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Commission des affaires économiques

Mercredi 6 février 2013

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 50

Présidence de M. François Brottes Président

– Examen du rapport d’information sur l’impact de la régulation des télécoms sur la filière télécom (Mmes Corinne Erhel et Laure de La Raudière, rapporteures).

La commission a examiné le rapport d’information sur l’impact de la régulation des télécoms sur la filière télécom de Mmes Corinne Erhel et Laure de La Raudière.

M. le président François Brottes. Chers collègues, cette audition n’est pas publique. Peut-être faudrait-il d’ailleurs prendre l’habitude de rendre publics nos travaux dès lors qu’il s’agit de contrôle et d’évaluation. En accord avec le Bureau de la commission, nous avions décidé de la création de missions qualifiées de « flash », dont l’objectif est de travailler rapidement, en deux mois, afin de ne pas rendre un rapport à contre-temps de l’actualité économique. Nos collègues Mmes Corinne Erhel et Laure de La Raudière inaugurant donc cette pratique, je les en remercie. De même, Mme Marie-Noëlle Battistel et M. Eric Straumann nous présenteront bientôt un rapport consacré à l’hydroélectricité. Je souhaite par ailleurs vous indiquer m’être engagé ce matin auprès de nos collègues de la Douma à mener une réflexion au sein de notre commission sur les contrats d’approvisionnement en gaz. J’ai cru comprendre qu’un certain nombre d’entre vous avaient été inondés de mails car, pensant que vous ne sauriez pas poser des questions aux rapporteures, un opérateur, le dernier-né pour ne pas le nommer, s’est permis de vous transmettre ses propres questions. Je sais que la pratique est commune mais cette stratégie est quelque peu pénible. Bien évidemment, nous pourrons tous poser quelques questions mais je félicite dès à présent nos rapporteures de leur travail, et d’être parvenues à proposer de manière unanime un certain nombre de recommandations. Je tiens enfin à rappeler l’importance pour nous de tels rapports, qui doivent nous permettre d’identifier réellement les questions qui posent difficulté, et de proposer des améliorations. Le langage diplomatique ne doit donc pas forcément être privilégié.

Mme Corinne Erhel, rapporteure. Avec Laure de La Raudière, nous avons donc mené cette mission en à peine deux mois. Nous avons auditionné plus d’une trentaine de personnes – opérateurs, équipementiers, prestataires de services, distributeurs, régulateurs, agences publiques, chercheurs, etc. Notre objectif était d’étudier l’impact de la régulation sur le secteur des télécommunications, la question centrale étant de savoir si nous avions atteint en matière de régulation un point d’équilibre entre l’intérêt du consommateur, la capacité d’investissement, l’emploi, l’aménagement du territoire, l’innovation et l’impact sociétal pour l’ensemble des citoyens. L’année 2012 a été particulièrement marquée par la poursuite du déploiement du très haut débit fixe, notamment grâce à la pérennisation du cadre réglementaire, la finalisation du processus d’attribution des licences 4G et, bien évidemment, l’arrivée du quatrième opérateur sur le marché mobile. Nous nous sommes donc interrogées sur l’état de la filière des télécommunications dans ce contexte, et avons poursuivi un double objectif : d’abord, tenter de dresser le constat, en distinguer le vrai du faux – vous n’êtes pas sans savoir que le secteur fait l’objet quasiment chaque semaine d’un grand nombre d’articles de presse ; ensuite proposer des pistes de réflexion opérationnelles afin de permettre à la filière de mieux fonctionner. Dans la mesure où la durée de la mission était réduite, nous nous sommes particulièrement intéressées au mobile. Ceci s’explique d’autant plus par l’organisation du séminaire gouvernemental sur le numérique à la fin du mois de février, qui devrait être l’occasion d’évoquer le cadre de déploiement du très haut débit fixe. Notre premier constat est celui d’une crispation marquée des acteurs sur cette filière, qui s’illustre d’abord par une perte de confiance entre opérateurs, mais également entre opérateurs et fournisseurs. De plus, l’action du régulateur a été questionnée, et fait l’objet d’un grand nombre de déclarations. Au début de l’année 2012, notre commission avait d’ailleurs organisé plusieurs auditions consacrées à l’analyse du secteur des télécommunications mobiles. Le marché a été chamboulé au cours de l’année 2012, l’arrivée du quatrième opérateur ayant permis au consommateur de gagner en pouvoir d’achat puisque les prix ont fortement baissé. Ainsi, les prix pratiqués en France sont aujourd’hui les plus bas en Europe, alors que le nombre d’abonnements a fortement augmenté. Cette baisse des prix a évidemment profité au consommateur, et nous nous en réjouissons. Néanmoins, nous sommes obligées de nous demander si cette baisse des prix a eu des conséquences positives ou négatives sur l’ensemble de la filière. Cette approche filière est essentielle car nous avons le sentiment que la régulation est trop centrée sur les seuls opérateurs, oubliant les autres acteurs du secteur, en aval comme en amont. Or, la contraction des marges des opérateurs qui résulte d’un abaissement marqué des prix a eu des conséquences sur l’ensemble de la filière. Les offres mobiles sont aujourd’hui très basses, les plus connues étant celles à 2 euros, voire 0 euro du nouvel entrant, notamment car les autres opérateurs ont suivi le mouvement de baisse de prix. La question est donc de savoir si compte tenu de cette évolution, le marché peut continuer à se développer, en garantissant l’intérêt du consommateur mais également l’investissement, l’emploi, l’innovation, l’aménagement du territoire et l’impact sociétal. Enfin, nous souhaitions d’ailleurs évoquer ce sujet toutes les deux, il est frappant de constater que dès que l’on aborde le secteur des télécommunications, et essentiellement la situation du quatrième opérateur et les conséquences de son entrée sur le marché, de fortes pressions s’exercent sur l’ensemble des commentateurs, qu’il s’agisse de journalistes ou d’économistes, dont les opinions peuvent d’ailleurs diverger : certains ont un jugement très positif de l’entrée du quatrième opérateur sur le marché, d’autres sont plus circonspects. En tout état de cause, de telles pratiques ne participent pas à la sérénité sur secteur et, en ce qui me concerne, je trouve gênant que l’on puisse aboutir à des mises en examen de journalistes qui exercent leur métier.

