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Mercredi 6 avril 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 52

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition de Mme Elisabeth Borne, présidente-directrice générale de la RATP

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu Mme Elisabeth Borne, présidente-directrice générale de la RATP.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mes chers collègues, nous accueillons aujourd’hui Mme Élisabeth Borne, présidente et directrice générale de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), que nous avons déjà entendue, le 12 mai 2015, préalablement à sa nomination.

Je ne doute pas que vous aurez de nombreuses questions à lui poser, sur sa première année d’activité et sur les projets de la RATP ; nous évoquerons le Grand Paris, la mise en œuvre de la loi relative à la sécurité dans les transports adoptée récemment, ainsi que la perspective de création de nouvelles lignes de métro.

Mme Élisabeth Borne, présidente-directrice générale de la RATP. Près d'un an après ma nomination comme présidente-directrice générale de la RATP, je remercie le président Jean-Paul Chanteguet d'avoir accepté ma proposition de venir aujourd'hui vous présenter les nouvelles orientations stratégiques du groupe RATP.

Vous le savez, la RATP dispose d'une solide culture d'entreprise et, dès mon arrivée, j'ai eu beaucoup de plaisir à découvrir des femmes et des hommes très attachés à leur entreprise, fiers de participer à une belle et grande mission de service public. Les salariés de la RATP sont également dotés d'un très grand professionnalisme, que je tiens à saluer devant vous, un professionnalisme reconnu ici en France, mais également dans l'ensemble des pays où je me suis rendue ces derniers mois. Le savoir-faire de la RATP s'exporte bien et participe au rayonnement de la France ; j'y reviendrai.

J'éprouve donc une très grande fierté à diriger cette entreprise attachante et qui se porte bien. Elle se porte bien car, comme nous allons le voir, elle réussit à assurer sa mission de service public au service des Franciliens, dans le cadre du contrat passé avec son autorité organisatrice, le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF), tout en consolidant son modèle économique avec des résultats robustes, qui lui permettent d'assurer la pérennité et le renouvellement de ses infrastructures et de son matériel roulant.

Mais la RATP doit se préparer à de grands défis, en particulier la mise en concurrence de son réseau de bus à partir du 1er janvier 2025. L’échéance peut paraître lointaine, mais les enjeux de cette ouverture à la concurrence sont tels, sur le plan social comme économique, que c'est bien dès aujourd'hui que la RATP doit s'y préparer. En outre, les lignes nouvellement créées sont dès à présent mises en concurrence. Ce sera le cas, très prochainement, pour les tramways T9 et T10 ainsi que pour les lignes du Grand Paris Express. La RATP doit être prête pour ces grandes échéances, et c'est tout le sens des orientations stratégiques que je vais vous présenter.

Ces orientations s'appuient sur quelques éléments de constat.

Face à l'ouverture à la concurrence que je viens d'évoquer, mais également face à l’évolution des attentes de nos clients, y compris dans leurs usages numériques, et face au développement de nouvelles formes de mobilité, il est indispensable de mettre encore davantage le voyageur au centre de nos préoccupations.

Dans ce nouvel environnement, la RATP doit développer davantage une culture d’amélioration continue, à la recherche de modèles d’excellence, pour sans cesse remettre en question ses méthodes, au bénéfice de la qualité et de la performance du service offert.

Face à ces enjeux, l’innovation est un levier fondamental, dans les systèmes de transport bien sûr, mais aussi dans les services et les différentes applications numériques.

Enfin, la RATP a un rôle indéniable à jouer dans le rayonnement de la France à travers le monde, non seulement en répondant à une demande toujours plus forte en transports publics dans l'ensemble des métropoles mondiales, mais aussi en contribuant à l'organisation de grands événements internationaux en région parisienne, comme nous l'avons fait en décembre dernier pour la COP21 et comme nous sommes en train de le faire en soutenant la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024 ou à l’Exposition universelle de 2025.

Pour répondre à l'ensemble de ces enjeux, j'ai défini trois priorités majeures pour l'avenir du groupe. En premier lieu, la RATP doit viser l’excellence au service des voyageurs, en s'appuyant sur les compétences des femmes et des hommes du groupe. En second lieu, il est indispensable de promouvoir l’innovation dans tous les domaines de la RATP. Enfin, il est primordial que le groupe RATP s’affirme comme un acteur essentiel de la ville durable.

Ces trois priorités doivent être constamment enrichies par une démarche volontariste d’écoute. C'est la méthode que j'ai décidé d'appliquer. Écoute de nos voyageurs, dans un objectif d’amélioration continue de notre qualité de service ; nous devrions, par exemple, lancer très prochainement une enquête auprès de nos voyageurs sur les commerces et services qu'ils souhaitent trouver dans nos espaces. Écoute de nos autorités organisatrices, des élus locaux, pour être capables de répondre constamment à leurs aspirations et de nous différencier de la concurrence. Écoute, enfin et surtout, de nos salariés, sans qui la RATP ne pourra relever les grands défis qui l’attendent.

D'un point de vue opérationnel, nos trois priorités se déclinent en dix chantiers.

Quatre de ces chantiers concernent notre politique d'excellence.

Le premier est intitulé « S'affirmer comme un groupe aux meilleurs standards mondiaux ». Il s'agit notamment de capitaliser sur la diversité des expériences et des savoir-faire pour que notre développement à l'international, qui s'appuie sur l'expertise de l'établissement public industriel et commercial (EPIC), soit source d'inspiration et d'innovation pour nos voyageurs franciliens.

Le deuxième est intitulé « Conforter la culture de sécurité et de sûreté du groupe ». La sécurité ferroviaire est l'un de nos grands domaines d'excellence, et il est indispensable de maintenir notre vigilance. Je reviendrai sur la sûreté des personnes en abordant les sujets d'actualité, si vous le voulez bien.

Le troisième chantier est intitulé « Développer la performance de l'ingénierie au service des clients internes et externes ». Notre programme d'investissements avec le STIF s’élevant à 8,5 milliards d’euros sur les cinq prochaines années, il est indispensable que nous soyons en mesure de délivrer nos projets dans les délais et les coûts impartis.

Le quatrième s’intitule « la mobilisation générale de l'entreprise sur le RER ». Nous devons clairement augmenter le niveau de satisfaction sur les lignes A et B du RER et, avec le soutien du STIF, nous allons investir plus d'un milliard d’euros d’ici à 2020 pour y parvenir.

Quatre autres chantiers ont trait à l'innovation.

Le premier est « Développer notre capacité à innover plus et plus vite ». Il s'agit de mener une politique offensive de recherche et d'innovation pour rester à la pointe de notre secteur. À cet égard, j'ai notamment décidé la création d'une direction de la stratégie, de l’innovation et du développement, en charge de ce sujet pour l'ensemble du groupe RATP.

Le deuxième s’intitule « Continuer à être à la pointe de l'innovation sociale, en maintenant l'humain au cœur du développement du groupe ». Je suis profondément convaincue que les femmes et les hommes de la RATP sont la première richesse du groupe et que nous devons tout faire pour préserver la culture et les valeurs de notre entreprise. C'est la feuille de route que j'ai fixée au nouveau directeur des ressources humaines (DRH) qui vient de nous rejoindre.

Le troisième chantier a pour thème « Faire du mode métro un levier de développement du groupe, en France et à l'international ». Le réseau parisien est la vitrine de la RATP et nous devons d’abord être à la hauteur des grands rendez-vous qui nous attendent sur notre réseau historique – prolongement des lignes 4, 11, 12 et 14, automatisation de la ligne 4 – pour répondre avec succès aux appels d’offres internationaux.

Enfin, le quatrième chantier dans le domaine de l'innovation est « Offrir de nouveaux services personnalisés et digitaux à nos voyageurs ». La RATP doit en effet être en mesure de proposer une offre de mobilité connectée globale et durable pour répondre aux attentes de ses voyageurs.

Les deux derniers chantiers sont consacrés à la ville durable.

Le premier a pour titre « Renforcer la contribution économique, sociale et environnementale de la RATP aux enjeux de la ville durable ». Nous disposons d'un savoir-faire unique d'opérateur de réseau intégré à l'échelle d'une métropole mondiale, y compris en termes de valorisation immobilière de nos parcelles industrielles ou encore dans le domaine de l'éco-conception.

Le second est emblématique pour préparer l'avenir du groupe : « Moderniser le réseau de surface pour nous préparer à la concurrence ». Il s'agit notamment de réussir la transition énergétique de notre parc de bus grâce à notre grand plan « Bus 2025 », qui prévoit le remplacement des 4 500 bus par des véhicules électriques ou au biogaz, mais aussi de préparer l'ouverture à la concurrence de notre réseau, fin 2024, tout en renforçant les positions de la RATP au-delà de son périmètre historique.

Tous ces chantiers, qui seront également alimentés par une large démarche participative à laquelle chaque salarié sera appelé à contribuer, traduisent la volonté du groupe RATP de mener une politique active d'innovation et d'amélioration continues, centrée sur l'écoute des besoins de nos voyageurs et d'incarner ainsi la mobilité durable et la ville intelligente en France comme à l’international.

