propos.

M. Stéphane Demilly. Je tiens également à remercier nos collègues pour cet exposé particulièrement éclairant, complet et technique. Les nuisances aéroportuaires, les solutions apportées et leur efficacité plus ou moins avérée, mais aussi les nouvelles mesures à prendre y sont longuement détaillées.

À mon avis, vous avez évoqué rapidement les retombées économiques de l’activité aéroportuaire. Bien sûr, ce n’est pas l’objet premier de votre de votre rapport, mais il est important de rappeler que selon les données d’Aéroports de Paris, le système aéroportuaire francilien génère un total de 340 290 emplois, soit 2 % de l’emploi salarié en France, et crée près de 30 milliards d’euros de valeur ajoutée, soit près de 2 % du PIB français. Le total des emplois générés par les aéroports parisiens correspond à presque trois fois les emplois présents sur le site. Le système aéroportuaire a un poids dans l’économie française équivalent au secteur des télécoms et au secteur de la production ou de la distribution de l’électricité et du gaz. Et enfin, chaque million de passagers correspond à un total de 4 100 emplois, dont 1 400 emplois directs. Le poids économique de l’activité aéroportuaire est donc important, et il fallait le rappeler.

Je le constate dans ma propre circonscription, qui accueille un aéroport d’affaires et de fret essentiellement sollicité par la société Airbus. Sur un territoire à forte tradition industrielle, nous avons constitué autour de cet aéroport un technopôle regroupant près de 2 500 emplois dans l’aérostructure. C’est, pour notre petit territoire, un formidable levier économique et une source de rayonnement.

Bien sûr, cet exemple n’a rien à voir avec les nuisances sonores ou de pollution que peuvent générer les aéroports parisiens. C’est la raison pour laquelle nous avons tendu la main aux autorités parisiennes pour qu’elles viennent voir notre aéroport. En effet, nous sommes prêts à y accueillir, notamment, des activités de maintenance.

Il me semblait important de souligner l’atout exceptionnel que peut représenter un aéroport. C’est une réalité que le rapport n’évoque que de loin. Je tiens donc à connaître votre sentiment sur ces aéroports locaux, qui permettent de créer une sorte de microclimat économique territorial.

Enfin, vous écrivez page 63 du rapport : « L’aéroport est avant tout un objet territorial et ne peut être perçu seulement comme une plateforme économique. » Pour ma part, je souhaite vous dire qu’a contrario, l’aéroport ne doit pas être perçu seulement comme une plateforme de nuisances, mais aussi, bien sûr, comme un atout économique territorial.

Mme Éva Sas. Je vous remercie de m’accueillir dans cette commission, et je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur exposé. Comme vous le savez, je suis députée d’une circonscription de l’Essonne qui est riveraine d’Orly – c’est la raison de ma présence ici – et nous y sommes très directement concernés par les nuisances aéroportuaires que vous avez fort bien décrites.

En préambule, je voudrais souligner la nécessité d’envisager la possibilité de limiter l’augmentation du trafic aérien, qui n’est pas une fatalité et qui est aujourd’hui largement soutenue par une fiscalité très avantageuse. Inutile de vous rappeler, chers collègues, que le kérosène est aujourd’hui le seul carburant totalement détaxé. Je crois, pour ma part, qu’il faudra remédier à cette distorsion de concurrence par rapport aux autres modes de transport, au niveau international et national. Mais au-delà de ces constats, je voudrais insister sur quatre points.

Premier point : il serait nécessaire de maintenir, pour Orly, le couvre-feu de 23 heures 30 à 6 heures du matin, et le plafonnement à 250 000 créneaux annuels, voire de les inscrire de façon durable dans une disposition réglementaire afin que les riverains d’Orly soient pleinement sécurisés sur ce point. Orly, on le dit souvent, est un aéroport en ville, et cette situation géographique particulière rend le couvre-feu absolument indispensable.

Deuxième point : je voudrais appeler votre attention sur la question des « directs ». À Orly, il s’agit plus particulièrement des vols pour l’outre-mer, pour lesquels on demande une dérogation de trajectoire afin qu’ils arrivent plus directement et économisent du carburant. Je pense qu’il est important de régler cette question, qui amplifie les nuisances aériennes aux abords des aéroports.

Vous proposez – recommandations (17) et (23) – de mettre en œuvre de nouvelles configurations de trajectoires permettant de survoler les zones les moins urbanisées. Je ne peux que saluer la pertinence de cette proposition, tout en insistant sur la nécessité de faire respecter les trajectoires existantes qui, aujourd’hui, sont malheureusement trop souvent détournées. La volonté d’économiser du carburant l’emporte trop souvent sur le respect des populations survolées.

Je voudrais également soutenir vos propositions (26) à (28), qui visent à alourdir les sanctions en cas de non-respect des trajectoires et des couvre-feux. J’aurais d’ailleurs aimé que vous nous apportiez des précisions, à moi et surtout aux riverains de l’aéroport, sur vos préconisations en la matière : quelle procédure souhaitez-vous voir mettre en place ? Quelles sanctions envisagez-vous, à ce stade, de façon qu’elles soient réellement dissuasives ?

Troisième point : la pollution sonore. Je parle en connaissance de cause, puisque Paray-Vieille-Poste, Athis et Savigny sont concernés par le plan d’exposition au bruit. Je voudrais dénoncer, comme sans doute beaucoup de ceux que vous avez auditionnés, l’allongement déraisonnable des délais de traitement des dossiers d’insonorisation.

Je voudrais également avoir des précisions sur votre proposition (15), qui est de remettre à plat la TNSA parce qu’elle n’est plus efficiente. Il me semble, en effet, que le financement de l’insonorisation est tout à fait insuffisant à ce jour. Pourriez-vous nous donner des détails ? Je pense que tous les riverains et tous les gens exposés à la pollution sonore seront très intéressés.

Quatrième point : la pollution de l’air. Je vous remercie d’avoir évoqué ce problème, qui n’est pas toujours mis en évidence. Airparif estime pourtant que les plateformes aéroportuaires sont responsables de 7 % des émissions de dioxyde d’azote en Île-de-France, ce qui occasionne, en particulier, des maladies respiratoires pour les familles riveraines des aéroports.

Quelles sont vos propositions, au-delà des seules mesures d’observation de la pollution ? J’ai bien vu que vous souhaitiez effectivement rendre plus régulière l’étude SURVOL. Mais je pense qu’il faut prendre des dispositions pour réduire cette pollution et fixer des objectifs aux compagnies aériennes et aux aéroports, dans la mesure où ils sont, les uns et les autres, émetteurs en matière de pollution de l’air.

Je voudrais conclure en vous remerciant des propositions que vous avez formulées, et de l’attention que vous portez aux populations riveraines des aéroports, et peut-être plus particulièrement encore aux associations qui représentent ces riverains. En effet, il faut souligner la qualité du travail qu’elles fournissent et leur mobilisation extrêmement vigilante aux abords de tous les aéroports pour faire respecter les réglementations. Elles jouent un rôle indispensable à la surveillance des nuisances.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, merci d’avoir organisé cette audition, et merci à nos deux collègues pour ce rapport d’information très complet qui pose la problématique de l’enjeu environnemental à travers les transports aériens. Vous formulez des propositions que vous qualifiez de réalistes, avec la volonté de concilier environnement, emploi, et aménagement du territoire, ce qui est tout à fait conforme à la philosophie du groupe Radical, Républicain, Démocrate et Progressiste. Cependant, je m’interroge sur trois points de votre rapport.

