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Mercredi 9 novembre 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 10

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet, Président

– Table ronde sur le thème « Comprendre les inondations de juin 2016 en Île-de-France », avec la participation de M. Marc Mortureux, directeur général de la prévention des risques, M. Jean-Marc Lacave, président de Météo-France et Mme Emma Haziza, présidente du bureau d’études Mayane

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé une table ronde sur le thème « Comprendre les inondations de juin 2016 en Île-de-France », avec la participation de M. Marc Mortureux, directeur général de la prévention des risques, M. Jean-Marc Lacave, président de Météo-France et Mme Emma Haziza, présidente du bureau d’études Mayane.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mesdames, messieurs les députés, les inondations qui ont frappé le Bassin parisien, et plus particulièrement le sud de l’Île-de-France au mois de juin dernier, ont surpris en raison de leur rapidité, de leur intensité et de leur saisonnalité, à la fin du printemps.

À la demande de Mme Valérie Lacroute, maire de Nemours, et du groupe Les Républicains, il a été décidé d’organiser une table ronde pour mieux comprendre les causes de cette crue, de déterminer si elle a un caractère exceptionnel ou non, donc d’évaluer les risques de nouvelles inondations à l’avenir. Notre réflexion doit nous conduire à améliorer les systèmes d’alerte et de prévention.

C’est pourquoi, je suis particulièrement heureux d’accueillir aujourd’hui M. Marc Mortureux, directeur général de la prévention des risques, M. Jean-Marc Lacave, président de Météo-France et M. Olivier Rivière, directeur de la stratégie, et Mme Emma Haziza, présidente de Mayane.

M. Marc Mortureux, directeur général de la prévention des risques. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de nous donner l’occasion de revenir sur les inondations du mois de juin dernier. Cette culture du retour d’expérience, qui commence d’ailleurs à bien se développer, permet de tirer les leçons de ce type d’événement.

Je suis directeur général de la prévention des risques au ministère de l’écologie, à la fois des risques naturels et technologiques. Le service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévention des inondations (Schapi), basé à Toulouse sur le campus de Météo-France, pilote le réseau de la prévention des crues et de l’hydrométrie. Le réseau Vigicrues informe, en temps réel et de façon permanente, sur l’état de 22 000 kilomètres de cours d’eau, la hauteur et éventuellement le débit.

Un mot sur l’événement que j’ai vécu du lundi 30 mai au dimanche 5 juin. La gestion de crise a été décidée, avec la ministre Ségolène Royal, à partir du mardi matin et tous les dispositifs du Schapi ont été mis en œuvre. Les prévisions étaient actualisées au moins deux fois par jour. Un premier point presse était fait en fin de matinée, et un autre avait lieu systématiquement à dix-sept heures, afin de donner des informations le plus rapidement possible et de façon la plus transparente.

Je vous rappelle les faits : le mois de mai a été très pluvieux et il y a eu beaucoup d’orages le week-end du 28 et 29 mai. Le lundi et le mardi suivants, la pluie est tombée en continu. Aussi les terrains étaient-ils complètement saturés. On a donc connu une crue exceptionnelle de certains affluents de la Seine, en particulier du Loing, et de petits cours d’eau comme l’Essonne, l’Orge et l’Yvette, avec des niveaux qui ont dépassé toutes les références que nous avions, même la fameuse crue de 1910 en ce qui concerne le Loing. Tout cela a contribué à faire monter le niveau de la Seine qui a atteint 6,10 mètres au pont d’Austerlitz, à Paris, le matin du samedi 4 juin. Ce chiffre est à comparer aux 6,18 mètres enregistrés en 1982, malgré tout très loin de la crue de 1910 où l’on avait atteint 8,62 mètres, soit 2,5 mètres de plus. Si ce niveau n’a pas été atteint, c’est parce que l’Yonne et la Marne, qui sont pourtant des affluents très importants, ont été en crue de façon modérée. Il faut savoir que le dimanche 29 mai, le niveau de la Seine était de 1,04 mètre, niveau assez classique à cette époque de l’année, et qu’il est montré très rapidement, de 1,60 mètre en une seule journée, le mardi. Contrairement à ce qui avait été dit, la montée et la descente ont été très rapides.

On a parlé de Paris et de l’Île-de-France, mais il ne faut pas oublier le Loiret, le Cher et ses affluents, avec une mise sous surveillance pendant plusieurs jours de la digue de Villandry parce que la cote de sécurité avait été dépassée. Des évacuations préventives ont eu lieu en prévision de la rupture de cette digue.

Les inondations ont concerné d’autres pays que la France, et notamment l’Allemagne. Le préjudice au plan économique est évalué à environ 1 milliard d’euros, montant un peu plus élevé encore en Allemagne. C’est le plus fort préjudice sur un événement donné depuis la mise en place du dispositif catastrophe naturelle, CATNAT. Nous avons déploré quatre morts sur l’ensemble de la période, directement ou indirectement liés à ce phénomène, y compris l’épisode orageux dans le nord de la France où un automobiliste s’est noyé en empruntant une route inondée. Enfin, on a recensé environ 20 000 évacuations, ce qui est important.

On a estimé le montant des dégâts d’une crue du type de celle que l’on a connue à Paris en 1910 entre 20 et 40 milliards d’euros. Aussi, si les inondations de ce mois de juin ont été de grande ampleur, les dégâts auraient pu être bien plus lourds. Sur le plan météorologique, Jean-Marc Lacave vous dira peut-être qu’il n’est pas du tout impossible d’envisager des phénomènes sensiblement plus importants.

Ces inondations ont eu la spécificité d’être causées par beaucoup de petits affluents qui ne sont pas tous équipés de dispositifs de surveillance. De plus, ces cours d’eau ne sont pas, pour l’essentiel, dans des territoires à risque important inondation (TRI). Dans le cadre de la directive européenne relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation, 122 TRI ont été identifiés. Or il se trouve que la plupart des endroits qui ont été le plus touchés – Montargis, Nemours, Romorantin etc. – ne sont pas à l’intérieur des périmètres qui ont été décrits. Ce n’est pas une surprise en soi parce que ces TRI ont été surtout dimensionnés par rapport au risque d’inondation et à l’ampleur de la population susceptible d’être touchée. Toutefois, cela nous interpelle de savoir que les endroits qui ont été le plus durement affectés ne sont pas dans ces territoires à risque important inondation.

Ce phénomène a eu également pour spécificité d’être assez rapide et d’intervenir assez tard dans l’année, avec des conséquences importantes sur le plan agricole. De plus, à cette époque, les barrages réservoirs qui sont bien en amont de l’agglomération parisienne sont à peu près pleins puisqu’ils servent aussi à l’étiage, à entretenir le débit des cours d’eau. Du coup, ils ne peuvent plus jouer le rôle d’écrêtage des crues. Sachant que les pluies sont tombées surtout en aval de ces barrages réservoirs, ils n’auraient pas de toute façon forcément joué un rôle majeur. Mais il faut tout de même prendre en compte cette spécificité.

Un mot sur la gestion de crise que j’ai pu vivre d’assez près pendant toute la semaine. J’ai été assez impressionné par la qualité de la mobilisation de tous les acteurs sur le terrain – collectivités locales, services de l’État, opérateurs privés. Mais il faut savoir que, si le phénomène avait été beaucoup plus important, nous aurions été aux limites, en termes de ressources humaines, pour assurer la surveillance de toute une série de digues, de points sensibles. Tout cela repose en fait sur un nombre de personnes relativement limité. Je pense qu’il en est de même au niveau des communes. En l’occurrence, s’agissant de l’épisode lui-même, je trouve que les choses se sont bien passées, notamment le déclenchement des vigilances par Météo-France, soit au titre des phénomènes météorologiques, soit au titre des prévisions de crue des cours d’eau. Dès qu’un tronçon de cours d’eau est déclaré, dans le cadre de Vigicrues, en vigilance jaune, orange ou rouge, le département est automatiquement placé par Météo-France en vigilance jaune, orange ou rouge. Globalement, lorsque l’on reprend le séquencement de ces différentes journées, on voit que le passage à un niveau de vigilance a eu lieu au moins vingt-quatre heures avant l’arrivée des événements. Au début du phénomène, il est clair que les préavis sont extrêmement courts. Par exemple, pour Montargis, le Loing amont est passé en vigilance jaune le dimanche, orange le lundi et rouge le mardi matin. Dès le lundi soir, il y avait déjà beaucoup de dégâts. Certes, les premières villes touchées ont été prises de court, mais après, en aval, l’information est bien passée – elle était très médiatisée. En tout cas, il n’y a pas eu d’erreur manifeste, me semble-t-il, même si des questions se posent sur la prévision.

Quand nous nous sommes mis en gestion de crise le mardi matin, je dois avouer que nous n’anticipions pas malgré tout un phénomène de cette ampleur et nous n’avions pas d’éléments d’analyse permettant de prévoir un tel événement.

Toute une série de retours d’expérience sont en cours. Des missions ont été confiées au Conseil général de l’environnement et du développement durable (GEDD), et dans les départements chaque préfet a coordonné un exercice de retour d’expérience. Dès le début du mois de juillet, un premier bilan a eu lieu avec l’ensemble des acteurs, avec un sentiment assez partagé que tout s’est plutôt bien passé. Mais, je le répète, si le phénomène avait été de plus grande ampleur, tout aurait été bien plus compliqué. Si les réseaux d’électricité, des télécoms, etc. qui sont vitaux pour notre vie quotidienne, avaient été touchés, la gestion de l’événement aurait été infiniment plus complexe.

Quant au dispositif Vigicrues, il a bien fonctionné. Mais on a vu que certains cours d’eau, qui ne sont pas surveillés, ont été à l’origine de beaucoup de problèmes, ce qui nous interpelle. Actuellement, le dispositif surveille 22 000 kilomètres de cours d’eau – je rappelle qu’il y en a plus de 100 000 de plus d’un mètre de large. On ne peut probablement pas tout gérer de façon centralisée. Peut-être faut-il travailler avec les communes, les syndicats de communes, ce qui permettrait une complémentarité avec le dispositif national.

Il est nécessaire également de mieux fiabiliser certaines stations de mesure. Le vendredi matin, à moins de vingt-quatre heures du sommet de la crue, est survenu en effet un petit incident sur la station clé du pont d’Austerlitz, probablement lié à des déchets qui ont faussé la mesure du capteur de pression. Nous nous sommes retrouvés avec un décalage de trente centimètres, qui a été vite découvert parce que nous avons des lectures directes, mais qui a généré un peu d’émoi sur le moment, sachant que toute la prévision ne se fait pas sur une seule mesure. Nous avons donc déjà mené un travail pour renforcer, avoir des redondances sur les stations de mesure les plus critiques. Quant à la modélisation elle-même, il reste du travail à faire. Nous avons bien vu qu’il y avait un certain nombre d’incertitudes puisque chaque fois que nous faisions tourner les modèles, nous obtenions des fourchettes un peu différentes. Il y aura toujours des incertitudes ; c’est inévitable. Des progrès sont certainement possibles sur la modélisation pour améliorer la prévision à vingt-quatre heures et se projeter un peu plus loin, sachant que ce n’est pas toujours facile parce que les scénarios sont différents à chaque fois.

Nous avions eu la chance de réaliser, au mois de mars, l’opération Sequana, cet exercice de grande ampleur de simulation d’une crue majeure de la Seine. Il est clair que cela a aidé la gestion de l’événement. Il y a eu des réflexes et coordination des différents opérateurs. J’insiste sur l’importance d’effectuer des exercices. Les plans communaux de sauvegarde (PCS) sont absolument indispensables, et il faut les tester concrètement et les réviser régulièrement. Peut-être faut-il aussi simplifier dans un certain nombre de cas et s’assurer de leur caractère opérationnel.

La question de la fragilité d’un certain nombre d’ouvrages se pose également. Une digue sur le canal de Briare qui appartient à Voies navigables de France (VNF) a rompu en amont de Montargis. Il semble que cela ait généré quelques centimètres supplémentaires pendant un certain temps. Cela pose la question de l’entretien de toutes ces digues sur l’ensemble du territoire et de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (GEMAPI) dont la responsabilité est désormais confiée aux intercommunalités. La responsabilité des digues et de leur entretien est un élément important dans le dispositif de prévention des inondations.