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Permettez-moi tout d’abord de remercier Corinne Erhel pour son propos liminaire. Avant d’exposer la situation de la filière des télécommunications, je souhaiterais insister sur le fait que lors de chacune de nos auditions, nous avons eu le sentiment d’une forte crispation sur l’ensemble de la filière. Celle-ci amène certains acteurs à peut-être s’autocensurer, notamment en raison d’une certaine peur des représailles ressentie par plusieurs commentateurs. Nous souhaitions en rendre compte dans notre rapport, qui mentionne le fait que plusieurs journalistes ont été poursuivis dans le cadre de leur métier, qu’un chercheur a fait l’objet d’une saisine par huissier des données contenues sur son ordinateur portable à la demande du quatrième opérateur, ou encore que les procès se multiplient entre acteurs économiques.

Corinne Erhel l’a rappelé, l’entrée du quatrième opérateur sur le marché mobile a eu un très bon impact pour le consommateur, c’est indéniable, mais force est de constater que dans le même temps, il y a eu des suppressions d’emplois. Celles-ci ne sont certes pas uniquement liées à l’entrée du quatrième opérateur sur le marché mobile : certains acteurs devaient sans nul doute identifier des gains de productivité et rationnaliser la production. Néanmoins, c’est évident, l’entrée du quatrième opérateur a bouleversé le marché et certainement accéléré le processus : 856 suppressions de postes chez SFR, 556 chez Bouygues Télécom, décision d’Orange de ne pas remplacer intégralement les départs à la retraite. S’agissant des équipementiers, la problématique est légèrement différente. Confrontés à une concurrence mondiale, alors que les opérateurs évoluent dans un marché plutôt national, les équipementiers sont en concurrence frontale avec les acteurs asiatiques comme Huawei et ZTE, soupçonnés par la Commission européenne d’être financés par l’État chinois. Ainsi, NSN a annoncé 17 000 suppressions d’emplois, tandis qu’Alcatel-Lucent a prévu de supprimer 5 490 postes, dont 1 430 en France. L’effet sur les PME est plus insidieux car il est invisible, dans la mesure où les pertes d’emplois sont pour l’instant principalement dues à des non renouvellements de CDD.

