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Mercredi 30 novembre 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 17

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet, Président

– Table ronde sur « les nouvelles pratiques agro-écologiques et les nouvelles démarches de développement durable : quels bénéfices pour l’équilibre des territoires et la préservation du capital naturel ? » avec la participation de Mme Cécile Claveirole, membre du CESE et auteure d’un avis sur l’agro écologie ; de M. Francois Léger, agronome ; de Mme Hélène Le Teno, directrice Entreprises du cabinet Auxilia – pilote du Comité scientifique de Fermes d’avenir ; et de M. Dominique Olivier, directeur de la coopérative agricole et de territoire « Fermes de Figeac » 2

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé une table ronde sur « les nouvelles pratiques agro-écologiques et les nouvelles démarches de développement durable : quels bénéfices pour l’équilibre des territoires et la préservation du capital naturel ? » avec la participation de Mme Cécile Claveirole, membre du CESE et auteure d’un avis sur l’agro écologie ; de M. Francois Léger, agronome ; de Mme Hélène Le Teno, directrice Entreprises du cabinet Auxilia – pilote du Comité scientifique de Fermes d’avenir ; et de M. Dominique Olivier, directeur de la coopérative agricole et de territoire « Fermes de Figeac ».

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La table ronde d’aujourd’hui porte sur les nouvelles pratiques agro-écologiques et les nouvelles démarches de développement durable. Sur le thème de l’agro-écologie, nous avons précédemment organisé deux auditions : celle du ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll, le 17 juillet 2013, et celle de notre collègue Dominique Potier, le 10 février 2015, sur son rapport d’évaluation et de révision du plan Écophyto : Pesticides et agro-écologie : les champs du possible.

Notre but, ce matin, est de mieux comprendre comment les nouvelles pratiques ou les nouvelles démarches contribuent à l’équilibre des territoires et à la préservation du capital naturel, et permettent de répondre aux enjeux liés à la protection de l’environnement et en particulier de la biodiversité.

M. François Léger, agronome. Merci de me permettre de m’exprimer devant votre commission.

L’on parle beaucoup d’agro-écologie aujourd’hui et l’on peut avoir l’impression qu’il s’agit d’un terme nouveau. Or il existe depuis près d’un siècle. Pour comprendre ce qu’il signifie, sans doute faut-il revenir à ce qu’était l’art agronomique avant la révolution industrielle : un art visant, comme l’expliquait Olivier de Serres dans son traité Théâtre d’Agriculture et mesnage des champs, non pas à maximiser la production, mais à garantir la reproduction de la fertilité, autrement dit du potentiel de production des sols agricoles.

L’art du maintien de la fertilité a été quelque peu oublié à partir du moment où les agriculteurs ont disposé d’intrants industriels – matières actives de tous ordres, azote minéral, engrais minéraux importés du Chili, du Pérou ou du Maroc. Depuis environ un siècle s’est imposée l’idée que l’on pouvait contrôler la nature par le jeu de tels apports de plus en plus abondants. Le résultat a été au rendez-vous et, à court terme, ce modèle industriel a montré une incroyable efficacité, du moins dans les pays développés.

Cependant, on a peu à peu découvert les risques et les limites de cette agriculture industrielle. Désormais, les pollutions d’origine agricole constituent un problème très présent. Nos sols sont maintenant si fatigués que la période où les exploitations céréalières françaises les plus performantes ont atteint leur maximum d’efficacité remonte à la fin des années 1980. Le club des 100 quintaux, qui réunissait de grands exploitants pionniers du bassin parisien, a réalisé ses objectifs en 1983. Depuis, il n’y a pas eu de grand changement, sinon que s’est installé un décalage permanent entre les coûts de production liés à l’usage systématique d’intrants et les prix des produits agricoles, qui conduit à une diminution de l’efficacité économique des fermes, compensée par un agrandissement permanent. Après avoir longtemps été un secteur fortement pourvoyeur d’emplois, l’agriculture française ne donne plus de travail aujourd’hui qu’à 850 000 personnes, dont 200 000 salariés. Cette transformation radicale de l’agriculture s’accompagne évidemment d’une rupture du lien avec le citoyen, le consommateur : alors que nos grands-parents connaissaient presque tous des agriculteurs, très peu de Français âgés de moins de soixante ans connaissent encore personnellement un agriculteur.

Dans ce paysage, l’agro-écologie apparaît comme un retour à la raison plutôt qu’un retour au passé, l’idée étant que le capital naturel que constituent les sols agricoles est la base d’un fonctionnement harmonieux des sociétés, et que le respect de ce capital est essentiel. Plus on va vers une agriculture industrialisée, plus c’est l’alimentation que l’on industrialise. Notre relation à celle-ci s’en trouve déréglée, avec les conséquences que l’on connaît désormais. Il y a, dans le monde, plus de gens souffrant de surpoids pathologique que de gens souffrant de la faim, alors même que le nombre de ces derniers n’a pas été réduit : 700 millions de personnes environ sont en situation alimentaire grave – à peu près comme à la fin des années 1980 –, mais 1 milliard au moins se trouvent en situation de surpoids pathologique, avec toutes les conséquences que cela entraîne sur les coûts de santé.

L’agro-écologie part donc de l’idée qu’il faut préserver le capital naturel, étant précisé que cela ne peut se faire sans reconsidérer globalement notre rapport à notre façon de nous alimenter. Cela suppose de reconnaître à l’agriculture, outre une fonction économique, en termes de production et de balance des paiements, un rôle dans la construction culturelle de nos sociétés, qu’elle partage avec l’alimentation. Manger est un acte culturel, et nous avons détruit une part de notre culture en renonçant à respecter ce que nous mangeons. Si nous ne respectons pas ce que nous mangeons, c’est que depuis cinquante ans, on tente de nous persuader que l’alimentation ne vaut rien. Quand on paye 1,40 euro à un éleveur pour un kilo de porc, on détruit tout le sens que peut avoir ce produit. Quand on trouve de la viande ou du poisson à un prix moins élevé que celui de certains produits végétaux – et je ne parle pas de produits de luxe –, on est dans une société qui a perdu sa direction, son sens, ses valeurs.

L’agro-écologie ne saurait se réduire à un ensemble de techniques ; c’est d’abord une façon de reconstruire du sens autour de l’agriculture et de l’alimentation. Il s’agit de mettre en œuvre une agriculture de conservation. Dès lors, les techniques s’imposent naturellement : abandon du travail systématique des sols ; production laitière à l’herbe ; maraîchage biologique intensif, c’est-à-dire pratiqué sur de petites surfaces très diversifiées, plutôt en circuit court, avec des niveaux de productivité au mètre carré incomparables par rapport aux modèles industriels. Ces techniques, sur lesquelles je reviendrai si vous le souhaitez, nous permettent d’aspirer, non plus à contrôler la nature, mais à nous y réincorporer, afin de valoriser le fonctionnement des écosystèmes en coexistence avec les humains – il ne s’agit pas d’une nature qui nous serait étrangère. Pourvu que nous sachions le comprendre, l’interpréter et l’utiliser pour le bien-être des populations humaines, ce fonctionnement des écosystèmes peut, en soi, permettre sans grande difficulté de nourrir la planète.

Mme Cécile Claveirole, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Merci de me permettre de vous faire connaître le rapport que j’ai présenté la semaine dernière devant le Conseil économique, social et environnemental réuni en session plénière. Cet avis, intitulé La transition agro-écologique : défis et enjeux, est basé sur les principes que vient d’exposer M. François Léger. L’agro-écologie vise à transformer l’agriculture, mais aussi à repenser l’ensemble des systèmes alimentaires afin de les rendre plus durables. Conjuguant production agricole et reproduction des ressources naturelles, elle revêt à la fois une dimension territoriale et globale, en remettant l’agriculture en lien avec les habitants des territoires où elle est pratiquée. De ce point de vue, elle peut être présentée comme un système d’interactions entre les acteurs impliqués dans la gestion des exploitations agricoles, dans les filières et avec les ressources naturelles, à commencer par le sol, qui est la base de la production.

L’agro-écologie renforce la fertilité des sols ; elle peut augmenter les performances agronomiques des fermes, réduire leurs coûts et favoriser ainsi l’autonomie et la résilience des exploitations agricoles. Elle peut aussi améliorer les conditions de vie des agriculteurs et des salariés agricoles, contribuer à valoriser leur métier et à créer ou maintenir des emplois, préservant ainsi le maillage des exploitations agricoles sur les territoires, afin d’enrayer leur disparition progressive.

Notre rapport met en évidence la nature systémique des freins au développement de l’agro-écologie ; ils agissent à tous les échelons des filières. Ce sont des freins économiques, sociaux, cognitifs, mais aussi réglementaires et liés aux politiques publiques. Interactifs, ils créent un ensemble systémique dans lequel la stratégie de chaque acteur renforce celle des autres. Ce sont donc des démarches collectives qui peuvent aider à surmonter les risques que comporte l’engagement dans une transition agro-écologique. Elles sont même primordiales dans la mobilisation et la réassurance des agriculteurs s’engageant sur cette voie.

Parmi les préconisations que nous proposons pour mettre en place l’agro-écologie, figure en particulier la mise en cohérence des politiques publiques. Il est très important que toutes ces politiques, qu’elles soient européennes, nationales ou régionales, aillent dans le même sens pour soutenir ce même projet agro-écologique.

Cette cohérence doit être activée au niveau des collectivités territoriales, par exemple, en favorisant les achats alimentaires locaux, notamment dans le cadre de la restauration collective dont vous avez tous à traiter sur vos territoires respectifs. Les collectivités peuvent aussi agir à travers la construction de filières locales complètes et cohérentes, par exemple en favorisant l’installation d’abattoirs de proximité ou en mettant en place, sous l’égide des régions, des cahiers des charges agro-écologiques. Nous suggérons de fusionner en un seul programme deux outils de politique publique, les plans régionaux d’agriculture durable (PRAD) et les projets alimentaires territoriaux (PAT), afin de réunir autour d’une même table tous les acteurs de l’agriculture et de l’alimentation.

Nous considérons que la politique agricole commune (PAC) devrait être revue afin de réorienter clairement toutes les politiques agricoles en direction de l’agro-écologie.

Enfin, nous pensons qu’il faut soutenir les collectifs de toute sorte dans lesquels les agriculteurs se rencontrent pour se réassurer dans cette phase de transition. Ces collectifs jouent un rôle très important de transmission des connaissances. J’ai ainsi rencontré hier, à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), un groupe travaillant sur le thème : « Comment animer la connaissance sur le sol ? ». Outre les agriculteurs, les collectifs peuvent accueillir d’autres acteurs, qu’ils soient territoriaux ou de l’éducation. Ils constituent un moyen de créer une synergie, de retisser le lien perdu entre les agriculteurs et les citoyens, et d’échanger de la connaissance entre les citoyens, les agriculteurs et les chercheurs.

Mme Hélène Le Teno, directrice Entreprises du cabinet Auxilia, pilote du Comité scientifique de Fermes d’Avenir. L’association Fermes d’Avenir existe depuis cinq ans et travaille essentiellement sur les micro-fermes maraîchères inspirées par la permaculture. Notre propos central est de chercher à développer des petites fermes maraîchères assez performantes pour être viables économiquement et procurer des bénéfices territoriaux importants.

