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Mercredi 28 septembre 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 78

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition de M. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission a entendu M. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mes chers collègues, c’est la première fois que notre commission auditionne M. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) depuis sa nomination en avril dernier.

Monsieur le directeur général, nous avions eu l’occasion de rencontrer, à plusieurs reprises, votre prédécesseur, M. Marc Mortureux, que nous avions interrogé sur les priorités du programme de travail de l’Agence. Au nom de notre Commission, je vous souhaite aujourd’hui la bienvenue, ainsi qu’aux personnes qui vous accompagnent, à savoir Mme Françoise Weber, directrice générale adjointe ; M. Dominique Gombert, directeur de l’évaluation des risques ; M. Thierry Mercier, directeur adjoint de l’évaluation des produits réglementés ; et Mme Alima Marie, directrice de l’information, de la communication et du dialogue avec la société.

J’ai souhaité cette audition afin que vous nous présentiez les grandes lignes des travaux que mène actuellement l’ANSES et les conclusions des rapports récents de l’agence dans les domaines qui rejoignent les préoccupations de notre Commission. Il s’agit notamment de l’exposition des travailleurs agricoles aux pesticides, des critères scientifiques définissant les perturbateurs endocriniens, des organismes génétiquement modifiés (OGM), de l’incidence sur la santé des enfants de leur exposition aux radiofréquences, de la qualité de l’eau – notamment en ce qui concerne la recharge artificielle des nappes souterraines –, des nanotechnologies, ou encore de l’antibiorésistance.

Je vais maintenant vous donner la parole pour un propos liminaire, avant que nous procédions à un échange sous la forme de questions et de réponses.

M. Roger Genet, directeur général de l’ANSES. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m’avoir invité à m’exprimer devant votre Commission. Je suis ravi de me retrouver devant vous trois mois après ma prise de fonctions. S’ils ont constitué une immersion dans la vaste étendue des dossiers entrant dans le champ de compétence de l’agence, ces trois mois ne m’ont évidemment pas suffi à acquérir une connaissance parfaite de chacun des sujets scientifiques faisant l’objet de nos études, avis et expertises. Je me suis donc entouré de quelques collègues afin d’être en mesure de répondre le plus précisément possible aux questions que vous nous poserez. Je me tiens à votre entière disposition pour vous fournir, après cette audition, tous les renseignements complémentaires que vous pourriez souhaiter obtenir.

Puisque c’est la première fois que j’ai l’honneur d’être entendu par votre Commission, je vais me présenter en quelques mots et vous faire part des ambitions que je nourris pour l’agence au cours du mandat de directeur général qui m’a été confié pour une durée de trois ans. Je ferai également le point sur les travaux qui ont été publiés depuis mon arrivée : de ce point de vue, notre agence a été très active durant tout l’été.

Je suis avant tout un scientifique, spécialiste en biochimie et enzymologie. Durant plus de vingt ans, j’ai effectué une carrière de chercheur dans un laboratoire de biochimie avant de m’orienter, à partir de 2005, vers le management et les politiques de la recherche, d’abord au sein de cabinets ministériels, puis comme directeur adjoint des sciences du vivant au Commissariat à l’énergie atomique (CEA). En 2099, j’ai été nommé directeur général du Centre national du machinisme agricole du génie rural, des eaux et des forêts (CEMAGREF), que j’ai accompagné dans sa conversion en Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement (IRSTEA), dont j’ai été le premier président exécutif. Je travaillais déjà beaucoup dans le domaine de l’expertise scientifique et à l’appui que peuvent apporter la recherche et la science aux politiques publiques, en particulier en matière agro-environnementale.

Après le Grenelle de l’environnement, j’ai été chargé, avec le président de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), de rédiger la charte nationale de l’expertise scientifique, publiée et adoptée par l’ensemble des établissements de recherche, universités et grandes écoles françaises. En 2012, j’ai rejoint le ministère de la recherche en tant que directeur général de la recherche et de l’innovation, où je me suis efforcé d’accompagner les administrations dans une vision stratégique de l’État ayant pour objectif de responsabiliser ses opérateurs et d’ancrer davantage la France dans l’espace européen de la recherche.

Ce parcours m’a conduit assez naturellement à postuler à la direction générale de l’ANSES, et je suis très heureux que le Gouvernement ait retenu ma candidature. Cela me donne l’opportunité de relever un défi passionnant compte tenu de la variété des sujets dont l’ANSES a à connaître, des sujets parfois polémiques mais toujours d’un très grand intérêt. En 2010, j’ai assisté de l’extérieur à la naissance de l’ANSES, résultant de fusion de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET), et j’ai beaucoup d’admiration pour l’excellent travail qu’y a accompli mon prédécesseur, Marc Mortureux. Je tiens à souligner que les avis de l’agence n’ont jamais été remis en cause, et l’un des grands enjeux de mon mandat consiste à faire en sorte qu’il continue à en être ainsi. J’ai l’intention pour cela de veiller à maintenir la qualité de l’expertise, qui doit s’appuyer sur des travaux scientifiques du meilleur niveau international, mais aussi sur un dialogue nourri associant l’ensemble des parties prenantes de la société, afin d’entendre les questions qui se posent, d’amender nos évaluations en fonction de ces questions, et de rendre un avis tenant compte de toutes les propositions qui peuvent émerger, pas seulement du monde scientifique, mais également de la société civile, en une vision participative.

L’agence est actuellement confrontée à des enjeux nouveaux extrêmement nombreux. Depuis sa création, elle n’a cessé de se voir attribuer de nouvelles missions, ce qui montre bien toute la confiance qu’on lui accorde. Elle emploie 1 400 personnes, dont 650 travaillent dans ses laboratoires – des établissements faisant référence dans le domaine des pathologies animales, qui représente 70 % de notre activité de recherche. Depuis 2010, 10 % de la recherche que nous conduisons est consacrée à la santé des végétaux – le laboratoire de santé des végétaux du ministère de l’agriculture nous a d’ailleurs été transféré –, et 20 % à la sécurité alimentaire, avec plusieurs laboratoires de référence, notamment en matière de salmonelles et de coli hautement pathogènes.

L’agence a également des compétences dans les champs santé-environnement et santé-travail. Faisant appel à environ 850 experts extérieurs dans des domaines très divers, elle a bénéficié, depuis 2015, de transferts de compétences en matière d’évaluation des risques – une activité que nous pratiquions depuis longtemps pour le compte du ministère de l’agriculture au sujet des produits réglementés –, à savoir délivrer et retirer les autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques et des supports de culture, et expertiser le médicament vétérinaire – cette dernière mission relevant des attributions de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), qui fait partie de l’ANSES.

Le 1er juillet 2016, le ministère de l’environnement nous a transféré les AMM des produits biocides. Par ailleurs, peu de temps après mon arrivée, le ministère de la santé a, dans le cadre de la transposition d’une directive européenne obligeant les producteurs de tabac à déclarer la composition des produits du tabac, de l’herbe à fumer, des produits de vapotage et des produits assimilés, chargé notre agence d’organiser et de recenser ces déclarations, et d’effectuer des contrôles sur la conformité des produits déposés.

Le spectre réglementaire très large dans lequel nous intervenons est assorti des moyens de contrôle correspondants, à savoir la pharmacovigilance sur le médicament vétérinaire, la toxicovigilance – pour laquelle nous nous sommes vu transférer la mission de coordonner les centres antipoison jusqu’alors assurée par l’Institut de veille sanitaire (INVS) –, la nutrivigilance sur les produits alimentaires, et la phytopharmacovigilance, mise en œuvre dans le cadre de la loi de modernisation de l’agriculture et assise sur une taxe affectée, prélevée sur la vente des produits phytopharmaceutiques. Enfin, en matière de santé-travail, nous coordonnons le réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P).

Pour ce qui est des priorités de mon mandat, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de mon audition par la Commission des affaires sociales, elles se répartissent en cinq axes.

Le premier axe consiste à préserver la crédibilité de l’agence et son indépendance. Nous avons cinq ministères de tutelle principaux, à savoir la santé, l’agriculture, l’environnement, le travail et la consommation. Notre indépendance est l’un de nos atouts majeurs et, pour le pays, l’assurance que les décisions que nous rendons et les recommandations que nous formulons sont fondées sur l’expertise scientifique. C’est également un gage de transparence de nos méthodologies et de nos processus décisionnels.

Le deuxième axe consiste à maintenir un haut niveau d’expertise scientifique, ce qui suppose que nous soyons intransigeants vis-à-vis des 850 experts externes auxquels nous faisons appel, et que nous permettions à nos laboratoires de développer leur rôle de référence et de recherche en les dotant de moyens technologiques du meilleur niveau. Pour ce qui est des compétences humaines, comme je l’ai indiqué, nos laboratoires emploient environ 650 personnes ; parallèlement, nos directions d’évaluation des produits réglementés et d’évaluation des risques sont composées exclusivement de scientifiques de haut niveau, couvrant toute la palette disciplinaire. Pour nous, le lien entre les scientifiques chargés de l’analyse et de la recherche scientifiques et ceux qui élaborent des modèles pour l’évaluation du risque est absolument indispensable.

Le troisième axe consiste à définir une vraie stratégie scientifique sur un ensemble de matières aussi large que possible, afin de disposer d’un temps d’avance en matière d’évaluation des risques et en cas de risque émergent. Nous produisons de la recherche et de l’expertise, mais nous sommes aussi une agence de financement, puisqu’au travers du Programme national de recherche environnement-santé-travail – dont nous fêterons les dix ans en novembre prochain, ce qui sera l’occasion de dresser un bilan de tous les travaux menés –, nous finançons des travaux de recherche effectués par d’autres opérateurs. C’est le cas dans le domaine des radiofréquences pour environ 1,5 million d’euros par an – sur la base d’une taxe affectée – et dans d’autres domaines pour environ 3,5 millions d’euros, provenant des ministères de l’environnement et du travail.

Le quatrième axe consiste à renforcer encore l’ouverture de l’agence et son dialogue avec les parties prenantes et la société. Depuis mon arrivée, j’ai pu constater, au sein des groupes de parole sur les radiofréquences ou sur les nanomatériaux, mais également de notre conseil d’administration – où l’on retrouve les cinq collèges du Grenelle –, que la culture du dialogue de l’ANSES est extrêmement développée. C’est un aspect auquel nous attachons beaucoup d’importance, et que les parties prenantes au conseil d’administration nous confirment régulièrement. Actuellement, ma seule contrariété dans ce domaine est la difficulté à laquelle nous sommes confrontés de faire venir des personnalités pour siéger au collège des élus : nous avons un peu de mal à trouver un représentant de l’Association des départements de France et un représentant des maires de France, mais j’espère y remédier prochainement.

Le cinquième axe, enfin, consiste à gagner en visibilité et en reconnaissance, et à se développer au niveau européen. Il existe en effet une répartition des rôles entre les agences communautaires – par exemple l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA, en anglais European Food Safety Authority, EFSA) et l’Agence européenne des produits chimiques (AEPC, en anglais European Chemicals Agency, ECHA) – et les agences nationales, qui ont chacune leurs compétences. Je suis tout à fait conscient des problèmes qu’une surabondance de réglementation est susceptible d’entraîner – un rapport parlementaire a récemment été publié sur ce thème – et j’estime que nous devons travailler à renforcer la cohérence des normes européennes. Cela dit, sur certaines questions, notre propre appréciation du risque est susceptible d’influencer les positions européennes. Ainsi les États membres ont-ils voté de manière unanime, en juillet dernier, l’interdiction du bisphénol A dans les tickets de caisse, suivant en cela la position que la France avait été la première à exprimer sur la base de sa propre évaluation de risque. Nos scientifiques ont donc pour mission de développer des modèles nouveaux en matière d’approche d’évaluation du risque : rien ne saurait être parfait dans ce domaine, mais l’essentiel est de rester sur le front de la science afin de faire aussi bien que possible dans le domaine de l’évaluation.

