Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires économiques > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires économiques

Mardi 15 janvier 2013

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 39

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances

La commission a auditionné M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances.

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, nous avons beaucoup de plaisir à vous accueillir pour la première fois dans notre Commission moins obsédée par la réforme fiscale que par la croissance. Nous sommes attachés en priorité au développement économique des entreprises et à la construction de logements, sujets qui parlent à tous et sur lesquels vous exercez une action forte. À nos yeux, la priorité est de réduire la dette et les déficits publics pour retrouver des marges de manœuvre, de renforcer nos solidarités grâce à la justice fiscale, de préserver le pouvoir d’achat et d’augmenter la compétitivité des entreprises pour retrouver la croissance.

Sur ces différents sujets, nous avons notamment déjà auditionné Louis Gallois ainsi que des chefs d’entreprise concernés par les réformes à venir. Nous avons été saisis pour avis du projet de loi relatif à la création de la banque publique d’investissement (BPI), et espérons qu’elle ne servira pas de prétexte aux banques pour se défausser de certains investissements qu’elles pourraient juges plus aléatoires ou moins intéressants. Nous allons bientôt examiner le projet de loi relatif aux activités bancaires, ce qui permettra à la France d’agir en précurseur dans la lutte contre la spéculation. Vous nous indiquerez sans doute la position des Européens sur le sujet. Par deux fois, Mme Duflot est venue défendre devant nous le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social. C’est d’abord à cet aspect que nous pensons quand on parle de la baisse de la rémunération du livret A. Soucieux de l’avenir du Crédit immobilier de France, nous avons aussi auditionné son PDG, Michel Bouvard. Vous qui êtes, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, le garant de la cohérence de l’action gouvernementale sur ces différents sujets, pensez-vous que toutes les réformes décidées ou engagées vont dans le sens de la croissance, seul moyen de créer de l’emploi et de renforcer les solidarités dans notre pays ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je vous remercie pour votre accueil monsieur le président.

Sachez tout d’abord que je partage vos obsessions, n’étant pas moi-même un maniaque de la fiscalité, laquelle constitue pourtant un outil efficace au service de la justice et de la politique économique. Notre objectif est de tenir les engagements du Président de la République, c’est-à-dire d’inverser la courbe du chômage avant un an, de redresser le pays et de parvenir à une croissance plus élevée en 2014 et 2015.

Nous avons déjà beaucoup fait dans ce sens, au cours d’une période aussi courte que dense. En Europe, sur tous les dossiers importants – pacte de croissance, supervision bancaire, mécanismes de stabilité financière, traitement du cas grec, taxation des transactions financières –, je remarque que la France a toujours joué un rôle moteur. Nous avons obtenu des avancées significatives, qui auraient semblé impossibles il y a quelques mois encore. À l’époque, les éditorialistes s’interrogeaient sur les chances de survie de l’euro ; or la crise de l’euro a pris fin, même si la zone euro est toujours en proie à des difficultés économiques. Reste à passer de la stabilité à la dynamique.

La France a commencé à redresser ses finances publiques, dont le déficit menaçait non seulement notre croissance à long terme mais, plus fondamentalement, notre souveraineté. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour renouer avec la croissance en résistant à la tentation de vivre à crédit, c'est-à-dire sur les générations futures. Six lois financières ont été adoptées depuis le début du mandat. Dès juillet, le vote d’une loi de finances rectificative a ainsi permis de maîtriser les risques identifiés dans l’audit qu’avait réalisé la Cour des comptes. Le budget pour 2013, le plus exigeant du quinquennat puisqu’il vise à ramener le déficit au-dessous de 3 % et à réaliser un effort structurel de 2 points de PIB, a ensuite confirmé notre engagement. La loi organique sur la gouvernance et la programmation des finances publiques crée par ailleurs des garde-fous objectifs pour maîtriser le budget. Enfin, nous avons soutenu la croissance et l’emploi par des mesures d’urgence comme par des dispositifs structurels : emplois d’avenir, soutien au pouvoir d’achat des ménages modestes, augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, revalorisation du SMIC ou du RSA, Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.

Alors que l’activité stagne depuis deux ans et que les indicateurs témoignent encore d’une conjoncture dégradée, il est à nos yeux exclu de relâcher la cadence. Nous irons avec détermination vers la croissance au cours de l’année 2013, dédiée aux réformes de structure conçues et votées en 2012. Parallèlement, nous poursuivrons l’assainissement des comptes en nous efforçant d’aider la zone euro à retrouver un juste équilibre entre l’effort d’ajustement budgétaire et la préservation des perspectives de croissance.

La première condition pour relancer l’activité en France est d’aider la zone euro à sortir de la spirale de la récession. Lors d’un déplacement récent à Pékin, j’ai rencontré le futur Premier ministre de Chine, M. Li Keqiang, et présenté les atouts de la France à des investisseurs étrangers. Pour les mettre en confiance, il faut d’abord leur prouver que la zone euro a fait le nécessaire pour se stabiliser. D’où l’importance de poursuivre le travail de fond sur les dossiers européens. Nous le ferons cette année en élaborant le programme de travail de l’Eurogroupe, en finalisant l’instrument de recapitalisation directe du mécanisme européen de stabilité et en préparant le semestre européen. L’enjeu de ces échéances, qui peuvent paraître abstraites, est le retour de la croissance dans la zone euro qui, après s’être stabilisée, doit désormais se relancer et prendre de l’altitude. À cet égard, la France ne manquera pas de faire valoir ses vues sur la stratégie économique et budgétaire à suivre.

En 2013, il faudra également prêter une attention particulière aux tentatives de consolidation des États membres. Dans une zone euro en récession, on doit trouver un équilibre entre la nécessité de minimiser l’effet négatif à court terme des efforts de redressement des comptes publics sur la demande, et l’importance de préserver la crédibilité des plans d’ajustement à moyen terme. Parce que les pays de la zone euro ne sont pas tous dans la même situation – les uns sont excédentaires, d’autres déficitaires –, leurs stratégies doivent se différencier. Enfin, nous continuerons à défendre une véritable fonction contracyclique, complément logique de l’union monétaire.

Outre le volet européen, nous mènerons en parallèle de grandes réformes de structure indispensables pour rétablir durablement notre compétitivité. La première vise à améliorer le financement de l’économie. La BPI, dont l’Assemblée nationale a voté la création, est désormais sur les rails. Elle tiendra son premier conseil d’administration le 21 février prochain à Dijon. Depuis le 3 janvier, un nouveau dispositif de garantie publique facilite la délivrance de crédits de trésorerie aux TPE et aux PME, ce qui permettra de débloquer plus de 500 millions d’euros de crédit. À présent, nous devons nous concentrer sur le préfinancement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).

En février, comme vous l’avez signalé en introduction de cette rencontre, l’Assemblée nationale examinera le projet de loi portant réforme bancaire et financière, qui s’inscrit dans le plan d’ensemble visant à améliorer le financement des entreprises. Il s’agit de recentrer les banques sur leur cœur de métier, qui consiste non à spéculer pour leur propre compte mais à financer l’économie réelle. Je porterai devant vous cet engagement de François Hollande pendant sa campagne. Je suis tout disposé à accepter des amendements, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, sur ce projet de loi, qui prévoit le strict cantonnement des activités risquées et prend en compte l’aléa moral des actionnaires.

Afin de faciliter le financement des entreprises par le crédit et le renforcement de leurs fonds propres, je proposerai également au premier semestre une réforme de la fiscalité de l’épargne, une fois rendues les conclusions des deux parlementaires chargés d’une mission sur ce sujet, Karine Berger et Dominique Lefebvre.