Commençons par nous demander si l’agriculture classique est performante économiquement, socialement et écologiquement. Le système agricole français est sous perfusion, puisqu’il est subventionné à hauteur de 7 milliards d’euros à travers le premier pilier de la PAC. Sans subventions, les deux tiers des exploitations présenteraient un résultat négatif. L’endettement moyen des exploitations est de 160 000 euros. Les rendements sont stables ou en baisse selon les types de production. Pour ce qui est des fruits et légumes, l’agriculture française présente un déficit de la balance commerciale de 4 milliards d’euros, alors que la France est en capacité de produire suffisamment de fruits et légumes pour nourrir ses habitants.

D’un point de vue écologique, on sait que 60 % des terres arables sont fortement dégradées, voire mortes, que l’agriculture représente 20 % des productions de gaz à effet de serre de la France et que la pollution d’origine agricole a un coût d’environ 60 milliards d’euros, ce qui correspond à la valeur marchande de la production agricole – un chiffre qui doit nous inciter à nous demander si nous sommes en train de produire ou de détruire de la richesse. Enfin, l’agriculture n’emploie plus que 1 million de personnes, soit 50 % de moins qu’il y a vingt ans, avec toutes les conséquences que l’on sait sur l’emploi en zone rurale et périurbaine, et un impact important sur la santé des consommateurs – dont nous évaluons le coût à environ 20 milliards d’euros par an.

Compte tenu de ces pauvres performances de l’agriculture française, quelles sont nos options, en termes d’innovation et de résilience, pour demain ? D’un côté, il y a une vision technocentrée, intense en investissements ; de l’autre, une approche consistant à cultiver avec le vivant, en mettant à profit le capital naturel, notamment au moyen de cultures de plein sol, low tech et intenses en main-d’œuvre. Dans le domaine du maraîchage, cette seconde approche se traduit par une culture respectant la diversité du vivant et pratiquée selon un design innovant, étudié pour produire bien et beaucoup sur de petites surfaces.

Fermes d’avenir a voulu mettre en pratique les principes de permaculture auxquels elle se réfère et, à, partir d’une prairie non cultivée, elle a créé une micro-ferme maraîchère qui, dix-huit mois plus tard, produit de manière intensive. Par ailleurs, notre association a structuré un réseau de 200 fermes de micro-maraîchage en France, essentiellement inspirées par la permaculture et qui, réunies autour d’une charte, ont construit un réseau social pour favoriser l’essaimage de leurs pratiques.

Ces pratiques comprennent la mise en culture d’espèces et de semences variées, et un important travail consistant à restaurer le capital naturel, en particulier les sols et la vie des sols. Nos objectifs consistent à prouver par l’expérience, à faire se rencontrer des agricultures et les faire connaître, à accompagner et former, et à vous parler à vous, décideurs. En dehors du terrain, convaincre les politiques est un exercice qui nous passionne également. Pour cela, nous avons travaillé durant six mois à la réalisation d’un plaidoyer dont le résumé vous a été communiqué sous la forme d’une brochure de quatre pages. Nous avons réalisé ce travail avec l’aide de trente experts et des académiques, d’un comité scientifique, sur la base d’une revue de littérature et de la compilation de données de terrain.

Nous nous sommes fondés sur un certain nombre de partis pris, notamment celui selon lequel les trois capitaux – financier, naturel, social et humain – ne sont pas substituables : si l’on détruit totalement le capital naturel, par exemple, il est très difficile, voire impossible de le restaurer. Il est donc indispensable de préserver ces trois capitaux.

Un deuxième parti pris consiste à considérer que, pour que des acteurs économiques puissent vivre de ces métiers, il faut une approche opérationnelle. Si une micro-ferme a un impact positif sur son territoire immédiat – la commune et ses habitants ou la région –, cet impact constitue un service rendu qui peut parfois être rémunéré. Il peut s’agir de la préservation de la qualité de l’eau, du maintien ou du retour à l’emploi d’habitants du territoire. Les micro-fermes ne font donc pas que produire des carottes, elles peuvent aussi avoir des fonctions très importantes au sein des territoires, et rendre à la collectivité des services méritant une juste rémunération.

Enfin, notre troisième parti pris consiste à penser que, sans attendre la PAC 2020, il est possible de commencer à contractualiser à l’échelle locale – celle des bassins de vie, des bassins versants ou des régions – sur les multiples bénéfices des micro-fermes.

L’une des questions revenant le plus souvent au sujet des micro-fermes est celle de leur viabilité économique. Une ferme maraîchère classique est assez fortement mécanisée, elle présente un taux d’endettement élevé en raison du coût du matériel et doit régulièrement acheter des engrais et des semences ; ses recettes proviennent essentiellement de la vente de légumes ainsi que de subventions – assez limitées par rapport à d’autres productions. Une ferme agro-écologique inspirée par la permaculture vit également de la vente de légumes ; elle ne perçoit quasiment pas de subventions puisqu’elle est située hors du champ des exploitations éligibles ; du fait de son mode de culture intensif, elle a d’importantes charges de personnels, mais fait très peu d’achats de matières premières et n’a quasiment pas de matériel à amortir, s’agissant d’un modèle low tech peu mécanisé.

Le fonctionnement de la ferme classique engendre pour la collectivité des coûts actuellement non monétarisés – la pollution à traiter, le coût en termes de santé publique, les atteintes à la biodiversité –, tandis que celui de la micro-ferme en permaculture rend à la collectivité des services qui ne sont pas rémunérés pour le moment. Pour améliorer encore le fonctionnement de ces micro-fermes dont il existe déjà 200 exemplaires en France, nous proposons de travailler activement à la rémunération d’une partie des services qu’elles rendent, qu’il s’agisse de services sociaux ou environnementaux. Nous proposons également de mutualiser, autant que possible, certaines des charges et des fonctions support à la vie de ces fermes, notamment au moyen de coopératives. Enfin, nous estimons qu’il convient de considérer la question de l’endettement des fermes classiques et de leur viabilité économique.

Nous avons également intégré à notre plaidoyer une projection des bénéfices nationaux de l’essor des micro-fermes. Nous nous sommes demandé combien il faudrait d’exploitations de ce type pour fournir à un tiers des Français une alimentation en légumes locale, bio, saine et de proximité. Selon nos calculs, il faudrait environ 25 000 micro-fermes nouvelles et 60 000 conversions de petites fermes en fermes maraîchères bio. Cette transition représente un gisement d’emplois considérable, une réduction du déficit de la balance commerciale de 1 milliard d’euros, la suppression de nombreuses dépenses sociales
– notamment en matière de coûts de santé –, ainsi qu’une diminution des coûts de restauration écologique. Globalement, l’équation économique pour la France se traduirait par une économie de coût de l’ordre de 3 milliards d’euros par an, ce qui devrait intéresser les décideurs et les investisseurs.

Pour cela, quelles seraient les principales mesures à porter à l’échelle nationale ou locale ? Les démarches de projets alimentaires territoriaux, l’innovation en recherche et développement agro-écologique, notamment l’innovation organisationnelle, enfin la mise en place de justes paiements pour les services rendus – de type écosystémique, d’une part, sous la forme de contrats à impact social, d’autre part.

En conclusion, Fermes d’Avenir a besoin de vous, ici présents, ainsi que de tous les Français. Nous travaillons aussi sur les dynamiques de coopération territoriale avec les acteurs locaux – acteurs professionnels et citoyens –, et en mettant en œuvre de nouveaux outils, notamment ceux de la finance participative numérique, pour soutenir les agriculteurs qui souhaitent s’installer et peinent à trouver des financements bancaires. Enfin, nous avons organisé un tour de France qui, en 2017, s’arrêtera dans trente étapes régionales, ainsi qu’une pétition qui sera lancée prochainement et aura pour objectif de soutenir des propositions pour 2017.

M. Dominique Olivier, directeur de la coopérative agricole et de territoire Fermes de Figeac. Je vous remercie pour votre invitation. Si je suis d’accord avec tout ce qui vient d’être dit précédemment, je vais présenter les choses un peu différemment : pour ma part, je ne fais pas de l’agro-écologie une finalité, mais une conséquence.

Notre coopérative est née dans un secteur dit défavorisé, de semi-montagne, au nord du Lot, à la frontière avec le Cantal. Notre territoire, d’un rayon de vingt kilomètres, comprend surtout des fermes d’élevage – bovins à lait en élevage intensif et bovins à viande en élevage extensif. Il y a trente ans, ce modèle était appelé à disparaître, du moins la prétendue absence d’avenir pour ce type d’agriculture l’y avait-elle condamné. Pourtant, cette coopérative, qui employait vingt salariés quand nous l’avons reprise à plusieurs en 1985, emploie aujourd’hui 160 salariés à périmètre égal, cela parce que nous sommes passés d’une coopérative agricole à une coopérative agricole et de territoire.

En 2003, procédant à un bilan sociétal avec Coop de France, nous nous sommes aperçus que l’évolution des mentalités au sein de la société française était en train de lever un frein à notre développement, et que nous devions accompagner ce mouvement en faisant du territoire notre allié. Déjà, en 1997, nous avions été pionniers en décidant de vendre les produits de nos agriculteurs dans les magasins de notre enseigne Gamm Vert, où nous ne commercialisions jusqu’alors que des marchandises propres aux jardineries – plantes et aliments pour animaux. Nous avons commencé en installant dans notre magasin de Figeac un petit rayon où nous vendions des saucisses et des yaourts fermiers, avec pour objectif de réaliser un chiffre d’affaires de 150 000 euros en 2000. Aujourd’hui, les ventes en circuit court représentent pour nous un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros, et nous avons créé vingt-six emplois.

En 2000, après la crise de la vache folle, nous nous sommes aperçus que pas un kilo de viande vendu sur les étals locaux ne provenait de notre territoire, alors que la région comptait de nombreux producteurs. Notre défi a donc été de créer une boucherie. Nous en avons maintenant trois dans nos magasins Gamm Vert. Qui plus est, faute de main-d’œuvre disponible, nous avons dû former onze bouchers en leur faisant passer un CAP. Ainsi, en valorisant une démarche locale, nous avons montré qu’il était possible de créer de l’emploi.

Nous rendant compte que tout miser sur une logique de producteur n’était pas forcément suffisant, nous nous sommes associés à la collectivité pour lancer une initiative intitulée « Terres de Figeac, Mêlée gourmande » réunissant les agriculteurs, les distributeurs et les citoyens autour d’une réflexion sur la consommation locale – ce que l’on appellerait aujourd’hui un plan alimentaire territorial. Nous avons ainsi créé à la fois de la valeur et du lien social.

Pour des raisons commerciales, nous offrons une gamme complète dans nos magasins. En l’absence de producteurs sur le territoire, le café mis en rayon est issu du commerce équitable. Sinon, nous faisons appel aux agriculteurs locaux travaillant en circuit court. Progressivement, ceux-ci adoptent d’eux-mêmes l’agro-écologie, tout simplement parce que le dialogue qui s’engage spontanément avec les consommateurs les y incite. C’est donc par l’intermédiaire du produit que les agriculteurs en viennent à travailler différemment, parce qu’ils trouvent des motivations qui les y conduisent et des revenus qui le leur permettent.

En 2008, nous nous sommes livrés à un travail de prospective pour déterminer ce que pouvait être l’avenir d’une petite coopérative agricole dans notre secteur. Selon un premier scénario, pris par le courant, nous passions de 650 à 350 agriculteurs, la coopérative était reprise et il ne nous restait que notre niche de circuit court.

À l’époque, nous sortions d’une crise du blé ayant provoqué des émeutes de la faim dans plusieurs pays d’Afrique du Nord. Chez nous, le prix du blé était passé de 100 euros à 300 euros la tonne, précipitant la fin de plusieurs de nos producteurs de porc. Ce contexte nous a inspiré un deuxième scénario, du type « Avis de tempête », tenant compte du fait que nos gouvernants voulaient une alimentation la moins chère possible à Paris. Nous nous sommes rapidement engagés sur la voie de ce scénario, qui nous a progressivement conduits à l’autonomie en matière de production céréalière sur notre secteur : alors que nous allions autrefois acheter des céréales jusqu’à Châteauroux, nous produisons aujourd’hui l’intégralité de ce qui nous est nécessaire.

