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Commission des affaires économiques

Mercredi 21 novembre 2012

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 27

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France.

– Information relative à la commission

La commission a auditionné M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France.

M. le président François Brottes. J’ai beaucoup de plaisir à accueillir Michel Bouvard, qui fut l’un des meilleurs parlementaires de l’Assemblée nationale. Ayant pour autre mérite d’avoir été le président de l’Association des élus de la montagne, il a contracté l’habitude des causes difficiles, ce qui l’a incliné à accepter la mission de remédier à la situation dramatique du Crédit immobilier de France (CIF). Grâce à la position qu’il occupe et à son franc-parler – à moins qu’il ait beaucoup changé –, cette audition nous permettra de mieux comprendre à la fois ce qui s’est passé et la situation actuelle, qui inquiète les salariés comme les clients, et de voir quelles sont les solutions de sortie.

Sur ce sujet, nous avons interrogé les présidents de la Banque postale et de La Poste, chez lesquels nous avons senti un enthousiasme mesuré, et nous avons compris du Gouvernement que la réflexion n’était pas encore totalement stabilisée. Notre commission a pour attribution le logement, notamment la construction et la libération du foncier. On ne fait pas d’investissement à long terme sans un accompagnement en prêts adaptés. De surcroît, pour avoir la meilleure répartition possible entre bailleurs sociaux et accession à la propriété, il faut des outils. Le Crédit immobilier de France était une réponse, mais on voit bien qu’aujourd’hui, on est dans une phase d’attente.

Je vous invite, monsieur Bouvard, à nous dresser un état de la situation – passée, présente et à venir –, avant d’entendre les porte-parole des groupes et de vous prêter à un jeu de question-réponse.

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Messieurs les députés, je suis heureux de vous retrouver, même si j’aurais préféré que ce soit dans d’autres circonstances. Il est, en effet, important que votre commission des affaires économiques, puisqu’elle est en charge du logement, ait une vision complète de la situation. Beaucoup ayant déjà été dit, je me contenterai de résumer les faits qui ont abouti à la situation actuelle pour me concentrer plus longuement sur les solutions alternatives à l’extinction pure et simple du Crédit immobilier de France.

Je rappelle, d’abord, que le Crédit immobilier est issu du regroupement des sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété (SACICAP). Il comporte deux pôles : un pôle de promotion immobilière, qui est le deuxième constructeur en France de maisons individuelles et le troisième ou quatrième promoteur tout court, en fonction des années ; un pôle bancaire, Crédit immobilier de France Développement (CIFD), qui comporte des composantes centrales, notamment de financement et de refinancement de la dette et des encours, et des structures régionales détenues par les SACICAP, qui sont les actionnaires à la fois de la structure faîtière et des structures locales. Il est question aujourd’hui du pôle bancaire exclusivement.

Pour faire simple, le pôle bancaire a financé pendant des années, et encore aujourd’hui, essentiellement des prêts à l’accession à la propriété sur des périodes dépassant vingt ans. La problématique du Crédit immobilier est celle de toutes les banques qui n’ont pas de dépôts : le refinancement sur les marchés, qui est effectué sur des durées inférieures ou égales à quinze ans. Dès lors que les agences de notation ont eu un doute sur la capacité du Crédit immobilier à se refinancer sur les marchés et sur la qualité de sa signature, une dégradation s’en est suivie, aboutissant à une impossibilité de refinancement. Les obligations foncières étant l’un des outils principaux à sa disposition, cette impossibilité l’aurait placé en situation de défaut de liquidité. En prévention, le Gouvernement a annoncé cet été qu’il apporterait une garantie sur le refinancement des flux internes et externes du Crédit immobilier de France. D’où l’adoption, la semaine dernière, de l’article 66 du projet de loi de finances prévoyant un refinancement en garantie interne et externe pour respectivement 12 et 16 milliards d’euros.

Comment on en est arrivé là n’est pas mon propos. Je l’ai dit en prenant mes fonctions, il y a un peu plus d’un mois, je ne suis pas là pour juger le passé, mais pour m’efforcer de sortir la société de l’ornière. Cela dit, des solutions d’adossement auraient pu être mises en œuvre par le passé. Elles ne l’ont pas été, ce sont autant d’occasions manquées à l’origine des difficultés. Le Crédit foncier serait exactement dans la même situation que le Crédit immobilier de France aujourd’hui s’il ne s’était pas adossé à BPCE, un groupe de dépôts qui a une signature correcte et un accès à la liquidité que n’a plus le Crédit immobilier.

En même temps qu’est enclenché le levier « garantie de l’État », la machine communautaire s’ébranle. De manière simplifiée, la garantie est apparentée à une aide d’État qui produit une rupture des règles concurrentielles : dès lors, il doit y avoir extinction de l’activité pour ne pas perturber la concurrence. Telle est l’analyse de la direction du Trésor, qui considère comme très difficile, voire impossible, d’obtenir de la part des autorités communautaires une continuité d’activité dès lors qu’est accordée une garantie.

Une telle hypothèse pose deux problèmes : le premier, d’ordre social, concerne les 2 500 salariés du pôle bancaire du Crédit immobilier de France ; le deuxième, socio-économique, touche le pays tout entier puisque le Crédit immobilier de France est un producteur important de prêts à l’accession sociale à la propriété. Quand j’ai pris mes fonctions, le schéma était assez simple : mise en run off pour répondre aux obligations communautaires – et je peux comprendre la position d’un Trésor traumatisé par l’affaire Dexia et ayant en perspective d’autres dossiers, comme celui de la banque Peugeot – et reprise par le marché des 4 % de la production de l’accession à la propriété et des 10 % de la production de l’accession sociale du Crédit immobilier de France, La Banque postale (LBP) notamment pouvant faire un effort sur l’accession sociale.

Or la nouvelle gouvernance qui a succédé à M. Sadoun s’est forgé d’autres convictions. D’abord, si l’on croise des critères comme le niveau d’apport personnel des primo-accédants, la longueur des prêts et la valeur retenue pour le bien acquis, qui constitue le gage, sur le segment de l’accession sociale de familles ayant un revenu entre 2,5 et 3 SMIC et peu d’apport personnel, la part de marché du Crédit immobilier de France s’élève à 20 %, le principal acteur du secteur étant le Crédit foncier, avec 50 %. Or celui-ci est lui-même dans une situation fragile, même s’il est adossé, et n’est pas dans une dynamique d’accroissement de ses parts de marché. L’ensemble des autres banques, LBP comprise, représente 30 %. La question est de savoir si, aujourd’hui, ces banques sont capables de relayer la disparition d’un acteur pesant 20 % et la réduction d’activité d’un autre qui pèse 50 %, dans un contexte de renforcement des règles de Bâle III et des règles prudentielles sur l’accession à la propriété. C’est dire l’impact économique d’une société qui, globalement, permet d’accéder, à travers 60 000 prêts, à 40 000 ménages chaque année, dont beaucoup sont des primo-accédants et des accédants à ressources modestes. Par comparaison, je rappelle qu’en 2008, au moment où la crise s’est déclenchée, la production de logements avait été considérée comme un enjeu national, et le plan de relance avait fait reprendre par le pôle social de l’habitat 30 000 logements en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) pour éviter un effondrement du marché immobilier et de l’activité du BTP. Les proportions sont donc comparables, à la différence près qu’il ne s’agit pas d’un problème ponctuel : si le Crédit immobilier de France disparaît, le problème devient structurel et la question se pose alors de savoir comment on finance l’accession sociale à la propriété à l’avenir.

Un deuxième constat porte sur la situation financière et structurelle du Crédit immobilier de France. Le CIF avait-il un problème de liquidité ou avait-il, comme d’autres établissements bancaires, comme Dexia avant 2008, lui aussi failli en se lançant dans des produits toxiques ou des aventures susceptibles de fragiliser l’ensemble du système ? Globalement, la réponse est non, avec toutefois deux points de faiblesse. Le Crédit immobilier de France a uniquement un problème de liquidité, même s’il s’est aventuré dans des affaires de promotion portées par Banque patrimoine et immobilier, qui a rejoint le CIF il y a une dizaine d’années et qui n’est pas dans le cœur de métier, dont la plus connue est l’affaire Apollonia. Une deuxième dérive est intervenue dans la période 2006-2009, où le souci de produire beaucoup a suscité une fuite en avant avec l’acceptation de dossiers de moins bonne qualité. Ces deux risques portés au bilan sont parfaitement identifiés et cantonnés, ils ne fragilisent pas l’ensemble. Aujourd’hui, après maints calculs et rapprochements avec l’Autorité de contrôle prudentiel, la nouvelle gouvernance est convaincue que le bilan d’une liquidation du Crédit immobilier de France se clôturerait par un boni de liquidation. Avec 2,4 milliards de fonds propres, nous avons, à terme, des hypothèses de résultat allant, en fonction des stresses affectés, de 1 milliard à 3 milliards de boni de liquidation, ceci à la principale condition de ne pas détruire l’outil de suivi des prêts et de la gestion du passif. Cet outil est, en effet, celui qui détient les savoir-faire sur cette clientèle de segment d’entrée de l’accession sociale à la propriété. C’est une clientèle qu’il faut accompagner, surtout en cas de difficulté. Le CIF a la particularité de gérer tout son contentieux en interne et d’avoir des outils, notamment informatiques, permettant de mesurer, au jour le jour et dossier par dossier, l’évolution des taux d’intérêt et son impact sur la partie de la clientèle qui n’est pas en taux fixe.