Après vous avoir présenté les grandes lignes de ces nouvelles orientations, je souhaiterais maintenant prendre quelques minutes pour aborder avec vous deux sujets d'actualité pour la RATP : le contexte sécuritaire d'une part, nos résultats en 2015 et les perspectives pour 2016 dans le cadre de notre nouveau contrat avec le STIF pour la période 2016-2020 d'autre part.

En premier lieu, je voudrais souligner que, face aux attaques terroristes qui ont frappé notre pays l'année dernière, que ce soit en janvier ou en novembre, les agents de la RATP ont contribué avec sang-froid et professionnalisme à la mobilisation de l'ensemble des services publics, et je tiens à leur rendre hommage. Au plus fort de la crise, nous avons toujours assuré la continuité du service public et avons mis nos ressources à la disposition des forces de sécurité.

Dans le contexte actuel, nous avons sensiblement augmenté le nombre de patrouilles de notre service de sécurité interne, le groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) et nos agents sur le terrain font preuve de la plus grande vigilance. Les 1 000 agents du GPSR et les 5 500 agents de station, appuyés par plus de 37 000 caméras de vidéoprotection, font partie intégrante du dispositif sécuritaire francilien. La loi du 22 mars 2016 sur la sécurité dans les transports collectifs comporte de nombreuses dispositions que nous appelions de nos vœux et je remercie l'ensemble des parlementaires, en particulier Gilles Savary, qui ont œuvré à l'adoption de ce texte. Nous attendons avec impatience les décrets d'application pour renforcer la sécurité dans nos réseaux, et également lutter plus efficacement contre la fraude. La possibilité de demander des enquêtes administratives pour les personnes occupant des emplois sensibles chez les opérateurs de transport, notamment à la RATP, est une avancée que nous avions également souhaitée. Les ministres ont pu nous rassurer sur les délais de publication des décrets lors du comité national de sécurité dans les transports en commun qui s’est tenu hier en présence de Mme Valérie Pécresse, présidente du conseil régional.

Le deuxième sujet d'actualité que je souhaite aborder concerne la présentation, il y a quelques jours, des résultats du groupe RATP pour l'année 2015. Ce sont de bons résultats, qui confortent l'équilibre et la dynamique du groupe RATP, avec un chiffre d’affaires de près de 5,6 milliards d’euros, en progression de 5,7 % par rapport à 2014, notamment grâce à la contribution des filiales, qui atteint désormais plus de 20 % du chiffre d'affaires du groupe. Ces résultats sont surtout marqués par un niveau d’investissement record en Ile-de-France : plus de 1,8 milliard d’euros investis en 2015 au bénéfice direct des voyageurs. Ce niveau très élevé d’investissement va se poursuivre dans les années qui viennent, avec, comme je l'ai dit, 8,5 milliards d’euros prévus dans le cadre du nouveau contrat avec le STIF, dont 4,2 milliards sur nos fonds propres.

Je tenais à le préciser, car c’est la grande spécificité de la RATP par rapport au reste du secteur. Contrairement aux délégataires de services publics classiques, la RATP est propriétaire et gestionnaire de l’infrastructure et participe largement au renouvellement des actifs de l’opérateur de transport en Ile-de-France. Cela nous impose de dégager un résultat significatif pour disposer d'une capacité d'autofinancement suffisante afin de financer nos investissements, les seuls amortissements ne permettant pas d'assurer la pérennité de nos actifs, dont la valeur dépasse aujourd'hui 9 milliards d’euros en Ile-de-France. Je voudrais insister sur le caractère vertueux de ce modèle : contrairement, par exemple, à SNCF Réseau, la RATP n'est pas tributaire de subventions annuelles d'investissement, mais dispose d'une visibilité pluriannuelle qui lui a permis, et doit continuer à lui permettre, d'assurer la pérennité d'un réseau de plus en plus sollicité.

La hausse du résultat net de la RATP ces dernières années était donc programmée dans le cadre du contrat avec le STIF pour soutenir l’ambitieuse politique d’investissements menée en Ile-de-France, sans accroissement de la dette. Cette progression des résultats traduit également les efforts des salariés et l'amélioration de la performance économique de l'entreprise, dont on peut rappeler qu'elle assure une offre de transport qui s’est accrue de 20 % en dix ans, avec des effectifs presque constants.

Pour en revenir aux résultats, compte tenu de certains éléments comptables et de la baisse des frais financiers, le résultat net 2015 s’affiche à 437 millions d’euros. Hors éléments exceptionnels et conjoncturels, il est ramené à 302 millions d’euros, soit une quasi-stabilité par rapport à 2014, en raison du faible niveau d’inflation – et donc de la quasi stabilité de la rémunération versée par le STIF –, de la faible progression du trafic, marqué notamment par les attentats, et des dépenses engagées pour améliorer la qualité du service offert.

Pour 2016, le nouveau contrat STIF 2016-2020, bâti sur le même modèle que le précédent, devrait conduire à un résultat net de l’ordre de 200 millions d’euros, du fait notamment d'un débasage d'environ 100 millions d’euros de la rémunération annuelle versée à la RATP. Nous assurerons en outre, dans cette enveloppe, pour environ 45 millions d’euros par an de services nouveaux et d'offres supplémentaires. Ce contrat plus exigeant se traduit donc par un effort de la RATP de 145 millions d’euros en moyenne annuelle sur la période.

Notre trajectoire pour 2020 est conforme à celle fixée, en accord avec l'État, dans notre plan d'entreprise : un chiffre d'affaires de 7 milliards d’euros, dont 30% générés par les filiales en 2020 ; un ratio dette sur capitaux propres de 1, contre 3 en 2006, ce qui est indispensable pour continuer à pouvoir emprunter sur les marchés.

L'ensemble de ces bons résultats n'est jamais réalisé, je tiens à le préciser, au détriment de la qualité de service. Au contraire, toutes les équipes de la RATP sont fortement engagées pour faire progresser de manière notable la régularité de nos lignes. La qualité de service est notre priorité.

Sur nos lignes de métro, la situation ne cesse de progresser : notre taux de régularité en heure de pointe dépasse les 96 % sur l'ensemble de nos lignes, à l'exception de la ligne 13 – qui est tout de même à 95 %. On peut rappeler que, en 2012, seules quatre lignes sur 14 dépassaient les 96 %.

Sur le réseau RER, la régularité de la ligne B s'améliore très sensiblement, notamment grâce à notre coopération renforcée avec la SNCF : 90,1 % en 2015, contre 88 % en 2014 et 83 % en 2013. Sur le RER A, la situation est plus difficile, car nous devons y faire face à une hausse sans précédent des colis suspects, qui pénalise très fortement notre régularité, tombée à 85 % en 2015. Il faut savoir que nous avons enregistré une moyenne de 5,2 colis suspects par jour en 2015, contre 2,5 en 2014, avec des périodes à plus de dix colis par jour en novembre et décembre dernier. La seule ligne A concentre environ 30 % des colis suspects de tout le réseau. Nous travaillons donc en étroite collaboration avec les services de la préfecture de police afin de trouver des solutions innovantes pour la gestion de ces colis. Par ailleurs, comme je l'ai indiqué, nous allons investir un milliard d’euros avec le STIF sur le RER ces cinq prochaines années, pour améliorer la qualité de service sur ces deux lignes essentielles au fonctionnement du réseau de transport francilien.

Ces investissements prévus sur le RER A illustrent bien notre ambitieuse politique d'investissements, réalisée dans cadre de notre contrat. En 2015, la RATP, avec le concours du STIF, a investi le montant record de 1,832 milliard d’euros.

Sur les réseaux ferrés, l’année 2015 a notamment été marquée par les travaux simultanés de quatre prolongements de lignes de métro – ligne 4 vers Bagneux, ligne 11 vers Rosny-sous-Bois, ligne 12 vers Mairie d’Aubervilliers et ligne 14 vers Mairie de Saint-Ouen – et par la première phase des travaux de renouvellement des voies et du ballast sur le tronçon central du RER A, chantier inédit et exceptionnel de par son ampleur.

La RATP a poursuivi le déploiement du matériel à deux niveaux sur le RER A, achevé la rénovation de ses 66 rames sur le RER B et acquis 35 nouvelles rames destinées à la ligne 14 du métro.

Sur le réseau de tramways, deux prolongements sont en cours – T3 vers Porte d’Asnières et T6 vers Viroflay – et deux sont en préparation – T1 et T7.

Dans le cadre de son plan « Bus 2025 », la RATP a accéléré la transition énergétique de son parc bus, avec 150 bus hybrides en service fin 2015 et 520 prévus mi-2016, et commencé l’expérimentation sur ses lignes des premiers bus standard 100 % électriques.