À Nemours, l’odeur des pollutions par les hydrocarbures a été spectaculaire. Là aussi, il est clair qu’il faut effectuer un travail en amont pour voir comment réduire la vulnérabilité des territoires. Les cuves, les fûts qui se renversent et occasionnent des pollutions aux hydrocarbures sont un vrai problème, de même que la génération des déchets. Nous avions déjà travaillé sur ces problématiques, et un certain nombre d’organismes sont venus apporter leur aide. C’est un sujet complexe dans l’après crise pour les communes.

Nous avions plutôt bien géré l’information des sites industriels Seveso pour mettre en sécurité les sites susceptibles d’être inondés. Dans ce cadre, un travail important a été effectué.

Les plans de prévention de risques des inondations (PPRI), qui sont élaborés par l’État avec les collectivités locales, visent à imposer un certain nombre de contraintes en matière d’urbanisme dans les zones particulièrement exposées aux risques inondation. Il est nécessaire de revoir un certain nombre de ces plans parce que les hypothèses qui avaient été retenues ont été dépassées.

Lorsque de tels événements surviennent ou lorsque l’on identifie qu’ils peuvent se produire quelque part, il faut apprendre à construire autrement, c’est-à-dire prendre en compte le risque inondation dans l’aménagement du territoire. La ministre a lancé un grand prix d’aménagement pour apprendre à innover dans les procédures d’aménagement, afin de créer des territoires où la vulnérabilité sera fortement réduite. Il existe des dispositifs tout simples, par exemple veiller à installer les postes électriques suffisamment en hauteur, ce qui aura des conséquences moindres, sur les plans humain et économique, même si le territoire est inondé. C’est une dimension très importante qu’il faut prendre en compte pour le futur.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie pour toutes les informations que vous venez de nous donner.

M. Jean-Marc Lacave, président de Météo-France. Mesdames, messieurs les députés, je vous prie de m’excuser car je vais devoir vous quitter à onze heures. Mais comme je ne veux pas frustrer les échanges, Olivier Rivière sera là pour représenter Météo-France.

M. Marc Mortureux vous ayant donné beaucoup d’informations, je serai plus succinct en ce qui concerne la description du déroulement de l’événement et je vous parlerai du seul point de vue de Météo-France.

Les six premiers mois de l’année 2016 ont connu une pluviométrie très excédentaire sur la moitié nord du pays – en moyenne 30 % de pluies supplémentaires, avec des records de pluie dès janvier et février dans le nord de la France. Seul le mois d’avril a connu une situation normale. Quant au mois de mai, il a été tout à fait exceptionnel puisque c’est le mois le plus pluvieux depuis 1959 en Bourgogne, Centre-Val de Loire, Île-de-France et Picardie. À Paris, on a battu le record de 1873, début des recensements de pluie, et à Romorantin celui de 1922.

Le mois de mai lui-même a été haché entre plusieurs périodes. Les pluies ont été abondantes du 20 au 22 mai puis elles se sont calmées le lundi, le mardi et le mercredi, avant de reprendre le jeudi 26 et le vendredi 27. Les pluies ont été très abondantes le samedi 28 et le dimanche 29 puis exceptionnelles le lundi 30 mai.

Le cumul des précipitations sur le mois de mai a été à peu près normal jusqu’au jeudi, et c’est à partir de cette date que le cumul du mois de mai est devenu très supérieur à la normale constatée.

D’un point de vue purement météorologique, on était dans un régime de dépression en provenance de l’Atlantique assez normal en cette période de l’année. Si l’on rencontre d’ordinaire ce type de régime plutôt à la fin de l’hiver, il arrive souvent que le pays soit traversé, au printemps, par un régime dépressionnaire avec en même temps de l’air chaud et humide en provenance du sud de l’Espagne. La combinaison de cet air chaud et humide et de ces dépressions entretient des phénomènes de précipitations abondantes et continues. Ce qui est particulier cette fois, c’est que la dépression se bloque, trouve un point d’équilibre, si j’ose dire, sur l’Allemagne pour des raisons physiques. Cette dépression fait donc du surplace, le noyau de pluie est plutôt stable, peu mobile. On a des retours de pluies qui arrivent continûment, notamment le dimanche et le lundi, de l’Allemagne et du Benelux, par le phénomène de rotation de l’atmosphère.

Ce qui aggrave les choses, c’est que depuis le début de l’année, notamment depuis le début du mois de mai, les sols sont largement saturés, le week-end précédent n’ayant évidemment pas arrangé les choses. Cet air chaud et humide combiné à la dépression donne des intensités parfois remarquables. Ce qui sera exceptionnel, ce n’est pas tellement la pluie instantanée en intensité comme cela se produit avec un orage, dans un épisode cévenol par exemple, mais le cumul sur cinq jours, du jeudi au lundi, la pluie n’ayant jamais dépassé les seuils de vigilance rouge. Le lundi, jour où il a le plus plu, n’a pas connu une intensité exceptionnelle – il y a déjà eu des seuils de cette nature à cette période de l’année. Simplement il se trouve que cette cinquième journée s’additionne aux quatre jours précédents. On atteint alors un cumul tout à fait exceptionnel.

J’en viens aux prévisions. Le mercredi précédent, nous n’avions pas de signal suffisamment robuste sur un phénomène remarquable. Nous utilisons un certain nombre de modèles : des modèles globaux à l’échelle de la planète, un modèle européen, lui aussi à l’échelle de la planète, qui est de grande qualité – c’est souvent un élément de référence qui nous aide dans nos analyses–, et nos modèles à maille fine. On a identifié le blocage de la dépression sur l’Allemagne le jeudi, mais il y avait beaucoup d’incertitudes quant à la position exacte et l’intensité des pluies qui allaient en découler. Nous avons signalé l’événement de façon officielle à partir du jeudi. Le dimanche, nous avons eu confirmation du phénomène, convergence des modèles numériques sur la position de la dépression, mais nous avions encore des incertitudes sur son intensité, sa localisation et sa durée. Ce n’est que le lundi, c’est-à-dire le jour où il pleut beaucoup, que les modèles convergent sur la localisation, l’intensité et l’axe du cumul des précipitations. On voit bien que ce sont des phénomènes encore difficilement appréhendés avec beaucoup d’anticipation sur les modèles numériques, du fait des limites mêmes de nos puissances de calcul. Nous savions qu’il allait se passer quelque chose, mais la difficulté c’était de savoir où et avec quelle intensité exactement.

En même temps que nous suivions nos modèles, nous avons fait nos premières communications. Il existe en fait deux types de communication : les communications régulières et les communications exceptionnelles en fonction des événements. Nous publions des bulletins de précipitations deux fois par jour. Le premier bulletin produit à sept heures du matin le samedi 28 donne la quantité de pluie dans les deux jours à venir. Nous nous rendons alors vraiment compte que nous entrons dans des phénomènes de cumuls exceptionnels. Aussi passons-nous de la production régulière à la production exceptionnelle de crise avec un outil qui est non plus le bulletin, mais l’avertissement précipitations. Du 29 mai au 2 juin, nous allons émettre neuf avertissements précipitations parce que l’on dépasse un certain nombre de seuils fixés dans nos tablettes, en liaison avec les services aval d’annonce des crues, le Schapi ou les services de prévision des crues (SPC).

Le lundi 30 mai, en début de matinée, nous avons commencé à mettre en vigilance orange pluies l’Île-de-France et un certain nombre de départements. Nous levons la vigilance orange le mardi, parce que considérons que nous arrivons à la fin de l’épisode de pluies remarquables. Mais le phénomène lui-même, son impact, ses conséquences prend la suite non plus avec la vigilance pluies-inondations mais avec la Vigicrues dont M. Marc Mortureux vient de parler.

Comme il s’agissait plus d’un cumul de pluies sur plusieurs jours que d’une question d’intensité instantanée, il n’y a jamais eu de dépassement des seuils qui justifiait, météorologiquement parlant, ni le week-end, ni le lundi, le passage à la vigilance rouge. Je le répète, l’aspect « crues » a été envisagé à partir du mardi, mais auparavant Météo-France n’avait pas considéré que l’on était dans un phénomène météorologique de nature rouge. C’est un problème de cumuls sur des sols saturés.

En dehors des avertissements pluies d’une part, et de la vigilance d’autre part, Météo-France a procédé à partir du 30 mai, avec son centre national de prévision ou avec les centres régionaux comme celui de l’Île-de-France qui couvre l’Île-de-France et le Centre, à des web conférences, audioconférences, etc. c’est-à-dire les outils qui sont régulièrement inscrits dans nos procédures de communication, avec le Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC), les centres opérationnels de zone (COZ) de Paris ou de l’Ouest, le Schapi, les SPC, pour faire partager l’information le plus largement possible, sans compter que les annonces de précipitations intenses font également l’objet de communications directes vers les collectivités locales concernées qui sont abonnées, ce service étant mis gratuitement à leur disposition par Météo-France.

Je tenais à expliquer comment nous avons vécu l’événement, comment nous l’avons vu venir, comment nous avons plus ou moins anticipé sa bonne dimension, et comment paradoxalement il s’est arrêté le lundi ou le mardi, pour laisser place aux conséquences en termes d’inondations. Nous étions mobilisés pour vérifier que de nouvelles pluies ne viendraient pas s’additionner au phénomène de crues rapides pour certains petits cours d’eau, ou de crues lentes comme celui de la Seine, que l’on a connu à partir de ces cumuls du week-end précédent.

Mme Emma Haziza, présidente du bureau d’études Mayane. Je dirige un bureau d’études un peu particulier puisqu’il constitue un centre de recherche « action » au sein duquel travaillent des docteurs ayant soutenu des thèses sur la question du risque inondation. L’ensemble des aspects est ainsi abordé dès lors qu’ils sont susceptibles de concerner le risque, qu’ils soient réglementaires, psychosociologiques, hydrologiques ou météorologiques, etc.

Mayane comprend quatre départements.

Le premier traite principalement de la gestion des risques et des crises. Nous travaillons sur les plans communaux de sauvegarde et cherchons principalement à améliorer les méthodologies mises en œuvre. Nous incitons nos interlocuteurs à ne pas s’appuyer sur le zonage réglementaire des PPRI en allant plus loin, par la prise en compte du ruissellement dans les zones endoréiques où convergent les eaux.

Nous tâchons de mettre en œuvre des solutions opérationnelles, car un maire reste avant tout un décideur et a besoin de solutions pragmatiques, ce qui nécessite en amont une ingénierie complexe, mais très vulgarisée.

Le second département traite de la réduction de la vulnérabilité, donc de la prospective. Nous développons des méthodes novatrices dans ce domaine, qu’il s’agisse du bâti individuel, public ou collectif. Cette question connaît aujourd’hui un véritable engouement, alors que fort peu de méthodes sont concrètement mises en œuvre.

Nous travaillons avec la ville de Nîmes, et nous sommes donnés pour cible un tiers de la population située en zone inondable et pour objet la qualification des travaux à mettre en œuvre sur le bâti afin de permettre aux intéressés de continuer d’habiter dans ces zones. De fait, Nîmes ne va pas être rasée alors qu’une hauteur d’eau de deux mètres a parfois été atteinte. Il s’agit malgré tout d’empêcher l’eau de pénétrer ou, à tout le moins, faute d’autre solution, de permettre à la population de se protéger.

Toutes les méthodes de réduction de la vulnérabilité peuvent être créées, comme une zone refuge lorsque le niveau des eaux surpasse le bâti : faut-il encore que la personne puisse gagner la zone concernée. Aussi développons-nous une dimension organisationnelle, qui est essentielle.

À cette fin nous entrons chez les familles et échangeons avec la population ; nous cherchons à comprendre leur perception du risque. Nous avons d’ailleurs constaté une différence considérable entre les personnes ayant déjà vécu de tels évènements, en 1988 ou 2014, par exemple, et les personnes venant d’arriver sur le territoire, qui n’ont aucune perception de la dynamique de ce type de crues. Cet aspect est essentiel, et nous appliquons des méthodes psychosociologiques, car nous devons échanger avec des gens qui ont été sinistrés et traumatisés.