Le troisième élément de conviction, qui me permettra d’indiquer ce qu’il est possible de faire, est qu’il n’y a pas de blocage absolu pour une poursuite d’activité au niveau communautaire. C’est là un discours différent de celui que tient la direction du Trésor. Celle-ci n’a pas forcément tort dans ses analyses, mais il y a un autre chemin, certes étroit. Nous avons la conviction qu’un CIF recentré sur son métier d’origine – l’accession sociale à la propriété –, avec une capacité de production limitée, encadré par des dispositions arrêtées par les autorités publiques, peut obtenir un accord de poursuite d’activité de la part des autorités communautaires, dès lors que certaines cessions seraient effectuées et que le stock serait mis en extinction. L’idée que nous défendons, c’est une mise en run off de l’ancien CIF et, à partir des savoir-faire et des équipes existants, la constitution d’une nouvelle entité, recentrée sur le segment d’entrée de l’accession sociale à la propriété. Ce segment, non seulement le CIF y est très présent, mais nous avons la conviction intime que les autres acteurs bancaires tendront à s’en retirer du fait des règles de Bâle III et de la nouvelle directive communautaire en préparation, sans parler des problèmes de financement et de refinancement que peuvent avoir les établissements bancaires quels qu’ils soient.

Nous avons proposé aux pouvoirs publics deux hypothèses. La première, dite scénario « bridge bank », consiste à constituer un canton hébergé dans le cadre du CIF actuel, avec une séparation du bilan actif et passif, et qui développe cette nouvelle activité recentrée avant, dans un délai de deux à cinq ans, d’être cédé à un repreneur. Cela peut être un repreneur quelconque – mais je doute qu’il y en ait un qu’une activité de ce type puisse intéresser –, cela peut être la Banque postale, seule ou avec d’autres. Ce qui importe, c’est la qualité de la signature de ce repreneur et sa capacité de se refinancer sur les marchés. C’est pour cette raison que nous avons aussi émis l’hypothèse d’un service d’intérêt économique général, consistant en une structure support sous forme d’EPIC avec, en dessous, un établissement bancaire capitalisé par différentes structures, qui peuvent être LBP et d’autres, un peu comme Oséo. Ce serait un Oséo de l’accession sociale à la propriété.

L’intérêt que peuvent trouver les autres établissements bancaires dans le CIF, c’est que, n’ayant pas de dépôts, il ne peut pas leur prendre de clients. En outre, il joue un rôle d’amorçage. Un client à qui les banques n’ont pas voulu prêter mais qui trouve un prêt au CIF présente des risques pendant les quatre ou cinq premières années. Passée cette période sans défaut, généralement la personne est capable de rembourser son prêt jusqu’à son terme. Comme le modèle de financement du CIF implique que, n’ayant pas de fonds propres, il se refinance à des conditions plus chères que les autres établissements bancaires, et que pour sécuriser ses clients, il les « équipe » en assurances pour risques familiaux, perte d’emploi et autres qui rendent les taux servis un peu plus élevés, quand la banque qui a le compte du client en dépôt voit que les mensualités sont honorées sans problème, très naturellement, elle va lui proposer de racheter son crédit, considérant que le client est rentable dans la durée. Voilà comment le CIF joue un rôle d’amorçage sans perturber le reste de l’activité bancaire et comment l’ensemble des établissements bancaires de la place peuvent participer à une solution permettant de maintenir cette activité.

La deuxième hypothèse, en cas d’obstacle au niveau communautaire, est la constitution d’une nouvelle société ex nihilo reprenant les savoir-faire et une partie des équipes et permettant de développer cette activité. Là aussi, se pose le problème de l’adossement qui peut être, comme le ministre du budget l’a indiqué la semaine dernière, dans le cadre d’un partenariat avec la Banque postale.

Nous avons acquis la conviction qu’il y avait possibilité de discuter avec Bruxelles, pas seulement au regard d’expertises conduites par des avocats spécialisés en droit communautaire, mais aussi en voyant comment ont été traités et sont encore traités un certain nombre de dossiers bancaires en Europe. Le dernier en date, débuté en 2008, est en cours de règlement sur la base d’un procédé de type bridge bank. Il s’agit de Hypo Real Estate, qui est l’un des acteurs majeurs de l’immobilier en Allemagne. On trouve des cas similaires en Suède, au Danemark, donc pas uniquement dans les pays du « Club Med », comme le disait élégamment M. Tietmeyer.

M. Alain Marc. Comme vous l’avez fait, il faut positionner à nouveau le CIF dans le paysage bancaire mais aussi économique. Cette banque permettait à des ménages à revenu peu élevé – de 2,5 à 3 SMIC – d’accéder à la propriété par l’octroi de prêts sur une durée pouvant aller jusqu’à vingt-cinq ans, et surtout en ne demandant pas un apport personnel très élevé. Pour le président que je suis d’une entreprise sociale pour l’habitat (ESH) qui produit des programmes d’accession sociale dans des petites villes, c’était extrêmement important.

Aujourd’hui, outre l’aspect social non négligeable des 2 500 salariés en danger, se posent divers problèmes. Ainsi, la SACICAP dans laquelle je suis administrateur recevait des dividendes qui servaient aux missions sociales. Pour l’Aveyron, par exemple, 800 000 euros permettaient chaque année à des familles d’améliorer leur logement et étaient reversés dans l’économie du département. Que vont devenir ces missions sociales avec la disparition du CIF, même si celui-ci se transforme et s’adosse à une banque ?

Si Mme la ministre a bien affirmé la volonté de produire du logement social, elle avait tout de même botté en touche lorsque j’avais évoqué la disparition programmée du CIF. Aujourd’hui, le Gouvernement s’attache à ce que les prêts sociaux puissent perdurer sous forme probablement d’adossement à des banques, et notamment à la Banque postale. Sachant que les banquiers traditionnels ne prêtent que s’il y a un apport personnel conséquent, nous sommes inquiets de savoir si ces prêts seront octroyés aux mêmes conditions d’apport et de durée. Aujourd’hui, il y a urgence. Nous avons besoin de produire des logements que des gens puissent acheter, mais nous n’avons plus d’outil pour le faire.

M. Jean-Luc Laurent. L’article 66 du projet de loi de finances a été l’occasion pour la représentation nationale d’exprimer sa préoccupation vis-à-vis de la situation du Crédit immobilier de France. Nous avons vu que l’État apportait sa garantie pour préserver le CIF en l’état et pour laisser le temps de rechercher des solutions permettant de pérenniser la vocation de cet organisme de favoriser l’accession sociale à la propriété. De nombreux collègues ont interpellé le Gouvernement et le ministre de l’économie et des finances sur l’avenir du CIF sous trois aspects : les salariés, l’activité de crédit d’accession sociale, voire très sociale, à la propriété, l’éventualité d’une structure décentralisée. Pour ma part, j’ajoute qu’elle pourrait agir en lien avec le mouvement HLM, dans le cadre d’une économie sociale et solidaire.

Si la garantie a été votée à l’unanimité, nous restons, les uns et les autres, sur notre faim, y compris avec les précisions que vous venez d’apporter, monsieur Bouvard. L’adossement simple semble impossible, le ministère de l’économie et des finances a un avis catégorique sur ce point, au regard de la législation européenne et après le refus de la Banque postale, dont le président a été interrogé ici même. Cette appréciation est-elle trop catégorique ? La mobilisation des fonds d’épargne est-elle possible ? La démarche utilisée pour le Crédit foncier peut-elle constituer une piste pour le CIF et des enseignements positifs peuvent-ils en être tirés ?

Le Gouvernement n’est pas le fossoyeur du CIF. Il a bien réagi en décidant, à la fin de l’été, d’apporter la garantie de l’État, mais ce serait la gâcher que de refuser d’explorer des pistes de poursuite ou de reconstitution de l’activité du CIF sous une forme ou sous une autre. Cela implique-t-il un recentrage exclusif sur le très social ? Les contours de l’appellation « accession sociale » me semblent assez flous. Est-il possible de la définir très concrètement de manière à ne pas réserver les financements aux ménages présentant le plus de garanties ?

Les solutions doivent être apportées rapidement. Au regard des deux scénarios que vous avez évoqués à l’instant, pouvez-vous nous préciser un calendrier permettant d’aboutir vite puisque le temps est compté ?

M. Thierry Benoit. Le remboursement évoqué des dossiers en cours entraînera-t-il inévitablement de facto la disparition prochaine du Crédit immobilier de France ?

Pourriez-vous nous donner des informations précises sur le nombre de dossiers en cours et sur le pourcentage de dossiers litigieux ? On parle de 33 milliards d’euros d’encours de prêts mais, selon les spécialistes, ce n’est pas une situation de sinistre puisque ces 33 milliards constituent des ressources financées et sans déficit. Les valeurs actualisées des actifs et des passifs révèlent même une bonification qui, dans les hypothèses les plus pessimistes, dégagerait au moins un milliard d’euros. La situation, si elle est compliquée, n’est pas comparable à celle qu’a pu connaître le Crédit lyonnais puisque des actifs sur vingt ans sont ici adossés à un passif sur dix ans. Vous dites pouvoir isoler ces 33 milliards dans une structure de cantonnement qui non seulement ne coûterait rien à l’État, mais pourrait lui rapporter un à deux milliards d’euros dans les dix ans qui viennent.

Le groupe UDI se prononce clairement pour le maintien du cœur de métier du Crédit immobilier de France, c’est-à-dire la fourniture de prêts permettant l’accession sociale à la propriété. Monsieur le président-directeur général, quelle est la nature de vos travaux et des échanges que vous avez avec le Gouvernement ? Une solution durable telle que celle trouvée pour Pétroplus et la banque Peugeot vous semble-t-elle possible, compte tenu de la situation, et sans compter les atouts que constituent votre personnalité et votre parcours ? Logiquement, dans un temps court, nous devrions avoir des perspectives.

Un nouveau plan social est-il envisagé à court ou moyen terme ?