Tout d’abord, vous n’y parlez pas de l’Est de nos aéroports. La Seine-et-Marne est peu citée, l’Aisne ne l’est qu’à deux reprises, uniquement dans le cadre de l’habitat des employés et nullement à propos des nuisances aériennes. Certes, nos populations sont moins concernées que le Val-d’Oise. Pour autant, elles subissent, elles aussi, des nuisances aériennes, depuis le relèvement des plafonds d’approche de 300 mètres décidé en 2011 par Nathalie Kosciusko-Morizet. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ces populations ne sont pas mentionnées dans votre rapport ?

Ensuite, vous préconisez le déport des nuisances de l’Est vers le Nord, sur les zones les moins peuplées - c’est la proposition (17). Pour nous, c’est une double sanction : nous subissons des nuisances sans profiter d’aucune retombée économique. Comment expliquer le déport des nuisances aéroportuaires, sans contreparties réelles, sur certaines populations, sous prétexte qu’elles sont moins nombreuses ?

Enfin, vous proposez de faire agréer des associations pour participer à la Commission consultative de l’environnement – ce sont les propositions (31) et (32). Il est bien évident que dans l’Aisne et dans la Seine-et-Marne, nos petites associations ne pourront pas être agréées. De ce fait, les populations les moins nombreuses ne seront pas représentées. Encore une fois, les zones faiblement peuplées ne pourront pas se faire entendre. Comment envisagez-vous l’agrément des associations ? Ne pourrions-nous pas imaginer un ratio qui permette à l’ensemble des associations de participer à ces instances ?

En revanche, je salue votre proposition (29) qui consiste à développer l’aéroport de Paris-Vatry – plutôt que de déporter des pistes d’Orly. Cela implique d’améliorer les liaisons ferroviaires vers Reims et Strasbourg, avec des TER « Vallée de la Marne ». C’est une proposition qui est magnifique quand on connaît les difficultés de ces TER et la fermeture de la ligne La Ferté-Milon-Reims. Je souhaiterais néanmoins savoir comment se feront les arbitrages, et qui décidera.

Vous préconisez dans votre rapport l’alourdissement des pénalités en cas de non-respect des trajectoires et du couvre-feu – propositions (26) à (28). De manière globale, les sanctions contre les compagnies qui ne respectent pas les règles doivent être renforcées. Vous proposez même des sanctions contre les compagnies multirécidivistes. Pouvez-vous nous dire comment ces mesures pourraient être mises en place et à quelle échéance ? L’ACNUSA demandait la suppression des avions les plus bruyants. Pourquoi n’avez-vous pas retenu cette option ? Cette proposition viendrait renforcer la situation d’Air France, qui a décidé de se séparer de son dernier Boeing 747.

Vous proposez également de restreindre les vols de nuit à Paris Charles-de-Gaulle, en accord avec les prescriptions du préfet Guyot. Mais pourquoi se limiter à la plage horaire de 0 heure 30 à 5 heures, alors que l’OMS préconise une durée d’au moins huit heures, durée minimale de la nuit ?

Enfin, je partage la suggestion faite par le président Chanteguet de déposer une proposition de loi et d’organiser une table ronde, parce que ces excellentes propositions ne doivent pas rester lettre morte. Et pour une fois, je vous proposerai de faire mentir Jean de La Fontaine qui écrivait dans la fable « Le loup et l’agneau » : « La raison du plus fort est toujours la meilleure ». En effet, pour moi, s’il faut écouter tous les acteurs, il est primordial d’écouter davantage les riverains et les associations.

M. Patrice Carvalho. Je tiens, moi aussi, à dire que je suis favorable, monsieur le président, au dépôt d’un texte de loi qui, certes, ne réglera pas tous les problèmes mais permettra au moins quelques avancées. Et je félicite, moi aussi, les rapporteurs, qui ont fait un bon travail.

Monsieur le corapporteur Bénisti, vous vous êtes inquiété que des avions survolent l’Élysée. J’observe que les avions doivent aussi survoler les alentours ! Et puis, s’ils sont gênés à l’Élysée, ils peuvent toujours aller dans les terres à betterave de la Somme ! Là, il y aura moins de nuisances, à moins qu’ils ne reviennent avec l’aéroport qui avait été prévu d’y aménager il y a quelques années…

Je tiens également à rappeler que, même lorsque l’on modifie les trajectoires, il y a toujours des maisons, et donc des populations qui sont survolées. Donc, on ne règle jamais vraiment le problème.

Quant à l’aéroport de Vatry, cela fait trente ans que j’en entends parler. Pourtant, on continue à surcharger les aéroports d’Orly et de Roissy. Vatry est un simple prétexte que l’on met en avant pour faire croire que l’on va régler le problème.

Ensuite, comme notre collègue Eva Sas, je considère que l’absence de taxation sur le kérosène est scandaleuse. Est-ce pour une raison économique ? Alors expliquez-moi pourquoi un smicard qui n’arrive pas à joindre les deux bouts paie, lui, la taxe sur le diesel ? Notre collègue de la Somme Stéphane Demilly considère que l’économie est importante. Certes, l’économie ajoute quelque chose, mais elle est importante dans tous les domaines. Aujourd’hui, on construit des avions pour aller à Nice à 39 euros. C’est à cela qu’elle sert ? Alors, il faut peut-être faire autrement.

J’entends mes collègues de droite qui protestent. Je me souviens qu’on nous avait expliqué que 3 % des pollutions atmosphériques étaient liés aux avions. Mais je crois que c’est beaucoup plus. Peut-être faut-il mettre moins d’avions dans le ciel, pour éviter qu’ils ne dégazent ? Est-il utile que des Africains se paient des voyages depuis le Sénégal pour ramener du poisson fumé et repartir chez eux ? Il y a d’autres moyens de commercialiser et de manger du poisson fumé. En France, et notamment dans la région de Dieppe, on en fait du très bon…

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Patrice Carvalho dit vrai. Effectivement, la mondialisation a eu, entre autres conséquences, que l’on achète et que l’on consomme des produits qui viennent de très loin, tout simplement parce que le coût du transport, notamment maritime, est peu élevé. Je referme la parenthèse.

M. Patrice Carvalho. Merci monsieur le président. Mais je reviens au problème du dégazage. Je considère que l’action de mon collègue qui se trouve à proximité de Roissy est justifiée. Cela dit, les avions dégazent d’abord au-dessus de chez nous. Le kérosène détaxé, c’est pour nous, pour nos salades, nos forêts, nos maisons ! D’ailleurs, j’aimerais bien connaître les chiffres. Est-on capable de quantifier les volumes ? C’est très important.

Je voudrais aborder un autre problème, qui ne l’a pas encore été : celui de la taxe professionnelle, qui était versée par les aéroports. Elle permettait tout de même de verser des compensations à ceux qui étaient impactés par les nuisances occasionnées. Où en est-on ? Quelles sont les compensations ?

M. Florent Boudié. Messieurs les rapporteurs, je salue moi aussi la qualité de votre travail. Monsieur le président Chanteguet, je suis d’accord sur cet état des lieux. D’ailleurs, au fil de ses rapports, l’ACNUSA soulève les problèmes qui se posent et qui ne sont pas traités.