Notre travail revêt par ailleurs des aspects très techniques puisqu’il s’agit d’analyser le bâti ainsi que les hauteurs d’eau susceptibles d’y entrer, cela à l’échelle du bâti individuel. Nous tâchons ensuite de trouver les mesures adaptées et nous accompagnons les familles dans la mise en place de ces solutions, ensuite prises en charge par des financements adaptés, notamment par le truchement du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « Barnier ». À ce jour, nous avons réalisé plus de 600 diagnostics de maisons individuelles et plus d’une centaine de bâtis collectifs, notre objectif étant de 5 000 diagnostics.

La semaine dernière, je me trouvais à Montargis, avec le maire, M. Jean-Pierre Door ; cette ville a été sérieusement touchée par la crue du mois de juin 2016. J’ai notamment parcouru les rues ayant été les plus sinistrées où, aujourd’hui, la plupart des commerces sont toujours fermés. Il m’a été indiqué qu’un commerçant venait de rouvrir ses portes ; il avait reçu une indemnisation de 300 000 euros et contracté un prêt de 130 000 euros. Je lui ai demandé s’il avait reconstruit à l’identique, et, tout naturellement, il m’a répondu positivement. Je lui ai fait part de l’existence de solutions susceptible d’empêcher l’eau de pénétrer, ne fût-ce que des bâtardeaux, d’autant plus, qu’en juin 2016, la vitesse de l’eau n’était pas très rapide.

Si une nouvelle crue devait à nouveau survenir, ce qui est potentiellement possible, dans la mesure où aucuns travaux n’ont été réalisés sur le linéaire du Loing, les mêmes inondations seraient constatées.

C’est pourquoi cette question est essentielle, que ce soit pour le tissu économique ou le bâti individuel : il faut chercher à faire comprendre aux aménageurs que ces inondations doivent servir de leçon, comme une piqûre de rappel. De véritables synergies se mettent d’ailleurs en œuvre sur le territoire national, dont le grand prix d’aménagement « Comment mieux bâtir en terrains inondables constructibles » constitue l’une des concrétisations. Toute la France n’a pas vécu les inondations de 1910, mais le bassin du Loing les a connues ; ces expériences doivent être autant d’occasions de reconstruire mieux.

Aujourd’hui, la science et la recherchent établissent des méthodes concrètes, permettant la mise en place de solutions existantes.

Le troisième département du cabinet Mayane se consacre à la communication, car il faut apprendre à communiquer sur les risques. Ainsi les degrés rouge ou orange, ou l’ensemble du dispositif Vigicrues sont très mal compris des populations. Pour enseigner depuis plus de dix ans dans les mastères spécialisés en hydrologie, je demande souvent à mes interlocuteurs s’ils connaissent Vigicrues : il y a encore deux ou trois ans, ce type de sites présents sur la Toile n’étaient pas connus.

Un travail de communication reste donc à conduire, qui passe par la diffusion des documents existants, chaque commune dispose d’informations relatives aux risques majeurs, censés rappeler les mesures à mettre en œuvre. Il est impérieux d’établir un lien entre les politiques générales et la façon dont elles sont perçues et comprises par la population.

On évoque souvent les gestes adaptés à connaître, car ils doivent changer en fonction des aléas auxquels on se trouve confronté. Le comportement ne peut pas être le même si l’on est confronté à une submersion marine, à un risque de ruissellement ou de submersion des cours d’eau où l’on sait être situé en zone inondable. Il s’agit donc d’une réflexion que nous menons sur l’ensemble du territoire de la France métropolitaine.

Le quatrième département traite de l’éducation ; il a formé plus de 50 000 enfants au risque inondation dans le sud de la France, notamment dans des zones inondables. Un véritable travail d’information de la jeunesse et de la population doit être mené. Avec sept années de recul, alors que nous formons 15 000 enfants par an, du CE2 jusqu’à la cinquième, nous constatons que la connaissance du site internet Météo France dans les familles est remontée par ces jeunes.

Nous apprenons aux enfants à comprendre par eux-mêmes les images satellites, à comprendre ce que signifie une vigilance orange, chose qui n’est pas claire pour tout le monde, et les gens ignorent comment se comporter. Je conçois que, sur le plan scientifique, il est nécessaire d’établir des seuils, notamment afin de déclencher la phase de vigilance rouge. Mais une différence colossale existe entre le niveau hydrométéorologique atteint lors de la survenance du phénomène lui-même et la perception qu’en a la population.

Lors des inondations de Montpellier en 2014, deux évènements concomitants sont advenus. La première semaine dans un bassin urbain et très médiatisé, alors que seule la ville avait été touchée, et que seuls des effets de ruissellement s’étaient produits. La semaine suivante, un phénomène d’ampleur supérieure est survenu, la nuit, sur l’amont du bassin : 300 maisons ont été touchées, dont certaines ont été soulevées et se sont reposées de travers ; les dégâts ont été colossaux, fort heureusement il n’y a pas eu de victimes. Ce second événement n’a pas été médiatisé parce qu’il concernait principalement les linéaires principaux de cours d’eau.

Une réflexion globale s’impose donc, à l’échelon territorial au sujet de l’information transmise, des outils existants — et ils existent —, que ce soit dans le domaine de la gestion de crise, de la réflexion en amont sur une meilleure reconstruction de l’habitat. La perception par la population constitue un enjeu primordial, car des thèses ont démontré que l’imprudence humaine est à l’origine de la plupart des décès et accidents corporels. Un taux très élevé de personnes victimes trouvées dans leur voiture était propriétaire de véhicules 4X4, qui, se croyant en sécurité, sont entrés dans des zones inondables.

La question est donc bien celle de la perception, et ce travail doit être conduit avec la population ; c’est ce à quoi nous nous attachons au quotidien.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’ai récemment lu un article d’Emmanuel Garnier, directeur de recherche au CNRS, intitulé : Un éclairage historique, relatif à l’inondation atypique du mois de juin 2016, en Île-de-France. M. Garnier écrit : « Il y a urgence à réfléchir aux stratégies de résilience du futur en matière de risques naturels dans une perspective plus historique, à même de donner de l’épaisseur temporelle aux séries utilisées par les climatologues et les gestionnaires. Pour ce faire, cela impliquera, comme le disent les Anglo-Saxons, de penser « en dehors de la boîte » en envisageant des simulations nettement moins attendues, et en renonçant à des schémas trop méthodologiquement et hydrologiquement corrects. Dans le cas contraire, le risque sera grand, pour Paris et l’Île-de-France, d’être victime du syndrome de la ligne Maginot, autrement dit, d’attendre l’adversaire là où il ne viendra pas. »

Je souhaitais partager avec vous cette conclusion. Je cède maintenant la parole à Mme Valérie Lacroute.

Mme Valérie Lacroute. Merci, monsieur le président, d’avoir organisé cette table ronde, et je salue par ailleurs notre collègue Martial Saddier qui a participé à son organisation.

Vous avez suivi de près ce que nous avons vécu en Île-de-France. Tout à fait exceptionnel, le phénomène a été particulièrement traumatisant pour les populations, quand bien même il a été relativement lent, ce qui a limité le nombre de victimes. Les dégâts sont considérables et leur coût s’élève à plus de quatre millions d’euros à Nemours, alors qu’ils ne sont pas toujours indemnisés de façon simple, notamment du fait de l’existence de franchises.

Chacun d’entre vous l’a souligné, de tels évènements nous rappellent la vulnérabilité de nos territoires. Ils nous conduisent à nous interroger sur notre organisation, tant interministérielle que locale, ainsi que sur les actions de prévention, de vigilance et de gestion de crise.

Après la crue du mois de juin 2016, j’ai demandé à la ministre d’engager une mission d’inspection générale, notamment en Seine-et-Marne, et le rapport devrait être remis à la fin de ce mois. Les élus comme la population en attendent beaucoup, monsieur le directeur, car, je l’espère, ce document nous permettra de comprendre un certain nombre de phénomènes.

Il faut se souvenir que le Loing a dépassé la crue de 1910 de quarante centimètres, ce qui pour notre territoire est considérable. Une partie de la population a eu le sentiment que son territoire avait été sacrifié afin d’éviter que Paris ne soit inondé. À cet égard, j’espère que le rapport montrera que cela est inexact, car je considère que c’est le cas. Même si Météo France a expliqué un certain nombre de phénomènes, dont les précipitations exceptionnelles, je souhaite que le rapport établisse une chronologie des évènements naturels.

La pluviométrie a été importante, la digue du canal de Briare s’est effondrée, cet épisode a un temps été sous-estimé, et là aussi, nous avons besoin d’informations précises. Vous avez encore évoqué l’absence de capteurs sur un certain nombre d’affluents du Loing ; or, dès le week-end, les agriculteurs, qui sont des hommes du terrain, comme les habitants, ont observé des débordements anormaux des affluents de cette rivière ainsi que l’engorgement des terres. Comme que vous l’avez souligné en citant Emmanuel Garnier, monsieur le président, la prise en compte des phénomènes de terrain est importante.

Par-delà tout ce que vous avez souligné, monsieur Marc Mortureux, il est fondamental de comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là : quel est l’impact des pluies ? quel est l’impact de l’absence d’entretien des ouvrages sur la rivière ? Car, et je l’ai dit lors du débat sur la loi de finances, les crédits dévolus aux agences de l’eau et à Voies navigables de France (VNF) — partenaires indispensables — doivent être conséquents. Les agences de l’eau financent l’entretien des ouvrages et assistent tous les syndicats de communes dans la gestion des cours d’eau. C’est pourquoi une insuffisance de crédits ne peut que conduire à de nouvelles difficultés.

Je remercie M. Lacave pour toutes les informations qu’il a pu communiquer aux élus ; toutefois j’appelle votre attention sur la précision des éléments que vous fournissez. Entre Vigicrues, l’alerte pluie, l’alerte inondation, le jaune, le orange et le rouge, informations que les élus reçoivent sur leurs téléphones, les élus sont submergés. Ainsi, les alertes orange surviennent-elles très régulièrement, sans donner de précision sur les alertes elles-mêmes : s’agit-il de crues ou de précipitations ?

En l’occurrence, cette imprécision a conduit à une prise de conscience tardive de la part des élus, et, lorsque l’alerte rouge a été donnée chez nous, j’avais de l’eau presque jusqu’à la taille. Il faut encore, ce qui relève plus de la compétence des préfets, que les élus puissent confirmer avec leur téléphone qu’ils ont compris le message reçu. Car aller à la mairie à trois heures du matin pour chercher le fax qui détaille très précisément l’alerte et l’état d’avancement de l’inondation semble aujourd’hui quelque peu désuet.

Par ailleurs, la baisse des crédits de Météo France ne va-t-elle pas éloigner vos agents et agences du terrain ? Comment alerter et comment rassembler toutes ces informations ? En tout état de cause, le niveau d’information adressé aux élus doit être amélioré.

La courbe de Vigicrues montre un manque d’information à des heures qui étaient fatidiques pour les élus, et vous l’avez souligné, monsieur Jean-Marc Lacave, il y a eu à cette occasion un bug de Météo France.

Madame Emma Haziza, je découvre votre bureau d’études, j’ignore s’il est indépendant ou s’il reçoit des financements de la part de l’État. Je veux souligner la multiplicité des organismes existants, et j’en découvre tous les jours ; ils étudient les risques d’inondation, les risques climatiques. J’en suis ravie, mais peut-être conviendrait-il d’en établir un recensement plus précis, afin d’améliorer l’information et la prévention des élus.

La crue du mois de juin 2016 n’avait pas eu d’équivalent depuis 1910, elle était donc absente de l’histoire de la commune. Je découvre que vous vous êtes rendue à Montargis, ce qui est une bonne chose, mais de façon tardive à mes yeux.

Mme Emma Haziza, présidente du bureau d’études Mayane. La date de ma venue a surtout été fonction de l’agenda du maire…(Sourires)

Mme Valérie Lacroute. Si vous êtes venue à la demande du maire, je ne peux que m’en féliciter, mais, si j’établis une comparaison avec la gestion des déchets, je constate que les services de l’État sont venus une semaine après que l’eau soit ressortie des caves. Tous les déchets ont été entreposés sur les trottoirs, et il a fallu que ce soit le maire qui assure leur gestion ; c’est une semaine plus tard que les services de l’État sont venus me dire comment il aurait fallu faire ! Il eut été préférable que je dispose du guide avant.