M. André Chassaigne. Le Crédit immobilier de France représentait 15 % des crédits en accession sociale, c’est dire le poids de l’institution en matière sociale. Il est une autre réalité sociale qu’on ne peut pas occulter, ce sont les 2 500 emplois du CIF. Ces deux constats peuvent expliquer que nous ayons été très nombreux, quelle que soit notre sensibilité politique, à dire que nous ne pouvions pas souscrire à la décision d’imposer l’extinction de cette petite banque spécialisée dans le crédit immobilier aux ménages modestes.

Je tire deux leçons de votre intervention. La première, c’est que le modèle économique de cet organisme était complètement dépendant des marchés. C’est à la suite de la dégradation par Moody’s cet été que le Crédit immobilier de France, qui était en bonne santé dans les années précédentes, avec même un résultat excédentaire de 78 millions d’euros en 2011, s’est retrouvé dans la spirale de la dégradation et de l’extinction. Cela semble devoir être une règle pour un modèle économique dépendant uniquement des marchés. La deuxième leçon à tirer, c’est qu’il faut se méfier des appréciations hâtives selon lesquelles la garantie de l’État entraînant de fait l’intervention des règles communautaires en matière de libre concurrence, il faut aller vers l’extinction. Or, il apparaît aujourd’hui qu’il n’y a pas de blocage absolu et que, dans le cadre de négociations communautaires, il y a toujours possibilité d’ouvrir des chemins que bien souvent on ferme a priori.

Sur les deux hypothèses que vous avez présentées, y en a-t-il une qui donne plus de garanties en nombre d’emplois sauvegardés ? Y en a-t-il une qui garantit davantage l’accession sociale à la propriété pour des familles modestes ? Pensez-vous que le Crédit immobilier de France aurait pu être intégré dans une conception plus élargie de la Banque populaire d’investissement allant vers un pôle public financier qui porterait sur des missions plus larges, ou était-ce, a priori, tache impossible ?

Mme Michèle Bonneton. Cette nuit, nous avons voté la loi relative à la libération du foncier ainsi que l’élargissement de la loi SRU, expression de la volonté du Gouvernement et des parlementaires d’augmenter le nombre de logements sociaux en France. Dans ce contexte, le devenir du Crédit immobilier de France est tout à fait fondamental.

L’importance de cet organisme dans l’accession à la propriété pour les ménages modestes a été très bien dite. Aussi, le groupe écologiste regrette-t-il l’interdiction faite au Crédit immobilier de France d’accorder de nouveaux prêts, ce qui va conduire à son extinction, alors même que l’Union européenne aurait très bien pu accorder un délai, comme elle l’a déjà fait. Cet établissement sain avait là une marge de manœuvre.

Il faut absolument trouver une solution pour répondre à tous ceux qui, ayant de faibles moyens, souhaitent accéder à la propriété, pour ces personnes elles-mêmes, pour notre objectif de loger au mieux les plus mal lotis, pour garder les compétences qui existent au sein du Crédit immobilier de France et son réseau, ainsi que pour l’emploi puisque 2 500 emplois directs sont concernés et environ 35 000 emplois induits, aussi bien dans le bâtiment que dans les métiers liés au logement. Pour toutes ces raisons, lors de la discussion sur l’avenir du Crédit immobilier de France, notre groupe a proposé un amendement demandant que soit accordée, en plus de la garantie de l’État, une première période de six mois à l’issue de laquelle le Gouvernement aurait remis au Parlement un rapport sur les solutions alternatives à l’extinction du Crédit immobilier de France. Nous regrettons que cet amendement n’ait pas été adopté.

En cette période de crise économique, où il est indispensable de construire de nouveaux logements, ne serait-il pas préférable de rechercher les moyens de maintenir le CIF ? Plutôt que d’aller vers son extinction, ne faudrait-il pas l’adosser à un partenaire, organisme adéquat ou banque, et avec quelles contraintes ? Quel peut être le rôle de la Caisse des dépôts et consignations, qui intervient déjà largement dans le domaine social ? À coté de la Banque publique d’investissement, n’est-il pas temps de mettre en place une banque publique du logement ? Pour résumer, quelles solutions réalistes peut-on trouver pour créer un organisme ayant les mêmes fonctions que le CIF sans jamais en connaître les mêmes problèmes ?

Mme Jeanine Dubie. Indéniablement, le Crédit immobilier de France joue un rôle social très fort. Sa clientèle à la fois de primo-accédants et de ménages à revenus modestes ou sans patrimoine trouve aujourd’hui très difficilement un financement auprès des autres établissements. C’est donc toute une population qui sera, demain, empêchée d’accéder à des prêts à cause des critères trop restrictifs et pénalisants imposés par les banques.

Les conséquences sont également lourdes sur le plan économique, en termes de disparition d’emplois et d’offre de logements, puisque l’accession à la propriété en est un régulateur essentiel. Nombre de vos salariés inondent nos boîtes mail d’appels au secours pour sauver leurs emplois et leurs savoir-faire.

L’extinction du CIF aurait, enfin, une conséquence plutôt politique, avec le sentiment d’abandon ressenti par les classes moyennes, qui en viennent à douter d’une république qui ne leur permet plus de réaliser le projet majeur de leur vie d’accéder à la propriété.

Même si nous comprenons les contraintes imposées par la garantie d’emprunt, un outil de substitution du type du CIF pourrait-il être mis en œuvre dans les prochains mois ?

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Je veux d’abord remercier ceux qui sont intervenus sur l’article 66 du projet de loi de finances. Le Gouvernement a eu le courage de rouvrir le dossier, prenant le risque de se mettre en difficulté et ne se contentant pas d’invoquer l’héritage.

M. Alain Marc a attiré l’attention sur l’intervention du CIF dans les petites villes de province : 50 % de l’activité en zone C et une grosse partie des autres 50 % en zone B2.

Dans la situation actuelle, les cinquante-six SACICAP sont techniquement parlant rincées, c’est-à-dire qu’elles n’ont droit à aucun retour. C’est le protocole qui avait été proposé au précédent conseil d’administration et à la précédente équipe dirigeante, qui avait été refusé. Ce fut d’ailleurs l’une des causes au fait que la Commission n’ait pas donné suite à la pré-notification de garantie. Si nous avons à retravailler sur cette question, le point le plus dur du droit communautaire porte sur une éventuelle récupération des actionnaires dans un cadre de ce type.

M. Jean-Luc Laurent a eu raison de rappeler que la garantie était obligatoire, sachant qu’une garantie pour six mois aurait été catastrophique en raison de la principale menace que représente pour nous la position de Moody’s. Nous avons été dégradés pour la deuxième fois il y a quinze jours. Aujourd’hui, une nouvelle dégradation ferait passer le CIF dans la catégorie P3, ce qui empêcherait les refinancements internes et conduirait à la mise en liquidation immédiate de l’établissement. Tout signal fragilisant la garantie de l’État ou la limitant dans la durée constitue ainsi un problème. Nous avons un premier gap de liquidité, autour de 1,3 milliard, au premier trimestre de 2013, mais aussi un deuxième, autour de 4 milliards, celui-là à échéance de trois ans. Une garantie limitée à six mois ne ferait donc pas l’affaire.

Le calendrier est très resserré pour deux raisons. La première, c’est qu’on ne peut pas maintenir d’incertitude au regard de l’agence de notation. La deuxième, c’est qu’une grande partie des personnels est composée de commerciaux dont l’activité est arrêtée, partiellement voire intégralement, depuis le 30 juin. Le CIF est aujourd’hui sous ce qu’on appelle ELA « Emergency Liquidity Assistance ». Il se refinance à la Banque centrale européenne et par la Banque centrale. Il doit apporter des gages en contrepartie mais, de ce fait, sa production est soumise à un encadrement quantitatif. Sous l’ELA, on ne peut pas bénéficier d’un refinancement Banque centrale pour accroître le volume des encours. Il y a également un encadrement qualitatif, qui est la préfiguration de la future directive européenne : on ne peut pas prêter à moins de 20 % d’apport personnel, à plus de 33 % d’endettement et sur plus de vingt ans. C’est ainsi qu’on aura tué 90 % de la production du CIF, et cela peut être aussi le tableau, demain, pour les établissements bancaires, soit intégralement soit partiellement, en fonction de l’aboutissement de la discussion sur la directive « Liikanen ».

L’adossement simple n’est pas possible parce que c’est la reprise du stock. Il faut plutôt envisager l’adossement d’un CIF recentré avec un canton qui garderait 5 milliards de bilan sur 35, soit à peu près un septième, ou l’adossement d’une nouvelle structure créée ex nihilo. À notre idée, le fonds d’épargne doit être mobilisé pour la reprise de production, soit par un canton soit par une structure créée ex nihilo, avec un objectif cible entre 4 et 5 milliards, sachant que la première année, la production sera vraisemblablement inférieure à 2 milliards. Il n’y a pas d’anomalie à ce que le fonds d’épargne finance l’accession sociale à la propriété – c’est l’ancien président de la Caisse des dépôts et consignations qui parle – puisque, sous le régime de la loi Minjoz, il en a été le financeur pendant trois quarts de siècle, de 1902 à 1977, jusqu’à la modification des règles de financement de l’accession sociale à la propriété avec le PAP. Peut-il le faire au regard de ses disponibilités ? Oui, parce que, en cette période de crise, les gens ont tendance à faire de l’épargne de précaution. De surcroît, la décision du Gouvernement de remonter le plafond des livrets a favorisé l’accroissement des dépôts sur le fonds d’épargne.