En matière de nouveaux services et d’information voyageurs, la RATP a, par exemple, créé l’application « monRERA », permettant aux voyageurs du RER A d’être mieux informés, notamment en cas de situation perturbée. Le déploiement de la 3G et de la 4G se poursuit, les RER A et B et la ligne 1 du métro étant désormais totalement équipés.

En 2016, sera inaugurée la première ligne intégralement équipée de bus standards 100 % électriques, signe de l’accélération du plan « Bus 2025 ». La partie souterraine du tramway T6 sera également inaugurée. Les travaux d’automatisation de la ligne 4 et les travaux du prolongement sud de la ligne 14 débuteront également cette année. L'ensemble des grands projets déjà engagés – rénovation des voies et ballasts du RER A, prolongements de lignes – se poursuivront bien évidemment.

Tous ces travaux visent le même objectif : l'amélioration durable de la qualité de service.

Je voudrais faire un point très rapide sur l'évolution récente du trafic et des recettes. En 2015, le trafic voyageur a connu une hausse modérée – 0,9 % –, l’impact sur le trafic des attentats de janvier et de novembre étant compensé par une augmentation de la fréquentation de nos lignes de tramway, en raison du développement de l'offre.

Si le trafic a augmenté, les recettes directes ont diminué de 4,6 %, soit 106,7 millions de francs de moins qu’en 2014. Ce phénomène s'explique notamment par la mise en place du forfait Navigo à tarif unique au 1er septembre dernier. S'il est encore trop tôt aujourd'hui pour mesurer l'impact précis de la mise en place du tarif unique – nous ferons le bilan cet été avec le STIF –, il est néanmoins clair que les réseaux de transports en commun franciliens sont confrontés à la même problématique que les autres réseaux de transports collectifs français : la part payée par les voyageurs ne cesse de diminuer, alors même que les tensions sur les finances publiques n'ont jamais été aussi fortes.

Un dernier mot enfin concernant l'actualité de nos filiales : vous le savez, via notre filiale RATP Dev, le groupe RATP se développe en France comme à l'étranger, avec un chiffre d'affaires supérieur de 1,143 milliard d’euros en 2015, en hausse de 25 % par rapport à 2014. Ce bon résultat provient d'un développement maîtrisé, alliant croissance en volume et rentabilité.

En France, RATP Dev s’est particulièrement renforcé dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, notamment à travers l'exploitation du réseau multimodal de l’agglomération de Valenciennes avec deux lignes de tramway et 30 lignes de bus.

À l’international, les équipes de RATP Dev remportent de nombreux succès, que ce soit à Riyad, à Manille, en Algérie ou encore au Texas. L’année 2016 a bien débuté, avec la récente mise en service du tramway de Washington et l’adjudication prononcée en notre faveur, dans le cadre de l’appel d’offres pour l’exploitation de l’ensemble des bus urbains et interurbains de la région Toscane, dernière étape avant la signature du contrat. Ce contrat, d’une durée de onze ans, représente près de 3 000 bus, plus de 5 400 employés et plus de 100 millions de kilomètres parcourus par an.

Enfin, Systra, filiale d'ingénierie commune avec la SNCF, fleuron national présent dans plus de 80 pays, a également réalisé une très bonne année 2015 avec un chiffre d'affaires de 623 millions d’euros, en hausse de 18 % par rapport à 2014, et un bénéfice avant intérêts et impôts de 25,5 millions d’euros, en hausse de 18 % également. Fortement engagé en France dans la mise en œuvre du Grand Paris Express, Systra confirme son ancrage à l'international, notamment au Moyen-Orient et en Asie, et réalise plus de 55 % de son chiffre d'affaires hors de France.

Je tiens à le dire aujourd’hui, devant vous, avec force : ce développement à l’international de nos filiales, dont je me réjouis qu’il soit soutenu par 85 % des salariés de la RATP selon notre dernier baromètre interne, ne se fera jamais au détriment de notre mobilisation au service de l’Ile-de-France.

Tels sont les principaux éléments d'actualité que je me proposais d'aborder. Vous l'aurez compris, la RATP ne manque ni de défis ni de projets. Mais vous pouvez avoir confiance en ses salariés pour affronter l'avenir avec détermination et professionnalisme, dans le respect des valeurs d'une grande entreprise de service public.

Je vous remercie et me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. Gilles Savary. Si je m’en tiens aux résultats de votre groupe, madame, vous êtes une présidente comblée, et la RATP représente un défi lancé aux stéréotypes les plus courants : c’est une entreprise publique dont les performances sont insolentes et pourraient faire pâlir bien des sociétés privées. Dans le domaine des transports collectifs urbains, elle connaît la rentabilité la plus forte d’Europe, cela prouve que l’on peut être très efficace avec une culture de service public.

La RATP constitue un groupe référencé à l’échelon international dans plusieurs réseaux de transport, allant du train au tramway en passant par le bus, et qui vient de remporter un contrat à Washington.

La Régie est liée au STIF par un contrat pluriannuel qui lui garantit une bonne stabilité et une grande visibilité. Toutefois, il m’est revenu que l’État, constatant ces bons résultats, envisagerait de soumettre la RATP à l’impôt sur les sociétés (IS), tout en la faisant bénéficier du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ; de son côté, le STIF penserait à moduler ses engagements financiers pour les mêmes raisons. Ne craignez-vous pas que cela vienne limiter votre capacité d’anticipation, élément qui fait cruellement défaut à la SNCF ?

Quant à l’ouverture à la concurrence, elle surviendra plus tôt que prévu puisque les nouveaux réseaux vont être ouverts et que les tramways T9 et T10 feront l’objet d’appels d’offres ainsi que les futures lignes 15, 16 et 18 du Grand Paris Express. Disposons-nous d’une régulation prête à accueillir cette ouverture à la concurrence ? Une confusion existe en effet entre l’exploitant dominant qu’est la Régie et le gestionnaire. Aujourd’hui, par exemple, le GPSR ne sert que la RATP ; de quelle façon pourrait-il servir de nouveaux entrants ?

Un plan d’investissement est-il prévu, par ailleurs, pour la mise en œuvre de la loi relative à la sécurité dans les transports ? Il faut moderniser les systèmes de billettique, de surveillance, et embaucher du personnel. Existe-t-il un plan de sûreté, et si oui, comment est-il prévu de le financer ? J’ai moi-même demandé au Gouvernement de produire un rapport à la fin de l’année 2017 afin que la sécurité dans les transports ne soit pas mise sous le tapis, mais que, à l’instar du transport aérien, une gouvernance permette de la financer.

Je tiens enfin à vous féliciter pour la filiale RATP Dev, devenue un acteur majeur à l’international. Envisagez-vous des coopérations entre les trois opérateurs français, Keolis, Transdev et RATP, qui, pour l’instant, avancent en ordre dispersé – ce qui peut constituer un atout ?

M. Yves Albarello. À mon tour, je veux vous féliciter, madame la présidente, pour la réussite de la RATP, et vous n’avez pas à vous excuser d’obtenir de si bons résultats. Il faut continuer : Pierre Mongin avait déjà placé la Régie sur une trajectoire vertueuse, que vous avez poursuivie. Comme vous l’avez exposé, il n’y a pas de distribution de dividendes, mais seulement des résultats transformés en fonds propres, qui servent tant à la rénovation du réseau existant qu’aux investissements nouveaux ; cette démarche est excellente.

Dans le cadre du contrat qui vous lie au STIF pour la période 2016-2020, vous prévoyez un plan d’investissement de 8,5 milliards d’euros, dont la moitié sur fonds propres. Pourriez-vous nous éclairer sur les secteurs concernés ainsi que sur le calendrier ?

Placée sous maîtrise d’ouvrage de la RATP, la ligne 14 constituera l’épine dorsale du Grand Paris Express. Pouvez-vous nous indiquer si l’état d’avancement des travaux de sa prolongation est conforme aux prévisions ?

À quelle date interviendra l’automatisation de la ligne 4 ? Celle de la ligne 13 est-elle réalisable d’ici 2021 ? Le respect du calendrier de renouvellement du matériel RER pour 2021 vous paraît-il possible ?

La régularité des RER A et B reste mauvaise : quand peut-on espérer une amélioration ?

Le 9 décembre dernier, avec plusieurs élus et vous-même, j’ai assisté à la présentation des nouveaux bus électriques, la ligne 341 reliant la place de l’Étoile à la porte de Clignancourt devant être équipée d’un véhicule 100 % électrique fabriqué par Bolloré. Disposez-vous d’indices de satisfaction, de la part de la Régie comme des usagers ?

Toujours dans le cadre du plan « Bus 2025 », pouvez-vous confirmer les acquisitions de bus propres GNV, biocarburant gaz et hybride jusqu’en 2018, et électriques jusqu’en 2019 ? Pouvez-vous confirmer aussi l’accélération du renouvellement du parc à partir de 2019, parc qui serait composé à terme, suivant vos engagements, de matériel électrique pour 80 % et fonctionnant au biogaz pour 20 % ?