Tel est le cœur de la bataille pour l’emploi, qui se jouera aussi sur le front des politiques structurelles. L’Assemblée nationale examine aujourd’hui le projet de loi portant création du contrat de génération. L’accord sur la sécurisation de l’emploi qui vient d’être obtenue entre les partenaires sociaux sera fidèlement transcrit dans un projet de loi qui sera adopté en Conseil des ministres début mars et promulgué fin mai. Il était loin d’être acquis, mais le pari de la confiance l’a emporté. La France a prouvé qu’elle pouvait réformer le marché du travail par le dialogue : à l’étranger, sachez que cet accord a bénéficié d’un accueil exceptionnel.

Le chantier des réformes de structure comprendra également un volet sectoriel en cohérence avec les orientations du séminaire gouvernemental sur les investissements d’avenir. Au cours de cette réunion, nous avons défini une stratégie d’investissement public et privé. S’il est hors de question de faire appel à des ressources budgétaires supplémentaires, nous devons mobiliser l’épargne des Français qui reste abondante, et l’orienter vers des secteurs comme les infrastructures de transport, le numérique ou le logement, dans lesquels les besoins sont fondamentaux.

La baisse du taux de rémunération du livret A, qui a été décidée ce matin, préserve néanmoins le pouvoir d’achat des Français puisqu’elle tient compte de la diminution de l’inflation observée depuis quelques mois. Elle permet aussi de faire passer la baisse des taux d’intérêts dans l’économie, et de réduire le coût de la ressource pour les organismes de HLM, qui en étaient demandeurs. Le Gouvernement et la Banque de France ont trouvé un point d’équilibre puisque, avec un taux à 1,75 %, le rendement du livret A n’a jamais été plus élevé depuis deux ans. Je rappelle quand même qu’il était négatif en février 2012, quand le précédent ministre des finances avait maintenu le taux à 2,25 % alors que l’inflation montait à 2,4 %.

Pour aller vers davantage de croissance en 2013, il faut aussi mettre en œuvre de manière concrète les mesures du Pacte de compétitivité. Nous avons beaucoup avancé sur son application, puisque la Représentation nationale a voté la création du CICE, validée par le Conseil constitutionnel. Ce dispositif permettra de dégager des marges financières pour embaucher, alors que, depuis dix ans, les entreprises françaises perdent des parts de marché et reculent face à la concurrence internationale. Nous ne leur faisons pourtant pas un chèque en blanc. Un projet de loi détaillera les contreparties : gouvernance des entreprises, rémunération des dirigeants, dispositions permettant de contrer les OPA hostiles, conformément à l’engagement pris au cours de la campagne présidentielle.

Les consommateurs ne seront pas oubliés. Je présenterai prochainement avec Benoît Hamon une grande loi sur la consommation, qui visera notamment tant à réduire les délais de paiement qu’à favoriser le pouvoir d’achat du consommateur. D’autres mesures du pacte seront concrétisées en 2013 : simplification de l’environnement réglementaire des entreprises, démocratisation de l’accès au financement export…

Nous poursuivrons ces réformes en menant de front l’assainissement des finances publiques, signe que les travaux de votre Commission et ceux de la Commission des finances ne sont pas contradictoires. Je serai d’ailleurs très heureux de venir plus souvent devant vous car le ministre des finances traite aussi des dossiers économiques. Notre travail a déjà porté ses fruits. Le résultat préliminaire de l’exécution du budget pour 2012 fait état d’un déficit de 87,2 milliards d’euros. Nous avons tenu, à 1 milliard près, l’objectif de 4,5 % du PIB ; l’opposition n’a donc pas de leçons à nous donner sur ce point.

L’exécution budgétaire passe par la maîtrise de la dépense de l’État, qui a manqué pendant des années. Des moins-values fiscales ont été constatées non sur l’impôt sur les ménages ou les entreprises mais sur la TVA, ce qui s’explique par le ralentissement de la croissance au second semestre. L’année 2013 sera marquée par des rendez-vous importants : installation du Haut conseil des finances publiques en mars, programme de stabilité devant la Commission européenne en avril, préparation des textes financiers pour 2014, sans parler du processus de modernisation de l’action publique lancé par le Premier ministre. Nous devons rendre visibles et effectives les économies qui interviendront dans la dépense publique.

La maîtrise des finances publiques est une condition de la compétitivité et de la croissance mais la réduction du déficit doit être conduite de façon intelligente, c’est-à-dire en préservant la demande et en protégeant tant le pouvoir d’achat des couches populaires et moyennes que les capacités d’investissement des entreprises. Je pense que nous avons trouvé cet équilibre avec le projet de loi de finances pour 2013.

Durant le dernier semestre, les deux assemblées ont travaillé à un rythme soutenu avec le Gouvernement. Cette collaboration a été fructueuse, puisque, à chaque étape, les textes ont été enrichis, approfondis et précisés. Je remercie tous les députés, à commencer par ceux de la majorité, et je leur rappelle ma disponibilité tant pour participer aux débats économiques que pour porter les textes que j’ai annoncés.

M. le président François Brottes. Je vous remercie monsieur le ministre pour ces propos volontaristes et je donne tout de suite la parole aux représentants des groupes.

M. Germinal Peiro. Le groupe socialiste soutient la politique du Gouvernement. Il a obtenu le Pacte de croissance alors que la zone euro traversait une période d’instabilité. La taxe sur les transactions financières, que certains appellent de leurs vœux depuis plus de quinze ans, verra bientôt le jour. Un effort est également consenti pour assainir nos finances publiques. On ne pouvait plus laisser augmenter la dette publique, que le gouvernement précédent a alourdie de 620 milliards d’euros en cinq ans. Il fallait réagir non seulement pour éviter de reporter la dette sur les générations futures, mais aussi pour relancer notre économie. Dès lors que le déficit public sera maintenu en dessous de 3 % du PIB, la dette cessera de croître, condition essentielle pour revenir à la croissance.

L’effort de rigueur n’aurait pas été compris par nos concitoyens s’il ne s’était accompagné d’un effort de justice. Défavorables à la politique fiscale menée sous la mandature précédente en faveur des plus aisés, nous nous réjouissons que le Gouvernement ait à cœur de mieux répartir les efforts. Les emplois d’avenir et les contrats de génération porteront leurs fruits, ce qui permet d’espérer retrouver la croissance fin 2013.

J’appelle cependant votre attention sur un point monsieur le ministre : les collectivités territoriales françaises n’ont plus accès au crédit. Les plus grandes d’entre elles peuvent se financer sur le marché obligataire mais les plus petites n’ont pas ce recours. Maire depuis presque trente ans d’un village de 465 habitants, j’ai, pour la première fois en 2012, été éconduit par la Banque populaire, le Crédit mutuel, la Caisse d’épargne et la Caisse des dépôts, sans parler de Dexia et du Crédit agricole. Dans le seul département de la Dordogne, plus de cent collectivités ne peuvent exécuter leurs chantiers faute de crédits. Nous comptions sur la Banque postale, dont le PDG, Philippe Wahl, nous avait assuré il y a quelques semaines que le crédit s’ouvrirait en novembre : or celle-ci n’envisage pas de prêter en dessous d’un million d’euros, montant évidemment sans rapport avec les besoins de nos communes.

M. le président François Brottes. Dans mon département, la Banque postale a pourtant répondu favorablement à des demandes de prêt inférieures à un million d’euros.

