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Commission des affaires économiques

Mardi 9 octobre 2012

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 5

Présidence de M. François Brottes Président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur la protection des mentions et des marques, avec la participation de M. Christian Paly, président du Comité national des appellations d’origine relatives aux vins et eaux-de-vie de l’Inao, M. Vincent Alazard, maire de Laguiole, M. Gilbert Szajner, fondateur de Licences Laguiole S.A.S et M. Michel Bras chef d’un restaurant gastronomique

La Commission des affaires économiques a tenu une table ronde sur la protection des mentions et des marques, avec la participation de M. Christian Paly, président du Comité national des appellations d’origine relatives aux vins et eaux-de-vie de l’Inao, M. Vincent Alazard, maire de Laguiole, M. Gilbert Szajner, fondateur de Licences Laguiole S.A.S et M. Michel Bras chef d’un restaurant gastronomique.

M. le président François Brottes. Je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation. Nous avions également convié un représentant de l’ambassade des États-Unis, mais il semble qu’à Washington, sa participation n’ait pas été jugée opportune. Compte tenu des enjeux du prochain comité de gestion de l’organisation commune des marchés agricoles de l’Union européenne, nous aurions pourtant été très intéressés de connaître son sentiment.

J’ai souhaité traiter au cours de cette audition de deux sujets qui sont sans rapport apparent. En effet, notre Commission suit depuis longtemps le dossier des indications géographiques protégées (IGP) et des appellations d’origine, qui sont à la fois des garanties pour le consommateur et un moyen de différencier les productions françaises des autres dans le monde entier, puisqu’elles obéissent à de strictes exigences. J’en sais quelque chose, ayant moi-même été l’initiateur des appellations d’origine contrôlée (AOC) en matière de forêts. À ces appellations s’adjoignent d’autres éléments qui garantissent le mode de production et l’origine. Certains termes s’appliquant principalement à la désignation de l’exploitation viticole, tels qu’abbaye, bastide, campagne, cru, domaine, manoir ou château, sont ainsi réservés aux vins bénéficiant d’une appellation d’origine protégée (AOP) ou d’une IGP. Le vin doit être produit exclusivement à partir de raisins récoltés dans des vignobles de l’exploitation, la vinification entièrement réalisée par cette exploitation, et l’usage du terme doit être réglementé par l’État membre ou le pays tiers concerné. Bref, une appellation se mérite. Il est donc logique que ceux qui la portent de génération en génération, avec talent et conviction, se sentent spoliés de leur savoir-faire par la volonté de quelques-uns d’utiliser la notoriété ainsi acquise à des fins de marketing. J’ajoute que plus on développe largement une marque, plus « l’effet marketing » s’estompe.

Nous traiterons aussi de la protection des marques, chère à notre collègue André Chassaigne. S’il n’a pas l’exclusivité de la passion pour le Laguiole, il a souvent rappelé qu’il ne fallait pas faire n’importe quoi avec ce nom de marque qui a pris une dimension plus universelle qu’on ne l’aurait souhaité. Je remercie les différents protagonistes d’avoir accepté de participer ensemble à cette réunion bien qu’ils soient en désaccord - c’est parfois de la confrontation que naît la lumière !

Ces sujets sont loin d’être anecdotiques. Nous nous sommes bornés à deux exemples, mais nous aurions pu en prendre bien d’autres. Notre pays a beaucoup investi dans les appellations. Le législateur entend donc faire en sorte que l’on ne puisse les dévoyer. Il suffit en effet parfois d’une vulgarisation inappropriée pour réduire à néant des décennies de travail sur la qualité.

M. Christian Paly, président du Comité national des appellations d’origine relatives aux vins et eaux-de-vie de l’INAO. Je vous remercie d’avoir invité l’INAO à participer à votre réflexion sur la protection des appellations d’origine, des indications géographiques et des signes de qualité, et sur son corollaire qu’est la politique des marques, collectives ou individuelles.

Le rôle de l’INAO consiste à reconnaître et à gérer les indications géographiques et les signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO), mais aussi à les protéger. Ces missions sont exercées en partenariat avec le Gouvernement, plus particulièrement le ministère de l’agriculture. Dans ce cadre, nous travaillons sur les notions d’usurpation et de détournement de notoriété, et nous luttons contre la banalisation des indications géographiques.

J’en viens aux mots de la viticulture française – château, bien sûr, mais aussi d’autres termes historiques tels que clos, abbaye, domaine… Je regrette l’absence d’un représentant de l’ambassade des Etats-Unis, devant lequel j’aurais pu une nouvelle fois défendre nos positions et redire notre incompréhension de la démarche engagée par son pays auprès de l’Union européenne pour pouvoir utiliser certaines de nos mentions traditionnelles, dont le clos et le château.

Je rappelle que la mention « château » n’est pas une indication géographique mais une mention traditionnelle. Or les mentions traditionnelles avaient fait l’objet d’une large négociation entre l’Union européenne et les États-Unis, qui s’était traduite dans l’accord sur le commerce viticole signé en 2005. Nous étions tombés d’accord, à l’époque, sur l’utilisation par les Américains de certaines mentions traditionnelles, en contrepartie d’une meilleure protection des indications géographiques, particulièrement pour les qualifications génériques et semi-génériques aux États-Unis – je pense aux appellations américaines « champagne », « chablis » ou « burgundy ». L’expérience a hélas montré ses limites : nous avons respecté l’accord, mais nous n’avons constaté aucune avancée pour les semi-génériques aux États-Unis… Exit donc l’accord bilatéral et, pour ce qui concerne le terme « château », nous sommes revenus dans le cadre des procédures d’enregistrement des mentions traditionnelles établies par les textes communautaires.

Les mots « château » et « clos » sont intimement liés à l’histoire du vignoble d’appellation français. Ce sont des termes traditionnels quasiment synonymes de noms d’appellations – bordeaux pour celui de château, bourgogne pour celui de clos. « Château » et « clos » correspondent à des définitions très précises et restrictives, codifiées par l’article 57 du règlement communautaire n°607/2009 du 14 juillet 2009 et par le décret du 4 mai 2012 sur l’étiquetage pris pour son application. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le président, les termes de « château » et de « clos » correspondent à des conditions précises d’exploitation.

La demande des États-Unis pose un double problème. D’une part, ils souhaitent utiliser les termes traditionnels de la viticulture française en français : « château » et non « castle ». D’autre part, le « château » ne correspond à rien en matière réglementaire aux États-Unis : on est dans le champ de la simple marque commerciale, sans lien aucun avec l’exploitation et sans contrainte quant à l’origine des raisins. En cas d’exportation sur le territoire communautaire de vins américains arborant la mention « château » ou « clos », le consommateur n’aurait donc aucune garantie d’origine.

Plusieurs conséquences sont à redouter si l’Union européenne faisait droit à cette demande : un détournement de notoriété, avec un risque réel de banalisation de nos mentions viticoles traditionnelles, et une distorsion de concurrence entre des vignerons français qui respectent un cahier des charges précis et leurs concurrents américains. Il va sans dire qu’il y aurait tromperie du consommateur, puisque celui-ci n’aurait pas les moyens de faire la différence entre un vin français et un vin américain étiqueté « château ». Enfin, et j’y insiste, nous créerions là un précédent qui affaiblirait la position de l’Union européenne, de la France et de l’INAO dans les débats en cours sur la protection internationale de nos indications géographiques et de nos mentions valorisantes. Si nous réussissons à assurer cette protection dans le cadre d’accords bilatéraux ou multilatéraux, c’est parce que nous avons été assez forts pour défendre nos positions dans les négociations. Nous éprouvons déjà les plus grandes difficultés à défendre nos indications géographiques : sur les marchés asiatiques, notamment chinois, nous sommes quotidiennement confrontés à des usurpations de nos indications géographiques. Ne nous affaiblissons pas davantage !

