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Mardi 22 novembre 2016

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 13

Présidence de
M. Jean-Paul Chanteguet Président
et de Mme Frédérique Massat,
Présidente de la
commission des
affaires économiques

– Audition, conjointe avec la commission des affaires économiques, de Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu, conjointement avec la commission des affaires économiques, Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous avons le plaisir de recevoir Mme Ségolène Royal. Nous vous remercions, Madame la ministre, d’avoir répondu à notre invitation conjointe. Elle fait suite à la présentation du rapport de la mission d’information sur l’application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte – mission présidée par M. Jean-Paul Chanteguet, et dont Mmes Marie-Noëlle Battistel et Sabine Buis et M. Julien Aubert ont été les autres rapporteurs. Mais ce sujet n’est pas le seul qui nous occupe.

Ainsi, la commission des affaires économiques a reçu la semaine dernière M. François Brottes, président de Réseau de transport d’électricité (RTE). Étant donné l’indisponibilité de 18 de nos 58 réacteurs nucléaires, pour des motifs divers dont des opérations de maintenance de routine, nous nous interrogeons : la production étant ainsi amoindrie et la consommation d’électricité s’avérant très sensible aux variations de la température, la météorologie sera déterminante cet hiver. Des coupures d’électricité pourraient-elles se produire ?

Le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) a été publié le 27 octobre 2016. La PPE, outil fondamental de mise en œuvre de la transition énergétique, fixe deux priorités : la réduction de la consommation d’énergie et le développement des énergies renouvelables. Nous vous entendrons avec intérêt faire le point sur ce dossier.

Vous commenterez sans doute la COP22 qui vient de s’achever et vous nous donnerez votre sentiment sur les conséquences éventuelles de l’élection de M. Donald Trump à la présidence des États-Unis pour l’avenir de l’accord de Paris sur le climat.

La commission des affaires économiques, qui recevra demain M. Philippe Varin, président du conseil d’administration d’Areva, souhaite aussi connaître l’avancement du plan de restructuration de la filière nucléaire, que vous avez porté. Nous entendrons aussi le ministre de l’industrie à ce sujet. Après l’annonce faite par Areva et EDF de la signature du contrat fixant les termes de la cession des actifs d’Areva NP, des précisions sur les discussions engagées avec les investisseurs étrangers en vue d’une augmentation de 5 milliards d’euros du capital d’Areva nous seraient utiles.

Enfin, une réunion des présidents des commissions des affaires économiques des parlements de l’Union européenne, consacrée à la mise en œuvre de l’Europe de l’énergie, aura lieu les 1er et 2 décembre prochain à Bratislava. La France a un rôle à jouer en ce domaine ; comment l’envisagez-vous ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je suis heureux de vous accueillir, Madame la ministre, pour un tour d’horizon qui ira bien au-delà de l’application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte sur laquelle la mission d’information mentionnée par Mme la présidente Frédérique Massat a fait rapport. La PPE étant un outil important de la mise en œuvre de ce texte, nous vous entendrons avec intérêt présenter le décret du 27 octobre 2016 pris à ce sujet. Il nous serait aussi utile que vous dressiez le bilan de la COP22 qui s’achève. J’aurai l’occasion de vous interroger ensuite sur le stockage souterrain du gaz naturel, sujet qui préoccupe les gaziers et d’autres acteurs.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Je suis heureuse de faire devant vous le bilan de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et de la stratégie bas-carbone.

Lors de la COP22, la communauté internationale a félicité la France pour le travail accompli non seulement pour boucler l’accord de Paris sur le climat mais aussi pour gagner la bataille des ratifications. Le 1er septembre dernier, les ratifications ne couvraient que 2 % des émissions ; trois mois plus tard, les ratifications de 113 pays en couvrent 77 %. Jamais un accord international n’aura été ratifié aussi rapidement. Si la France a pu recueillir cette victoire diplomatique et écologique, c’est aussi parce que nous avons été exemplaires en nous appliquant à nous-mêmes, avant la conférence de Paris, ce que nous demandions aux autres de faire. Nous sommes le seul pays de l’Union européenne dont le Parlement a adopté une loi sur la transition énergétique, inscrivant ainsi sa contribution nationale dans la loi ; le seul pays ayant publié sa stratégie bas-carbone et sa PPE ; et le seul pays ayant mis en place les outils d’application que sont la fiscalité écologique avec le crédit d’impôt, les territoires à énergie positive et les tarifs de rachat pour l’électricité propre, en particulier les contrats avec toutes les filières de production d’énergies renouvelables.

Vous avez largement contribué à ce succès. Je salue la tâche remarquable accomplie par vos rapporteurs et par les députés pour l’élaboration de cette loi. Vous êtes aussi les auteurs de ce bilan dont la France peut être fière et qui traduit un long travail : l’examen du projet de loi par vos commissions, le débat en séance publique mais aussi, après la promulgation d’un texte abondamment enrichi par les parlementaires, l’élaboration des textes d’application, travail tout aussi considérable. Je suis donc très heureuse de pouvoir vous dire que, dix-huit mois après la promulgation de la loi, la quasi-totalité des textes d’application sont publiées. Je pense que jamais dans notre histoire législative une loi aussi complexe et dense n’aura été appliquée dans un temps si ramassé.

Ainsi, l’ensemble des dix-huit ordonnances – pour 55 habilitations – sont soumises au Conseil d’État. La dernière, qui porte sur les réseaux fermés de distribution d’électricité, sera présentée au conseil des ministres d’ici la fin de l’année. Le projet de loi de ratification des ordonnances sur les énergies renouvelables et l’autoconsommation est actuellement soumis à l’examen du Parlement. 98 % des décrets, sur un total considérable de 162 mesures réglementaires à prendre, regroupées dans 96 textes, ont été soumis au Conseil d’État ou mis en signature, et 85 % de ces textes sont déjà publiés. Mes remerciements vont à mes équipes et aux directions du ministère qui, pour venir à bout de ce travail gigantesque, n’ont ménagé ni leur temps, ni leur peine.

Les cinq outils de planification sont en place. La stratégie nationale bas-carbone à l’horizon 2030 a été publiée en novembre 2015 ; elle constitue la base de la contribution française à l’accord de Paris. Comme je vous l’ai dit, la France est, des 113 nations qui ont ratifié l’accord, la seule qui ait publié un texte portant sur tous les aspects de la transition énergétique et écologique, et une stratégie bas-carbone. Les programmations pluriannuelles de l’énergie sont publiées pour la métropole, la Corse et La Réunion ; les autres PPE des outre-mer, en cours d’élaboration, seront prochainement soumises à consultations, lesquelles représentent également un travail considérable. La PPE pour la France métropolitaine est accompagnée de la stratégie nationale de développement de la mobilité propre, volet majeur de cette dynamique. Le plan de réduction des émissions de polluants atmosphérique sera publié dans quelques semaines, à l’issue des consultations obligatoires. Enfin, la stratégie nationale de recherche énergétique, en voie de finalisation, vient d’être présentée au Conseil national de la transition écologique.

J’ai présenté les objectifs de développement durable de la France à l’Organisation des Nations Unies (ONU). La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et les cinq outils de planification qu’elle prévoit donnent du corps et de la cohérence à la stratégie voulue par l’ONU.

Vous savez mon attachement à la co-construction des textes. Une intense concertation sur cette stratégie complexe a eu lieu avec les parties prenantes. Pour la première fois, la stratégie énergétique de la France a fait l’objet, non seulement d’un travail parlementaire approfondi, mais aussi d’un débat ouvert avec la société civile. En témoigne la concertation menée pour l’élaboration de la PPE : organisation de multiples ateliers de travail avec les acteurs des secteurs concernés, consultation et avis de nombreuses instances, publications sur le site du ministère et publications des contributions du grand public. Vos représentants au Conseil national de la transition écologique et au Conseil supérieur de l’énergie peuvent l’attester, les propositions du collège parlementaire ont été largement reprises dans la version finale du texte. L’Autorité environnementale ainsi que le comité d’experts pour la transition énergétique créé par la loi ont également rendu leur avis – il faut se rendre compte du travail qu’induit la création d’une instance de cette sorte, introduite au cours du débat parlementaire.

Enfin, le public a été consulté sur le site du ministère ; 5 000 contributions ont été reçues, synthétisées, après que je les ai lues personnellement, puis intégrées dans la PPE. Ce fut un grand travail, mais ma conception de la démocratie participative est que si l’on consulte le public, alors on donne suite, si cela se peut, à ses propositions. Je tiens donc à votre disposition le tableau récapitulant toutes ces contributions. On y trouve détaillées celles qui ont été intégrées dans la PPE et, quand cela était impossible, les raisons ayant empêché qu’elles le fussent.

Il a aussi fallu mobiliser les territoires pour la transition énergétique. Ayant été élue locale pendant de très longues années, j’y tenais particulièrement. Je sais que les citoyens, les élus et les entreprises ont besoin de s’approprier les textes pour leur donner une réalité et un impact. La plupart d’entre vous, et je vous en remercie, ont œuvré à la création de territoires à énergie positive ; on en compte maintenant 400 environ. À mes yeux, élaborer une ordonnance complexe et conclure un contrat de territoire à énergie positive sont, dans le cadre de cette loi, deux actes d’égale importance.

Vous le savez, la PPE comprend aussi un volet relatif aux économies d’énergie. J’ai annoncé, au début du mois, le doublement des objectifs des certificats d’économie d’énergie. L’objectif fixé pour les trois ans à venir est de 1 200 térawatts-heure (TWh) cumulés pour les certificats « classiques », contre 700 pour la période qui prend fin en 2017, et de 400 TWh cumulés pour les certificats destinés à lutter contre la précarité énergétique créés par la loi et mis en place dès le début de l’année 2016, contre 150 TWh pour la période en cours. Les travaux réalisés grâce aux certificats d’économie d’énergie permettront de réduire la facture énergétique de 10 milliards d’euros par an. Ces objectifs figureront dans un décret en Conseil d’État en cours d’examen et qui sera publié prochainement, pour donner aux fournisseurs d’énergie concernés la visibilité nécessaire. Je me suis engagée à faire toute la transparence sur l’utilisation des certificats, afin qu’ils contribuent aux objectifs prioritaires fixés dans la loi. Je les contrôle personnellement pour éviter que ne se constitue, comme par le passé, une économie circulaire au profit des opérateurs : les certificats doivent effectivement être réutilisés au bénéfice des consommateurs.