J’en viens à présent aux centres d’appels : il est notable de préciser que si Free a créé environ 2 500 emplois, dont environ 2 000 emplois dans les centres d’appels, les représentants syndicaux nous ont indiqué estimer les destructions d’emplois dans les centres d’appels à au moins 4 000. Je tiens à souligner le fait que ces suppressions s’expliquent également par des changements de pratiques des consommateurs. En effet, de plus en plus de personnes prennent leurs abonnements sur internet, sans acquérir de terminaux – le quatrième opérateur a à ce titre fait montre d’innovation en proposant des forfaits Sim only et en orientant ainsi le marché – tandis que le nombre d’appels a diminué en raison de l’amélioration du service fourni dès le premier appel et de l’habitude prise par les consommateurs de privilégier l’assistance en ligne, sur internet. Ces changements de pratiques ont également eu un effet indéniable sur les réseaux de distribution, qui recouvre aussi bien les boutiques propres des opérateurs que les magasins indépendants ou les distributeurs mondiaux. Alors que les revenus qui proviennent des opérateurs représentent 60 % à 70 % de la marge brute du secteur, la contraction de l’activité a fortement pesé sur les distributeurs. S’agissant des réseaux propres des opérateurs, on constate un phénomène de storisation, c'est-à-dire la constitution de grandes boutiques sur le modèle des Apple stores, au détriment des boutiques de proximité sur nos territoires. Pour résumer, alors qu’il y avait auparavant une boutique France Télécom dans chaque sous-préfecture, aura-t-on encore une boutique de vente de proximité de terminaux dans ces villes à l’avenir ? Dans le même temps, d’autres réseaux de proximité se lancent dans la commercialisation des terminaux – je pense au groupe La Poste – ce qui représente peut-être une piste intéressante. En conclusion, s’il faut reconnaître une tendance de fond à la réduction de l’emploi sur le secteur, l’arrivée du quatrième opérateur a provoqué un choc brutal qui n’a pas été suffisamment été anticipé, et force est de le constater, les créations d’emplois n’ont pas compensé les suppressions constatées sur la seule année 2012.

Mme Corinne Erhel, rapporteure. Avant d’exposer nos propositions, je voudrais également souligner le phénomène d’accélération des évolutions observées sur l’ensemble de la filière, et insister sur le fait que le processus d’attribution des licences mobiles 3G a été décidé sans étude d’impact préalable, du moins publique, sur ses conséquences en termes d’investissements et d’emplois. La baisse des prix considérable qui en a résulté n’a clairement pas été anticipée, ni par les opérateurs, ni par le régulateur.

Notre rapport propose plusieurs pistes d’amélioration concrètes visant, en premier lieu, à structurer la filière au niveau national. Nous avons pu constater une forte carence au niveau des données disponibles sur la filière – par exemple, le nombre exact d’emplois qu’elle recouvre – en raison, notamment, d’un périmètre imprécis. Or, il est essentiel de relancer une politique de filière. À cet égard, la mise en place du Conseil national de l’industrie, hier, constitue une initiative importante. La réflexion sur la filière numérique doit notamment inclure la situation des équipementiers : nous proposons ainsi l’élaboration d’une charte pour une concurrence équitable. Il s’agit de garantir ainsi le respect de valeurs économiques et sociales fondamentales.

En deuxième lieu, notre rapport suggère de moderniser la régulation du secteur. Toute réflexion doit être menée au regard du droit communautaire, le cadre européen visant à encourager l’ouverture à la concurrence, au bénéfice des consommateurs. Mais, le contexte a changé tandis que le régulateur a été mal préparé au niveau national avec la fixation de vingt-et-un objectifs, tous insuffisamment pris en compte. Or, il importe également de veiller à maintenir un certain équilibre de la filière non seulement en matière d’intérêt du consommateur mais aussi d’emplois et d’investissements. Au fil du temps, la définition de la politique de télécommunication a été quasi intégralement confiée l’autorité de régulation, au détriment de l’État qui ne dispose plus de moyens suffisants pour jouer son rôle. À titre d’illustration, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes dispose de 173 emplois équivalent temps plein (ETP) contre 25 ETP pour l’État dans le domaine des télécommunications. Cette situation a déjà été soulignée dans un précédent rapport parlementaire sur la fracture numérique et explique les difficultés actuelles à superviser un déploiement équilibré de la fibre optique. Une clarification des compétences s’impose donc, afin d’assurer une meilleure visibilité.

En troisième lieu, il nous paraît indispensable de renforcer le pilotage de l’État. La baisse importante des prix a eu des répercussions fortes sur la filière numérique, tant en amont qu’en aval et on ne peut accepter qu’in fine, l’emploi soit la variable d’ajustement. Les évolutions récentes au sein de la filière se sont caractérisées par une brutalité sans précédent et il est aujourd’hui nécessaire de réintroduire la concertation ainsi que des capacités d’anticipation et d’évaluation. Au-delà du nécessaire développement d’une culture de l’étude d’impact préalable que j’ai déjà évoquée, il faut également être en mesure d’évaluer les résultats atteints. Le Parlement a un rôle essentiel à jouer et doit être consulté et informé en amont.