Après les attentats commis à Bruxelles, les aéroports, les gares ferroviaires et le métro de la capitale belge ont annoncé la mise de place de patrouilleurs. La RATP a également étudié la question, même s’il est très difficile sur un réseau aussi dense de garantir une sécurité totale ; de nouvelles pistes sont-elles explorées ?

L’ordonnance relative à la réalisation du Charles-de-Gaulle Express, auquel je suis très attaché, a été signée récemment par la ministre de l’environnement. Comme vous l’avez rappelé, cette infrastructure est nécessaire à la candidature de Paris à l’organisation des Jeux olympiques de 2024 : la RATP sera-t-elle candidate à l’appel d’offres ?

Le rapport de la Cour des comptes estime le coût de la fraude dans les transports en commun d’Île-de-France entre 300 à 400 millions d’euros par an. Comment la RATP lutte-t-elle contre ce fléau, compte tenu des moyens supplémentaires dont elle dispose désormais ? Quelle part des recettes provenant de la lutte contre la fraude ira au financement du passe Navigo à tarif unique en 2016 ? Je rappelle que la Régie s’est engagée à y consacrer 20 millions d’euros supplémentaires, dont seulement 5 millions d’euros de recettes provenant des amendes ?

M. Bertrand Pancher. Dans le domaine des infrastructures, les résultats de la RATP sont bons, mais la Cour des comptes a constaté que le réseau francilien a été le grand sacrifié de ces dernières années et estimé qu’il continuera à se dégrader jusqu’en 2020. Elle a préconisé d’augmenter notablement les tarifs ainsi que de différer la création de lignes nouvelles, particulièrement dans le cadre du Grand Paris Express. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Dans le cadre du plan « Bus 2025 », la RATP a choisi d’abandonner les énergies fossiles, ce qui constitue, à une échelle aussi importante, une première, l’expérience de Hambourg étant de moindre envergure. Nous nous interrogeons sur la pertinence de ces choix. Il existe trois stratégies énergétiques pour les bus : la filière diesel gaz norme Euro 6, la filière hybride – dont le gain environnemental est marginal – et la filière batteries électriques ou piles à combustible. Les options les plus pragmatiques sont la première et la troisième. Notre questionnement porte sur le calendrier de remplacement des bus et sur la qualité du service. Dans le domaine de la sécurité, les lieux de maintenance des bus seront-ils adaptés ? Il faut en effet les recharger pendant le remisage. Et que faire en cas d’incendie se déclarant au cours de cette opération ?

Se posent aussi des questions d’ordre technique. La charge maximum autorisée par essieu ne manquera pas d’être dépassée, du fait du poids des batteries. Un bus à la norme euro 6 dispose d’une capacité d’une centaine de voyageurs, que le passage à l’électrique réduira de 30 %. Quel sera le gain si, pour remplacer un bus classique, il faut trois bus électriques ? Quel sera le coût énergétique total de cette opération ? Les technologies sont-elles parfaitement abouties dans ce domaine, notamment en termes de consommation – climatisation en été, chauffage en hiver ?

Enfin, ne risque-t-on pas de mettre en difficulté les constructeurs automobiles nationaux par un virage technologique à une telle échelle ?

Mme Laurence Abeille. Les questions de transports collectifs, de mobilité durable et de service public intéressent tous les Franciliens, ainsi que les écologistes, particulièrement impliqués. Grâce à la mobilisation des élus écologistes, la décision a été prise en 2014 de remplacer les bus diesel par des bus à moteur électrique ou fonctionnant au gaz. La RATP se veut pionnière dans ce domaine, mais le rythme de remplacement de 500 bus par an sera-t-il tenu ? Je rappelle que les taux de pollution de l’air sont devenus dramatiques en Île-de-France.

Au moment du scandale Volkswagen, le STIF avait émis le vœu que des tests portant sur les émissions polluantes soient effectués sur des bus diesel construits par ce groupe. Nous souhaitons avoir communication des résultats le moment venu.

Dans ma circonscription du Val-de-Marne, comme dans beaucoup d’autres, des difficultés sont survenues dans le dialogue avec les élus locaux et les riverains, particulièrement à l’occasion de modifications d’itinéraires. À Vincennes, en l’occurrence, des travaux d’embellissement de la ville ont conduit à un rétrécissement des voies du bus 318, perturbant sérieusement la circulation. Par ailleurs, une nouvelle ligne de bus, reliant Montreuil à la gare RER de Nogent-sur-Marne, doit être ouverte afin de mieux desservir le secteur de Fontenay-sous-Bois ; connaissez-vous sa date de mise en service ?

Si je me félicite du projet de prolongement de la ligne 1 du métro, les problèmes demeurent sur la ligne A du RER. Indépendamment de la question des colis suspects, cette ligne très fréquentée est saturée, ce qui cause des nuisances sonores ; comptez-vous poursuivre le dialogue avec les entreprises afin que les horaires de travail puissent être décalés de façon à éviter cette concentration du trafic aux heures de pointe ?

Nous nourrissons enfin de grandes inquiétudes au sujet de la ligne de tramway T1, inscrite au contrat de plan. L’enquête publique a eu lieu et les travaux ont débuté, la ville d’Aulnay-sous-Bois a décidé d’apporter une contribution financière, mais nous redoutons que ce chantier soit à nouveau bloqué.

Mme Geneviève Gaillard. Vous avez évoqué la politique de développement durable du groupe RATP. Pourriez-vous préciser quels sont les moyens humains mobilisés à cette fin, ou susceptibles de l’être, par le nouveau département des systèmes d’information et de télécommunications (SIT), nouvellement créé, ainsi que ses perspectives de développement ?

Par ailleurs, dans quelle mesure prendrez-vous en compte les objectifs du développement durable dans le choix de vos partenaires, qu’il s’agisse d’achats de fournitures, de travaux ou de prestations de service ?

M. Jacques Kossowski. Entre le 7 et le 18 mars dernier s’est déroulée l’opération Sequana 2016, qui consistait à simuler une crue majeure de la Seine, à l’image de celle de 1910. Ce risque naturel menace tout particulièrement la région Île-de-France et Paris, auquel cas plusieurs millions de nos concitoyens seraient touchés ; le coût financier d’une telle catastrophe est estimé à 30 milliards d’euros.

Naturellement, les transports en commun seraient totalement paralysés. En partenariat avec quatre-vingts institutions, dont certaines originaires d’autres pays européens, la RATP s’est livrée à cet exercice. Avec son réseau métropolitain de 140 kilomètres, contre seulement 6 kilomètres en 1910, la Régie est particulièrement concernée. A-t-elle évalué les opérations à mener ? Est-elle prête à affronter une nouvelle crue centennale ? Quels montants financiers consacre-t-elle au plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) ? Ces moyens vous paraissent-ils suffisants ?

M. Yannick Favennec. Les usagers utilisant des tickets constatent, depuis environ deux ans, que ceux-ci se démagnétisent dans une proportion d’un sur deux, malgré les conseils des guichetiers qui prescrivent de les tenir éloignés de tout objet magnétique ou métallique. Si la plupart des Parisiens utilisent le passe Navigo, nombreux sont ceux qui recourent au ticket, parmi lesquels les touristes ; les ventes ne diminuent d’ailleurs pas, puisqu’elles représentaient 608 millions de titres de transport en 2000 et 618 millions en 2013.

La solution pourrait être, à l’instar de ce qui se pratique à Londres, d’utiliser une carte à puce approvisionnée d’un crédit permettant un paiement au trajet. Pouvez-vous m’indiquer si un tel projet est à l’étude, particulièrement dans la perspective du Grand Paris Express qui doit transformer l’agglomération parisienne en une grande métropole mondiale, mais aussi dans l’hypothèse où Paris serait retenu pour l’organisation des Jeux olympiques de 2024 ?

M. Jean-Pierre Blazy. Madame la présidente, je souhaite vous interroger sur les réalités du communautarisme islamiste au sein de la Régie, dont la presse se fait largement l’écho. Vous avez récemment déclaré qu’aucun manquement aux règles de neutralité et de déontologie n’avait été signalé depuis votre arrivée et que, si cela devait subvenir, les sanctions de rigueur seraient prises. On signale pourtant que certains chauffeurs de bus refusent de serrer la main de collègues féminines, ou de conduire un véhicule précédemment conduit par une femme. Quelle est votre évaluation de cette réalité, et quelle politique menez-vous à ce sujet ?

M. Jean-Marie Sermier. Les liens très forts unissant la RATP et le sport sont connus, la plus belle illustration en étant l’US Métro. Vous avez indiqué que la RATP soutient la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024. Pouvez-vous nous dire si, en cas de succès, le développement des infrastructures serait accéléré ? À terme plus rapproché, l’Euro 2016 de football se déroulera du 10 juin au 10 juillet : un plan particulier est-il prévu pour gérer le flux des spectateurs, vers et depuis les stades ou les fan zones ?