Plus généralement, la PPE renforce la lutte contre la précarité énergétique, qu’elle vise à réduire de 15 % à l’horizon 2020. La loi a ajouté la performance énergétique à la liste des critères de décence du logement ; ce texte, à l’élaboration complexe, est à l’examen du Conseil d’État et sera prochainement publié. Les logements HLM mis en vente par le bailleur devront respecter des critères minimaux de performance énergétique. La loi institue le fond de garantie de la précarité énergétique, destiné à garantir des prêts pour les ménages modestes. Enfin, l’évaluation de l’expérimentation du chèque énergie, que j’ai heureusement limitée à quatre départements pour pouvoir réajuster le dispositif, montre qu’en augmentant le volume de dépenses on a accru d’un million le nombre de bénéficiaires potentiels, mais qu’une partie des bénéficiaires qui, auparavant, cumulaient des aides relatives à plusieurs sources d’énergie ont constaté une petite baisse du montant reçu. Nous sommes en train de réajuster le dispositif pour corriger cet effet, tout en l’étendant aux sources d’énergie – par exemple aux cuves à fioul – précédemment écartées des tarifs sociaux de l’électricité et du gaz ; il pourra aussi être utilisé pour la réalisation de travaux d’économies d’énergie.

Pour ce qui concerne la rénovation énergétique des bâtiments, douze décrets sur seize sont publiés. Quatre décrets dont la rédaction a été particulièrement ardue sont encore à l’examen au Conseil d’État et seront prochainement publiés, notamment celui qui porte sur la rénovation des immeubles tertiaires, très attendu, et celui qui concerne l’exemplarité des bâtiments publics.

Dans le secteur de la construction neuve, la France vise une première mondiale en préparant une réglementation environnementale pour un bâtiment à énergie positive et bas-carbone. Le décret sur le bonus de constructibilité est publié ; il définit – et nous sommes le premier pays à le faire – ce qu’est un bâtiment à énergie positive et bas-carbone. Ma collègue Emmanuelle Cosse et moi-même avons lancé la semaine dernière une expérimentation visant à définir de futurs standards réglementaires environnementaux ambitieux. En 2018, 100 % des bâtiments neufs doivent être à énergie positive et bas-carbone. Les constructions neuves seront pré-équipées en dispositifs de recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables, ce qui servira le développement industriel du véhicule propre.

Les constructions existantes constituent la plus grosse part du défi que représente le « bâtiment économe ». La loi fixe l’ambition que la totalité du parc de bâtiments soit aux normes « bâtiment basse consommation ». La réglementation thermique s’appliquant aux bâtiments existants a été révisée dans le sens des ambitions de la loi et de la stratégie bas-carbone. La loi renforce l’ambition en imposant des travaux d’isolation thermique et acoustique en cas de travaux de rénovation importants. Le décret a été publié il y a six mois, en dépit des résistances du secteur du bâtiment et de la construction – lequel constate maintenant que le texte permet la création d’emplois dans ce secteur. La loi renforce l’obligation de travaux de rénovation énergétique dans le secteur tertiaire – le décret est également publié –, visant une réduction de la consommation d’énergie de 60 % à l’horizon 2050. C’est le calendrier évoqué à la COP22 pour aboutir à la « neutralité carbone ».

S’agissant des transports propres et de la qualité de l’air, l’appel à projets relatifs aux transports urbains, dont les lauréats ont été annoncés fin 2014, a permis la création de nouveaux projets de transports collectifs dans les agglomérations. 450 millions d’euros ont récompensé 99 projets visant à favoriser les modes alternatifs aux véhicules particuliers ainsi qu’à développer les transports collectifs en site propre – métros, tramways, bus à haut niveau de service, appontements fluviaux-maritimes et aussi transports par câble. Dans ce dernier secteur, huit magnifiques projets verront le jour. J’ai eu le plaisir d’inaugurer le premier téléphérique urbain à Brest. Qu’en dire ? Aucune pollution, aucun accident, aucun encombrement et un rapport qualité-prix remarquable, puisque l’absence d’emprise au sol est facteur d’économies considérables : un transport par câble a coûté 19 millions d’euros, alors que la construction d’un pont pour franchir le même espace aurait coûté de 100 à 150 millions d’euros. C’est le mode de transport du futur dans les villes asphyxiées, même quand il n’y a pas de dénivelé. L’ordonnance prévue à l’article 52 de la loi et que j’ai publiée simplifie la procédure : il n’est plus obligatoire d’exproprier les terrains survolés par les câbles, ce qui lève un frein puissant.

Avec la création de l’indemnité kilométrique vélo et la réduction d’impôt prévue à l’article 39 de la loi pour les sociétés qui mettent une flotte de vélo à disposition de leur personnel, la France s’est également dotée d’une législation incitant à la pratique du vélo comme mode de déplacement quotidien.

L’article 55 a créé un plan de déplacements spécifique aux territoires ruraux, le plan de mobilité rurale. Il a été mis en application.

Pour favoriser l’élaboration des plans de mobilité dans les entreprises, l’article 51 précise leur contenu et prévoit leur transmission aux collectivités compétentes ; tous les textes sont publiés.

Enfin, un soutien exceptionnel de 30 millions d’euros pour les années 2016 et 2017 a été décidé en faveur des entreprises recourant au transport combiné pour leurs marchandises. L’objectif est d’éviter l’utilisation de plus de 900 000 poids lourds et l’émission de 760 000 tonnes de CO2.

Conformément à l’article 52 de la loi, le transport maritime a également été appelé à contribuer à la transition énergétique avec la publication du schéma national d’orientation pour le déploiement du gaz naturel liquéfié (GNL) comme carburant marin. Des initiatives ont déjà vu le jour dans les ports du Havre, de Marseille, de Nantes et de Dunkerque. La réactivité de la France pour se positionner dès maintenant sur le marché naissant du GNL est primordiale et répond à des enjeux économiques importants pour les filières portuaire, énergétique et industrielle. Je souhaite promouvoir une filière française du GNL comme carburant marin.

L’ordonnance relative à la teneur en soufre des combustibles marins, prévue à l’article 59, a été publiée. La France réalisera cette année 630 contrôles dans les ports français, dont 189 comporteront des prises d’échantillons de carburant. Au 30 septembre, à la suite des instructions que j’ai données, 466 contrôles avaient été réalisés et 7 infractions constatées. Les infractions font l’objet de poursuites judiciaires car un combustible à haute teneur en soufre pollue potentiellement de manière considérable.

Un appel à projets visant à sélectionner des projets de ports à énergie positive a été publié à l’été 2016 ; les dossiers peuvent être déposés jusqu’au 30 novembre. De très beaux projets seront prochainement mis en valeur.

Je ne saurais passer sous silence le lancement des travaux du premier kilomètre de la « route solaire » dans le département de l’Orne. Cet exemple de saut technologique propulse la France dans ce qui se fait de meilleur en matière d’audace technologique liée aux énergies renouvelables.

Nous assistons aussi au changement d’échelle du déploiement de la mobilité électrique : le seuil des 100 000 véhicules électriques a été franchi. J’ai fixé l’objectif d’un million de points de charge, publics et privés, en trois ans.

Après l’avis du Conseil d’État, qui a examiné le texte le 8 novembre dernier, les décrets relatifs à l’achat de véhicules à faibles émissions par l’État et les collectivités locales pour le renouvellement des flottes publiques sont prêts à être publiés. Désormais, la moitié des achats annuels de voitures, utilitaires et poids lourds par l’État et 20 % de ces achats par les collectivités locales devront être des achats de véhicules propres. C’est un minimum : je souhaitais qu’ils représentent 100 % des acquisitions à l’horizon 2020, ce qui aurait créé un marché public plus vaste. Je suis sûre que lorsque l’habitude aura été prise d’utiliser des véhicules propres, les réticences constatée au moment du vote de la loi se dissiperont. Je fais le pari qu’une fois les bornes électriques installées et la filière hydrogène énergie développée, on ira, comme c’est nécessaire, beaucoup plus vite si les constructeurs automobiles baissent les prix et renforcent l’efficacité de leurs véhicules.

La fiscalité des carburants a été réformée au service de la transition énergétique avec la poursuite du rapprochement de la fiscalité sur l’essence et le diesel en 2017 et l’extension progressive, en cinq ans, de la déductibilité de la TVA sur les véhicules essence d’entreprises pour l’aligner sur celle qui vaut pour les véhicules diesels.

Enfin, les certificats « qualité de l’air » permettent la création des zones à circulation restreinte prévue par la loi. Je salue les initiatives prise par Grenoble, première ville qui utilise ces certificats. Au niveau national, plus de 100 000 certificats ont déjà été demandés par les propriétaires de véhicules. La montée en puissance à laquelle on assiste permettra aux maires, comme la loi leur en donne le droit, de définir les zones à circulation restreinte et ainsi de ne pas s’en tenir à la circulation alternée en cas de pics de pollution mais de réglementer la circulation en fonction de la propreté des moteurs.

Tous les textes d’application du titre IV de la loi ont été adoptés. Ce titre IV permet d’engager la France dans un défi majeur : passer d’un modèle économique linéaire à un modèle d’économie circulaire. L’élaboration des décrets a été très compliquée car il a fallu intégrer l’ensemble du cycle de vie des produits : dès leur production éco-conçue, pendant leur phase de consommation et jusqu’à la gestion des déchets qui en résultent.

Plusieurs mesures, tels les objectifs de gestion des déchets définis à l’article 70, étaient d’application immédiate : diminution de moitié de la mise en décharge prévue d’ici 2025 ; généralisation du tri à la source des bio-déchets ; généralisation du tri de tous les emballages en plastique ; définition et pénalisation de l’obsolescence programmée.

L’article 75 a permis l’interdiction progressive des sacs plastiques à usage unique. Cette disposition, citée en exemple à la COP21 et à la COP22, a suscité la création d’une coalition d’États, de structures infra-étatiques et de villes, qui ont également décidé de lutter contre l’utilisation de ces sacs et la pollution marine ainsi provoquée.

L’article 93 permet le développement d’un réseau de déchèteries professionnelles accueillant les déchets du bâtiment et des travaux publics (BTP). Que n’ai-je entendu à ce sujet ! Le décret est pris. Ces déchets constituent un gisement très important en quantité et en recyclage ; j’observe que ceux qui étaient les plus réticents sont désormais parfois les plus dynamiques. Souvent, ils se sont regroupés, ce que le décret autorise quand il s’agit de petits revendeurs. Une réflexion est maintenant lancée sur la réutilisation des déchets du BTP pour des gros travaux d’infrastructure. On voit naître, enfin, – car la France était en retard sur l’Allemagne à ce sujet – une filière de recyclage des métiers du bâtiment.

La lutte contre le gaspillage alimentaire dans les restaurants publics des collectivités territoriales et de l’État, prévue à l’article 102, est en place. À ma demande, un guide de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) consacré à ce sujet a été diffusé. Pour compléter la loi du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, le secteur de la restauration à domicile a également été mobilisé.

La PPE prévoit l’accélération très forte du développement des énergies renouvelables – cœur du dispositif – en augmentant de plus de 50 % la capacité installée des énergies renouvelables électriques en 2023 par rapport à 2015. Il ne faudra pas traîner !

Ces objectifs ont été déclinés par filière dès le mois d’avril, puis repris dans la PPE. Il a fallu discuter, filière par filière, pour être à la fois réaliste et offensif. Mon ambition est de doubler la capacité éolienne et de tripler la capacité solaire d’ici 2023. Pour y parvenir, j’ai réformé les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables électriques en instaurant le complément de rémunération, qui accompagne la meilleure intégration des installations de production d’énergies renouvelables aux marchés.