Par ailleurs, nous avons commencé à étudier notre bilan carbone. Les calculs auxquels nous avons procédé avec le concours d’AgroParisTech ont permis de mettre en évidence que ce bilan était vertueux sur notre territoire, en raison du fait que 50 % de notre surface d’exploitation est couverte de forêts, et que les 50 % restants sont occupés à 80 % par des prairies. Bien évidemment, ce bilan positif apporte une plus-value à la société.

Après le scénario « Avis de tempête », qui était insoutenable – il restait 150 agriculteurs –, nous en avons élaboré un nouveau, intitulé « Changement de cap », en partant du principe que l’apport de l’agriculture ne se limite pas forcément aux produits alimentaires. Tout en restant concentrés sur la production de lait et de viande, nous nous sommes aperçus qu’avec l’eau et l’air de qualité, le vent et le soleil dont nous bénéficiions, nous pourrions produire autre chose. C’est ainsi que, lorsque nous en avons eu l’opportunité, en 2010, nous avons conçu le plus important projet photovoltaïque français en créant une coopérative de toits de ferme – de 200 en 2010, leur nombre est passé à 500 aujourd’hui –, qui permet de générer des revenus supplémentaires.

Les circuits courts concernant donc non seulement l’alimentation mais également l’énergie, nous nous sommes ensuite intéressés au projet de ferme éolienne qui existait dans notre secteur. Après tout, le vent est à nous ! Nous avons donc organisé une levée d’épargne citoyenne, grâce à laquelle nous avons acquis 40 % du capital de cette ferme, qui représente un investissement de 28 millions. Les agriculteurs et les habitants du territoire ont sorti leur argent de la banque pour lui donner du sens en investissant dans cette ferme. Ainsi, de fil en aiguille, notre territoire progresse en matière d’agro-écologie, mais à partir du produit et du revenu.

Enfin, en 2010, nous avons racheté la dernière scierie du coin, qui était à vendre, et nous sommes en train de remonter une filière bois locale. Nos bâtiments sont chauffés avec les déchets de la scierie, que nous développons grâce à la commercialisation de bois local. Nous partons donc d’un écosystème territorial, qui nous permet de développer l’emploi et l’innovation. Par exemple, lorsque nous avons lancé notre projet de production d’énergie, notamment photovoltaïque, les banques ont exigé que nous disposions d’un système de maintenance pour nos installations. Plutôt que de faire appel à de grosses sociétés toulousaines, nous nous sommes battus pour créer notre propre système, et nous avons embauché, pour cela, des ingénieurs centraliens et des ingénieurs énergéticiens dans notre coopérative agricole. Aujourd’hui, parce que nous appartenons à un territoire, nous sommes capables de gérer des biens communs.

Nous, agriculteurs, nous en avons un peu assez des normes qui nous sont imposées, notamment en matière de verdissement. J’ai vu des agriculteurs, au moment des premiers Contrats territoriaux d’exploitation (CTE), appliquer ces normes parce qu’on leur proposait une carotte. Mais, une fois que la prime de cinq ans est tombée, ils sont revenus à une agriculture classique. Ils n’ont pas été convaincus ; ils ne se sont rien appropriés. C’est la carotte et le bâton ! En Suisse, en revanche, où les projets agro-écologiques sont conçus et développés à l’échelle d’une commune ou d’un groupe de communes, le système est beaucoup plus pérenne. Imposer, comme on le fait ici, des normes à des personnes qui n’ont pas de revenus, ce n’est pas supportable, car, même si je suis d’accord sur le fond, la méthode provoque un rejet de cette approche.

Nous avons encore beaucoup de projets à développer, mais certains freins nous en empêchent. Le premier d’entre eux, c’est l’agrandissement lié à la diminution du nombre d’exploitations, qui s’explique par la pyramide des âges. Nous avons donc demandé à Stéphane Le Foll, qui nous a rendu visite la semaine dernière, de pouvoir expérimenter une coopérative foncière – nous mobilisons pour cela de l’argent au plan local –, car nous ne pouvons pas faire venir des gens de l’extérieur tant que nous n’aurons pas réglé le problème du foncier. Nous réfléchissons à la manière dont nous pouvons changer les règles dans ce domaine, car, les primes PAC étant ce qu’elles sont actuellement, le voisin a intérêt à s’agrandir sans produire, pour toucher plus de primes.

Enfin, nous avons approfondi notre réflexion sur le lien entre coopérative agricole et territoire. En tant que militants de l’économie sociale et de la coopération, nous avons saisi la possibilité offerte par la loi Hamon pour créer un pôle territorial de coopération économique (PTCE). Nous sommes entrés en relation avec une association de handicapés qui compte une centaine de salariés et qui est équipée d’une cuisine centrale. Aujourd’hui, cette association, qui prépare 700 repas par jour, nous achète notre viande. De plus, alors que nous avions échoué à relancer le maraîchage, grâce à cette association d’insertion de handicapés, nous créons une légumerie, et nous comptons installer ensuite des maraîchers. Pour permettre à des gens de s’installer, il faut d’abord créer le débouché, l’outil, comme nous l’avons fait avec les magasins.

Mme Viviane Le Dissez. Au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain, je remercie l’ensemble des intervenants pour la clarté de leur propos et pour les exemples de terrain qu’ils ont cités, qui nourriront notre réflexion.

L’agro-écologie, qui désigne le recours à des techniques et à des infrastructures nouvelles, considère l’exploitation agricole dans son ensemble. Elle vise à transformer durablement nos systèmes de production alimentaire dans le contexte d’une économie mondialisée pour faire face aux défis climatiques et sanitaires. Porte-parole de mon groupe lors de l’examen du projet de loi de reconquête de la biodiversité, je tiens à souligner que la protection et l’utilisation de la biodiversité constituent l’un des piliers pratiques de l’agro-écologie. Le sol, élément vivant, est mentionné dans les principes fixés par la loi ; quant aux insectes pollinisateurs, qui sont l’un des meilleurs garants de la biodiversité, ils sont les auxiliaires indispensables de notre agriculture. L’agro-écologie est une voie ambitieuse et une formidable opportunité, tant pour notre environnement que pour les producteurs et les consommateurs. Elle consiste également à se réapproprier et à adapter des connaissances anciennes grâce à l’évolution des connaissances scientifiques, mais aussi – c’est une autre philosophie – au regard de la nature.

L’année 2015 a été marquée par la mise en œuvre de plans d’action dans le cadre des premières concrétisations du projet agro-écologique porté par le Gouvernement. Je pense notamment aux 250 premiers groupements d’intérêt économique (GIE), qui regroupent presque 2 500 exploitations, à la mise à disposition d’un outil numérique de diagnostic agro-écologique des exploitations agricoles, à l’intégration de l’agro-écologie dans les formations et l’enseignement dispensé dans les lycées agricoles ou encore au renforcement des outils financiers d’accompagnement vers une transition agro-écologique. Ces mesures témoignent d’une ambition et du début d’une évolution progressive de nos systèmes de production.

Saisi par le Premier ministre, le Conseil économique, social et environnemental vous a confié, madame Claveirole, le soin de rédiger un rapport sur l’agro-écologie, qui a été adopté à une large majorité. Nous sommes confrontés à une triple exigence : une exigence environnementale, qui recouvre le respect de la biodiversité et la lutte contre le réchauffement climatique ; une exigence économique, qui doit prendre en compte les contraintes du monde agricole et la nécessaire amélioration du revenu agricole ; une exigence sanitaire et sociale, dans laquelle entre la lutte contre les mauvaises habitudes alimentaires mais aussi et surtout la protection de la santé de nos agriculteurs.

Les travaux du CESE ont fait apparaître les limites que rencontre le développement de l’agro-écologie, tels l’attractivité de l’alimentation bon marché et les raisonnements de rendement « court-termistes ». Parmi ses préconisations figure l’accompagnement des exploitants et du monde de la recherche par les pouvoirs publics. Aussi la prochaine PAC est-elle un défi pour l’agro-écologie.

À Yvignac-la-Tour, une petite commune de ma circonscription, des exploitants se sont engagés, depuis plus de vingt ans, dans une démarche agro-écologique qui consiste notamment à respecter les sols : grâce à la succession de différentes cultures complémentaires les unes des autres, le substrat n’est pas appauvri, le sol est vivant et l’on évite l’érosion et la diffusion des sédiments. Ces pratiques peuvent aussi offrir également une solution à l’envasement de nos rivières – je pense en particulier à la Rance et aux rias bretonnes.

Vous l’avez tous souligné, l’agro-écologie est une approche globale indispensable, qui doit être valorisée et étendue. Plus qu’une alternative, elle obéit à une éthique, à une philosophie qui promeut les connaissances et les savoir-faire paysans. Agro-écologie, biodiversité et climat sont indissociables. Comme l’a indiqué François Léger, qui est également président du conseil scientifique du Conservatoire national du littoral, l’une des solutions pour la protection des littoraux passe par la nature, et l’agro-écologie y est primordiale. Gageons donc que nos échanges seront constructifs et les questions nombreuses.

M. Martial Saddier. La France a la chance d’avoir une grande agriculture. Les Français sont fiers de leurs agriculteurs et y sont très attachés ; quant aux députés Les Républicains, ils connaissent, eux, personnellement plusieurs exploitants, qu’ils côtoient et rencontrent régulièrement dans leurs circonscriptions.

L’agriculture, qui représente un million d’emplois en France, est un secteur d’activité économique très important dans lequel notre pays est, avec 18 % de parts de marché, la première puissance européenne, devant l’Allemagne, et la deuxième puissance mondiale. Pourvoyeuse d’emplois et d’avenir, notre agriculture a une histoire, mais elle doit s’organiser en filières pour faire face à la compétition européenne et mondiale à laquelle elle est soumise quotidiennement. C’est à ce titre que la commission qui est saisie au fond des questions agricoles est celle des affaires économiques, et non celle du développement durable, même si nous sommes très heureux de pouvoir y aborder ce sujet.

Après-guerre, la puissance publique a demandé à notre agriculture de s’organiser afin de répondre à la nécessité absolue de nourrir les habitants de notre pays, et au-delà. Ainsi 28 millions des 55 millions d’hectares que représente la superficie de la métropole sont-ils consacrés à des cultures. Parfois, les zones de production sont connectées à des zones de consommation mais, la plupart de temps, ne serait-ce que parce que notre agriculture – et c’est une chance – est extrêmement diversifiée, elles ne le sont pas. Il s’agit là d’un défi permanent pour notre agriculture qui, plus que jamais, doit s’organiser en filières.

Par ailleurs, celle-ci a connu, depuis l’après-guerre, outre la modernisation et l’automatisation, un certain nombre de bouleversements sociaux, économiques mais aussi environnementaux. Certains produits qui avaient été vendus aux agriculteurs comme révolutionnaires ont ainsi dû être éliminés. Cependant, quel secteur d’activité économique n’a pas connu les mêmes évolutions ? Pour notre part, nous refusons de jeter systématiquement la suspicion – qui constitue la musique de fond de ce quinquennat – sur nos agriculteurs, qui n’auraient pas engendré la révolution sociale, économique et environnementale des secteurs de production et de l’agroalimentaire. Des efforts colossaux ont été consentis. Certes, il reste encore des marges de progrès, mais nous refusons d’opposer les agriculteurs entre eux, et de considérer qu’il y aurait plusieurs agricultures en France. Il n’y en a qu’une seule ; elle est la plus puissante d’Europe, la deuxième au monde, et nous devons la défendre de manière unanime.