M. Jean-Louis Bricout. Quelles actions avez-vous mis en place pour lutter contre la fraude ?

Avez-vous des souhaits particuliers dans le domaine de la sécurité en ce qui concerne la formation et le fichage de vos employés ?

Par ailleurs, la mission « accessibilité » de la RATP mène chaque année avec ses partenaires, l’Association des paralysés de France (APF), l’Association française contre les myopathies (AFM) et l’association Mobile en ville, l’opération « Carnet de voyage ». Celle-ci consiste à référencer quotidiennement l’ensemble des points posant problème aux usagers à mobilité réduite ; quels sont les résultats de cette opération ? Au-delà de gros travaux de mise en accessibilité, comment gérer les soucis quotidiens sur lesquels il est possible d’agir plus rapidement ?

Vos données sont-elles accessibles aux autres opérateurs de transport pour la mise en place d’un open data indispensable aux personnes à mobilité réduite devant utiliser plusieurs modes de transport pour s’assurer de la continuité de leur acheminement ?

M. Gérard Menuel. Le groupe RATP est une belle entreprise, qui a de bons résultats et qui réussit, mais son image publique correspond-elle bien à cette réalité ? L’actualité rapporte souvent des incidents qui font débat, comme la polémique autour de l’affiche sur les chrétiens d’Orient, le comportement de certains agents de conduite qui refuseraient de conduire un véhicule précédemment conduit par une femme, ou encore la gestion du comité d’entreprise, qui ne fait l’objet d’aucun contrôle de votre part selon la Cour des comptes. Vos acquis, votre réussite et votre développement, que ce soit en Ile-de-France ou à l’international, méritent assurément un meilleur traitement, mais comment faire ?

M. Christophe Bouillon. Madame la présidente-directrice générale, vous avez tracé une feuille de route qui reflète à la fois les préoccupations des usagers et votre propre détermination ; vous avez notamment mis l’accent sur la rénovation des réseaux et la poursuite de l’innovation, rappelé l’investissement d’un milliard d’euros sur cinq ans pour moderniser les infrastructures du RER, ainsi que les projets d’automatisation des lignes 4, 11 et 13 du métro.

En tant que membre de la commission du développement durable, je souhaite plus particulièrement vous interroger sur l’amélioration de la qualité de l’air dans le réseau souterrain, la réduction du bruit ainsi que celle de la consommation d’eau et d’énergie.

M. Guillaume Chevrollier. Forte des résultats brillants dont vous venez de nous faire part, envisagez-vous un effort destiné à améliorer la qualité de l’environnement dans le métro, particulièrement sur le plan de la propreté et des mauvaises odeurs ? La situation est en effet désagréable pour les voyageurs réguliers, car il s’agit de leur environnement quotidien, mais c’est aussi une image très négative pour les touristes que nous recevons et souhaitons encore plus nombreux dans notre pays.

Quelles actions comptez-vous mener pour améliorer la situation en imposant une obligation de résultat aux prestataires de nettoyage ? Par ailleurs, un rapport publié en 2015 par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) relève que l’air dans l’enceinte du métro et des gares souterraines est beaucoup plus chargé en particules fines que l’air extérieur, et évoque un risque respiratoire et cardio-vasculaire pour les agents. Lors de votre arrivée, vous avez annoncé un plan d’action ; avez-vous progressé sur ce dossier, qui concerne autant les agents que les voyageurs ?

Mme Suzanne Tallard. Vous avez indiqué que, dans la perspective de l’ouverture du réseau à la concurrence, la RATP répondrait aux appels d’offres prévus d’ici deux ans pour les nouvelles lignes du Grand Paris Express. Comment appréhendez-vous ce mouvement, très dangereux à mes yeux, de libéralisation des transports publics, susceptible de conduire à ce que le réseau francilien puisse ne plus entièrement relever d’un acteur public ? Des adaptations législatives vous semblent-elles nécessaires afin de garantir le service public ?

M. Laurent Furst. L’entreprise que vous dirigez, madame la présidente, présente de bons résultats en matière de qualité de service, de développement durable, de sécurité pour la clientèle, de prospective et d’internationalisation.

J’avoue toutefois une inquiétude au sujet des finances : votre « grande sœur », la SNCF, annonce des bénéfices tandis que son niveau d’endettement augmente considérablement et que le réseau se dégrade ou – au mieux – se stabilise et que la situation financière s’aggrave. Il est singulièrement difficile d’apprécier les résultats d’une entreprise dont la plus grande part des ressources provient de subventions publiques, car le bénéfice comptable est alors quelque peu factice. Les demandes salariales exprimées au regard de ce bénéfice, la tentation du STIF de diminuer ses participations, celle de l’État de soumettre la RATP à l’impôt sur les sociétés, illustrent ces ambiguïtés.

Ne faudrait-il pas mettre en avant d’autres indicateurs, comme le taux d’investissement par rapport à l’endettement de l’entreprise, l’évolution du chiffre d’affaires lié à la clientèle et non aux subventions, ou celle des coûts unitaires de l’entreprise ? Vous avez indiqué que la Régie, à personnel constant, avait enregistré 20 % de voyageurs supplémentaires en dix ans, ce qui est très positif, mais il serait utile de disposer de comparaisons avec les coûts unitaires des différents réseaux de transports urbains des grandes métropoles européennes, afin de juger si vos résultats sont meilleurs ou moins bons.

Mme Marie Le Vern. Beaucoup de questions ont été posées au sujet de la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, dite loi Savary, dont l’article 22 a fait débat. Adopté à l’initiative de mon groupe politique, il a permis de sortir du déni qui plane sur le harcèlement sexiste dont les femmes peuvent faire l’objet dans les transports en commun. Ainsi, depuis quelques mois, la question a été inscrite à l’agenda politique de notre pays, avec un plan gouvernemental et une campagne de sensibilisation qui a fait date. Les initiatives se multiplient, telle l’enquête lancée par la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT). Je sais que la RATP est très présente sur ce front ; pourriez-vous rappeler les actions conduites et les perspectives futures ?

Lors de l’examen de la loi, le Gouvernement nous avait assuré que les formations des services internes de sécurité comporteraient systématiquement un volet consacré au harcèlement. Ce travail conjoint avec le ministère et la mission interministérielle de protection des femmes contre les violences et de lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) a-t-il commencé ?

Mme Valérie Lacroute. Le marché des nouvelles lignes de métro sera ouvert immédiatement à la concurrence : votre groupe est-il prêt à l’affronter ? Allez-vous vous appuyer sur RATP Dev, déjà actif hors Île-de-France, et qui a conquis de nombreux marchés ?

Le plan « Bus 2025 », qui prévoit le renouvellement de 4 500 véhicules, est ambitieux, et ouvre de belles perspectives aux constructeurs en termes de recherche et développement et d’évolution de l’outil industriel. La RATP compte-t-elle se fournir auprès d’industriels français ou européens, ou devra-t-elle se tourner vers la Chine ?

M. Michel Heinrich. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées dispense la RATP de réaliser des travaux d’accessibilité dans le métro. S’agissant particulièrement des lignes nouvelles, pouvez-vous indiquer quelle sera votre stratégie à cet égard ?

Pouvez-vous également nous présenter le bilan de l’accessibilité des bus, particulièrement à Paris. Comment abordez-vous ce sujet avec la municipalité ?

M. Jacques Alain Bénisti. Allez-vous, madame la présidente, voler au secours de votre collègue Guillaume Pepy (Sourires), qui connaît bien des difficultés sur son réseau, avec une pénurie de personnels et de compétences pour réaliser les études et travaux nécessaires aux gares d’interconnexion de l’ensemble du réseau francilien avec les lignes du Grand Paris Express ?

La maire de Paris a souhaité que la gare Rosa-Parks soit prioritaire, mais l’on s’interroge aujourd’hui sur son utilité. Le STIF a sollicité un financement prélevé sur le projet du Grand Paris Express, mais la SNCF répond qu’elle ne dispose pas des sommes nécessaires à cette construction et n’a pas réalisé les études s’y rapportant. La RATP envisage-t-elle d’intervenir, alors que la SNCF annonce l’ouverture des gares d’interconnexion à l’horizon 2025-2026, soit trois à quatre ans après la mise en service de la ligne 15 ?

M. Luc Chatel. Tous les prévisionnistes s’accordent à prédire une accélération de l’urbanisation dans les grands pays émergents : la Chine compte plus de soixante-dix villes de plus d’un million d’habitants, dont la plupart sont des villes nouvelles, et 70 % de la population africaine habitera en ville en 2040, soit un milliard d’individus. Cela ouvre des perspectives considérables aux transports collectifs : comment les abordez-vous ?

Aujourd’hui, la RATP n’est plus considérée comme apportant simplement des solutions techniques pour les transports, mais comme proposant des réponses globales dans le cadre d’une urbanisation. Avec quels partenaires travaillez-vous ? Envisagez-vous des alliances à l’échelon international afin de mieux répondre aux besoins globaux d’aménagement urbain qui se feront jour dans les trente prochaines années ?