Enfin, le commerçant reconstruit à l’identique parce que l’assurance rembourse à l’identique, la problématique du système assurantiel est donc posée. Je suis donc ravie d’apprendre que votre cabinet existe et que vous êtes susceptible de vous déplacer, mais ma ville doit prendre en charge un montant d’un million d’euros de dégâts, et je ne suis pas sûre de pouvoir me payer les services d’un bureau d’études afin d’aider Nemours à se reconstruire.

En tout état de cause, la coordination des organismes impliqués doit grandement être améliorée.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je rappelle que le cabinet Mayane est privé ; les choses sont très claires. Il n’y a donc pas de raison de reprocher à Mme Emma Haziza un quelconque retard dans son déplacement à Montargis.

Mesurer les conséquences des précipitations, du mauvais entretien des cours d’eau, du fait que les sols sont rendus toujours plus artificiels et de l’urbanisation, sur les crues est indispensable. Mais il faut aussi mesurer les conséquences du modèle agricole, cette dimension ne doit pas être oubliée ; à mon sens, ce sujet n’est pas suffisamment abordé.

M. Yannick Favennec. Il est difficile de prendre la parole après Valérie Lacroute, car elle a vécu ces évènements de très près. Au nom de groupe Union des démocrates et indépendants, je souhaite remercier les intervenants pour leurs exposés particulièrement intéressants et très formateurs.

Je me bornerai à poser quelques questions.

De quels outils disposons-nous aujourd’hui pour prévoir ces phénomènes ? Lesquels devons-nous améliorer ou développer avant que ne se reproduise ce type d’événement ?

Disposons-nous des bases de données suffisantes, pour mieux prévenir le risque à l’avenir, et mieux penser notre urbanisation ?

Dans quelle mesure le changement climatique est-il susceptible d’expliquer ces phénomènes d’inondation ?

Comment mieux préparer les populations à de tels évènements ?

Quelles sont-elles en cours ou en projet, notamment en Île-de-France ?

Comment travaillez-vous avec les acteurs concernés afin de nous préparer des évènements d’une telle ampleur susceptibles de se reproduire ?

Quelles sont les conséquences de ce type d’inondations sur notre agriculture, notamment sur les rendements ? Que cela signifie-t-il pour notre agriculture ?

Quelles sont les conséquences de tels phénomènes dans le domaine de la pollution des eaux liée à des fuites d’hydrocarbures, comme cela a été constaté ?

On est très surpris d’observer que, malgré ces phénomènes, on persiste à construire dans des zones depuis longtemps réputées inondables ; qu’en pensez-vous ?

J’ai les mêmes lectures que le président de notre Commission puisque, selon l’historien Emmanuel Garnier, notre société a perdu la mémoire des risques, car les repères historiques des crues ont disparu des zones urbanisées. M. Garnier va plus loin en considérant que l’État et la société partagent une commune incapacité à remettre en cause des modèles de développement et d’aménagement du territoire, qui rendent ces désastres inévitables.

Je souhaiterais connaître votre point de vue sur cette position.

M. Jacques Krabal. Je tiens à remercier l’ensemble des intervenants pour la précision de leurs exposés au sujet de la question de la prévention des risques qui constitue pour nous tous un sujet de préoccupation majeure.

Lorsque de telles catastrophes surviennent, nous devons prendre en compte le bilan humain, puisqu’il y a eu quatre décès. De son côté, le bilan économique semble incertain puisque l’évaluation varie de 1 milliard à 1,4 milliard d’euros ; en outre, les pertes pour les chefs d’entreprise n’ont pas été anticipées. Le bilan doit encore être établi sur le plan social, car des agriculteurs ont été privés d’électricité.

La question de l’écologie a aussi été évoquée à travers les pollutions constatées — quand bien même il m’est revenu qu’elles ont été bien anticipées —, et, là aussi, un bilan doit être dressé.

Un lien peut-il être établi entre le réchauffement climatique et ces désordres ? Alors que la fonte des neiges était passée à l’époque, quelles sont les causes météorologiques précises de cette crue ? Comment mieux se prémunir de ces évènements ?

Comme vous l’avez dit, monsieur Jean-Marc Lacave, de par leur complexité, ces phénomènes sont difficiles à anticiper, pour autant, y a-t-il lieu d’établir une corrélation avec la réorganisation de Météo France à l’échelon national, qui aurait réduit le nombre des relais locaux ?

Des progrès, informatiques notamment, sont-ils à attendre dans le domaine de la modélisation afin de perfectionner l’anticipation de ces évènements ?

En tant qu’élu du sud de l’Aisne, je constate que ce département n’a pas été concerné par les crues de la Marne, comme l’Yonne n’a pas été touchée. Est-ce une différence de pluviométrie entre les territoires concernés qui explique ce fait ?

Je voudrais insister plus que vous ne l’avez fait, monsieur Marc Mortureux, sur le rôle des grands lacs, car le sud de l’Aisne est particulièrement concerné par le lac du Der. Vous être passé rapidement sur la question de la gestion des lacs en considérant qu’elle n’était pas essentielle. Or ces lacs étaient pleins, et le sud de l’Aisne et la vallée de la Marne sont directement concernés par la gestion de ces étendues d’eau. Par-delà la question de l’étiage estival, pourquoi laisser ces lacs se remplir alors que la pluviométrie est forte ? On nous a indiqué que ces lacs pourraient sauver Paris, mais qu’en est-il de leur gestion ? Il y a là un problème.

Mme Emma Haziza a évoqué des piqûres de rappel ; qu’il s’agisse d’inondation ou de risque en général, comme Jean de La Fontaine l’a écrit dans la fable L’Hirondelle et les petits oiseaux « Nous ne croyons le mal que quand il est venu. » Il faut donc anticiper ; les aspects budgétaires sont souvent mis en cause, en tant que rapporteur du programme 181 « Prévention des risques » du budget pour 2017, je suis particulièrement heureux que nous ayons maintenu les crédits, et que le Gouvernement nous ait entendus au sujet des 18 millions d’euros inscrits dans le cadre du fonds Barnier.

M. Patrice Carvalho. La crue survenue au mois de juin 2016 a, certes, été exceptionnelle pour Paris, elle n’a pas toutefois constitué pour nous une nouveauté ; car, dans l’Oise, nous avons connu des inondations en 1993, 1994, 1995, 1997, etc.

L’importante crue de 1993 a conduit à la construction de digues à Compiègne afin de protéger cette ville, tout en laissant les eaux monter dans d’autres communes ; et ce phénomène s’est aggravé en 1994 et 1995. Il s’agissait bien de protéger Compiègne puisque son maire a considéré que ce fut grâce au président du syndicat intercommunal à vocations multiples (SIVOM) de l’époque que cette ville n’avait pas été inondée en 1995 et 1996.

Ce sont les communes situées en amont qui sont victimes de ces crues, sans que personne, singulièrement les services de l’État, ne s’en émeuve. Je vous pose la question, M. Marc Mortureux : à quoi servez-vous ? (Murmures divers)

Depuis 1993, dans la vallée de l’Oise, une station d’épuration, un hôpital, le lycée Charles de Gaulle et toute sorte de commerces ont été construits à Compiègne, en zone inondable, sur la rive de l’Oise. Et l’on continue de remblayer, ce que la loi prescrit dans les zones inondables !

Au cours des six derniers mois, je me suis battu contre les services de l’État et le préfet, qui organisaient des réunions dans le département afin d’expliquer qu’il fallait construire dans le lit majeur de l’Oise, car les rivières situées dans les lits majeurs auraient été moins bonnes que celles situées sur les coteaux. Assertion propre à faire rire les agriculteurs, car les alluvions provenant des coteaux sont très riches.

On a fait venir tous les services des fluides, électricité, eau, gaz pour leur demander comment construire en faisant en sorte que les populations continuent d’être alimentées pendant les crues. C’est le monde à l’envers !

Mme Valérie Lacroute a raison : quoiqu’on puisse en dire, on cherche à protéger Paris. Cela se vérifie avec les barrages situés dans le Val-d’Oise, mais aussi par l’urbanisation dans les lits majeurs des rivières. Car cela freine l’eau avançant vers la mer.

Ainsi, quatre morts au mois de juin est-ce trop, mais n’est-ce pas beaucoup. Je rappelle que les eaux ont atteint 6,10 mètres en 2015 contre 8,60 mètres en 1910. Et le recours aux bâtardeaux prêtre à rire ; maire depuis 1989, j’ai connu une dizaine d’inondations. Or, pendant les trente ans précédant ma prise de fonctions, aucun maire n’a connu ce dispositif. Aussi, lorsque la crue survient, on constate que la mémoire de ces bâtardeaux a disparu.

Telle est la réalité de la gestion des crues, si celles-ci survenaient annuellement, il n’y aurait pas de difficulté, mais tel n’est pas le cas, le rythme est aléatoire. Par ailleurs, il convient de distinguer les crues des rivières, plus faciles à gérer, que les crues dues aux précipitations pluviales. Or, les gros orages localisés sont singulièrement difficiles à prévoir, j’ignore comment vous pourriez le faire, « monsieur météo ».

Notre président a raison de considérer que l’agriculture constitue un vecteur majeur d’inondation. Il pleut pendant une demi-heure : gorgés d’eau, les sols n’ont plus aucune capacité d’absorption, et l’eau s’évapore, remplissant encore plus le ciel et les divers niveaux d’eau. Cela dure depuis des décennies et vaut aussi pour les régions forestières exploitées où le dommage est le même. La terre, malheureusement, n’absorbe plus l’eau, qui va dans les rivières. D’excellents films, très pédagogiques, ont été réalisés à ce sujet, il ne serait pas inutile d’en prendre connaissance.

Pour prévenir les crues, monsieur Marc Mortureux, il faut agir en amont : l’alerte du préfet qui enjoint les élus à prendre leurs dispositions arrive trop tard. Comment peut faire le maire qui ne dispose même pas d’un cantonnier ? Privé de moyens, il ne peut que courir dans les rues avec ses bottes, et prévenir ses administrés de la montée des eaux ! (Murmures et rires) Là encore, l’État est totalement absent, c’est aux élus qu’il revient de se débrouiller : c’est ainsi que les choses se passent.

À côté de mon village se trouvaient six corps d’armée, j’ai dû faire le siège de la préfecture et menacer de faire venir la télévision pour que des hommes soient mis à disposition pour une période.

Les digues de nos canaux sont pourries, VNF vous le dira ; le cas échéant, le canal Seine-Nord sera le dernier réalisé. Nos canaux fuient de partout, c’est une réalité que nous vivons ! Dans ma circonscription, le canal est plus élevé que la rivière, mais en amont c’est l’inverse : une digue s’est rompue, l’Oise et l’Aisne sont venues s’y jeter, et le canal a débordé. Ce qui a été catastrophique puisque le canal est plus élevé que la ville.

Lorsque les digues et les canaux sont délaissés pendant des années, et qu’aucun signe majeur ne se manifeste, alors même que sur place nous constatons les fuites, personne ne s’inquiète ; et, une fois que la crue survient, il est trop tard.

J’ai vu les pompiers arriver à l’Assemblée nationale pour installer des bâtardeaux aux portes, c’est un dispositif efficace, j’y ai recouru dans ma propre circonscription ; mais la question n’est-elle pas plutôt de savoir comment empêcher l’eau de rentrer par les soupiraux qui longent tout le bâtiment ? Que savons-nous de l’existence éventuelle de réseaux ?

Nous devons être plus vigilants.

Depuis les années 1960, l’établissement public territorial de bassin, l’entente Oise-Aisne, tâche d’assurer la gestion qui depuis les Ardennes concerne la Meuse, la Marne, l’Oise, ainsi que le Val-d’Oise. Cet établissement a été financé par les conseils généraux, mais, la compétence générale ayant été supprimée, les conseils généraux ne s’en occupent plus. Depuis, des bassins ont été créés avec des gestions de crues, et aujourd’hui il n’y a plus de responsable, car plus personne n’a les moyens d’assumer une quelconque gestion.

Si l’on souhaite régler le problème des crues, il faut multiplier les bassins de rétention : c’est la seule solution, il n’en existe pas d’autres.