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Avant d’évoquer les perspectives de la filière, en particulier le développement du haut débit fixe et mobile et notre quatrième axe de propositions, je souhaiterais revenir brièvement sur les crispations que nous avons pu constater au sein de la filière. Tout d’abord, il n’y a pas suffisamment de transparence sur la qualité de service des opérateurs, comme l’illustre la question de la couverture, par Free, de l’ensemble du territoire. Compte tenu de l’importance des enjeux, nous proposons la mise en place d’un Observatoire de la qualité de service sur les réseaux fixes et mobiles chargé, au sein de l’ARCEP, d’une mission d’évaluation et de contrôle au service du consommateur. Cet observatoire, porté par l’ARCEP, permettrait de disposer d’une analyse indépendante des opérateurs. De la même manière, il nous paraît essentiel de conforter l’Observatoire des investissements et du déploiement dans les réseaux mobiles afin d’harmoniser les mesures d’évaluation des investissements réalisés. Enfin, la politique du numérique en France dépasse les frontières de la seule filière, comme le montre l’exemple des moteurs de recherche qui réalisent des marges en dehors du territoire, et plus largement des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), sur lesquels il importe de reprendre la main. À cet égard, nous suggérons que la commission des affaires économiques entame une réflexion sur l’économie numérique, en particulier les déplacements de valeur ajoutée dont elle fait l’objet. Il est, en effet, indispensable de « relocaliser la valeur ». À cet égard, vous n’êtes pas sans savoir que les prestations des chauffeurs du service Uber sont facturées depuis les États-Unis, alors même que les courses sont réalisées en France.

De plus, il est sans doute nécessaire d’engager une réflexion sur la loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005 dite « loi Chatel ». Cette loi a représenté une réelle avancée en posant le principe de services de relations avec les clients gratuits et de qualité. Mais, elle est également à l’origine de certains effets pervers, qu’illustrent les délocalisations des centres d’appel. Dans le but d’encourager une forme de relocalisation sur le territoire national, ces dispositions pourraient être aménagées en distinguant certains services spécifiques d’assistance technique qui deviendraient payants.

M. le président François Brottes. Je tiens à saluer ce travail qui a abouti à une écriture commune, ce qui mérite d’être souligné. Il est le résultat d’une première « mission flash » qui nous permet de réagir rapidement à un sujet donné. La contrepartie est une certaine frustration quant à la formalisation des propositions dans un cadre législatif et je suggère de prolonger cette réflexion afin de lui donner une traduction juridique. Vous avez utilisé des expressions fortes et vous êtes interrogées sur la viabilité du modèle en place. Cela pose notamment la question d’une régulation que je qualifierai d’ « asymétrique » dans la mesure où elle revient à favoriser le dernier entrant et sur laquelle des ajustements me sembleraient pouvoir être utilement apportés par le législateur. Enfin, nous venons d’avoir un débat sur la mutualisation des infrastructures à l’occasion de l’examen de la proposition de loi rapportée par notre collègue Laurence Abeille. L’ouverture à la concurrence est à l’origine de dysfonctionnements qu’il convient de corriger. Je suis donc favorable à prolonger la réflexion sur la traduction juridique à apporter à vos propositions.

Mme Pascale Got. Je tiens également à féliciter les rapporteures pour ce travail dans un contexte tendu. Permettez-moi d’insister sur la question des centres d’appel qui, après avoir connu une période « faste », rencontrent aujourd’hui des difficultés en raison de la crise et de l’arrivée d’un nouvel opérateur sur le marché. Vous suggérez des pistes destinées à favoriser la relocalisation de certaines activités sur le territoire national. Mais, ne risque-t-on pas au contraire d’accélérer le phénomène de délocalisation ? Cette activité se caractérise d’ores et déjà par des conditions de travail qui ne sont pas satisfaisantes avec un recours important aux contrats de travail temporaires. De quelles marges dispose-t-on véritablement pour revisiter les dispositions de la « loi Chatel » et quel serait l’impact de la réintroduction de certains services payants ? Pourriez-vous détailler cette proposition que vous venez de formuler ?

M. Lionel Tardy. Comme mes collègues, je souhaite saluer le travail réalisé par nos deux rapporteures. Les questions relatives aux opérateurs, à la concurrence exacerbée et au développement des réseaux de très haut débit ont déjà été largement évoquées. C’est la raison pour laquelle je souhaiterais m’attarder sur la situation des équipementiers qui se trouvent dans une situation difficile comme l’illustre le cas d’Alcatel-Lucent qui doit aujourd’hui gager ses brevets. Cette question dépasse le cadre français, comme l’attestent les procédures envisagées par la Commission européenne à l’encontre de deux équipementiers chinois qui ont bénéficié de subventions leur permettant de réduire leur coût de revient de 35 %. Le développement technologique et le dépôt de brevets sont cruciaux et relèvent, à mon sens, de la sécurité nationale. Les États-Unis n’ont pas hésité à interdire l’activité de ces deux équipementiers sur leur territoire et il me paraît indispensable que des mesures fortes soient également prises rapidement par la commission européenne. J’en viens maintenant à la question de la régulation et au rôle de contrôle joué par l’ARCEP. Si la question d’une fusion avec le CSA a été évoquée au sein de notre commission, on a, en revanche, rarement mentionné l’Agence nationale des fréquences (ANFR) qui dispose pourtant de réelles capacités – avec environ 300 personnes à son service – et de compétences qui pourraient être utilisées en vue de développer des synergies, quand bien même elle n’a pas le statut d’AAI. Enfin, je voudrais revenir sur l’impact qu’aurait une loi sur les ondes électromagnétiques sur la filière des télécommunications. Nous venons d’avoir ce débat en séance publique, au cours duquel la parution d’un certain nombre de rapports d’ici juin prochain a été évoquée. Qu’en est-il plus précisément du calendrier ?