M. Michel Piron. La première contrainte qui pèse sur notre pays est le poids considérable de la dette, qu’on ne peut alléger qu’en jouant à la fois sur les recettes et sur les dépenses. Dans quels secteurs précis envisagez-vous de réduire celles-ci ? Pour favoriser la croissance ou réduire la dépense publique, il existe d’autres leviers, comme les réformes de structure. Je salue à cet effet le travail qui vient d’être mené sur le droit du travail sous la houlette de M. Sapin et j’espère que la simplification administrative annoncée au profit des PME-PMI sera effective. Concernant les structures – qui relèvent d’un autre ministère que le vôtre –, nous sommes en droit d’attendre une réforme territoriale et une réforme de l’État. Je doute néanmoins qu’elle soit au rendez-vous.

Qu’en est-il par ailleurs de la réforme fiscale promise lors de la campagne présidentielle ? Votre politique ressemble à cet égard plus à une multiplicité de pansements qu’à un véritable traitement de fond. Quelle répartition envisagez-vous entre les ménages et les entreprises ? Grâce à une autre assiette et une autre progressivité, l’Allemagne lève, avec l’impôt sur le revenu, deux points de PIB de plus que la France. Comme Gilles Carrez, je n’ai rien contre un taux d’imposition de 45 % mais celui de 75 % me semble pour le moins inapproprié.

S’agissant de la convergence au niveau européen, visez-vous un rapprochement avec l’Allemagne ou avec l’Italie de Mario Monti alors que notre politique économique est encore très éloignée de la leur ? Et que dire de la politique financière de la Grande-Bretagne – qui n’est certes pas dans la zone euro – ? Quel sort attend la réforme bancaire que vous avez entamée ?

Enfin, de quelle croissance parlez-vous ? Du modèle rhénan fondé sur l’offre, et qui profite pleinement du développement des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ? Ou bien du modèle français, lequel, à l’opposé, repose sur la demande et a conduit à une croissance par l’endettement ? L’enjeu du dilemme est la politique industrielle, qui n’est peut-être pas totalement de votre ressort, mais qui justifie néanmoins votre présence devant notre Commission.

M. André Chassaigne. Le taux auquel les entreprises peuvent se financer à crédit et le coût de leurs fonds propres ne sont pas compatibles avec les contraintes des projets industriels. Sur 1 100 milliards d’euros de crédits, à peine 80 milliards, soit 7 % du total, vont directement à l’industrie manufacturière, tandis que 43 % sont mobilisés au profit de la promotion immobilière et des holdings. Autant dire que les banques ont cessé de faire leur métier de base.

En octobre, l’encours des crédits mobilisés en France par l’ensemble des entreprises hors entrepreneurs individuels a progressé de 0,5 % en rythme annuel, contre 0,9 % en septembre ; ce chiffre est cependant supérieur à la moyenne de l’Union européenne. On note tout de même de fortes différentiations selon les secteurs puisque ce taux augmente de 4,6 % dans la construction et de 3,9 % dans les activités immobilières, alors qu’il se contracte de 3,5 % dans l’industrie manufacturière, les PME-PMI indépendantes étant sévèrement rationnées. Dans son excellent avis sur le projet de loi relatif à la création de la BPI, notre collègue Clotilde Valter note que le flux des crédits aux PME est passé de 30 milliards d’euros avant 2008 à moins de 24 milliards en 2011, les encours de crédits à l’industrie manufacturière ayant perdu plus de dix points depuis 2008. Au-delà de la stagnation économique, le rapport de notre collègue pointe à juste titre le durcissement très net des conditions d’octroi des crédits depuis 2011.

J’aimerais me convaincre que vos propositions résoudront le problème du financement de l’économie mais la BPI ne risque-t-elle pas d’intervenir uniquement pour corriger les défaillances du marché bancaire ? Comment cette instance et les autres acteurs du pôle financier public interviendront-elles pour moraliser l’action des banques, définir de nouvelles priorités et mettre en place un levier pour prendre en compte les questions sociales et environnementales, ainsi que le développement industriel sur les territoires ? Si j’ai voté le projet de loi relatif à la création de la BPI, je crains néanmoins qu’il n’aille pas assez loin.

La réforme bancaire doit isoler, dans les banques françaises, les opérations financières plus ou moins spéculatives pour protéger dépôts, salaires, pensions, retraites et allocations sociales. Mais le projet n’est-il pas trop timide et ne risque-t-il pas de mettre en place un simple pare-feu qui laisse libre cours à la spéculation ?

Mme Michèle Bonneton. Nous saluons les progrès accomplis au niveau européen depuis l’élection de François Hollande. Je rappelle d’ailleurs que notre collègue Pascal Canfin avait beaucoup travaillé, lorsqu’il était eurodéputé, sur la taxation des transactions financières, dont nous espérons qu’elle sera mise en place en 2013.

Vous avez réaffirmé votre objectif de ramener dès cette année le déficit public sous la barre des 3 %. Ne craignez-vous pas qu’un délai aussi court soit facteur d’austérité et ne dégrade la situation de l’emploi, d’autant que l’augmentation de la TVA réduira l’activité dans certains secteurs : le logement, notamment social, les énergies renouvelables, les transports collectifs, le traitement des déchets ou de l’eau ? Prévoyez-vous de diminuer le taux de TVA en 2013 ou en 2014 ?

Lorsqu’un dossier de demande de crédit parviendra à la BPI, sera-t-il traité à l’échelon régional, comme le souhaitent les PME, ou remontera-t-il à Paris ?

N’est-il pas possible de réduire le cours de l’euro par rapport au dollar, afin de favoriser l’économie européenne ? Pour protéger notre industrie, ne peut-on instaurer aux frontières de l’Union des normes au moins aussi contraignantes que celles qui ont cours entre États membres ?

Quels seraient les objectifs économiques d’une Agence de financement des collectivités locales qui, même bien gérées, ont beaucoup de mal à obtenir des crédits ?

L’instauration de la cotisation foncière des entreprises (CFE) suscite beaucoup de mécontentement. Les communautés de communes considèrent qu’il n’est pas possible d’imposer de la même façon tous les types d’entreprise.

La réforme bancaire ira-t-elle aussi loin que le prévoyait le programme de François Hollande ? Est-il exact qu’elle laissera au secteur bancaire le soin de se déployer comme il l’entend, tout en renforçant la couverture publique des déposants ? Cela reviendrait à étendre les garanties publiques sans pouvoir éviter les guerres financières. Des sanctions pénales ou des amendes sanctionneront-elles le manque de coopération des institutions supervisées ? Envisagez-vous de créer un délit de dissimulation ou d’obstruction ? Que prévoyez-vous pour lutter contre les paradis fiscaux et taxer les produits négociés de gré à gré ?

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, je vous laisse la parole pour répondre à ces premiers intervenants.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur Peiro, je vous remercie de l’appréciation que vous avez portée sur notre action au plan européen et sur la maîtrise des comptes publics.

C’est un sujet crucial que le financement des collectivités territoriales, qui représentent 75 % de l’investissement public, soit 18 à 19 milliards d’euros par an. Dans ce domaine, la défaillance de Dexia a constitué un véritable cataclysme. L’action du Gouvernement comprend sur ce sujet plusieurs dimensions. Aux actions d’urgence comme la mobilisation de 5 milliards d’euros de fonds d’épargne pour résoudre le cas Dexia, s’ajoute une action structurelle. Une fois stabilisée la situation de Dexia et de sa filiale DMA (Dexia Municipal Agency), nous avons pu lancer une offre à moyen terme de 4 à 5 milliards et, grâce à la coopération de l’État, de la Caisse des dépôts et de la Banque postale, mettre en place le véhicule financier dont les collectivités ont besoin. La nouvelle banque des collectivités territoriales est sur le point d’être lancée. Pour combler les défaillances du marché, nous avons prévu une enveloppe durable de fonds d’épargne de 20 milliards sur cinq ans, destinée à financer à long terme des domaines comme les infrastructures ou le numérique, que nous entendons privilégier.