Je voudrais revenir sur la TNSA, la taxation sur les nuisances sonores aériennes, qui a été plafonnée à 49 millions d’euros dans la loi de finances 2014, et à 47 millions d’euros dans la loi de finances 2016. On sait que l’ACNUSA a vivement regretté cette mesure, qui est une sorte de détournement au profit du budget de l’État.

Dans le même temps, le nombre de dossiers d’insonorisation de logements traités a fortement chuté, notamment après le plafonnement de la TNSA. Comme vous l’avez dit, pour la seule Île-de-France, au moins 60 000 logements et 180 établissements socio-éducatifs sont concernés, et un investissement de plus de 600 millions d’euros est attendu. Notre collègue Jean-Pierre Blazy avait d’ailleurs déposé un amendement qui a été rejeté, dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2016, visant à réaffecter la totalité des recettes de la TNSA au Fonds d’aide à l’insonorisation des logements.

J’aimerais savoir si la révision du barème de la TNSA, au printemps 2015, avec une différenciation des taxes en fonction des plateformes aéroportuaires a malgré tout permis, ou pas, d’accélérer le traitement des dossiers d’insonorisation dans les zones concernées.

Ensuite, vous reprenez les préconisations du Conseil général de l’environnement et du développement durable dans son rapport de 2015, qui consistent à coupler aide à l’insonorisation et isolation thermique des logements. Je suis tout à fait d’accord avec vous.

Enfin, l’ACNUSA proposait, dans son rapport de l’année dernière, de réserver une part de la TNSA aux communes directement concernées. N’est-ce pas la solution la plus directe et la plus simple ? J’observe toutefois que vous préconisez de créer une nouvelle taxation sur le principe pollueur-payeur. Mais la TNSA repose déjà sur ce principe !

M. Jacques Kossowski. Je remercie nos deux collègues pour leur excellent rapport. L’année dernière, l’ACNUSA avait préconisé que, sous certaines conditions, les riverains des aéroports les plus exposés au bruit, la nuit, puisent vendre leur habitation aux aéroports. Ce dispositif pourrait être notamment appliqué, selon un barème pris par décret, aux propriétaires ayant acheté, ou pourquoi pas hérité, d’un bien construit avant la décision de construire un aéroport. Ne devrait-on pas envisager ce type de transaction au prix d’achat initial, pour ceux qui auraient acquis un bien en toute connaissance de cause il y a quelques années ? J’aimerais avoir votre point de vue.

L’ACNUSA suggérait aussi de préciser obligatoirement toute information concernant les nuisances sonores dans les transactions immobilières. La nature et l’étendue des nuisances sonores aériennes pourraient bien faire l’objet d’un diagnostic précis, comme cela existe pour l’amiante ou le plomb, ou la performance énergétique. J’ai lu dans votre rapport que vous repreniez cette idée intéressante. Pourriez-vous nous préciser comment on pourrait mettre en œuvre une telle disposition ?

M. Gilles Savary. Je tiens d’abord à féliciter nos collègues pour cette contribution tout à fait remarquable.

Maintenant, il ne faudrait pas que notre débat prenne une tonalité excessivement « anti-aérien ». Certes, il convient d’être exigeant. Mais il convient aussi de ne pas oublier que c’est nous qui avons développé le secteur aérien en France. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons aujourd’hui le plus grand nombre d’aéroports du monde.

Par ailleurs, c’est un secteur très exposé à la concurrence. J’observe qu’en matière de taxation, les avions paient le coût complet, ce qui n’est pas le cas de la route, ni même du chemin de fer. Il n’y a pas de taxe sur le kérosène, mais il y a des taxes d’aéroport, les taxes de navigation aérienne, qui sont des péages continus sur le ciel, les taxes Chirac sur le sida. Les compagnies font même du profit pour les aéroports, ce qui se passe à Charles de Gaulle. Il faut donc adopter une attitude mesurée. Les avions supportent « le coût complet », à la différence de tous les autres modes de transport. Et c’est cela la règle de base de la compétition internationale.

Je pense que c’est d’abord grâce à la recherche et développement et aux normes, et en matière d’urbanisme qu’on arrivera à améliorer la situation. Faire des doubles fenêtres, c’est très bien, mais dans ma région, les gens veulent vivre dehors ; cela ne règle donc pas complètement le problème, et il vaut mieux travailler sur la maîtrise de l’urbanisme. Ensuite, nous avons maintenant des règles assez claires, et je pense que c’est surtout en développant la recherche que l’on pourra construire des avions moins bruyants. De ce point de vue, je pense que l’initiative qui nous a été proposée par Jean-Paul Chanteguet est intéressante. Mais il faudra que l’on procède à de nombreuses auditions.

Contrairement à ce que j’ai entendu, on a édicté de nombreuses normes et on a fait des progrès, que ce soit dans les trajectoires, dans la construction des avions ou dans la certification. Ces normes sont européennes et internationales. L’Europe a même dû faire marche arrière à un certain moment, car ses aéroports étaient menacés de ne plus recevoir d’avions du tiers monde, qui étaient plus anciens et faisaient plus de bruit.

Il faut assurer la protection des riverains et des communes riveraines. C’est absolument essentiel, et je pense que le rapport va dans ce sens. Mais il faut tout de même avoir une approche mesurée, qui ne soit pas uniquement idéologique. Par exemple, aujourd’hui, tout ce qui est production est suspect. Or, tout ce qui est production n’est pas suspect. Nous en vivons tous. Même le salaire des fonctionnaires vient de l’économie.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’entends bien, et habituellement, je me tais. Mais nous avons en face de nous, les riverains ont en face d’eux, des compagnies très puissantes auxquelles on porte un grand intérêt : Air France, ADP, qui représentent une force financière, et la DGAC. Les rapports de force sont déséquilibrés, et ces trois sociétés ou organismes constituent un État dans l’État.

Devant cette situation, notre responsabilité, en tant que politiques, est tout de même de faire bouger les lignes, de faire en sorte que des dispositions soient prises et que les engagements soient respectés. Et quand je dis cela, je suis comme vous, je pense à la dimension économique du problème. Il ne faut surtout pas la négliger, car elle est fondamentale. Simplement, nous devons être capables, en tant que politiques, de contrebalancer la situation. Car on parle d’un État stratège, mais cet État stratège, c’est la DGAC, ADP et Air France.

M. Gilles Savary. C’est exact. Mais c’est tout de même l’urbanisme qui a rattrapé Charles de Gaulle et pas l’inverse.

M. Jean-Pierre Blazy. Non, c’est faux !

M. Gilles Savary. Je l’ai vu dans ma circonscription : on s’est mis à construire auprès des aéroports, puis on a mis des écharpes pour expliquer qu’il y avait des nuisances. Et là, il n’était pas question de rapports de forces.

Je suis pourtant bien conscient de ce qui se passe, et en particulier du fait que toute la politique nationale de l’aviation civile et commerciale est centrée sur Paris. Il y a une « hyper » concentration parisienne par rapport à la province. Mais si on déplace le trafic en province, je ne suis pas sûr que l’on n’ait pas les mêmes difficultés.

Enfin, il n’est pas exact que la DGAC ne s’occupe pas des nuisances en matière de bruit. Elle y travaille beaucoup, et d’ailleurs ce n’est pas elle qui le décide, c’est l’Agence de sécurité aérienne qui, depuis Cologne, lui impose de le faire.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je le reconnais…

M. Guillaume Chevrollier. Je félicite nos deux rapporteurs pour la qualité et la densité de ce travail. Souhaitons que leur rapport fasse suffisamment de bruit pour inciter à résoudre les problèmes qui y sont exposés !