M. le président François Brottes. Comme je l’ai indiqué, Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l’innovation et de l’économie numérique sera auditionnée par notre commission très prochainement afin d’évoquer notamment la traduction législative du principe « ALARA » (« As Low As Reasonably Achievable »).

Mme Laurence Abeille. Le travail des rapporteures nous a permis de disposer d’un état des lieux rapide sur la filière numérique ainsi que de propositions, ce que je tiens également à saluer. Les auditions qu’elles ont conduites ont été en grande partie similaires à celles que j’ai moi-même menées dans le cadre de mon rapport sur la proposition de loi sur les ondes électromagnétiques. Je tiens à souligner que j’ai également été frappée par l’opacité, le climat malsain et le lobbying qui prédominent dans le secteur. Lorsque la ministre déléguée s’est adressée aux opérateurs à l’occasion des vœux de la Fédération française des télécoms, elle a avant tout cherché à les rassurer plutôt qu’à évoquer le contenu de la proposition de loi. On a assisté à un déplacement de l’économie numérique en dehors de la puissance publique et je rejoins les rapporteurs pour déplorer cette évolution et encourager un retour des pouvoirs publics dans le secteur. Le développement de la fibre optique est important au regard du développement de la téléphonie sans fil et des investissements de long terme sont nécessaires, alors que les opérateurs n’ont qu’une vision de court terme. Il est donc indispensable d’accompagner le développement pérenne de l’outil numérique et des réseaux. En ce qui concerne le climat actuel et les procès qui ont été engagés par un opérateur, je tiens à rappeler qu’ils ne concernent pas que les journalistes et un chercheur mais également des collectivités et des associations. La presse a récemment titré que les opérateurs comprenaient, à part égale, autant d’ingénieurs que d’avocats. Cette image reflète bien la guerre impitoyable dans le secteur, qui ressemble à une sorte de jungle. Des efforts de clarification s’imposent donc aujourd’hui afin de concilier efficacité et humanité, efficacité et développement durable. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à la réalisation d’études d’impact – comme cela a été suggéré par les rapporteures – qui comprennent non seulement une dimension économique et sociale mais aussi une dimension sanitaire et environnementale. Je termine mon intervention par deux questions : disposez-vous de données sur les conséquences de l’arrivée de la 4G sur les prix des forfaits téléphoniques ? Quelles pistes privilégiez-vous sur la question de la mutualisation des infrastructures ?

Mme Corinne Erhel. Il est vrai que le format de la mission d’information « flash » oblige à se concentrer très fortement sur son sujet et à auditionner à un rythme très soutenu afin d’arriver le plus rapidement possible à un constat.

La mutualisation des infrastructures est incontestablement un vrai sujet mais il emporte des implications juridiques qui demandent une réflexion plus approfondie, j’ajoute que l’Autorité de la concurrence a également été saisie par le gouvernement sur ce sujet et rendra un avis à la fin du mois. En ce qui concerne les centres d’appels, la question est davantage d’éviter l’hémorragie des emplois plutôt que d’essayer de relocaliser cette activité sur notre territoire. Le phénomène de pertes d’emplois touche essentiellement des contrats à durée déterminée ou d’intérim, ce qui a moins de visibilité. Nous avançons deux pistes de réflexion, tout d’abord revoir les dispositions de la loi Chatel afin de pouvoir créer, à côté d’un service gratuit universel de qualité, un service supplémentaire payant, ensuite répondre aux obligations de service 24/24 en s’appuyant sur les possibilités d’emploi Outre-mer grâce aux différences de fuseaux horaires.

Il n’est pas niable que la situation de concurrence exacerbée que connaissent actuellement les opérateurs de téléphonie mobile engendre des difficultés puisqu’il leur est demandé, avec les tarifs les plus bas d’Europe, de réaliser des investissements pour le déploiement de la fibre optique et de la 4G. C’est en réalité toute la filière qui en subit les conséquences et il est bien clair pour moi qu’au-delà d’avantages à court terme pour les consommateurs, les stratégies low cost produisent des effets pervers à l’égard de l’ensemble des acteurs en termes d’emplois, d’investissements et d’aménagement du territoire. On constate notamment une évolution sur les équipementiers avec une forte pénétration des équipementiers asiatiques sur le marché européen. Le paysage européen est soumis au dogme de la concurrence ce qui explique qu’il existe 138 opérateurs et une offre très fragmentée qui diffère considérablement de celle des États-Unis, seulement trois opérateurs, et de celles de la Chine ou de l’Australie par exemple.