Il restera cependant des « trous dans la raquette ». Il incombe donc aux préfets de nous alerter sur les difficultés financières que peut connaître telle ou telle collectivité mais les problèmes de ressources ou de canal doivent disparaître. Par ailleurs, chaque fois que je suis en contact avec la Fédération bancaire française, j’incite les banques à changer de comportement et à financer de manière proactive les collectivités territoriales. Nous nous efforcerons en outre de résoudre le problème dramatique causé par les prêts toxiques.

Au final, l’offre de financement, qui doit permettre de couvrir les besoins, comprend 10 à 11 milliards des banques, 4 à 5 milliards par an de la Banque postale, 2 milliards de ressources obligataires, 2 milliards de la Banque européenne d’investissement (BEI) et 4 milliards de fonds d’épargne. Président d’une agglomération jusqu’en juillet, je sais combien il est difficile de trouver des financements, même pour une collectivité qui a pignon sur rue. Il fallait agir : le Gouvernement l’a fait.

M. Piron m’a interrogé sur la réduction des dépenses. Le Gouvernement a lancé une démarche ambitieuse de modernisation de l’action publique. À ce titre, l’Assemblée a voté une économie de 10 milliards d’euros dans le budget de l’État pour 2013 : une réduction de 5 % des dépenses de fonctionnement, grâce à la maîtrise de la masse salariale et à la diminution des dépenses de communication, et une diminution des dépenses d’intervention. Quarante politiques publiques, comme les aides aux entreprises, la politique du logement, les aides à la famille ou la politique maritime, seront ensuite expertisées de manière transversale. Sans refaire une RGPP, car nous entendons privilégier la concertation, prendre en compte les besoins des usagers et dialoguer avec les acteurs du secteur public plutôt que de prendre mécaniquement des décisions abruptes, nous économiserons en cinq ans 60 milliards d’euros sur la dépense publique. Les citoyens français attendent que la puissance publique, tout en conservant la qualité du service public, prenne sa part de l’effort consenti par la collectivité. Pour être l’élu d’une circonscription très populaire, je sais que les électeurs ne sont pas particulièrement complaisants à son égard.

La France est le premier pays d’Europe à engager une réforme bancaire. On oublie souvent deux choses quand on compare notre pays au Royaume-Uni. D’abord, le rapport Vickers prévoit une réforme applicable au mieux en 2019 alors que la nôtre sera discutée dès 2013. Ensuite, notre système bancaire n’est pas celui de la Grande-Bretagne et notre objectif n’est d’ailleurs pas d’importer le modèle anglo-saxon ni de développer des Goldman Sachs à la française. Pour élaborer ce projet, j’ai consulté les banques, puis la Fédération bancaire française, puis les associations d’usagers et de consommateurs. Celles-ci ont leur mot à dire sur le surendettement et l’inclusion bancaire de populations pauvres ou précaires car la réforme concerne non seulement les structures mais également les gens : elle doit réduire des inégalités dont nos concitoyens souffrent au quotidien. Enfin, j’ai tenu à interroger tous les syndicats du secteur bancaire : ils se disent tous très attachés à la banque universelle. Ainsi, les syndicalistes de BNP-Paribas, par exemple, ne souhaitent pas retrouver la BNP, d’un côté, et Paribas, de l’autre. Il faut donc séparer non les structures mais les activités. Je ne suis pas favorable à un Glass-Steagall Act à la française, qui risquerait tout au plus d’affaiblir les banques de dépôt et de rendre les banques d’affaires moins compétitives, ce dont rêvent peut-être certains milieux anglo-saxons.

Je suis ouvert à tous les amendements qui permettant d’améliorer le texte – je l’ai montré à l’occasion de la BPI –, mais nous devons nous méfier de toute surenchère qui se retournerait contre nos banques et contre les emplois. Contrairement à ce que j’ai pu lire, je ne me range pas aux arguments de la Fédération bancaire. Je ne suis pas le « copain des banquiers », qui ne se sont pas particulièrement réjouis à l’annonce de l’examen de ce texte. Au reste, ils ne se sont pas plaints, non plus, car j’ai le souci que nos banques restent compétitives : mon but est de mener une véritable réforme, que je souhaite approfondir avec vous.

J’en viens à la réforme fiscale. La loi de finances initiale et les lois de finances rectificatives ont apporté des modifications très substantielles à notre système fiscal, à commencer par l’alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. Il n’y a pas de raison que certains s’enrichissent en dormant pendant que d’autres s’appauvrissent en travaillant ! En ce qui concerne la fiscalité des entreprises, nous avons procédé à des transferts de grande ampleur. Grâce au crédit d’impôt compétitivité emploi, nous taxons moins l’emploi. Avec l’extension du crédit d’impôt recherche à l’innovation dans les PME-PMI, nous taxons également moins la recherche et l’innovation. En garantissant aux PME la pérennité de leur fiscalité pendant cinq ans, nous leur offrons une stabilité fiscale. En revanche, nous sollicitons davantage les grandes entreprises dont les capacités contributives sont supérieures. Les mesures fiscales adoptées réduisent ainsi d’un tiers l’injuste écart de taxation entre les PME et les grands groupes. Bref, nous voulons encourager l’investissement, la recherche et les embauches. Nous continuerons en ce sens.

J’en viens à la Banque publique d’investissement. Nous ne partageons peut-être pas tout à fait les mêmes convictions, cher monsieur Chassaigne – je n’ai pas oublié que le groupe communiste souhaitait la constitution d’un grand pôle financier public. Convenez cependant que nous avons construit une vraie banque publique d’investissement. Elle a vocation à financer les projets et le développement des entreprises, bref à amorcer la pompe qui les aidera à monter en gamme – puisque tel est notre principal handicap par rapport à l’Allemagne notamment.

Nous n’avons pas voulu avoir vingt-deux banques régionales comme le souhaitaient certains. Le pari aurait été risqué. Du reste, toutes les régions ne le souhaitaient pas non plus, et le risque final aurait dû être supporté par une garantie d’État. Mais il importe que le système soit très déconcentré ; les régions seront d’ailleurs associées à la gouvernance et 90 % des décisions seront prises au niveau régional. Enfin, le Fonds stratégique d’investissement (FSI) a été intégré à la BPI, notamment pour conduire des politiques de filière.

La réforme bancaire n’est pas en retrait par rapport aux engagements de François Hollande, madame Bonneton : elle met bien en œuvre une séparation claire des activités. Le Président de la République a d’ailleurs rappelé en conseil des ministres l’importance de cette réforme, qui préserve en particulier les intérêts des contribuables et des déposants.

Je suis par ailleurs ouvert aux amendements traitant des paradis fiscaux qui pourraient être déposés dans le cadre de la discussion du projet de loi. J’ai rencontré les sénateurs écologistes et pris bonne note de leurs intentions à cet égard.

En ce qui concerne l’instauration d’une taxe sur les transactions financières, les États membres volontaires demanderont fin janvier au conseil des ministres l’autorisation de participer à une coopération renforcée que la Commission proposera de lancer en 2013. Nous devrions avancer sur ce dossier dès le conseil Ecofin du 22 janvier.