J’ai accéléré les appels d’offres pour le développement des énergies renouvelables. Pour le photovoltaïque, la visibilité donnée par un calendrier étendu permet de consolider les filières industrielles, avec un appel d’offres pluriannuel portant sur des installations solaires au sol pour un volume de 3 000 mégawatts (MW) réparti sur six tranches s’étalant sur trois ans ; un appel d’offres pour des installations solaires sur bâtiments, avec un volume de 1 350 MW réparti sur neuf tranches s’étalant sur trois ans ; et la désignation des lauréats des appels d’offres pour des fermes au sol et des projets sur bâtiments, à hauteur de 1 100 MW en 2016. J’ai veillé à ce que tous les appels d’offre lancés cette année comportent une prime incitant au financement participatif. Cette nouveauté a un peu compliqué les choses mais il fallait tenir bon car c’est aussi l’esprit de la loi.

Plus important encore, le nouveau cadre réglementaire de l’autoconsommation est en place. Ce n’était pas plus facile, car c’est d’un changement complet des mentalités qu’il s’agit. J’ai lancé un premier appel d’offres et 72 lauréats vont bénéficier d’une prime moyenne de 40,88 euros par MWh. Tous les dossiers lauréats sont des projets photovoltaïques et 28 d’entre eux ont opté pour l’investissement participatif, ce qui est un résultat très important. Le taux d’autoconsommation moyen est très élevé : il avoisine les 98 %.

Comme je l’ai maintes fois répété au cours du débat parlementaire, la PPE n’oppose pas les énergies les unes aux autres mais précise la part de chacune à l’horizon 2018 et à l’horizon 2023. La PPE présente les fourchettes de diminution de la part du nucléaire dans la production d’électricité, conformément aux scenarii de consommation et de réseaux étudiés en concertation. Elle précise les outils permettant de réduire la consommation d’énergie dans le bâtiment et les transports. Elle fixe les ambitions de développement et d’organisation des réseaux de distribution pour mettre en place un modèle énergétique plus intelligent et plus décentralisé.

Dans le cadre du fonds « chaleur » dont nous avons doté l’ADEME pour développer la filière biomasse, l’appel à projets biomasse chaleur dans l’industrie, l’agriculture et le tertiaire, dit « ENERGIEBIO », a été lancé en septembre 2016 ; les offres doivent être remises le 31 janvier 2017 au plus tard.

Avec 55 millions d’euros consacrés à l’approvisionnement en biomasse des chaufferies, l’appel à manifestation d’intérêt « Dynamic bois » lancé en 2015 et reconduit en 2016 a permis d’accompagner 40 projets structurants destinés à alimenter – à hauteur de 3 millions de tonnes de bois – les chaufferies soutenues par le fonds chaleur et à améliorer la qualité des peuplements sur près de 40 000 hectares, avec un financement direct.

Un mot sur la démocratie participative, que la loi cherche à renforcer dans le domaine énergétique. L’installation d’équipements de production d’énergie renouvelable
– éoliennes, méthaniseurs, chaufferies bois, fermes photovoltaïques – suscite souvent des débats qui allongent les délais de réalisation. Je m’étais engagée à réduire drastiquement les délais : le permis unique vise à ce que les opérateurs sachent d’emblée si leur projet est correctement structuré et quand ils pourront construire, pour éviter les contentieux et les rebondissements ultérieurs. Pour accompagner les nouveaux textes publiés cet été, nous avons publié une charte de la participation du public ; à la disposition de tous, elle rassemble les valeurs et les principes à mettre en œuvre lors des concertations. Outre que la concertation permet d’améliorer les projets, elle suscite un meilleur dialogue, permet aux élus locaux de prendre leurs responsabilités et, en restreignant les contentieux, réduit les délais de mise en œuvre.

Sur la sûreté nucléaire, l’ensemble des textes d’application – ordonnance et décrets – du titre VI ont été adoptés. Avec l’article 124 de la loi et les textes d’application, nous avons amélioré l’information et la transparence en matière de sûreté nucléaire à l’égard des citoyens, en renforçant le rôle des commissions locales d’information (CLI) et en modifiant leur composition. Elles sont désormais ouvertes à des habitants des pays frontaliers – et, pour la première fois, des Suisses ont participé à la CLI du Bugey, le 8 avril 2016.

L’article 125 de la loi a introduit des modalités de suivi spécifiques des salariés des sous-traitants des industries nucléaires par la médecine du travail.

J’ai mis un point d’honneur à ce que le décret relatif à la modification, à l’arrêt définitif et au démantèlement des installations nucléaires de base ainsi qu’à la sous-traitance, texte complexe qui devait faire l’objet d’un travail très minutieux dans un domaine particulièrement sensible, soit publié ; il l’a été le 28 juin 2016.

L’article 126 précisant et renforçant le cadre réglementaire des modifications des installations nucléaires de base est aussi appliqué. Les modifications substantielles sont désormais soumises à une autorisation donnée soit par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), soit par décret en Conseil d’État après avis de l’ASN. La France se dote ainsi d’un régime plus clair d’encadrement de la prolongation de la durée de vie des installations, en particulier des centrales nucléaires au-delà de 40 ans, avec un suivi renforcé de l’état de sûreté. Les prescriptions qui en découlent comprennent les dispositions relatives au suivi dans le temps des équipements importants pour la sûreté, avec un rapport intermédiaire après cinq ans.

Le 10 février 2016, une ordonnance portant diverses dispositions en matière nucléaire a été publiée en application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Elle renforce les moyens de contrôle et les pouvoirs de sanction de l’ASN, en dotant cette autorité d’outils plus gradués, telles que les amendes et les astreintes administratives.

J’ai renforcé les moyens budgétaires de l’ASN et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). L’ASN a bénéficié de dix créations d’emplois en 2016 comme en 2015 ; en 2017, il y en aura trente, ce qui permettra d’accélérer la publication des avis. L’IRSN bénéficiera de la création de vingt postes.

L’ordonnance institue une obligation nouvelle de protection physique des sources radioactives utilisées dans l’industrie nucléaire, l’industrie classique ou pour la recherche, afin d’en prévenir le vol et l’utilisation malveillante. Elle dote en outre le Haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de l’énergie de pouvoirs de contrôle renforcés et gradués, afin de garantir que les opérateurs nucléaires assurent une protection efficace des matières nucléaires contre les risques de vol et d’utilisation malveillante. Cette ordonnance participe de l’effort du Gouvernement dans la lutte contre le terrorisme.

Des mesures ont été prises pour donner à tous le pouvoir d’orienter l’économie vers une société bas-carbone. Ainsi, l’article 173 de la loi prévoit que les investisseurs doivent désormais prendre en compte les critères liés à la lutte contre le changement climatique dans leurs stratégies d’investissement et faire rapport sur ce point à leurs actionnaires. Cet article de la loi française et ce « reporting vert » servent de référence aux réseaux d’investisseurs dans le monde. Pour le compléter, j’ai créé deux labels – l’un distingue les fonds d’investissement « verts », l’autre les projets de financement participatif verts – ainsi qu’un prix du meilleur reporting extra-financier des investisseurs. J’ai aussi remis de premiers prix internationaux du reporting extra-financier, fin octobre, aux meilleures entreprises investisseurs.

Par ailleurs, j’ai renforcé le soutien à l’innovation par plusieurs voies. Dans le cadre de Greentech, le ministère a accompagné financièrement, à ce jour, 200 « jeunes pousses » lauréates. Le programme d’investissements d’avenir (PIA) a financé de grands démonstrateurs, singulièrement pour le développement des énergies renouvelables en mer, tel l’éolien flottant, pour lequel j’ai annoncé en 2016 les quatre projets lauréats de fermes pilotes. Enfin, les deux tiers des crédits du nouveau PIA, lancé dans le projet de loi de finances pour 2017, seront consacrés au développement durable et à la transition énergétique. C’est un support très fort pour l’application de la PPE.

Il y aurait encore énormément à dire pour donner de l’écho au travail considérable qui a été réalisé. J’entends parfois, et je lis aussi – y compris dans le rapport que vous avez publié –, que ce n’est pas suffisant et qu’il aurait fallu faire davantage. Non ! Ma conception de la vie politique n’est pas le « toujours plus », et l’auto-flagellation ne se justifie pas. La France peut être fière de ce qu’elle a fait, et il faut être conscient de ce qui se dit à l’échelle internationale. Car si, à l’intérieur, la critique fuse facilement, je puis vous dire – et ceux d’entre vous qui ont des discussions avec des collègues des parlements du monde sur les questions climatiques le confirmeront – que la France est à l’avant-garde en matière de transition énergétique. Si elle l’est, c’est au prix d’un travail considérable du Parlement, des élus dans leurs territoires, et des équipes du ministère qui sont véritablement au service de l’intérêt général, œuvrant pour les générations présentes comme pour les générations futures, car le dérèglement climatique est déjà là. Nous sommes conscients de cette urgence et c’est ce qui nous a conduits à travailler rapidement, sans nous ménager. J’entends parfois critiquer la fonction publique ; je tiens à vous dire qu’elle travaille, avec acharnement, au service de nos concitoyens. (Applaudissements)

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je suis corapporteure de la mission d’information sur l’application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Les choses avancent bien, le dynamisme est lancé dans de nombreux domaines, les démarches citoyennes témoignent de l’appropriation des enjeux énergétiques par la population, les territoires s’engagent, avec beaucoup de territoires à énergie positive, et les appels à projets sur les énergies renouvelables se succèdent. Un an après le vote de la loi, c’est déjà un vrai succès.

Cependant, la mission a regretté qu’un certain nombre d’ordonnances, notamment celle relative au stockage de gaz ou encore celle portant sur le déploiement expérimental de réseaux électriques intelligents, n’aient pas été prises dans le délai d’habilitation. Il faut donc désormais de nouveaux véhicules législatifs, je pense, pour prendre ces mesures. Prévoyez-vous un véhicule législatif particulier pour engager la réforme sur le stockage de gaz ?

Le rapport au Parlement sur le statut des colonnes montantes n’est pas non plus disponible. Lors de nos auditions, il a été fortement réclamé. Pensez-vous remettre ce rapport bientôt ?

Lors des débats en commission, il a également été souligné que notre rapport évoquait très peu la question de l’hydrogène, un sujet auquel je sais que vous êtes sensible. Pouvez-vous revenir sur la stratégie française en la matière dans les transports ?

Par ailleurs, le mécanisme de capacité, sur lequel pourront être valorisés des effacements, venant d’être approuvé par la Commission européenne, cela rend nécessaire la signature de décrets relatifs à l’effacement de consommation. Ces décrets sont-ils prêts ?