M. Jean-Jacques Cottel. Les inondations de la région parisienne survenues au mois de juin 2016 ont revêtu un caractère exceptionnel. Toutefois, d’autres secteurs ont été touchés, tel le Pas-de-Calais, où plus de cent communes ont été victimes de crues une semaine après Paris. Ce phénomène était inédit dans la région, et, dans ma circonscription, une personne a trouvé la mort dans sa voiture. J’ai visité le jour même la commune de Pas-en-Artois, où j’ai pu constater une solidarité exceptionnelle entre les habitants.

Malheureusement, les problèmes ne sont pas résolus, et même si les communes concernées ont bénéficié du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, l’aide se fait attendre, et bien des dégâts ne sont toujours pas réparés.

Le Pas-de-Calais a principalement connu des phénomènes de ruissellement. La récente loi « GEMAPI » a été évoquée, elle favorise l’intervention préventive des communes sur les risques, notamment par l’entretien des cours d’eau. Malheureusement, le ruissellement trouve aujourd’hui peu de solutions, et la solidarité, en amont comme en aval, est loin d’être évidente.

L’établissement public de coopération intercommunale dont ma commune est membre travaille depuis plusieurs années à la question du ruissellement, mais son action est fonction de la bonne volonté de chacun. Elle est par ailleurs limitée par la loi, qui l’empêche d’être pleinement efficace. Il faut impliquer le monde agricole, les associations foncières et les riverains : réunir l’ensemble des acteurs pour établir un dialogue n’est pas chose aisée, même si tous ont conscience des enjeux.

Il est vrai que certains choix de modes de cultures, d’aménagement des zones enherbées ou de fascines et d’arbustes doivent être opérés avec discernement. Il est vrai que certains remembrements ont été mal réalisés, dont nous sommes victimes aujourd’hui ; reste à espérer que les aménagements fonciers à venir seront plus heureux en prenant en compte le ruissellement.

En tout état de cause, la législation en vigueur laisse les collectivités territoriales démunies. Dans ces conditions, quelles sont, à vos yeux, les solutions existantes, y compris d’éventuelles évolutions législatives, propres à lutter contre le phénomène du ruissellement ?

M. Jacques Kossowski. Chaque nouveau projet urbain ou architectural devrait intégrer le risque inondation dans ses plans.

À Romorantin, le quartier Matra, construit en 2011 en zone inondable, a prévu dans sa conception un bassin de rétention ainsi que divers dispositifs destinés à réduire le flot supplémentaire afin de le canaliser en aval vers la Sauldre. Le tracé du quartier a été conçu comme celui d’un affluent de la rivière ; les sous-sols ont été aménagés de façon à favoriser une décrue rapide.

Le trop-plein d’eau a ainsi été évacué en vingt-quatre heures sans occasionner de dégâts majeurs aux trottoirs ni aux réseaux d’adduction d’eau et d’électricité, qui ont continué à fonctionner. Pratiquement aucune surface habitable n’a été inondée, alors que les quartiers voisins ont été noyés sous un mètre cinquante d’eau pendant une semaine.

Cet exemple n’est certes pas universellement transposable, mais il montre que l’inclusion dans le cahier des charges de la planification de l’aléa d’une crue peut permettre une meilleure gestion de la crise lorsque celle-ci survient. Ce paramètre doit trouver sa place dans l’ensemble des dispositifs de maîtrise du risque d’inondation.

Je souhaiterais connaître l’appréciation que vous portez sur cette question.

M. Philippe Duron. Comme beaucoup d’entre nous, j’ai été maire d’une commune inondable, et Jean-Marc Lacave s’en souvient. J’ai présidé un SAGE ainsi qu’un syndicat de lutte contre les inondations, et j’ai beaucoup apprécié les propos tenus par nos invités.

Je voudrais témoigner des progrès réalisés depuis quinze ans dans le domaine de la prévention des crues, avec l’institution des PPRI, des programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI), ainsi qu’une information largement améliorée. Par ailleurs, contrairement à ce que j’ai pu entendre, je considère que les cellules de crise constituées autour des préfets ont gagné en efficacité.

En revanche, la culture de l’inondation s’est affaiblie au sein des populations, du fait d’une rotation plus importante dans nos communes, mais aussi dans l’administration de l’État, singulièrement dans les services d’annonce de crues, qui ont fait l’objet de restructuration. En Normandie, les services de la direction régionale de l’équipement (DRE), qui dirigeait Jean-Marc Lacave, sont partis à Rouen ; le contact a été perdu entre les élus et les fonctionnaires concernés. Cette situation a réduit l’efficacité des plans d’intervention sur le plan local.

S’agissant du ruissellement, l’artificialisation des sols ainsi qu’un urbanisme mal maîtrisé ont été évoqués ; en revanche, la problématique de la transformation du paysage et des pratiques agricoles ne l’a pas été. Les bocages normands, qui étaient préservés par l’élevage, ont très rapidement été mis en labour à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Depuis, j’ai pu observer des taux de ruissellement égal à un ; et les crues ont changé de physionomie, ce qui était très visible lorsque les eaux se retiraient, car elles étaient très chargées en limon — ce qui n’était pas le cas il y a encore trente ans.

Au-delà du renforcement des fossés et de la replantation de haies, existe-t-il des modèles de pratiques agricoles mieux maîtrisées, susceptibles de ralentir le ruissellement ?

M. Jean-Marie Sermier. Je suis stupéfait par ce que j’entends : cessons de rendre les agriculteurs responsables de tous les maux. Affirmer que les remembrements font problème alors qu’ils tiennent compte des haies et des zones humides, évoquer les problèmes de ruissellement alors que, depuis quelques années, les agriculteurs développent des couverts végétaux empêchant l’érosion n’est pas sérieux.

Cela doit être comparé aux millions de mètres carrés de terre rendus imperméables par la construction de centres commerciaux ; aujourd’hui, cela représente 10 % de la France, soit six millions d’hectares ou 25 % de la surface de l’Île-de-France, et la progression continue.

Il faut comparer ce qui est comparable : les agriculteurs sont les premières victimes des inondations ; et je souhaite que, dans le cadre de la refonte de la carte des zones défavorisées simples (ZDS), les agriculteurs soient pris en compte, alors que les PPRI les désavantagent. La réflexion en cours au sujet des ZDS s’appuie sur huit critères biophysiques ; je souhaite que toutes les communes étant sous le coup d’un PPRI y soient intégrées, car le PPRI constitue un handicap pour l’agriculture française.

M. Jean-Louis Bricout. Chacun s’accorde à qualifier les inondations du mois de juin 2016 d’exceptionnelles : est-ce vraiment le cas ? Comment peut-on s’y préparer ?

Sur les plans national et local, nous nous interrogeons sur la définition des périmètres des zones à risque, qui ont peut-être évolué, et vous avez évoqué les zones de convergence des eaux. Par ailleurs, madame Emma Haziza a rappelé les enjeux de la communication et de la pédagogie, et la perception, la compréhension de ces risques ainsi que la bonne lecture des messages d’alerte sont aussi importantes. L’aménagement du territoire, notamment des zones agricoles, constitue un enjeu fondamental.

La question de la pratique de la reconstruction à l’identique a été évoquée, mais elle résulte des clauses des contrats d’assurance : comment les faire évoluer afin de pouvoir engager des dépenses supplémentaires permettant une reconstruction prenant les risques en compte.

S’agissant des vecteurs susceptibles de peser sur le climat, du changement climatique ou de l’aménagement du territoire — et donc des pratiques agricoles —, lequel vous semble-t-il le plus prégnant ?

Le sentiment le plus généralement partagé est que beaucoup de mesures sont prises pour protéger Paris, souvent au détriment de la ruralité. Est-ce à vos yeux une réalité, et comment envisagez-vous l’évolution de ce type de dispositions ?

Enfin, les conséquences réelles de ces inondations sur la pollution ont-elles été mesurées, qu’en est-il de l’eau potable ? Des conséquences à court ou moyen terme sont-elles constatées ?

M. Jean-Pierre Vigier. Le classement des communes défavorisées est en cours de modification. Or, ces communes perçoivent des aides de la PAC différentes et des aides à l’installation des agriculteurs plus importantes. Certaines d’entre elles, qui ont pourtant besoin de ces aides, n’y seront plus éligibles avec le nouveau classement. Pourquoi ne pas classer automatiquement en zone défavorisée les communes qui mettent en place un PPRI, lequel impose – à juste titre – des contraintes aux habitants et aux acteurs économiques ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Le combat sera difficile…

M. Guillaume Chevrollier. Les inondations de juin 2016 en Île-de-France montrent incontestablement la fragilité du dispositif de prévention. Il existe pourtant un mécanisme, Vigicrues, qui est censé assurer la surveillance permanente de 22 000 kilomètres de cours d’eau. Les programmes d’action de prévention des inondations, créés en 2002, ont permis d’établir des diagnostics et des cartes de surfaces inondables afin de fixer les nouvelles règles d’urbanisme et de réduire le risque. Selon les textes en vigueur, les plans de gestion des risques d’inondation (PGRI) devaient être réalisés avant la fin 2015, mais il semble que ces efforts aient été insuffisants. Une meilleure coordination s’impose. Comment peut-on améliorer davantage la prévention ? Outre le bilan humain, le bilan économique et financier de cet épisode d’inondations est très lourd. Pouvons-nous le mesurer avec précision ?

J’en viens à la gestion de l’eau. Je dois me faire l’écho de l’inquiétude que suscite parmi les élus locaux la nouvelle compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) qui, à partir du 1er janvier 2018, deviendra une compétence obligatoire des EPCI. Il ne faudrait pas que ce transfert soit une nouvelle bombe à retardement pour les élus locaux, compte tenu de l’augmentation des inondations et des catastrophes naturelles dues en partie au dérèglement climatique. Il semble que le financement de cette nouvelle attribution soit sous-estimé. Or, la question de la GEMAPI et de son poids financier ravivera assurément les tensions entre les services de l’État et les collectivités territoriales, ces nouvelles responsabilités se traduisant par de nouvelles complications pour les élus locaux.

M. Franck Marlin. Permettez-moi de pousser un « coup de gueule » contre l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA). Le pragmatisme, le bon sens et le respect qu’évoquent les intervenants sont des valeurs qui ont dû échapper à cette structure et à ses services, comme l’illustrent des exemples que nous avons tous à l’esprit. L’ONEMA verbalise des maires et des agriculteurs qui tentent tout bonnement d’entretenir des rues, des fossés, des exutoires. Comme bon nombre de mes collègues, il m’est arrivé d’être verbalisé à hauteur de 800 euros, voire 1 500 euros, et chacun sait ce qui s’est produit en juin. L’incompréhension est totale parmi nos administrés, qui ne comprennent pas pourquoi l’entretien ne peut pas être effectué – avec les conséquences dramatiques que cela entraîne : pavillons inondés, rues sinistrées, récoltes sur pied dévastées, exploitations agricoles menacées. Vous invoquiez le bon sens historique de nos anciens, monsieur le président, qui entretenaient naturellement les canaux ; tout cela est désormais interdit.

Le maire, madame Emma Haziza, est responsable de tout, surtout de se taire et d’exécuter – ce qui se conçoit – mais l’ONEMA, quant à lui, n’est responsable de rien. Comme beaucoup d’entre nous, j’ai écrit à l’ONEMA – et à Mme la ministre ; en vain. Quatre mois plus tard, c’est dramatique : l’incompréhension est totale et crée de très graves problèmes. Comment responsabiliser ce service de l’État de sorte qu’il reprenne le chemin du bon sens ? Cessons de montrer du doigt des élus responsables, en l’occurrence les maires, qui essaient simplement de faire le bien dans leurs villages !

M. Charles Ange Ginésy. Ces événements que l’on dit exceptionnels ne le sont plus vraiment ; nous en avons connu sur tous nos territoires – en octobre 2015 dans les Alpes-Maritimes, par exemple, mais aussi en 1994, quand l’inondation de la vallée du Var a provoqué des dégâts considérables. Je partage donc le constat qui est fait ; il faut y remédier tant par la sensibilisation des populations que par la mise en œuvre de moyens sur le terrain, sous la forme de travaux et d’ouvrages, mais aussi par l’allégement des mécanismes en vigueur – et en encourageant l’ONEMA et d’autres services à faire preuve de davantage de volonté ; en somme, beaucoup reste à faire.