J’en viens à l’activité de l’agence depuis ma nomination, en commençant par rappeler que de très nombreux rapports ont été publiés de juin à septembre. Dans le domaine santé-travail, l’agence a publié plusieurs rapports importants, dont un portant sur l’exposition des égoutiers de Paris, sur saisine de la CFTC et du MEDEF, afin de savoir si la surmortalité constatée chez ces personnels a des causes identifiables.

Je précise que nous recevons chaque année environ 200 saisines d’avis de fond, nécessitant parfois quatre à cinq années de travail : ainsi le rapport sur l’impact de l’utilisation des pesticides sur la santé des travailleurs agricoles – un document de 1 000 pages et sept volumes – nous a-t-il demandé quatre ans, passés à compiler des données et à définir des modèles pour procéder aux évaluations de risque. Pour ce qui est des produits réglementés, nous recevons plus de 2 000 saisines par an, qui demandent parfois un travail assez court – il peut s’agir, par exemple, d’évaluer un nouveau complément alimentaire à la demande de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) –, parfois un travail beaucoup plus long. Enfin, nous pouvons également nous autosaisir, comme cela a été le cas en 2010 avec notre étude sur les travailleurs agricoles et les pesticides, qui a abouti à la remise du rapport en 2015. Toujours en matière de santé-travail, nous avons remis en juillet dernier un avis portant sur l’impact sur la santé du travail de nuit et en horaires décalés, et poursuivons notre étude sur le travail séquencé.

En matière de santé-environnement, nous avons publié un rapport sur la recharge artificielle des nappes phréatiques, un procédé que l’agence estime envisageable sous certaines conditions ; un avis portant sur l’exposition des enfants aux radiofréquences, se justifiant par les particularités morphologiques des enfants – la taille et l’épaisseur de la boîte crânienne, le volume du corps, etc. – et le fait que les normes de protection en vigueur ont été définies pour les personnes adultes ; un avis faisant le point sur les perturbations des dispositifs médicaux par les radiofréquences ; enfin, une consultation publique est en cours depuis le mois de juillet sur les phénomènes d’électrohypersensibilité – nos procédures relatives aux sujets les plus complexes prévoient en effet que nous soumettions un prérapport à la consultation publique avant de revenir au groupe de travail et de finaliser notre avis.

L’agence a publié un avis confirmant sa position en matière de perturbateurs endocriniens, qu’elle recommande de répartir en trois catégories : « avérés », « présumés » et « suspectés », à l’instar des produits cancérigènes ou toxiques. Cette position vient contredire celle que la Commission européenne avait fait connaître quelques semaines auparavant, préconisant que la perturbation endocrinienne chez l’homme soit démontrée avant de pouvoir dire qu’une molécule joue le rôle d’un perturbateur endocrinien.

Nous avons publié un rapport très volumineux sur le développement des moisissures dans le bâti et leurs conséquences sur la santé des populations, rejoignant le travail que nous menons au long terme, depuis la création de l’AFSSET, sur la qualité de l’air et les contaminants atmosphériques, à l’extérieur et à l’intérieur des bâtiments – nous avons lancé en 2014 une grande enquête Pesti’Home sur la présence des contaminants à l’intérieur des logements –, qu’il s’agisse des contaminants chimiques comme des contaminants biologiques – notamment les moisissures et spores ; ce rapport contient des pistes visant à renforcer la prévention.

L’ANSES a émis plusieurs avis relatif à l’impact sur les produits de la mer des rejets de l’usine Alteo en Méditerranée, en établissant des comparaisons avec des zones témoins. Un rapport contenant des données expérimentales mesurées a été publié mais nous continuons à travailler sur le sujet, en préparant un rapport complémentaire tenant compte des mesures d’arsenic.

Enfin, dans les semaines qui viennent, nous allons publier un rapport sur les risques sanitaires liés aux substances chimiques présentes dans les jouets en matière plastique destinés aux enfants de moins de trois ans, ainsi qu’une évaluation sur l’impact sanitaire des compteurs électriques Linky.

En matière de santé-alimentation, nous avons publié hier une étude sur l’alimentation totale infantile ; cette enquête, dont nous publions régulièrement les résultats, permet de mesurer les contaminants chimiques dans l’alimentation. Après un rapport portant sur la population totale, publié en 2011, l’enquête qui vient de paraître porte sur les enfants de moins de trois ans et consiste à évaluer la présence dans leur alimentation de 670 substances. Elle confirme le bon niveau de maîtrise sanitaire au regard des valeurs toxicologiques de référence puisque, pour la plupart des substances évaluées, le risque peut être écarté. Parmi les substances pour lesquelles le risque n’a pu être écarté, 16 nécessitent une réduction de l’exposition, sans présenter de risque sanitaire majeur.

D’autres avis et rapports majeurs concluant parfois un travail d’expertise de plusieurs années seront également publiés dans les semaines qui viennent. Nous allons actualiser les repères nutritionnels, dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS) qui doit sortir d’ici à la fin de l’année. Nous allons également publier les premiers résultats de l’étude individuelle nationale des consommations alimentaires. Enfin, nous poursuivons notre travail sur l’étiquetage nutritionnel.

En matière de santé animale, l’agence a dû intervenir à plusieurs reprises cet été sur des dossiers complexes ou des crises sanitaires qui ont nécessité que nous soyons extrêmement actifs et réactifs. En ce qui concerne l’influenza aviaire, nos laboratoires ont mis de côté leurs travaux de recherche afin de se mobiliser sur l’évaluation des risques et les détections effectuées sur les élevages du Sud-Ouest : certains de nos collègues se sont rendus sur le terrain en appui des services déconcentrés de l’État, et nous avons travaillé en deux-huit au laboratoire de Ploufragan-Plouzané afin de faire en sorte de revenir le plus vite possible à une situation normalisée. Malgré deux résurgences cet été – nous avons été saisis par le ministère de l’agriculture afin de mieux comprendre les raisons de ces résurgences –, la situation est aujourd’hui considérée comme assainie dans la zone de restriction, ce qui a conduit la Commission européenne à féliciter la France et le ministère de l’agriculture pour leur gestion de la crise, ainsi que les équipes de l’ANSES pour leur réactivité.

Nous sommes attentifs à la situation sur l’île Maurice, où des foyers de fièvre aphteuse provenant de l’île Rodrigues ont été détectés et pourraient s’étendre à La Réunion, voire éventuellement à la France métropolitaine en cas de transferts d’animaux contaminés : c’est donc une situation très préoccupante. Notre laboratoire s’est mobilisé en urgence, et a identifié les bons sérotypes, ce qui a permis de constituer des stocks du vaccin correspondant.

Cet été, nous avons également connu des épisodes de fièvre charbonneuse en Moselle, ainsi que de fièvre catarrhale ovine – il y a 310 foyers sur les trois quarts du territoire métropolitain à ce jour – et, là encore, nos laboratoires sont mobilisés en permanence.

Nous sommes impliqués dans le plan qui sera annoncé lundi prochain par le ministère de la santé sur la maladie de Lyme, sur laquelle non seulement nos laboratoires, mais aussi nos directions d’évaluation mobilisent leur expertise – nous avons ainsi des animaleries nous servant à observer les tiques, et avons mis au point un plan de surveillance de ces parasites. Enfin, depuis plusieurs années, nous étudions l’évolution de la brucellose chez les bouquetins du Bargy, et rendons des avis sur la maîtrise de cette maladie.

Nous nous mobilisons également pour faire face à des crises en matière de santé des végétaux. Je pense en particulier à l’émergence de la bactérie Xylella fastidiosa qui, après avoir affecté les oliveraies des Pouilles, est apparue dans le sud de la France. Dans la mesure où il n’existe pas de laboratoire de référence pour la santé des végétaux au niveau européen, les méthodes de référence au plan européen ne sont pas clairement établies.

Pour ce qui est de l’évaluation des produits réglementés – pesticides, biocides et médicaments vétérinaires –, l’activité de l’agence est intense. Nous avons intégré au fur et à mesure toutes nos nouvelles missions, et mis à disposition du public un nouveau site internet E-Phy qui permet d’avoir accès aux informations relatives à tous les produits phytopharmaceutiques disponibles sur le marché.

Depuis le début de l’année, près de 1 000 décisions relatives à des autorisations et permis ont été délivrées, dont 928 pour les produits phytopharmaceutiques. Trente avis ont été rendus pour les biocides, dont treize AMM. Il est à noter que parmi les décisions, 170 ont consisté en des retraits de produits, dont 126 produits associant glyphosate et tallowamine. L’agence a également procédé au retrait de produits à base de Chlorpyriphos-ethyl ou d’isoproturon – une substance dont l’approbation n’avait pas été renouvelée au niveau européen.

Une attention particulière est portée aux produits de biocontrôle, qui présentent un coût de dépôt d’AMM très réduit et des délais beaucoup plus faibles que ceux des produits phytopharmaceutiques. Cela dit, le nombre de produits de biocontrôle autorisés reste faible – 201 produits sur un total de 1 850 autorisés –, et nous poursuivons notre travail de sensibilisation auprès des filières techniques, notamment afin de les inciter à constituer des dossiers d’homologation de qualité répondant aux besoins de l’évaluation, c’est-à-dire permettant de mettre facilement en évidence l’effet bénéfice-risque des molécules concernées.

Parmi les grands chantiers pour 2017, l’Agence doit conforter son organisation en matière de délivrance des AMM, et se voit confier de nouvelles missions relatives au tabac dans le cadre de la transposition de la directive 2014/40/UE du 3 avril 2014. En matière de veille et vigilance, l’agence mènera une réflexion globale pour optimiser les différentes missions dont elle a la charge, notamment en matière de phytopharmacovigilance, un dispositif crucial car nous ne pouvons délivrer des AMM sans surveiller la vie et l’impact des produits concernés sur la santé et l’environnement. La loi de modernisation de l’agriculture a institué un comité de suivi des autorisations de mise sur le marché, qui me rend des avis sur la mise en œuvre de nos mesures de gestion et sur les risques potentiels engendrés par l’utilisation des produits concernés.

Nous sommes mobilisés dans le suivi d’un grand nombre de plans nationaux, notamment le Plan national nutrition santé (PNNS), le Plan santé-travail (PST3), le plan Écoantibio, le plan Écophyto, le Plan national santé environnement (PNSE) et le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC).

Par ailleurs, nous menons des actions en matière de prévention des crises sanitaires en santé animale et végétale et en matière de coopération aux niveaux européen et international. J’insiste sur le fait que notre agence a vocation à avoir une dimension européenne et mondiale, c’est-à-dire à faire valoir sa vision en matière en sécurité sanitaire en dehors de la France : au niveau européen, cela doit contribuer à renforcer la cohérence entre les politiques menées par les différents États membres.

Plus précisément, l’agence a été saisie sur nombre de questions qui feront l’objet d’avis ou de rapport en 2017 et sur lesquels vous ne manquerez pas de nous interroger. Il s’agit notamment de l’antibiorésistance, un dossier où nous aurons un rôle très important à jouer pour structurer la recherche et les actions dans une approche One Health – santé animale et santé humaine. Jean-Yves Madec, responsable de l’axe transversal antibiorésistance, sera chargé d’une mission nationale de coordination sur cette question.