Les taux de TVA vont être modifiés – ainsi en a décidé le Parlement dans le cadre du vote sur le crédit d’impôt compétitivité emploi. Mais nous disposons d’un peu de temps pour réfléchir sur les secteurs qui pourraient bénéficier d’adaptations en 2014. J’ai déjà eu l’occasion de préciser – en réponse à une députée de votre groupe – que le logement social ferait sans doute partie de ceux-ci. Il n’y a cependant pas lieu de précipiter les choses, puisque ce n’est qu’au 1er janvier 2014 que les modifications annoncées entreront en vigueur. Prenons le temps de la réflexion, afin de définir un « paquet » d’ensemble. Il n’est d’ailleurs pas interdit à votre commission de participer à cette réflexion – sachant qu’il faut identifier ce qui s’équilibre financièrement, mais aussi ce qui sert à l’activité économique.

M. le président François Brottes. Nous sommes déjà pleinement mobilisés en faveur du logement et de la filière bois-énergie.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je le sais.

Partageant la conviction qu’il faut faire évoluer la contribution foncière des entreprises, nous avons fait voter des correctifs, et dit notre volonté de conduire une réflexion approfondie, en concertation avec le Parlement, d’ici à la fin 2013.

Pour en revenir au débat sur l’austérité et la croissance, croyez bien que je suis conscient des risques que présenterait un ajustement excessif. C’est pourquoi nous avons veillé tout particulièrement à bien calibrer les mesures du PLF. Le chiffre de 3 % n’est en effet pas un fétiche, monsieur Piron : c’est le niveau à partir duquel s’infléchit la dette, et c’est aussi un facteur de crédibilité. La décision que j’ai prise sur le livret A, comme la politique de réduction des déficits, ont un objectif commun : la baisse des taux d’intérêt. Si nous avons aujourd’hui des taux historiquement bas, c’est notamment parce que notre politique économique est crédible : elle doit le rester. Au moindre relâchement de l’effort, au moindre soupçon de laxisme ou de passivité, tout peut aller très vite et la situation qui nous est actuellement favorable se retourner. J’ai le plus grand respect pour ce qu’accomplit le gouvernement espagnol, et je suis aux côtés de l’Espagne dans ses difficultés, mais je préfère avoir les taux d’intérêt français que les taux d’intérêt espagnols… Pour cela, il faut que notre politique budgétaire reste crédible.

M. le président François Brottes. Je vous remercie Monsieur le ministre et vous propose d’inaugurer un système de questions / réponses avec les députés afin que l’échange soit plus vivant et plus réactif.

M. Philippe Armand Martin. Les mesures de relance que vous évoquez ne me convainquent guère, monsieur le ministre…

Vous venez d’annoncer une baisse du taux d’intérêt du livret A. De nouveaux placements et produits financiers ne manqueront donc pas d’être proposés aux épargnants. Or selon une étude récente, sept Français sur dix s’estiment mal informés à propos des produits financiers : quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer leur information ?

La dernière étude de l’Observatoire de l’épargne de l’Autorité des marchés financiers a par ailleurs mis en exergue le grand nombre de publicités diffusées sur internet pour inciter les épargnants à intervenir sur les marchés de changes ou de matières premières. Ces publicités, qui font miroiter des gains importants et rapides, occultent les risques de perte – parfois très importants. Comment lutter contre ces pratiques ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Il s’agit là de questions très précises auxquelles je préfère répondre par écrit plutôt que d’improviser une réponse creuse qui n’aurait guère de sens.

M. Frédéric Roig. Dans le secteur du bâtiment, les entreprises et les artisans subissent une concurrence déloyale du fait des détachements de main-d’œuvre pratiqués par certaines entreprises étrangères ou françaises et du dumping social qui en résulte. Selon la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) et l’Union professionnelle artisanale (UPA), il y a urgence à mettre en œuvre une forme de régulation de ces pratiques, à la fois par un renforcement des contrôles de l’inspection du travail et par l’adoption d’une législation adaptée.

Je souhaite par ailleurs vous interroger sur les interventions du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC). Pour les territoires ruraux et les zones de revitalisation rurale, la modification des seuils d’éligibilité peut entraîner des risques. Depuis une circulaire du mois d’avril dernier, les dépenses d’aménagement urbain des communes de plus de 3 000 habitants ne sont plus éligibles aux aides du Fonds. Or le renforcement des pôles que sont les bourgs permet de lutter contre la désertification des villages voisins.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Ayant des contacts réguliers avec la CAPEB et l’UPA, je suis naturellement sensibilisé au premier sujet que vous évoquez. Nous devons être très fermes sur l’encadrement par le droit communautaire des détachements de salariés. Vous pouvez rassurer vos interlocuteurs : je partage votre préoccupation et la concertation sur le sujet se poursuivra.

M. le président François Brottes. Quid des arbitrages douloureux concernant les aides du FISAC ? Il y a quatre fois plus de demandes que d’argent disponible. Or vous le savez, notre commission est particulièrement sensible au maintien du petit commerce dans nos communes.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. J’en suis tout à fait conscient. Mais lorsqu’il y quatre fois plus de demandes que d’argent disponible, il faut bien arbitrer ; sur ce sujet, Mme Pinel serait plus à même de vous répondre que moi.

M. Damien Abad. Il est difficile de se limiter à une seule question, tant les contradictions dans la politique économique du Gouvernement sont grandes : contradiction entre le rapport Gallois, qui préconise 30 milliards d’euros d’économies en deux ans, et la mise en œuvre d’un crédit d’impôt de 20 milliards d’euros, dont on ignore encore les contreparties ; contradiction entre l’abrogation de la TVA sociale et l’augmentation des taux de TVA ; contradiction entre la volonté de réduire le déficit de l’État et vos difficultés à dire clairement comment seront réalisés les 10 milliards d’euros d’économies annoncés ; contradiction, enfin, entre l’accord sur la modulation de la durée du travail qui vient d’être négocié entre les partenaires sociaux et le refus des accords compétitivité emploi. Après l’affaire de Florange, la nationalisation temporaire est-elle encore une solution d’avenir ? Pour finir, nous venons d’apprendre qu’il était question de créer un statut de l’entrepreneur, alors même que la taxation des plus-values de cessions pour les PME fait l’objet de débats. Quid, à ce sujet, du rapport sur les auto-entrepreneurs qui devait être rendu public à la fin de l’année ? Comme il est impossible de poser une question par contradiction, je me bornerai à une seule : à quand une politique économique assumée, avec un cap clair, qui permette de redonner confiance aux Français ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je n’ai pas de leçons à recevoir sur les contradictions supposées de notre politique. Ma tâche est de redresser le pays, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre – bien qu’on nous ait laissé 1 700 milliards d’euros de dette publique, dont 600 milliards accumulés sous le dernier quinquennat, que le taux de chômage, qui dépasse désormais 10 %, ne cesse d’augmenter, et que la croissance soit atone. Dois-je rappeler que lorsque nous sommes arrivés aux affaires, le déficit public était supérieur à 5 % du PIB, et que notre compétitivité s’est fortement dégradée ? Le déficit de notre commerce extérieur atteint 70 milliards d’euros, quand l’Allemagne enregistre un excédent de 160 milliards ! Certes, notre économie reste forte, mais sa compétitivité s’est considérablement dégradée depuis dix ans : lisez le rapport Gallois !