Cette agriculture respectueuse de l’environnement, qui place l’emploi au cœur de ses préoccupations, nous offre une extraordinaire chance de développement économique. Dois-je rappeler qu’elle participe, avec le secteur agroalimentaire, pour près de 12 milliards à l’excédent de la balance commerciale de notre pays ? De quel autre secteur peut-on en dire autant ? Nous pouvons concevoir que des expérimentations soient menées, que de nouvelles propositions soient formulées. Mais comment faire croire que de telles micro-propositions pourraient être, demain, une solution pour la première puissance agricole européenne ?

Permettez-moi de vous rappeler l’apport de notre famille politique dans ce domaine. Philippe Vasseur, qui fut le premier à lancer un débat sur l’agriculture biologique dans notre pays, élabora le premier plan quinquennal de l’agriculture biologique en France. Hervé Gaymard fut le premier ministre de l’agriculture à demander au Premier ministre de charger un parlementaire d’une mission sur le développement de l’agriculture biologique. Michel Barnier fut le premier à demander que la mortalité des abeilles et des apoïdes sauvages soit placée au cœur des travaux de l’Assemblée nationale. C’est bien notre famille politique qui a lancé, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, le premier plan Écophyto, afin de diminuer au maximum l’utilisation des intrants. Enfin, c’est nous qui avons adapté la directive 2009/128/CE sur une utilisation des pesticides plus respectueuse de l’environnement.

Pour conclure, je veux dire une nouvelle fois, au nom des députés Les Républicains, notre attachement à notre agriculture et aux agriculteurs, qui ont consenti des efforts considérables. Nous sommes là, toutes et tous, pour les accompagner.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La campagne est lancée…

M. Bertrand Pancher. Au nom du groupe Union des démocrates et indépendants, je remercie l’ensemble des participants à cette très belle table ronde pour la qualité et l’intérêt de leurs interventions.

Il n’existe pas un seul modèle agricole dans notre pays ; il y en a plusieurs qui tendent, d’ailleurs, de plus en plus à converger. Je suis frappé de constater combien, dans ma région, les pratiques évoluent dans le bon sens, et ce grâce à des précurseurs – dont vous êtes, mesdames, messieurs – qui ont montré qu’il était possible de changer les pratiques en s’appuyant sur des consommateurs de plus en plus avertis. Je salue donc votre engagement. J’ai été très sensible à vos propos : il ne s’agit plus, depuis longtemps, d’opposer les gros aux petits, tel type de production à tel autre ; tous se complètent. Nous avons besoin d’une agriculture qui exporte et d’une agriculture qui redécouvre la vertu des circuits courts et la place du consommateur. Les consommateurs européens ayant davantage de moyens que les autres, on devrait pouvoir réintégrer de la valeur.

L’agriculture, grâce à la biodiversité, au captage de CO2, à la qualité de l’eau et à la fertilité des sols, joue un rôle primordial dans la préservation, non seulement de l’environnement, mais aussi de la vie. Je me demande d’ailleurs pourquoi on ne rebaptise pas le ministère de l’environnement, « ministère de la vie », car l’environnement, c’est la vie !

La vraie question – et vous l’avez posée – est de savoir comment réintroduire les coûts induits. Le libéral que je suis construit son raisonnement sur la vérité des prix, qui doivent inclure les coûts induits, c’est-à-dire la fiscalité verte. Sans une telle fiscalité, tout ce que l’on peut dire sur la politique environnementale n’est que baratin. Non seulement nous ne sommes pas des climato-sceptiques, mais nous voulons que la cause environnementale avance, ce qui suppose une évolution des pratiques et la mise en œuvre d’une fiscalité verte.

Comment améliorer le modèle ? Il faut avant tout redonner du sens, et le reste suivra naturellement. François Léger l’a rappelé et je l’en remercie, de même que je remercie Cécile Claveirole pour son très beau rapport. Nous devons, avec l’aide des régions, dont c’est le rôle, construire des filières, réintroduire certains outils, notamment, c’est vrai, les abattoirs de proximité. Il nous faut également réorienter la PAC, sans quoi nous ne nous en sortirons pas : c’est un vrai scandale que la PAC joue contre les intérêts environnementaux. Il convient également de soutenir les collectifs, de valoriser les filières et de régler la question foncière, ce qui est évidemment essentiel.

En conclusion, les agriculteurs étant usés par la crise, nous devons mieux les accompagner. Que pouvons-nous faire dans ce domaine ? Beaucoup d’entre eux veulent sauter le pas, mais il faut leur en donner les moyens. Comment, aussi, peut-on mieux coordonner l’ensemble des acteurs concernés ? Enfin, le développement des circuits courts implique que nous favorisions la prise de conscience de nos concitoyens. Il y aurait encore beaucoup à dire. En tout cas, mesdames, messieurs, encore merci et bravo pour votre engagement !

M. Jacques Krabal. À mon tour, je remercie, au nom du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, l’ensemble des participants à cette table ronde. Je n’ai pas le sentiment que l’on remette aujourd’hui en cause le concept d’agro-écologie, qui a pourtant fait l’objet d’un débat et d’un compromis entre les principaux acteurs socio-économiques et le Gouvernement, lors de l’examen du projet de loi pour l’avenir de l’agriculture. Je n’en rappellerai donc pas les avantages.

Je remarque que les différents intervenants ont fait preuve d’une grande tolérance. De fait, l’agriculture est variée et les pratiques multiples, et nous ne pouvons plus opposer un système à un autre. Il faut privilégier une approche globale. Sans nier la puissance économique de notre agriculture, il faut pour autant reconnaître qu’elle s’inscrit dans un contexte de dérégulation des marchés. L’agriculture française est intégrée à un système mondialisé et elle doit relever des défis majeurs, qu’ils soient alimentaires, sanitaires, environnementaux, économiques, sociaux, sociétaux, territoriaux ou techniques. Dire qu’aujourd’hui, tout va bien, ce n’est pas servir la cause des agriculteurs.

Avec le concept d’agro-écologie, on nous propose, non pas une alternative, mais une pratique complémentaire qui permet d’engager l’agriculture sur une voie nouvelle. Du reste, les agriculteurs que nous rencontrons dans nos territoires ont déjà procédé à de nombreux changements et innovations. Je ne m’étendrai pas sur ce qui se passe dans le sud de l’Aisne, qu’il s’agisse de la vigne ou du développement des circuits courts et de la vente à la ferme. Ce mouvement en est à son commencement, car les agriculteurs sont les premiers à avoir pris conscience de la nécessité de faire évoluer leurs modes de production, pour revaloriser leur rôle en lien avec le consommateur. Ce lien s’était, en effet, un peu perdu au fil du temps.

L’agro-écologie ne me paraît pas pouvoir modifier rapidement cette tendance. Il faut du temps. Quels moyens pouvons-nous mettre en œuvre pour que la persuasion soit plus rapide ? Les discussions avec les grands syndicats agricoles sont-elles engagées et quelles sont leurs réponses à vos propositions, qui concernent surtout la proximité ? Quelles sont les contraintes réglementaires qui pénalisent les initiatives en matière d’agro-écologie ? Si les agriculteurs et les consommateurs doivent s’approprier ce concept, celui-ci doit aussi se développer à l’échelon européen. Qu’en est-il, de ce point de vue, dans d’autres territoires européens ?

M. Patrick Lebreton. Dans mon département de La Réunion, la culture de la canne à sucre est particulièrement dominante. Depuis plusieurs années déjà, la filière canne-sucre de cette île évolue vers l’agro-écologie. Cette culture répond, en effet, aux caractéristiques de cette dernière, qu’il s’agisse de la protection des sols et de la prévention de l’érosion ou de la préservation de la propriété des sols. La valorisation des écoproduits de la canne, notamment la bagasse ou la biomasse, en fait une culture particulièrement vertueuse. Des méthodes de lutte biologique contre les insectes agresseurs y ont été expérimentées avec succès. Dans les pratiques culturales actuelles, toutefois, le recours aux engrais et l’irrigation massive restent des points à améliorer.

Néanmoins, et en dépit de la bonne volonté du monde agricole, la transition vers l’agro-écologie pourrait, à certains égards, être vaine. Alors que cette culture est très fortement mondialisée et connaît la concurrence féroce de pays producteurs qui n’ont pas cette ambition agro-écologique ni les mêmes coûts d’exploitation, la fin prochaine des quotas sucriers fait peser une menace très claire sur la transition souhaitée.

Je profite de la présence, ce matin, d’un panel d’experts pour recueillir leur sentiment sur la faisabilité réelle de la transition agro-écologique pour une culture telle que la nôtre, mondialisée, fortement concurrentielle et lâchée peu à peu par l’Europe et les pouvoirs publics. La question se pose avec d’autant plus d’acuité que, à La Réunion, la canne est une monoculture.

M. Jacques Kossowski. La transition agro-écologique ne pourra se faire sans une véritable révolution dans les agro-équipements. D’importantes innovations sont à attendre, notamment dans le domaine de la robotique et du numérique – on parle d’ailleurs de rupture technologique. Or la recherche dans ces domaines spécifiques nécessite de lourds investissements financiers de la part des équipementiers, qui prennent des risques. Ne serait-il pas souhaitable de structurer une véritable filière française des agro-équipements, comme il en existe dans d’autres domaines industriels ? Dans un pays aussi fortement agricole que la France, cela aurait du sens. De quelle manière pourrait-on organiser une collaboration efficace entre les acteurs publics et privés afin de faire émerger et valoriser cette filière d’avenir ?

M. Yannick Favennec. Suite à la saisine du ministre de l’agriculture, le Conseil économique, social et environnemental a récemment adopté un avis sur la transition agro-écologique, visant à mieux en définir les enjeux et les pistes de progrès. Mais le groupe agriculture de l’institution estime, pour sa part, que ce rapport constitue une stigmatisation de la profession agricole, proposant « plus de complexité et plus de réglementation ». Les représentants des agriculteurs regrettent « cette vision étriquée de l’agro-écologie qui ne tient pas compte des trois piliers du développement durable », et ils insistent en particulier sur la dimension économique des exploitations fortement mises à mal par les différentes difficultés conjoncturelles.

Pour relever tous les défis économiques, sociaux et environnementaux, et s’engager plus largement encore dans l’agro-écologie, le groupe agriculture demande « plus d’innovation, de recherche et d’expérimentation au service des agriculteurs qui construisent aussi une expertise ». Les agriculteurs sont, pour une large part, prêts à poursuivre leurs efforts dans le domaine de l’agro-écologie, grâce à l’appui d’une recherche active de solutions efficaces et ayant moins d’impacts sur la santé et l’environnement, mais ils refusent qu’on leur impose toujours plus de réglementation qui risque de nuire à leurs exploitations et d’accentuer les distorsions de concurrence avec les autres pays européens. Qu’en pensez-vous ?

Mme Martine Lignières-Cassou. Ce qui me frappe, c’est que la crise de l’agriculture n’est pas conjoncturelle. Quand la mutualité sociale agricole (MSA) indique qu’un tiers des agriculteurs environ vit avec un revenu équivalent au revenu de solidarité active (RSA), qu’il y a beaucoup de suicides chez les agriculteurs et que, du point de vue de la santé, ils sont les premiers à pâtir des intrants qu’ils utilisent, on voit bien que le mouvement est extrêmement profond. Les agriculteurs se rendent compte qu’ils sont dans l’impasse et que l’un des premiers freins est celui de l’endettement. En termes de politique publique, que peut-on mettre sur pied pour alléger cette contrainte ?