Le dossier de Laguiole ne concerne qu’indirectement l’INAO. Dès 2005, nous avions été saisis d’un dépôt de marque en Australie. Comme il existe une AOC fromagère Laguiole, nous étions en situation de défendre cette indication géographique, et nous étions parvenus, avec M. Szajner, à trouver un accord à l’amiable pour faire retirer le nom « Laguiole » du dépôt de marque sur toutes les classes liées aux produits laitiers et fromages. Par la suite, nous avons eu à connaître d’une demande de dépôt de marque semi-figurative auprès de l’office communautaire des marques, l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI), et notre position est restée la même qu’en 2005. Un élément nouveau est intervenu avec le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 13 septembre dernier - dont je prends acte es qualités -, qui a confirmé le caractère générique du mot Laguiole appliqué au couteau. Heureusement, l’AOC fromagère n’est pas en cause.

Plusieurs pistes de réflexion sont dès lors ouvertes. La première est celle de la marque collective, qui doit être portée par les promoteurs du projet dans un cadre concerté, et correspondre à un cahier des charges précis. Il existe également un arsenal juridique relatif à l’appellation d’origine pour des produits autres qu’agroalimentaires ; je vous renvoie à ce sujet aux articles L.115-2 et L.115-8 du code de la consommation. Ils sont très peu utilisés, mais j’ai un exemple à l’esprit : celui du monoï de Tahiti. Enfin, le futur projet de loi sur la consommation instituerait, dit-on, des indications géographiques industrielles. Je n’ai pas à me prononcer à ce sujet sinon pour appeler votre attention sur le fait qu’en ce cas, il faudra déterminer la gouvernance du dispositif – ministère de l’industrie, ministère de l’agriculture ou INAO. À ma connaissance, cette question n’a pas encore été traitée. D’autre part, si une telle orientation devait être prise pour Laguiole, il serait indispensable d’avoir des porteurs de dossier, une vision collective et un cahier des charges précis. L’INAO épaulerait bien sûr les promoteurs de la démarche, mais ceux-ci doivent être conscients que l’on n’obtient pas l’AOC ou l’indication géographique par enchantement : c’est un travail de longue haleine.

M. le président François Brottes. Je donne maintenant la parole à M. Michel Bras, l’un de nos chefs les plus réputés, que je remercie d’avoir quitté ses fourneaux pour répondre à notre invitation. Installé à Laguiole, monsieur Bras, vous êtes l’un de ceux qui valorisent le mieux les produits et les productions des terroirs. Nous entendrons donc avec intérêt votre point de vue d’utilisateur et de « transmetteur ».

M. Michel Bras, chef d’un restaurant gastronomique. Je suis ému, mais fier d’être là pour mon village. C’est une histoire de cœur. Je suis là pour moi, mais surtout pour mon village et pour les Laguiolais. Dans les années 1950, nous étions encore au Moyen- Âge à Laguiole : si tu voulais réussir, tu devais passer la rivière La Truyère et monter à la capitale ; si tu restais au pays, c’est que tu n’étais pas trop courageux. Le pays s’est donc vidé de sa substance. Dans les années 1960, le CNRS a conduit une étude pour dresser un inventaire du patrimoine, s’intéressant en même temps à l’Aubrac et au Tibet ; autant dire que nous étions appelés à disparaître. Cet inventaire représentait tout de même six volumes. C’est alors que les teigneux qui étaient restés au village se sont pris en main : j’ai participé, avec Vincent Alazard, à la création d’un réseau associatif qui nous a donné l’envie d’exister dans notre pays. Nous étions partout, chez les pompiers, au comité des fêtes, à la paroisse, dans les écoles… De là est née une énergie qui a porté notre village. Il y a eu la coopérative Jeune montagne, dans les années 1960 ; l’obtention de l’AOC en 1961 ; la création d’une station de ski ; grâce à la sélection génétique, le bœuf fermier a obtenu le label rouge… Tout cela est le fruit du travail des Laguiolais. Vers 1978, un modeste cuisinier a commencé à percer. Ma revue de presse en fait foi, j’étais une sorte de vilain petit canard dans le paysage gastronomique de l’époque. En 1986, mon nom a été cité dans le guide Gault et Millau et en 1988, j’ai été élu cuisinier de l’année. Il y avait déjà le fromage à Laguiole ; la fabrication des couteaux date du milieu des années 1980 mais, avant cela, un cuisinier avait porté le village. Aujourd’hui, je me sens blessé. Ce village sans nom m’attriste. Je vois bien que ce nom est jalousé, mais s’il resplendit, c’est grâce aux Laguiolais, dont l’énergie dans l’agroalimentaire, l’industrie ou la restauration le font vivre. J’ai commencé en 1991 à publier des livres avec mon fils. Ils ont été édités à plus de 100 000 exemplaires et traduits en japonais, en anglais, en espagnol et en allemand. Cela a participé au rayonnement de Laguiole, et c’est pour cela qu’aujourd’hui, je me sens bafoué, victime d’une usurpation, car si je veux développer une gamme d’assiettes, une batterie de cuisine, des verres, je ne pourrai pas employer le nom de mon village. Cela m’atteint en plein cœur. Voilà ce que je voulais vous dire, avec mes tripes. Et pour finir, savez-vous que l’indice de notoriété spontanée de Laguiole atteint 47% ? Pour un village de 1 000 habitants, c’est beau !

M. Vincent Alazard, maire de Laguiole. Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir invités aujourd’hui. Maire de Laguiole depuis 2001, je vais m’efforcer de vous expliquer le mieux possible ce qui nous arrive.

Michel Bras a retracé devant vous l’évolution de notre village, la montée de sa notoriété et l’investissement de ses habitants. Laguiole est situé dans l’Aubrac, au sud du Massif central, une région où les gens ont un savoir-vivre particulier et savent défendre leur pays. Beaucoup des nôtres se sont pris en main, dans la restauration, comme nous venons de le voir, mais aussi dans l’agriculture, l’élevage - avec la sélection de la race bovine Aubrac -, ou l’agroalimentaire avec la coopérative Jeune montagne. Nous produisons du fromage mais aussi le fameux aligot, dont la protection est elle aussi difficile. La notoriété du village de Laguiole est donc un tout.