L’Agence poursuivra également ses travaux sur les perturbateurs endocriniens et sur les néonicotinoïdes. Bien entendu, nous avions été saisis, avant même le vote de la loi relative à la biodiversité, sur l’évaluation bénéfice-risque des néonicotinoïdes, mais également sur l’effet pour la santé de ces substances et sur les alternatives possibles. La loi nous a donné mission de produire un rapport avant fin décembre sur les alternatives aux néonicotinoïdes, pas seulement chimiques ou biologiques, mais également de pratiques culturales, ce qui suppose que nous renforcions considérablement nos connaissances en matière d’expertise en agronomie.

Étant donné l’ampleur de la tâche qui nous attend, nous ne rendrons qu’un rapport préliminaire en décembre prochain. Pour vous donner une idée du travail à effectuer, en partant des cinq substances néonicotinoïdes autorisées au niveau communautaire, qui peuvent avoir chacun une centaine d’usages différents, et en mettant en relation, pour chaque produit, le couple ravageur-terroir, on aboutit à une somme de 3 600 situations à expertiser en termes de méthodes alternatives ! Ce travail colossal doit nous conduire à faire des recommandations relatives aux arrêtés qui accorderont des dérogations à l’interdiction de l’usage des néonicotinoïdes en 2018, pour la période 2018-2020.

En 2017, nous serons également mobilisés sur la santé des travailleurs, ainsi que sur la santé des abeilles – notre laboratoire de Nice, spécialiste en la matière, fêtera ses quarante ans cette année, et ouvrira ses portes au public à cette occasion. Les abeilles, qui sont un excellent marqueur de la qualité de l’environnement et de l’exposition à un certain nombre de toxiques, sont au cœur de notre activité.

En matière de qualité de l’air, plusieurs chantiers se poursuivront en 2017 avec, entre autres, une expertise sur la surveillance de la contamination de l’air ambiant par les pesticides, une autre sur l’impact sanitaire des pollens et moisissures, et des travaux sur l’exposition des travailleurs aux poussières sur les chantiers.

Sur le dossier du changement climatique, nous effectuerons une expertise sur la problématique de la réutilisation des eaux usées pour l’irrigation urbaine, et évaluerons les épandages réalisés à partir des digestats de méthanisation.

Enfin, pour ce qui est de la qualité de l’eau, nous possédons, à Nancy, un laboratoire d’hydrologie travaillant notamment sur les eaux de boisson et sur les lacs artificiels. L’IRSTEA travaille sur les eaux de surface, donc les rivières, et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) sur les eaux souterraines. Tous ensemble, nous nous efforçons d’identifier les résidus pouvant se trouver dans l’eau, en portant une attention particulière aux cocktails de substances, c’est-à-dire aux effets synergiques des molécules. En cette matière comme dans le domaine de la santé du travail, nous devons avoir une approche des effets de polyexposition.

Bien d’autres travaux vont mobiliser nos équipes et nos laboratoires, je ne peux tous les citer mais je reste à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. Christophe Bouillon. Monsieur le directeur général, je veux tout d’abord vous remercier de votre participation à nos travaux. Votre présence est d’autant plus importante que les travaux de l’ANSES ne cessent d’alimenter ceux de notre commission : nous sommes sans doute vos lecteurs les plus fidèles (Sourires), et vous inspirez certaines de nos interventions. Tous les jours ou presque, votre agence produit des rapports qui nous interrogent, nous alertent, parfois aussi nous alarment sur notre mode de vie et de consommation.

Cette audition est l’occasion d’aborder la question des pesticides dans l’agriculture, et particulièrement des néonicotinoïdes – une question dont nous avons longuement débattu ici, lors de l’examen du projet de loi sur la reconquête de la biodiversité, et sur laquelle mes collègues auront l’occasion de revenir. En tant qu’élu d’une circonscription rurale, ce débat me tient particulièrement à cœur. Loin de la querelle que certains ont voulu instrumentaliser entre les agriculteurs et le législateur, j’y vois un enjeu qui peut nous rassembler, aussi bien pour la qualité des productions agricoles que pour la santé de nos concitoyens, et en premier lieu de nos agriculteurs.

Votre présence me permet également d’évoquer deux sujets tout aussi essentiels. Il s’agit tout d’abord de l’exposition des ouvriers du bâtiment et des travaux publics à un certain nombre de produits toxiques. Votre rapport de novembre 2015 dresse un constat révélateur sur l’exposition des ouvriers du bâtiment et ses conséquences sanitaires : poussières de bois, poussières de silice et parfois même poussières d’amiante sont le quotidien des femmes et des hommes qui travaillent sur des chantiers.

Si le sujet de l’amiante a suscité par le passé une réaction des pouvoirs publics, force est de constater que de nombreux salariés y sont encore exposés – comme ils le sont à d’autres produits ayant sur le plan sanitaire des effets tout aussi graves. Au-delà, il est nécessaire de faire émerger des mesures sur la dangerosité sanitaire des travaux publics : quelles protections, quelles garanties allons-nous offrir à ces ouvriers ? Surtout, comment allons-nous passer d’une logique d’indemnisation du préjudice à une logique de prévention des risques ?

L’équilibre à trouver entre sécurité sanitaire pour les ouvriers et sécurité économique pour les entrepreneurs n’est pas un horizon inatteignable. Là où certains voient dans le moins-disant environnemental et sanitaire le meilleur moyen de prospérer, nous défendons l’idée selon laquelle la liberté de travailler ne saurait hypothéquer la santé des ouvriers et la préservation de notre environnement. Sur ce sujet, quelles sont les recommandations de votre agence sur les dispositifs à mettre en œuvre, à la fois pour nous, législateurs, mais aussi pour les entreprises et leurs salariés ?

Comme élu de la République mais aussi comme père de famille, je suis également sensible à la question de l’exposition aux ondes, notamment celle des enfants. J’ai étudié avec intérêt votre rapport du 8 juillet dernier, qui met en garde sur l’exposition trop grande des enfants aux téléphones mobiles et aux ondes, et évoque des effets présumés sur les fonctions cognitives, ainsi que des troubles comportementaux possiblement irréversibles dans une période de la vie où se constituent les facultés physiques et intellectuelles.

Si le Grenelle des ondes avait, en 2009, permis d’avancer sur ce sujet en proposant l’interdiction des téléphones portables à l’école et la limitation de leur usage sans dispositifs d’éloignement tels que les oreillettes, ou encore en permettant une meilleure prise en charge des troubles comportementaux liés à ces technologies, beaucoup de chemin reste à parcourir. Depuis, les smartphones se sont généralisés, les objets connectés se sont multipliés, et la question de l’exposition aux ondes se pose plus que jamais. À ce titre, je sollicite votre expertise sur des sujets tels que l’abaissement du seuil des antennes dans les zones urbaines, la mise en place du principe de réversibilité dans l’édification d’infrastructures émettant des ondes, ou encore le redéploiement de connexions filaires dans les lieux publics.

Comme vous le voyez, au même titre que les rapports de l’ANSES, votre présence à nos côtés a vocation à éclairer les législateurs que nous sommes sur des sujets nombreux, importants pour nos concitoyens, et qui préparent la société de demain.

Pour conclure, je veux vous demander quelle est votre position sur le principe de réflexion.

M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le directeur général, je rends hommage à la clarté de vos propos : on sent que votre formation et votre expérience sont celles d’un scientifique, qui connaît bien le monde de la recherche et a également conscience des difficultés liées aux avancées qu’elle permet.

Vous avez évoqué l’organisation de votre agence et les moyens dont vous disposez. Considérez-vous que l’ANSES dispose de suffisamment de moyens pour assurer la totalité des missions qui lui sont confiées, notamment les plus récentes, qui ne sont pas les moins importantes ?

Plus globalement, j’aimerais connaître votre sentiment sur la capacité de votre agence à déterminer le point d’équilibre entre le bénéfice et le risque en matière de nouvelles technologies. Nous vivons dans une société à la fois passionnée et inquiète, où les émotions prennent une place de plus en plus grande lorsqu’il s’agit d’évoquer certains sujets, qu’il s’agisse des abeilles ou des problèmes auxquels sont confrontées les personnes électrosensibles : ainsi le déploiement des nouveaux compteurs électriques communicants suscite-t-il des interrogations sur les risques que ces matériels peuvent entraîner, indépendamment de leur intérêt sur le plan technologique.

À chaque fois que de nouvelles technologies sont mises au service de la population, elles sont d’abord perçues comme porteuses de nouveaux risques. Il semble que soit révolu le temps où le scientifique était considéré comme celui qui apporte des améliorations à la vie de ses concitoyens. Si la défiance qui prédomine aujourd’hui avait prévalu à l’époque de Louis Pasteur – un grand savant né dans la circonscription où j’ai été élu –, on peut penser que le monde n’aurait jamais bénéficié de la mise au point des techniques de vaccination.

Certes, les entreprises qui tirent profit de la commercialisation des produits du monde moderne se livrent à un lobbying intense destiné à soutenir leur activité, mais certains médias et groupes organisés se livrent eux aussi à un lobbying dans le sens inverse, non moins intense et pouvant aller jusqu’à la caricature. En votre qualité d’organisme scientifique, comment faites-vous pour émettre des recommandations fondées sur des critères objectifs, mais tenant compte des émotions exprimées par notre société ?

Vous avez évoqué la bactérie Xylella fastidiosa, qui fait des ravages dans les oliveraies des Pouilles et dont l’apparition a déjà été repérée en quelques points de notre territoire. En l’absence de traitement insecticide efficace destiné à combattre le vecteur de cette bactérie, nous faisons courir un grand risque à notre viticulture. Quelle est, de ce point de vue, votre appréciation de la balance bénéfice-risque ? La loi sur la reconquête de la biodiversité de 2016 a interdit l’utilisation à brève échéance des néonicotinoïdes, et de nombreux agriculteurs se posent aujourd’hui des questions à ce sujet. Avez-vous des solutions alternatives à leur proposer, ainsi qu’aux jardiniers chargés de l’entretien des jardins à la française agrémentant les châteaux, qui sont actuellement aux prises avec la chenille de la pyrale du buis ?

Enfin, votre agence a désormais également la responsabilité de délivrer les autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytosanitaires. En France, le délai nécessaire à la délivrance de l’AMM de ces produits atteint parfois trois ans, ce qui engendre une distorsion de concurrence dont pâtissent les entreprises françaises vis-à-vis des autres entreprises européennes. Faut-il y voir l’effet d’un manque de moyens, ou celui de la difficulté à évaluer la balance bénéfice-risque ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Pour la pyrale du buis, j’ai moi-même recours à un moyen très simple de biocontrôle, consistant à enfiler une paire de gants et à tuer les chenilles en les écrasant. Vous avez là une solution gratuite et efficace, cher collègue, qui m’a permis de sauver des buis auxquels je suis très attaché (Sourires).

M. Jean-Marie Sermier. J’en prends bonne note, monsieur le président. Qu’il me soit toutefois permis de demander à M. Genet si ce que vous proposez est susceptible de constituer une solution pour l’ensemble des jardins à la française qui constituent notre patrimoine.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le directeur général, vous êtes à la tête d’une très belle agence qui fait la fierté de notre pays, même si elle fait partie d’une multitude d’organismes au sein desquels il n’est pas toujours facile de se retrouver, d’autant qu’ils rendent des avis parfois divergents. Comme le disait Gaston Bachelard, le grand philosophe des sciences, les évolutions scientifiques sont faites de controverses et d’allers-retours. Au cours des dernières années, cette problématique s’est encore complexifiée du fait que l’opinion publique, bénéficiant d’un accès toujours plus rapide et plus large à l’information, est devenue extrêmement réactive.