M. Julien Dive. Quelle est votre politique de recherche, et développement dans le domaine du matériel roulant et de l’infrastructure du réseau ? En 2010, la RATP a participé au projet Cervifer de réduction des nuisances vibroacoustiques, déposé à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Aujourd’hui, la régie entretient des relations assez étroites avec Alstom par le joint-venture Metrolab.

Vous connaissez bien la nouvelle région Hauts-de-France, berceau de l’industrie ferroviaire : ardent défenseur de la recherche et développement, qui est le moteur de l’industrie, j’aimerais savoir quel est votre engagement en faveur des pôles de compétitivité de cette région, seule à disposer de telles structures dans le domaine ferroviaire et du transport terrestre guidé ?

Vous connaissez sans doute l’institut de recherche technologique Railenium, qui travaille sur l’infrastructure ferroviaire et dans lequel la RATP n’est pas impliquée : comptez-vous vous rapprocher de ce type d’institut et aller plus avant dans la recherche collaborative ?

M. Lionel Tardy. En tant qu’usager de la RATP, je constate que certaines stations du métro sont rénovées sans être rendues accessibles aux personnes handicapées. Quels sont les efforts de la RATP dans ce domaine ?

L’article 4 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, prévoit la diffusion en open data des données relatives aux transports : arrêts, horaires, disponibilité. Avez-vous commencé sa mise en œuvre ? Comptez-vous vous limiter à la simple charte ou entendez-vous procéder à une réelle diffusion libre de ces données ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La création d’un poste de chargé de mission aux questions d’éthique au sein de votre direction a été envisagée : a-t-il été pourvu ?

D’autre part, une partie des particules fines présentes dans l’enceinte du réseau provient du freinage des rames. Envisage-t-on l’installation de dispositifs capables de les récupérer ?

Mme Élisabeth Borne. Je souhaite préciser que je ne cherche pas à « m’excuser » des bons résultats de l’entreprise, mais ceux-ci peuvent, s’ils ne sont pas convenablement expliqués, attiser les convoitises susceptibles de nuire à la pérennité de nos comptes. (Sourires)

Notre modèle n’est pas comparable à celui de nos concurrents, même si j’apprécie les éloges de M. Gilles Savary. En général, un délégataire de service public de transports n’est pas propriétaire de l’infrastructure, et l’est rarement du matériel roulant ; il n’a donc pas à financer le renouvellement et l’entretien de son infrastructure. La RATP, en revanche, ne pourrait pas fonctionner en se contentant de dégager 2 % ou 3 % de marge comme un délégataire de service public n’ayant aucun investissement à réaliser.

Comme cela a été dit, nous ne distribuons pas de dividendes à l’État, et nous réinvestissons tous nos bénéfices au profit de l’entretien et du développement des infrastructures ; c’est ce qui fait de la Régie un établissement si particulier. Elle va être conduite à acquitter l’impôt sur les sociétés (IS), ce qui était devenu indispensable. C’est la suite de la longue histoire de la RATP, qui a été une régie autonome et – naguère encore – n’avait pas vraiment de compte de résultat et recevait une subvention annuelle d’équilibre. Désormais placée sous un régime contractuel avec le STIF, elle a été autorisée à étendre son activité au-delà de son périmètre historique.

Alors qu’elle va bientôt être confrontée à la concurrence sur ce périmètre, elle doit être irréprochable au regard des règles de la concurrence, et l’assujettissement à l’IS – qui est le lot de tous les établissements publics industriels et commerciaux de notre pays - constituait une étape nécessaire. Cela va lui permettre de bénéficier au passage du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), dont le montant compensera quasi totalement celui versé au titre de l’IS. Je ne pense pas que l’ouverture à la concurrence constituera une promenade de santé pour la RATP, car nos concurrents ne manqueront pas de faire valoir leurs arguments lors des appels d’offres. C’est pourquoi j’ai voulu que la Régie ne puisse pas être critiquée sur le fondement d’un régime fiscal dérogatoire.

La RATP est très mobilisée sur les enjeux de sécurité, et je remercie tous ceux qui ont œuvré pour que nous puissions bénéficier de nouvelles dispositions propres à améliorer encore la sécurité de nos réseaux. Dès qu’elles seront en vigueur, nous en tirerons parti afin de pouvoir pratiquer l’inspection visuelle des bagages et les palpations. Nous continuerons par ailleurs de renforcer nos équipes de sécurité qui constituent une partie seulement de notre dispositif : je rappelle que, dans toutes les gares et stations du réseau, un agent au moins est présent de l’ouverture à la fermeture. Nous allons augmenter les effectifs du GPSR, avec 100 recrutements prévus dans le cadre du nouveau contrat passé avec le STIF, ce qui représente 10 % de renfort. Les recrutements devront être de qualité, ce qui empêche de les accélérer inconsidérément. Dans le cadre du même contrat, nous allons recruter 100 agents afin de renforcer la présence nocturne dans les bus.

Nous disposons de 37 000 caméras de vidéoprotection et, à mesure que nous développons notre réseau, ces investissements se poursuivent ; tous les nouveaux matériels sont équipés de ces dispositifs. Nous voulons en outre développer la vidéo « intelligente » : à partir du mois de mai, nous allons expérimenter, sur le pôle du Châtelet, des dispositifs d’analyse d’image : en effet, la masse d’images dont nous disposons rend nécessaire leur traitement par cette technologie, à laquelle nous travaillons conjointement avec des industriels et des chercheurs.

Nous sommes associés à la préfecture de police pour rénover notre centre de commandement unifié, que nous partageons avec la brigade des réseaux ferrés (BRF). L’opération représentera 25 millions d’euros d’investissement, et nous prévoyons 20 millions supplémentaires, destinés à augmenter la capacité de stockage des images afin qu’elles soient le plus utiles possibles aux forces de sécurité.

S’agissant de la coopération des trois opérateurs français, nous avons monté un joint-venture avec Transdev en Asie, et nous travaillons en coopération avec Keolis au Qatar. Cela dit, la présence de trois filiales de groupes publics de transports publics est une bizarrerie, et il n’est pas aisé de travailler tantôt en concurrence et tantôt en coopération. Il m’est ainsi difficile de demander à mes collaborateurs de travailler à livres ouverts avec des établissements qui, par ailleurs, ne font pas mystère de leur intention de nous faire concurrence pour les chantiers futurs en Île-de-France.

Nous tâcherons donc de déterminer un code de bonne conduite et de ne pas dénigrer les offres de nos concurrents. Chacun a en mémoire certains appels d’offres très disputés entre nos deux grands concurrents. Casser les prix ne crée pas de valeur ; la RATP dispose de toutes les références sur son réseau, et n’ira pas chercher des marchés au détriment d’un objectif de croissance rentable. J’espère que nos concurrents feront de même lorsqu’ils viendront sur notre terrain.

Notre programme d’investissement comporte trois postes à peu près équilibrés : l’augmentation de la capacité de transport – prolongement de lignes de tramway et de métro – est le plus important, avec 3,4 milliards d’euros sur 8,5 milliards ; la modernisation du matériel roulant et des ateliers, qui représente 2,5 milliards ; le programme de modernisation du gestionnaire d’infrastructure, pour 2,5 autres milliards.

Nous avons engagé l’automatisation de la ligne 4 du métro. Automatiser une ligne existante représente à la fois une prouesse technologique – que la RATP est seule à avoir accomplie, sur la ligne 1 qui est une ligne centenaire, et va réitérer sur une ligne qui présente des complexités propres – et un enjeu social, car il faut trouver un accord pour reclasser les conducteurs au sein de l’entreprise. Pour d’autres lignes, nous étudions l’opportunité de leur automatisation à l’aune de leur fréquentation, car cette opération constitue un levier d’augmentation de la capacité et de la régularité. Construire une ligne coûtant extrêmement cher, automatiser une ligne afin de ramener à 85 secondes les espacements entre les rames permet de tirer le meilleur parti des investissements réalisés. Après la ligne 4, la ligne 13 est la plus fréquentée et présente la difficulté d’être équipée d’un roulement en fer – et non sur pneus – et d’être une ligne à fourche : le défi est donc considérable. Une demande nous a été adressée par la présidente du conseil régional, mais nous ne sommes pas encore en mesure d’estimer l’échéance.

Le renouvellement du matériel de la ligne A du RER est engagé et sera terminé l’an prochain. Les rames MI 79, soit la moitié du parc circulant sur la ligne B, ont été rénovées ; lors du dernier conseil du STIF, la question du traitement de l’autre moitié nous a été posée, et nous étudions la possibilité de proposer des matériels à deux niveaux, comme sur la ligne A, mais cela suppose des adaptations de l’infrastructure. Nous livrerons notre rapport au mois de juin prochain.