J’en viens aux raisons qui expliquent notre présence aujourd’hui. À partir de 1993, la société de M. Szajner a eu la bonne idée de déposer le nom « Laguiole » sur certaines classes de produits. Pour notre part, nous n’avions pas raisonné en termes juridiques – nous pensions surtout à travailler. Nous avons donc vu arriver sur notre territoire des produits extérieurs à notre village – briquets, stylos, et bientôt couteaux – fabriqués en Asie, qui portaient notre nom. Mon prédécesseur a intenté un premier procès en 1997, et la collectivité a eu gain de cause : le tribunal a prononcé la nullité des marques et a estimé qu’il y avait publicité mensongère, puisque le nom de Laguiole et l’image de l’Aubrac étaient utilisés pour vendre des produits fabriqués en Chine. Malheureusement, le procès en appel, qui s’est tenu en 1999, n’a que partiellement confirmé le jugement de première instance : seule la publicité mensongère a été reconnue. Après les élections municipales de 2001, nous avons souhaité créer un nouveau logo illustrant le dynamisme de nos entreprises. Laguiole est un village touristique ; il était important pour nous de développer notre image. Mais lorsque nous avons déposé ce logo à l’Institut national de la propriété industrielle, surprise : M. Szajner s’est opposé à son dépôt en tant que marque. Pourquoi n’aurions-nous pas le droit de renforcer notre communication par un simple logo, qui n’emportait pas de questions d’argent ? Nous avons fait une démarche auprès de l’OHMI tendant à faire annuler le refus qui nous a été opposé.

Cette affaire nous a conduits à nous intéresser de plus près à la problématique du nom de notre commune. Nous avons alors découvert que la marque Laguiole avait été déposée pour 38 des 45 classes de produits et services existantes, et plusieurs entreprises, dont celle de Michel Bras et la Forge de Laguiole, ont indiqué avoir été empêchées de porter le nom Laguiole sur des produits fabriqués à Laguiole qu’elles souhaitaient commercialiser. Cela nous a incités à réagir : estimant que l’on portait atteinte à notre nom, notre image et notre renommée, nous avons saisi le tribunal de grande instance de Paris. Les plaidoiries ont été présentées le 25 mai, et le tribunal a rendu le 13 septembre un jugement dont la teneur nous a surpris. Nous savions que nous n’avions guère de chances de l’emporter s’agissant de la nullité des marques, mais nous ne comprenons pas que le tribunal ne retienne pas au moins la publicité mensongère, dite maintenant pratique commerciale trompeuse. Aussi le conseil municipal a-t-il souhaité réagir collectivement, en collaboration avec les chefs d’entreprise, par des actions médiatiques et en adressant une lettre au président de la République et au ministère concerné, afin d’alerter l’opinion publique.

Dans ses conclusions, le tribunal de grande instance de Paris a estimé que « la commune de Laguiole ne peut pas penser que la référence à la tradition, à des matériaux de qualité, pour des produits de marque Laguiole, amène immédiatement le consommateur à elle, au savoir-faire de ses administrés et aux matériaux locaux. Elle n’a pas le monopole de l’artisanat traditionnel et de l’utilisation de matériaux de qualité, ses administrés, qui ont évidemment un savoir-faire reconnu, ne sont pas les seuls à le détenir. ». Ce délibéré ne dit rien de l’histoire du village, alors que le couteau laguiole est né à Laguiole ! La commune est victime : le fait même qu’un produit emblématique portant son nom soit devenu générique ne lui donne pas l’autorisation de se défendre. Et, comme l’a dit Michel Bras, même si la justice considère que notre notoriété est faible, nous nous réjouissons que, selon le sondage réalisé par TNS, le taux de notoriété spontané de Laguiole soit de 47%.

L’enjeu pour notre village est de vous alerter sur une situation de fait : la prise de pouvoir d’une marque sur la commune de Laguiole, ses administrés et ses chefs d’entreprise. Nous souhaitons développer l’activité et les emplois sur ce territoire fragile et nous ne pouvons pas le faire. Nous nous tournons donc vers vous pour trouver des solutions.

M. le président François Brottes. Je rappelle que, sous la précédente législature, lors de la discussion en première lecture du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, défendu par M. Frédéric Lefebvre, l’amendement 233 ouvrant un droit d’opposition aux collectivités territoriales devant l’INPI si une marque porte atteinte au nom, à l’atteinte ou à la renommée de la commune a été adopté à la quasi-unanimité. Nous avions alors évoqué les cas de Vichy et de Marseille, pas encore celui de Condom, cher Philippe Martin…

Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation, monsieur Szajner. Dans cette affaire, vous avez le rôle du vilain petit canard. Nous entendrons donc avec intérêt votre point de vue.

M. Gilbert Szajner, fondateur de Licences Laguiole SAS. J'ai passé quinze ans dans les groupes Lafarge et Pechiney, dont quatre à diriger une filiale spécialisée dans les produits à base de céramique de haute technologie – têtes de missiles, buses pour l’agriculture, prothèses de hanche… Dans les années 1980, j’ai proposé à mon groupe une diversification vers les couteaux et les montres en céramique. À l’époque, c'est un marché de niche, qui ne présentait pas d'intérêt pour le groupe. Je l’ai donc quitté pour créer ma propre société, dont l'objet sera précisément la distribution de couteaux et de stylos en céramique ainsi que de prothèses de hanche. Je cherche alors à créer ma marque. En redécouvrant la grâce des formes des couteaux laguiole, l’idée me vient de l'adapter à des stylos à bille en céramique, aujourd’hui appelés rollers, que je décide de dénommer Laguiole.

Le couteau Laguiole, dont la ligne est largement inspirée de la navaja espagnole et du capuchadou, a pris son plein essor le jour où Thiers et ses environs se sont lancés dans sa fabrication à grande échelle.

M. André Chassaigne. Je vous remercie de le reconnaître.

M. Gilbert Szajner. Je dirais même que Thiers a inventé deux produits : le sommelier et les couverts.

Je dépose donc en 1993 la marque Laguiole, que je développe pour des stylos et d'autres produits. Je lance également des fabrications de couteaux à Thiers. Préalablement au dépôt de la marque, je procède à des recherches d'antériorité auprès de l'INPI. Je découvre alors qu'il existe plus de 110 marques de couteaux, dont bien peu de déposants sont situés dans le ressort de la commune de Laguiole ; il n'existe en revanche aucune marque déposée dans d'autres classes de produits que la classe 8.

Ma démarche n'a jamais été inspirée par la volonté de prendre le nom d'un village français, mais, plus prosaïquement, par celle d'évoquer le nom d'un couteau dépourvu de toute notoriété en 1993 et dont on verra plus tard qu’il est considéré comme générique.

En 1994, la commune de Laguiole engage une action à l'encontre de ma société. En 1999, la Cour d'appel de Paris juge que « le terme "laguiole" est devenu usuel et générique pour désigner un certain type de couteaux et qu’il ne fait pas nécessairement référence à la commune de Laguiole et aux communes avoisinantes ». Selon elle, il est démontré que d'autres régions, notamment celle de Thiers, fabriquent depuis de nombreuses décennies le même type de couteau.

Par la création et un sévère contrôle de qualité, la marque Laguiole prospère tant en France qu'à l'étranger. Nous avons créé plus de 130 emplois en France, en faisant fabriquer des lunettes à Morez, des pantoufles dans le Berry, des parfums à Grasse, des couteaux à Thiers et des pipes à Saint-Claude. Notre cabinet-conseil en propriété industrielle fait systématiquement opposition aux dépôts effectués dans les classes couvertes par notre marque. Nous avons fait plus de cinquante oppositions à ce jour, et j’ai engagé à mes frais plus d’une douzaine d’actions judiciaires. Nous n’avons jamais entendu empêcher la commercialisation de couteaux sous le nom de laguiole, qui est, je le rappelle, un terme générique.