Il est prévu dans la PPE qu’aucune nouvelle installation de production d’électricité à partir de charbon non équipée de systèmes de capture, stockage ou valorisation du dioxyde de carbone ne sera plus autorisée en métropole continentale. Quand cette disposition entrera-t-elle en vigueur ?

Les discussions avec la Commission européenne se poursuivent sur l’hydroélectricité. Cette énergie sera indispensable pour le passage de l’hiver dont on parle tant. Les opérateurs sont prêts à investir, notamment sur la Truyère, sur le Rhône, dans la vallée du Louron, comme permis par la loi. La proposition de la Commission européenne de mise à disposition de volumes productibles sur le marché par les opérateurs est également un vrai signe d’ouverture. Cela vous semble-t-il répondre à nos objectifs ?

Au lendemain de la COP22, je salue votre engagement et votre investissement dans la réussite de l’accord de Paris. Un réseau d’investisseurs africains engagés en faveur du climat a été lancé dans le but de financer les efforts de réalisation d’un développement bas carbone avec l’épargne domestique des pays africains. Comment la France soutient-elle cette initiative ?

M. Bertrand Pancher. Pourquoi tout cela avance-t-il si lentement ? Je ne dirai pas que votre action et celle de la communauté internationale ne vont pas dans le bon sens, mais cela avance à un rythme qui n’est pas à la hauteur des enjeux.

Comme je l’ai indiqué à Mme Laurence Tubiana lors de la précédente audition organisée par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, j’ai participé à une dizaine de COP ; chaque fois, les communiqués sont triomphants mais, de COP en COP, les écarts entre les émissions des pays et ce qu’il faudrait faire s’aggravent. Pour atteindre la marge des trois degrés, il va falloir déployer des efforts plus importants. Or les alternances politiques se font dans le meilleur des cas vers des engagements mous et, au pire, vers des climato-sceptiques comme en Australie, au Canada, en Pologne et, à présent, aux États-Unis. On se demande bien, dès lors, comment nous pourrons nous en sortir.

Je débattais ce matin avec des organisations environnementales dans un grand média. Ces organisations sont encore plus critiques que moi et considèrent que rien ne marche. Sur tous les sujets, le nucléaire, les énergies renouvelables, les économies d’énergie, les travaux d’isolation, on est très loin de ce qu’il faudrait. Il n’y a qu’à voir les primaires de la droite et du centre : sur trois débats, la question du climat a été posée à la toute fin du dernier et si rapidement que plus de la moitié des candidats n’ont pas répondu. Comment s’explique ce peu d’intérêt des médias et de la plupart des leaders politiques ? Comment mettre en place une nouvelle mise sous tension de la société ? Quel serait le meilleur mode de régulation ? Nous comptons beaucoup sur l’Europe : quelle est l’initiative européenne que nous devons tous prendre ?

Mme Jeanine Dubié. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, extrêmement ambitieuse, a été suivie d’effets grâce aux décrets et ordonnances qui ont été pris.

L’Observatoire national de la précarité énergétique vient de rendre un rapport dans lequel il constate une augmentation du nombre de ménages et de personnes en situation de précarité énergétique : 500 000 de personnes en plus, soit un total de 12 millions de personnes et 6 millions de foyers. Comment le chèque énergie peut-il être amélioré de façon à répondre à l’évolution de la situation ?

S’agissant du renouvellement des concessions hydroélectriques, des discussions ont lieu entre le Gouvernement, la Commission européenne et les entreprises concernées, notamment sur l’organisation des vallées et les conditions de prolongement des concessions. Où en est-on, en particulier sur la création des sociétés d’économie mixte hydroélectriques ?

Enfin, vous avez, par un arrêté conjoint avec le ministère de l’économie du 21 septembre 2015, refusé à une compagnie pétrolière australienne la prolongation d’un permis de recherche d’hydrocarbures dans les Hautes-Pyrénées et le Gers pour les cinq ans à venir. Or cet arrêté vient d’être annulé par le tribunal administratif de Pau, qui donne trente jours au ministère de l’environnement pour prolonger le permis. Quels moyens avez-vous pour faire respecter la volonté du Gouvernement, des élus et d’une majorité de la population ? À l’heure de la transition énergétique, on peut s’étonner de cette décision du tribunal administratif.

M. Patrice Carvalho. Après l’accord de Paris que 113 pays signataires ont ratifié, la COP22 à Marrakech avait pour objectif de passer des paroles aux actes. Au chapitre des points positifs, on relève que onze nouveaux pays ont mis à profit cette conférence pour ratifier à leur tour l’accord. Néanmoins, le sommet s’est ouvert avec en toile de fond l’élection de M. Donald Trump, et chacun avait en mémoire ses propos de tribune, ses professions de foi climato-sceptiques, mais surtout son intention affirmée de dénoncer l’accord de Paris et de quitter la convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique.

Depuis qu’il a été élu, il a certes un peu tempéré ses propos mais, en même temps, il s’apprête à nommer un certain M. Myron Ebell à la tête de l’agence de protection de l’environnement américaine, l’EPA (Environnemental Protection Agency). Cette instance est chargée de mettre en œuvre l’accord de Paris et de faire respecter les engagements pris par les États-Unis. Or ce personnage est l’un des plus en pointe dans l’équipe de M. Trump pour considérer que le changement climatique « n’est qu’un canular inventé par les Chinois ou les Européens pour tuer l’industrie américaine ». Dans ces conditions, que peut-il se passer ?

J’imagine mal les États-Unis aller au bout des intentions de M. Donald Trump mais ils peuvent se contenter de ne rien faire et, pour commencer, ne pas respecter l’engagement pris par M. Barak Obama de réduire de 26 à 28 % les émissions de gaz à effet de serre de son pays d’ici à 2030 ; c’est une possibilité dès lors que l’accord de Paris n’est pas contraignant. Ce choix serait très préjudiciable à l’objectif poursuivi, destiné à contenir le réchauffement en deçà de deux degrés, d’autant que nous savons que les engagements actuels des États signataires se situent plutôt à trois degrés.

Cette COP22 se tenait au Maroc, c’est-à-dire en terre africaine, ce qui n’est pas anodin. En 2009, au sommet de Copenhague, les pays développés avaient décidé de créer le Fonds vert afin de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour aider les pays en développement à faire face au changement climatique. La COP21 a choisi d’étendre cet objectif jusqu’en 2025. Pour l’heure, le Fonds vert n’est capitalisé qu’à hauteur de 10 milliards de dollars pour la période 2015-2018, soit 2,5 milliards par an en moyenne.

La COP22 de Marrakech devait être un rendez-vous majeur pour l’agriculture, celle des pays en développement en tout premier lieu. Pourtant, la cause n’aura pas avancé d’un pouce. Il s’agit bien d’un enjeu vital : 66 % de la population du continent africain travaillent dans le secteur agricole. Et il s’agit de nourrir une population à la démographie exponentielle particulièrement exposée aux conséquences du changement climatique : sécheresses, inondations, montée du niveau de la mer, chute des rendements, acidification des sols… Ces manifestations contraignent des millions de personnes à migrer, dans des proportions infiniment plus grandes que ceux qui fuient aujourd’hui la guerre. L’ONU estime à 83,5 millions le nombre de « réfugiés climatiques » recensés de 2011 à 2014 et en prévoit 250 millions en 2050.

Le défi est triple : il s’agit à la fois de lutter contre les fléaux résultant du réchauffement climatique, et notamment la sécheresse, d’assurer la sécurité alimentaire et de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Un texte aurait dû être adopté à Marrakech mais il a été renvoyé à une réunion ultérieure à Bonn. La pierre d’achoppement réside dans le refus d’un certain nombre de pays, avec le concours de l’agrobusiness, de renoncer au modèle d’agriculture intensive et d’exportation. Or ce modèle basé sur les grandes monocultures destinées davantage à l’exportation qu’à nourrir les populations locales, très émetteur de gaz à effet de serre, et recourant aux intrants chimiques, est catastrophique.

À Marrakech, des alternatives ont été évoquées afin de modérer l’agriculture intensive, d’arrêter d’épuiser les sols pour, à l’inverse, les utiliser comme puits de carbone : un tel processus de stockage contribuerait non seulement à contenir les émissions de CO2 mais aussi à apporter de la matière organique et donc à favoriser la fertilité des sols. De ce point de vue, la COP22 apparaît comme un rendez-vous manqué.

Néanmoins, nous mesurons mieux que des solutions existent contre le réchauffement climatique. L’obstacle à franchir, et il n’est pas mince, réside dans le mode de développement aujourd’hui dominant à l’échelle de la planète : un libéralisme mondialisé qui, dans sa logique même, fait fi de l’environnement. Pour y faire face, nous avons besoin de volonté politique. On ne peut pas dire qu’elle soit manifeste. Les résultats de la COP22 en apportent la preuve et montrent les limites des engagements de Paris, dès lors que ceux-ci ne sont pas contraignants.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous en venons aux questions des députés.

M. Christophe Bouillon. Si je comprends bien, il y a ceux qui voient la bouteille à moitié vide et ceux qui la voient à moitié pleine. Je préfère m’intéresser à ceux qui remplissent la bouteille. Remplir la bouteille, c’est avoir fixé un mix énergétique qui répond aux engagements de la France pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et place notre pays dans une stratégie plus verte, plus décentralisée et plus digitalisée. Remplir la bouteille, c’est avoir pris en un temps record plus de 90 % des décrets d’application nécessaires pour faire de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, une loi véritablement d’action. Remplir la bouteille, c’est établir une programmation pluriannuelle de l’énergie, outil de pilotage dessinant une trajectoire et offrant de la visibilité dans les objectifs et de la stabilité dans les dispositifs d’aide. Remplir la bouteille, c’est faire confiance aux territoires pour réussir la transition énergétique : les territoires à énergie positive sont un succès, ils sont nombreux, catalyseurs de bonnes pratiques et véritables démonstrateurs de la transition énergétique. Remplir la bouteille, c’est jouer la carte de l’innovation et de l’expérimentation. Remplir la bouteille, c’est débloquer, via la Caisse des dépôts et consignations, plusieurs milliards d’euros pour accompagner les projets des territoires et des entreprises. On voit que la transition énergétique est en marche. Qu’est-ce qui pourrait la remettre en cause ou, dit autrement, qu’est-ce qui, Madame la ministre, est inscrit dans le marbre parmi les dispositions que vous avez prises ?

M. Guillaume Chevrollier. Avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la COP21, vous avez, Madame la ministre, un beau bilan, avec beaucoup de communication, de débats participatifs et d’autopromotion. Le bilan du quinquennat dans d’autres domaines n’est pas aussi exemplaire.

Concrètement, comment se fera la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du bâtiment ? Par ailleurs, entre les engagements de réduction de la part du nucléaire et la réalité, quelle est la situation en cette fin de mandat ?

L’agriculture connaît une crise grave dans tous les secteurs de l’élevage et de la production agricole. Vous avez vu l’inquiétude de nos agriculteurs à l’occasion de la réécriture de l’arrêté de 2006. Ils en ont assez de la surtransposition de normes européennes et veulent de la stabilité. Ils ont consenti beaucoup d’efforts : il faut en avoir conscience.