Comme vous le savez, les perspectives de développement aérien imposent de multiplier nos efforts contre les nuisances aéroportuaires, qui concernent 4,7 millions de personnes. Dans votre rapport, vous faites état de l’évolution du nombre de passagers, qui devrait doubler d’ici 2034. Et si l’on ne fait rien, le doublement du trafic se traduira par le doublement des problèmes, des nuisances et des personnes impactées.

J’aimerais également aborder le sujet des aéroports de substitution. Dans le Grand Ouest, un referendum est prévu, mais la question a été tranchée sur le plan légal, avec le déplacement de l’aéroport de Nantes vers Notre-Dame-des-Landes. Dans votre rapport, vous êtes-vous penchés sur ce qui a pu se faire au niveau européen ou au niveau mondial, en termes de délocalisation d’aéroports ? Quel impact cela a-t-il ? Arrive-t-on à limiter, ensuite, les constructions autour de l’aéroport pour réduire les nuisances ? A-t-on déjà suffisamment de recul dans certains pays pour pouvoir juger ?

Enfin, quelles évolutions législatives concrètes envisagez-vous pour sanctionner le non-respect des trajectoires et des couvre-feux ? De quels moyens supplémentaires l’État aurait-il besoin pour assurer un meilleur contrôle ?

M. Gérard Mensuel. Je voudrais, moi aussi, féliciter très sincèrement les deux rapporteurs pour la qualité de leur travail.

J’aurai à peu près la même approche que Jacques Krabal, s’agissant des populations qui sont à 60-80 kilomètres des aéroports. Il y a cinq ou six ans, nous avons mal vécu le fait que le couloir aérien ait été déplacé sans aucune concertation, provoquant des gênes importantes pour les populations, notamment celles du bassin de Romilly-sur-Seine. L’effet fut immédiat : auparavant, les avions passaient à proximité, mais pas sur la ville. Du jour au lendemain, ils sont passés, non plus à 6 000 mètres, mais à 3 500 mètres au-dessus de la ville, ce qui a entraîné immédiatement la création d’associations. Depuis, nous avons bien du mal à faire valoir la position de ces associations au niveau local. À ce propos, on nous avait dit – l’ACNUSA, notamment – que ce nouveau plan de vol de la ville de Paris provoquait une surconsommation de 17 000 tonnes de kérosène par an. Est-ce exact ?

Même si ces populations ne vivent pas les mêmes difficultés que si elles se trouvaient à proximité d’un aéroport, je souhaiterais que l’on puisse un jour ou l’autre prendre en considération les évolutions des plans de vols. J’ajoute que l’ACNUSA, consultée, avait suggéré de déplacer le couloir aérien de 10 km, en précisant qu'ainsi il n’y aurait plus aucun problème. Mais la DGAC s’est montrée complètement hermétique aux propositions faites au niveau local avec l’appui de l’ACNUSA.

Enfin, je crois que le développement de l’aéroport de Vatry constituerait une bonne solution. Aujourd’hui, Vatry accueille un à cinq avions par jour. Cet aéroport était destiné à accueillir des avions cargos pour le transport de marchandises. Sa montée en puissance, de 40 000 tonnes par an, est passée du jour au lendemain, en raison de la crise, à 8 000 tonnes par an. Depuis, la situation ne s’est pas redressée. Il y a donc un potentiel très important de développement sur cet aéroport. Quant à l’utilisation de l’infrastructure de la SNCF, la ligne Paris-Strasbourg ne passe pas à Vatry, mais à 25 ou 30 km. Entre Vatry et la gare de Châlons-en-Champagne, il y a une ligne d’un autre âge qui devrait être améliorée de façon significative si l’on décidait de choisir cette solution.

Mme Marie Le Vern. Messieurs les rapporteurs, pour votre travail et votre contribution. Je suis particulièrement sensible à ce qui touche à l’information et à la participation des citoyens à la gestion des nuisances des grandes installations industrielles et commerciales. Je suis convaincue que le renforcement du dialogue et de la transparence renforcent l’adhésion.

Votre rapport fait le constat des grandes difficultés qu’il y a à faire fonctionner les instances de dialogue entre les représentants des aéroports, les élus et les associations de riverains. Vous proposez une redéfinition générale des rôles, des compositions et des pouvoirs de ces instances, et notamment des Commissions consultatives de l’environnement, que vous considérez à la fois comme le bon outil et celui qui concentre tous les dysfonctionnements. Pourriez-vous préciser le contenu de cette redéfinition et le rôle que seraient amenées à jouer des associations mieux reconnues ? Quels moyens concrets faudrait-il mettre demain à la disposition des riverains pour faire vivre leur droit légitime à l’information et à la prise en compte de leur point de vue ?

M. Yves Albarello. Notre whip n’ayant pas épuisé son temps de parole m’a laissé deux minutes pour que je puisse intervenir en ma qualité de parlementaire du Nord-Ouest de la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles de Gaulle.

En préambule, je voudrais féliciter nos deux rapporteurs pour le volumineux rapport – 280 pages – qu’ils ont établi. Ensuite, je voudrais insister sur le fait que la France, notre beau pays, est la première destination touristique du monde. Je partage tout à fait ce qu’a dit notre collègue Gilles Savary, et je vous précise que Roissy-Charles de Gaulle est la porte d’entrée du monde, avec 70 millions de passagers à l’année.

Si nous voulons conserver notre capacité touristique, il ne faut pas casser le « joujou » que l’on a mis en place. À cet égard, je voudrais féliciter la DATAR qui, à l’époque, avait fait un travail remarquable. Elle avait vu juste lorsqu’elle a décidé d’implanter en Seine-et-Marne et dans le Val d’Oise cet aéroport fantastique. J’ajoute que les photos du lieu choisi pour la construction de l’aéroport montrent que celui-ci était relativement désert. Ce sont donc bien les élus qui se sont succédés qui ont construit autour de l’aéroport.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas vrai.

M. Yves Albarello. Bien sûr, l’essentiel de votre rapport porte sur les gênes sonores, et il faut travailler là-dessus. Mais je rappelle que votre proposition qui consiste à supprimer, ou du moins à réduire les vols de nuit, aboutira purement et simplement à la fermeture de FedEx. L’entreprise quittera la France pour aller en Allemagne.

M. Christophe Bouillon. Nous ne préconisons pas la suppression des vols de nuit.

M. Yves Albarello. Mais vous avez aussi parlé de la pollution, pollution de l’air et des eaux. Là aussi, des progrès ont été réalisés sur la plateforme aéroportuaire Charles de Gaulle, puisque, avant, les eaux résiduelles n’étaient pas traitées. Elles le sont maintenant par une station d’épuration.

Ensuite, je rappelle que la communauté aéroportuaire a été proposée par la loi de février 2004, il y a donc déjà un certain temps. Mais au moment où l’on est en train de constituer la métropole de Paris et ses grandes intercommunalités, je vois mal comment on pourrait ajouter un échelon supplémentaire…

M. Jean-Pierre Blazy. Ce ne sera pas un échelon supplémentaire !

M. Yves Albarello. Si, il viendrait se superposer aux différentes intercommunalités que l’on a d’ailleurs du mal à mettre en place.