Je tiens à souligner que la régularité du trafic sur la ligne B a été améliorée de sept points, sans pour autant être satisfaisante encore. Si j’ai mentionné le milliard d’euros que nous investirons dans les cinq prochaines années, il faut souligner que cette amélioration est imputable à la capacité à réagir à des situations difficiles, ce qui est affaire de management. Il faut donc saluer l’action des équipes qui contribuent à ces progrès.

La situation de la ligne A est encore compliquée par la multiplication des traitements de colis suspects, qui font perdre jusqu’à neuf points de régularité en une semaine. Il est difficile, dans ces conditions, de motiver les équipes pour leur faire regagner un ou deux points ! Plusieurs leviers peuvent néanmoins être activés pour gagner en régularité, et le pilotage automatique sur le tronçon central devrait être opérationnel en 2018. Une série d’investissements est également prévue dans le cadre des schémas directeurs afin de faciliter le renouvellement des trains et assurer une meilleure régularité.

Nous allons bénéficier de la même disposition légale que la SNCF, permettant à des agents du GPSR puissent patrouiller en civil ; au-delà de la présence humaine, j’ai évoqué la masse de données fournies par la vidéoprotection.

Je confirme par ailleurs que la RATP sera candidate à l’exploitation du Charles-de-Gaulle Express, dont nous pourrons discuter avec nos concurrents et néanmoins amis français…

La fraude constitue un grand sujet de préoccupation. La Cour des comptes a avancé un chiffre de 180 millions d’euros de manque à gagner pour la Régie, mais il faut bien avoir en tête la réalité que recouvre ce montant : il s’agit d’imaginer ce que pourrait rapporter le fait de faire payer tous ceux qui empruntent gratuitement nos réseaux s’ils acceptaient de payer un titre de transport ; or, s’ils devaient le faire, une partie d’entre eux ne voyageraient pas. Nous n’en conduisons pas moins une action résolue contre la fraude ; sur ceux de nos réseaux qui sont tous fermés et sous contrôle, le taux de fraude est de 3 %, à rapporter à plus de dix millions de voyageurs quotidiens. Il est difficile de descendre au-dessous, sauf à changer de contexte : en Algérie, nous exploitons un métro dont chaque station est pourvue d’un poste de police, et en Asie les amendes infligées peuvent être d’une autre nature.

La situation est moins satisfaisante pour le réseau de surface, où le taux de fraude est de l’ordre de 12 % – 12,3 % dans le tramway, 11,7 % dans les bus. L’enjeu y relève plus de la citoyenneté, les voyageurs qui paient tolérant mal la fraude, que de l’efficacité économique, car, comme dans les autres réseaux de surface, pour trois euros dépensés à lutter contre la fraude, un seul euro est récupéré. Il faut que chacun soit bien conscient que le transport public représente un coût pour la collectivité ; concernant le tramway, nous souhaitons réfléchir avec notre autorité organisatrice à l’aménagement des stations afin de faciliter la validation à quai, car, aux heures de pointe, un voyageur en règle peut avoir du mal à atteindre le composteur.

M. Bertrand Pancher a évoqué les inquiétudes de la Cour des comptes au sujet de l’état du réseau ; je ne considère pas que le réseau de la RATP soit en train de se dégrader. Nous avons fait réaliser un audit par l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), qui s’était livrée au même exercice pour la SNCF et qui a confirmé que, grâce aux investissements réalisés, notre infrastructure a été correctement entretenue. Il nous a cependant été signalé que le niveau des investissements de renouvellement devrait être augmenté au cours des prochaines années, du fait de la forte sollicitation du réseau. Cet effort, que nous ne relâchons pas, justifie pleinement notre besoin de capacité d’autofinancement, et notre réseau ne connaît nullement un état de dégradation équivalent à celui de la SNCF. Il n’est tout simplement pas concevable de prendre du retard dans ce domaine.

J’ai entendu vos interrogations au sujet du plan « Bus 2025 » et de la technologie électrique. Des bus électriques standards existent, qui offrent la même capacité que les bus diesel, hybrides ou roulant au gaz naturel pour véhicules (GNV). D’ici la fin du mois, nous inaugurerons la première ligne desservie par des bus français 100 % électriques et disposant de la même capacité que les véhicules standard. Nous serons très attentifs aux retours d’expérience des services de maintenance et des voyageurs, mais je suis confiante, car le bus électrique est confortable, et sa conduite est souple et silencieuse. Il constitue par ailleurs un choix important dans une grande métropole telle que la nôtre, car toutes les autres technologies sont moins performantes, notamment en termes d’émissions de particules. Nous disposerons donc de technologies françaises permettant d’offrir des bus standard de 12 mètres, avec une bonne capacité et des batteries recyclables. Nous examinerons les performances au plus près avant de lancer les grands appels d’offres prévus en 2017.

La RATP est très sensible aux problèmes de pollution de l’air, et j’ai eu l’occasion d’évoquer ce sujet devant vous il y a un an. L’étude de l’ANSES confirme que les voyageurs sont plus exposés dans la circulation de surface que dans les transports en commun, mais que nos salariés, en revanche, requièrent une plus grande vigilance du fait qu’ils passent beaucoup plus de temps dans les enceintes du réseau. Nous continuons de réduire nos émissions de particules fines par le recours plus systématique au freinage électromécanique, avec un dispositif de récupération d’énergie ; le renouvellement des voies et du ballast contribue aussi à la réduction des particules fines dans l’air, car celles-ci viennent s’y sédimenter. En outre, la Régie travaille depuis plusieurs années à améliorer l’extraction et le renouvellement de l’air dans ses espaces : un programme de l’ordre de 45 millions d’euros est en cours pour les cinq prochaines années.

Je reviendrai peut-être par la suite, madame Laurence Abeille, aux sujets locaux ; comme la présidente du conseil régional et le préfet de région, nous sommes très mobilisés sur le tramway T1, car nous avons à cœur de voir ce projet progresser.

S’agissant de notre nouvelle direction de la stratégie, de l’innovation et du développement, il m’a semblé important que soit présente au comité exécutif de l’entreprise une personne chargée de la stratégie, car la RATP doit regarder loin et être plus présente dans les domaines de l’innovation et du développement durable. Il s’agit d’une priorité pour l’entreprise et, dans quelques mois, nous aurons redéfini les objectifs d’une politique encore plus ambitieuse dans ces domaines.

La RATP a été très mobilisée au cours des deux semaines qu’a duré l’exercice Sequana. Il s’agit bien de faire en sorte que la situation de 1910, où le métro avait été envahi par les eaux, ne se renouvelle pas. Une nouvelle crue centennale coûterait 3 milliards d’euros à la Régie si le réseau devait être inondé. Les dispositifs de protection des stations ont été testés, l’objectif étant la protection de 250 points fragiles en cas de montée des eaux en huit jours – car, heureusement, ces phénomènes de crue sont lents. Avec l’ensemble des services impliqués, nous ferons un retour d’expérience qui sera achevé à la fin du mois de mai.

S’agissant de la démagnétisation des tickets, j’espère, avec la direction du STIF, pouvoir passer à une technologie du XXIe siècle dans le domaine de la billettique. Cette question, de dimension régionale, relève de l’autorité organisatrice, car le voyageur doit savoir quel réseau il emprunte. Nous avons proposé un paiement recourant au smartphone et monté à cet effet une joint-venture avec la SNCF, Orange et Gemalto ; nous espérons que le STIF sera intéressé par cette proposition. Nous voulons être force de proposition afin de pouvoir offrir à nos clients des possibilités de paiement par carte de crédit, smartphone ou passe Navigo ; nous avons été précurseurs avec le passe sans contact, mais il nous faut franchir une nouvelle étape, car nous prenons du retard sur certains pays.

M. Jean-Pierre Blazy m’a interrogé sur le comportement présumé de certains agents qualifiés d’« islamistes ». À cet égard, une distinction claire doit être établie entre la radicalisation – contre laquelle la loi du 22 mars 2016 nous donne des moyens supplémentaires, à utiliser à la fois en interne et en liaison avec la préfecture de police et les comportements communautaristes – ceux de salariés, par exemple, qui souhaitent, comme dans beaucoup d’autres entreprises, exprimer leurs convictions religieuses sur leur lieu de travail. La Régie est une entreprise publique, et appliquera strictement les principes de laïcité, de neutralité et de non-discrimination. Je le dis avec fermeté : il n’y aura jamais de lieu de prière à la RATP.

Certaines situations sont simples, car nos agents sont en tenue – et le pantalon descend en bas de la cheville –, mais d’autres sont plus complexes, concernant les rapports entre les hommes et les femmes, notamment la façon dont les gens se saluent. Même s’il faut faire preuve de pédagogie, je suis très claire à ce sujet : je n’accepterai pas que des salariés saluent différemment les femmes et les hommes.