Loin de donner dans la contradiction, notre politique s’inscrit dans une cohérence qui tient en quatre axes. Il s’agit d’abord de conforter la zone euro et de réorienter la construction européenne. Souvenez-vous de la situation lorsque nous sommes arrivés au pouvoir ! Le deuxième axe est la réduction des déficits dont nous avons hérité. Le troisième, c’est la compétitivité. Dans ce domaine, nous avons mis en œuvre le rapport Gallois et M. Gallois lui-même estime que le crédit emploi compétitivité est plus efficace que ce qu’il préconisait ! Le dernier axe est l’accord historique qui vient d’être négocié sur le marché du travail. La conférence sur l’emploi que vous aviez organisée en février 2012 n’avait accouché que de quelque 400 millions d’euros de mesures, principalement orientées vers la flexibilité du marché du travail. Nous avons su, quant à nous, concilier souplesse et sécurité.

Mme Frédérique Massat. Bernard Cazeneuve, ministre délégué aux affaires européennes, a annoncé le 9 janvier que la France allait toucher 2,1 milliards d’euros provenant des fonds structurels au titre du pacte de croissance européen ; et que 230 millions d’euros de garanties accordées par la BEI et le budget communautaire permettaient également d’attirer des investisseurs. Comment tout cela sera-t-il mis en œuvre concrètement ?

Ma seconde question concerne le réseau des caisses d’épargne, distributeur historique du livret A, qui s’inquiète d’une baisse éventuelle de 10 points de la commission de centralisation à la Caisse des dépôts et consignations, et souhaite que toutes les banques soient traitées sur un pied d’égalité. Selon les caisses d’épargne, la réforme de l’épargne réglementée doit être globale et prendre véritablement en compte tous les paramètres – taux de centralisation, taux de rémunération des livrets, niveau du commissionnement. Que leur répondez-vous ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Nous allons en effet mettre en œuvre le pacte de croissance européen. En ce qui concerne les fonds structurels, il faudra sans doute aller vers une régionalisation plus importante. Par ailleurs, après l’augmentation de capital de 10 milliards d’euros de la BEI survenue le 31 décembre – la France versera sa part, d’un montant de 1,6 milliard d’euros, d’ici au 31 mars –, les crédits qui nous sont accordés devraient au moins doubler. Il va donc falloir recenser avec les préfets et les collectivités territoriales les projets structurants éligibles à ce titre.

Pour répondre à votre deuxième question, je partage l’idée qu’il faut agir sur tous les paramètres, c’est-à-dire à la fois sur la rémunération, comme nous l’avons fait en annonçant ce matin une baisse du taux d’intérêt du livret A, sur le taux de commissionnement, qu’il faut sans doute diminuer dans des conditions ne pénalisant pas le financement des collectivités territoriales et, enfin, sur le taux de centralisation. Il s’agit, à travers cette réforme de l’épargne réglementée, de trouver un équilibre.

Permettez-moi de revenir un instant sur le livret A. Peut-être vous a-t-il semblé incongru de m’entendre dire que son pouvoir d’achat était au plus haut depuis deux ans. J’entends par pouvoir d’achat la différence entre la rémunération du livret A et le taux d’inflation. En août 2011, mon prédécesseur, François Baroin, avait, sur la base du taux d’inflation du mois de juin, qui s’établissait à 2 %, fixé le taux du livret A à 2,25 %. Le pouvoir d’achat était donc de 0,25 %. En février 2012, le taux d’inflation s’élevait à 2,4 % et, selon la formule adoptée, le taux aurait dû passer à 2,75 %. Mais le Gouvernement a invoqué des circonstances exceptionnelles pour ne pas y toucher ce qui a conduit le pouvoir d’achat à diminuer de 0,15 %. En août dernier, j’ai laissé inchangé le taux du livret à 2,25 %, ce qui correspondait à l’application de la formule applicable, puisque l’inflation s’élevait à 1,9 %. Le gain de pouvoir d’achat a donc été de 0,35 %. Depuis, l’inflation a fortement reculé – 1,2 % aujourd'hui – et le taux d’intérêt aurait dû revenir à 1,5 % pour maintenir le pouvoir d’achat. En accord avec le gouverneur de la Banque de France, je donne un petit « coup de pouce » en fixant le taux à 1,75 %, soit une progression du pouvoir d’achat de 0,55 %. Au final, jamais le pouvoir d’achat des détenteurs d’un livret A n’a été autant préservé depuis deux ans, et ce dans un contexte où il faut en même temps encourager le financement du logement social.

M. Éric Straumann. Les règles de Bâle III, notamment les règles prudentielles, empêchent les banques françaises de financer nos collectivités. En Alsace et, je crois, en Rhône-Alpes, ce sont désormais des banques allemandes qui viennent démarcher les collectivités grâce au Schuldschein, un titre de créance à mi-chemin entre la dette et l’obligation, qui permet de se financer à des taux nettement inférieurs à ceux du marché français. Pourquoi ne pas laisser les banques françaises innover elles aussi ?

Le Gouvernement a par ailleurs confié à Thierry Mandon, député SRC, une mission sur la simplification des démarches administratives et de l’environnement réglementaire des entreprises ; le groupe UMP se félicite de voir ce chantier redevenir prioritaire. Je rappelle que la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives – qui avait fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel par le groupe SRC – a déjà permis un certain nombre d’allègements de la réglementation. Quelles évolutions vous semblent nécessaires en la matière ?

Enfin, le Gouvernement vient d’annoncer le remboursement de 5 milliards d’euros à EDF au titre de la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Quel en sera l’impact pour les consommateurs ?

M. le président François Brottes. Je rappelle, mon cher collègue, que ce remboursement fait suite à un « dérapage » mal contrôlé de la CSPE depuis dix ans !

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Les règles de Bâle III ont été assouplies, monsieur Straumann, notamment avec le report de 2015 à 2018 de l’entrée en vigueur des règles de liquidité. Notre pays a beaucoup pesé en faveur de ce délai bienvenu dont les banques avaient besoin pour s’adapter. N’oublions pas – y compris dans le débat sur la réforme bancaire – que le financement bancaire représente encore les deux tiers du financement des entreprises, soit 800 milliards d’euros. Sans banques qui fonctionnent, il est un peu vain de discuter de l’économie…

En ce qui concerne la CSPE, le président Brottes vous a très justement répondu. Cette décision, sans impact direct sur nos concitoyens, dit seulement que nous ne financerons pas la politique énergétique à crédit. Il s’agit de solder un passé : le montant de la taxe n’a pas été suffisant ces dernières années. Quant à son contenu, et donc à la trajectoire des prix, ils dépendront des choix qui seront faits à l’issue du débat sur la transition énergétique.

Pour ce qui est de la simplification administrative, je laisserai à M. Mandon le soin de vous répondre le moment venu – puisque nous lui en avons confié la mission. Je dirais simplement qu’il s’agit là d’engagements du Pacte de compétitivité qui sont aussi importants que ceux pris, par exemple, en matière de coût du travail.

Mme Marie-Noëlle Battistel. La France est aujourd’hui le premier défenseur du projet d’union bancaire européenne, qui doit permettre de casser le lien entre dette souveraine et dette bancaire par l’instauration d’un mécanisme européen de supervision des banques. Quel est aujourd’hui l’état des discussions sur cette question à l’échelle européenne ?

Vous nous avez déjà amplement répondu sur la BPI mais des réflexions ont-elles été lancées pour le cas où ce dispositif ne s’avérerait pas suffisant ?

S’agissant de la fiscalité de l’épargne, comment envisagez-vous concrètement l’orientation de l’épargne vers l’investissement ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. En ce qui concerne la BPI, je vous renvoie à ce que j’ai pu dire tout à l’heure ou durant le débat sur le projet de loi.