J’en viens aux zones qui sont impactées par le plan de gêne sonore, le PEB, et surtout la zone C. Au Nord-Ouest de la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles de Gaulle, des villages sont en train de mourir, parce que la zone C interdit toute réhabilitation ou construction. J’avais moi-même déposé une PPL – qui n’a jamais été discutée – pour permettre de reconstruire. De fait, les écoles ferment et les populations s’en vont. Ce n’est pas acceptable. Je précise que nos collègues Jean-Pierre Blazy et François Pupponi rencontrent la même problématique dans leur circonscription.

Si l’on veut changer les choses, monsieur le président, et vous l’avez très bien dit, il faut remettre le politique au cœur des décisions. Car aujourd’hui, c’est l’administration, et plus le politique, qui décide.

Je suis, par ailleurs, un ardent défenseur du CDG Express. Il ne s’agit pas du train des riches, comme on l’a qualifié en son temps, mais d’un train qui permettra aux touristes du monde entier d’aller à la région capitale en un temps modeste, et de façon directe, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ; aujourd’hui, il faut prendre soit l’autoroute A1, soit le RER B avec des arrêts en cours de route.

Le CDG Express est un projet qui devrait coûter 1,7-1,8 milliards d’euros. Je rappelle qu'ADP va le financer à hauteur de 400 millions d’euros, et qu’il est question de lui imposer de permettre à ses salariés – comme cela est fait sur d’autres plateformes – d’utiliser ce train pour venir travailler, à un tarif moindre que les 24 euros prévus. Cela permettra de réduire l’empreinte carbone.

Je terminerai sur la construction d’un nouvel aéroport. Pour moi, c’est une vue de l’esprit : je pense qu’elle ne se réalisera jamais.

M. Jean-Marie Sermier. D’abord, je félicite nos deux rapporteurs pour la qualité de leur travail.

Ensuite, je tiens à dire qu’il existe beaucoup de petites plateformes aéroportuaires en province. Le débat que nous avons ce matin est assez significatif puisque, vous avez : d’un côté, les grands aéroports qui provoquent évidemment de l’activité – laquelle va encore croître énormément puisque l’on annonce le doublement du trafic d’ici 2034 – mais aussi des nuisances ; de l’autre côté, un certain nombre de petites structures qui n’ont pas assez d’activité, évidemment pas de nuisances et qui bénéficient d’une certaine acceptabilité sociale. Si l’activité s’y développait, les nuisances qui en résulteraient toucheraient des niveaux de population bien inférieurs à ceux qui ont été évoqués.

Dans ma circonscription, l’aéroport de Dôle du Jura possède une piste de haute qualité de 2 230 mètres, avec un balisage haute intensité ; la DGAC y est présente. Depuis dix ans, cet aéroport a été soutenu par le département du Jura, quelles que soient les majorités. On est passé d’environ 5 000 voyageurs par an, ce qui était ridicule, à 150 000. Mais évidemment, il y a encore de la place et il y est encore possible d’accroître son activité. Je rappelle que Dôle est à deux heures de TGV de Paris. Cela pourrait être une solution.

Dans le Jura et en Bourgogne-Franche-Comté, on essaie de développer cet aéroport, qui a pourtant été épinglé par la Chambre régionale des comptes. Celle-ci a en effet considéré que l’on avait fait des investissements surdimensionnés par rapport à son activité. Pourtant, il fallait bien refaire des travaux pour le maintenir en état. D’où cette question : à quand un appel à projets et un appel à candidatures pour que des aéroports qui auraient envie de se développer puissent répondre aux attentes des gros aéroports qui ont besoin d’être désengorgés ? Cela permettrait d’organiser un trafic mutualisé sur l’ensemble du territoire.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. À quand un schéma national des infrastructures aéroportuaires ? Ce schéma n’existe pas, et c’est volontaire. Vous le savez bien, les uns et les autres.

M. David Douillet. Je vais appuyer ce qu’a dit mon ami Yves Albarello, en particulier sur le tourisme. Le tourisme en France, en particulier via nos aéroports parisiens, c’est : 1 245 000 emplois, 7,7 % des emplois ; 7 % du PIB ; 50 milliards de retombées économiques. Nous sommes le troisième pays au monde, derrière les États-Unis et l’Espagne, en termes de retombées économiques liées au tourisme. C’est aussi un demi-million d’emplois directs ou indirects en Île-de-France. Donc, il faut faire attention, d’autant que c’est une économie extrêmement fragile. Les attentats qui nous ont touchés l’année dernière se sont traduits par une nette diminution de la fréquentation hexagonale et francilienne.

Pour en avoir discuté avec l’adjoint au tourisme de Paris, M. Jean-François Martins, je sais que l’on s’interroge sur Orly, qui fonctionne à 50 % de ses capacités. Certes, la zone est très urbanisée. Mais aujourd’hui, Orly n’accueille que 29,6 millions de passagers. Si l’on avait le même taux de décollage et d’atterrissage – qu’à Roissy, il en accueillerait 60 millions. On ne dit pas qu’il faut aller jusque-là, mais il faut savoir qu’une augmentation d’activité de seulement 10 % sur Orly permettrait de créer instantanément 5 000 emplois.

Comme notre collègue Yves Albarello, je pense que les projets d’aéroports alternatifs seraient difficiles à réaliser et très coûteux, et qu’il vaudrait mieux travailler, avec nos constructeurs, à rendre les avions de plus en plus silencieux. Je pense à l’entreprise Safran, installée dans ma circonscription, qui fait beaucoup de choses pour Airbus.

Ainsi, la technologie progresse, alors que les normes restent les mêmes. Mais entre l’amélioration technique, l’incidence économique et nos normes, l’enjeu de l’emploi est toujours là. Je vous demande de le prendre en compte.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’entends ce que dit David Douillet sur les créations potentielles d’emploi. Simplement, j’insiste sur le fait que nous sommes des députés de la Nation et que chacun peut, à son niveau, évoquer un cas particulier, ce que je vais faire ce matin.

Je suis membre du conseil d’administration d’un aéroport, au centre de la France, un peu comme celui de Vatry. Il y a une piste de 3 600 mètres, qui peut accueillir des A380. C’est un aéroport sur lequel des investissements importants ont été réalisés, qui pourrait être développé, mais qui ne se développera que si nous sommes politiquement forts et courageux. Si demain on développait cet aéroport Marcel Dassault, il y aurait des créations d’emploi dans une autre partie du territoire français. Mais il y aurait, là aussi, des emplois qui seraient créés.

M. Jean-Marie Sermier. Demandez le schéma !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Bien entendu, le schéma national des infrastructures aéroportuaires s’impose.

Cela m’amène à dire un mot sur l’aéroport de Notre-Dame-des Landes. Je ne prendrai pas de position publique à son propos, mais j’observe qu’il y a, autour de Notre-Dame-des-Landes, Angers, Rennes, Quimper et Brest. Est-ce qu’une réflexion a été conduite sur la cohérence territoriale et la cohérence en termes d’aménagement du territoire, dans cette partie du territoire français ? Bien sûr que non ! Voilà dans quelle situation nous sommes.

Je referme cette parenthèse. Je suis désolé d’être entré dans le débat. Mais c’est que je crois véritablement que c’est un enjeu en termes d’aménagement du territoire, sur le plan économique, mais aussi sur le plan environnemental. Je pense que cette dimension ne doit pas être oubliée.