J’aimerais d’abord vous interroger sur le regard que vous portez sur les évolutions souhaitables de l’expertise en général et de l’ANSES en particulier. En permettant que l’information circule de plus en plus rapidement, les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) contribuent à la montée d’un sentiment de défiance à l’égard de toute nouveauté et à la naissance de nombreuses controverses, s’expliquant notamment par le fait que chacun dispose aujourd’hui de moyens de trouver, facilement et de façon quasi instantanée, une information « en silo » allant dans le sens de ce qu’il pense déjà : l’inconvénient de cette manière de procéder est qu’en se privant de toute information transversale, on se prive également de la possibilité d’enrichir sa pensée en prenant connaissance d’autres points de vue que le sien. Dans ce contexte, il est de plus en plus difficile, y compris pour des organismes de recherche tels que le vôtre, d’être absent des réseaux sociaux. Pouvez-vous nous dire si vous partagez ce constat, et comment vous envisagez l’évolution de vos missions au cours des prochaines années ?

La question des relations avec l’opinion publique se pose également. Récemment, une étude publiée par le professeur Gilles-Éric Séralini sur les OGM a provoqué une vive émotion, pour ne pas dire un traumatisme. À peine les résultats de cette étude, menée par un scientifique honnête avec les moyens qu’il avait pu réunir (Murmures), étaient-ils connus, que des voix se faisaient entendre pour affirmer qu’elle n’était pas valable, car elle se fondait sur des échantillons de rats insuffisants. Selon certains, il aurait fallu disposer de moyens financiers deux ou trois fois plus importants pour avoir une chance de mettre un terme définitif à la controverse portant sur le risque représenté par une alimentation à base d’OGM. Or, ni l’ANSES, ni aucun autre organisme de recherche en France, ne dispose de tels moyens. Alors que l’on consacre des sommes considérables au crédit d’impôt recherche (CIR), ne pensez-vous pas qu’il serait souhaitable d’affecter également des moyens à la conduite d’études pluridisciplinaires de fond, qui permettraient de mettre fin à des controverses scientifiques qui nous empêchent d’avancer ?

Par ailleurs, vous conduisez de plus en plus de projets soumis à concertation avant que ne soit prise la décision finale. Présidant le think tank Décider ensemble, je peux vous dire qu’il y a dix ans, le fait de vouloir promouvoir la concertation dans la prise de décision ne suscitait qu’un mépris amusé, y compris au sein de ma propre formation politique. Aujourd’hui, la concertation se développe, mais il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine, notamment en ce qui concerne les décisions publiques prises au plan national – je pense en particulier aux questions sanitaires. Quel est votre sentiment sur ce point ?

Enfin, estimez-vous qu’il soit souhaitable de mieux travailler avec les organismes d’expertise, notamment afin d’éviter qu’une expertise se trouve presque systématiquement remise en cause par une autre, et pensez-vous qu’il soit possible de répartir au niveau européen les compétences de l’ANSES et de ses homologues européennes ?

M. Florent Boudié. La France est l’un des premiers utilisateurs mondiaux de produits phytosanitaires. La culture des céréales – notamment le maïs –, de la paille, du colza et de la vigne représente, à elle seule, 80 % des pesticides utilisés pour moins de 40 % de la surface agricole utile. Une vingtaine de molécules étaient utilisées dans les années 1960 contre environ 150 aujourd’hui, et l’on estime à un millier le nombre de substances mises sur le marché au cours des cinquante dernières années, sous des formes diverses – associations de molécules, additifs, etc. – ayant pour effet de multiplier et diffuser les risques du fait de la polyexposition.

Parallèlement, on assiste à un éclatement de la réglementation existante. Les pesticides ne font pas l’objet d’une réglementation homogène, puisqu’ils échappent à la réglementation européenne REACH (Registration, Evaluation, Authorization and restriction of CHemicals – en français Enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques) et reposent sur un ensemble de normes disparates propres aux différents types de substances – biocides, produits vétérinaires, etc. –, ce qui pose un réel problème de cohérence. Vous avez évoqué l’enjeu que constitue la mise en cohérence des normes européennes, un enjeu particulièrement important en ce qui concerne les pesticides. Pensez-vous qu’il faille plaider en faveur de l’instauration d’une réglementation homogène au niveau européen, avec une déclinaison nationale, et l’ANSES a-t-elle l’ambition de porter ce débat ?

Enfin, nous ne disposons pas en France d’un indicateur nous permettant d’évaluer de manière homogène, sur l’ensemble du territoire, l’exposition des populations aux risques phytosanitaires. Cet indicateur nous fait gravement défaut si nous voulons progresser dans l’appréhension des risques sanitaires liés à l’usage des pesticides, et si nous voulons objectiver le diagnostic sur l’impact des pesticides sur les populations – par exemple sur les agriculteurs et les riverains d’exploitations agricoles. Plus largement, j’estime urgent de doter notre système de veille sanitaire d’un indicateur disponible en tout point du territoire. Quelle est sur ce point la position de l’ANSES, investie récemment d’une nouvelle mission en matière de phytopharmacovigilance ?

M. Jacques Kossowski. Début juillet, votre agence a rendu public un rapport d’expertise portant sur l’exposition aux radiofréquences et la santé des enfants. Les conclusions de ce rapport semblaient écarter tout effet cancérigène et toute malformation directement liés à ces radiofréquences, ce qui semblait plutôt rassurant. Néanmoins, l’ANSES appelait à un usage modéré et encadré des technologies sans fil pour les enfants, qui sont exposés de plus en plus tôt aux ondes électromagnétiques. L’écho médiatique qui a suivi la présentation du rapport a eu un effet anxiogène, et l’hebdomadaire L’Express a même évoqué des ondes dangereuses pour le cerveau des enfants, alors qu’une telle affirmation ne correspondait pas au contenu de l’expertise de l’ANSES. Afin de lever toute ambiguïté ou mauvaise interprétation, pouvez-vous nous apporter des éclaircissements sur les grandes lignes de votre rapport ?

Mme Laurence Abeille. Ayant moi-même été à l’origine d’une proposition de loi sur les ondes électromagnétiques, je suis très attentive aux travaux de l’ANSES sur ce thème, qui constitue une préoccupation grandissante au sein de notre population. La gravité du risque que représente l’exposition aux ondes justifie l’interdiction par la loi de l’utilisation du wifi dans les crèches, et la préconisation d’un usage modéré de cette technologie dans les écoles. Sur ce dernier point, je m’inquiète que vos recommandations ne soient pas appliquées strictement et que des tablettes soient ainsi distribuées aux élèves dans certains établissements.

Contrairement à ce que l’on a pu entendre, les questions sanitaires ne suscitent pas seulement de l’émotion, mais aussi une véritable prise de conscience de la population au niveau national. Le lien entre environnement et santé est de plus en plus reconnu et pris en compte par nos concitoyens qui, à juste titre, se posent des questions au sujet de la mise sur le marché de certains objets dont les effets sanitaires à long terme n’ont pas encore fait l’objet d’une véritable évaluation. L’ANSES a-t-elle engagé une réflexion sur cette problématique ?

En ce qui concerne les pesticides, notamment les néonicotinoïdes, j’aimerais connaître votre position au sujet des alternatives, non seulement chimiques, mais aussi et surtout culturales. La question des effets à court, moyen et long terme de la multitude de substances chimiques commercialisées est très complexe, et le risque est grand que nous apprenions, dans dix ou quinze ans, que tel ou tel produit actuellement en vente était préjudiciable à la santé ou à l’environnement. Après avoir été prolongée par la Commission européenne, la licence de commercialisation du glyphosate arrivera à expiration en décembre 2017. Quel est votre avis sur ce point ?

Enfin, je souhaite également connaître votre position sur le principe de précaution.

M. Philippe Plisson. Le rapport de l’ANSES met clairement en doute l’efficacité économique des pesticides. Outre que cette assertion n’est pas encore intégrée par la majorité des utilisateurs, la problématique la plus urgente me paraît être celle de l’impact de ces produits sur la santé humaine. Je me réjouis que le président du conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB) ait annoncé la fin de l’utilisation des pesticides pour son vignoble. Dans ce domaine, la problématique des conséquences sur la santé des travailleurs de la vigne de leur exposition aux pesticides a vocation à prendre l’ampleur du scandale de l’amiante au cours de la décennie précédente.

Les élus que nous sommes n’ignorent pas les pressions que nous avons subies de la part du monde économique quand nous avons voté, dans la douleur, l’interdiction des néonicotinoïdes. Face à l’importance de l’enjeu que comporte cette question, je vous pose une question simple : quand sera-t-on en mesure de produire une étude indiscutable portant sur les conséquences de l’utilisation des pesticides sur la santé humaine, en particulier celle des travailleurs de la vigne ?

Enfin, j’aimerais savoir quel regard vous portez sur le mariage de la société de chimie Bayer et du fabricant de semences et pesticides Monsanto, qui nous laisse redouter une omnipotence encore accrue de la chimie sur l’agriculture mondiale.

M. Guillaume Chevrollier. Je souhaite évoquer le rapport que les ministères de l’écologie et de la santé ont demandé à l’ANSES en juin 2013 au sujet des effets sur la santé des ondes à basse fréquence et infrasons dus au parc éolien. Dans le cadre des débats relatifs à la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, le Gouvernement a confirmé que la remise des conclusions de ce rapport était prévue pour la fin de l’année 2015 – ce qui lui a permis de justifier le rejet d’une proposition visant à augmenter la distance minimale à respecter entre les éoliennes et les habitations les plus proches. Aujourd’hui, alors que les projets d’implantations d’éoliennes se multiplient sur notre territoire, mitant le paysage et provoquant souvent l’inquiétude des riverains, nous ne disposons toujours pas de ce rapport. Peut-on espérer sa publication prochaine ?

Après plus de cinq années d’attente, un autre rapport, portant sur l’exposition des agriculteurs aux pesticides, a été publié par votre agence en juillet dernier. Reconnaissant implicitement son embarras à l’égard d’un thème extrêmement sensible, l’ANSES a expliqué le retard pris dans la publication de ce rapport par la réception tardive d’une note faisant état d’une position minoritaire émanant de deux experts du groupe de travail ayant mené l’expertise – ce qui équivalait à une sorte de veto posé en interne par les deux chercheurs concernés, et à un aveu d’échec apparaissant en filigrane de ce rapport de plus de mille pages. Aujourd’hui, l’exposition des agriculteurs aux produits phytopharmaceutiques demeure un sujet d’inquiétude, sous-documenté et source de polémiques alimentées par des médias publiant des articles à charge. J’aimerais connaître votre position sur ce point.

M. Yannick Favennec. Élu d’une circonscription rurale située en Mayenne, je suis très sensible à la qualité de vie et à la santé de nos agriculteurs. Comme cela vient d’être dit, l’ANSES a rendu public, après cinq ans de travaux, un rapport d’évaluation des conséquences de l’exposition des professionnels de l’agriculture aux pesticides, comprenant mille pages réparties en sept volumes. Comme on le sait, les agriculteurs sont mal protégés contre les pesticides. De nombreuses études épidémiologiques mettent en évidence le rapport entre l’exposition aux pesticides et certaines pathologies chroniques, ainsi que des hémopathies malignes, cancers de la prostate, tumeurs cérébrales, cancers cutanés, ainsi que des maladies neurologiques telles que la maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer.

L’évaluation souligne les nombreuses lacunes dans les connaissances, dans la réglementation et dans le port d’équipements de protection et, plus généralement, d’une sous-estimation des risques de l’exposition aux pesticides. Les éleveurs, céréaliers, saisonniers ou chefs d’exploitations qui se trouvent directement au contact de ces produits chimiques sont évidemment les premiers à en subir les graves conséquences. J’aimerais savoir quelles suites vont être données à cette évaluation : quelles conséquences concrètes envisagez-vous, et sous quelle forme ?