Il est important, dans les plans, qu’ils soient nationaux ou régionaux, de faire le lien entre agriculture, alimentation et nutrition. Nous avons les pires difficultés, en France, à mettre sur pied des politiques publiques de nutrition, tant le poids des lobbies pèse. J’en veux pour preuve les difficultés que nous rencontrons pour mettre en place l’étiquetage nutritionnel.

Monsieur Olivier, vous dites que votre démarche a été couronnée de succès dès le départ, parce que, au préalable, vous aviez mis en place des outils – vos magasins qui existaient déjà, la légumerie que vous allez installer. Vous n’avez pas parlé d’abattoirs ou de laboratoires de transformation, alors que vous êtes dans une région d’élevage. Est-ce parce que ces outils existent déjà et qu’ils fonctionnent bien ?

M. Guillaume Chevrollier. Je me félicite que notre commission aborde ce sujet majeur qu’est l’agriculture. En cette période de crise et de mutation, les nouvelles pratiques agro-écologiques sont sans aucun doute appelées à se développer. Cette voie a des effets positifs, en associant production agricole et reproduction des ressources. Cependant, il faut peut-être relativiser avant d’en faire l’alpha et l’oméga de notre avenir agricole. L’avis du Conseil économique, social et environnemental sur la transition agro-écologique me semble très optimiste quant aux effets de ces pratiques qui devraient renforcer la fertilité des sols, augmenter les performances agronomiques des fermes, favoriser l’autonomie et la résilience, revaloriser le métier d’agriculteur, améliorer leurs conditions de vie, fournir une meilleure qualité sanitaire et nutritionnelle, contribuer à la création d’emplois ainsi qu’à la lutte contre la désertification des campagnes. Un peu de scepticisme teinté de réalisme me fait relativiser ces effets, de même que les propositions contenues dans l’avis me semblent un peu excessives : on a le sentiment que, pour vous, c’est la seule voie d’avenir et la seule priorité.

Sur le terrain, au contact des nombreux agriculteurs de ma circonscription, je vois le développement de ce que l’on appelle l’agriculture raisonnée. C’est une réalité dans nos campagnes. Ce n’est pas une vision idéologique, mais une approche plutôt pragmatique de l’agriculteur, mieux formé, mieux équipé, mieux conseillé. La voie d’avenir de l’agriculture française, c’est la montée en compétences, l’innovation, la maîtrise des coûts, la conservation de la valeur ajoutée.

Ne pensez-vous pas que plusieurs voies sont possibles pour préserver la vitalité de notre agriculture ? Quel est votre avis sur le grand texte agricole de cette législature, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt qui, en définitive, manquait de vision économique ?

M. Stéphane Demilly. Nos agriculteurs aiment leur terre, il importe de le rappeler en réponse aux discours simplistes que l’on entend trop souvent, présentant les agriculteurs français comme de dangereux pollueurs ne se souciant de rien d’autre que du rendement de leurs champs. Les agriculteurs que je côtoie dans ma région picarde sont attachés à la qualité de la terre, à la garder en bonne santé pour pouvoir en tirer le meilleur pour les consommateurs. Une belle exploitation qui consomme peu d’intrants, c’est également une source d’économies pour un exploitant. De nombreux agriculteurs s’engagent donc dans l’agro-écologie. Pour ce faire, ils sont d’ailleurs souvent accompagnés par les syndicats agricoles et les chambres d’agriculture.

Mes trois questions s’adressent essentiellement à Mme Cécile Claveirole. Vous proposez la fusion des plans régionaux d’agriculture durable avec les projets alimentaires territoriaux. Quelle est la position des conseils régionaux sur cette idée ?

Vous insistez également sur la dimension locale et territoriale en la présentant comme l’avenir de l’agriculture. Ce n’est pas une idée nouvelle. Il y a longtemps, pour ma part, que je suis convaincu de l’intérêt de développer les circuits courts. C’est d’ailleurs ce que je fais pour les cantines scolaires de ma commune. Quels sont aujourd’hui les freins au développement des circuits courts là où il serait simple de les développer ?

Enfin, la réglementation est un sujet récurrent lorsque l’on parle d’agriculture, tout simplement parce que la situation ne s’améliore pas. Comment avancer vers plus d’agro-écologie, sinon par une démarche véritablement incitative et non contraignante, une démarche conduite en bonne intelligence avec les agriculteurs et leurs représentants ?

M. Serge Bardy. Comme tous mes collègues, je suis très attaché à l’avenir de nos agriculteurs et de l’agriculture, et j’ai beaucoup de respect pour eux.

Lundi matin, j’ai discuté pendant trois heures avec le responsable de la commission développement durable et environnement du Maine-et-Loire au sein de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA). Il considère que l’évolution de l’agriculture doit s’appuyer sur des structures collectives en raison de la perte d’intérêt pour le métier, en particulier dans notre territoire, et que nous devons passer d’une logique de volumes, tant pour le lait que pour la viande bovine, à une logique de qualité. J’ai retenu de cette rencontre qu’il est déjà dans un acte de transition.

Par ailleurs, la taxation des excédents azotés au-delà d’un certain seuil est appliquée aux Pays-Bas et au Danemark. En France, si mes informations sont exactes, les agriculteurs ont simplement l’obligation, depuis 2002, de réaliser un plan de fumure prévisionnel et de remplir un cahier de fertilisation. Pour les partisans de la pédagogie, cela a permis de corriger les pratiques anciennes et de mieux ajuster la fertilisation aux besoins des cultures. Les mêmes pointent les limites du modèle de taxation en avançant que l’on peut améliorer l’usage de l’azote en agriculture mais pas le rationaliser complètement et, par conséquent, que fixer un seuil n’est pas forcément pertinent. Évidemment, cette analyse ne fait pas l’unanimité ; elle n’est pas partagée notamment par les milieux écologistes.

Seriez-vous favorables à l’introduction, en France, d’un dispositif de taxation des excédents azotés ? Dans l’affirmative, quel seuil faudrait-il retenir ?

M. Jean-Pierre Vigier. Je remercie les intervenants pour leurs exposés sur l’agro-écologie. Pourrais-je en avoir une définition très précise ?

Il importe de souligner que nos agriculteurs sont les premiers à entretenir et protéger au quotidien notre environnement, car, pour eux, c’est un atout.

Nous avons besoin aujourd’hui d’une agriculture organisée en filières, d’une agriculture compétitive, performante et innovante. Les exploitations doivent voir leurs charges de structure réduites pour pouvoir vivre de la vente de leurs produits, qui doivent être de qualité. Nos agriculteurs doivent être considérés comme de véritables chefs d’entreprise qui créent des emplois et de la richesse économique.

Comment positionnez-vous l’agro-écologie par rapport à l’agriculture biologique assise sur un modèle économique viable ?

M. Michel Lesage. À mon tour, je félicite les intervenants pour la qualité de leur présentation de l’agro-écologie.

J’ai apprécié que M. François Léger dise de l’agro-écologie qu’elle était d’abord une façon de reconstruire du sens autour de l’agriculture et de l’alimentation. Ce concept paraît maintenant pertinent pour tout le monde. Il doit permettre d’inventer un nouveau modèle agricole, d’aller vers une agriculture à la fois économiquement et écologiquement performante, et de conserver de hauts niveaux de rendement tout en adoptant des modes de production plus respectueux de l’environnement. Produire autant mais en utilisant moins de pesticides, moins d’énergie, moins d’eau est un vaste enjeu de société.

Le Breton que je suis est sensible à tout ce qui peut réduire les pollutions diffuses d’origine agricole. À cet égard, comment voyez-vous l’articulation entre les différents leviers de lutte que sont la réglementation, les incitations économiques, les accords contractuels et les démarches volontaires ? Faut-il tenir compte des territoires pour assurer un dosage entre ces quatre leviers ? Que pensez-vous des outils innovants, tels que la rémunération des services environnementaux rendus par les agriculteurs ?

L’objectif n’est pas d’arrêter certains types d’agriculture mais d’introduire des changements dans les systèmes de production. Cela suppose un accompagnement sur le long terme pour créer de nouveaux marchés et construire de nouvelles filières ancrées dans les territoires qui soient économiquement viables. Comment créer ces nouvelles filières ? C’est là un vaste enjeu qui implique la mobilisation des territoires, des marchés publics, des consommateurs, mais aussi l’organisation de circuits courts sur nos différents territoires.

M. Jean-Marie Sermier. Je suis admiratif du monde agricole qui est animé, sur 450 000 exploitations, par près de 600 000 agriculteurs et 500 000 salariés. Ce secteur génère une industrie agro-alimentaire qui, avec 16 000 entreprises employant plus de 400 000 personnes, est l’une des plus performantes au monde. En tenant compte des filières de l’amont et de l’aval, l’agriculture représente en France plus de 2 millions de salariés. Elle constitue donc un élément essentiel de notre territoire.

L’agriculture, c’est certes une activité de production, mais c’est aussi une étonnante histoire de solidarité – que certains semblent redécouvrir –, à commencer par les coopératives. Dans mon département du Jura, les fruitières à Comté existent depuis plusieurs décennies, et la fruitière vinicole d’Arbois a été fondée en 1906. Le Crédit agricole est le résultat de la capacité de s’unir pour créer ensemble une banque ; il date de 1894. Je pourrais encore citer la Mutualité sociale agricole (MSA), les assurances, la cogestion. La solidarité agricole a plus d’un siècle, et elle a construit cette agriculture si performante que nous connaissons.

Mais l’agriculture, c’est aussi une étonnante modernité. Il y a de plus en plus de femmes parmi les agriculteurs, et ils sont de plus en plus formés – les chefs d’exploitation aujourd’hui ont souvent un niveau bac+2, bac+3 ou bac+4. Les technologies qu’ils utilisent sont bien plus respectueuses de l’environnement qu’elles ne l’étaient dans les années soixante.

Cette agriculture produit surtout de la très haute qualité, caractérisée par une traçabilité et des qualités sanitaires jamais atteintes, ce qui a permis à la France d’être précurseure, notamment en matière d’appellations d’origine contrôlée (AOC).

Et puis, les agriculteurs façonnent le paysage.

Si une catégorie professionnelle est aussi présente dans l’histoire de la nourriture, de la solidarité et des paysages, c’est qu’elle contribue fortement à la culture française et presque à l’identité de notre pays.

Mme Florence Delaunay. Les traités de libre-échange en négociation reposent systématiquement sur l’abandon de l’agriculture européenne aux entreprises nord-américaines en échange de l’accès au marché des services américains et celui des médicaments pour les entreprises multinationales européennes. Dans ce contexte, des personnalités appellent à la proclamation d’une exception « agriculturelle » dans le commerce mondial. Il s’agit de défendre la qualité de la nourriture et la liberté de celles et ceux qui la produisent, mais aussi le cadre général de nos modes de vie.

Cet appel, qui lie l’assiette aux champs, aux paysages et à la responsabilité de chacun envers tous quant à la qualité et la diversité de la vie, est parfaitement illustré par des expériences locales de jardins partagés en permaculture. Dans mon village rural, un tel jardin est géré par des citoyens militants qui lient agriculture, développement rural et éducation à travers des actions en direction des enfants. Là encore, la société civile prend conscience des enjeux agricoles, alimentaires et environnementaux. Et ce n’est pas un hasard si, dans ce même village landais, le comité de jumelage a aidé à créer, dans un village de Mauritanie, un jardin potager irrigué qui nourrit le village et donne des emplois aux femmes.