Mme Sophie Rohfritsch. À la suite de l’excellente proposition que vous venez de faire, je crois que l’on pourrait utilement prendre une résolution qui réclame un tel aménagement. Comme vous l’avez dit, chacun, dans notre secteur, se débat pour le développement des aéroports. Nous sommes nous-mêmes confrontés au problème, avec l’aéroport de Strasbourg-Entzheim. S’il existait un tel schéma, il serait possible de dialoguer avec les compagnies, notamment sur les répartitions de lignes. Tout serait plus clair et transparent. En effet les compagnies, et en premier lieu la compagnie nationale, profitent du cloisonnement existant pour négocier B to B, et faire exactement ce qu’elles veulent. Il est urgent de prendre une telle résolution.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je retiens cette proposition de résolution portant sur la mise en place d’un schéma des infrastructures aéroportuaires. Nous avons tous les éléments en main pour y procéder immédiatement.

M. David Douillet. Monsieur le président, je suis mille fois d’accord avec vous ! Si l’on prenait seulement 40 % d’Orly pour les ventiler sur le reste de la France, ce sont des dizaines de millions de passagers supplémentaires qui pourraient être ainsi accueillis.

M. Laurent Furst. Après avoir remercié les rapporteurs, je ferai quelques réflexions et je poserai une question.

D’abord, vous avez fait tout à l’heure l’analyse des rapports de force. Je tiens à souligner qu’Air France est aujourd’hui un des groupes mondiaux les plus fragiles qui soient, pour des raisons tenant à sa structure et à sa situation financières, à la concurrence, à son absence de compétitivité et aux charges, notamment fiscales, qu’elle doit supporter.

Ensuite, quand je suis arrivé tout à l’heure, j’ai vu que l’on était bien en France parce que j’ai entendu les mots de taxes, impôts, pénalités…

Enfin, comme l’a dit Sophie Rohfritsch, nous sommes alsaciens, et nous avons un aéroport qui est une infrastructure magnifique, mais dont la fréquentation a beaucoup chuté. Or un aéroport est essentiel pour l’économie d’un pays.

Roissy et Orly sont une chance pour l’ensemble de la Nation. Et cette France qui souffre tant économiquement, dont l’activité, notamment industrielle, a rapidement décliné, a très peu d’atouts aujourd’hui. Parmi ces atouts, elle a ses systèmes de transport, une électricité à bas coût, et le fait d’avoir deux ou trois grandes plateformes aéroportuaires européennes. Ne la pénalisons pas en lui enlevant les quelques avantages concurrentiels dont elle dispose encore.

J’en viens à ma question. Nous avons étudié ici le dossier du Grand Paris et du Grand Paris Express. J’avais alors remarqué que l’on prévoyait, à terme, 1,5 million d’habitants supplémentaires autour de la ville de Paris, dans cette grande et magnifique région. Cela veut dire que la croissance de l’agglomération parisienne devrait dépasser, en nombre d’habitants, la population actuelle de la métropole lyonnaise. Je suis d’ailleurs tout à fait d’accord avec ce que l’on a dit tout à l’heure : en France, on a construit des aéroports à la campagne, puis la ville a rejoint les aéroports ; seulement, maintenant, nos concitoyens se plaignent des aéroports et du bruit des avions.

A-t-on tenu compte, dans ce projet de développement, de ce million et demi d’habitants supplémentaires, de la pérennité des aéroports et de la nécessité d’éviter l’apparition de contraintes supplémentaires autour de nos plateformes aéroportuaires d’Île-de-France ? A-t-on croisé les données ? Va-t-on laisser faire, comme d’habitude ?

Mme Sophie Rohfritsch. Rendez-nous la DATAR !

M. Gilles Savary. En tant que président du Conseil supérieur de l’aviation civile, j’ai provoqué une mission sur l’aménagement du territoire et les aéroports français. Cette mission n’est pas pilotée par la DGAC – qui n’est d’ailleurs pas d’une grande ouverture sur le sujet. Elle est pilotée par l’Agence pour l’égalité des territoires, et par l’ingénieur en chef Caradec. Après avoir procédé à des auditions extrêmement complètes, cette mission déposera ses conclusions, probablement vers le mois de mai-juin. Enfin, à la rentrée, nous organiserons un colloque sur ce sujet-là, qui rassemble à peu près toutes les problématiques qui vous intéressent.

Je vais demander à l’Agence d’auditionner ceux qui le souhaiteraient parce que je pense que ce qui se dit ici est important. Il serait également important de disposer d’un schéma aéroportuaire national. Mais il ne faudrait pas imaginer que l’on peut ouvrir, par exemple, une ligne internationale depuis Bordeaux simplement parce qu’on l’a décidé : il faut bien qu’il y ait des clients pour l’avion. Je veux dire par là que la France a concentré son trafic sur l’aéroport Charles de Gaulle, et que c’est un processus cumulatif. Plus il y a de correspondances, et plus Charles de Gaulle devient puissant et inévitable. On pourrait en parler pendant des heures, je pense que c’est un très bon sujet.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Qui dirige la mission ?

M. Gilles Savary. L’ingénieur en chef Caradec, qui est actuellement en poste à l’Agence pour l’égalité des territoires, organisme totalement indépendant de la DGAC. Mais c’est sous surveillance étroite, parce que la DGAC n’aime pas la transparence totale. Dans tous les domaines, c’est assez compliqué. Mais j’ai lancé cette affaire, et un énorme travail est en train de se réaliser. Les membres de la mission se rendent sur le terrain, y compris dans les DOM-TOM.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Cela ne nous empêche pas de déposer une proposition de résolution pour demander l’élaboration d’un schéma aéroportuaire national. Ce serait complémentaire.

M. Gilles Savary. D’un côté il y a une mission qui fait un travail d’analyse, et de l’autre le Parlement qui prend les décisions souveraines de son choix. Je voulais seulement vous en informer.

M. Jean-Pierre Blazy. Je soutiens la proposition de schéma national, d’autant plus qu’en 2008, dans un rapport, la Cour des comptes a écrit qu’il n’y avait plus d’État stratège, ni d’anticipation du développement aéroportuaire de la France. Mais en même temps, comme vient de le dire Gilles Savary, il faut aussi mettre en face de ce schéma la logique économique. Sur Roissy, se pose la question du hub, qui conduit à une contradiction quand on veut aborder la question des nuisances.

Je tiens également à dire qu’il faut que l’on arrête ce faux débat et l’injustice qui consiste à accuser certains élus des territoires aéroportuaires d’avoir urbanisés ceux-ci, puis d’être allés manifester. C’est faux, et je peux le démontrer s’agissant de l’Île-de-France, de façon claire et très argumentée.

Je prends pour exemple ma ville, qui est dans l’axe de l’aéroport de Roissy. En 1968, avant la création de cet aéroport, elle avait déjà 21 000 habitants, et 25 000 en 1995 quand j’ai pris les commandes de la ville. Aujourd’hui, on en est à 26 000. Cela prouve que Gonesse n’a pas eu connu, depuis que l’aéroport existe, une croissance absolument insupportable, voulue et organisée. De nombreux territoires du Val d’Oise étaient urbanisés depuis très longtemps déjà. Je pense notamment à la vallée de Montmorency. Tout cela est parfaitement démontrable.