Mme Geneviève Gaillard. Même si vous ne l’avez abordée qu’à la fin de votre exposé liminaire, monsieur le directeur général, je vous remercie d’avoir mentionné la loi relative à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages qui interdit les néonicotinoïdes à partir de 2018, avec des dérogations possibles jusqu’en 2020. Vous avez dit que l’ANSES allait rendre sur ce point un rapport préliminaire d’ici au mois de décembre, afin de fournir des éléments d’information aux autorités compétentes et aux parlementaires. En ce qui concerne les solutions de substitution, j’aimerais savoir avec quels laboratoires, selon quelles méthodes et quel cahier des charges, et dans quel délai vous allez travailler à l’étude de nouvelles techniques culturales.

Pour ce qui est des variétés mutées rendues tolérantes aux herbicides (VRTH) – un véritable fléau affectant notamment la culture du colza –, que la législation européenne ne considère pas comme des OGM, j’aimerais savoir si votre agence a été saisie d’une demande de rapport et, le cas échéant, dans quel délai le résultat de vos travaux sera publié.

Mme Sophie Rohfritsch. Pour ma part, je voudrais aborder la question générale de l’alimentation, qui constitue un motif d’inquiétude pour nombre de nos concitoyens. Régulièrement, les magazines de consommateurs se font l’écho des questionnements suscités sur les thèmes des bonnes ou mauvaises habitudes alimentaires, du bio, ou encore des alicaments – des interrogations auxquelles l’ANSES pourrait répondre en établissant un récapitulatif des bons et mauvais usages.

Au-delà, il est une question sur laquelle vous n’avez pas fait connaître votre position à ce jour, à savoir celle des nanoparticules présentes dans l’alimentation. Au mois de mars dernier, les déclarations de votre directeur scientifique n’ont pas été suivies de la parution d’un rapport complet sur le sujet, seule la question des nanoparticules dans les cosmétiques ayant été évoquée. J’aimerais savoir si vous envisagez de communiquer prochainement sur ce thème, en particulier sur l’obligation d’étiquetage des produits, qui n’est pas respectée actuellement par les industriels.

M. François-Michel Lambert. Mes questions porteront sur un seul thème : le suivi des impacts que pourrait avoir l’activité de l’usine Alteo de Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, qui a rejeté des boues rouges en Méditerranée durant cinquante ans, c’est-à-dire jusqu’en 2015, et ne déverse plus désormais que des effluents liquides. J’insiste sur ce dernier point car certains affirment, à tort, que les rejets de boues rouges se poursuivent – c’est le cas d’une députée qui, ce matin, a préféré se consacrer à la campagne électorale interne à son parti plutôt que d’être présente parmi nous, ce qui montre tout l’intérêt qu’elle porte à cette question (Murmures sur certains bancs).

Le comité de suivi de site d’Alteo qui s’est réuni lundi a permis de démontrer que les rejets actuels sont largement en deçà des seuils autorisés par arrêté préfectoral, seules les concentrations en aluminium et en DBO5 n’étant pas encore aux niveaux à atteindre en 2021. Alteo a présenté des solutions technologiques qui permettront d’être en conformité avec les normes européennes d’ici à 2019, donc bien avant l’échéance, et de rejeter des eaux de qualité agricole d’ici à 2025.

Monsieur le directeur général, pouvez-vous nous commenter les conclusions de l’avis rendu par l’ANSES le 25 juillet 2016 – que ni les médias ni la ministre de l’environnement n’ont repris –, aux termes desquelles « en considérant ces éléments chimiques [aluminium et cadmium], la consommation de produits de la mer, quelle que soit sa zone de provenance, n’est donc pas de nature à entraîner une préoccupation sanitaire » ? L’avis réitérait cette affirmation au sujet du vanadium, du plomb, du nickel, du cobalt, du manganèse, du chrome trivalent, du chrome hexavalent, du méthylmercure, en précisant que les études relatives à l’arsenic devaient être finalisées. Pouvez-vous nous confirmer l’absence de danger sanitaire – à nous, parlementaires, qui devons prendre position en fonction de faits objectifs, et non d’affirmations médiatiques ? Par ailleurs, ce rapport a-t-il été remis au ministère, et la ministre en a-t-elle été informée – ce dont on peut douter au vu des positions qu’elle a exprimées ?

Enfin, pouvez-vous nous commenter les propos qui ont été tenus dans le cadre de l’émission Thalassa, le 2 septembre dernier, qui ne faisaient état que d’inquiétudes et d’éléments à charge, en totale contradiction avec les positions exprimées dans votre rapport du mois de juillet ? Pour terminer, je m’étonne que les médias préfèrent donner la parole à un géographe se disant lanceur d’alerte qu’au biochimiste expert en enzymologie que vous êtes, ou à l’un des très nombreux scientifiques membres de l’ANSES.

M. Gérard Menuel. Monsieur le directeur général, je salue le travail de votre agence, notamment la remarquable étude en cours sur les risques présentés par les insecticides à base de substances de la famille des néonicotinoïdes.

S’appuyant sur des expertises approfondies, les études relatives aux risques pour la santé que vous publiez permettent aux pouvoirs publics et au législateur d’être parfaitement informés avant de prendre des dispositions législatives et réglementaires en la matière. Cela dit, avez-vous le sentiment que les décisions prises s’éloignent souvent du regard scientifique de l’expertise étayée que vous formulez, sous l’influence de l’émotion manifestée par l’opinion publique ou de certains groupes de pression ?

Cet été, 109 prix Nobel ont fait une déclaration visant à soutenir le riz OGM contre les associations opposées à son développement, expliquant que la culture de ce riz pourrait constituer une solution à la faim en Afrique. Quelle est votre position sur ce point ?

M. Patrick Lebreton. En juillet dernier, un foyer de fièvre aphteuse a été décelé à Rodrigues. La maladie s’est propagée dès le mois d’août à l’île Maurice, dont elle dépend. La Réunion – dont je suis député –, c’est-à-dire la France, n’étant distante que de 200 kilomètres, s’est sentie menacée, et les organismes chargés de la sécurité sanitaire ont immédiatement mis en œuvre des dispositifs de prévention, faisant preuve en cette occasion d’un grand professionnalisme et d’une réactivité qui ont été salués. Cela dit, le risque de contamination du cheptel de La Réunion ne peut être écarté.

Le 11 août dernier, M. Olivier Esnault, vétérinaire au sein du Groupement de Défense Sanitaire, évaluait entre 7 et 8 sur 10 le risque que La Réunion soit touchée, du fait des nombreux échanges entre cette île et Maurice. Vos propos sur ce point se voulaient rassurants, mais vous n’avez évoqué que la contamination par les animaux, alors que, selon M. Esnault, il existe également un risque de transmission du virus par voie humaine, en l’occurrence les voyageurs dont les vêtements et les chaussures peuvent en être les vecteurs. Pouvez-vous nous faire part de votre avis sur l’évaluation alarmiste du mois d’août et nous préciser si le risque est toujours présent, ou peut désormais être écarté ?

Mme Valérie Lacroute. Je salue à mon tour la qualité de vos travaux, et déplore le climat passionné qui entoure trop souvent l’expertise scientifique dans notre pays. Il semble exister un réel problème relationnel entre les responsables politiques et les experts scientifiques, qui est parfois à l’origine de réactions irrationnelles sur certains sujets très sensibles tels que le glyphosate et les néonicotinoïdes. Il est regrettable que certains ministres de tutelle contredisent l’avis des experts, décrédibilisant ainsi votre agence, notamment en ce qui concerne la dangerosité de certaines substances pour la santé ou l’environnement.

À quoi sert l’ANSES si ses avis ne sont pas pris en considération comme ils le méritent, et quel est l’intérêt de dépenser des millions d’euros dans la recherche scientifique quand on fait si peu de cas des résultats obtenus ? Si je comprends que certains ministres prennent parti, je ne m’explique pas qu’ils expriment des avis allant à l’encontre des positions soutenues par les scientifiques. Cette situation est, à mon sens, révélatrice d’une faiblesse dans notre dispositif d’évaluation. Certains suggèrent de créer un institut indépendant et distinct de l’ANSES, qui serait chargé d’évaluer les bénéfices de certaines substances : avec cette nouvelle organisation, c’est l’analyse conjointe des deux structures qui devrait guider la décision politique. Que pensez-vous de cette idée ?

M. Michel Lesage. Vous ne serez pas étonné qu’en tant que député costarmoricain, je vous pose deux questions relatives à ces grands enjeux que sont la santé des travailleurs et la santé animale, que vous avez mentionnés en évoquant notamment le laboratoire de l’ANSES situé à Ploufragan-Plouzané – un laboratoire spécialisé dans l’étude du bien-être des animaux et de la qualité sanitaire des denrées d’origine animale, dont l’expertise est reconnue dans le monde entier.

En matière de santé des travailleurs, je veux évoquer le sort des employés des entreprises produisant de l’engrais, dont plusieurs ont engagé des procédures judiciaires à l’encontre de leur entreprise. Pourriez-vous, en quelques mots, nous expliquer comment nous pourrions passer de la logique d’indemnisation qui prévaut actuellement à une logique de prévention ?

Par ailleurs, comment faire en sorte d’assurer une plus grande reconnaissance au plan européen et international des travaux issus du laboratoire de Ploufragan-Plouzané, à l’heure où les enjeux sanitaires prennent une place de plus en plus importante, notamment dans le cadre des négociations du « traité TAFTA » ?

Enfin, la stratégie nationale relative aux perturbateurs endocriniens approuvée en 2014 prévoyait que l’ANSES analyserait quinze substances sur une période de trois ans, afin de déterminer s’ils agissaient comme des perturbateurs susceptibles de provoquer des maladies graves telles que le cancer ou le diabète. Pouvez-vous nous indiquer où en est cette étude ?

M. Michel Heinrich. Monsieur le directeur général, je ne pense pas que vous ayez abordé la question des moyens. Ceux dont vous disposez vous paraissent-ils suffire à garantir l’indépendance de vos experts ?

Par ailleurs, j’aimerais savoir si l’ANSES entretient des liens avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ou l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), même si le nucléaire n’entre pas dans le champ de ses attributions ? Je pense notamment à la médecine nucléaire et à la mise au point de traitements réparateurs d’accidents de médecine nucléaire.

M. Gilles Savary. Je suis député de Gironde, où se trouve le plus grand vignoble de France, mais aussi le plus exposé à l’eau, puisqu’il s’agit d’un vignoble océanique, ce qui explique en partie que les taux de pesticides relevés dans les eaux de distribution de notre département soient souvent élevés, comme l’a montré récemment une émission télévisée. Cet état de fait est à l’origine d’un choc émotionnel bien compréhensible et contribue à ce que les relations entre les agriculteurs et les néoruraux soient de plus en plus tendues – les agriculteurs, qui considèrent exercer un métier ingrat et mal rémunéré, supportant mal que les personnes qui viennent de s’installer dans les zones rurales où ils exercent les voient comme des empoisonneurs publics. De l’autre côté, on peut comprendre que la population riveraine s’inquiète des conséquences pour la santé, en particulier celle des enfants, de l’exposition aux pesticides.

Avez-vous entrepris des études épidémiologiques systématiques sur les riverains ? La petite commune où je réside comprend une zone urbaine où personne ne se trouve exposé, mais aussi une zone riveraine des exploitations agricoles, où il serait justifié de procéder à une étude systématique de l’exposition des habitants. Par ailleurs, ne pensez-vous qu’il faudrait adresser des messages très clairs aux agriculteurs, même si ceux-ci sont en train de prendre conscience des risques engendrés par l’utilisation de pesticides, ce qui a conduit la profession à annoncer que ces substances seraient prochainement bannies des vignobles de Gironde – ce dont je doute un peu ?