En 2010, la commune assigne de nouveau notre société ainsi que nos licenciés. Dans son jugement, le tribunal rappelle à nouveau le caractère générique du mot « laguiole » pour désigner une forme de couteau, et confirme mes droits sur les marques déposées depuis 1993. Il considère à son tour que le dépôt de ces marques a été réalisé de bonne foi, et que compte tenu de son absence de notoriété en 1993, je n’avais à aucun moment cherché à profiter du nom du village de Laguiole.

Je rappelle par ailleurs que, aux termes de l’article L.711-1 du code de la propriété intellectuelle, la marque est un signe servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale, et que peuvent notamment constituer un tel signe les noms géographiques. Le dépôt de cette marque se situe donc dans la droite ligne d'une jurisprudence constante. Il existe bien d'autres marques constituées de noms géographiques forts connus évoquant des paradis terrestres, des villages typiques ou des contrées du bout du monde, et de grandes entreprises françaises ne se privent pas de déposer des noms de lieux géographiques français ou étrangers. J’ai ainsi identifié plus d'une centaine de marques constituées du nom du Mont-Saint-Michel.

Du reste, cette décision de justice ne prive ni les couteliers du droit de fabriquer des couteaux sous le nom de laguiole, ni la commune de Laguiole du droit d'utiliser son nom dans la vie publique. C'est par une désinformation constante, une méconnaissance du jugement et une mise en scène orchestrée par le maire qu'il a été laissé entendre que le village de Laguiole était privé de son nom, et les couteliers du droit d’exploiter leurs couteaux.

Enfin, j'ai pris connaissance de la déclaration de Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme annonçant qu'elle allait demander à Bruxelles de placer Laguiole en IGP. Le règlement communautaire sur les IGP exclut pourtant expressément, en son article 3, la possibilité pour les dénominations géographiques devenues génériques d’être enregistrées comme IGP. Or la Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 3 novembre 1999, puis le tribunal de grande instance de Paris, dans son jugement du 13 septembre 2012, ont jugé que le mot « laguiole » est un terme générique, c'est-à-dire un nom commun désignant un couteau présentant des caractéristiques particulières. Les décisions de justice s'imposent à tous : aussi bien à la commune de Laguiole, partie aux procès, qu’au pouvoir politique, conformément au principe de la séparation des pouvoirs.

M. le président François Brottes. La justice est certes indépendante, mais le législateur peut modifier la loi.

M. Germinal Peiro. Le groupe SRC considère que ce sujet nous concerne tous, à des degrés divers. La viticulture française n’est pas comparable à la viticulture américaine ou australienne : c’est une viticulture de terroir, qui s’est développée autour de terroirs, et c’est ce qui fait sa diversité et sa richesse. C’est d’ailleurs pourquoi l’Union européenne avait défini une politique de droits de plantation : il s’agissait bien de protéger les terroirs en associant politique des AOC – et désormais AOP – et réglementation de la culture de la vigne. Nous devons maintenant livrer un combat à l’échelle de l’Union européenne, puisque celle-ci a décidé en 2008 - avec l’aval de la France - de supprimer les droits de plantation, ce qui ne pouvait qu’avoir des conséquences fatales sur la protection de nos AOC et de nos AOP. De même, nous avons raison de soutenir les marques que constituent « château » et « clos », qui définissent une spécificité.

J’en viens à l’affaire de Laguiole. On peut comprendre l’émoi suscité par le cas de ce village qui s’est fait « piquer » son nom - car on aura beau nous répéter que Laguiole était inconnu en 1993, c’est bien une sorte d’usurpation qui est à l’œuvre.

J’ai découvert, en devenant secrétaire national en charge de l’agriculture de mon parti, que le fameux jambon d’Aoste n’est pas produit dans la vallée d’Aoste, en Italie, mais en région Rhône-Alpes ! Convenez qu’il y a manipulation et tricherie quand la publicité nous le présente sur fond de musique italienne, et que l’on peut parler de publicité mensongère !

Passe encore que l’on se serve du nom d’un village pour vendre des couteaux, en admettant que le terme soit devenu générique en quelques années, alors même que l’industrie du couteau a été créée assez récemment à Laguiole. Mais capter ce nom pour vendre de la lingerie, des casseroles, des pantoufles ou des stylos est une véritable usurpation. Le législateur devra donc se pencher sur cette question.

M. Alain Marc. Au nom du groupe UMP, je me réjouis de ces invitations à deux Aveyronnais que je connais bien, et dont l’un qui siège à mes côtés au conseil général. M. Michel Bras s’est exprimé avec le cœur. Ce langage est peu familier aux législateurs, qui privilégient le droit, mais à certains moments le cœur doit parler. M. Bras porte haut le nom de l’Aveyron et de Laguiole, jusqu’au Japon où il a également ouvert un restaurant. Il est important de redire que derrière le nom de Laguiole, il y a une histoire, celle des années 1970-1980 évoquée tout à l’heure. Le couteau de Laguiole est cependant bien plus ancien et, à l’origine, son manche n’était pas en céramique, mais en corne. On ne peut faire comme si cette histoire n’avait pas été.

L’aspect économique a également été évoqué. C’est en partie grâce aux IGP et aux AOC que, dans de nombreuses régions de France, l’agriculture se porte bien, en tout cas moins mal qu’ailleurs. Le roquefort est produit dans le sud de l’Aveyron ; nul ne songerait à prendre le nom de Roquefort pour vendre du vin ou des ustensiles de cuisine !

M. André Chassaigne. Si, cela existe.

M. Alain Marc. Nous avons entendu Vincent Alazard et Michel Bras : ils aiment leur pays. Je comprends qu’ils se sentent floués par ce qui est une usurpation absolue. Après cette décision de justice, nous ne pouvons rester les bras ballants. J’espère donc qu’à l’avenir, les noms de commune ne pourront plus être ainsi galvaudés. La marque Laguiole est aujourd’hui déposée pour une quarantaine de classes de produits ; pourquoi pas davantage demain, au risque de lui voir perdre tout son lustre ? C’est bien parce qu’il a une valeur que le nom de Laguiole est utilisé ; il est juste qu’il le soit par ceux qui ont fait son histoire et qui l’administrent, c’est-à-dire la commune.

M. André Chassaigne. Je prends la parole au nom du groupe GDR. Je m’exprimerai, moi aussi, avec le cœur, en évitant de faire comme l’histoire n’avait pas été, pour reprendre les propos qui viennent d’être tenus.

Les ouvriers et les artisans de la coutellerie thiernoise, qui n’ont pas la chance, au contraire d’autres, de pouvoir utiliser certains réseaux de communication, se sentent souvent bafoués. Permettez-moi de faire un peu d’histoire. La coutellerie française, qui s’est principalement implantée autour de Thiers, s’est développée à partir de couteaux de région. Ces derniers ont été créés par des forgerons, comme c’était le cas à Laguiole, ou par des couteliers thiernois. Ils étaient destinés à être vendus sur les foires. Thiers a porté la fabrication et le développement de ces couteaux, y compris le couteau laguiole. Permettez-moi de rappeler que le premier dépôt de marque d’un couteau laguiole a été fait au tribunal de commerce de Thiers, par la coutellerie Roddier-Fauchery, le 27 août 1868. Cela ne signifie pas qu’il n’y avait pas de coutellerie à Laguiole, mais simplement que la fabrication des couteaux avait massivement lieu à Thiers. Thiers continue d’ailleurs, et c’est heureux, à utiliser des noms de couteaux régionaux, qui ne sont fabriqués que là : le Saint-Amand, le Montpellier, le Roquefort, l’Aurillac, le Sauveterre, l’Issoire, l’Yssingeaux, le Rumilly, le Châtellerault, le Saint-Guilhem.… C’est ainsi que la coutellerie thiernoise est devenue la coutellerie phare de notre pays.