Je n’ai guère entendu parler aujourd’hui des moyens numériques. À l’heure des territoires, villes et réseaux intelligents, nous disposons pourtant de moyens colossaux et d’innombrables capteurs sur le terrain – lesquels n’ont pas démontré leur performance lors des dernières crues. Dans les Alpes-Maritimes, par exemple, les données du radar Hydrix sont arrivées avec beaucoup de retard. N’y a-t-il pas moyen de centraliser bien plus l’ensemble de ces capteurs ?

Sans doute certaines données nous échappent-elles complètement. En montagne, l’association nationale pour l’étude de la neige et des avalanches (ANENA) cherche à mieux connaître la neige ; l’État l’aidait il y a quelques années encore, mais elle se trouve aujourd’hui bien esseulée. Or, pour mieux gérer les risques, nous avons tout intérêt à mieux connaître la neige – qui, in fine, se transforme en eau – et le problème des avalanches. Ajoutons à cela que l’eau des crues torrentielles se transforme parfois en boue, peut-être en partie à cause du dérèglement climatique.

M. Yves Albarello. Je suis un « délinquant hydraulique » puisque, comme M. Marlin, j’ai été verbalisé par l’ONEMA. (Murmures)

Dans son propos liminaire, M. le président a rappelé que les grands lacs, censés retenir l’eau, sont pleins à 90 %, mais personne n’évoque cette responsabilité pourtant manifeste. De plus, on constate que les capteurs ne fonctionnent pas. Mme Emma Haziza conseille aux habitants de Montargis de placer des bâtardeaux pour se prémunir contre les inondations, mais ne devrait-on pas plutôt s’interroger sur l’entretien des rivières ? Mes collègues, qui se sont exprimés avec passion, ont tous des responsabilités, qui de maire, qui à la tête d’un syndicat de rivière – c’est mon cas, bien que rien ne m’y ait initialement destiné puisque j’étais directeur administratif et financier d’une grande entreprise ; j’ai néanmoins appris à connaître la rivière. Or, la loi sur l’eau va désormais si loin qu’elle multiplie les obstacles au point que nous ne pouvons plus intervenir en bon « père de famille », si j’ose dire.

Ainsi, je suis maire de la commune de Claye-Souilly où coule la Beuvronne, en amont de laquelle se trouve la plateforme aéroportuaire de Roissy dont 90 % des eaux de pluie se déversent dans la Marne – le reste allant à la Seine. La Beuvronne étant un affluent de la Marne, ma commune a été inondée parce que le bassin, plein, a débordé. Depuis, nous avons fait installer un débit de fuite hydraulique et conduit une gestion intelligente du bassin. Aujourd’hui, nous réfléchissons avec Aéroports de Paris à une solution qui permettrait au bassin des Renardières de s’écouler directement dans la Marne.

Quoi qu’il en soit, l’entretien de la rivière est important. Suite aux inondations qui ont touché ma commune, j’ai pris la décision – en parfaite illégalité – d’effectuer le curage de la Beuvronne, qui n’avait plus été curée depuis quarante ans. Plutôt que de transférer le limon dans un centre d’enfouissement technique, ce dont ma commune n’avait pas les moyens – car tel est bien le problème des petits syndicats, qui n’ont pas les moyens financiers de faire des travaux tout en appliquant la réglementation –, j’ai fait déposer le limon sur les berges, ce qui s’est traduit par une forte hausse du débit hydraulique. Depuis, un garde-rivière enlève les embâcles et entretient la rivière au quotidien. C’est ainsi que nous n’avons pas subi les mêmes inondations que les villes de Nemours et Montargis lors des récents épisodes pluvieux. En clair, nous avons un problème d’entretien des rivières. Je suis effaré par certains reportages concernant le sud de la France où des personnes ont perdu la vie et où, pourtant, aucun entretien – aucun ! – n’a eu lieu, au point que l’on retrouve encore des embâcles ; c’est scandaleux. Il faut donc assouplir la loi sur l’eau.

M. Patrice Carvalho. Un simple ru peut nécessiter jusqu’à six années de procédures !

M. Yves Albarello. Il faut donner la possibilité aux présidents de syndicats de rivière d’intervenir en cas de danger, et donner instruction à l’ONEMA pour qu’il ne verbalise pas ceux qui déploient des efforts afin d’éviter que leur population ne soit inondée, alors qu’il ne verbalise pas les gens du voyage – par exemple – qui, installés en bordure de rivière, déversent leurs ordures dans l’eau. (Murmures appuyés) C’est ainsi que montent les populismes, mesdames et messieurs : les gens ne comprennent plus. On verbalise les élus de la République, et non les véritables contrevenants !

M. Jacques Alain Bénisti. Nous avons là l’illustration du problème auquel nous serons confrontés l’an prochain, lorsque les députés, n’étant plus maires, ne pourront plus témoigner de telles difficultés.

D’autre part, j’entends les intervenants tenir des propos quelque peu affligeants. M. le président de Météo France nous affirme que nous disposions de toutes les données nécessaires mais, lorsque la crue s’est confirmée, il a « passé le bébé » – si j’ose dire – au directeur général de la prévention des risques, charge à lui de s’en débrouiller. (Sourires) Et que dire de ce commerçant qui vient de toucher une aide de 300 000 euros et qui, interrogé à juste titre par Mme Emma Haziza sur les éventuels travaux de rénovation qu’il aurait entrepris pour se prémunir contre de nouveaux épisodes, lui répond que l’on ne lui a rien demandé à ces fins ? C’est consternant !

Puisqu’il faut un coupable, monsieur le président, je me tourne vers vous : qu’attendez-vous pour désigner un député de la majorité et un autre de l’opposition afin qu’ils conduisent une mission d’information ? Une fois de plus, nous nous contentons de soigner un mal sans même en éradiquer les causes. Les parlementaires et élus de terrain peuvent mettre le doigt sur des problèmes à résoudre d’urgence : la direction générale de l’aviation civile (DGAC), par exemple, a reconnu l’existence du problème des vols à basse altitude que M. Christophe Bouillon et moi-même avons signalé dans notre rapport. En l’occurrence, les événements qui se sont produits exigent une enquête. Le législateur doit s’en saisir à bras-le-corps. Nous disposons de toute l’excellence nécessaire avec les bureaux d’études, mais les collectivités n’ont pas les moyens de recourir à leurs services. Des villes comme Nemours ou Villiers-sur-Marne sont aujourd’hui incapables, compte tenu de leur potentiel fiscal et financier, de payer un cabinet d’experts tel que Mayane. Or, dans tous les domaines, le préfet renvoie toujours la responsabilité d’agir aux maires. Voilà pourquoi, monsieur le président, vous devez désigner une mission d’information pour résoudre le problème majeur des inondations !

M. Martial Saddier. C’est à l’initiative de Mme Valérie Lacroute que le groupe Les Républicains vous a demandé, monsieur le président, d’organiser cette table ronde ; soyez-en remercié. J’ai l’honneur de représenter le bassin-versant de l’Arve qui a été le premier à mettre en œuvre la GEMAPI sur le plan administratif, technique et financier – à ma connaissance, c’est même à ce stade le seul en France à l’avoir fait intégralement. De ce point de vue, le SAGE est un outil indispensable, à condition que son périmètre soit compatible avec les exigences opérationnelles. Un SAGE qui couvrirait 25 % du territoire national aurait peut-être le mérite de satisfaire les préfets mais ne produirait pas de résultats. D’autre part, il est essentiel que les différentes majorités – celle d’aujourd’hui comme celle de demain – préservent les budgets des PAPI, qui poursuivent une politique amorcée par les anciens contrats de rivière, car nous ne saurions nous décharger complètement de toute responsabilité sur le nouveau mode de financement de la GEMAPI.

Il faudra aussi revoir nos références, monsieur Jean-Marc Lacave. En juillet 2015, à Chamonix, l’Arve a connu une crue décennale pendant vingt-et-un soirs de suite : l’isotherme de 0 degré montant à 4 800 mètres, c’est-à-dire au sommet du Mont Blanc, une crue aussi longue n’est plus décennale, mais estivale. Cette référence sera désormais atteinte tous les étés en raison du réchauffement climatique. Nous devons donc revoir nos logiciels : les crues sont beaucoup plus rapides au point qu’elles se transforment en laves torrentielles – un phénomène déjà bien connu et identifié en Suisse et dans l’Himalaya depuis près de trente ans, qui pose le problème, non pas seulement de l’eau, mais aussi du transit sédimentaire, sur lequel nous manquons de références. Sur cette question, il faut de l’ingénierie financière, non seulement pour nous doter de lidars, mais aussi pour prendre des déclarations d’intérêt général qui, sur un bassin-versant organisé, permettent de curer les rivières. En ce qui me concerne, je tire parti de nos outils existants – SAGE et DIG – pour faire curer des milliers de mètres cubes de rivières en Haute-Savoie, et je m’y emploierai jusqu’à ce que le non-cumul des mandats m’en empêche. Les procédures sont extrêmement complexes et je crois comme M. Yves Albarello qu’il faut les simplifier.

Permettez-moi de conclure, puisque la France est très « en avance », sur un nouveau problème qui se présente à nous : la maîtrise foncière des zones de divagation. Désormais, les rivières et leurs sédiments divaguent dans des zones agricoles, contrairement à ce qui se passait autrefois. Qui paie ? Quid des primes européennes des agriculteurs touchés ? Qui remet les terrains en état ? Combien de temps faut-il ? Il est inacceptable de faire divaguer les eaux de rivière sur des terres forestières ou agricoles et de laisser leur nettoyage à la charge des exploitants. Si les divagations protègent la sécurité des populations et des entreprises, elles doivent s’accompagner de règles claires quant à la gestion des zones concernées.

Enfin, monsieur Jean-Marc Lacave, les Alpes du Nord, notamment le massif du Mont Blanc, ne sont pas couvertes par les radars de crues qui identifient les cellules noires susceptibles de déverser des centaines de millimètres d’eau. Il est impératif de pallier cette lacune, car c’est l’une des zones où les risques sont les plus importants. J’ajoute qu’il est utile de maintenir en amont et au cours des crises une agence et des spécialistes de Météo France dans des territoires parfois isolés où les inondations ont fait des victimes – jusqu’à plusieurs dizaines au fil de l’histoire.

M. Jean-Marc Lacave. Nous devons en effet revisiter la procédure de vigilance, qui est datée et qui se fonde pour l’essentiel sur une relation institutionnelle entre les services de l’État et les opérateurs comme Météo-France. Elle se déroule en lien avec le ministère de l’intérieur parce qu’elle est destinée à communiquer des données à l’intention des préfets avant tout, et non pas des maires ou, a fortiori, des populations. Ce système, conçu à l’ère du fax, comporte encore des contenus quelque peu ésotériques et une liste de destinataires non exhaustive, alors que nous sommes à l’heure du smartphone et de la géolocalisation, et que nous sommes de plus en plus tenus d’informer non seulement le monde institutionnel, en particulier les préfets qui sont légitimement chargés des questions de sécurité publique, mais aussi bien au-delà. Lors des différents programmes à venir, nous devrons donc envisager avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises comme avec la direction générale de la prévention des risques comment moderniser cette procédure en tenant compte des nouveaux outils. Il faudra être particulièrement attentif au niveau infradépartemental : la même pluie ne produit pas du tout les mêmes effets en deux endroits distants de quelques kilomètres seulement, comme on l’a vu dans le Sud-Est : le ruissellement est immédiat lorsque l’eau tombe sur le bitume, mais pas dans la garrigue ou les calanques marseillaises.

Nous devons préciser davantage le contenu des messages communiqués aux populations, de sorte qu’ils soient bien compréhensibles de tous, et le cibler en fonction de l’impact et de la vulnérabilité des territoires : il n’est plus question de diffuser les mêmes messages partout dans un département au motif que le préfet est compétent à cette échelle.