Il faut produire là où les gens ont faim, limiter les échanges inutiles, les gaspillages destructeurs de valeur, lier l’agriculture à l’écosystème local, prendre en compte son impact sur la biodiversité et le climat, car la biodiversité est fondamentale pour l’avenir agricole. La préservation des diverses variétés de plantes d’intérêt agronomique est essentielle. Or, dans le monde, cinq cultures prévalent – blé, riz, manioc, maïs et soja – et ce n’est pas par l’adjonction génétique de vitamines dans ces céréales que l’on viendra à bout de certaines carences alimentaires.

Quels leviers devrons-nous utiliser pour faire reconnaître l’exception « agriculturelle » dans le commerce mondial ?

Mme Sophie Rohfritsch. Dans une bulle idéale, vos exposés seraient parfaitement admis par l’ensemble du monde agricole et du monde politique. Cependant, nous ne sommes pas dans un monde idéal. Avant de considérer que le modèle que vous présentez pourrait être le seul, il faut s’attaquer aux problèmes de fond dont souffrent les agriculteurs, en particulier l’excès de réglementation et la difficulté à peser dans la négociation des prix, dont les distributeurs et les syndicats font leur affaire. C’est à vous de commencer à discuter avec les syndicats agricoles, avec les chambres consulaires. Sans doute les avez-vous contactés, mais je pense que vous ne pesez pas encore suffisamment pour que vos solutions apparaissent comme tangibles, tant la crise à laquelle sont confrontés nos agriculteurs dévore tout leur espace et leur réflexion aujourd’hui.

Il est soit trop tôt, soit trop tard – ce que je n’espère pas. Il faut d’abord régler les problèmes avant de discuter de vos préconisations, c’est ce que me semble refléter l’ensemble des interventions. Tout le monde vous dit : « C’est bien, mais revenez lorsque les problèmes de nos agriculteurs auront été traités. »

M. Jean-Jacques Cottel. Je suis élu d’un secteur où se pratique une agriculture intensive. Selon M. François Léger, l’agro-écologie serait un retour à la raison, mais, moi, je vois dans ma région des fermes disparaître pendant que d’autres continuent à s’agrandir fortement. Les producteurs de lait avec qui nous discutons nous disent que les circuits courts sont avant tout une niche et que le modèle de l’agro-écologie est toujours à l’état embryonnaire. Dans ma communauté de communes, nous essayons néanmoins de développer des circuits courts, car nous voulons donner un sens à l’alimentation et à nos habitudes de consommateurs.

Pensez-vous que l’agro-écologie puisse trouver sa place dans un environnement d’agriculture intensive sur des terres très fertiles, sachant que les industries agroalimentaires y occupent une place importante, notamment au regard de l’emploi ? Comment concilier la complémentarité entre les deux systèmes ? Si l’on y parvient, encore faut-il répondre aux problèmes qui se posent au modèle de l’agro-écologie, comme l’éloignement des abattoirs des lieux de production, qui génère des charges, ou encore les difficultés à mettre en place la promotion des produits et à sensibiliser les collectivités et les consommateurs. Trouver des lieux de vente des produits n’est pas toujours aisé sur les territoires.

Enfin, comment assurer une rentabilité et une viabilité économique à ce type d’agriculture pour y encourager nos producteurs ?

M. Julien Dive. Selon un récent sondage publié par BVA, 92 % des agriculteurs déclarent mettre en place au moins une démarche agro-écologique. Les principaux projets consistent, pour 76 % d’entre eux, à limiter l’usage des intrants. Selon un « sondage Julien Dive » effectué hier auprès d’exploitants du nord de l’Aisne, on ne fait pas suffisamment confiance aux agriculteurs, et les règles et critères établis, notamment les mesures agro-environnementales, sont très complexes à mettre en œuvre pour la redistribution des aides agro-écologiques. C’est le cas dans le département de l’Aisne où les aides des plans de compétitivité et d’adaptation des exploitations (PCAE) 2015 ne sont toujours pas versées. En réalité, les agriculteurs croient au bien-fondé de l’agro-écologie, mais ils ont le sentiment qu’on ne leur fait pas suffisamment confiance.

Comme plusieurs de mes collègues, je ne crois pas qu’il y aura un modèle unique demain. Il ne faut pas opposer le modèle actuel à celui des micro-fermes ; il y a une place pour chacun. Par contre, nos exploitations agricoles actuelles sont face à la nécessité de procéder à des restructurations multiples, la moisson estivale nous l’a rappelé.

L’objectif d’un projet agro-écologique est d’améliorer la performance économique et environnementale, et la qualité sociale des systèmes de production. Cela passe par l’optimisation des intrants, le guidage des semences, la mise en place d’une modulation intra-parcellaire pour la fertilisation, des produits et des machines innovants au service de l’agriculture. Ne pensez-vous pas que l’agro-écologie est aussi une agriculture connectée, dans laquelle la robotique prend une place de plus en plus importante ? Le troisième salon de la robonumérique, qui se tenait la semaine dernière à Saint-Quentin, présentait ainsi un atelier intitulé « L’innovation numérique au service de l’agriculture ». Au regard de tout ce que vous avez pu présenter, l’agro-écologie ne serait-elle pas, finalement, une agriculture de précision ?

M. Jean-Louis Bricout. Je remercie les intervenants qui nous font partager leurs expériences de terrain.

Nous sommes peut-être dans une phase de transition vers l’agro-écologie, vers la conception du bien-manger comme acte culturel. Dans mon territoire, les collectivités, les acteurs locaux sont mobilisés pour aller vers ces bonnes habitudes alimentaires, vers les bonnes et nouvelles pratiques agricoles. Cette motivation est certainement étroitement liée à une forme de solidarité envers le monde paysan. Ce que j’ai entendu montre que nous sommes en dehors des clivages politiques.

Je constate, dans mon territoire, que la volonté de bien manger est réelle et largement souhaitée dans la restauration collective. Elle se heurte pourtant à certains freins, parfois sociaux, parfois réglementaires. Mais une autre difficulté tient à la continuité, à la régularité du service qui n’est pas toujours au rendez-vous. Constatez-vous ce frein au développement de l’agro-écologie dans tous les territoires ? Quels outils et quelles expériences pouvez-vous nous proposer en termes d’organisation pour aboutir à une continuité de service ?

Par ailleurs, y a-t-il des enjeux dans la recherche génétique pour le développement de l’agro-écologie ?

Mme Isabelle Attard. Contrairement à plusieurs collègues, je ne suis pas sûre que nous ayons autant le choix en ce qui concerne le modèle agricole pour les prochaines décennies. Je ne suis pas persuadée non plus que nourrir le monde soit la vocation de l’agriculture française. Nous devons d’abord nous concentrer sur les territoires, voir comment ils fédèrent et nourrissent leurs habitants, et génèrent de l’activité pour stopper l’hémorragie des cessations d’activité.

Députée de la zone très rurale du Bessin, d’où est partie la révolte des producteurs de lait l’année dernière, j’ai pu constater l’extrême misère et la précarité des éleveurs qui sont totalement enfermés dans le modèle agricole actuel. Nous ne pouvons pas continuer à développer ce discours, directement issu de multinationales de produits phytosanitaires qui veulent nous voir continuer à utiliser des pesticides quitte à nous laisser croire que nous sommes les rois de l’utilisation raisonnée des intrants. C’est faux ! Notre pays consomme, au contraire, de plus en plus de pesticides, non pas en quantité mais en concentration des molécules. Pensez-vous qu’il y a, en France, de la place pour deux types d’agriculture ? À long terme, je le répète, je ne suis pas persuadée que nous ayons autant le choix que cela.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je souhaite revenir sur le rôle de l’agro-écologie dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le ministre Stéphane Le Foll a présenté, à l’occasion de la COP22 à Marrakech, l’opération « 4 pour 1000 ». La dimension environnementale en est évidente puisqu’il s’agit d’accroître le stockage du carbone organique, ce qui permettrait d’augmenter la fertilité des sols et également d’améliorer la sécurité alimentaire. Cela me conduit à demander si la rentabilité des Fermes d’Avenir en permaculture peut être atteinte dans un délai relativement court.

Quelque position qu’aient pu défendre les différents intervenants, il est incontestable que le modèle agricole actuel est confronté à des difficultés qu’il faudra expliquer avant d’en envisager la réorientation.

Monsieur Martial Saddier, les lois Grenelle, que vous avez votées, avaient fixé l’objectif intéressant de passer 20 % de la surface agricole utile (SAU) en agriculture biologique à l’horizon 2020. Nous en sommes aujourd’hui à 4 % ; l’objectif ne sera donc jamais atteint, et nous en sommes sûrement collectivement responsables. Le visage de l’agriculture aurait été tout à fait différent tant il est vrai que le développement de l’agriculture biologique permettrait de réorienter notre modèle agricole. Aujourd’hui, nous assistons à une intensification et à un agrandissement des exploitations, qui conduisent au surendettement de nombre d’agriculteurs. Partant de ce constat, il faut commencer à réorienter notre modèle agricole. Il ne s’agit pas d’opposer un type d’agriculture à un autre. Le rôle de notre commission est aussi de présenter des initiatives et de voir comment on peut réorienter le modèle agricole dans les meilleures conditions possible.

Certaines productions agricoles sont, il est vrai, dépendantes de prix mondiaux. Je crois néanmoins beaucoup à la reterritorialisation de notre modèle agricole, et les expériences qui ont été présentées ce matin me confortent dans cette idée.

M. François Léger. L’agro-écologie, c’est une re-conception scientifique, technique et très engageante de l’agronomie telle qu’elle a été pensée pendant un siècle. Je la vis comme une phase de progrès scientifique et pas seulement de retour en arrière.

Vous en demandez une définition. Celle à laquelle je me réfère date d’une quinzaine d’années et n’est pas française. L’agro-écologie a été remise sur la place publique par des chercheurs latino-américains et nord-américains dès les années soixante, notamment par Miguel Altieri. Cela dit, je ne suis pas sûr que la définition de l’agro-écologie soit le point le plus important.

Ce qui touche au triangle réglementation-taxe-incitation me paraît, en revanche, essentiel. Ce sont des débats assez compliqués. Je participe depuis douze ans aux comités successifs d’évaluation du deuxième pilier de la PAC. À chaque fois, on a constaté que plus on fait d’efforts en matière de politique, moins les résultats sont là. Si le Grenelle de l’environnement a été un moment clé dans l’histoire politique française, puisque de nouvelles dimensions ont été introduites dans la conception des politiques publiques, il faut reconnaître que l’objectif du plan Écophyto ne sera pas atteint. Il est assez probable qu’il en soit de même du plan Écophyto 2, quelles que soient les sommes consacrées. Il faut donc voir au-delà des politiques publiques.

C’est pourquoi j’aborderai des aspects plus pratiques, comme celui des agro-équipements. C’est une question clé pour l’agriculture française, que l’on parle d’agro-écologie ou non. Il existe encore en France un fort secteur artisanal des machines agricoles, mais nous ne produisons quasiment plus de tracteurs agricoles et plus du tout de moissonneuses-batteuses. L’idée de relancer le secteur de l’agroéquipement français renvoie à la question plus générale de la relance de secteurs industriels en déshérence. Il s’agit là d’enjeux politiques sur lesquels je ne suis pas compétent.

Tout à l’heure, il a été question d’agriculture de précision, de l’utilisation de drones. L’agriculture de précision consiste à collecter le maximum d’informations les plus fines possibles, aux échelles les plus fines, à les traiter et à y ajuster les actes techniques au plus près. Qui, aujourd’hui, produit les logiciels ? Qui, demain, sera propriétaire des données que recueillent aujourd’hui les agriculteurs sur leurs tracteurs, sur leurs systèmes embarqués via les satellites ? En d’autres termes, qui, demain, gouvernera l’agriculture de précision ?