Venons-en à la fiscalité de l’épargne. Le Gouvernement respecte le dialogue social ; il respecte aussi le Parlement. Sur ma proposition, le Premier ministre a donc confié une mission sur la réforme de l’épargne financière à Karine Berger et Dominique Lefebvre, qui me rendront leurs conclusions d’ici quelques semaines. Il s’agit bien d’orienter davantage l’épargne vers les placements longs, notamment vers les actions – car nous manquons de financements à long terme pour l’économie. Vous me permettrez de ne pas préjuger davantage des conclusions de la mission parlementaire.

Vous m’interrogez enfin sur la mise en place de la supervision bancaire européenne. Un nouveau mécanisme de supervision unique des banques a été adopté fin décembre dans le cadre du conseil Ecofin. Il crée un superviseur unique, à savoir la Banque centrale européenne (BCE), et un conseil de supervision, mais prévoit aussi l’intervention de superviseurs nationaux, la supervision directe étant réservée aux banques les plus importantes. Ce mécanisme doit entrer en vigueur un an au plus tard après le règlement, lequel devrait être prêt en mars 2013. Pourquoi si tard ? La réponse m’a été donnée par M. Mario Draghi lui-même : la BCE doit inventer un nouveau métier. Mais l’union bancaire ne saurait se résumer au système de supervision unique des banques de la zone euro. Deux autres dimensions doivent être envisagées : la directive « résolution des défaillances bancaires » et la directive « garantie des dépôts ». Le projet de loi sur la réforme bancaire que nous allons bientôt discuter fait ici office de pionnier, puisqu’il crée un système de garantie des dépôts et renforce considérablement notre système de résolution et notre contrôle prudentiel. Mais l’Union européenne s’attelle elle aussi à ces questions : M. Barroso annonce d’ailleurs un projet de directive résolution pour cette année.

M. Philippe Kemel. L’investissement se heurte aujourd'hui au manque de financements. Or il est, et notamment l’investissement public, décisif pour la croissance. Dans ce contexte, peut-on envisager de rendre aux régions la faculté qu’elles ont perdue, d’augmenter fiscalement leurs ressources ?

J’en viens à la réforme bancaire, dont je serai le rapporteur pour avis au sein de cette commission. Peut-on espérer qu’une fois la sécurité assurée par une séparation des activités bancaires, les contraintes de Bâle III seront allégées ? Votre belle politique portera un jour ses fruits mais les citoyens sont impatients : nous devons leur donner un horizon. À partir de quelle date pouvons-nous espérer une augmentation du taux de croissance ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je vous l’ai dit, l’étau de Bâle III se desserre. Je pourrais également mentionner la directive « Solvabilité II » ou Solvency II, applicable au secteur des assurances. Là aussi, nous nous battons pour obtenir une évaluation indépendante, qui prenne en compte les paramètres du secteur assurantiel français. Notre cause progresse.

En ce qui concerne la fiscalité locale, la philosophie que vous défendez est bien celle qui a présidé à la campagne présidentielle – à savoir plus d’autonomie. Un projet de loi sur la décentralisation, qui comportera un volet sur la fiscalité locale, sera présenté au Parlement d’ici quelques mois par Mme Lebranchu.

Je maintiens notre hypothèse de croissance pour 2013, qui a été fixée à 0,8 %. Elle n’est pas absurde même si elle est volontariste et supérieure aux prévisions de la plupart des grands instituts. En effet, un certain nombre de facteurs ou d’aléas internationaux me paraissent aujourd’hui bien orientés : les États-Unis ont trouvé un accord sur le fiscal cliff ; la Chine a fait le choix d’une politique de relance de sa consommation intérieure ; le Japon souhaite également engager un plan de relance ; la zone euro elle-même ira de l’avant en retrouvant du crédit. À l’échelle domestique, le Pacte de compétitivité, l’investissement tourné vers la croissance, et la préservation du pouvoir d’achat devraient jouer favorablement en 2013. C’est donc en 2014 et 2015 que la zone euro devrait sortir de la spirale de récession ou de stagnation dans laquelle elle est prise depuis plusieurs années. Nous nous y employons, à l’échelle européenne et mondiale comme à celle de notre pays.

Le Président de la République a réitéré – jusque dans ses vœux – l’objectif d’une inversion de la courbe du chômage fin 2013. Le Gouvernement y travaille, notamment en soutenant les politiques actives d’emploi et les aides à l’emploi – contrat de génération et emplois d’avenir, mais aussi contrats aidés – et en créant les conditions d’une croissance permettant de créer plus d’emplois. Le taux de croissance nécessaire pour y parvenir est de 1,5 %. Nous espérons l’atteindre dès 2014 ou 2015.

Mme Pascale Got. Envisagez-vous une réforme significative de la contribution économique territoriale (CET), monsieur le ministre ?

Selon vous, allons-nous vers une augmentation des taux d’intérêt du crédit bancaire, particulièrement bas aujourd’hui ?

Le plan de restructuration de PSA sera-t-il modifié en raison de la notification aux autorités communautaires de l’aide accordée à la Banque PSA Finance, que la Commission européenne pourrait considérer comme une aide d’État ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Nous avons bien notifié la garantie de l’État aux autorités européennes. J’en avais d’ailleurs informé comme il se doit le commissaire Almunia avant même que la décision ne soit prise. Nous sommes en cours de discussion avec la Commission, et j’ai bon espoir que cette aide ne soit pas requalifiée en aide d’État. En toute hypothèse, cela n’entraînerait pas de modification du plan de restructuration de PSA puisque cette aide concerne PSA Finance. En tant qu’élu de la circonscription de Montbéliard, Sochaux, Valentigney et Audincourt, qui accueille la plus grande usine française du groupe, je suis particulièrement attaché à son avenir – et je suis convaincu qu’il en a un, même si des inflexions stratégiques sont nécessaires. Nous avons d’ailleurs obtenu en contrepartie de la garantie d’État accordée à PSA Finance des modifications dans la gouvernance, avec la nomination de M. Gallois comme administrateur indépendant, et l’ouverture de nouvelles perspectives avec de nouveaux véhicules, par exemple à Rennes.

En ce qui concerne les taux d’intérêt du crédit bancaire, il n’y pas de forte hausse en vue. Ni la politique de la BCE, ni celle de la France ne le laissent craindre. Par précaution, nos prévisions envisagent l’éventualité d’une normalisation progressive. La constance observée sur les taux d’intérêt apporte la preuve de la confiance dont jouit notre politique économique, et de notre crédibilité budgétaire. Cette confiance sera renforcée par l’accord qui vient d’être négocié sur le marché du travail, qui était très attendu – et pas seulement en France. Nous pouvons donc être confiants : nous allons conserver des taux d’intérêt bas.

Vous m’interrogez sur la CET, mais c’est plutôt la CFE qui mérite d’être toilettée. Nous en discuterons en 2013.

M. Fabrice Verdier. Vous avez parlé de « trous dans la raquette » à propos du financement des collectivités territoriales. À ma connaissance, il en existe, dans mon département du Gard, encore deux : les crédits de trésorerie et les crédits à long terme. Il est ainsi très difficile de trouver des ressources à vingt-cinq ou trente ans.

Si l’on peut se réjouir de la création de la BPI et de la montée en puissance de la Banque postale, il faut rappeler que de nombreuses collectivités sont dépourvues de compétences en ingénierie financière. Ne serait-il pas judicieux de prévoir à leur intention une communication spécifique de la part des préfets pour présenter les différentes offres à leur disposition ?