Thiers n’a pas seulement permis le développement industriel et technologique du laguiole : il l’a sauvé. Entre 1950 et 1987, il ne se fabriquait plus de couteaux à Laguiole, exceptions faites de quelques assemblages par des commerçants. Durant ces trente-sept années, les couteliers thiernois ont continué à en produire, sauvant ainsi la marque Laguiole. Ils ne peuvent donc que s’émouvoir d’entendre dire, au fil de grandes opérations de communication et avec des trémolos dans la voix, qu’ils ne pourront plus utiliser ce nom dans leurs productions. Si IGP il y a, elle doit concerner l’ensemble du territoire historique de la production des laguioles, dont celui de Thiers. La production française doit être protégée – c’est ce que nous avons le plus grand mal à obtenir.

Certes, il existe actuellement 140 marques de catégorie 8 – couteaux, couverts, outils tranchants – comportant le nom de Laguiole. Ce n’est pas une raison pour humilier les centaines de couteliers de Thiers et le patrimoine de la coutellerie thiernoise en réservant l’usage du nom « laguiole » à une aire géographique restreinte à la commune de Laguiole. Si c’est vers quoi l’on s’achemine, vous perdrez d’autres procès : ceux qui ont participé au développement d’un produit ne s’en verront jamais priver.

La réalité est ce qu’elle est : plus de 80 % des laguioles français sont aujourd’hui fabriqués par les artisans thiernois ; une grande partie des couteaux vendus à Laguiole sont fabriqués à Thiers, et sans les fournitures venues de Thiers, il y aurait bien peu de couteaux fabriqués à Laguiole. C’est donc un message d’unité que je vous adresse : construisons ensemble, produisons français et protégeons une marque qui doit profiter à tous.

M. Thierry Benoit. Le souci de protéger les marques en général nous réunit aujourd’hui, mais le cas de Laguiole émeut particulièrement le groupe UDI. Vous êtes, monsieur Szajner, un homme d’affaires, et d’hommes d’affaires notre pays a besoin. Vous êtes un homme d’affaires habile, qui savez bien que si le nom d’une commune, d’un bassin de vie, d’une région a acquis une notoriété, c’est à la suite d’un travail séculaire. Qu’il s’agisse de vins, de produits laitiers ou de coutellerie, ces productions remarquables s’appuient sur un territoire ; ce sont ces savoir-faire particuliers que nous essayons de valoriser, y compris pour les technologies de l’industrie automobile. C’est pourquoi, selon moi, le législateur doit combattre tout ce qui sème la confusion. Au moment de créer votre entreprise, vous auriez pu choisir comme nom de marque votre patronyme, mais vous avez eu l’habileté d’en utiliser un autre, pour sa notoriété bien réelle. Le législateur devra imposer transparence et traçabilité en ce domaine comme il s’attache à le faire en ce moment même à propos de la localisation des centres d’appels. Mon expérience passée dans le commerce du vin me permet de dire que la confusion est totale. Il revient au Parlement d’assagir des pratiques commerciales qui, pour certaines, sont loin d’être éthiques. Donner à des productions le nom d’un territoire demande qu’elles soient travaillées dans le bassin de vie considéré. Je remercie donc le président de notre Commission d’avoir permis la tenue de ces auditions qui nous aideront à formuler des propositions tendant à valoriser des savoir-faire ancestraux et, en les préservant de la confusion en France et dans le monde, à assurer leur pérennité.

M. le président François Brottes. Nous serons appelés à débattre d’un projet de loi sur la consommation présenté par M. Benoît Hamon. Il comprendra, j’en suis persuadé, un volet à ce sujet.

M. Christian Paly. Je tiens à rassurer M. Chassaigne. Si le Parlement adopte un texte codifiant l’indication géographique industrielle, il s’agira de reconnaître une histoire, une pratique, un savoir-faire, une notoriété. Dans le secteur agro-alimentaire, il arrive que cette reconnaissance porte sur une aire géographique assez large. Si, demain, Laguiole pouvait et voulait développer une indication géographique industrielle pour la coutellerie, rien n’interdirait d’y englober les couteliers de Thiers, si ces derniers le souhaitent.

M. Vincent Alazard. Je remercie les députés, dont les propos montrent qu’ils ont compris notre problème. J’ai toutefois été peiné par votre intervention, monsieur Chassaigne. Laguiole et Thiers sont liées par l’histoire, elles ne s’opposent pas ; de plus, comme l’a souligné M. Paly dans son propos liminaire, ni vous ni moi ne serons appelés à délimiter le périmètre de l’IGP éventuelle. Il ne faudrait pas qu’un débat sur la coutellerie fasse perdre de vue l’essentiel, à savoir que le nom d’une collectivité peut être utilisé par une personne privée qui, en l’état, a tous pouvoirs sur une commune, ses administrés et ses chefs d’entreprise. Ce que j’attends du législateur, c’est qu’il trouve les moyens d’un équilibre. Nous vivons dans une société de libre entreprise, soit ; mais, comme l’a souligné M. Bras, si des Laguiolais veulent fabriquer des cuillères ou des fourchettes à Laguiole et les vendre sous le nom de leur commune, la logique voudrait qu’ils aient le droit de le faire.

M. Gilbert Szajner. Monsieur le maire, si vous voulez continuer à fabriquer des cuillères et des fourchettes à Laguiole, personne ne vous l’interdit, et surtout pas moi. Je tiens à souligner que j’ai fait de nombreuses propositions à la commune et à certaines entreprises de Laguiole, tendant à un développement en France en maintenant une certaine cohérence entre les produits. La réponse a toujours été : un procès. Or, la notoriété du couteau Laguiole à l’étranger est due à M. Leo Sannajust, de Thiers, qui est à l’origine du « Château Laguiole », produit le plus connu au monde (Mouvements divers). C’est lui qui a si bien fait connaître à l’étranger le mot « Laguiole » que ma société n’est pas parvenue à s’opposer au dépôt en Chine, par les mandataires de la société Luxury, d’un vin commercialisé sous la marque « Laguiole ». Incidemment, le propriétaire de cette entreprise, qui possède des vignobles d’une superficie équivalente à celles de la France et de l’Espagne réunies, a fait construire une reproduction à l’identique du château de Versailles, meubles compris…

M. Michel Bras. La renommée de Laguiole à l’étranger est antérieure à cette création chinoise. Monsieur Chassaigne, si j’ai des trémolos dans la voix, c’est que je suis un chef d’entreprise qui emploie 80 personnes et que dans l’Aubrac, où vivent trois habitants au kilomètre carré, il faut, croyez-moi, beaucoup d’énergie pour se défendre.