Par ailleurs, envisagez-vous des alternatives aux pesticides, qui seraient conformes à ce que l’on peut en attendre sur le plan sanitaire ?

M. Jean-Pierre Vigier. Vous avez parlé des effets des ondes électromagnétiques sur les humains, notamment sur les enfants. Or, avec le développement de la téléphonie mobile – indispensable au développement économique de nos territoires, notamment en montagne –, on voit fleurir partout en France une multitude d’antennes et de pylônes. Des associations s’opposent régulièrement à ces installations qui s’effectuent dans le cadre de réglementations française et européenne manquant de précision et de cohérence. Comment allons-nous trouver une solution d’équilibre permettant aux territoires de se développer, tout en faisant en sorte que les populations soient protégées ?

M. Yves Albarello. Il y a quelques années, j’ai fait construire dans ma commune une station d’épuration qui rejette dans le milieu naturel de l’eau de qualité de baignade, faisant l’objet d’analyses régulières. Considérant que les ressources naturelles doivent être préservées, j’aimerais que cette eau puisse être réutilisée pour l’arrosage des espaces verts, le nettoyage des voiries ou éventuellement le raccordement aux toilettes publiques. Les demandes que j’ai adressées en ce sens à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) de Seine-et-Marne étant, à ce jour, restées sans réponse, nous sommes malheureusement obligés de rejeter à la rivière une eau d’excellente qualité. Pouvez-vous me conseiller sur cette question et m’aider à débloquer la situation ?

Mme Isabelle Attard. Ma question porte sur l’installation des compteurs communicants Linky, qui suscite des questions auxquelles il aurait dû être répondu bien avant le large déploiement de ces matériels dans notre pays.

Le recours à ces appareils pose d’abord le problème de la collecte et de l’utilisation des données personnelles des abonnés, et la question de savoir ce que nous ferons quand ces données seront piratées – ce qui arrivera inévitablement. D’un point de vue écologique, remplacer 35 millions de compteurs électriques – il y aura ensuite les compteurs de gaz et d’eau – en parfait état de marche par des matériels ayant une durée de vie trois fois moindre, constitue une application aberrante du principe d’obsolescence programmée.

En plus des compteurs proprement dits, il va falloir installer des matériels complémentaires destinés à transporter les informations collectées, à savoir des antennes-relais de téléphonie mobile : il est question d’installer 740 000 antennes-relais supplémentaires à hauteur d’homme sur des transformateurs de quartier. Admettant que les compteurs communicants ne permettraient aucune économie d’énergie et ne procureraient aucun avantage aux usagers, l’Allemagne a fait le choix de les réserver aux foyers très gros consommateurs d’électricité. C’est une question relevant de la démocratie locale et de nombreuses communes, propriétaires de fait des installations, se sont d’ores et déjà élevées contre le remplacement des compteurs. J’aimerais connaître votre avis sur ce point.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je conclurai cette série de questions en abordant trois sujets.

Pour ce qui est des produits phytopharmaceutiques contenant des substances de la famille des néonicotinoïdes, vous avez rappelé que l’interdiction résultant de la loi sur la reconquête de la biodiversité entrerait en vigueur au 1er septembre 2018, avec des dérogations pouvant être accordées jusqu’au 1er juillet 2020. Vous avez également indiqué qu’à la demande des ministres de l’agriculture et de l’environnement, vous prépariez pour la fin de l’année 2016 un rapport dressant le bilan coût-bénéfice des produits phytopharmaceutiques, et établissant des comparaisons entre les produits de la famille des néonicotinoïdes et des alternatives, qu’elles soient chimiques, de l’ordre du biocontrôle ou d’autres pratiques culturales. Ce rapport sera-t-il de nature à nous permettre d’identifier les dérogations qui pourraient être accordées jusqu’au 1er juillet 2020 ? Je précise que votre bilan concerne aussi bien la santé que l’environnement et l’activité agricole.

Par ailleurs, neuf associations environnementales et agricoles ont engagé une action auprès du Conseil d’État au sujet de la mutagénèse, visant à ce que le décret excluant celle-ci de la réglementation relative aux OGM soit annulé. Quelle est votre position sur ce point ?

Enfin, le groupe Bayer a effectué des demandes de mise sur le marché pour deux produits phytopharmaceutiques à base de néonicotinoïdes, notamment l’imidaclopride : il s’agit d’une part du renouvellement du Gaucho 350, destiné aux céréales à paille, et de son extension à de nouveaux ravageurs, d’autre part de l’introduction d’un nouveau produit, le Gaucho Néo pour céréales à paille, contenant également de l’imidaclopride. Une consultation ayant semble-t-il été engagée, j’aimerais savoir sous quel délai une autorisation sera éventuellement donnée, et si le vote de l’article 125 de la loi relative à la biodiversité, portant sur les néonicotinoïdes, peut influer sur la décision qui sera prise. En d’autres termes, ne devriez-vous pas comparer ces produits phytopharmaceutiques à des alternatives, sous la forme d’un bilan coût-bénéfice, avant de faire connaître votre position ?

Je vous laisse maintenant la parole pour répondre aux questions qui vous ont été posées, dont le nombre et la diversité sont la preuve de l’intérêt que les parlementaires portent à l’action et aux missions de l’ANSES, ainsi qu’une reconnaissance de l’importance de son rôle.

M. Roger Genet. La diversité des questions posées illustre également la richesse des missions confiées à notre agence, et l’importance de ses responsabilités. Mes collaborateurs et moi-même allons nous efforcer d’y répondre le plus complètement possible, étant précisé que nous nous tiendrons à la disposition de chacun d’entre vous afin de fournir, si besoin est, des explications complémentaires.

Je vais répartir mes réponses par thèmes, en commençant par le principe de précaution et l’approche du risque, la question de l’expertise, et la communication de l’agence. J’évoquerai ensuite la convergence des normes européennes, notre responsabilité en matière de délivrance d’AMM de produits phytopharmaceutiques, et les questions de l’alimentation et du travail.

En préalable, je veux évoquer la question de notre indépendance, et celle consistant à se demander si nous devrions être encore plus indépendants, qui relèvent avant tout des politiques publiques. Je ne suis pas certain que nos avis seraient plus suivis si nous étions une Haute autorité indépendante. Le fait que nous soyons placés sous la tutelle de plusieurs ministères me paraît constituer une protection suffisante. Même si nous étions une Haute autorité indépendante, je ne pourrais pas dicter la politique de la France. Or, il s’agit bien de la politique que le Gouvernement et la représentation nationale souhaitent mener en la matière – j’en veux pour preuve la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, dont Mme Geneviève Gaillard était rapporteure.

Nous avons progressé en matière d’organisation des agences sanitaires et, pour notre part, nous participons, tous les mercredis matin, au ministère de la santé, à une réunion de sécurité sanitaire aux côtés des autres agences sanitaires. Nous y rencontrons l’IRSN, Santé Publique France – qui regroupe désormais l’INVS, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) pour travailler sur la santé des populations –, l’Agence du médicament, ou encore l’Institut national du cancer (INC). Nous allons conclure une convention-cadre avec la Haute autorité de santé, dont les champs de compétence sont connexes et complémentaires des nôtres – elle s’occupe des médecins, tandis que Santé Publique France cible les populations, et l’ANSES les risques, qu’ils soient physiques, chimiques ou biologiques. L’IRSN étudie des risques, comme nous, mais ceux de nature radiologique, exclus de notre propre compétence. Ce paysage paraît complexe, mais il a tendance à se simplifier et le champ de l’agence, déjà large, occupe bien son périmètre : de ce point de vue, nous allons vers plus de cohérence au niveau national.

Nous appelons de nos vœux une harmonisation européenne. Il existe actuellement une répartition des rôles entre ce qui relève des compétences communautaires et ce qui relève des compétences des États membres. De ce point de vue, nous recommandons justement qu’il y ait, au niveau européen, une instance unique chargée de définir la classification des perturbateurs endocriniens. En février 2016, l’ECA a lancé une consultation sur le glyphosate, dont l’effet cancérigène et l’effet de perturbateur endocrinien ne sont pas avérés. De notre côté, nous avons réitéré notre avis dans le cadre de l’évaluation en cours, et attendons la réponse de l’ECA sur la classification de ce produit.

À mon arrivée, j’ai pris connaissance d’une liste de 47 agences situées au sein de l’Union européenne et avec lesquelles nous sommes en relation directe. J’ai envoyé un message à chacune de ces agences pour me présenter, et toutes m’ont répondu qu’elles souhaitaient voir se renforcer leurs relations avec l’ANSES, ce qui montre bien que notre agence est reconnue et très visible au niveau européen.

Pour ce qui est du principe de précaution, je reste sur la même ligne que mon prédécesseur : pour notre agence, le principe de précaution reste un principe d’action. Cela signifie qu’il faut procéder à une évaluation scientifique du risque, c’est pourquoi nos groupes d’experts ne sont constitués que de scientifiques. Que ce soit pour les produits réglementés ou les saisines, l’évaluation des risques ne prend pas en compte l’émotion : elle n’est fondée que sur l’analyse de l’existant et de ce que nous pouvons établir, en fonction de modèles relatifs à la graduation du risque, c’est-à-dire de faisceaux d’arguments nous conduisant à évaluer un niveau de risque.

C’est ce qui fait toute la difficulté de l’exercice : quand une molécule n’est présente qu’à l’état de trace, il est extrêmement compliqué de démontrer un effet physiologique entraînant un impact à long terme ou sur les générations suivantes – le problème se pose pour les très faibles doses d’exposition aux produits chimiques comme pour les très faibles doses de radioactivité. Nous progressons scientifiquement sur les modèles et, quand nous affirmons que le chlorpyriphos présente un effet sur le développement fœtal pour les riverains dans les conditions qui nous sont soumises par le pétitionnaire, c’est parce que cet effet est avéré dans le cadre d’études scientifiques. Bien évidemment, les effets avérés d’une substance sur la santé peuvent nous conduire à retirer son autorisation de mise sur le marché.

À côté de l’évaluation du risque, il y a les décisions de gestionnaire, prises en fonction d’un ensemble de critères de développement économique et d’appréciation du public face à l’évaluation du risque. Je considère que le principe de précaution est un concept extrêmement difficile à percevoir par le public, pour ne pas dire totalement dévoyé, et que la véritable question à se poser est celle de l’acceptabilité du risque. Quelqu’un a dit tout à l’heure que l’on était plus progressiste il y a quelques années : peut-être, mais l’acceptabilité du risque par la population était aussi beaucoup plus élevée, et l’on mourait beaucoup plus tôt.

Il est une question dont on ne débat pas suffisamment au sein de notre société, celle de l’opposition entre l’acceptation du risque individuel et celle du risque collectif. Comment se fait-il que l’on accepte qu’il y ait plus de 5 000 morts par an sur les routes et plusieurs dizaines de milliers de décès dus au tabac et à l’alcool, et que l’on n’admette pas le moindre décès lorsqu’il s’agit d’autres risques ? Aujourd’hui, personne ne s’inquiète du fait qu’un barrage puisse rompre ; or, quand des événements de ce type surviennent, ils occasionnent des milliers de morts.

En matière d’expertise, notre agence a, bien avant le scandale du Mediator, adopté une position très novatrice sur les déclarations publiques d’intérêt et la meilleure façon de garantir l’indépendance de nos experts, notamment par rapport aux acteurs économiques. L’indépendance intellectuelle ne doit pas non plus être négligée, y compris en matière de production scientifique. Dans ce domaine, on ne doit pas réaliser une étude afin de démontrer une conviction : une étude doit être conduite sur la base d’une hypothèse que l’on cherche soit à confirmer, soit à infirmer, sans a priori : toute croyance, toute conviction profonde, voire militante, doit être écartée du processus d’étude. Cette distinction essentielle entre la croyance et la démarche scientifique doit constituer le fondement même de notre expertise, et nos experts doivent être prêts à tout remettre en question, y compris leurs convictions personnelles. Les déclarations publiques d’intérêt restent de la responsabilité individuelle de l’expert et, si nous avons une grande avance dans ce domaine, nous ne sommes évidemment pas à l’abri qu’un expert ne nous déclare pas tout.