Quel est le bilan de la COP22 sur le financement du Fonds vert ? La COP21 avait elle aussi donné lieu à beaucoup de discours et d’engagements, et notamment à la promesse du Président de la République de prendre la tête d’une coalition de pays pour aller plus vite et plus loin dans la décarbonisation de l’économie. Pouvez-vous nous éclairer sur la mise en œuvre de cette promesse ?

Mme Marie-Lou Marcel. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur les concessions hydroélectriques et plus particulièrement sur la prorogation de ces concessions au bénéfice des vallées du Lot et de la Truyère.

Dans le récent rapport d’information parlementaire consacré à l’application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, notre collègue Marie-Noëlle Battistel a rappelé le rôle déterminant de l’hydroélectricité dans le mix énergétique français et dans la transition énergétique. Ce rôle est d’ailleurs confirmé par la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui consacre une place centrale à l’hydroélectricité comme complément idéal des productions éoliennes et solaires, et appelle de ses vœux des développements nouveaux de cette énergie.

La loi a introduit la possibilité pour l’État de prolonger ces concessions hydroélectriques afin d’y réaliser des investissements. Il semble que l’État défende cette option pour les concessions de la vallée du Rhône.

Dans votre réponse à ma question écrite de février 2016, vous aviez reconnu l’enjeu majeur que revêt l’hydroélectricité dans les vallées du Lot et de la Truyère, enjeu d’intérêt national, contribuant au développement économique de ces territoires. Vous aviez confirmé votre plein soutien à de nouveaux investissements, en précisant qu’il n’était pas exclu qu’ils soient réalisés dans le cadre d’une prolongation de la concession. Vous aviez précisé qu’aucune demande formelle n’avait été déposée par le concessionnaire actuel.

Or, vous le savez, des projets fortement contributifs aux objectifs de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte existent sur les vallées du Lot et de la Truyère. Ils pourraient être lancés rapidement dans le cadre d’une prolongation des concessions et auraient un impact très positif sur le développement de nos territoires ruraux, tant en termes d’emplois que de ressources nouvelles pour les collectivités.

Au moment où nos territoires ont besoin d’investissements et où notre pays doit relever le défi de la transition énergétique, pouvez-vous préciser vos intentions sur la prorogation des concessions du Lot et de la Truyère ?

Mme Michèle Bonneton. Dans notre économie globalisée, il est très important de donner un prix au carbone. Pouvez-vous nous parler des travaux de la commission que vous avez créée à ce sujet ?

De même, les traités internationaux, tels que le CETA, traité de libre échange entre l’Union européenne et le Canada, ne devraient-ils pas comporter un volet environnemental ?

La programmation pluriannuelle de l’énergie pour les années à venir a été publiée. Elle est fondamentale pour la transition énergétique. Certains regrettent cependant qu’il n’y ait rien sur l’évolution du parc nucléaire et que soit déléguée à EDF l’élaboration d’un plan stratégique d’ici à six mois. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Par ailleurs, à la suite de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, où en est la transposition du protocole de Nagoya dans le droit français ?

On nous promet depuis longtemps la révision du code minier. Où en est cette révision que beaucoup attendent, notamment pour renforcer la législation sur les gaz de schiste, très néfastes pour le climat ?

Mme la ministre. Madame Marie-Noëlle Battistel, l’ordonnance sur l’expérimentation relative aux réseaux fermés est prête et se trouve au Conseil d’État ; elle passera en conseil des ministres avant la fin de l’année. Celle sur le stockage de gaz a été repoussée par le Conseil d’État, qui a estimé qu’il fallait créer une nouvelle taxe et non faire supporter une augmentation des factures aux consommateurs. Je partage ce point de vue. Le coût du stockage est entre 400 et 500 millions d’euros. L’avis du Conseil d’État m’a permis de demander des explications aux opérateurs gaziers sur cette demande et sur le coût. La balle est dans leur camp. Il existe aussi une obligation de service public, notamment pour le grand opérateur gazier dont l’État est actionnaire.

Un rapport d’inspection sur les colonnes montantes vient de m’être remis. Il montre qu’il ne se pose pas de problème de sécurité à grande échelle. Sur cette base, les services du ministère sont en train de préparer un rapport complémentaire, qui sera disponible en fin d’année.

L’hydrogène est une énergie à laquelle je tiens beaucoup, d’où l’appel à projets sur les « territoires hydrogènes ». Nous avons reçu des projets extraordinaires. Ceux qui n’ont pas été retenus ont demandé pourquoi – une véritable levée de boucliers. Nous avons donc demandé des améliorations à certains d’entre eux et je souhaite que tous les projets qui tiennent la route soient retenus.

La stratégie bas carbone prévoit la fermeture des centrales à charbon en France à l’horizon de 2023. J’ai demandé que soit dès à présent conduit un travail sur la mutation des quatre territoires concernés. Nous pouvons accompagner cette mutation pour que ces territoires passent à des industries vertes.

Il existe en effet, Monsieur Bertrand Pancher, un risque de dépassement des trois degrés. C’est pourquoi a été décidé, à Paris et à Marrakech, le renforcement de l’ambition de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La stratégie bas carbone 2030 fait d’ailleurs partie de ce processus. Si les développements technologiques vont vite, si les prix des énergies renouvelables baissent au niveau mondial, nous pouvons renforcer nos ambitions tout en ayant les moyens de les réaliser.

Nous avons, Madame Jeanine Dubié, reçu le rapport il y a quelques jours et nous regardons comment améliorer le chèque énergie. J’avais limité le dispositif à quatre départements et en cela j’ai bien fait. Auparavant, certains ménages cumulaient deux baisses, par exemple si le même logement recevait à la fois une facture d’électricité et une facture de gaz. Le chèque énergie s’applique à l’ensemble des consommations, à toutes les énergies, et un certain nombre de ménages ont donc vu leurs factures baisser dans une moindre proportion. Or je souhaite que nous maintenions les acquis et que nous consacrions donc notre complément de budget – puisque nous passons de 450 à plus de 600 millions d’euros et de 2,5 à 3,5 millions de bénéficiaires – à régler le problème de ceux pour qui les baisses de facture sont moins importantes qu’auparavant.

En ce qui concerne le permis de recherche minier du Gers, vous avez raison : on ne peut préconiser une stratégie bas carbone et continuer à distribuer des permis miniers. Or il existe dans le code minier actuel un droit à prolongation des permis qui se télescope avec la loi relative à la transition énergétique. À la suite de la décision du tribunal administratif de Pau, j’ai repris un arrêté de refus de prolongation, motivé différemment, en faisant valoir la stratégie bas carbone, la programmation pluriannuelle de l’énergie et la baisse de 30 % des énergies fossiles d’ici à 2030. Nous verrons ce que ça donne. J’espère que cela permettra une évolution jurisprudentielle. Si le tribunal administratif annule à nouveau cet arrêté, je ferai appel.

Monsieur Patrice Carvalho, l’élection du nouveau président américain a en effet jeté un froid sur la conférence de Marrakech mais, paradoxalement, cela a eu un effet de motivation : de nouveaux pays ont ratifié l’accord de Paris, dont le Royaume-Uni, ce à quoi je ne m’attendais pas. Ces ratifications ont été la meilleure réponse aux propos climato-sceptiques. C’est la première fois, depuis la convention de Rio de 1992, que l’on voit un grand État industriel et pollueur intégrer des thèses climato-sceptiques. Il paraît toutefois que le futur président a déclaré qu’il était ouvert s’agissant de l’accord de Paris. C’est parce que les entreprises américaines se sont mobilisées : elles créent de l’emploi dans ces filières, elles ont compris qu’il existait un marché mondial lié à l’accord de Paris et n’ont pas envie de rester à l’écart. De même, les grandes villes américaines, comme certains États américains, commencent à réagir et à se coaliser. C’est le cas de la Floride, par exemple, Miami se retrouvant désormais sous les eaux tous les ans. Les pays industrialisés sont eux aussi touchés par le dérèglement climatique. Tout le monde a compris que l’inaction coûterait plus cher que l’action.

Vous avez indiqué que la COP de Marrakech était une COP africaine : c’est tellement vrai ! C’est aussi ce relai entre une COP française et européenne et une COP africaine, autour de la Méditerranée, qui est beau. Les avancées de la COP22 les plus importantes ont porté sur les énergies renouvelables en Afrique, avec un dispositif opérationnel, à savoir l’unité indépendante de gestion établie auprès de la Banque africaine de développement. Un sommet des chefs d’État africains a arrêté des projets, qui seront bientôt rendus publics.

Les statuts de la coalition énergie solaire ont été signés par mes soins, au nom de la France. L’Inde y est aussi leader. Le premier appel à projets de cette coalition porte sur des pompes solaires pour l’irrigation en milieu rural dans tous les pays du pourtour de l’Équateur, avec l’idée toute simple que, si tous les pays se mettent ensemble pour lancer les mêmes appels à projets, les mêmes appels d’offres, les mêmes marchés sur les mêmes besoins, les prix diminueront considérablement. En outre, ce ne sont pas les entreprises mais les États et les citoyens qui seront dominants en termes de contrôle des prix et de l’ingénierie et ils pourront ne plus avoir à supporter de multiples intermédiaires. Ce sont des outils qui ont créé de l’espoir dans ces pays.

Ce qui pourrait remettre en cause ou ralentir la transition énergétique, Monsieur Christophe Bouillon, c’est d’abord le climato-scepticisme, ensuite le ralentissement de l’innovation dans ces domaines. La croissance verte est un espoir mais il faut aussi que les politiques nationales s’engagent. Puisque certains pays ont demandé à la France de continuer à jouer un rôle moteur, j’ai fait inscrire à l’ordre du jour de chaque rencontre bilatérale ou multilatérale le sujet de la ratification de l’accord de Paris, pour demander à nos partenaires à quelle date elle aurait lieu chez eux. J’ai aussi réuni régulièrement les ambassadeurs au ministère pour leur poser la même question. Et ça marche, grâce au réseau diplomatique exceptionnel de la France. Le même travail doit être conduit sur la date de l’inscription dans les Parlements des lois de transition énergétique et sur l’application législative et réglementaire des contributions nationales. Je suis donc repartie dans cette démarche afin que les pays n’oublient pas cette priorité sur le climat. J’ai rencontré des chefs d’État qui ne connaissent même pas les procédures, qui ne savent même pas qu’il faut la délibération du Parlement pour ratifier. Il est important que le relais soit assuré également au sein des groupes d’amitié parlementaires.

Nous avons, Monsieur Guillaume Chevrollier, apporté beaucoup dans le domaine agricole avec la transition énergétique : méthaniseurs, énergies renouvelables, centrales photovoltaïques sur les bâtiments d’élevage sont aujourd’hui des compléments de rémunération assez importants.