J’ajoute que c’est le ministre de l’économie et des finances, qui détermine les emplois du fonds d’épargne. S’il décidait que celui-ci était à nouveau utilisable pour le financement de l’accession sociale à la propriété, il pourrait le faire sans généraliser à tous les établissements bancaires, en visant précisément une catégorie de prêts dans une logique d’intérêt économique général. La Banque postale y trouverait son compte puisque, n’en ayant pas l’emploi, elle n’utilise pas actuellement les 35 % auxquels elle a droit dans la clé de répartition entre ce qui est centralisé à la Caisse et ce que peuvent garder les établissements bancaires. Cette part est donc recentralisée au fonds d’épargne à la Caisse des dépôts et consignations, mais dans des conditions financièrement pas intéressantes, puisque ces fonds doivent être disponibles immédiatement en cas de besoin de la Banque postale. Nous avons un débat avec le Trésor pour savoir si, dans ce cas, une garantie de l’État est nécessaire ou pas, et si elle poserait un problème de droit communautaire, d’où l’approche de service d’intérêt économique général (SIEG) que nous avons mise en avant. Pour justifier un SIEG, il faut une défaillance de marché constatée, même peu importante. Selon la jurisprudence européenne, une défaillance sur 10 % du marché suffit à considérer qu’un service d’intérêt économique général est opportun.

M. Thierry Benoit, les dossiers qui restent en cours seront traités soit dans la structure qui sera mise en run off, soit dans le cadre du canton, mais avec une gestion unifiée. Si nous allions vers une disparition totale du CIF, ce que personne ne souhaite, il serait extrêmement important de garder, dans les équipes qui auront à gérer le run off, l’expertise des sociétés de financement régionales dans le traitement des clientèles emprunteuses, parce que c’est ce savoir-faire qui sécurise le dispositif de sortie et le boni de liquidation. L’autorité de contrôle prudentiel (ACP) a été très claire sur ce point. Cela veut dire, a contrario, que dans une logique de run off où les gens, sachant qu’ils vont perdre leur emploi, sont susceptibles d’en accepter un ailleurs, il y a un risque de perte de savoir-faire et donc de fragilisation du boni de liquidation. Le run off intégral, c’est la fragilisation du boni de liquidation.

Pour ce qui est du calendrier, nous avons besoin de clarifier les choses. L’activité des commerciaux est maintenant arrêtée ; la nouvelle gouvernance est au travail depuis un peu plus d’un mois ; nous avons, lundi, un rendez-vous à l’Élysée, dont j’ai souhaité qu’il puisse être conclusif soit sur le run off, soit sur l’ouverture d’une option. Dès lors qu’une option aura été ouverte, le collège de l’ACP pourra se réunir pour autoriser, en début d’année, une reprise de la production, dans le cadre d’un périmètre d’activité encadré d’un nouveau CIF.

Des questions m’ont été posées, notamment par M. André Chassaigne, sur le volet social, qui est important. Le pôle bancaire compte aujourd’hui 2 500 emplois, dont 500 dans des structures sans lien avec le cœur de métier – Banque patrimoine et immobilier, Assurances et conseils, SOFIAP, filiale commune avec la SNCF qui apporte sa garantie pour les prêts consentis aux cheminots, toutes structures qui peuvent sortir du périmètre et être reprises en bloc sans qu’il y ait besoin de plan social. Sur les 2 000 emplois restant sur l’activité des sociétés de financement régionales et du siège, 300 sont nécessaires pour gérer le run off. La question est de savoir, en fonction des options qui seront retenues, combien il en restera dans le réseau et dans les société de financement régionales (SFR). Je reste prudent, car, aujourd’hui, aucun schéma n’est prêt. D’ailleurs, s’il y en avait un, nous serions tenus de le présenter aux organisations syndicales et aux représentants du personnel. Dans le pire des cas, nous pourrions sauver la moitié des emplois, et dans le meilleur des cas, les deux tiers. Cela dépendra du périmètre d’activité, sachant que les sociétés de financement régionales devront être fusionnées. Nous ne pouvons pas continuer avec une structure d’une telle complexité, dont, pour être franc, j’ai acquis la conviction que la construction obéissait plus à la volonté de concentrer le pouvoir en un seul endroit qu’à des raisons pratiques.

Il est important de ne pas s’autocensurer vis-à-vis de Bruxelles. Certes, les règles communautaires sont dures et impliquent de mener de difficiles combats. Je comprends aussi qu’après le cauchemar de Dexia, le Trésor n’ait pas envie de se lancer à nouveau dans un dossier compliqué. Mais je pense qu’il faut porter les dossiers suffisamment en amont plutôt que d’attendre d’avoir fermé le dernier bouton de guêtre. On peut aller tester des solutions à Bruxelles. C’est pourquoi, lundi prochain, nous proposerons de retenir une option de continuité avec une structure ex nihilo, mais de regarder tout de même s’il y a une voie possible pour une option bridge bank à Bruxelles.

Pour ce qui est de la sauvegarde des emplois, hormis le run off, je pense que chaque solution offre des proportions à peu près comparables.

J’en viens aux interrogations sur la Banque postale qui doit faire partie des solutions. Quand Philippe Wahl a refusé de prendre le stock, je pense qu’il défendait une position légitime du point de vue de la Banque postale, au regard du volume des encours et du gap de liquidité. Dès lors qu’il s’agit d’une solution d’adossement d’une structure recentrée qui ne porte pas le stock, la Banque postale doit être au rendez-vous. Je suis profondément convaincu qu’elle ne sait pas faire ce métier très spécifique. Si elle veut l’exercer avec son réseau actuel, elle va se fragiliser : en prenant des dossiers qu’elle connaît mal, sans avoir les outils adéquats pour traiter des clientèles fragiles, elle va prendre des risques. Comme la Banque postale est bien gérée, elle ne voudra pas prendre de risques. Si elle ne reprend pas l’outil, elle n’interviendra que sur le champ le plus sécurisé. Elle fera du PAS (prêt à l’accession sociale), mais d’abord à sa propre clientèle, pas à celle qui venait au CIF, et elle le fera dans le haut du segment, pas dans le bas, considérant qu’il est plus fragile. À l’arrivée, nous aurions, et je suis prêt à prendre date, le scénario suivant, que je ne souhaite pas : dans un à deux ans, on s’apercevra que le champ qui était couvert par le CIF ne l’est plus, et la Banque postale, qui est très bonne dans la distribution de produits, demandera la création d’un nouveau produit destiné à ses clientèles et qui aura un coût budgétaire. En d’autres termes, si l’on casse l’outil qui permet aujourd’hui au CIF d’agir sans coût pour l’État, il faudra, pour répondre aux objectifs de la politique du logement en matière d’accession à la propriété, en recréer un qui aura, celui-là, un coût budgétaire.

Là où je suis maintenant, j’essaie de ne plus faire de politique. Seulement, cette matière a des implications politiques. Au cours de la campagne présidentielle, on a vu émerger toute une catégorie de population exprimant un sentiment d’abandon et la peur du déclassement. Une partie des jeunes et des habitants des zones suburbaines considèrent qu’on ne fait rien pour eux qui travaillent. L’une des aspirations de cette population est de se sécuriser en accédant à la propriété. Si nous ne répondons pas à leurs attentes, nous allons faire basculer une part encore plus importante de la population dans le vote extrémiste, créer des réflexes de « petit blanc » et alimenter la machine de Mme Le Pen. J’en suis profondément convaincu et c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’ai répondu à l’appel du conseil d’administration du CIF, sachant pourtant qu’il y avait plus de coups à prendre que de remerciements à recevoir. C’est là un enjeu social qui dépasse les considérations économiques. Il ne s’agit pas de subprimes parce que la clientèle est connue et identifiée, que la mise en gage donne lieu à visite des biens. Le marché n’est pas spéculatif, on sait ce qu’on achète. Chaque bien acheté, 50 % dans l’ancien et 50 % dans le neuf, est visité par les équipes du CIF qui connaissent le métier. C’est là le savoir-faire qu’il faut maintenir.

M. le président François Brottes. Je savais qu’avec vous, monsieur le président-directeur général, nous ne serions pas déçus tant en matière de contenu que de non-pratique de la langue de bois.

M. Daniel Fasquelle. Avec 2 % d’impayés, des prêts sur vingt-cinq et surtout la possibilité pour les Français qui le souhaitent d’accéder à la propriété, le Crédit immobilier de France est un outil à préserver. Sa situation n’a rien à voir avec celle de Dexia, il n’a absolument pas connu les mêmes dérives. Il détient une vraie capacité d’expertise et de sérieux.

En même temps qu’il ouvre l’accession à la propriété, le CIF intervient dans la lutte contre le logement insalubre et la précarité énergétique grâce au capital détenu par les SACICAP, qui générait des dividendes. Que va devenir ce capital et comment continuer à faire cohabiter ces deux actions, aussi indispensables aux Français l’une que l’autre ?

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Les missions sociales représentent à peu près 50 millions par an, soit le montant des dividendes payés aux SACICAP actionnaires par CIFD. En tout état de cause, il n’y aura plus de dividende, ou il y aura des dividendes qui devront être mobilisés pour les fonds propres de la nouvelle structure.

Deux hypothèses sont envisageables. La première, mise en avant par l’équipe précédente, préconisait que l’État soit verse du cash soit prenne le relais des missions sociales. Après en avoir discuté avec le nouveau président de l’UES-AP depuis le départ de M. Sadoun, il y a quinze jours, j’ai acquis la conviction que le pôle immobilier est aujourd’hui en capacité de remonter du résultat. Il fait 40 millions de bénéfices, avec deux foyers de perte à 10 millions qui, dès lors qu’ils seront éteints, lui assureront 50 millions de résultat. Mieux structuré, il peut encore remonter à 60 millions. Déjà, des SACICAP financent des missions sociales à partir des résultats du pôle immobilier, notamment en Alsace. Il s’agit donc de faire assurer la jointure pendant deux à trois ans par l’État pour dégager les moyens de financer les missions sociales.