L’impact de l’exposition des travailleurs agricoles aux produits phytopharmaceutiques est une question qui fait débat au sein de notre société et donne lieu à de vives controverses. C’est pourquoi, au sein de notre agence, nous devons veiller à ce que les groupes de travail chargés de réaliser des études sur ce sujet soient à même de prendre en compte toutes les visions du problème. Cet été, après que le groupe de travail a rendu ses conclusions, deux experts de ce groupe nous ont fait parvenir un avis divergent, mais ne remettant pas fondamentalement en cause le travail du groupe. Nous nous sommes alors interrogés sur la meilleure façon de gérer cette situation, souhaitant avant tout éviter que l’expertise soit remise en cause, ce qui aurait causé la perte de quatre années de travail. Venant d’arriver à la direction de l’agence, j’ai saisi notre comité de déontologie et de gestion des conflits d’intérêts afin de savoir comment nous pouvions gérer cette situation. Le comité réunissant des experts extérieurs à l’agence – venant notamment du CNRS et du monde universitaire – et présidé par un philosophe s’est réuni très rapidement, et a émis, le 21 juillet, une recommandation sur la façon de traiter l’avis minoritaire, que nous avons aussitôt décidé de suivre en publiant le rapport d’une part, l’avis des deux experts minoritaires d’autre part. J’insiste sur le fait que nous n’avons jamais eu la volonté de dissimuler le rapport rendu par le groupe de travail, d’autant que celui-ci avait demandé cinq ans de travail à nos directions d’évaluation des risques, qui s’étaient impliquées en même temps que le groupe de travail extérieur.

Certains ont évoqué la communication de l’agence. Il est exact que nous avons un rôle social à jouer, consistant à éclairer à la fois les décideurs publics que sont le Parlement et le Gouvernement, et nos concitoyens. Cela dit, nous entrons dans le débat public sur la base de notre expertise. Nous ne prenons évidemment pas position lors de la phase d’instruction des dossiers, et attendons systématiquement que nos experts aient rendu leurs conclusions. Ainsi, même quand j’ai un avis personnel sur telle ou telle question, je ne dois pas l’exprimer afin de ne pas engager l’agence. C’est ce qui explique que nous ne nous soyons pas exprimés dans le cadre de l’émission Cash Investigation, notamment quand il a été question d’alimentation. Ayant été saisis, nous devons rendre un avis au mois d’octobre sur l’intérêt des repères nutritionnels, et ce n’est qu’en février, après l’expérimentation qui doit avoir lieu, que nous indiquerons lequel des systèmes testés nous recommandons au Gouvernement. Nous n’avons pas été contactés pour nous exprimer dans cette émission, mais de toute façon nous ne serions pas intervenus pour commenter un travail en cours.

Il a été question du caractère anxiogène que pouvaient revêtir certains de nos avis, notamment celui sur l’impact des radiofréquences sur les enfants. Il est vrai que certains traitements journalistiques un peu rapides ont pour effet de transformer des avis complexes, nuancés et équilibrés, en affirmations tranchées que certains peuvent trouver inquiétantes. Il est de notre responsabilité que nos communications écrites ou avec les journalistes s’attachent à expliciter et rendre aussi compréhensibles que possible des avis souvent complexes, qui ne peuvent être résumés en une phrase. De ce point de vue, nous devons encore travailler à l’amélioration de notre communication avec l’ensemble des parties prenantes, notamment les journalistes.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, il peut nous arriver de rendre un avis qui, fondé sur notre propre appréciation du risque, diffère de celui rendu par une agence européenne sur le même sujet. Je n’y vois pas un problème, mais plutôt l’opportunité pour notre agence, mais aussi pour la France, de faire progresser la politique européenne en faisant valoir leur point de vue. Cela dit, il ne faut pas perdre de vue qu’il existe une répartition des compétences, certaines relevant du niveau communautaire et d’autres du niveau national.

En matière de produits phytosanitaires – produits de biocontrôle, phytopharmaceutiques, supports de culture et produits biocides –, nous nous sommes vu attribuer cette nouvelle responsabilité consistant à délivrer dans les meilleurs délais les autorisations de mise sur le marché – ce qui constitue une responsabilité à la fois sociale et commerciale, puisqu’il s’agit de permettre ou non l’accès au marché. Nous venons d’avoir un audit de la Commission européenne portant sur les délais, qui apportera sans doute des conclusions montrant que nous ne sommes pas toujours en situation de faciliter l’accès au marché. Cela peut être dû à un surcroît de travail au sein de l’agence, résultant notamment du fait que nous avons dû résorber un passif assez important sur les produits phytopharmaceutiques quand on nous a transféré l’ensemble des dossiers en juillet 2015.

Par ailleurs, il est fréquent que les dossiers constitués par les pétitionnaires soient incomplets et que nous disposions d’éléments d’appréciation insuffisants pour nous permettre de procéder à une véritable évaluation du risque. C’est surtout le cas des produits de biocontrôle et ceux à faible risque qui, parce qu’ils sont extraits de plantes, sont parfois considérés comme inoffensifs pour l’environnement – ce qui n’est pas le cas : de ce point de vue, la pyréthrine d’extraction végétale n’est pas meilleure que la pyréthrine de synthèse.

Enfin, certains dossiers posent un problème particulier de traitement. Les demandes concernant les deux produits que vous avez cités, monsieur le président, à savoir le Gaucho 350 et le Gaucho Néo, pour lesquels nous avons lancé une consultation publique – une procédure que nous ne sommes pas obligés d’engager, et à laquelle nous n’avons recouru cet été, après la promulgation de la loi, que dans un souci de parfaite transparence – avaient été déposées par Bayer en 2012. Il s’agissait pour le Gaucho 350 d’un simple renouvellement d’AMM pour un produit déjà commercialisé ; quant au Gaucho Néo, qui combine un néonicotinoïde avec un antifongique pour le traitement des semences, il a déjà un équivalent sur le marché. La loi sur la biodiversité fixe une interdiction d’usage des néonicotinoïdes en 2018, sans moratoire. Or, l’autorisation de mise sur le marché constitue une compétence que le Parlement nous a transférée en 2014, et qui s’appuie sur la réglementation européenne. Autrement dit, dans le cadre de cette réglementation européenne, nous ne pouvons pas ne pas donner ces AMM sur la base des éléments dont nous avons connaissance – d’autant que l’un des deux produits est déjà sur le marché.

Nos recommandations, qui établissaient des restrictions de gestion pour les agriculteurs par rapport aux usages actuels, allaient dans le sens d’une meilleure protection. Certaines associations nous accusent de bafouer la loi, mais je rappelle que la loi ne prévoit pas de moratoire qui nous fournirait un cadre juridique pour refuser une AMM. Aujourd’hui, la consultation publique nous a permis de recueillir tout un ensemble de données supplémentaires que nous sommes en train d’analyser, et sur la base desquelles nous prendrons une décision en fonction du cadre réglementaire à notre disposition. C’est le ministre de l’agriculture qui est compétent à ce stade et, s’il souhaite s’opposer à la mise sur le marché, ou s’il veut nous demander une autorisation sous un délai de 120 jours, il en a la possibilité sur le plan réglementaire.

Lorsque nous procédons à une évaluation comparative, nous trouvons des méthodes alternatives. Dans certains cas, on dira que des méthodes substitutives sont plus intéressantes que les néonicotinoïdes ; dans d’autres, les néonicotinoïdes resteront la méthode présentant le plus d’intérêt. J’insiste sur le fait que, dans les cas où il existe une meilleure alternative, la réglementation européenne – sauf dans le cas du thiaclopride, inscrit sur une liste de candidats à la substitution – ne nous permet pas de ne pas délivrer d’AMM pour ces produits si nous ne démontrons pas qu’il existe un risque inhérent à ces produits. Ceux-ci doivent donc être inscrits sur la liste de substitution prévue à l’article 50 du règlement européen pour que les meilleures alternatives nous permettent de ne pas délivrer les AMM. En d’autres termes, nous avons jusqu’à 2020 pour obtenir de la Commission que les cinq substances actives soient inscrites sur la liste de substitution ; à défaut, nous serons exposés à un important risque de contentieux.

Mme Françoise Weber, directrice générale adjointe de l’ANSES. Quand nous effectuons une étude afin de mettre en balance les bénéfices et les risques des néonicotinoïdes et de leurs alternatives pour chacun des usages, la première étape de notre travail est celle consistant à identifier ces alternatives. Pour cela, nous avons mis en place, par appel à candidature, un groupe de travail spécifique, constitué d’experts indépendants – chercheurs, experts et universitaires spécialisés en agronomie, et parfois en agroécologie. Nous mettons à profit les connaissances les plus récentes pour identifier les alternatives, et donnons également au groupe de travail la possibilité d’entendre d’autres experts confirmés, des filières ou des spécialistes de terrain – ce qu’il fait en toute indépendance.

Une fois toutes les connaissances rassemblées, le groupe de travail aura complété les 1 600 lignes d’un tableau associant chacune un produit, un nuisible et un usage, avec les alternatives apparaissant dans la colonne de droite. Nous transmettrons ce tableau à nos comités d’experts spécialisés qui, pour chacune des lignes, détermineront, pour le néonicotinoïde et pour son alternative, l’impact sur la santé, sur l’environnement, sur la faune et la flore. Nous serons ainsi en mesure de soumettre aux décideurs publics, en décembre prochain, la première version d’un tableau faisant apparaître, pour chaque ligne, l’impact du néonicotinoïde d’une part, de son alternative d’autre part. Nous travaillons en priorité sur des usages qui, au regard de notre avis de janvier dernier, sont ceux posant le plus de problèmes ou suscitant le plus d’incertitudes, à savoir les traitements de semences et les traitements foliaires en arboriculture et en viticulture.

M. Roger Genet. En ce qui concerne les travailleurs agricoles, il est extrêmement difficile d’établir des normes d’exposition, précisément parce que cette exposition diffère en fonction des travailleurs, des pratiques culturales, des terroirs ou encore de la situation des riverains, ce qui aboutit à des indicateurs d’exposition forcément composites. Dans le vignoble bordelais, nous avons rendu récemment un avis sur les délais de rentrée – c’est-à-dire la période à l’issue de laquelle les agriculteurs peuvent revenir sur les lieux de traitement – qui a pu décevoir les attentes de certains, qui auraient souhaité qu’on leur dise, par exemple : « Vous pouvez retourner sur vos parcelles quarante-huit heures après les avoir traitées ». Il nous est absolument impossible de rendre un avis aussi simple, tant les situations diffèrent les unes des autres, en fonction des traitements et des mélanges utilisés, ou encore des successions de traitements, qui aboutissent à des expositions différentes : seul l’agriculteur sait exactement ce qu’il a fait.

En tout état de cause, nous avons souligné dans notre rapport le manque de données en termes de surveillance des travailleurs agricoles – qui peut provenir pour partie d’un manque de moyens de la Mutualité sociale agricole (MSA). Il faut absolument améliorer la situation de ce point de vue, car ces données nous sont indispensables pour fonder nos expertises scientifiques et affiner nos modèles : c’est à cette condition que nous améliorerons également les mesures de gestion du risque.