M. André Chassaigne. C’est aussi ce que disent les couteliers de Thiers.

M. Michel Bras. Et c’est ainsi que l’on oublie le parasitisme dont est victime Laguiole. Je travaille dans cette commune avec mon fils depuis quinze ans maintenant. Que pensez-vous que je ressente quand je vois des produits diffusés sous la marque « Laguiole cuisinier de père en fils » ?

M. Daniel Fasquelle. Nous devons à tout prix assurer la protection des professionnels locaux. Le projet de loi relatif à la consommation présenté lors de la précédente législature par M. Frédéric Lefebvre contenait des dispositions à ce sujet ; il reste effectivement à déterminer les aires géographiques retenues. J’ajoute que l’on ne peut se limiter à la protection des produits alimentaires : il faut aussi protéger les produits artisanaux, tels la dentelle de Calais. J’avais par ailleurs déposé avec M. Christian Jacob un amendement tendant à protéger le nom des communes et leur image, respect qui doit valoir aussi entre communes. Ainsi, la ville de Paris, ayant déposé la marque « Paris-Plage », a sommé Le Touquet-Paris-Plage de ne pas l’utiliser. Nous devons absolument nous emparer de ces deux sujets : la protection des artisans et celle des communes.

Mme Marie-Lou Marcel. L’absurdité a été soulignée d’une situation telle que des communes ne peuvent utiliser leur nom, accaparé par des personnes privées à des fins commerciales. Cette appropriation fait obstacle au développement économique local de produits à forte identité, fabriqués sur le territoire considéré. Les Forges de Laguiole sont un modèle d’artisanat local mêlant tradition, qualité, modernité, savoir-faire et innovation qui font de leurs couteaux des pièces uniques. Je rappelle que, lors de l’examen du projet de loi sur la consommation pendant la précédente législature, le Sénat avait déposé un amendement protecteur, refusé par le Gouvernement ; puis la législature s’est achevée sans que le texte revienne devant notre Assemblée.

Monsieur Szajner, j’ai été scandalisée de vous entendre attribuer à la ministre de l’artisanat des propos qu’elle n’a pas tenus. Hier, à Laguiole, où j’étais à ses côtés, elle a simplement dit que le Gouvernement était déterminé à prendre en compte cette lacune et elle s’est prononcée, comme M. Hamon, en faveur de l’extension des indications géographiques protégées aux produits manufacturés, une mesure qui devrait figurer dans le texte à venir sur la consommation. Sur le fond, n’avez-vous pas le sentiment de déposséder un territoire de son identité ? Comment pouvez-vous parler de cohérence entre produits et commercialiser sous la marque Laguiole des produits fabriqués au Pakistan, dans des conditions sur lesquelles il y a beaucoup à dire ?

Monsieur Alazard, l’extension des indications géographiques protégées serait-elle, selon vous, suffisante, ou faudrait-il aller plus loin ?

M. Dino Cinieri. Alors que la Commission européenne s’apprête à autoriser les exportateurs américains à utiliser les termes « château » et « clos », je tiens à souligner avec force que les appellations se méritent. On ne peut que s’indigner de trouver aux Etats-Unis des boissons dites « Californian champagne » ou « American champagne », et un « Chablis » synonyme, là-bas, de piètre qualité. Comment avons-nous pu accepter de laisser advenir semblable dégradation d’aussi belles marques viticoles françaises ? Je saisis l’occasion qui m’est donnée pour vous demander, monsieur Paly, quel est l’état d’avancement du dossier d’obtention de l’AOP européenne pour la rigotte de Condrieu, fromage classé en AOC.

Mme Pascale Got. Le danger que représente la suppression des droits de plantation et la menace d’extension de l’utilisation de l’appellation « château » ouvrent la porte à l’avènement du n’importe quoi, n’importe où, par n’importe qui. Pourtant, le spectre de cette double peine plane sur la Gironde. Certains se réjouiront peut-être de l’exacerbation de la concurrence en se disant qu’ainsi les Bordelais cesseront de faire la pluie et le beau temps. Mais ce dont il s’agit en réalité, c’est un mauvais coup porté à toute la viticulture française, à nos exportations, nos parts de marché et nos emplois – dois-je rappeler qu’en Gironde seulement, le secteur représente 55 000 emplois ? L’usurpation d’identité en gestation n’a rien de neutre, sinon un lobbying américain aussi insistant ne serait pas à l’œuvre depuis 2006. Aujourd’hui, le forcing est le fait des États-Unis, mais pourquoi ne serait-ce pas la Chine demain ? L’appropriation d’image est redoutable, car le poids d’une marque est très fort. Le consommateur sera trompé et, l’appellation n’ayant plus aucune signification, l’image de nos marques sera brouillée dans le monde. Il s’agit d’une récupération à bon compte et d’une concurrence déloyale. La France peut d’autant moins se les permettre qu’en ferraillant pour obtenir le droit à l’appellation « château », les Américains ont évidemment en ligne de mire l’énorme marché asiatique, et singulièrement chinois.

M. le président François Brottes. C’est bien parce que nous prenons cette question très au sérieux que nous en faisons un sujet d’étude pour notre Commission.

Mme Josette Pons. Au moment même où nous ratifions le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, ce fut un moment émouvant que d’entendre nos invités laguiolais. J’espère qu’un équilibre sera trouvé, qui permettra de régler la situation à Laguiole et ailleurs. On a évoqué l’utilisation du terme « château » par les Américains. Mais, monsieur Paly, n’est-ce pas aussi le fait de vignerons en France même ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Je partage le point de vue de Mme Pascale Got sur les dangers de la libéralisation des appellations « château » et « clos ». Est-il exact qu’un accord a été trouvé à ce sujet le 13 septembre dernier ? J’ai cru comprendre par ailleurs que le projet de règlement relatif à la définition de l’indication géographique protégée (IGP) prévoit un logo unique pour les vins et pour les spiritueux ; qu’en est-il ?

M. Kléber Mesquida. Nous devons être particulièrement attentifs à l’offensive des Américains qui, s’ils parviennent à leurs fins, vont galvauder le terme « château », porter atteinte à l’authenticité de nos vins et fausser le marché mondial. Cela étant, je suis l’élu d’une circonscription viticole, et j’ai la preuve qu’en France même certains châteaux viennent s’approvisionner en masse dans notre territoire pour écouler ensuite ce qu’ils y ont acheté sous leur appellation. Quelles dispositions règlementaires permettent d’empêcher cela ?

M. Frédéric Roig. Le cas dramatique de Laguiole nous frappe tous par ce qu’il symbolise : l’usurpation de la notoriété d’un territoire et la spoliation de ses habitants pour nourrir des intérêts industriels. De la même manière, parce que les Causses et les Cévennes sont maintenant inscrites au patrimoine mondial de l’humanité établi par l’Unesco, des gens utilisent ces noms pour vendre des produits de toutes sortes. Le législateur doit intervenir sans plus tarder pour qu’un nom de marque ne puisse primer sur un nom de territoire ; l’urgence est d’autant plus grande que l’Internet démultiplie les dangers. Le jugement porté dans l’affaire de Laguiole doit être le dernier de ce type.