Que reste-t-il aux SACICAP à l’arrivée ? Au mieux, elles pourront, sur le boni de liquidation, si l’État le décide, récupérer la valeur de leurs apports. Je ne vois pas d’autre solution aujourd’hui, et cela suppose qu’on l’obtienne de Bruxelles.

Mme Frédérique Massat. S’agissant des SACICAP, nous avons été très sollicités par les territoires, ceux de montagne en particulier, qui nourrissent sur le sujet une grande angoisse. Malheureusement, vous n’avez pas laissé entendre qu’il y aurait une solution pérenne. Si l’on ajoute les 2 500 salariés aux 300 agences et 9 sociétés financières régionales, cela en fait des hommes et des femmes angoissés sur les territoires. Permettez-moi de saluer l’esprit de responsabilité de l’intersyndicale des salariés qui, dès le début, a noué le dialogue avec le Gouvernement puis avec vous-même maintenant.

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Le sens des responsabilités des salariés mérite, en effet, d’être salué.

Fusionner les SFR, ce n’est pas faire disparaître l’ancrage territorial, qui est indispensable. Le réseau des agences devra peut-être être remanié mais il ne faut pas que ce soit au détriment de territoires non couverts. Au vu des cartographies, le réseau du Crédit foncier est plutôt urbain alors que celui du CIF est plutôt rural. Il faudra vérifier le périmètre des agences, même si ce n’est pas là-dessus que devra porter l’effort. Cela dit, dès lors que nous serons revenus à des métiers recentrés, il faudra moins de monde pour les exercer.

Il y a aujourd’hui 56 SACICAP aujourd’hui contre 200 il y a une vingtaine d’années. Certaines n’ont pas d’activité immobilière, seulement bancaire. Dès lors que l’activité bancaire sera restructurée, ces SACICAP devront envisager de se regrouper avec d’autres. En fait, quelques SACICAP, identifiées, ont un problème : certaines ont emprunté pour payer le prélèvement de 600 millions opéré en 2006 ; d’autres, qui n’ont pas d’autres ressources que les dividendes, vont se retrouver en grande difficulté. Elles sont tout de même en minorité. La première argumentation développée pour demander le sauvetage du CIF consistait à agiter la menace de la mort du pôle immobilier et des missions sociales. La vérité, aujourd’hui, c’est qu’avec un pôle immobilier mieux organisé, il est possible, pendant deux ou trois ans, de prendre le relais des missions sociales. Quant à la fragilisation du pôle immobilier, avec une capitalisation consolidée aujourd’hui à 600 millions, il est à un niveau suffisant pour porter l’activité immobilière. Le seul rôle que jouait CIFD était celui de rehausseur de crédit, car, quand les actionnaires du pôle immobilier voulaient emprunter, avec leurs 2,4 milliards de fonds propres, ils ne pouvaient le faire que dans de bonnes conditions.

M. Jean-Claude Mathis. L’association de défense des victimes dans l’affaire Apollonia craint beaucoup que le CIF disparaisse avant que la procédure judiciaire soit complètement terminée. Pouvez-vous la rassurer ?

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Le dossier Apollonia étant porté au bilan de BPI, il devra être traité dans le cadre d’une éventuelle cession de BPI. En tout état de cause, le risque Apollonia devra être traité d’une manière ou d’une autre : il sera porté soit par CIFD, soit par l’éventuel acquéreur de BPI. Comme il y a 2,4 milliards au bilan du CIF, si c’est CIFD qui gardait le risque Apollonia dans le cadre de la cession, les créanciers n’ont pas d’interrogation à avoir quant aux indemnités qui leur seraient dues.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’État s’est engagé à donner sa garantie au CIF afin de permettre de répondre à la demande d’accès au crédit immobilier, et soucieux également de répondre au problème social posé par la situation des 2 500 salariés. Pouvez-vous revenir concrètement sur le fonctionnement de la nouvelle entité telle que vous la voyez, en particulier en matière de financement et de conditions d’accès à l’accession sociale à la propriété pour des primo-accédants à revenus modestes et à faible apport personnel ?

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Nous avons fait faire une étude, parce qu’il n’en existait pas, sur le marché de l’accession sociale à la propriété et du segment qui nous concerne. Nous l’avons transmise hier aux organisations de salariés pour éclairer le futur projet et je propose de vous la faire parvenir ultérieurement.

Que doit-on garder d’avant et que doit-on faire différemment ? Ce qui doit être conservé, ce sont les conditions d’accompagnement des primo-accédants et le cœur de métier, qui doit même être retrouvé. Cela dépendra du choix des autorités publiques. Dans une logique de SIEG, nous pensons qu’il faut prêter à des gens ayant des revenus inférieurs à 3 SMIC et moins de 5 % d’apport personnel, que ces prêts doivent pouvoir durer jusqu’à vingt-cinq ans. Quant à ce qui doit différer, c’est principalement la fragilité de refinancement. D’où l’idée d’utiliser le fonds d’épargne en amorçage puis de créer une société émettant des obligations habitat qui auront vocation à couvrir à peu près 60 % du financement, le reste étant financé en down secured sur le marché. Pour éviter d’être à nouveau victimes d’un credit crunch sur la liquidité, le fonds d’épargne apporterait une sécurisation en jouant un rôle dit de back up, c’est-à-dire qu’il interviendrait en cas d’impossibilité de se refinancer. Toutefois, le problème aujourd’hui avec le fonds d’épargne est que sa ressource coûte un peu cher, compte tenu de la rémunération du livret A et de ce qui est encore versé en rémunération au réseau. Je ne vais pas me rendre populaire en disant cela, mais si l’on pouvait gratter encore dix centimes, ce serait pas mal.

M. Philippe Armand Martin. Depuis 2008, les SACICAP ont consacré à l’aide sociale en matière de logement 150 millions d’euros qui ont eux-mêmes engendré 662 millions de travaux. Je m’inquiète pour l’avenir du CIF et pour celui de ses salariés. M. Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France que nous avons auditionné, a évoqué une possibilité de reprise des agences du CIF par des banques. Qu’en pensez-vous ?

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Pour bien repréciser les choses, les SACICAP sont actionnaires. Je me battrai pour qu’elles connaissent un retour à meilleure fortune, ce qui serait justifié au regard de la mise de fonds qu’elles ont faite. Mais le sujet central est tout de même le devenir de l’outil, celui des salariés et le maintien du volet de l’accession sociale à la propriété. Les SACICAP ont un double intérêt dans cette affaire : outre sauvegarder une partie du capital qu’elles ont placé, c’est de faire en sorte que cet « écosystème » continue à fonctionner. Tout comme ce sera leur intérêt, en cas de plans sociaux, de ne pas se retrouver avec des obligations de reclassement dans la partie du pôle immobilier.

S’agissant des emplois, je lis, comme vous, les déclarations : la Banque postale a proposé de reprendre 200 personnes ; François Pérol, le président de PBCE, a indiqué que les dossiers des salariés du CIF qui le demanderaient seraient étudiés. La vérité, c’est que, aujourd’hui, les établissements bancaires ne sont pas en phase d’augmentation de leurs effectifs, certains ont même déjà mis en place des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Il est donc totalement illusoire de croire que les établissements bancaires généralement quelconques vont pouvoir reprendre les salariés du CIF, alors que les 500 de Dexia sont déjà au tapis. Pour sauvegarder les emplois, il faut définir un modèle économique viable, un modèle qui ne serait pas fragilisé parce qu’on aurait voulu garder trop d’emplois. Sans un outil dédié, qui peut être filialisé, adossé sur une structure, ce sera le minimum minimorum, les emplois seront dispersés, l’entité atomisée et le savoir-faire sera perdu.

Mme Béatrice Santais. Comme vous certainement, j’ai été sollicitée par Procivis Savoie qui intervient notamment dans le cadre des offices publics de l’habitat (OPH) sur les travaux de rénovation pour les ménages les plus modestes. Puisque vous avez déjà répondu sur les missions sociales et les SACICAP, je vous interrogerai plutôt sur le profil des victimes de l’opération Apollonia, qui suscite également des inquiétudes dans le quart sud-est.

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Pour être tout à fait honnête, je n’ai pas creusé le dossier Apollonia plus loin que le risque porté par le CIF, simplement parce que je n’en ai pas eu le temps. Je vous propose de vous transmettre une réponse écrite. L’affaire est devant la justice, il faut que les victimes puissent être indemnisées. Voilà une dérive qui n’aura pas lieu d’être dans le cadre d’un CIF recentré sur son cœur de métier. D’ailleurs, nombreux sont, ces dernières années, les exemples de banques qui se sont aventurées hors de leur cœur de métier et pour lesquelles l’aventure s’est mal terminée.

M. Alain Suguenot. Suite à l’affaire Dexia, n’est-il pas à craindre que la Commission européenne, si elle valide la solution alternative proposée, exige le licenciement de tous les personnels de l’ancienne structure et l’embauche de nouvelles équipes pour l’entité nouvellement créée ? Un tel processus est tellement lourd qu’il aboutira, en fin de compte, à réembaucher les salariés tout juste licenciés, ce qui pose un problème de droit assez compliqué.

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. La question est tout à fait juste. Dans une démarche de SIEG, on est dans une logique de subsidiarité où les problèmes concurrentiels n’ont plus vocation à être traités, dès lors qu’ont été constatés une défaillance partielle de marché et le besoin d’un outil spécifique. Dans ce cas, le problème est réglé. Sinon, il faudra engager avec la Commission une négociation dont on sait qu’elle sera difficile.