Nous avons eu, Madame Marie-Lou Marcel, un débat parlementaire dense sur la prolongation des concessions hydroélectriques et je pense que nous sommes parvenus à créer quelque chose de nouveau, avec des sociétés d’économie mixte, qui ont empêché la libéralisation totale et brutale des concessions. Je suis en discussion avec la commissaire européenne à la concurrence pour trouver des solutions, notamment pour les investissements sur certains barrages. Je souhaite obtenir un certain nombre de prolongations. Le Lot et la Truyère sont deux lieux emblématiques et très importants. J’ai fait valoir nos efforts pour définir notre modèle énergétique. L’hydroélectricité est une des plus belles énergies renouvelables qui existent puisqu’elle a réglé son problème de stockage, et il ne faut pas la déstabiliser dans le modèle énergétique que la France a fait l’effort d’adopter pour décarboner son économie.

Enfin, le protocole de Nagoya, Madame Michèle Bonneton, a été ratifié puisque j’ai réussi à le rattacher à la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, et ce par un amendement parlementaire que j’ai suggéré dans la mesure où cela ne pouvait se faire par amendement gouvernemental.

M. Laurent Furst. Ma première question se rapporte à l’agriculture où les progrès réalisés dans les domaines du photovoltaïque ou du biogaz, par exemple, sont le fait de fermes qui ont les moyens d’investir. Or 10 000 fermes laitières sur un total de 60 000 sont au bord de la disparition. Le dispositif global n’a pas été prévu comme une aide à l’ensemble du secteur, et le monde agricole n’a pas été mobilisé comme un partenaire essentiel de la production énergétique.

Deuxième sujet : l’exemplarité des bâtiments publics, notamment des hôpitaux. Il est normal de rechercher cette exemplarité mais nous devons constater une baisse de 30 % des investissements publics des collectivités locales. Nombre d’entre elles sont financièrement
« à l’os » et rencontrent de vraies difficultés après la réduction de 12,5 milliards d’euros des dotations aux collectivités territoriales. Dans ce contexte, il est extraordinairement difficile de leur demander d’investir. Les hôpitaux et les établissements médico-sociaux, qui représentent une surface très importante, nécessitent une saison de chauffe particulièrement longue. Font-ils l’objet d’une politique particulière, étant donné qu’ils représentent une part importante de la dépense énergétique française ?

Ma troisième question est plus globale. Avec vos équipes, vous avez fait un travail considérable. Il pourrait y avoir une alternance politique. Y a-t-il eu une coproduction pour que ce travail puisse être partagé par toutes les familles politiques et s’inscrire dans le temps ?

Mme la présidente Frédérique Massat. C’est nous qui faisons la coproduction, Monsieur le député !

M. Michel Lesage. Votre présentation de l’application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, treize mois après la promulgation du texte en août 2015, montre bien que son bilan est largement positif. Vous avez parlé de la publication des textes d’application, des outils de planification et d’action. Le bilan est également positif en ce qui concerne la mobilisation des territoires, de la société civile, des citoyens et des entreprises. La réussite de cette grande mission, qui tend à lutter contre le réchauffement climatique, passe par cette mobilisation. Je le constate tous les jours en Bretagne, notamment dans mon département des Côtes d’Armor qui compte plusieurs territoires à énergie positive : la mobilisation n’en reste pas au stade du discours.

Ma première question porte sur l’adéquation entre l’offre et la demande d’électricité. RTE, chargé de garantir l’équilibre entre les deux, a récemment estimé que le niveau de disponibilité serait insuffisant cet hiver. Au cours des années passées, nous avons souvent entendu cet argument qui, lorsque j’étais président de l’agglomération de Saint-Brieuc, était utilisé pour demander la création d’une nouvelle unité de production d’électricité dans le secteur. En tout cas, il semble qu’il y ait une difficulté. Comment allons-nous la surmonter alors que régressent les énergies de remplacement habituelles, c’est-à-dire les énergies fossiles, ce qui est une bonne chose, et que les énergies renouvelables ne peuvent pas encore s’y substituer ? Quelle est la solution envisagée si ce problème survient ?

Vous avez déjà partiellement répondu à ma deuxième question qui concerne le chèque énergie. Plusieurs articles de presse reviennent sur un constat que vous aviez fait lors de la première évaluation de l’expérimentation conduite dans quatre départements, dont les Côtes d’Armor : l’aide diminue pour certaines personnes. Quelle réponse apporter à nos concitoyens qui voient leur aide diminuer ? Rappelons qu’une augmentation de 10 % du coût de l’électricité précipite 450 000 personnes supplémentaires dans la précarité.

Mme la présidente Frédérique Massat. La semaine dernière, la commission des affaires économiques a auditionné M. François Brottes, le président du directoire de RTE, sur cette problématique de l’approvisionnement en hiver. Au moment où nous parlions, 18 réacteurs sur 58 étaient à l’arrêt et il n’y a pas eu d’annonces catastrophiques. La situation dépendra de la plus ou moins grande rigueur de l’hiver. Je rappelle que cette audition est en ligne sur le site de l’Assemblée nationale.

M. Thierry Lazaro. Je veux revenir sur la précarité énergétique qui touche environ un Français sur six, soit 10 millions de nos compatriotes. Vous avez déjà répondu qu’à la fin de l’expérimentation du chèque énergie, 3,8 millions de foyers seraient aidés – alors qu’un document fait état de 4 millions de foyers et que l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) évoque près de 6 millions de foyers concernés. Selon un sondage du Médiateur national de l’énergie, un tiers des Français a des difficultés à se chauffer. Pouvez-vous nous expliquer à quoi correspondent ces différences de données, pour ne pas entrer dans des polémiques inutiles ?

Je suis un élu pévélois, riverain de la ligne à très haute tension qui va être construite entre Avelin et Gavrelle, pour laquelle vous allez signer prochainement une déclaration d’utilité publique. Nous avons rencontré M. François Brottes, notre ancien président de commission pour lequel j’ai beaucoup de respect, à ce propos. Sur les ondes d’une radio, il a récemment expliqué que l’efficacité énergétique était lancée, que le virage était clairement amorcé et que les consommateurs faisaient de plus en plus attention pour des raisons écologiques et environnementales mais aussi économiques. Nous sommes quelques élus à vous avoir demandé un rendez-vous, Madame la ministre, au sujet de cette ligne à très haute tension. Ne doutant pas que vous répondrez favorablement à notre demande d’audience, je ne vous interroge donc pas sur ce dossier précis. En revanche, j’aimerais vous poser cette question plus générale : quelle est l’incidence de la transition énergétique sur le transport de l’énergie, notamment celui de l’électricité ?

M. Jean-Louis Bricout. En préambule, je voudrais dire à M. Laurent Furst que je n’ai pas beaucoup entendu les candidats aux élections primaires de la droite et du centre dire qu’ils voulaient augmenter les dotations aux collectivités locales. Le grand soir n’est peut-être pas pour demain.

Madame la ministre je voudrais tout d’abord vous interroger sur le dispositif Territoire à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) dans lequel 400 territoires seraient engagés. Pourriez-vous nous donner quelques précisions ? Est-il encore ouvert ? Les périmètres peuvent-ils être élargis, comme le souhaitent parfois les établissements publics de coopération intercommunale ? Avez-vous quelques évaluations des actions déjà mises en place ? Êtes-vous satisfaite de l’efficacité du dispositif ? Pensez-vous le faire évoluer ? Si c’est le cas, quelles orientations pensez-vous lui donner ? Pensez-vous que nous allons assez loin en ce qui concerne le partage des expériences, notamment de celles qui sont innovantes ?

S’agissant de la précarité énergétique, des bailleurs indélicats sévissent encore sur nos territoires qui sont parfois en souffrance. Certains de ces bailleurs sont plus soucieux d’encaisser directement les aides des caisses d’allocations familiales, attribuées aux locataires, que de soulager les factures énergétiques de ces derniers. Certes, on avance, mais le diagnostic de performance énergétique n’est pas encore juridiquement opposable. Si la loi l’y autorisait, le maire pourrait, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale, imposer une performance énergétique minimale pour les logements mis en location. Où en est-on en ce qui concerne la qualité de ces diagnostics ? C’est la sécurité économique des familles les plus en difficulté qui est en jeu. Comme notre collègue Thierry Lazaro l’a rappelé, la France compte 10 millions de personnes mal logées ou mal chauffées.

M. Serge Bardy. Madame la ministre, je reviens comme vous de la COP22 de Marrakech. Je tiens une nouvelle fois à souligner et à applaudir le volontarisme politique dont vous faites preuve.

Comme vous l’avez souligné, la COP21 avait bénéficié d’un leadership fort : le Gouvernement Obama, l’Union européenne et, au sein de cette dernière, la France qui s’est investie d’une façon remarquable. La situation géopolitique mondiale a changé. Les élections américaines nous laissent présager un avenir moins enthousiasmant pour notre planète. Pensez-vous que la France – ou un autre pays – puisse prendre le leadership au sein de l’Union européenne et agir avec elle pour influencer les décisions qui pourraient être prises par les États-Unis en vue de l’exploitation sans contrainte des énergies fossiles, comme annoncé ce matin ? Si de telles décisions étaient prises aux États-Unis, les objectifs de la COP21 deviendraient compliqués à atteindre : je ne sais comment pourrait être réalisée la décarbonation nécessaire au maintien du réchauffement dans la limite de trois degrés.

Mme Annick Le Loch. À mon tour, je vais saluer votre présidence de la COP21 et la volonté dont vous faites preuve dans le suivi de l’accord de Paris.

Mes deux questions concernent la mer. La première m’est inspirée par l’interpellation d’un pêcheur. La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a créé une nouvelle catégorie d’aire marine protégée : les zones de conservation halieutiques. La vocation de ces zones est de contribuer à préserver ou à restaurer les frayères, les nourriceries et les couloirs de migration des poissons, ô combien importants pour le cycle de vie des ressources halieutiques. Un projet de décret visant à définir les contours de la création de ces zones est en discussion, me semble-t-il. Quelle devrait être l’autorité administrative chargée de mettre en œuvre les mesures de conservation au sein de ces nouvelles zones ? Comment les pêcheurs pourront-ils être partie prenante de la définition et de la gestion des zones de conservation halieutique ?

Ma deuxième question concerne la stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML), qui a été adoptée le 4 novembre dernier lors d’un comité interministériel de la mer. Cette stratégie consiste à mettre en place une planification spatiale et maritime qui doit permettre de concilier les différents usages de la mer et de favoriser le développement des activités maritimes. Pouvez-vous, Madame la ministre, nous livrer les grandes orientations de cette stratégie, notamment en matière de pêche et d’enseignement maritime, et nous préciser les modalités et le calendrier de sa mise en œuvre ?

Mme Viviane Le Dissez. Madame la ministre, je vais à mon tour saluer votre action et l’implication des personnels qui vont nous permettre de mettre en œuvre cette loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Merci à eux d’être aussi rapides.