Je voudrais insister sur les équipementiers : il est nécessaire de mener une réflexion à l’échelon européen aussi bien pour les grands groupes que pour les PME de ce secteur. Je refuse de dire que les baisses de prix pratiquées par les opérateurs sont sans conséquences sur la filière, il est à cet égard important de pouvoir s’interroger sur les conditions d’entrée sur le marché d’un quatrième opérateur et de ne pas subir de pressions à ce sujet.

Mme Laure de La Raudière. Il est totalement insensé que l’on ne puisse même pas poser cette question. L’entrée du quatrième opérateur doit néanmoins être replacée dans le contexte des années 2007-2008, qui tablait sur une politique ouverte de concurrence pour faire baisser les prix, sans oublier que la campagne présidentielle de 2007 s’est articulée autour de la question du pouvoir d’achat. Ce contexte explique largement le choix du politique en faveur d’un quatrième opérateur. Il est clair que la donne a changé et que la crise économique et la montée du chômage doivent nous conduire à un rééquilibrage de priorité en matière de régulation. Ce type de réflexion doit aussi nous alerter sur la perspective de long terme de conserver des compétences industrielles fondamentales en France, en particulier chez les équipementiers.

En ce qui concerne la loi Chatel, je précise qu’il est actuellement interdit de mettre en place des services payants et cette interdiction freine nécessairement tout type d’innovation en matière de télé assistance. Cette réglementation a sans doute mis un terme à des abus, mais elle peut apparaître quelque peu excessive et, dès lors, la question d’une possible création de services à valeur ajoutée mérite d’être posée ainsi que celle de l’existence ou non d’un tel marché en France.

La Commission européenne réfléchit depuis presque un an sur la question de lancer une procédure au sujet des équipementiers asiatiques ; il conviendrait que la France, en concertation avec d’autres pays concernés, intervienne au plus haut niveau pour l’inciter à agir. Nous proposons de mettre en place des observatoires pour renforcer le contrôle sur les investissements des opérateurs et la qualité de service car, aujourd’hui, l’ARCEP ne dispose pas des outils suffisants pour réaliser de tels contrôles correctement.

Nous sommes en phase sur la nécessité d’un retour de la puissance publique. Pour autant il ne s’agit pas à nos yeux de ré-étatiser la filière Télécom, il faut que l’État ait des moyens d’analyse de cette filière, de pilotage d’une politique numérique et d’influence au niveau européen.

En ce qui concerne la 4G, les opérateurs tablent sur une hausse moyenne de cinq euros.

Pour le FTTH nous allons disposer d’un réseau mutualisé à 70 % ce qui est une première depuis très longtemps. Cette mutualisation s’effectue soit par co-investissement avec l’opérateur historique soit par le truchement des collectivités locales. Pour les mobiles, les opérateurs achètent des licences pour l’utilisation de bandes de fréquence qui appartiennent à l’État en fonction notamment d’objectifs de mutualisation qui doivent être atteints, sauf à revoir les contrats. Il existe notamment des obligations de mutualisation sur la 4G grâce à la loi sur la fracture numérique qui a prévu de telles obligations à l’égard des zones les moins denses.

Mme Corinne Erhel. Il est impératif que l’État se dote des moyens pour définir clairement sa politique et sa stratégie en matière de télécommunication dans un objectif d’équilibre entre l’aménagement du territoire, l’intérêt du consommateur, l’emploi, l’impact sociétal et l’innovation. Pour suivre avec Laure de la Raudière la filière des télécommunications et du numérique depuis cinq ans, je tiens à insister sur l’état inédit de tension au sein de la filière qui se caractérise par des procès en cascade. Il y a eu incontestablement une modification de l’état d’esprit de la filière depuis le début de l’année 2012 et il n’est pas normal de voir un journaliste attaqué en diffamation. La filière, pour réussir, a besoin d’un climat de confiance entre les différents acteurs et les régulateurs, ainsi que de perspectives, de clarté et de stabilité.

M. le président François Brottes. Le Parlement doit être un lieu de débat serein, et ce rôle est d’autant plus important que le secteur des télécommunications est l’objet de crispations, comme le montrent votre rapport et le débat que nous tenons aujourd’hui. Ce secteur concerne en effet la quasi-totalité des consommateurs de notre pays, qui font preuve d’une grande liberté de choix à l’égard des opérateurs. Ceux-ci emploient de leur côté des procédés commerciaux qui s’apparentent à des coups de communication à l’échelle globale. Notre vision doit donc s’inscrire dans un cadre serein et de long terme. Nous devons prendre en compte les évolutions des dix dernières années et réfléchir à celles qui interviendront non pas seulement demain, mais également après-demain. Si le Parlement ne le fait pas, je me demande qui s’y emploiera.