M. Serge Bardy. Google !

M. Julien Dive. C’est déjà le cas !

M. François Léger. Lagriculture de précision a ceci d’inattendu que ces données deviennent l’élément clé des politiques. Or elles risquent très rapidement de ne plus appartenir ni à l’économie française ni à l’économie européenne. Le choix est d’ordre politique. Si l’on veut défendre l’agriculture de précision, le tout est de ne pas subir – mais c’est probablement trop tard.

Du reste, il n’est pas prouvé que l’agriculture de précision soit considérablement plus efficace. Beaucoup de discours s’appuient actuellement sur de prétendues données scientifiques. À cet égard, la dernière campagne américaine a donné lieu à des errements invraisemblables. Pour ma part, je plaide auprès de vous, députés, de quelque sensibilité politique que vous soyez, pour que la transparence sur les faits devienne un objectif de politique publique, car la désinformation, y compris à l’intention des agriculteurs, peut être tragique. Pour ce qui est de l’agriculture de précision, donc, sachons bien entre les mains de qui on se met.

Avec d’autres, je considère que, depuis quarante ans, nous faisons une politique agricole qui s’intéresse uniquement à l’agriculture. Il est temps de remettre les agriculteurs au cœur du jeu. Quels que soient les choix techniques que nous ferons demain – plus de haute précision technologique, plus d’intelligence écologique ou les deux, car il n’est pas prouvé que l’une et l’autre soient incompatibles –, il sera fondamental de reconsidérer les agriculteurs et les entreprises. D’aucuns revendiquent une approche libérale de l’agriculture, qui fait de l’agriculteur un entrepreneur. Or, paradoxalement, la possibilité d’entreprendre est totalement contrainte, elle ne relève plus que de la stratégie de gestion des primes. Est-il entrepreneur, celui dont la totalité du revenu provient de primes qui n’ont pas d’autre sens qu’historique – on touche les primes parce qu’on les avait et qu’on a racheté celles des voisins ? Si l’on veut développer à nouveau l’entreprenariat agricole, que ce soit sous des formes individuelles ou collectives, il convient de remettre les agriculteurs au cœur des politiques, et non plus l’agriculture.

Je suis désolé d’avoir à contredire celui d’entre vous qui plaçait la France au rang de deuxième puissance agricole mondiale. C’est désormais le Brésil qui occupe cette place, la Chine se plaçant en troisième position. Nous sommes la première puissance agricole européenne, mais cela peut changer d’une année sur l’autre. Même si l’on aime le récit héroïque national, il faut faire attention.

Quant au secteur agro-alimentaire créateur d’emplois, on ne peut plus en parler en ces termes. En tant qu’enseignant dans l’enseignement supérieur agronomique, j’ai le devoir d’être attentif à tous les signaux faibles. Ce que je vois, c’est que le secteur agricole est proportionnellement le secteur le plus destructeur d’emplois actuellement parce que les exploitations disparaissent à la vitesse grand V. La démographie est désormais l’enjeu clé de toute politique agricole si nous ne voulons pas tomber dans des agricultures éventuellement très efficaces supportées par l’investissement capitalistique et technologique, celles qui permettent de produire des tomates dans des serres hydroponiques, biologiques au sens où il n’y a pas d’intrants chimiques mais qui ne le sont pas en réalité puisque le cahier des charges de l’industrie biologique interdit l’hydroponie.

J’ai visité récemment aux Pays-Bas des serres implantées sur environ 80 hectares, énergétiquement vertueuses et ne nécessitant l’emploi d’aucun pesticide, ce en quoi on pourrait voir la résolution d’un certain nombre de problèmes. Pourtant, le responsable de ces serres regrettait d’avoir dû les installer dans ce pays pour rester proche des entreprises qui détenaient la technologie. Dans une logique de gains marginaux extrêmement faibles,
c’est-à-dire où chaque centime compte, il aurait eu tout intérêt à aller en Espagne ou au Brésil. Peut-on espérer que cette agriculture, de plus en plus industrialisée, soumise à des logiques capitalistiques dans lesquelles le rendement du capital compte plus que l’exploitation familiale patrimoniale telle que la conçoivent encore de très nombreux agriculteurs, deviendra absolument délocalisable ? Prenons l’exemple de Doux en Bretagne.

M. Serge Bardy. Pur exemple de la bêtise humaine !

M. François Léger. Produisant des poulets destinés essentiellement au Moyen-Orient et se rendant compte que ces poulets étaient nourris avec du soja provenant du Brésil où les réglementations sociales et environnementales sont beaucoup plus tranquilles que celles que nous connaissons, Doux est allé investir dans ce pays. Sans doute ne savez-vous pas que les poulets exportés sont saumurés. À raison de 0,3 gramme de sel ajouté par litre, le poids de chaque poulet est augmenté au maximum de 2 grammes ; mais sur 10 milliards de poulets, cela représente des quantités énormes. C’est sur ces 2 grammes que le groupe avait construit sa marge. Mais il est allé s’installer au Brésil, et il y a pris une claque monumentale parce qu’il a voulu fonctionner comme en Bretagne, dans une relation de confiance entre l’opérateur industriel et l’agriculteur. Or les producteurs brésiliens n’avaient aucune raison d’entrer dans une telle relation, qui s’était construite au fil de l’histoire. Doux a échoué parce qu’il l’a oublié.

La confiance est aussi au centre de la crise laitière que nous avons connue récemment, qui s’est soldée par la perte de confiance de plus en plus forte entre les producteurs et les grands groupes industriels, désormais totalement dominants sur les marchés mondiaux. Cette perte de confiance me pose plus de problèmes que de savoir s’il faut penser en termes d’agriculture raisonnée ou d’agro-écologie. Je ne crois pas qu’il y ait un avant et un après agro-écologie. Les transitions s’opéreront en fonction de l’efficacité économique, écologique et sociale des modèles, sans que nous puissions établir de hiérarchie entre ces trois dimensions.

L’agriculture, c’est d’abord des agriculteurs. Il est temps que les politiques européennes deviennent des politiques des agriculteurs – ou des entreprises, si cela vous semble plus moderne et plus juste – et non plus des politiques de l’agriculture comprise comme un secteur anonyme et réductible à une part de la balance commerciale. Sinon, en 2025, nos campagnes seront conformes au scénario construit par un panel de chercheurs, experts et professionnels au début des années 2000, avec 150 000 agriculteurs et 400 000 emplois environ, et la même balance commerciale. Est-ce vraiment le modèle que l’on veut ?

L’identité, les valeurs relèvent de choix qui ne se résument pas à une équation comptable. Il en est de même de la politique.

Mme Cécile Claveirole. L’avis du CESE est celui de la société civile. S’il a été adopté à une forte majorité, c’est qu’il correspond à des demandes fortes de la part de celle-ci. M. Yannick Favennec a lu le communiqué de presse que le groupe de l’agriculture du CESE a très élégamment émis à 12 heures 53, mercredi dernier, pendant que je présentais l’avis du CESE en conférence de presse. Qu’il me permette de rappeler que le groupe de l’agriculture du CESE est composé des représentants de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), des représentants de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) et des représentants de différents organismes agricoles qui sont tous tenus par le syndicat majoritaire. Il y a d’autres représentants des agriculteurs au CESE qui ne sont pas dans ce groupe de l’agriculture. Cet avis a effectivement été voté sans les voix du groupe de l’agriculture, qui s’est abstenu.

Pour élaborer des avis, le CESE mène un travail collaboratif, auditionne des personnes, discute. Même si c’est le rapporteur qui propose la rédaction, le texte est discuté et il y a possibilité de l’amender. Au final, cet écrit est le résultat des discussions au sein de la section agriculture et d’un vote, ce qui veut dire que les représentants de la société civile du CESE sont majoritairement d’accord avec les idées contenues dans cet avis.

Même si l’enseignement agricole a pris le virage de l’agro-écologie, il faut aller rapidement plus loin dans la formation des formateurs. Dans les lycées agricoles et dans l’éducation en général, ceux-ci n’y sont pas forcément sensibilisés. La formation des formateurs doit aider à mettre un coup d’accélérateur en direction de la transition agro-écologique.

La politique agricole européenne fait aujourd’hui le jeu de l’agrandissement. Comme l’a rappelé M. François Léger, un agriculteur touche des primes à l’hectare même s’il n’exploite pas. Dans certaines conditions, il a tout intérêt à laisser ses terres en jachère pour percevoir les primes plutôt qu’à prendre sa retraite, compte tenu de la faiblesse de celle-ci. Avec 700 euros par mois en fin de carrière, s’il n’a pas de terres devenues constructibles à vendre, il a tout intérêt à continuer à toucher les primes.

Dans cet avis, nous ne désignons pas les agriculteurs comme les grands méchants. Ce que nous pointons du doigt, c’est un système dont nous sommes tous responsables et qui constitue un engrenage dont il leur est compliqué de sortir.

Comment change-t-on de système lorsque l’on est endetté ? Au début de l’année, des articles du journal Le Monde expliquaient comment des exploitants agricoles qui avaient la tête sous l’eau s’en étaient sortis financièrement et humainement. Plutôt que de suivre leur conseiller qui les incitait à continuer à s’endetter, ils ont dit « stop ! », préférant désinvestir en quelque sorte, et changer de système pour avoir moins d’intrants. On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’exemples marginaux. L’utopie, c’est aussi ce qui nous fait avancer et, dans certains modèles, ce n’est pas que de l’utopie. Il y a des modèles économiques qui fonctionnent même s’ils ne sont pas majoritaires aujourd’hui. Mettons-les en avant, étudions-les encore plus en renforçant la corrélation qui existe déjà entre les chercheurs et les agriculteurs. Montrons que ce sont des modèles viables dans lesquels l’agriculteur s’y retrouve parce que c’est son avenir et que son travail est mieux considéré par la société. Il s’y retrouve en qualité de vie et en sérénité, parce que l’on dort mieux quand on est moins endetté. Des recherches à AgroParisTech et à l’INRA montrent que ces modèles économiques fonctionnent.

Les consommateurs et les collectivités sont des éléments de la démocratie participative. Il faut réfléchir à la manière de rendre nos concitoyens conscients de l’importance de l’agriculture et de l’alimentation. Dans l’avis du CESE, nous indiquons qu’il convient de retrouver ce lien entre alimentation, agriculture et santé, d’expliquer à nos concitoyens que ce que nous mangeons vient du travail de la terre par nos agricultrices et nos agriculteurs, car bien des habitants des villes l’ont complètement oublié.

Un mot sur les travaux de l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, et sur le rapport de 2010 d’Olivier de Schutter. La FAO a créé un comité d’expert, l’IPES-Food, qui a rendu un avis au mois de juin dernier sur l’évolution vers l’agro-écologie. Au niveau mondial, les experts de la FAO poussent vraiment vers cette transition-là.

Certains intervenants ont parlé des difficultés rencontrées par les collectivités. Je peux citer l’exemple de la ville de Lons-le-Saulnier, dans le Jura, où l’organisation des filières permet une régularité d’approvisionnement de la cantine municipale. Ces filières ont été mises en place par la volonté à la fois de l’équipe municipale et de la direction de la cantine municipale, qui ont œuvré avec les producteurs. Tout est parti de la zone de captage de Lons-le-Saulnier qui, voulant être en agriculture biologique, a créé une filière pain, puis une filière viande, ensuite une filière légumes. Dans mon métier de consultante, j’ai réalisé des études et j’ai pu constater que le frein principal est souvent la volonté politique. Alors que des acteurs veulent s’engager sur le territoire, il n’y a pas, contrairement à ce qui s’est passé à
Lons-le-Saulnier, la volonté politique pour donner le coup d’accélérateur.