Je voudrais aussi évoquer le chèque énergie dont il a déjà été question. Dans le département des Côtes d’Armor, plusieurs interrogations ont émergé à la suite d’une réunion qui a eu lieu très récemment à la préfecture avec les services du ministère et ceux du syndicat départemental de l’énergie. Entre autres questions, se pose celle des locations meublées pour lesquelles il n’y a pas de factures d’énergie : le coût de l’énergie est masqué dans le loyer payé par le locataire. Nous notons aussi un déficit d’utilisation des chèques énergie dans les foyers-logements, l’information ne semblant pas être parvenue aux professionnels concernés, et les professionnels formés rencontrant des difficultés d’enregistrement. Ce sont là de petites difficultés de démarrage, mais je ne doute pas que nous pourrons améliorer le dispositif au fil des ans et dès lors qu’il sera appliqué sur l’ensemble du territoire.

M. Jean-Pierre Le Roch. Madame la ministre, plusieurs exploitations agricoles de ma circonscription souhaitent développer la technique dite du biogaz porté. Le principe est de produire du biométhane sur six à huit sites agricoles trop éloignés du réseau de gaz, pour le transporter et l’injecter collectivement sur un point commun. Cela revient un peu à collecter le lait frais dans les fermes pour le transformer dans une laiterie centrale.

Les avantages de cette technique sont multiples : diversification des activités des exploitations, permettant de dégager un revenu complémentaire, en particulier dans l’élevage ; efficience maximale du procédé de méthanisation avec des produits frais, sans dispersion de gaz ; meilleure acceptabilité locale car il n’y a pas de transport de déchets vers un site central de méthanisation.

Mais ces agriculteurs se heurtent à deux problématiques. Tout d’abord, la réglementation ne prévoit pas, pour le moment, la possibilité de vente de biométhane de plusieurs sites sur un point commun d’injection. Comment le Gouvernement envisage-t-il juridiquement cette évolution ?

Ensuite, le soutien au biométhane est défini par un tarif d’achat subventionné inversement proportionnel à la taille des unités. Ainsi, il semble à ce jour difficile de mettre en place un système adapté et équitable via un tarif d’achat. Néanmoins, un appel d’offres permettrait à ces agriculteurs pionniers de valider le fort potentiel de cette nouvelle technique, pour être fidèle à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Quel système de soutien le Gouvernement envisage-t-il pour renforcer ce type de projets ? Un premier appel d’offres peut-il être d’ores et déjà rédigé ? Dans quel délai peut-on l’envisager ?

Je tiens enfin à préciser que la plupart des investissements liés à cette technique sont réalisés en faisant appel à des petites et moyennes entreprises françaises et contribuent d’autant à renforcer l’innovation pour l’essor d’une véritable filière française de la méthanisation.

M. Yves Daniel. Madame la ministre, je précise tout d’abord tout l’intérêt que je porte aux énergies renouvelables. Vous avez évoqué les risques de contentieux comme celui dont fait l’objet le parc éolien offshore prévu au large des îles d’Yeu et de Noirmoutier. L’autorisation d’exploiter ce parc a été délivrée par votre ministère en 2014 mais, la semaine dernière, le tribunal administratif de Nantes a examiné des recours visant à faire annuler cette autorisation, du fait de l’absence de débat public ou d’étude d’impact environnementale préalablement à la publication de l’arrêté.

Sans vouloir me prononcer sur le fond de l’affaire puisque le jugement définitif sera rendu le 15 décembre, je veux simplement appeler votre attention et connaître votre position sur le nécessaire équilibre entre, d’une part, l’acceptabilité sociale des grands projets qui passe, entre autres, par le renouveau du dialogue environnemental pour lequel vous avez beaucoup œuvré et, d’autre part, l’importance du respect de la loi une fois que les choix ont été arbitrés.

Ma deuxième question, tout aussi concrète, concerne les nuisances graves pour la santé des populations et des animaux, qui sont générées par les ondes électromagnétiques produites par certains parcs éoliens dont les études d’impact n’ont sans doute pas été suffisantes. Madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer sur la prise en compte de cette question importante pour les populations, qui est restée sans solution à ce jour ? La charte de participation du public sera-t-elle la réponse ?

Mme la présidente Frédérique Massat. Madame la ministre, vous avez répondu à beaucoup de mes questions sauf à celle qui concerne la refondation de la filière nucléaire et la situation d’Areva, un sujet d’actualité compte tenu de possibles investissements étrangers. La commission des affaires économiques va recevoir M. Philippe Varin, président du conseil d’administration d’Areva, demain matin. Néanmoins, nous avons besoin d’avoir la position du Gouvernement concernant ce dossier. Au passage, j’indique à mes collègues que la commissaire européenne à la concurrence, Mme Margrethe Vestager, sera reçue la semaine prochaine par la commission des affaires économiques, la commission de finances et la commission des affaires européennes. Nous évoquerons avec elle toutes ces problématiques sur l’hydroélectricité qui vous intéressent.

Mme la ministre. Vous questions sont intéressantes et variées sur ce sujet à la fois dense et technique dont la portée est presque civilisationnelle.

Monsieur Laurent Furst, vous avez évoqué le problème de l’investissement pour les petites fermes. Nous avons déployé des soutiens à la méthanisation : en septembre 2015, j’ai pris un arrêté tendant à rétablir les tarifs préférentiels, en attendant un arrêté révisant plus globalement le soutien. Il faut augmenter la rentabilité des méthaniseurs. Nous avons aussi soutenu le raccordement des installations photovoltaïque des exploitations agricoles, en réduisant ses tarifs. Enfin, nous avons attribué 10 millions d’euros à l’amélioration des dispositifs d’épandage, une somme prélevée sur le Fonds de transition énergétique.

Quel rapport y a-t-il entre la transition énergétique et la maîtrise des intrants, notamment les intrants chimiques comme les pesticides, me direz-vous ? Précisément, je souhaite que le pouvoir d’achat des agriculteurs soit globalisé et que l’on puisse les aider en matière de transition écologique et énergétique. Je pense d’ailleurs qu’ils se sont saisis de ce nouvel outil. En tout cas, je suis extrêmement vigilante car j’ai constaté, sur mon propre territoire du Poitou-Charentes, qu’il était difficile de rentabiliser certains équipements de méthanisation. Arrivée à la tête du ministère, c’est l’un des premiers dossiers dont je me suis emparée, à la lumière des expériences que j’avais vécues sur le terrain et des freins que j’avais observés. Si vous pensez à des projets plus précis, je serais tout à fait heureuse de pouvoir contribuer à leur émergence.

Vous m’avez interrogée sur l’existence de dispositions particulières concernant le milieu hospitalier. C’est vrai que la question se pose pour toutes les grandes infrastructures, notamment les universités qui sont souvent des passoires énergétiques. En liaison avec le ministère, la Caisse des dépôts et consignations a mis en place des prêts à taux zéro qui rendent le rendement de l’investissement très efficace mais qui sont parfois méconnus. Des blocages juridiques ont été levés : certaines universités, qui n’avaient pas le droit d’emprunter, peuvent désormais le faire et avoir recours à ces prêts de la Caisse des dépôts. Il faut aussi encourager les hôpitaux à s’engager dans cette voie tout en mettant en place les projets de lutte contre le gaspillage alimentaire. Pour renforcer la prise de conscience de l’importance de tous ces sujets, nous allons conduire des actions de mobilisation.

Vous avez évoqué ensuite la question de l’alternance politique. Bonne question ! J’ai la même préoccupation que vous car je pense notamment qu’il ne faut pas ballotter les filières industrielles, et je me réjouis de la qualité du travail accompli tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. L’accord de Paris a été ratifié à l’unanimité sur tous les bancs de l’Assemblée nationale, à l’exception du Front national. Il en est allé de même au Parlement européen où l’accord a rassemblé les sensibilités politiques. C’est une très bonne chose que l’argument du climato-scepticisme n’ait pas été utilisé, y compris lors des débats pour les élections primaires de la droite et du centre. La question du réchauffement climatique n’y a malheureusement pas été beaucoup évoquée ; en contrepartie, elle n’a pas fait l’objet d’une instrumentalisation comme aux États-Unis.

N’ignorons pas l’existence d’une sensibilité que nous avons vu surgir dans les débats à propos du nucléaire. Dans ce domaine-là aussi, j’ai veillé à ce que l’on n’oppose pas les énergies les unes aux autres. En outre, la fermeture de certains réacteurs pour des raisons de sûreté nous oblige à reconsidérer l’importance de la part du nucléaire dans la production d’électricité et à accompagner sa diminution. Les investissements dans la remise à niveau de la sûreté des réacteurs vont peut-être coûter beaucoup plus cher que le déploiement des énergies renouvelables. En tout cas, nous avons besoin des différents types d’énergie et il ne faut pas les opposer les uns aux autres. C’est pourquoi j’espère que ces dispositifs et ce travail considérable survivront aux éventuelles alternances politiques.

Monsieur Michel Lesage, vous m’avez interrogé sur les réacteurs nucléaires. Nous devons en effet être vigilants. L’Autorité de sûreté nucléaire a pris des décisions qui ont un peu surpris l’opérateur EDF mais la sécurité ne souffre pas de discussions. Nous allons voir si les autorisations de redémarrage sont données ou pas. Quoi qu’il en soit, cette tension sur la production d’électricité va justifier une nouvelle mobilisation en faveur des économies d’énergie. D’un côté, il y a beaucoup de précarité ; de l’autre, il y a beaucoup de gaspillage que ce soit dans les commerces, les bureaux ou les domiciles. Tous les appareils en veille consomment une énergie qui représente la production d’un réacteur nucléaire. Des progrès restent à faire en ce qui concerne l’éclairage public et le chauffage des bureaux en dehors des heures d’ouverture.

On sous-estime la part des économies d’énergie possibles. Dans les familles à énergie positive, qui ont été soutenues par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), par exemple, on s’est rendu compte qu’un ménage pouvait économiser jusqu’à 50 % de sa consommation grâce à une bonne gestion, sans même réaliser de travaux. Cette bonne gestion passe par de petits gestes quotidiens : mettre un couvercle sur la casserole, faire démarrer ses machines à laver pendant les heures creuses, etc. La Greentech verte a mis au point de nouveaux services et de nouvelles technologies permettant notamment la gestion des appareils électriques à distance au moyen des téléphones portables.

C’est aussi l’occasion de relancer la citoyenneté énergétique. Je forme le vœu que les parlementaires soient les relais de ces mouvements auxquels les gens adhèrent dans un état d’esprit très positif : ils peuvent se faire du bien en réduisant leurs factures tout en étant citoyens du monde. Nous allons donc lancer sans tarder des actions en faveur des économies d’énergie, en commençant par une campagne de presse nationale que je vous engage à relayer dans les territoires.