J’en viens aux outils qui nous permettront de mieux anticiper : plus tôt nous savons, mieux c’est. Non seulement devons-nous disposer des connaissances au plus tôt, mais aussi être plus crédibles : j’entends le reproche qui nous est fait à juste titre de multiplier les alertes orange au point que l’on n’y fait plus attention, ou de déclarer une alerte rouge par prudence excessive, ce qui produit le même effet. Autrement dit, la pertinence et la qualité de l’information sont fondamentales. Tout ce qui contribue en amont à améliorer les outils est bon à prendre. Nous avons notamment besoin d’outils de calcul, car il nous faut modéliser au mieux l’atmosphère, la connaître à tout instant et anticiper son évolution dans les deux, quatre ou six jours suivants. Pour cela, une seule solution : nous devons la modéliser en adoptant une résolution spatiale extrêmement fine. Nos prévisions probabilistes actuelles utilisent une résolution de 2,3 kilomètres ; nous devons la diviser par deux et constituer un maillage très resserré au moyen d’ordinateurs traitant des volumes de données plus importants. Au cours de la prochaine période de programmation, Météo France – et le pays tout entier – doivent s’atteler à l’enjeu considérable qui consiste à nous doter d’un outil comparable à celui dont disposent nos amis allemands, britanniques et américains, afin de disposer d’une puissance de calcul qui améliorera notre capacité de modélisation. L’homme ne suffit pas : le bon sens paysan permet de prévoir sur vingt-quatre heures tout au plus mais, au-delà, rien ne vaut la modélisation numérique.

Il va de soi que la présence territoriale est tout aussi importante pour refléter les spécificités locales, en particulier en montagne, où nous ne travaillons pas de la même manière qu’en plaine en raison des phénomènes climatologiques particuliers qui s’y déroulent et qui nécessitent le maintien d’une présence physique sur le terrain. De ce point de vue, j’avoue que Météo France, qui perd soixante à quatre-vingts personnes par an, a quelques inquiétudes quant à sa capacité à préserver sa pertinence sur l’ensemble du territoire. Il serait inconvenant que je m’en plaigne devant vous, mais vous avez dû recevoir des représentants de Météo France qui ont raison d’exprimer leurs inquiétudes en la matière.

J’ajoute que nous comptons beaucoup sur le crowdsourcing, c’est-à-dire le développement des objets connectés qui permettront d’améliorer comme jamais l’information en intégrant les données captées par tout un chacun via des smartphones et des véhicules. Nous disposerons ainsi d’informations plus fines, plus précoces et mieux spatialisées qu’aujourd’hui.

Enfin, le réchauffement climatique est-il exceptionnel ? La réponse habituelle à cette question consiste généralement en une pirouette : nous ne pouvons pas juger des effets du réchauffement climatique à partir d’un seul événement – ce serait scientifiquement impropre – mais à partir de moyennes à long terme et sur plusieurs événements. Cela étant, nous connaîtrons assurément des événements de plus en plus intenses et fréquents, et nous devons nous y préparer – y compris s’agissant d’hypothèses que nous n’avons pas encore envisagées. N’ayons aucune illusion : nous ne retrouverons plus jamais des normales rêvées, car l’exceptionnel va se banaliser. À cet égard, j’invite les parlementaires à consulter nos sites internet, en particulier le site « Climat Hier et Demain » qui comporte des informations très fines sur la climatologie passée et des prévisions de précipitations et de températures : de telles données sont très instructives pour ne pas perdre la mémoire du passé climatique et pour prendre la mesure de l’évolution actuelle. Nous faisons ainsi œuvre d’acculturation à ces phénomènes de changement climatique pour lutter contre l’ignorance, de sorte que l’on ne pourra pas prétendre en cas d’événement n’avoir aucune mémoire du passé.

M. Marc Mortureux. La diversité des interventions illustre non seulement l’importance des enjeux, mais aussi leur complexité. Certaines d’entre elles me font plaisir car, lorsque de tels épisodes se produisent, on nous demande souvent pourquoi nous ne sommes pas plus exigeants, alors même qu’au quotidien, nous sommes parfois pris pour des fous imaginant des scénarios absurdes sur des territoires où aucune inondation ne s’est produite depuis très longtemps. Notre laxisme ne nous est plus alors reproché, bien au contraire : nous avons plutôt du mal à convaincre de la pertinence des contraintes imposées aux territoires. L’équilibre à trouver est très complexe, d’autant plus que l’imbrication de ces enjeux avec les questions de développement économique et d’aménagement du territoire se traduit parfois par la coexistence d’injonctions contradictoires qu’il nous faut traiter le plus intelligemment possible.

J’ai pris note de l’attente que suscite le rapport du CGEDD qui devrait paraître avant le début du mois de décembre, notamment sur la prétendue priorité accordée à la protection de Paris au détriment d’autres territoires : de ce point de vue, il permettra d’établir des informations objectives.

Aujourd’hui, le verrou d’assurances qui imposeraient de reconstruire à l’identique n'existe plus – ce qui ne signifie pas pour autant qu’il est simple d’anticiper. Les contrats d’assurance ne comportent plus de clauses interdisant d’utiliser les sommes reçues pour reconstruire différemment afin de tenir compte des risques. Ce sujet est majeur. Nous avons lancé deux éditions de grands prix pour stimuler l’innovation et donner davantage de visibilité à des cas concrets. La référence au quartier de Romorantin est très intéressante et illustre la capacité à concevoir des aménagements qui rendent des territoires potentiellement inondables beaucoup moins vulnérables et plus résilients. Il va de soi qu’il s’agit là d’aménagements en zone inondable constructible.

M. Patrice Carvalho. Qu’est-ce qu’une zone inondable constructible ?

M. Marc Mortureux. Une catégorie du zonage des plans de prévention des inondations. De ce point de vue, je ne partage pas l’idée que rien n’a été fait et que nous sommes inutiles : nous avons mis au point de nombreux plans de prévention des risques d’inondation ainsi que des méthodologies qui permettent de définir des zones clairement non constructibles. Or, les élus nous reprochent souvent de nous fonder sur des hypothèses extrêmement contraignantes, voire inadaptées, plus que l’inverse ; il nous faut dépasser cela. Il reste cependant des marges de manœuvre pour prendre des mesures sur des sites déjà urbanisés afin d’en réduire la vulnérabilité. En tout état de cause, nous adoptons des postures assez dures par rapport aux pressions considérables qui s’exercent en faveur de l’aménagement de nouvelles zones inondables qui ne sont pas encore urbanisées, et les dialogues que nous avons en la matière sont parfois compliqués. Je suis frappé, en effet, que l’on prétende que tel ou tel événement – parfois traumatisant – est sans précédent au point que l’on nous demande de prendre des mesures tout à fait radicales et qu’à l’inverse, nous soyons considérés comme des extraterrestres dans d’autres territoires où nous fondons les contraintes sur des hypothèses qu’il est très difficile de faire accepter.

Il est donc impératif de développer la culture du risque. Dans tout l’arc méditerranéen où, hélas, se produisent régulièrement des crues très rapides et des phénomènes brutaux de ruissellement qui font chaque année des victimes – souvent en raison de comportements inadaptés –, nous avons lancé une campagne de communication spécifique autour de la saison cévenole, de la fin août à la fin septembre, ainsi que des actions majeures de formation dans les collèges, car l’éducation en la matière est indispensable et doit percoler dans les familles. Cela étant, il s’agit d’un travail permanent et assez complexe dans une société où le rapport au risque est toujours à remettre sur le métier. De nombreuses notions ont été mises au point concernant le risque d’inondation : PPRI, PAPI, TRI ou encore GEMAPI. Nous devons simplifier ce dispositif et l’expliciter pour qu’il soit mieux accepté. La complexité actuelle des différentes procédures s’explique en partie par des raisons historiques, la récente directive européenne sur les inondations s’ajoutant à plusieurs dispositifs existants.

J’entends les inquiétudes concernant la GEMAPI. Cela étant, notre débat montre que le fait de confier à une même entité des responsabilités d’aménagement et la compétence d’entretien des milieux aquatiques et de prévention des inondations est en soi assez pertinent. Beaucoup reste à faire en termes d’accompagnement et de pédagogie, certains territoires anticipant très bien la prise en charge de cette responsabilité tandis que d’autres éprouvent plus de difficultés. C’est pourtant un enjeu essentiel et structurant pour l’avenir.

Nous devons nous préparer à ce que l’événement que nous venons de connaître se reproduise, peut-être avec une ampleur plus importante encore. Je ne partage pas complètement le point de vue de ceux qui s’étonnent que les barrages-réservoirs soient pleins à cette époque de l’année, alors qu’il pleut : les processus de remplissage sont très lents et l’enjeu de l’étiage est majeur – sans ces barrages, de nombreux cours d’eau seraient asséchés. Ce sont certes des instruments très lourds, mais ils ont une double vocation. On peut s’interroger sur le caractère suffisant des installations existantes : une mission a été confiée au préfet de bassin de l’Île-de-France, Jean-François Carenco, qui conduira sans doute à effectuer des études complémentaires pour envisager les dispositifs à adopter. Le dernier épisode montre en effet à quel point nous pourrions nous trouver démunis face à des phénomènes de plus grande ampleur. Quant à la coexistence de grands bassins de rétention très en amont avec des instruments plus localisés pour protéger d’autres zones que Paris, une mission est là encore en cours et se traduira certainement par la relance d’une série d’études afin d’appuyer l’action future sur une documentation solide.

S’agissant des PAPI et de la création éventuelle de digues, le sujet est très complexe, car la protection d’un endroit en expose un autre. Les PAPI sont très utiles : les systèmes d’endiguement mobilisent 1,5 milliard d’euros sur l’ensemble du territoire. Toutefois, une digue mal conçue peut entraîner des conséquences parfois pires que l’absence de digue : c’est dire à quel point il faut procéder avec prudence en la matière. C’est pourquoi la politique de prévention des inondations ne peut que s’inscrire dans la durée : nous sommes très exigeants quant à la qualité des études fournies, car il faut à tout prix éviter d’investir lourdement dans des ouvrages dont on constate a posteriori qu’ils ont plus d’inconvénients que d’avantages. Beaucoup a déjà été fait depuis des événements tels que Xynthia, qu’il s’agisse de PPRI ou de PAPI. Il faut poursuivre dans cette voie : la compétence de GEMAPI ne pourra être exercée correctement que si l’État continue d’apporter un soutien important, via le fonds Barnier en particulier, non seulement pour construire des digues et d’autres grands ouvrages, mais aussi pour que soient prises des mesures très concrètes d’amélioration de la résilience et de réduction de la vulnérabilité des territoires. Il reste par exemple beaucoup à faire concernant les réseaux.

J’ai pris note des interpellations concernant l’ONEMA et l’entretien des cours d’eau, même si je ne suis pas directement compétent. La mise en place de la GEMAPI doit nous conduire à travailler davantage ensemble et à concilier le volet de prévention des inondations avec celui de la gestion des milieux aquatiques pour aboutir à des équilibres raisonnables.

Concernant les moyens numériques, nous avons devant nous une considérable marge de progrès. Lors des phénomènes cévenols, en particulier, le moindre quart d’heure gagné compte énormément ; de ce point de vue, les outils numériques recèlent un formidable potentiel. Cela étant, le risque pour le décideur est qu’il finisse par se perdre dans un foisonnement d’informations inégalement documentées. Si le développement de services à valeur ajoutée dans ce secteur est une bonne chose, il faut aussi préserver les prérogatives de l’État en matière de vigilance et d’alerte. Il faut certainement mener des réflexions pour mieux comprendre le dispositif.

De même, on ne saurait prétendre que les stations du dispositif Vigicrues ne fonctionnent pas. Certes, un capteur a posé problème ; cependant, les prévisions ne se fondent pas que sur un seul capteur, mais sur une multitude. En l’occurrence, le pont d’Austerlitz est équipé de deux capteurs ; l’un d’entre eux a commencé de dériver un soir, sans doute en raison d’un embâcle, attirant l’autre avec lui. Ce n’est que le lendemain, en début de matinée, que nous avons constaté une hausse incohérente de la courbe et que nous avons vérifié la règle graduée, qui a révélé un réajustement de trente centimètres. C’est en effet regrettable lorsque le pic approche mais, concrètement, cela n’a eu aucune conséquence opérationnelle car le niveau réel demeurait dans la même fourchette que celle sur laquelle avaient été fondées les dispositions prises. Nous devrons néanmoins en tirer les enseignements. J’ajoute que toutes ces stations sont équipées de mécanismes de télétransmission en temps réel des informations, lesquelles sont immédiatement publiées sur le site. Rares sont les pays où il est possible de consulter les valeurs de n’importe quel capteur en termes de niveau d’eau et parfois de débit, cette dernière donnée étant essentielle à la modélisation, un domaine dans lequel il reste beaucoup à faire.