Mme Frédérique Massat. L’Ariégeoise que je suis s’est reconnue dans les mots de MM. Bras et Alazard. Quelles que soient les réglementations européennes ou nationales, il est normal que nous nous battions pour l’authenticité de nos terroirs : c’est tout ce qui nous reste. Se faire voler son nom est inadmissible. Pouvez-vous nous dire, monsieur Bras, en quoi la situation présente peut pénaliser votre activité professionnelle ? Si un changement de législation permettait que Laguiole retrouve le droit d’utiliser son nom, quelle influence cela aurait-il sur le développement du territoire ? Enfin, M. Paly a semblé manifester quelques réticences à l’idée de ca création d’une IGI ; pourquoi ?

M. Hervé Pellois. Je joins ma voix à celles qui se sont élevées pour dire leur attachement à nos villages dans lesquels se perpétuent de très anciennes pratiques agricoles et culinaires, d’élevage ou artisanales. Qui ne connaît les poulets de Bresse, de Janzé, de Loué ? Leur nom dit leur origine géographique. Mais on peut fabriquer du jambon « de Bayonne » avec des porcs de Midi-Pyrénées ou de Poitou-Charentes, Le label n’est pas très lisible pour le consommateur, car il fait tantôt référence à un village ou à un canton, tantôt à une grande région dont la production n’a rien à voir avec le porc gascon ou le porc basque autrefois utilisé pour faire ce jambon. De même, une entreprise bretonne est spécialisée dans le porc appelé à fabriquer du jambon « de Parme »… Nous souhaitons tous avoir, en France des jambons aussi nettement localisés que l’est le pata negra ibérique.

Mme Annick Le Loch. Le sujet dont nous traitons m’incite à vous raconter une petite guerre survenue il y a quelques années. Un fabricant de textile finistérien, ayant mis en vente des teeshirts arborant le 29, numéro du département, a été assigné par un fabricant de Midi-Pyrénées qui avait déposé auprès de l’INPI une trentaine de numéros de départements, dont celui-là. La justice, en première instance puis en appel, a donné raison au plaignant, interdisant à l’entreprise finistérienne d’utiliser le numéro de son département. Les collectivités en ont déduit que l’on pourrait finir par leur interdire d’utiliser de numéro dans leurs publications. En 2011, la Cour de cassation a invalidé ce jugement, un nouveau procès a eu lieu à Toulouse et cette minuscule entreprise finistérienne a finalement récupéré l’usage du 29, au prix de 40 000 euros de frais de justice. Mais rien ne semble réglé pour les numéros déposés qui correspondent à d’autres départements. Que faire pour éviter semblables déconvenues ?

M. Henri Jibrayel. Si je comprends le plaidoyer de M. Chassaigne, je ne comprends pas votre point de vue, monsieur Szajner. Tout le monde défend son territoire, et voilà qu’un jour un chef d’entreprise s’avise d’usurper la dénomination d’une commune au nom de l’argent roi. Pour servir vos intérêts d’homme d’affaires, qu’au demeurant je respecte, vous privez la commune de Laguiole de son identité. Je ne peux imaginer ce qui se passerait si l’on en venait un jour à usurper le nom de Marseille ! C’est aller trop loin, et nous devons protéger le nom des communes.

M. François Pupponi. Nous débattons de deux sujets distincts. Le premier est de savoir comment une commune ou un territoire peut protéger son nom, à tous points de vue. Selon moi, dans le cas qui nous occupe, Laguiole, qui se trouve victime, a moralement raison et malheureusement juridiquement tort. L’inverse vaut pour M. Szajner, mais la loi est ce qu’elle est. Cela étant, il faut prendre en considération un autre cas, celui des communes victimes, elles, de multiples comparaisons péjoratives – « C’est comme à Sarcelles » - quand se produisent, dans d’autres banlieues, des incidents déplaisants. Nous devons trouver le moyen de régler la question dans ses deux aspects.

L’autre débat tend à la sauvegarde des produits locaux, alimentaires ou artisanaux pour garantir la protection d’une qualité historique, et cette démarche est plus compliquée. Je suis un passionné de couteaux, et ce qui m’intéresse est de connaître celui qui a forgé la lame et fabriqué l’objet. C’est pourquoi je n’achète pas de couteaux de Laguiole dans le commerce car je n’ai pas l’assurance qu’ils ont effectivement été forgés en France : rien ne l’indique, sauf quand on connaît le coutelier. Peut-être faudrait-il donc étendre la notion d’appellation d’origine contrôlée aux produits de ce type, en élargissant éventuellement l’aire géographique aux produits qui ont la même histoire dans le terroir.

S’agissant enfin des productions AOC alimentaires, je déconseille d’acheter de la charcuterie corse vendue dans le commerce: elle est faite avec des cochons qui n’ont souvent jamais vu la Corse. Comment peut-on donner une appellation d’origine à un produit alors qu’il a seulement été fabriqué dans une région donnée ?

M. Michel Piron. Le problème juridique est réel : que peut-on protéger ? La première difficulté tient à l’ambiguïté entre appellation et marque et, dans le cas qui nous occupe, entre commune et marque. La définition de l’INAO – un lieu qui peut être un terroir, un produit, un savoir-faire - ne suffit pas à nous donner une solution car, parfois, le triptyque n’est pas réuni. Il faut donc aborder la question de droit en se demandant si l’on tolère ou si l’on veut interdire l’appropriation privée d’un nom collectif.

Je note qu’à ce jour quinze pays sont d’accord pour mettre un terme au libéralisme exacerbé d’un certain commissaire européen sur les appellations d’origine. Certes, elles ne sont pas menacées de disparition ; la Commission européenne veut simplement libéraliser les plantations de vignobles…

La libre concurrence suppose l’information du consommateur et la transparence. Il peut y avoir un point de droit sur lequel se fonder pour dire que faire un argument de vente d’un lien factice avec un territoire c’est procéder à une concurrence déloyale.

Mme Annie Genevard. J’appelle l’attention de la Commission sur le fait que l'Office fédéral de l'agriculture suisse (OFAG) a enregistré le dépôt de l’indication géographique protégée déposée par un groupe de producteurs d'absinthe suisses qui, se faisant, se sont appropriés un terme aussi générique que l’est celui de « bière ». Un recours a été déposé, mais la décision de l'OFAG, si elle était validée, mettrait en péril les autres producteurs d’absinthe. La plus extrême vigilance s’impose car, en raison des accords bilatéraux entre la France et la Suisse, la décision, si elle était confirmée, pourrait s’appliquer de facto au niveau européen.

M. le président François Brottes. Chacun aura compris que, même si ces questions nous passionnent, nous ne trouverons pas la solution miracle aujourd’hui.

M. Christian Paly. L’appellation « château » est très précisément codifiée en France par le décret relatif à l’étiquetage. Ensuite se pose la question de l’application de cette réglementation, et donc du contrôle des fraudes ; et qui use de « cuves à roulettes » pour vendre ensuite cette production sous l’appellation alors usurpée de « château » n’est autre qu’un fraudeur.

Nos eaux-de-vie les plus prestigieuses étaient jusqu’à présent l’objet d’une appellation d’origine réglementée qui n’existe plus, sur le plan juridique, au niveau européen. Nous nous efforçons donc de trouver une place à ces alcools dans une nouvelle catégorie, l’appellation géographique, dans laquelle nous venons d’ailleurs de reconnaître « l’absinthe de Pontarlier », qui, à ce titre, est protégeable, conformément aux accords bilatéraux avec la Suisse. Le mot « absinthe » est, lui, générique, comme vous l’avez souligné.