Je salue le Pacte de compétitivité ; vous avez évoqué la nécessité de réfléchir à ses conséquences en 2013. À mon sens, il en est une qui pose problème : les artisans non salariés, qui ne sont pas concernés par le CICE, devront faire face au passage à 10 % du taux de la TVA et à la concurrence des auto-entrepreneurs – qui n’y sont pas assujettis. Il convient d’ouvrir une réflexion afin de mettre fin à cette distorsion de concurrence.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. C’est une discussion que nous avons eue avec l’UPA, qui regrette que les entreprises artisanales n’ayant pas de salariés ne bénéficient pas du CICE. Je peux le comprendre, mais raisonnons un instant : comme je l’ai dit à M. Lardin, président de l’UPA, il ne s’agit pas de créer un effet d’aubaine mais d’inciter à embaucher et à investir. Or il suffit d’embaucher une personne pour bénéficier du CICE pour les deux emplois. N’oublions pas que le dispositif vise à créer une dynamique.

S’agissant maintenant des collectivités territoriales, l’enveloppe de 20 milliards d’euros annoncée par le Président de la République a justement vocation à combler ces défaillances de marché sur les financements longs dans les infrastructures. Une circulaire a par ailleurs été adressée aux préfets. Je partage votre sentiment quant à la nécessité de leur fournir des renseignements et d’exiger d’eux des retours d’information plus efficaces ; c’est, du reste, ce que nous faisons avec Manuel Valls.

Mme Corinne Erhel. Alcatel Lucent, qui compte 9 000 salariés en France, est sur le point de mettre en gage des actifs clés ainsi que son portefeuille de propriété intellectuelle – pour un total de 5 milliards d’euros – pour obtenir un crédit d’1,6 milliard d’euros auprès de Goldman Sachs et Crédit suisse. En cas de défaillance, le groupe perdrait donc un portefeuille industriel très stratégique, au financement duquel l’État a contribué – notamment au travers du crédit impôt recherche. La France et le système bancaire français et européen sont-ils en mesure de proposer des solutions alternatives pour sauvegarder ces emplois et ce patrimoine industriel, qui englobe des activités sensibles pour notre souveraineté et notre sécurité numérique ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. J’avais deviné votre préoccupation : je la comprends et je la partage. Je ne puis cependant apporter une réponse détaillée à votre question car les discussions sont en cours. Avec Fleur Pellerin, Arnaud Montebourg et les membres de mon cabinet, nous voulons nous assurer que ce prêt ne compromette ni l’avenir, ni les actifs stratégiques de l’entreprise. Je pense à ASN – Alcatel Submarine Networks – pour les câbles sous-marins, mais pas seulement. Soyez donc assurée que l’État n’est pas démuni pour éviter des prises de contrôle inappropriées des entreprises françaises. Ce dossier est sans doute celui qui nous mobilise le plus actuellement.

M. Yves Blein. Votre attention a été attirée sur le fait que l’économie sociale, dont les bénéfices ne sont pas imposables, ne pouvait bénéficier du CICE, ce qui crée une distorsion de concurrence dans certains domaines. Une mesure supplémentaire d’allègement de la taxe sur les salaires de 300 millions d’euros a donc été prise. Néanmoins, celle-ci concerne essentiellement les petites entreprises de l’économie sociale, qui sont finalement les moins exposées à la concurrence. Les « grandes » entreprises de l’économie sociale – présentes dans les secteurs du tourisme, des services à la personne, de l’éducation, des services sociaux et médico-sociaux – n’en bénéficient donc pas de manière significative. Bref, on passe à côté de la cible. Est-il envisageable d’apporter une solution à ce problème dans le cadre du prochain projet de loi de finances ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Nous avons eu cette discussion dans le cadre du débat sur le CICE. Sur la suggestion de Benoît Hamon, le Gouvernement a décidé un allègement de 315 millions d’euros de la taxe sur les salaires, ce qui est loin d’être négligeable. Mais d’autres questions se posent, et une réflexion sera conduite cette année pour remettre à plat la fiscalité du secteur non lucratif et évoquer le problème des tarifications, travail qui est actuellement conduit en concertation avec Mme Touraine.

M. Hervé Pellois. La semaine dernière, le Président de la République incitait les collectivités territoriales à redoubler leurs efforts d’investissement pour soutenir l’emploi et l’économie au cours de cette année 2013. Le même jour ou presque, le Premier président de la Cour des comptes les invitait à faire l’inverse. C’est peu de dire que le message est brouillé. Qu’en pensez-vous ?

Permettez-moi d’autre part d’abonder dans le sens de M. Verdier. J’ai reçu hier un plombier-chauffagiste qui travaille seul. Gérant majoritaire d’une SARL, il se dit durement touché par les dispositions qui ont été adoptées dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Celles-ci ne risquent-elles pas de décourager et de pénaliser les petits entrepreneurs ? Des mesures d’accompagnement sont-elles prévues ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je crois avoir répondu sur l’investissement des collectivités territoriales. Le message est clair, même s’il convient sans doute d’améliorer l’information des uns et des autres.

Votre deuxième question ressort davantage des compétences de Mme Pinel. Les PME et les TPE sont au cœur de la politique fiscale, sociale et économique que nous menons. Je respecte le choix de certains de travailler seuls, et j’observe que le CICE ne conduit pas à une dégradation de leur situation – même si celle-ci ne s’améliore pas. Il ne s’agit pas de faire des cadeaux fiscaux, mais d’inciter à investir et à embaucher, donc de modifier les comportements.

M. Henri Jibrayel. Afin de résorber le déficit supporté depuis 2009 par EDF au titre de la compensation de ses charges de service public d’électricité, vous souhaitez augmenter la CSPE. De combien ? Quel sera l’impact sur les ménages ? Comment entendez-vous corriger les effets pervers et les inégalités qui pourraient se faire jour ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Nous soldons là une inconséquence du gouvernement précédent. EDF s’est vue confier des missions de service public – tarifs sociaux, lutte contre la précarité énergétique, solidarité nationale qui permet à nos compatriotes d’outre-mer ou de Corse de payer leur électricité au même prix qu’en métropole, alors que les coûts de production y sont bien plus importants, soutien au développement des énergies nouvelles… Ces missions génèrent des surcoûts financés par une taxe – la CSPE – qui représente pour les ménages environ 10 % de leur facture. Ces dernières années, le montant de la taxe n’a pas été suffisant. Le gouvernement précédent a donc financé le service public de l’électricité – dont les énergies renouvelables – à crédit, handicapant du même coup EDF, qui devra pourtant investir massivement dans la production et les réseaux dans les prochaines années. Il fallait solder ce passé. J’ai rencontré à plusieurs reprises M. Proglio avant de passer un accord. Nous allons agir de manière responsable : le débat sur la transition énergétique, qui aura lieu au premier trimestre, portera notamment sur un financement équilibré et soutenable de la politique énergétique.

Je le répète, la décision que nous avons prise n’a pas en soi d’impact sur les factures des ménages. Elle dit juste qu’il faut une politique économiquement soutenable, et que nous ne financerons pas à crédit les missions de service public d’EDF. Quant au montant, il s’établit à 3 euros maximum du kilowattheure.

M. le président François Brottes. Je vous remercie sincèrement monsieur le ministre de vous être prêté à ce périlleux exercice de questions-réponses, qui nous a permis de donner un tour plus vivant à cette audition.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 15 janvier 2013 à 16 h 15

Présents. - M. Damien Abad, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. Dino Cinieri, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Razzy Hammadi, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Michel Piron, M. Bernard Reynès, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Éric Straumann, M. Jean-Marie Tetart, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Jean-Michel Couve, Mme Jeanine Dubié, M. Joël Giraud, Mme Marie-Lou Marcel, M. Dominique Potier, M. François Pupponi, M. Jean-Paul Tuaiva

Assistaient également à la réunion. - M. André Chassaigne, M. Alain Fauré, M. Marc Goua