Mme Frédérique Massat. Je salue le travail très dense qui a été accompli et espère que vous continuerez cette tâche de suivi. Je me réjouis de votre conclusion sur le rôle de l’État, qui ne nous surprend d’ailleurs pas, car vous faites preuve, depuis plusieurs années, d’une grande constance de vue en la matière. À partir du constat de la faiblesse des moyens de l’État, vous formulez le souhait d’un rééquilibrage des pouvoirs de l’État et de l’ARCEP, à tout le moins dans le domaine des ressources humaines, afin qu’une véritable politique nationale puisse être menée. Sans qu’il s’agisse, bien évidemment, de renationaliser les opérateurs, comment voyez-vous le partage des compétences entre l’État et l’ARCEP ?

La fracture numérique est loin d’être résorbée en France : de nombreux territoires, par exemple de montagne, n’ont toujours pas accès à la téléphonie mobile. Les collectivités locales en sont réduites à verser 30 000 € pour la pose d’une antenne, sous peine d’être privée de réseau, car les opérateurs, quels qu’ils soient, refusent de financer ces investissements. Les inégalités sont donc prégnantes. Aussi, s’agissant des auditions – je note que vous en avez réalisé un nombre record en peu de temps - une étape supplémentaire pourrait être, à l’avenir, d’entendre les collectivités locales.

Par ailleurs, vous avez regretté un manque de concertation. Peut-on l’expliquer par un bug ? Qui avait la responsabilité de cette concertation ? S’agit-il de l’ARCEP ?

Enfin, un mot sur le contrat d’itinérance liant Free à Orange : disposez-vous d’informations à ce sujet ? Sera-t-il à votre connaissance renouvelé ?

M. Philippe-Armand Martin. Vous avez déjà indiqué quelles seront les incidences de l’arrivée d’un quatrième opérateur de téléphonie mobile sur l’emploi et, de manière plus générale, sur l’économie.

L’ARCEP a par ailleurs dénoncé à plusieurs reprises le manque de contrôle dans le domaine de la téléphonie mobile. Un nombre croissant d’usagers choisit de ne pas quitter leur opérateur téléphonique, quand bien même l’offre ne leur convient plus, en raison de la grande complexité des procédures de résiliation. Alors que la téléphonie mobile a connu un essor fulgurant depuis le début de la décennie 2000, les consommateurs demeurent peu protégés. Les services après-vente sont souvent saturés, ce qui rend malaisée l’obtention d’informations ou la résiliation d’un contrat. De surcroît, les clients n’ont pas réellement la liberté de choix de l’opérateur, car ils se heurtent à des blocages de la part des marques de téléphonie. Certains litiges donnent même lieu à des recours, de la part de consommateurs démunis, devant des juges de proximité. Les abonnés sont complètement découragés par ces démarches de résiliation, qui relèvent le plus souvent du parcours du combattant et peuvent durer plusieurs mois. Un encadrement et une simplification de ces pratiques paraissent nécessaires, tant du point de vue des procédures d’abonnement que de résiliation. Pouvez-vous nous indiquer si les opérateurs téléphoniques sont prêts à s’engager dans cette voie ?

M. Yves Blein. Après m’être félicité à mon tour de la qualité du travail fourni, je souhaiterais vous poser deux questions. Madame de La Raudière, je n’ai pas compris en quoi l’entrée d’un nouvel opérateur induisait une destruction d’emplois chez les équipementiers de la filière. Madame Erhel, que pourrait-on attendre de la construction de la filière ? Vous la présentez comme une condition de la consolidation du secteur, mais je vois mal comment on peut lier contractuellement des opérateurs ayant souvent des natures très différentes et n’opérant pas à partir des mêmes pays. Par ailleurs, vous affirmiez regretter que les salariés constituent la variable d’ajustement au sein de la filière : pouvez-vous préciser la part de la masse salariale dans le chiffre d’affaires d’un opérateur ? L’ajustement pourrait-il porter sur d’autres variables que les salaires ?

M. Éric Straumann. J’ai changé récemment d’opérateur au titre de mon abonnement privé : c’est d’une simplicité enfantine. On m’a communiqué un numéro IME, que j’ai transmis au nouvel opérateur : cela fonctionnait dès le lendemain. Mon ancien opérateur est allé jusqu’à me rembourser le trop perçu. Cela m’a permis de tester l’offre désormais célèbre à 2 € par mois. À cet égard, le graphique apparaissant à la page 11 de votre rapport est très intéressant : il met en regard le coût mensuel moyen en France et en Allemagne – 20 € contre 42 €. Dès lors, je partage vos inquiétudes quant aux capacités des opérateurs à réaliser les investissements nécessaires. Peut-être la multiplication des offres à bas prix permettra-t-elle d’accroître substantiellement le nombre de clients. J’ai fait un rapide calcul à partir du tableau de la page 12 : pour un chiffre d’affaires cumulé de 41 milliards, la dépense par Français s’élève à 630 € par an, ce qui n’est pas neutre en terme de pouvoir d’achat.