L’histoire viticole de certains pays extracommunautaires fait malheureusement, que des termes génériques ou semi-génériques y sont utilisés pour qualifier des produits. Depuis des années, les pouvoirs publics et l’INAO s’efforcent, dans le cadre des accords bilatéraux ou multilatéraux, à faire disparaître progressivement ces appellations. Cette situation explique nos échecs dans les négociations avec les États-Unis.

Je n’ai pas de réticences a priori à l’idée que le législateur créerait une indications géographiques industrielles, mais j’espère que le sujet sera cerné dans tous ses aspects. Il faut notamment une idée précise sur la gouvernance, sur laquelle l’INAO devrait être consulté. Il faudra aussi garantir une certaine cohérence entre indications géographiques industrielles et indications géographiques agricoles, pour ne pas soumettre les diverses définitions à des réglementations contradictoires, au risque que le remède soit pire que le mal. Je suis d’autant moins réticent à l’idée d’une éventuelle indication géographique industrielle que lorsque nous négocions des accords bilatéraux visant à protéger nos appellations géographiques agricoles, certains de nos interlocuteurs - l’Inde en particulier - nous demandent la réciprocité pour leurs fabrications artisanales manufacturées ; faute de socle juridique nous le permettant, les négociations ne peuvent aboutir. Enfin, si le législateur en vient à définir des indications géographiques industrielles, il doit les fonder sur un cahier des charges minutieux et une démarche collective voulue par les porteurs de projets.

C’est le 25 septembre que le comité de gestion de l’organisation commune des marchés agricole devait se réunir pour discuter de l’autorisation demandée par les producteurs américains de commercialiser leurs produits avec la mention « château ». À la demande de la France, la réunion a été reportée à la fin du mois d’octobre. La représentation nationale doit presser le ministre, dans les meilleurs délais, d’obtenir le retrait définitif de cette menace.

M. le président François Brottes. Je ferai cette démarche sans tarder au nom de notre Commission unanime.

M. Christian Paly. Enfin, je sais que le dossier de la rigotte de Condrieu est en cours d’instruction à l’INAO ; à ma connaissance, il est en bonne voie.

M. Yves Censi. Je vous prie d’excuser mon arrivée tardive mais j’étais retenu par des auditions prévues dans le cadre du projet de loi de finances. Élu de l’Aubrac, je me réjouis de la présence de MM. Bras et Alazard, dont je suis certain qu’ils ont dit toute la valeur de leur territoire. Je suis favorable à la reprise, de manière urgente, du chapitre relatif aux appellations géographiques pour les produits manufacturés qui figurait dans le projet de loi de M. Frédéric Lefebvre et qui faisait consensus.

J’ai par ailleurs déposé, pendant la précédente législature, une proposition de loi qui tendait à compléter le code des collectivités territoriales en précisant que les communes, les départements et les régions bénéficient de la pleine disponibilité de leur dénomination. Il me semble inconcevable qu’au-delà de l’appropriation, une commune puisse être privée d’utiliser son nom dans une classe de marque quelle qu’elle soit.

M. le président François Brottes. Il a été rappelé que nous avions voté à une quasi- unanimité l’amendement n° 233 au projet de loi de M. Frédéric Lefebvre, qui visait à ce que les collectivités territoriales ne soient pas totalement dépossédées de leur nom. Cette préoccupation est largement partagée. La parole est à vous, M. Szajner, pour répondre aux questions de parlementaires qui voulaient en découdre.

M. Gilbert Szajner. Je dois dire que m’entendre traiter de voleur dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, là où l’on fait la loi, et alors que je la respecte parfaitement, ne manque pas de sel. Je ne fais rien fabriquer au Pakistan, madame Marcel. En revanche, je souhaite signaler que pas un seul coutelier n’a fait opposition à l’utilisation de la marque « Laguiole-Le Bougnat », dont les propriétaires fabriquent tout au Pakistan. Qui a agi à ce sujet ? J’ai pu le faire pour les produits autres que les couteaux ; pour les couteaux, je n’ai pas la main. Qu’attendez-vous pour casser cette marque – et si celle-là n’est pas une indication d’origine, quelle autre peut l’être ? - dont tous les couteaux viennent du Pakistan ?

Je renouvelle mes propositions de collaboration avec la commune de Laguiole et avec d’autres. J’avais ainsi proposé mes services à Versailles pour faire un parfum appelé Les Eaux de Versailles, mais la ville a décliné ma proposition au motif de guerres intestines avec l’administration du château. J’ai ensuite proposé à Saumur de faire de la maroquinerie ; cette fois, je me suis entendu dire que c’était impossible parce que la ville était en bagarre avec le Cadre noir… Mesdames, messieurs, faites le ménage dans vos communes ! Enfin, puis-je faire observer que l’on ne gêne pas pour commercialiser, en France, des produits sous la marque Ushuaia, et tant d’autres ?

M. Vincent Alazard. M. Szajner dit avoir souhaité une collaboration avec les élus de l’époque ou des chefs d’entreprise locaux. Mais quelle commune accepterait de verser des royalties à un homme d’affaires qui, sans lien avec elle, utilise son nom comme marque pour des productions que la commune en question voudrait fabriquer sur son territoire ?

Mme Marcel m’a demandé si l’IGP serait une solution satisfaisante. La justice tenant le couteau de Laguiole pour un objet générique, une IGP permettrait en effet de lui redonner une légitimité. Bien entendu, cela ne suffirait pas à régler la question du nom, mais j’ai été rassuré d’entendre nombre d’entre vous s’exprimer sur les deux questions. J’en déduis que beaucoup sont sensibles à notre demande d’une évolution législative tendant à rééquilibrer les pouvoirs respectifs d’une personne privée d’une part, d’une commune, de ses administrés et de ses chefs d’entreprise d’autre part, de manière que nous puissions utiliser notre nom – c’est un droit d’usage, tout simplement.

M. Michel Bras. Une entreprise comme la nôtre – car il n’y a pas seulement des couteaux à Laguiole : il y a aussi des entreprises agro-alimentaires et de tourisme - est une entreprise saisonnière. Une diversification est donc nécessaire, qui s’est traduite par l’ouverture d’un restaurant au Japon et par quelques autres projets menés à bien. Mais si je veux commercialiser sous le nom de Laguiole des chocolats fabriqués en collaboration avec la chocolaterie de Bonneval située à quelques kilomètres de Laguiole, ou des friandises, des verres, de la vaisselle, une gamme de l’agro-alimentaire, je ne peux pas le faire. J’en viens à me demander s’il me faudra un jour substituer le code postal au mot Laguiole dans le titre – Bras, Laguiole, Aubrac, France – du livre que mon fils et moi avons publié !

Je considère comme un kidnapping le parasitisme et la confusion qu’il entraîne, car cela touche les miens, cuisiniers de père en fils.

M. le président François Brottes. Messieurs, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Ce débat aura une conclusion législative.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 9 octobre 2012 à 17 h 30

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Henri Jibrayel, Mme Annick Le Loch, Mme Audrey Linkenheld, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Michel Piron, Mme Josette Pons, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais

Excusés. - M. Thierry Lazaro, Mme Catherine Troallic

Assistaient également à la réunion. - M. Yves Censi, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Annie Genevard, M. Philippe Martin