MM. Thierry Lazaro et Michel Lesage sont revenus sur les chèques énergie. Je croyais avoir répondu en vous assurant de ma vigilance quant au bilan et aux possibilités d’amélioration du dispositif avant son extension. Il faut améliorer l’interconnexion des certificats d’économie d’énergie qui représentent tout de même un montant de 4 milliards d’euros, sachant que la dépense publique pour les chèques énergie s’élève à 600 millions d’euros. Cherchez l’erreur ! Pas plus tard que ce matin, j’ai insisté auprès de mes services sur la nécessité d’y voir plus clair et d’être créatif et imaginatif. Vous allez être associés à cette réflexion et vous pourrez faire part de vos observations. Il faut améliorer l’usage des certificats d’économie d’énergie afin qu’ils servent davantage aux citoyens les plus précaires.

M. Jean-Louis Bricout m’interroge sur le bilan des TEPCV dont le succès extraordinaire dépasse nos espérances. Vous pouvez d’ailleurs constater la créativité, l’imagination et l’esprit de cohésion qui existent sur le terrain. L’identité des territoires se manifeste aussi selon le choix des projets. Je me suis mise à la place des élus locaux : le dispositif n’est pas rigide ; il n’y a pas de circulaires draconiennes. Ayant été moi-même une élue locale pendant longtemps, je vois comment on peut saisir un outil et l’utiliser en toute liberté. Ces TEPCV recouvrent six grands thèmes et comportent des mesures très simples. Les élus locaux et les forces vives – associations et entreprises – ont parfaitement compris la philosophie de ces instruments et on voit émerger des projets formidables.

Pour renforcer la mutualisation, un document tout simple vient d’être créé sur cette communauté des territoires. Les territoires s’y expriment, échangent leur savoir-faire, etc. Ce mouvement sert les économies d’énergie, la montée en puissance des économies renouvelables, et aussi la citoyenneté. Je viens d’y ajouter un volet biodiversité dont les territoires se saisissent. Il peut s’agir de la reconquête de la nature en ville, de l’éducation à l’environnement dans les écoles où sont notamment créés des coins potagers, ou encore des trames vertes et bleues. Dans un registre plus inquiétant, celui des pollinisateurs, nous finançons des ruches communales dans les territoires à énergie positive. Pour que la créativité puisse continuer à s’exprimer, je veille à ce qu’il n’y ait pas de rigidités ou le retour à des pratiques bureaucratiques. Je ne veux pas que l’on reformate les territoires parce que leur richesse dépend de leur diversité.

Monsieur Serge Bardy, le leadership de M. Barack Obama va en effet disparaître. C’est la France qu’on attend pour assurer ce leadership, et aussi l’Europe. Je l’ai tellement senti à Marrakech, auprès de mes contacts qui me demandent de ne pas les lâcher ! La COP23 sera organisée par les îles Fidji, un État insulaire directement frappé par la montée du niveau de l’océan. Les futurs organisateurs se sont tournés vers moi et m’ont demandé de les aider. Pour des raisons matérielles, la COP23 se tiendra à Bonn, au siège de la convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC), mais il est évident que le leader de la lutte contre le changement climatique est la France : nous sommes les plus en avance sur cette question au sein de l’Union européenne ; nous avons réalisé l’accord de Paris ; nous avons réussi la ratification et les coalitions ; et nous avons un réseau diplomatique qui a parfaitement compris les enjeux.

Les gens me disent qu’ils comptent sur nous pour la suite. Nous n’allons pas faire de l’ingérence et nous incruster partout, mais je leur ai répondu qu’ils pouvaient venir nous chercher. Nous sommes disponibles et nous allons continuer. L’accord de Paris restera sous ce nom dans l’histoire du climat. En 2030 ou en 2050, au moment de tirer les leçons, on parlera toujours de l’accord de Paris. Nous sommes les gardiens, les vigies de cet accord. Nous en sommes responsables et nous avons les compétences pour l’assumer.

Il nous reste à entraîner l’Europe car certains pays, dont je tairai le nom, n’ont pas encore ratifié l’accord. Il faut aussi répartir les efforts, sachant que des pays traînent des pieds. Il faut enfin renforcer l’ambition. Chaque pays européen doit donner la date des délibérations de son parlement sur la mise en place de l’équivalent de notre loi de transition énergétique. Je continue à faire ce travail. Si les États-Unis lâchent le leadership climatique et que l’Europe prend le relais, c’est une chance pour cette dernière. C’est une chance pour nos entreprises et pour nos savoir-faire. C’est l’occasion de nous positionner sur les marchés mondiaux.

À la suite de l’élection de M. Donald Trump, la Chine a d’ailleurs déclaré qu’elle ne voulait pas lâcher le leadership. La Chine et les États-Unis ont joué ensemble ; les deux pays ont ratifié l’accord au même moment, ce qui a créé une impulsion. L’Inde met en place la coalition solaire. En Amérique latine, les pays réagissent un peu plus en ordre dispersé. En Afrique, où les énergies renouvelables doivent se développer, l’Europe – dont la France est la locomotive – est très attendue.

Madame Annick Le Loch, vous m’avez interrogée sur la mer et les zones de conservation halieutiques, qui sont de nouvelles aires marines protégées. Dans le cadre de l’enquête publique, les pêcheurs seront associés au projet, de même que toutes les forces vives qui siègent d’ailleurs au Conseil national de la mer et des littoraux (CNML). La stratégie nationale pour la mer et le littoral, qui a été finalisée et adoptée, sera publiée très prochainement. Elle comprend de grands chapitres opérationnels. La France est la première – et non la seconde, comme on le dit souvent – puissance maritime du monde, la seule à être présente dans les six parties de l’océan, ce dernier étant compris au sens où l’entendent les scientifiques qui considèrent que tous les océans communiquent. Grâce aux outre-mer, la France est le pays où le soleil ne se couche jamais. Nous avons une responsabilité et nous sommes aussi une locomotive dans les conférences internationales sur les océans. On se tourne vers nous pour connaître notre position.

Je viens de publier la décision d’étendre les aires marines protégées des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), une mesure adoptée dans le cadre de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. L’arrêté de protection des eaux territoriales de l’atoll de Clipperton – le dernier espace qui n’était pas protégé – paraîtra demain au Journal officiel. Le Mexique y était opposé et l’affaire durait depuis quinze ans. Après la COP21 et la COP22, j’ai décidé de protéger cet atoll en prenant cet arrêté. Dans cette partie du monde, on attendait que la France bouge sur ce sujet.

Madame Viviane Le Dissez, vous avez soulevé les difficultés qui peuvent survenir dans l’application du chèque énergie aux locations meublées et aux foyers-logements. Le chèque énergie est applicable aux locations meublées où des compteurs individuels peuvent être installés. Dans les foyers-logements, des actions de sensibilisation sont menées pour que les personnes connaissent leur consommation. Ils en ont le droit. Il n’y a aucune raison de ne pas permettre l’accès à la citoyenneté de tous, y compris des gens qui sont dans une grande dépendance. Vous vous êtes beaucoup impliquée dans les COP, sans parler du Conservatoire du littoral, des sujets très importants.

Monsieur Jean-Pierre Le Roch, nous devons effectivement améliorer les dispositifs concernant le biogaz porté, sujet intéressant qui a fait l’objet d’un travail spécifique dans le cadre d’un comité national récemment mis en place. J’ai découvert des tas de choses au cours de débats qui ont été passionnants. Les spécialistes du biogaz sont d’ailleurs eux-mêmes des passionnés. Ce biogaz porté constitue l’un des moyens d’atteindre les objectifs ambitieux fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie. Je veux absolument trouver des solutions pour aider ces agriculteurs. Ceux d’entre vous qui veulent participer à ces travaux sont les bienvenus.

Monsieur Yves Daniel, vous posez une question majeure : comment accélérer les travaux permettant la transition énergétique, en tenant compte, au cours du processus de décision, de l’acceptabilité sociale des équipements ? Il me semble que nous avons trouvé un équilibre. Je veux réduire les délais et empêcher les recours abusifs tout en respectant le dialogue. Il faut que les projets soient éventuellement réorientés dès le départ ou soumis à un référendum quand il existe un choix, afin d’éviter des contentieux qui ne sont que des comptes à régler et qui se retournent contre l’environnement et le développement économique. Pour trouver un équilibre, nous pouvons nous appuyer sur la charte de la participation du public et sur la réforme de la démocratie environnementale qui, en cas de consultations publiques, oblige à proposer un choix entre plusieurs projets. Le fait d’avoir à comparer des projets – plutôt que d’avoir seulement à répondre par oui ou par non – change la perspective.

La charte de participation du public doit aussi être utilisée pour régler le problème des ondes électromagnétiques. En tout cas, ce problème ne doit pas être passé sous silence. Une proposition de loi relative aux ondes électromagnétiques a d’ailleurs été adoptée, ce qui est une bonne chose. Il ne faut ni exagérer, ni fantasmer, ni ignorer ou mépriser le sujet. La réalité des faits doit éclairer la prise de décision.

En ce qui concerne Areva, je peux vous dire que l’État reste très attentif à ce dossier et qu’il prend ses responsabilités en restructurant la filière nucléaire pour assurer sa pérennité. L’État a recapitalisé Areva à hauteur de 5 milliards d’euros ; il a favorisé les discussions avec les investisseurs tiers, en vue de la mise en œuvre de nouveaux partenariats industriels. À un moment, il y avait un blocage concernant l’entrée de la Chine dans le capital d’Areva. Pour ma part, j’y suis particulièrement favorable parce que je trouve que ce genre de partenariat est intelligent. La Chine et l’Inde ont des projets d’installation de filières nucléaires, associées à des filières de transition énergétique et d’énergies renouvelables. S’ils doivent évidemment être noués dans des conditions qui respectent les secrets industriels et les brevets, ces partenariats sont constructifs et nous ne devons pas nous en priver. Vous aurez l’occasion d’en parler demain.

Quoi qu’il en soit, je vous remercie pour la variété de vos questions et pour vos messages de gratitude qui me font très plaisir. Je vous remercie aussi pour votre travail. Quand on est porté par des parlementaires très présents au cours des débats et qui s’engagent, il est plus facile d’obtenir des résultats.

Mme la présidente Frédérique Massat. Il me reste à vous remercier, Madame la ministre, pour ces deux heures que vous nous avez consacrées, prenant le soin de répondre à chaque parlementaire. Nous allons certainement nous retrouver en séance le 15 décembre prochain pour la ratification de l’ordonnance sur l’autoconsommation.

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Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 22 novembre 2016 à 18 h 30

Présents. - M. Guy Bailliart, M. Serge Bardy, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, Mme Geneviève Gaillard, Mme Viviane Le Dissez, M. Michel Lesage, Mme Marie Le Vern, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, Mme Catherine Quéré, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard

Excusés. - Mme Chantal Berthelot, Mme Florence Delaunay, M. Yannick Favennec, Mme Pascale Got, M. Christian Jacob, M. Patrick Lebreton, M. Philippe Plisson, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Gabriel Serville, M. Patrick Weiten

Assistaient également à la réunion. - M. Laurent Furst, Mme Chantal Guittet