Pour satisfaire Bruxelles, il faut une discontinuité. Un CIF recentré, c’est de la discontinuité par rapport à ce qui se fait aujourd’hui. Toutefois, pour ne pas perdre l’expertise et les savoir-faire, il faut tout de même conserver une certaine forme de continuité. Nous nous efforçons de naviguer entre ces deux écueils, en consultant des avocats, en regardant ici ou là. En tout cas les propositions méritent que le Gouvernement les teste auprès de la Commission, notamment l’hypothèse bridge bank où la distinction entre continuité et discontinuité est la plus étroite.

Nous avons discuté avec l’autorité de contrôle prudentiel, dont je veux saluer la grande responsabilité sur ce dossier. Les positions qu’a prises cette autorité ont pu être discutées, mais elles étaient justifiées et l’absence de dialogue qu’il a pu y avoir à un certain moment incombait plutôt à la précédente équipe dirigeante. Selon l’ACP, l’hypothèse bridge bank n’est pas impossible, mais nécessite une négociation compliquée avec Bruxelles. On ne peut pas se permettre d’engager une discussion qui échouera au bout de six mois. Mieux vaut procéder par tests, en ayant une hypothèse de repli, celle de la construction d’une nouvelle structure. Selon moi, celle-ci devrait être adossée à la Banque postale et avoir un actionnariat qui ne soit pas seulement celui de la Banque postale de manière à ne pas charger celle-ci de la totalité des risques et à créer une émulation au sein de l’équipe. Ce serait, pour la Banque postale, un moyen de disposer des savoir-faire si elle devait remplir cette mission.

Si la discussion avec Bruxelles n’aboutissait pas, je n’en ferais pas le reproche au Gouvernement, car il a eu le mérite de rouvrir le dossier et il faut lui en donner acte.

M. Henri Jibrayel. Je crains, si Bruxelles acceptait le projet, qu’elle ne vous impose de licencier les équipes actuelles pour en embaucher de nouvelles. Partagez-vous cette crainte ?

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Dans le schéma bridge bank, on démarre avec un canton qui porte la nouvelle activité, un canton analytique qui sortira à un moment. Mais les équipes sont les mêmes. Dans le cas d’Hypo Real Estate que je citais tout à l’heure, aucune contrainte n’a concerné les personnels parce que le découpage est fait non seulement sur le bilan mais aussi sur les personnels, entre ceux qui resteront dans la structure en run off et ceux qui seront dédiés à la nouvelle activité. C’est pourquoi ce schéma nous intéresse. Dans le cas d’une structure ex nihilo, si l’on considère qu’il y a une problématique de concurrence, on court effectivement le risque de devoir licencier et de réembaucher. Nous nous inscrivons dans une logique de SIEG pour échapper à cette contrainte.

M. le président François Brottes. Quelle est la définition du canton ?

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Il s’agit d’une partie de l’activité globale qui est identifiée de manière analytique au bilan, en termes d’actif, de passif, de stock, de personnels. Le terme de canton est impropre, il est vrai, je l’emploie ici à défaut car je n’en ai pas trouvé de meilleur. Il n’a pas le même sens que la structure de défaisance créée pour le Crédit lyonnais. Il n’y a pas de bad bank, mais des actifs qui ont une valeur avec un boni de liquidation à la sortie.

Mme Audrey Linkenheld. Je reviens sur la chaîne promotion-banque-mission sociale. Dans les grandes agglomérations aussi on fait de l’accession à la propriété pour permettre aux familles de se loger en ville autrement qu’en logement social. On y arrive grâce aux SACICAP, Procivis Nord chez nous, parce qu’on sait que les accédants vont avoir un prêt qu’ils n’obtiendraient pas ailleurs. Selon moi, la disparition du CIF risque quand même d’avoir des conséquences sur le pôle immobilier, même si celui-ci est financièrement solide. Mais la solidité financière est une chose, la garantie que les futurs accédants auront un prêt en est une autre, et je suis toujours inquiète à ce sujet.

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Il est vrai que Procivis Nord est un exemple. Sur le cœur d’activité d’accession sociale à la propriété, c’est sans doute Procivis Nord qui a été le plus loin et qui a le plus d’expertise. Il est normal que ce soit en zone urbaine compte tenu de la structure géographique et démographique du Nord.

Paradoxalement, la plupart des clients du pôle immobilier du CIF n’ont pas emprunté principalement au pôle bancaire du CIF. C’est un aspect très important à défendre auprès de Bruxelles, car cela veut dire qu’il n’y a pas d’aide indirecte. Au niveau national, la proportion d’accédants qui se financent auprès du pôle bancaire du CIF dans le cadre d’une opération de promotion portée par le pôle immobilier est inférieure à ce qu’elle est pour les autres promoteurs. De ce point de vue, le Nord est dans une situation atypique. Il y a des interactions parce que le pôle bancaire fait aussi du crédit promoteur, et on en a vu les dérapages avec l’affaire Apollonia. Il joue aussi un rôle d’apporteur de clients à des petites structures de production de maisons individuelles, ce qui représente, pour certaines d’entre elles, 20 à 30 % de leur activité. Il est vrai qu’une disparition du CIF fragiliserait ces petits constructeurs, qui font partie des emplois indirects menacés.

S’agissant des missions sociales, il me semble incontournable que l’État assure la jointure pendant deux ou trois ans, mais la vérité m’oblige à dire que le pôle immobilier, dans la durée, doit être capable de les financer. Je ne vais pas me faire que des amis dans les SACICAP en disant cela, mais c’est le constat que je tire au vu des chiffres. À un moment, il faut être réaliste, surtout dans une période où l’État lui-même est fortement contraint sur le plan budgétaire – 50 millions par an, ce n’est pas neutre. L’important, c’est de préserver les missions sociales, qui sont essentielles pour leur apport et leur savoir-faire, de même que dans l’ajustement territorial puisqu’elles ne sont pas les mêmes d’un territoire à l’autre. Elles sont parfaitement adaptées aux besoins locaux, de la résorption de l’habitat insalubre dans le Nord à la construction de lotissements dans des petites communes, comme on le fait chez Frédérique Massat, en passant par l’aide à un accédant en difficulté.

M. Philippe Kemel. Vous avez parfaitement décrit combien la logique du système bancaire de marché est tout à fait incompatible avec les missions sociales, et combien elle est porteuse de difficultés pour les salariés et les usagers. Vous cherchez à reconstruire le modèle économique d’avant les années soixante-dix, qui articule les missions sociales sur des fonds d’épargne, et cela avec l’accord de Bruxelles.

Il y aurait peut-être moyen d’enfoncer un coin dans la rigueur de Bruxelles en faisant valoir la légitimité de la Banque de France, précisément parce qu’il s’agit de missions sociales, à intervenir en arrière du fonds d’épargne pour gérer les questions de liquidité. Cela montrerait en quoi les banques centrales peuvent jouer, en lien avec la BCE, un rôle particulier. D’ailleurs, M. Mario Draghi l’a déjà accepté, notamment pour permettre aux banques centrales des nations de racheter éventuellement des fonds d’emprunt. Pourquoi ne pas en profiter pour concevoir une forme de gestion de liquidités ?

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. L’idée est séduisante, malheureusement, le temps est compté et nous n’en disposons pas pour ouvrir des débats sur des sujets de fond. C’est maintenant qu’il faut trouver des solutions ou bien se résoudre au run off parce qu’on ne peut pas laisser les salariés dans l’incertitude pendant encore des mois ni fragiliser les structures qui ont vocation à être cédées.

En fonction des choix qui seront faits, le CIF peut jouer un rôle de consolidateur des politiques de l’habitat. Pour répondre à une précédente question d’André Chassaigne, il existe d’autres outils de politique de l’habitat, comme le 1 % logement, qui sont imparfaits, dont on pourrait mobiliser une partie des liquidités ou avec lesquels établir des synergies. Un champ de réflexion s’ouvre à l’État au regard de la diversité des opérateurs de la politique du logement. Ainsi, un CIF recentré, dans le cadre d’un service d’intérêt économique général, peut jouer un rôle de consolidateur ; certains rapprochements peuvent sans doute être opérés entre différents outils jusqu’à présent juxtaposés et sans réelle synergie entre eux. L’union sociale pour l’habitat (USH) a sans doute des observations à faire valoir également. Au moment où l’on cherche à rationaliser l’État et à le rendre plus performant, il y a là matière à discussion. Le financement peut en faire partie mais, au regard de la mission qu’il a exercée de 1902 à 1977, le fonds d’épargne me paraît plus adapté que la banque centrale.

M. Hervé Pellois. En tant que maire, je veux témoigner du rôle qu’ont joué, sur le terrain, les SACICAP, qui sont très affectées par les difficultés du CIF.

J’aimerais comprendre pourquoi le politique n’arrive pas à imposer au Trésor une position qui permettrait de sortir de cette situation ?

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. C’est un sujet que, pour ne pas envenimer mes relations avec le Trésor, je ne souhaite pas trop développer en réunion ouverte au public.

Je pense que le Trésor est dans son rôle mais, à un moment, les arbitrages doivent intervenir. Son rôle, c’est de sécuriser l’État. Il a considéré qu’existait un risque profond nécessitant de donner la garantie de celui-ci, et il a eu raison. De même, le Gouvernement a eu raison d’en prendre la décision cet été.

Comme il a une vision globale des dossiers qui sont présentés à Bruxelles, il pense sans doute que celui-ci comporte beaucoup d’inconvénients et arrive au plus mauvais moment. Soit. Après, la question est de savoir si l’on considère que les enjeux politique, économique et social de ce dossier justifient qu’on se lance dans un parcours et une discussion avec Bruxelles qui ne seront pas forcément commodes. Ce choix appartient à l’autorité publique.