Je voudrais que l’on aborde les vrais débats qui sont déjà difficiles, complexes, avec des intérêts et des logiques contradictoires. Mais de grâce, entre nous, évitons les faux débats !

M. Jacques Alain Bénisti, corapporteur. Ce rapport, qui fait presque 300 pages, vient à peine de vous être envoyé. Nous avons répondu à un certain nombre d’inquiétudes et de questions qui ont été posées par différents collègues. Mais je reconnais volontiers que ceux-ci ne pouvaient pas lire entièrement ce rapport.

Je voudrais d’abord répondre au président, et saluer sa suggestion. Il serait bon d’ailler vraiment jusqu’au bout et de légiférer, par le biais d’une proposition de loi, sur un certain nombre de points dont nous avons eu l’occasion de discuter.

De la même façon, il serait opportun d’organiser une table ronde. Bien évidemment, comme l’exige la démocratie, il faudra laisser parler la DGAC. Cela dit, je suis d'accord avec le président : le rapport de forces est totalement déséquilibré. La DGAC est un État dans l’État. Je me souviens de débats en présence des ministres, le ministre des transports et la ministre de l’environnement, Mme Ségolène Royal, où finalement la DDAC prenait la main. Notre commission peut modifier les rapports de force – ce qui constituerait un réel bouleversement – et faire en sorte que les politiques, qui vivent les problèmes au quotidien, prennent vraiment les décisions – lesquelles, aujourd’hui, sont laissées à la DGAC. D’ailleurs, comme l’ont fait remarquer certains tout à l’heure, la DGAC a pris un certain nombre de décisions sans le moindre débat, ni avec les populations, ni même avec les élus.

On a bien sûr analysé le problème qui se pose, entre l’aspect économique, l’emploi, et les nuisances subies par les populations. On n’a pas fait figurer dans le rapport les propositions démesurées d’un certain nombre d’associations. Et dans les propositions que nous avons faites, nous n’avons pas nui à l’impact économique. Vous avez d’ailleurs été un certain nombre à le reconnaître, comme David Douillet tout à l’heure. Nous savons qu’il n’est pas possible de doubler le trafic d’Orly, mais nous savons que Roissy CDG peut encore se développer.

Nous avons fait un certain nombre de propositions, qui vont un peu dans le sens de la proposition du président. Il faut décentraliser et délester, notamment l’aéroport d’Orly, parce que le nombre de passagers des compagnies low cost a considérablement augmenté. Comme l’on fait remarquer certains, le transport aérien se démocratise. Jusqu’à présent, certaines personnes n’avaient jamais eu la possibilité, ne serait-ce que de monter dans un avion. Les billets aller-et-retour à 35 ou 50 euros permettent maintenant aux populations les moins favorisées de pouvoir utiliser les transports aériens. C’est pour cela qu’il existe un potentiel de développement, qui n’est pas possible aujourd’hui à Orly. C’est la raison pour laquelle nous avons fait des propositions portant sur d’autres lieux :

D’abord à Vatry. Pourquoi, à chaque fois, depuis trente ans, proposer Vatry ? Parce que cet aéroport possède une piste plus longue que celle de Roissy, et une tour de contrôle qui est le double de celle de Roissy. Je n’étais jamais allé à Vatry et quand j’ai vu l’aéroport, j’ai été impressionné.

Cet aéroport a été financé par la région Champagne-Ardennes, le département et l’État. Il suffirait d’agrandir légèrement la salle d’accueil des passagers pour pouvoir le lancer. Certes, Vatry n’est pas raccordé au réseau ferroviaire. Mais la ligne Paris-Strasbourg se trouve à 25 km. On dispose donc d’une ligne et des infrastructures. Nous avons interrogé la SNCF qui estime possible de s’appuyer sur ces infrastructures pour mettre en place des LGV capables de rejoindre Vatry en 22 minutes, à 260 km/h.

Ensuite, nous avons proposé Césarville, à côté de Pithiviers. Il y aura une gare TGV à côté de Pithiviers, dont une aile ira à Clermont-Ferrand, et l’autre à Toulouse. Nous possédons donc le transport. Sauf qu’à Césarville, donc à Pithiviers, nous n’avons pas d’aéroport, contrairement à Vatry. À Vatry, on a l’aéroport, pas le transport.

Enfin, nous avons proposé Beauvais, dont l’aéroport est en train de se développer avec Ryanair. L’élu de Beauvais s’est d’ailleurs exprimé tout à l’heure.

Ainsi, il est possible aujourd’hui de décentraliser et de répondre à l’augmentation du trafic. On ne touche à aucun moment, ni à l’économie, ni au tourisme. On augmente le nombre d’emplois. On développe même l’économie en répondant à la forte demande touristique.

Vous le constatez, dans ce rapport, nous avons abordé toutes les problématiques. On s’attendait évidemment à ce que certains s’inquiètent pour Air France et ADP qui constituent aujourd’hui des pôles d’excellence dans le domaine économique. Il n’est pas question d’y toucher. On dit simplement qu’il faut réorienter.

On dit que les trajectoires ont été définies n’importe comment – et c’est l’ancien pilote qui vous parle. Mais d’anciens collègues m’ont dit qu’ils respectaient les trajectoires qu’on leur donnait. De la même façon, les contrôleurs nous ont dit qu’il était possible d’éviter totalement les zones les plus urbanisées et que si on leur disait de le faire, ils le feraient. Je précise, en tout cas, qu’il n’y a pas aujourd’hui de problème de sécurité.

M. Christophe Bouillon, corapporteur. Comme l’a indiqué Jacques Alain Bénisti, ce rapport ne fait pas le procès du transport aérien. Son développement est une réalité qui profite à tous. Plusieurs d’entre vous ont souligné la démocratisation de l’accès à ce moyen de transport, et l’enjeu qu’il représente en matière économique et touristique. Mais on ne peut pas se satisfaire d’avoir par an plus de 80 millions de touristes qui viennent dans notre pays et profitent à notre économie de notre pays, sans créer les conditions favorables à leur venue.

Donc, ce n’était pas le procès, ni du transport aérien, ni de cette réalité économique. Notre sujet n’en est pas moins les nuisances aéroportuaires, qui sont indéniables. Les citer et explorer les moyens de les limiter n’est pas contradictoire avec le développement économique.

Nous avons plus particulièrement approfondi un certain nombre de propositions qui rendent compatibles à la fois la nécessaire limitation de ces nuisances et l’inévitable évolution du transport aérien. Nous avons rencontré les constructeurs. David Douillet citait avec raison Safran. Il aurait aussi pu citer Airbus et d’autres.

Des efforts conséquents ont été réalisés, par exemple sur le roulage des avions, avec les APU – Auxiliary Power Unit (accélérateurs de puissance) électriques. On a des moyens pour limiter concrètement les consommations de kérosène, donc les pollutions, mais aussi le bruit.

Les progrès sont manifestes chez les constructeurs, français pour la plupart, en termes de réduction de la consommation, et bien évidemment des nuisances. C’est vrai aussi au niveau des hélicoptères. Il faut le dire, des ruptures technologiques font l’objet de réflexions. Il existe des organismes comme, par exemple, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA).

Tout cela est cité dans notre rapport. Nous mettons aussi en avant les investissements d’avenir, dédiés plus particulièrement à ces questions. C’est incontestable, il y a eu des progrès, et il y en aura encore.