M. François Léger. Je me permets d’intervenir à nouveau pour répondre à la question de M. Lebreton sur la canne à sucre. Le problème, c’est que la société s’est construite historiquement sur cette culture. Or, on pourra faire tout ce que l’on voudra, la canne à sucre réunionnaise ne sera jamais compétitive dans un marché parfaitement libéralisé, face à la canne à sucre brésilienne, par exemple.

Typiquement, la situation est de celles où la sortie par le haut s’impose. Certes, cela ne sauvera pas toute la canne à sucre réunionnaise, mais il est clair que c’est au niveau de la transformation qu’il faut agir, en cherchant des niches. Curieusement, dans le monde agricole, parler de niche c’est comme dire un gros mot, alors que dans les produits high tech trouver sa niche est la marque d’une intelligence entrepreneuriale. Il n’y aura pas d’avenir pour les agricultures îliennes, celle de La Réunion comme celles des Antilles, sans politique visant à favoriser réellement les produits très haut de gamme – sucres et sous-produits bio, rhum très haut de gamme et autres. Pour que des bateaux viennent chercher des produits sur une petite île perdue au milieu de l’Océan indien, il faut que ces produits en vaillent la peine. La transition est un choix compliqué et exigeant, mais la raison économique dit qu’il n’y a pas d’autre choix que celui-là.

M. Patrick Lebreton. Merci pour votre franchise.

Mme Hélène Le Teno. Aux Fermes d’Avenir, nous sommes convaincus que tous les acteurs ont aujourd’hui leur place dans une agriculture française historiquement plurielle et multiple. Certaines graines d’innovation et de changement qui paraissent petites peuvent se multiplier et passer de 200 à 2 000, voire à 20 000 d’ici à dix, quinze ou vingt ans. En tout cas, c’est notre espérance et nous travaillons au quotidien pour accélérer le cheminement de transition vers des modèles agro-écologiques triplement bénéfiques.

Nous utilisons trois leviers : le financement, pour solidifier le modèle économique, l’accélération des compétences pour les maraîchers, les formateurs de formateurs et les « paysculteurs », et la maîtrise foncière.

Pour pallier les difficultés d’éloignement et de déconnexion entre les zones de production et les zones de consommation, la restauration des ceintures maraîchères des grandes métropoles nous paraît fondamentale en ce qu’elle offre un potentiel de création d’emplois et un approvisionnement de la ville de manière résiliente.

M. Bertrand Pancher. À combien de kilomètres des villes ces ceintures maraîchères se situeraient-elles ?

Mme Hélène Le Teno. Tout dépend de la taille de la ville. Aujourd’hui, Paris a un rayon d’approvisionnement qui dépasse très largement les 400 kilomètres pour l’ensemble de sa production agricole, ce qui est beaucoup trop. Aussi, les produits ne sont-ils pas forcément frais et ne correspondent-ils pas toujours à la demande locale. Les ceintures maraîchères ont disparu à grande vitesse au cours des dernières décennies. On peut en ressusciter une partie et en tirer des bénéfices économiques et sociétaux importants. Les micro-fermes de Fermes d’Avenir sont des modèles de maraîchage de petite surface qui peuvent précisément être implantés dans les ceintures péri-urbaines. Sur une surface de 2 hectares, on peut déjà produire beaucoup en maraîchage.

Une agriculture performante permet de faire mieux avec moins, parfois dans des contextes de grande pression foncière, et est résiliente face au changement climatique ou aux contraintes financières. L’agriculture moderne telle qu’on a souhaité la décrire ce matin n’est pas forcément tournée vers la compétitivité et l’export au premier chef, c’est une agriculture viable, performante et résiliente dans un contexte changeant. Cela suppose un changement de processeur mental, que chacun accomplit à son propre rythme, mais aussi un renouvellement de génération. Avec 40 % des agriculteurs qui partiront à la retraite d’ici à 2020, la question n’est pas seulement de mettre des pansements sur une jambe de bois pour les agriculteurs en difficulté ; il s’agit de savoir qui reprendra les exploitations demain, et avec quel type de production. L’enjeu de renouvellement des générations et des pratiques est donc colossal.

Pour notre part, nous pensons aux jeunes qui vont s’installer demain en agriculture pour en faire un projet de vie, plutôt qu’aux querelles du passé. J’invite tous ceux qui le souhaitent à venir voir sur le terrain comment, dans notre réseau de 200 fermes, de jeunes maraîchers dynamiques travaillent beaucoup pour faire vivre ces nouveaux modèles.

M. Dominique Olivier. Pour répondre à Mme Martine Lignières-Cassou, nous nous sommes battus pendant dix ans pour ramener les vaches de l’abattoir de Brive à celui de Saint-Céré, c’est-à-dire pour abandonner un circuit long au profit d’un abattoir local qui fait vivre directement ou indirectement cinquante personnes et traite 100 tonnes de viande.

Pour ce qui est de la transformation, toujours dans un esprit de coopération, nous sommes en train de créer une conserverie collective. Il s’agit de mutualiser les investissements pour éviter que les agriculteurs ne se remettent à en faire chacun de son côté. Il n’a pas été démontré, en effet, que transformer leur production à la ferme ou l’écouler en circuit de proximité – je préfère cette notion à celle de « circuit court » qui peut s’avérer dangereuse – leur permet de gagner plus d’argent.

S’agissant de la temporalité, des crises aussi effroyables qu’en ont connues les producteurs de porcs puis les producteurs de lait doivent trouver des solutions sur le temps court. Les mutations, elles, se font nécessairement sur le temps long ; c’est le temps de l’appropriation. Déjà qu’ils souffrent, les agriculteurs souffrent plus encore d’être montrés du doigt par leurs concitoyens, les gens de la ville, alors que c’est de la cohésion et de la complémentarité sur le territoire que viendront les solutions. Il ne s’agit pas de choisir entre circuit long ou circuit court ; on est à la fois dans le circuit long et dans le circuit court. Un agriculteur en circuit court est content que la laiterie prenne son lait restant en circuit long ou que l’abattoir du circuit long lui permette d’abattre une bête en circuit court. Plutôt que d’opposer les systèmes, il faut en trouver la synergie, la symbiose.

L’agriculture est un segment à part de l’économie, car ce que produit l’agriculteur, on le mange et cela rentre dans le corps. Et cela change tout. Veut-on une agriculture robotisée, techniquement développée ? Il y a dix-huit mois, des agriculteurs de Château-Thierry, membres de la FNSEA, m’ont dit avoir peur de se faire attaquer par les voisins quand ils sortaient avec leurs pompes à sulfater. Cette semaine, 300 personnes manifestaient pour le bien-être animal devant l’abattoir de Limoges. Ce sont là des mouvements de société qui vont déborder le politique. Veut-on une agriculture capitalistique et compétitive, de celle qui a conduit un fonds chinois à acheter, au début de l’année, 2 500 hectares dans l’Indre ? Si c’est cela, on va droit dans le mur. L’agriculture peut être capitalistique et économiquement performante, mais pas seulement.

Dans le Jura, grâce à la filière du Comté, le paysage est magnifique et entretenu, l’agro-écologie se pratique de fait. M. Valadier, le père fondateur de la fromagerie de l’Aubrac, dit que c’est en défendant l’aligot que le territoire a gagné en valeur ajoutée et que les agriculteurs sont quasiment tous passés en bio alors que ce n’était pas du tout l’objectif de départ. Et aujourd’hui, le paysage est entretenu. Et le marais de Guérande, il y a trente ans, tout le monde le disait fichu. Les gens du coin ne voulaient pas s’installer dans ce gros bloc de sel gris. Aujourd’hui, 300 agriculteurs y vivent autour d’un produit et d’un territoire, et tout le marais de Guérande est en bio. C’est par le produit, par le lien au territoire que l’on trace un chemin. Avec une agriculture uniquement capitalistique, attention aux paysages et à une agriculture sans personne ! C’est la vie que nous voulons défendre sur nos territoires, la biodiversité à laquelle appartiennent aussi les femmes et les hommes. L’innovation est certes technique, mais elle est aussi organisationnelle et sociale.

Enfin, je veux insister sur la transmission des exploitations. Actuellement, 50 % des agriculteurs chez nous ont plus de cinquante-cinq ans. Si demain, nous n’avons que des fermes de 350 hectares avec 150 vaches, exploitées en ranching, il est clair qu’il n’y aura pas de paysages, pas d’agro-écologie. Ce sont les hommes qui le font.

Je terminerai en relayant le message d’un de mes collègues qui veut vous dire que les impératifs de réchauffement climatique et de transition énergétique sont de formidables leviers pour que les gens se tournent vers l’agro-écologie. Mais, si les énergies renouvelables représentent un fort potentiel de développement et une réelle opportunité de création de valeur ajoutée et d’emploi pour nos territoires ruraux, on constate cependant une forte proportion de projets portés par des structures exogènes, adossées à des institutions financières. Un marché des projets lauréatisés se met en place, animé par quelques structures spécialisées sur la France, excluant les acteurs locaux. Les mécanismes de soutien doivent contrebalancer l’unique recherche de sécurisation du capital et la priorité doit être donnée au développement de projets portés par des acteurs locaux.

Si les projets de méthanisation agricole représentent une réelle complémentarité avec l’élevage, ils sont, en revanche, très difficiles à concrétiser en comparaison des projets de traitement des biodéchets autour des villes. Le dispositif actuel prévoit une prime d’incorporation pour les effluents d’élevage. Il est nécessaire d’avoir une visibilité à long terme, sur des contrats de vingt ans, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Aussi, les projets ne démarrent-ils pas. Je vous demande donc, mesdames, messieurs les députés, d’essayer de nous aider en la matière.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie pour la richesse de vos interventions au cours de cette table ronde particulièrement utile. Nous, responsables politiques, nous nourrissons de tels échanges qui ont nécessairement une durée. Il aurait été bien, et je le dis sans agressivité, que ceux qui sont intervenus tôt ce matin puissent écouter vos réponses. Je remercie donc également les parlementaires qui sont encore parmi nous.

Certaines interventions, ce matin, étaient très marquées. Vos réponses ont permis de rééquilibrer la vision que l’on peut avoir de l’agriculture demain. Vous avez mis en évidence les différentes dimensions et abordé le point central du renouvellement des générations. Avec trois départs à la retraite pour une seule installation, nous avons là un vrai sujet qui n’est pourtant pris en compte par aucun responsable politique. C’est la réponse que l’on sera capable d’apporter au renouvellement des générations qui redéfinira et réorientera le modèle agricole.

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Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Réunion du mercredi 30 novembre 2016 à 9 h 30

Présents. - M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Guy Bailliart, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Sylvain Berrios, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, Mme Marine Brenier, M. Jean-Louis Bricout, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. Julien Dive, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, M. Alain Leboeuf, M. Patrick Lebreton, Mme Viviane Le Dissez, M. Michel Lesage, Mme Marie Le Vern, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Franck Marlin, M. Gérard Menuel, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, Mme Barbara Romagnan, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Pascal Thévenot, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - Mme Chantal Berthelot, Mme Sabine Buis, Mme Pascale Got, M. Christian Jacob, Mme Valérie Lacroute, M. Philippe Martin, M. Napole Polutélé, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - Mme Isabelle Attard, M. Michel Ménard