Quant aux SACICAP, elles sont un modèle très original qui doit être préservé. Si le pôle immobilier contribue déjà à quelques endroits, il n’est pas envisageable qu’il puisse financer les missions sociales du jour au lendemain. Le relais peut sans doute être pris à échéance de deux ou trois ans, c’est pourquoi j’ai parlé de jointure. Mais dire que les missions sociales disparaîtront avec le pôle bancaire, c’était un raccourci un peu facile pour faire pression mais qui ne correspond pas totalement à la réalité.

Pour s’en sortir, il faut dire la vérité sur l’ensemble des volets du dossier. Dire la vérité quand on a la conviction que la Banque postale ne pourra pas faire seule, dire la vérité sur les erreurs de gestion qui ont pu être commises par le passé, et dire la vérité sur l’impossibilité d’en rester au statu quo et la nécessité d’un recentrage. C’est ce que je m’efforce de faire.

M. Thierry Lazaro. J’ai été très attentif à votre volonté et à celle de l’État de préserver un outil indispensable pour bon nombre de nos collectivités et de nos compatriotes. Vous avez un rendez-vous important dans les prochains jours, rien n’est encore fait. Nous ne souhaitons pas, c’est une évidence, la disparition du Crédit immobilier de France, mais il semble que l’on s’oriente vers des changements extrêmement profonds. J’ai bien entendu votre détermination à explorer toutes les pistes sur les volets économiques et sociaux liés aux activités du CIF.

Dans un contexte extrêmement tendu qui pèse sur les épaules de vos collaborateurs, nous sommes nombreux à recevoir des lettres nous faisant part de leur légitime inquiétude. Je vous sais soucieux et je vois les différentes pistes que vous explorez, en particulier celle de la Banque postale. Vous avez eu aussi l’honnêteté de dire que l’heure n’est pas aux embauches pléthoriques, le cas de Dexia en est d’ailleurs l’illustration.

Quelle méthode de discussion avez-vous mise en place avec les salariés du CIF pour explorer toutes les pistes permettant d’éviter une issue difficile, voire dramatique pour certains ?

S’agissant de Procivis Nord, vous avez parlé de l’atypisme du département du Nord et de la région Nord-Pas-de-Calais. Je compte sur le montagnard que vous êtes pour porter un regard et trouver une solution tout aussi atypique au problème.

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Il faut mettre un terme à la période d’incertitude le plus rapidement possible et que les pouvoirs publics prennent des options.

S’agissant du salariat, la structure du CIF est très complexe, avec une quinzaine de comités d’entreprise, l’absence d’unité économique et sociale, et l’existence d’un comité de groupe qui n’a pas toutes les prérogatives attachées à cet organe. À partir de ce comité de groupe, nous essayons de constituer un groupe de travail ad hoc qui aura mandat pour négocier ensuite le volet social qu’il faudra mettre en œuvre. Le comité de groupe ne s’était pas réuni depuis les annonces de cet été. J’ai pris l’initiative de le réunir par trois fois pour que les salariés aient toute l’information possible, ce qui n’est pas toujours facile lorsque les projets ne sont pas finalisés et évoluent tous les jours. Certains documents ont été délivrés cette semaine, et un nouveau comité de groupe se tiendra mercredi prochain. Je suis très soucieux, vis-à-vis des salariés qui vivent dans l’incertitude depuis des mois, de tenir un langage de vérité, d’autant que, détenant les savoir-faire, ils sont la valeur de l’institution. En dehors de quelques systèmes informatiques spécifiques, la valeur du CIF réside dans les salariés et dans la forme originale de son actionnariat.

Mme Brigitte Allain. Le CIF doit en partie sa situation à la dégradation de sa note par une agence de notation. Je m’interroge sur l’impartialité de telles agences. Pensez-vous qu’une agence publique de notation aurait abouti à des conclusions différentes ?

La future loi sur l’organisation bancaire imposera la séparation des activités bancaires traditionnelles et des activités de spéculation. Aurait-elle protégé le CIF ?

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. L’agence de notation a incontestablement joué le rôle d’accélérateur, mais elle a aussi été un révélateur de l’inadéquation entre les ressources et les prêts. Elle n’est pas responsable de la situation ; elle n’a fait que la constater de manière trop brutale. Il y a un problème de fond pour toutes les banques qui ont une activité spécifique sans avoir de dépôts et sans être adossées. Une loi sur la séparation des activités bancaires traditionnelles et des activités d’investissement n’aurait rien changé et ne changera rien s’agissant du CIF. Le problème qui se pose est de savoir comment des établissements bancaires spécialisés sans dépôts pourront poursuivre une activité, pas seulement en France mais en Europe.

Je souhaite profondément que le CIF ne connaisse pas, demain, la même situation que Dexia, dont le dossier est arrivé trop tôt. Quelques semaines après que Dexia a été recapitalisée, que la garantie des États français, belge et luxembourgeois a été donnée, la mécanique de crise s’est enclenchée et la Société des prises de participation de l’État et la Société de financement de l’économie française ont été créées. Ce dispositif ayant été validé par Bruxelles, les autres établissements bancaires n’ont pas été condamnés à disparaître. Pour Dexia, dont l’affaire est sortie avant, le chemin n’a pas été celui-là. De la même manière, je ne voudrais pas qu’on s’aperçoive demain que toutes les banques spécialisées qui n’ont pas de dépôts sont dans une situation atypique et qu’un dispositif communautaire s’impose alors que nous aurions disparu avant.

Mme Jacqueline Maquet. Monsieur le président-directeur général, vous connaissez mieux que quiconque les inquiétudes des salariés du CIF que nous avons reçus dans nos permanences. Dans les différents scénarios de restructuration que vous avez évoqués, vous avez toujours mis en avant les savoir-faire dont ils sont détenteurs. En cette période très difficile, comment les accompagnez-vous au quotidien ?

Le CIF est un acteur très important de l’accession sociale et il a un impact sur l’activité du bâtiment avec 40 000 à 50 000 emplois induits. Quand pensez-vous que des prêts pourront être à nouveau débloqués, sachant que le gel de 2012 aura des répercussions non négligeables sur les emplois, reprise d’activité ou pas ? Quand vos propositions de restructuration vous rendront-elles opérationnels ?

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Si les pouvoirs publics valident la création d’une nouvelle structure ou un processus de bridge bank, c’est un élément nouveau qui permet au collège de l’ACP de se réunir et d’autoriser une reprise de production. Celle-ci devra rester encadrée quantitativement, car, tant que la nouvelle structure ne sera pas autonome et indépendante, on ne pourra pas accroître le volume d’encours. En revanche, on pourra lever l’encadrement qualitatif, c’est-à-dire prêter à nouveau à due concurrence des tombées, sans la contrainte des 20 % d’apport personnel et d’une durée inférieure à vingt ans qui, finalement, condamne tout primo-accédant et tout jeune ménage qui n’ont pas la chance d’avoir des parents fortunés. Si ce feu vert est donné, on peut envisager une reprise de la production au premier trimestre, donc une reprise d’activité pour les commerciaux.

L’accompagnement des salariés est conduit au sein des sociétés financières régionales. Les premiers mois, des actions de formation ont pu être mises en place à la faveur de la baisse d’activité. Aujourd’hui, on arrive au bout du bout et on ne peut plus continuer. Une personne qui n’a plus d’activité est plus fragile mentalement et physiquement, et la situation devient très risquée pour elle comme pour l’ensemble de la société. Voilà pourquoi la période d’incertitude doit maintenant prendre fin.

M. Dino Cinieri. Le CIF peut-il soutenir les offices publics de l’habitat pour permettre l’accession à la propriété des locataires ? Dans la vallée où je suis élu, le revenu moyen par habitant est faible, mais depuis vingt ou trente ans que certains locataires habitent dans le même logement, ils auraient pu en devenir propriétaires.

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Une convention existe avec l’USH ou d’autres organismes pour accompagner des établissements qui vendent des logements sur le parcours d’accession de leurs locataires. En la matière, le CIF détient un savoir-faire et, en se projetant au-delà de cette période difficile, on peut envisager qu’un outil de ce type puisse se voir confier de nouvelles missions, dont celle-là, pour favoriser des politiques nouvelles et développer des politiques d’habitat couvrant une palette plus large.

Mme Marie-Lou Marcel. Je reviens sur le sort des 2 500 salariés. Vous avez évoqué une première hypothèse de développement d’une activité recentrée suivi d’une cession à un repreneur pouvant être la Banque postale associée à des structures support, et une seconde hypothèse qui rencontrerait des obstacles communautaires. Si la Commission validait cette dernière, elle exigerait le licenciement d’une partie des personnels de l’ancienne structure et l’embauche de nouvelles équipes. Voilà un processus bien lourd à gérer, surtout si, au final, on réembauche du personnel qui vient tout juste d’être licencié. La réponse partielle que vous avez donnée à ce sujet contredit quelque peu le début de votre intervention. Pouvez-vous clarifier un peu plus le devenir des salariés du CIF ?

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Sur 2 500 personnes, 500 sont employées dans des filiales qui ont vocation à poursuivre leur activité mais seront peut-être amenées à sortir du groupe. Pour celles-là, hormis quelques ajustements, il n’y aura pas de problème majeur. Sur les 2 000 personnes restant, réparties entre les SFR et les structures siège, celles qui seront affectées à la gestion du run off n’auront pas de problème immédiat, les départs s’effectuant au fur et à mesure de la gestion des dossiers. Le problème majeur se pose dans les SFR mais il ne vient pas forcément de Bruxelles. Dès lors qu’on est sur une activité recentrée, la partie qui était en champ concurrentiel n’a plus lieu d’être. Si BPI sort du réseau, il y aura forcément des réductions d’effectifs dans les SFR qui en traitaient les dossiers. C’est là une contraction qui est liée au nouveau modèle économique du CIF et à l’abandon d’un certain nombre de segments, soit parce que Bruxelles l’exige, soit parce qu’ils en ont fragilisé l’activité dans le passé.