La question du ruissellement ne me semble pas être de nature législative avant tout, mais plutôt technique. Il est prioritaire de mieux tenir compte du ruissellement, surtout lors des phénomènes cévenols, qui sont très brutaux. Avant d’envisager des dispositions législatives, cependant, nous devons documenter davantage ces phénomènes.

J’entends également les interpellations concernant le monde agricole, avec lequel nous avons conduit un travail collégial sur les zones d’expansion des crues ; une indemnisation est prévue qui, en l’état actuel des textes, est à la charge des communes. La question des moyens peut donc se poser.

M. Jacques Alain Bénisti. Surtout en ces temps de baisse des dotations !

M. Marc Mortureux. J’entends bien ; cela étant, il est pertinent de définir une zone d’expansion des crues et de compenser la contrainte qui en découle, même si les modalités de mise en œuvre peuvent être complexes.

Mme Emma Haziza. Il existe plusieurs bureaux d’études comme Mayane en France, mais ils sont encore trop peu nombreux. Permettez-moi de revenir sur la création de Mayane : il y a une dizaine d’années, j’ai soutenu ma thèse à l’École des mines de Paris sur l’optimisation de la gestion du risque d’inondation en France – le sujet est encore d’actualité. J’ai ensuite fait le choix de créer une structure assez novatrice pour répondre aux questions se posant sur le terrain. Je comprends donc vos interrogations ; nous travaillons au quotidien avec l’État sur ces sujets.

En dix ans, nous avons considérablement progressé. Ayant siégé au collège d’experts de la sécurité civile de l’Hérault, j’ai suivi avec le préfet de ce département toutes les situations de crise qui se sont produites au cours de la décennie. Dans les années 2000, nous ne disposions pas encore de vigilance météorologique adaptée à la population, ni même de vigilance hydrologique. Certes, les mécanismes actuels ont encore des faiblesses et doivent être améliorés, mais songez qu’auparavant, aucune information n’était communiquée à la population !

Nous devons désormais mettre en cohérence l’ensemble des outils, sachant que le système français de gestion du risque d’inondation, dont nous connaissons les faiblesses, est tout de même reconnu comme l’un des meilleurs au monde. Prenons quelques exemples. Le système de prévention APIC permet de communiquer une alerte directe et immédiate au maire en cas d’événement majeur ; or, aucun maire ou presque n’en connaît l’existence. Pour en bénéficier, les maires doivent solliciter un abonnement ; encore faudrait-il qu’ils le sachent. Il faut donc faire davantage connaître les outils existants aux acteurs auxquels ils sont destinés.

De même, le site Vigicrues ne permet pas encore de consulter l’ensemble des stations à partir d’un smartphone, bien que cela soit possible depuis un ordinateur. Ce système a été créé en 2005 ; depuis, les réseaux sociaux sont apparus, d’où un énorme décalage. Le mot-clé « inondations » donne accès sur ces réseaux à des communautés d’acteurs dont les recherches et analyses sont extrêmement pertinentes et qui peuvent fournir toutes les informations en temps réel. Ainsi, au système Vigicrues, qui répondait à un besoin, s’ajoutent désormais d’autres systèmes que je conseille aux maires d’utiliser, les sites internet en question – Twitter et Facebook – étant accessibles et gratuits et fournissant des informations simples. Avec un niveau de maillage très fin, les prévisions sont très complexes.

Pour avoir suivi minute par minute les événements qui se sont produits à Paris, j’ai constaté une évolution très variable des vitesses, le niveau pouvant monter d’un centimètre par heure puis, soudain, cinq fois plus vite pour rebasculer. Cela s’explique par la complexité considérable du système de concomitance de crues dans un bassin global. Le scénario de propagation de la crue aurait d’ailleurs pu être bien plus catastrophique encore. L’établissement public territorial de bassin Seine-Grands Lacs, qui a conduit une mission de retour d’expérience, a fait une simulation consistant à reporter les graves crues qui ont touché le Loiret – où l’autoroute a été coupée – sur le bassin de l’Yonne : l’eau y aurait atteint les hauteurs de 1910. En clair, le niveau de 1910 n’était pas loin ; une crue de cette ampleur aurait très bien pu se produire. Ce dernier événement fut une piqûre de rappel qui pourrait bien se renouveler car, historiquement, les crues de la Loire et de la Seine ont tendance à être récurrentes sur plusieurs années. En 1940, la crue de la Têt et du Tech, dans les Pyrénées-Orientales, a tant remobilisé le territoire qu’elle a empêché les Allemands d’y pénétrer.

M. Philippe Duron. Voilà une crue patriotique ! (Rires)

M. Jacques Alain Bénisti. Elle aura au moins servi à quelque chose…

Mme Emma Haziza. La même crue s’est reproduite l’année suivante, mais elle fut illisible puisqu’elle est passée sur un territoire déjà dévasté.

J’ai l’habitude des crues méditerranéennes. Lorsque j’ai constaté la hauteur d’eau du Loing pendant le dernier événement, j’ai immédiatement alerté sur Twitter quant à la situation de Nemours et de Montargis. La crue exceptionnelle qui s’annonçait dans ce bassin était déjà visible. La propagation de l’onde de crue vers Nemours était très nette. En somme, il faut assurer une meilleure transmission entre les services de prévention des crues, qui détiennent les informations, et les maires qui prennent les décisions et qui endossent de nombreuses responsabilités.

Autre exemple plaidant en faveur d’une plus grande cohérence entre les outils et les acteurs : les PPRI de deuxième génération, en cours d’élaboration, obligent à réaliser des diagnostics de vulnérabilité. Comme le contrôle technique des véhicules, le diagnostic de vulnérabilité du bâti sera donc nécessaire ; pourtant, les techniques n’existent pas encore, et les acteurs susceptibles de réaliser ces diagnostics encore moins.

M. Patrice Carvalho. Sur 876 communes, la moitié n’a pas de PPRI !

Mme Emma Haziza. Sans même aborder cette question, je constate une profonde évolution des outils. La campagne de communication conduite par le ministère était essentielle et très novatrice, et les mentalités changent. Le problème est désormais le suivant : les habitants contraints par le PPRI de réaliser un diagnostic de vulnérabilité ne savent pas vers qui se tourner, car aucune structure n’est identifiée à ces fins. Nous travaillons précisément pour mettre au point ces méthodes qui n’existent pas encore. Il faudra créer la synergie nécessaire entre le monde de la recherche, les acteurs opérationnels, les services de l’État et, enfin, ceux qui ont besoin de ces outils sur le terrain.

Quant aux communes qui ne disposeraient pas des financements nécessaires, il leur est possible, dans le cadre d’une stratégie locale de gestion des risques d’inondation à l’échelle du territoire couvert par le syndicat, d’établir un PAPI – qu’il soit un plan d’intention ou un plan concret – qui est censé fournir aux communes les moyens de mener leurs actions. Toutes les questions posées ce matin, au fond, se retrouvent dans les axes prioritaires des PAPI.

M. Patrice Carvalho. Mais qui paie ?

Mme Emma Haziza. Les fonds Barnier et le FEDER, par exemple. Les outils existent, mais leur mise en œuvre est extrêmement difficile. Les acteurs qui se dotent actuellement de PAPI de deuxième génération doivent constituer des dossiers de plusieurs centaines de pages qui sont soumis à l’examen d’une commission. Autrement dit, nous disposons des outils, des stratégies et des axes d’amélioration et, de ce point de vue, nous sommes certainement les meilleurs dans le monde ; encore faut-il donner corps à ce potentiel.

La gestion des déchets est une question cruciale qui peut être traitée dans les plans communaux de sauvegarde (PCS) ; les méthodes pour ce faire existent. Cela étant, les PCS sont de nature très variée : il arrive qu’ils soient élaborés par un policier municipal ou un ancien sapeur-pompier volontaire, par exemple. Une charte fixe des obligations mais, à ce stade, les préfectures n’effectuent aucune vérification – je travaille en ce sens avec elles – de la qualité de ces outils dans lesquels il est possible de mettre tout et n’importe quoi, certains PCS faisant quatre pages, d’autres quatre cents.

En bref, nous devons répondre à un besoin opérationnel en intégrant toutes ces questions : la reconstruction, la gestion des déchets ou encore la réduction des vulnérabilités. À l’échelle des particuliers, des incohérences demeurent en effet. C’est le cas pour ce qui concerne les assurances, par exemple. J’ai eu à connaître du cas d’une personne résidant en zone vulnérable qui envisageait l’installation d’une nouvelle chaudière et son déplacement – qui semblait pertinent – à l’étage du logement, mais dont l’assureur n’acceptait de payer ladite chaudière qu’à condition qu’elle soit placée au rez-de-chaussée. Cette question, qui se pose au quotidien, doit être résolue.

M. Patrice Carvalho. On laisse toujours les cuves à fioul en bas !

Mme Emma Haziza. Quoi qu’il en soit, nous nous saisissons de ces questions. Prenons garde aux particularismes, cependant : certaines questions doivent être traitées à l’échelle globale. Un bâtardeau, par exemple, vaut jusqu’à une hauteur d’eau de un mètre, mais encore faut-il que la vitesse de l’eau soit gérable et que les intéressés sachent où installer lesdits bâtardeaux. En l’espèce, c’est la dimension opérationnelle à l’échelle de la famille qui est essentielle. Là encore, le ministère a mis au point des plans familiaux de mise en sûreté, qui s’apparentent à des PCS à l’échelle familiale – ils existent d’ailleurs aussi à l’échelle de l’école et d’autres acteurs. Une fois de plus, c’est leur mise en œuvre qui pose problème, parce que ces outils sont peu connus.

À titre d’exemple, nous travaillons actuellement pour France Médias Monde, qui possède des locaux particulièrement vulnérables en bord de Seine, puisqu’une inondation provoquerait une interruption totale des chaînes de radio et de télévision. Nous avons d’ores et déjà abordé les dispositions organisationnelles et structurelles. Cela étant, le risque terroriste a pris le relais, de sorte que le risque d’inondation n’est plus prioritaire pour l’organisme. Se pose donc la question de savoir comment légiférer pour faire de ces documents des documents essentiels et que l’on dispose des outils nécessaires pour les créer.

Je conclurai en traçant quelques solutions possibles : les PAPI permettent de financer des mesures et des travaux à différentes échelles. À l’échelle du particulier, des travaux de 20 000 euros sont pris en charge à 80 % ; reste 20 % à la charge de l’intéressé, soit 4 000 euros : comment faire ? Certaines familles s’endettent pour ne plus revivre leur traumatisme. D’autres cherchent à vendre un bien qui ne vaut plus grand-chose. D’autres encore – des personnes âgées vivant seules, par exemple – n’ont pas les moyens et ne peuvent pas même contracter un micro-crédit. Il existe pourtant des solutions énergétiques permettant d’améliorer un bâtiment et de réaliser des économies d’énergie. Le risque d’inondation existe de toute façon, quel que soit son niveau. Le risque de ruissellement est encore peu cartographié et se manifeste parfois – et immédiatement – à une échelle très locale, en fonction du déplacement des cellules convectives. Peut-être faut-il réfléchir à l’instauration d’un crédit d’impôt qui permettrait d’alléger les contraintes et de susciter des projets.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie pour la qualité de vos réponses.

——fpfp——

Information relative à la Commission

La Commission a nommé Mme Pascale Got rapporteure de la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique (n° 3959).

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 9 novembre 2016 à 9 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Guy Bailliart, M. Serge Bardy, M. Jacques Alain Bénisti, M. Sylvain Berrios, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, Mme Marine Brenier, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Julien Dive, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Gaillard, M. Charles-Ange Ginesy, Mme Pascale Got, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, Mme Marie Le Vern, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Franck Marlin, M. Yves Nicolin, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Pascal Thévenot, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Christophe Bouillon, M. Serge Bardy, Mme Sabine Buis, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, M. Christian Jacob, M. Patrick Lebreton, Mme Viviane Le Dissez, M. Philippe Martin, M. Rémi Pauvros, M. Napole Polutélé, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville, M. Thomas Thévenoud

Assistait également à la réunion. - M. Christophe Premat