Maintenant, comme vient de le rappeler Jacques Alain Bénisti, le fil rouge de ce rapport – que l’on pourrait d’ailleurs intituler « il faut mettre un pilote dans l’avion » – c’est la question de l’aménagement et de la stratégie. Et si vous en êtes d’accord, nous pourrions ajouter une autre recommandation qui serait, comme le suggérait notre président : mettre en place un schéma national des infrastructures aéroportuaires.

C’est bien de cela qu’il s’agit. On parle de Vatry depuis trente ans, et de ses investissements depuis 2000. On met en avant la capacité, la longueur de la piste, la tour de contrôle, les moyens techniques très performants de cet aéroport. Mais on ne dit pas qu’il faut construire autre chose. Non, puisqu’il existe aujourd’hui une plateforme aéroportuaire qui a toutes les qualités requises pour accueillir un grand nombre de passagers. C’est la même situation avec l’aéroport situé dans la région Centre, que notre président a pris comme exemple.

Il faut déjà prendre ce qui existe, faire des efforts de desserte, et améliorer la construction de l’approche aéroportuaire et de l’aménagement du territoire ; je salue l’initiative évoquée par notre collègue Gilles Savary, qui va dans le même sens.

De la même façon, nous avons fait un grand nombre de propositions relatives aux trajectoires, ne serait-ce que parce que celles-ci ont un impact évident sur les populations – même dans les communes un peu plus en périphérie, en cas de modifications de celles-ci. Mais les trajectoires n’empêchent pas le transport aérien, pas plus que l’arrivée et le départ des avions. Elles doivent simplement tenir compte des conditions de sécurité, du nombre de mouvements, etc.

Nos propositions ont été inspirées par les auditions des pilotes et des contrôleurs aériens que nous avons menées. Elles ont été évaluées par des professionnels qui passent leur vie, soit dans les avions, soit à contrôler des avions. Nous avons également insisté sur les modifications de trajectoires. Mais en aucun cas, contrairement au sentiment de certains, nous n’avons voulu crier « haro sur le transport aérien ». Simplement, il est évident que dans quinze ans, le nombre de passagers et le volume de fret auront augmenté, au point que l’on peut tabler sur un doublement des places aéroportuaires – l’augmentation a été de 2,2 dans les vingt dernières années. C’est là le sens du progrès. Reste que ce sens du progrès ne doit pas nous faire oublier celles et ceux qui vivent à proximité des aéroports, à qui nous devons des réponses, en tant que représentants de la Nation.

Il ne s’agit pas de répondre uniquement par rapport à notre territoire, mais par rapport à un enjeu plus global. Et je terminerai là-dessus. Quelqu’un parmi vous a demandé si l’on avait, de par le monde, des exemples de déplacement ou de transfert d’aéroports ou de pistes. Il y en a, et pas des moindres : Berlin, Hong-Kong, Montréal, etc. Je cite à dessein ces territoires : ces déplacements d’aéroports n’ont eu aucun impact négatif sur l’économie. On voit bien que c’est une question d’aménagement. Certes, la matière est difficile. L’échelle urbaine est sur vingt ans, ce qui fait que certaines décisions doivent être anticipées. À mon avis, l’élaboration d’un schéma participe de cette bonne stratégie.

M. Jacques Alain Bénisti, corapporteur. Je reviens sur Notre-Dame-des-Landes. Je me suis déplacé dans le centre-ville de Nantes et je conseille tous ceux qui n’y sont pas allés de le faire. Quand ils reviendront, ils auront compris le problème : c’est invraisemblable, des avions passent à 310 mètres au-dessus du cœur de Nantes et de son magnifique patrimoine ! N’étant pas de cette région, nous avons vécu les débats sur Notre-Dame-des-Landes de l’extérieur. Mais en m’y rendant, j’ai vite compris qu’il fallait impérativement déplacer cet aéroport.

M. Laurent Furst. Je pense que l’on ne peut pas comparer le fait de déplacer un aéroport, et le fait de fractionner l’activité en la répartissant sur plusieurs aéroports. À Berlin et à Hong-Kong, on a déplacé un aéroport. Là, c’est d’un fractionnement d’activité qu’il s’agit.

Je terminerai sur Notre-Dame-des-Landes et sur l’Ouest de la France. L’une des maladies françaises est de multiplier des investissements qui ne sont pas pertinents, par manque d’une vision d’ensemble. Mais maintenant que l’on fonctionne de plus en plus « en hub », en correspondances et en éléments, on ne saurait répartir sur sept, huit ou neuf aéroports une activité que l’on pourrait concentrer sur un grand aéroport. Le fractionnement sur sept ou huit aéroports, cela n’existe pas, c’est tout.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je n’ai pas voulu dire cela non plus.

M. Jacques Alain Bénisti, corapporteur. On prévoit une augmentation du nombre de passagers. Mais la plupart de ceux qui sont dans cette segmentation sont des passagers low cost. L’idée est de rapprocher de leur lieu d’habitation ces populations qui voudront utiliser le transport aérien à très bas prix, et dont la demande va fortement augmenter. On peut le faire en délestant, en centralisant un certain nombre d’activités ; d’ailleurs, les grands aéroports ne veulent pas développer l’activité low cost.

Si vous consultez, à partir de Google, différents sites, pour connaître les tarifs des moins chers, vous pouvez trouver, par exemple chez Ryanair ou easyJet, des propositions de vols à 35 ou 40 euros. Accèdent ainsi au transport aérien des populations qu’on n’avait jamais vues. L’autre jour, sur Paris-Marseille, une personne qui n’avait jamais pris l’avion et qui s’inquiétait ce qui allait lui arriver, a demandé une deuxième ceinture de sécurité ! Elle avait payé 51 euros son billet aller-et-retour. Si on peut rapprocher les aéroports de cette population qui sera de plus en plus en demande, cela n’en sera que mieux.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La gestion des droits de trafic a tendance à concentrer ou à déporter le trafic. Si certains aéroports de province avaient des droits de trafic, ils pourraient accueillir un certain nombre de vols. Comme ils n’en n’ont pas, certains vols sont déportés, par exemple en Belgique, ce qui constitue un problème. Il n’est pas question de priver Roissy de son développement, car c’est un hub important, qui doit le rester. Il n’est pas question de prendre du trafic à Roissy pour le transférer au centre de la France ou à Vatry. Mais je pense que certaines demandes pourraient être satisfaites si d’autres décisions étaient prises.

Je terminerai en remerciant Christophe Bouillon et Jacques Alain Bénisti pour leur travail. Même s’il leur a pris un peu plus de temps que prévu, c’est un travail de qualité. Je vous demande donc l’autorisation de publier ce rapport.

La Commission autorise la publication du rapport d’information sur les nuisances aéroportuaires.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Vous pouvez y ajouter, bien entendu, la proposition de loi, la table ronde, et la proposition de résolution. Il faut continuer à mettre à plat un certain nombre de sujets, et montrer que les parlementaires ont de quoi dire. Je vous remercie.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 16 mars 2016 à 9 h 30

Présents. – M. Yves Albarello, M. Guy Bailliart, M. Alain Ballay, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Sylvain Berrios, M. Jean-Pierre Blazy, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Marie Le Vern, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Franck Marlin, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Yves Nicolin, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Thomas Thévenoud, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. – M. Julien Aubert, Mme Chantal Berthelot, M. Christian Jacob, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Bertrand Pancher, M. Napole Polutélé, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. – Mme Eva Sas, M. François Vannson