J’ai créé une délégation générale à l’éthique, qui m’est directement rattachée, et qui a présenté au mois de février dernier un plan en quinze actions. Je souhaite que tout salarié victime ou témoin puisse en référer à la hiérarchie, et que chaque cas soit traité. Nous délivrerons des formations et demeurerons vigilants lors des recrutements ; la Régie compte 20 % seulement de femmes dans ses rangs, et je suis convaincue que les choses seraient plus simples si nos communautés de travail étaient plus diverses et équilibrées. Beaucoup reste à faire, puisque certains salariés n’ont pas compris qu’ils engageaient, en entrant dans une entreprise publique, à ne pas exercer de discrimination à l’égard des femmes.

Nous appuyons l’équipe chargée de préparer le plan de transport dans le cadre de l’élaboration du dossier de candidature de Paris à l’organisation des Jeux olympiques de 2024. Le prolongement nord de la ligne 14 devra être achevé à l’été 2019, comme nous nous y sommes engagés pour la partie qui nous concerne ; nous assumons aussi l’enjeu de la ligne de tramway T1.

Nous avons prévu des renforts les soirs des matchs organisés dans le cadre de l’Euro 2016 de football ; si le STIF nous le demande, nous serons présents au cours de nuits complètes. Il s’agit pour nous d’un double enjeu : augmentation de notre offre de transport et renforcement de la présence sur le réseau pour que les choses se passent harmonieusement.

Comme il a été rappelé, le métro parisien a été dispensé de la mise en accessibilité de ses stations. Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’installations centenaires, d’espaces très étriqués au regard de la conception que l’on pourrait en avoir aujourd’hui : il serait impossible, dans certaines stations, d’installer un ascenseur ou un escalier mécanique. Nous avons beaucoup augmenté notre parc d’escaliers mécaniques au cours des dernières années, ce que nous continuerons à faire ; je précise par ailleurs que tout notre réseau de bus, de RER et de tramway est accessible aux personnes à mobilité réduite, ainsi que la ligne de métro 14, que tous les prolongements futurs du réseau le seront, et que c’est aux municipalités qu’il revient de pratiquer les adaptations de voirie lorsque cela est nécessaire. Bien entendu, nous pourrons reprendre la réflexion avec la nouvelle équipe du STIF sur la pertinence d’un réseau « cœur » accessible ; nous sommes conscients des enjeux, humains comme financiers, et nous comprenons bien que les personnes à mobilité réduite souhaitent utiliser le réseau.

S’agissant de l’image de la Régie, il faut avoir présent à l’esprit que la RATP se trouve au cœur de la vie quotidienne des gens, pour le meilleur et pour le pire en quelque sorte : lorsque, pour le 1er avril, nous avons modifié le nom des stations, nous avons été relayés par 11 millions de visiteurs, mais lorsqu’un problème survient, il est également susceptible d’être relayé, sur les réseaux sociaux notamment, par un très grand nombre de personnes. Les enjeux d’image sont importants, et il ressort des enquêtes de notoriété que celle-ci est de 100 % ; notre image s’est cependant dégradée au moment des attentats, à cause des affaires de communautarisme au sein des personnels. Nous reconquerrons notre bonne image par la qualité du service rendu aux voyageurs.

S’agissant la propreté, j’entends bien que la situation puisse sembler insatisfaisante. Nous y consacrons, je le rappelle, 70 millions d’euros par an, mais nos voyageurs doivent savoir que rien ne peut se faire sans eux : si nous dépensons de telles sommes sans que la situation soit satisfaisante pour autant, cela signifie que beaucoup d’usagers n’ont pas un comportement responsable. Nous avons prévu d’ajouter 5 millions d’euros supplémentaires dans le cadre du nouveau contrat passé avec le STIF. Le nettoyage des rames sera également effectué dans la journée, comme nous avons commencé à le faire dans les stations, avec un double objectif : nettoyer dès que cela est nécessaire, et sensibiliser les voyageurs au fait que, lorsqu’ils salissent, des gens doivent passer derrière eux.

Dans le domaine olfactif, nous n’avons qu’une faible marge de manœuvre, car les produits chimiques susceptibles de masquer les odeurs sont proscrits par la médecine du travail.

M. Yves Albarello. Il existe des produits désodorisants non chimiques, que la SNCF utilise…

Mme Élisabeth Borne. J’en profite pour dire que la RATP est très solidaire de la SNCF, et qu’elle doit veiller comme elle, parallèlement à sa politique d’investissements, au maintien des compétences professionnelles, en particulier de certaines compétences « critiques » : je pense à des métiers très particuliers, comme ceux de la signalisation, pour lesquels il nous appartient de préparer l’avenir en formant à l’excellence les générations de demain.

À monsieur Laurent Furst, je répondrai que les bénéfices d’une entreprise sous contrat de délégation de service public s’apprécient, sous réserve des stipulations que celui-ci contient, au regard de l’évolution des coûts voyageurs-kilomètres, et que la Régie a beaucoup progressé dans ce domaine. Il n’existe cependant pas de bases de données internationales, et j’imagine que les divers opérateurs ne seraient pas très enclins à divulguer leurs coûts respectifs : il faut conserver à l’esprit que beaucoup des grands réseaux du monde sont en régie.

S’agissant de l’open data, nous allons appliquer les dispositions de la loi Macron. Nous transmettons d’ores et déjà les informations à notre autorité organisatrice, qui mettra à la disposition du public, en open data, les données relatives aux voyageurs. Je partage toutefois une réserve avec les entreprises du secteur sur la disposition du projet de loi pour une République numérique, en cours d’examen, qui prévoit que toutes les données devront être accessibles en open data : les savoir-faire, les codes sources, les données… Je m’associe pleinement à la tribune de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) : permettre à tout un chacun de savoir où se trouvent les bouches d’aération et comment fonctionnent nos ventilateurs poserait de sérieux problèmes de sécurité. Par ailleurs, ce n’est pas parce que nous avons répondu à un appel d’offres de service public que nous souhaitons livrer nos savoir-faire, héritages de plusieurs décennies, à nos concurrents étrangers qui ne feront pas la même chose.

Nous devrons par ailleurs mener en interne avec nos salariés un travail de préparation des réponses que la Régie apportera aux appels d’offres pour les nouvelles lignes du Grand Paris Express. Avec RATP Dev, la Régie dispose d’une filiale habituée à la concurrence, et les salariés de l’EPIC ne comprendraient pas que nous ne participions pas, mais nous devons réfléchir aux évolutions nécessaires de nos systèmes d’organisation, afin d’être à même de remporter des marchés en y associant nos personnels.

S’agissant du plan « Bus 2025 », des industriels français seront en mesure de répondre à l’ambition de porter à 85 % la proportion de nos bus roulant à l’électricité, qui anime la RATP et son autorité organisatrice. La première ligne en cours de mise en service utilise des bus Bolloré ; de son côté, Heuliez, l’un de nos fournisseurs historiques, travaille à la production d’un véhicule 100 % électrique.

Je partage l’analyse de Luc Chatel sur les perspectives internationales : le champ du développement du transport public est infini, et le besoin est partout. Il s’agira pour nous d’éviter la dispersion ; nous sommes aujourd’hui présents dans quatorze pays étrangers, et notre stratégie consiste à progresser là où nous sommes déjà établis, pas à monter à l’assaut tous azimuts. Le nombre d’appels d’offres auxquels nous répondrons sera limité par nos ressources financières car, ainsi que je l’ai indiqué, 100 % de nos bénéfices sont réinvestis en Île-de-France, ce qui signifie que nous ne disposons que de faibles ressources pour soutenir notre filiale à l’international. Une autre limite est celle que constituent nos ressources humaines, car répondre à des appels d’offres portant sur des moyens de transport à haute technologie suppose de disposer d’équipes compétentes, et une longue préparation.

Se placer en tête de l’innovation est à la fois l’ADN et la fierté de la RATP, qui a su réaliser le premier métro sur pneus, la première ligne automatique à grande capacité, la première automatisation d’une ligne centenaire, le premier passe sans contact. Nous poursuivons par ailleurs de nombreux programmes de recherche et d’innovation, et je souhaite que nous nous renforcions dans ce domaine, en partenariat avec tous ceux qui travaillent sur ces questions au plan académique, mais aussi avec le monde des start-up dont la culture est très complémentaire de celle de la RATP. Cet axe est fondamental à mes yeux, car l’entreprise doit rester innovante et agile afin de demeurer à la pointe de son secteur.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je pense que vous répondrez directement à Laurence Abeille, madame la présidente-directrice générale. Merci beaucoup, en tout cas, pour ces propos clairs et directs.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 6 avril 2016 à 9 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Alain Ballay, M. Jacques Alain Bénisti, M. Sylvain Berrios, M. Jean-Pierre Blazy, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Julien Dive, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Marie Le Vern, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Gérard Menuel, M. Yves Nicolin, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Barbara Romagnan, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Pascal Thévenot, M. Thomas Thévenoud, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Julien Aubert, M. Serge Bardy, Mme Chantal Berthelot, M. Yann Capet, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, M. Christian Jacob, M. Philippe Martin, M. Napole Polutélé, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - Mme Annick Lepetit, M. Michel Ménard, M. Lionel Tardy, M. François Vannson