Dans l’hypothèse de la continuité, avec la création d’une structure ex nihilo, va-t-on nous obliger à licencier tout le monde et à procéder à l’embauche de personnels de manière concurrentielle ? Si nous avons développé une logique de service d’intérêt économique général et de recentrage, c’est aussi pour échapper à cette contrainte. Dans le schéma bridge bank, la continuité au niveau des personnels est plus facile à gérer puisqu’on identifie ceux qui sont dans la structure mise en extinction et ceux qui sont dans la structure nouvelle, le découpage étant soumis à la Commission. Aujourd’hui, je ne peux pas le dire, parce que je n’ai pas toutes les réponses. Sur tous ces aspects de droit communautaire, j’ai demandé qu’une information complète soit délivrée aux membres du comité d’entreprise, aux représentants des salariés parce qu’une telle donnée n’existe pas dans un PSE ordinaire. Il faut que chacun soit bien informé au moment où il faudra discuter les dossiers.

Dans certaines logiques, il y a des éléments qui peuvent sembler absurdes. Le défi sera d’expliquer à la Commission en quoi la logique de SIEG exige de conserver les savoir-faire et les équipes qui les détiennent. Ce qui est certain, c’est que, dans un schéma où LBP développerait une activité seule dans son coin à partir du PAS, en reprenant des personnels au hasard dans les équipes actuelles, le savoir-faire disparaîtra vraiment.

Je ne réponds qu’imparfaitement parce que, à ce stade, je n’ai pas les réponses à l’ensemble des questions.

Mme Annick Le Loch. Au-delà de l’avenir du CIF, il me semble que sont en jeu le sauvetage de l’accession sociale à la propriété au plus près des gens et des territoires, mais aussi une conception sociale du rôle du banquier. Au regard des montants exigés – 50 000 euros d’apport personnel et 4 200 à 4 400 de revenus mensuels –, qui peut, aujourd’hui, particulièrement en province, devenir propriétaire ?

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. En moyenne, le CIF prête aujourd’hui à moins de 5 % d’apport personnel, contre 18 à 19 % pour l’ensemble du réseau bancaire. Sachant qu’une opération moyenne porte sur 150 000 euros, l’apport personnel est donc nettement moindre. Vous avez raison, cette banque a un rôle social.

Il y a deux manières de répondre à la problématique de l’accession sociale à la propriété : en créant un produit que les établissements bancaires distribueront à condition qu’il soit assorti d’une garantie maximale de l’État, celui-ci assumant les risques, voire subventionnant le produit ; en ayant un outil dédié, doté de savoir-faire qui lui permettent de s’adresser à des clientèles plus fragiles sans s’exposer et sans engendrer de coût pour la puissance publique. En tant qu’ancien membre de la commission des finances, j’opte pour la solution qui ne coûte pas à la puissance publique.

Je me permettrai de citer une anecdote sans donner de noms pour ne pas m’exposer à des difficultés supplémentaires. Il y a quelques semaines, au cours d’une réunion consacrée à l’accession sociale à la propriété, l’un des participants a déclaré que l’accession sociale, voire très sociale, à la propriété avait été possible ces dernières années grâce au marché qui l’avait financée à travers la baisse des taux d’intérêt – démonstration édifiante s’il en est. Le même a continué en disant que, les taux ayant atteint leur étiage, il faudra, si l’on veut que le mouvement se poursuive demain, que l’État prenne le relais en subventionnant l’accession sociale à la propriété. C’est dire l’état d’esprit des établissements bancaires sur le sujet ! C’est pourquoi disposer d’un outil est un enjeu fondamental.

La difficulté est de ne tomber dans la distribution de subprimes. C’est là un argument qui nous est régulièrement opposé : dans un contexte de crise interminable, prêter à des gens qui risquent d’être fragilisés n’est pas leur rendre service, nous dit-on. Il faudra, en effet, être attentif à cela, et c’est pourquoi il faut avoir des systèmes de couverture, bien connaître les clients, les visiter à plusieurs reprises, visiter ce qu’ils achètent, avoir une garantie de revente ou, en cas de difficulté, permettre le retour sans intervention d’huissier et sans finir plumé. Il ne faut pas non plus estimer le bien au-dessus de sa valeur réelle, puisque c’est le gage de la capacité de rembourser les emprunts contractés en refinancement. L’exercice est difficile et suppose d’avoir les savoir-faire, et je suis convaincu qu’ils existent.

Nous avons expliqué à nos interlocuteurs du Gouvernement deux phénomènes qui vont se produire dans les années qui viennent. D’une part, en bas de la fourchette, des gens vont être désolvabilisés par la crise et on ne pourra peut-être plus leur prêter. D’autre part, un peu plus haut, une autre catégorie de clientèle modeste va être déstabilisée par la nouvelle réglementation bancaire de Bâle III, en vertu de laquelle les banques ne feront plus de prêts longs. Or c’est la seule condition à laquelle de jeunes ménages peuvent emprunter, n’ayant que peu d’apport personnel. Cela ne signifie pas qu’ils sont insolvables, c’est juste qu’il faut accepter de prendre un risque un peu plus important. D’où la nécessité de connaître ce type de clientèle. Sans cette expertise, on ne peut pas, d’ailleurs on n’en a pas le droit vis-à-vis des actionnaires et des mandants, prendre le risque de prêter. Aujourd’hui, en France, deux réseaux détiennent le savoir-faire en cette matière : le Crédit foncier, qui est sous forte contrainte, et le CIF, qui est sans doute un peu plus compétent pour des raisons historiques.

Ce savoir-faire, il ne faut pas le perdre. Nous espérons un arbitrage, dont je suis conscient qu’il sera difficile à prendre pour les pouvoirs publics. La Banque postale peut jouer un rôle parce qu’elle a des liquidités qui lui permettraient de financer en partie cette activité, mais elle ne doit pas agir seule. Elle a besoin de partenaires pour porter le risque avec elle, mais surtout pour avoir un réseau. Il ne s’agit pas d’ajouter les 250 points de vente du CIF aux agences qu’elle a déjà partout ; il s’agit de tirer parti de l’expertise des gens qui y travaillent.

M. le président François Brottes. Je m’autorise une question sortant de l’actualité et tournée vers l’avenir. Dans le domaine de l’accession à la propriété, montent en puissance des sujets liés à l’habitat collectif, à l’autopromotion ou l’autoconstruction. Une banque, celle-ci ou une autre, trouverait-elle une pertinence à créer un produit adapté ?

M. Michel Bouvard, président-directeur général du Crédit immobilier de France. Nous avons la chance d’avoir une réserve de liquidité au fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Lorsque nous nous battions ensemble pour maintenir le taux de centralisation, je disais de la liquidité qu’elle était devenue un bien public, car, en cas de crise de liquidité, l’État ne doit pas être totalement dépourvu. La réserve de liquidité, c’est le fonds d’épargne. Ce fonds a vocation à porter des missions, la première qui lui a été confiée par la loi étant le logement social. Jusqu’en 1977, le logement social comportait un volet locatif et un volet accession et j’ai toujours considéré qu’il en était ainsi. La meilleure preuve, c’est que la loi SRU intègre bien l’accession sociale à la propriété dans le comptage des communes pendant un certain nombre d’années.

Je ne pense pas que le fonds d’épargne puisse faire des prêts à des promoteurs généralement quelconques. Des conventions peuvent être passées avec l’USH pour des activités locatives. Sur le volet accession, peut-on trouver le moyen de combiner une ressource avec une évolution des produits ? Je vais répondre en creux. Fort de mon expérience d’élu, j’ai trouvé curieux, au début, que le ministère du logement ne soit pas très mobilisé, face à la position du Trésor sur ce dossier, pour obtenir un arbitrage. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. J’ai alors pensé qu’à ses yeux, le CIF n’était pas très intéressant puisqu’il intervenait dans des opérations d’habitat individuel alors que la raréfaction foncière commandait plutôt de faire de l’habitat groupé. On peut effectivement s’interroger sur l’adéquation du produit d’habitat individuel aux contraintes d’urbanisme et d’aménagement actuelles. Dès lors que, demain, nous ne ferons peut-être plus de prêts aux petits constructeurs, on peut penser qu’il sera plus facile d’en faire à des constructeurs d’habitat individuel groupé, plus économe de l’espace. Mais c’est là un sujet plus vaste qui ouvre sur un avenir plus lointain.

M. le président François Brottes. Merci, monsieur le président-directeur général Michel Bouvard, pour cet échange dont la franchise et la qualité auront permis de démontrer que, à l’Assemblée nationale, nous faisons notre travail.

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Information relative à la commission

Nomination de rapporteur

La commission a nommé M. Daniel Fasquelle rapporteur sur la proposition de loi de M. Christian Jacob et plusieurs de ses collègues visant à mieux protéger les indications géographiques et les noms des collectivités territoriales (n° 329).

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 21 novembre 2012 à 10 heures

Présents. - M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Razzy Hammadi, M. Henri Jibrayel, M. Armand Jung, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, M. Thierry Lazaro, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Yves Nicolin, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Marie Tetart, Mme Catherine Troallic, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Bruno Nestor Azerot, Mme Corinne Erhel, M. Édouard Fritch, M. David Habib, M. Antoine Herth, Mme Laure de La Raudière, Mme Annick Lepetit, M. Serge Letchimy, M. Michel Piron, Mme Clotilde Valter, Mme Catherine Vautrin