Tout ce qui a été dit par Dominique Gombert, notre directeur de l’évaluation des risques, dans le cadre de l’émission Thalassa sur les rejets d’Alteo, était parfaitement juste, à la fois en termes de surconcentration et en termes d’effets neurotoxiques des substances. Il reste que l’effet sanitaire de la concentration de ces substances dans le bol alimentaire est bien différent, et n’a pas été abordé dans le cadre de l’émission. Par ailleurs, nous ne sommes évidemment pas responsables du montage de l’émission. Cela dit, nous allons vous commenter l’avis que nous avons émis et les études qui restent en cours – étant précisé qu’en matière de rejets, c’est la DREAL (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) qui est compétente pour rendre un avis sur des cas particuliers, l’ANSES, elle, ayant plutôt vocation à rendre des avis généraux relatifs à l’effet sur les riverains en termes de qualité de l’air, ou de qualité sanitaire du poisson pêché à proximité du lieu de rejet.

M. Dominique Gombert, directeur de l’évaluation des risques de l’ANSES. Nous travaillons sur ce dossier depuis fin 2014 à la demande de Mme la ministre de l’écologie, et avons expertisé le dossier de demande de renouvellement d’autorisation de l’exploitant, ce qui a donné lieu à un premier avis rendu par l’agence début 2015. Il nous a ensuite été demandé de compléter certaines lacunes du dossier, permettant notamment de caractériser les impacts du rejet sur le milieu marin, en particulier sur les poissons.

Dans ce cadre, nous avons effectué, en collaboration avec l’IFREMER, une importante campagne durant l’été 2015 – qui donne encore lieu à la production d’avis actuellement – et, à la fin de cette année, nous avons rendu un premier gros travail relatif à la caractérisation des impacts. Évaluer un impact consiste à faire apparaître, par comparaison de mesures effectuées d’une part dans la zone de rejet, d’autre part dans une zone témoin, d’éventuelles différences dans les concentrations de substances chimiques dans l’écosystème. En l’occurrence, nous avions mis en évidence un certain nombre d’impacts en travaillant sur les onze contaminants qui nous semblaient constituer les principaux traceurs du rejet de l’activité d’Alteo, et nous avons relevé des surconcentrations importantes – d’un facteur de 2 à 3 par rapport à la normale pour l’aluminium, ce facteur pouvant aller jusqu’à 10 pour des polluants secondaires.

Il nous a également été demandé de procéder à l’évaluation des risques, non pas pour l’écosystème – cela ne fait pas partie de nos compétences –, mais pour la population : il s’agissait de déterminer à quoi s’exposait la population consommant du poisson pêché dans la zone de rejet et à proximité. Ce travail a donné lieu à deux avis disjoints. Le premier, de juillet 2015, et rendu postérieurement à l’enregistrement des émissions Thalassa et Envoyé spécial, portait sur dix contaminants à l’exception de l’arsenic. Il concluait que la surcontamination des poissons pondérée par la place qu’occupe le poisson dans l’alimentation – même quand cette place est plus élevée que la moyenne – ne permettait pas, pour les onze contaminants visés, de mettre en évidence un risque sanitaire pour les populations concernées.

L’agence a effectué des analyses spécifiques au sujet de ce contaminant complexe qu’est l’arsenic inorganique, sur la base desquelles elle a produit un avis complémentaire. Notre comité d’experts sera saisi de cet avis à la mi-octobre, et devrait rendre des conclusions à la fin de ce mois.

En parallèle, nous devons également mener un travail très important au sujet des dépôts au sol. Historiquement, il existait déjà des dépôts au sol sur les sites de stockage de Mange-Garri. Le ministère de l’écologie nous a demandé d’effectuer un examen du dossier de l’exploitant, ce que nous avons fait en collaboration partielle avec l’IRSN en raison des problématiques que peut engendrer la présence de radioéléments. Nous avons effectué des recommandations, et le BRGM a effectué des mesures qui permettront de caractériser l’impact des dépôts et des envols de poussières sur la population.

La question des parcs éoliens est également très importante, et me donne l’occasion de souligner que, pour répondre à une question, quelle qu’elle soit, nous devons disposer de données, relatives notamment à la caractérisation des dangers résultant des qualités intrinsèques de l’agent étudié – or, sur un grand nombre de sujets, nous sommes confrontés à des lacunes en termes de données d’exposition. En ce qui concerne les parcs éoliens, il nous a été demandé d’évaluer l’impact des émissions d’infrasons. Quand nous avons commencé à travailler sur ce point, nous nous sommes rendu compte que nous disposions de très peu de connaissances sur les effets, donc les dangers éventuels des infrasons, et qu’il n’existait pas de mesures des infrasons à proximité des parcs éoliens. Nous avons donc dû organiser des campagnes de mesures, et même développer nos propres méthodes de mesure, car il est très compliqué d’effectuer la mesure des infrasons dans l’environnement. Nous devrions cependant être en mesure de produire les résultats de notre expertise dans le courant du mois de novembre.

M. Roger Genet. Il a été dit tout à l’heure que nous étions collationneurs, et utilisions toutes les données scientifiques disponibles. Comme vient de l’indiquer Dominique Gombert, nous avons également la capacité d’impulser, au travers de conventions particulières ou de conventions de recherches, des travaux spécifiques venant compléter les données sur lesquelles nous nous appuyons. Notre travail ne se résume donc pas à une analyse de la littérature existante.

M. Dominique Gombert. La question des eaux usées constitue également, depuis longtemps, un sujet important parmi nos travaux. Nous pourrons vous faire parvenir la liste des avis que nous avons rendus à ce sujet – certains du temps de l’AFSSET et de l’AFSSA. Il s’agit d’une question comportant de grands enjeux en termes de gestion de l’eau et d’irrigation, notamment avec la possibilité d’utiliser, pour arroser les cultures, des eaux pouvant contenir des micro-organismes susceptibles d’être à l’origine d’une contamination. L’exposition des travailleurs et des populations riveraines est également très importante. Exposées dans différents avis de l’agence, les réponses à ces questions n’ont malheureusement pas eu toutes les répercussions réglementaires que l’on pouvait en attendre, ce qui fait que des difficultés peuvent se présenter localement. Nous avons également rendu cet été un avis portant sur la question spécifique de la recharge des nappes phréatiques.

La question des radiofréquences constitue une véritable saga au sein de l’agence : depuis que l’AFSSET existe, il y a toujours eu un travail en cours sur cette question – j’en suis personnellement à mon cinquième rapport sur le sujet. Après le rapport de 2013 portant sur l’exposition de la population générale, nous avons souhaité explorer de nouvelles problématiques. Ainsi avons-nous entrepris récemment un travail spécifique portant sur l’exposition des enfants aux radiofréquences, ainsi qu’une étude sur les personnes électrohypersensibles – une thématique qui, à ma connaissance, n’a jamais donné lieu à l’établissement d’un rapport par une agence de sécurité sanitaire – en vue d’une consultation pour avis qui aura lieu début 2017.

Pour ce qui est de l’exposition des enfants aux radiofréquences, nous avons rendu des conclusions assez complexes, en mettant un certain nombre de points en évidence. Pour ce qui est des antennes téléphoniques, qui peuvent conduire à des expositions environnementales, nous soulignons que les normes d’émissions, conçues pour protéger la population générale, devraient être réévaluées afin de prendre en compte les spécificités morphologiques des enfants, à savoir une boîte crânienne et un cerveau plus petits, donc susceptibles, à exposition équivalente, de subir un impact plus important que les adultes. Cela dit, les normes actuelles d’émissions sont de l’ordre de quelques dizaines de volts par mètre, alors que les niveaux environnementaux d’exposition ne dépassent pas 2 à 3 volts par mètre : même s’il fallait réviser les normes, nous disposons d’une marge.

Pour ce qui est des téléphones, la norme est le débit d’absorption spécifique (DAS), actuellement fixé à 2 watts par kilogramme. Nous avons fait des observations sur la façon dont le DAS est défini d’une part, mesuré d’autre part, et des travaux de normalisation sont en cours, visant à garantir que, dans toutes les conditions d’usage, le DAS limite est respecté.

Nous avons également souligné la multiplication croissante des objets communicants pouvant se trouver à proximité des enfants – les téléphones, mais aussi les tablettes et tous les objets connectés émettant des radiofréquences – et la nécessité que tous ces appareils satisfassent aux mêmes exigences que ceux faisant déjà l’objet d’un encadrement : il ne serait pas normal qu’une tablette, par exemple, puisse émettre plus, donc exposer davantage qu’un téléphone.

Enfin, au-delà des perturbations cellulaires susceptibles d’être provoquées par les champs électromagnétiques, nous avons abordé la question des effets comportementaux des produits connectés sur les enfants et les adolescents, à un moment clé de leur développement – une question donnant lieu en ce moment à l’émergence d’une abondante littérature. Une expertise spécifique sera ouverte l’année prochaine sur la question de l’impact des nouvelles technologies sur le développement des enfants et adolescents, ainsi que sur leur santé mentale.

Pour ce qui est du compteur communicant Linky, notre intervention n’a eu lieu qu’au dernier moment, alors que le déploiement était déjà largement engagé. Nous avons été saisis par le ministère de la santé sur une question très particulière, celle de la caractérisation des expositions des compteurs communicants. Là encore, nous avons été confrontés au problème résultant de la faible disponibilité des données de mesures d’exposition. Après avoir récupéré quelques données recueillies soit par l’exploitant soit, plus récemment, par l’Agence nationale des fréquences (ANFR), nous avons lancé, en lien avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), une campagne spécifique visant à caractériser ces émissions. Un avis sera rendu très prochainement – qui, je le précise, ne tiendra aucunement compte de l’intérêt économique du déploiement de cette technologie pour l’exploitant : il s’agira uniquement de caractériser les niveaux d’exposition afin de produire un avis portant sur les enjeux sanitaires associés aux émissions électromagnétiques dans l’environnement intérieur.

M. Roger Genet. J’insiste sur le fait que nous avons, dans le cadre d’un travail portant sur les valeurs réglementaires, défini des valeurs enveloppes en termes de protection générale, ainsi qu’une évaluation de l’impact sanitaire. La question du wifi n’a pas été abordée dans notre étude sur l’impact des radiofréquences sur les enfants, car les émissions les plus importantes proviennent des appareils se trouvant à proximité directe des personnes, à savoir les téléphones portables et les tablettes, et les premières études montrent un effet de ces appareils sur les capacités cognitives, l’attention et la qualité du sommeil des enfants, sans que l’on puisse pour le moment faire la distinction entre un effet potentiel lié aux radiofréquences et un effet lié à l’utilisation même : en d’autres termes, les données disponibles n’excluent pas un effet des radiofréquences, mais ne le démontrent pas. Comme vous le voyez, nos avis en la matière sont complexes, car ils doivent à la fois définir les valeurs maximales à retenir dans un cadre réglementaire et préciser, autant que faire se peut, l’effet sanitaire direct.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mesdames, messieurs, je vous remercie au nom de notre Commission pour cette audition particulièrement riche.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 28 septembre 2016 à 9 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Guy Bailliart, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Julien Dive, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Patrick Lebreton, M. Michel Lesage, M. Gérard Menuel, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier, M. Patrick Weiten

Excusés. - M. Sylvain Berrios, Mme Chantal Berthelot, Mme Marine Brenier, M. Jean-Louis Bricout, M. Patrice Carvalho, Mme Florence Delaunay, M. David Douillet, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, Mme Viviane Le Dissez, M. Franck Marlin, M. Rémi Pauvros, M. Napole Polutélé, Mme Catherine Quéré, M. Martial Saddier, Mme Béatrice Santais, M. Thomas Thévenoud

Assistaient également à la réunion. - Mme Isabelle Attard, M. Lionel Tardy