Je m’interroge sur la mesure de la qualité du service fourni par le nouvel entrant. Comme vous l’avez indiqué page 43, les services data de Free fonctionnent relativement mal, et mon expérience m’indique qu’il en va de même s’agissant des sms – qui n’entrent pas directement dans la fonction data. Avez-vous des informations sur la téléphonie, qui est tout de même l’essentiel – un sondage montre que 30 % des Français n’utilisent pas les fonctions data -, et qui, me semble-t-il, donne satisfaction ?

M. Yves Nicolin. Je m’associe à nos collègues pour complimenter les rapporteures, en particulier concernant les auditions, tout en souscrivant à la remarque de Mme Massat : à défaut d’entendre les représentants de l’ensemble des collectivités locales, il serait opportun d’auditionner à l’avenir les conseils généraux, qui jouent un rôle important, en particulier dans les territoires ruraux.

Vous mentionnez, dans votre rapport, les couvertures réseaux et les taux de non qualité. Comme l’a indiqué M. Straumann, Free est mal placé s’agissant du data. À ce propos, les chiffres que vous citez – 37,3 % de la population et 13 % du territoire – concernent-ils seulement la téléphonie ou incluent-ils le data ? Il semble en effet que les forfaits phares de Free – offrant 2 heures de conversation avec textos illimités à 2 € - autorisent une qualité satisfaisante sur le plan de la téléphonie.

Avez-vous pu tracer des perspectives quant à la progression des taux de couverture et de non qualité d’ici la fin 2013 ?

S’agissant de la concurrence et de l’arrivée du dernier opérateur, même si l’on peut à bon droit s’interroger sur ses conséquences pour l’emploi, la priorité donnée à la clientèle la plus jeune a permis une démocratisation de la téléphonie – et je ne parle pas ici de la partie data.

Concernant les centres d’appel, l’UMP avait déposé une proposition de loi, relative à la localisation géographique du traitement des appels, qui n’avait pas recueilli les résultats escomptés. Monsieur le président, êtes-vous prêt à faire travailler la commission sur un tel sujet, en sollicitant éventuellement la participation du Gouvernement ? L’une des clés du maintien de l’emploi est en effet l’information du consommateur.

Enfin, l’Assemblée nationale a lancé un appel d’offres global au début de la législature pour la téléphonie des députés. Connaissez-vous, monsieur le président, le montant des économies réalisées grâce à cette nouvelle procédure ?

M. le président François Brottes. Je ne peux répondre à votre dernière question, qui est du ressort de la Questure. J’ai cru comprendre que la bataille a été rude et que le vainqueur a fait une offre très attractive.

S’agissant de la proposition de loi qui avait été présentée par notre collègue Le Fur, qui est d’une circonscription voisine de celle de Corinne Erhel, j’ai demandé au début de l’audition aux rapporteures de faire des propositions de nature plus législative, sur le fondement du travail substantiel déjà accompli et du fruit du débat de ce jour. En effet, si les centres d’appel constituent un vrai sujet, ils ne justifient pas à eux seuls le vote d’une loi.

Mme Marie-Lou Marcel. Je soulignerai à mon tour l’excellent travail accompli par nos rapporteures sur un secteur en constante évolution. Comme vous le soulignez, toutes les filières sont touchées par la pression sur les coûts et le mouvement de contraction frappant les différents secteurs. S’agissant des réseaux de distribution, je reprendrai à mon compte le terme de « déterritorialisation » que vous avez employé : on constate en effet au quotidien dans nos territoires, la fermeture de boutiques au profit de centres plus importants, en décalage avec les besoins des personnes se déplaçant peu ou n’ayant pas accès à internet. S’agissant de vos propositions pour soulager la filière, vous évoquez la restructuration de la filière sur le plan national et suggérez de renforcer la responsabilité des acteurs économiques, en particulier celle des donneurs d’ordre vis-à-vis des fournisseurs. Pourriez-vous préciser ces propositions ?

Mme Laure de La Raudière. Pour répondre à Mme Massat et à M. Nicolin, nous avons souhaité concentrer les auditions sur la téléphonie mobile, secteur dans lequel les collectivités locales jouent un rôle moindre que dans celui de la téléphonie fixe.

Un travail complémentaire reste à accomplir sur la répartition des compétences à opérer entre l’État et l’ARCEP mais, pour prendre un exemple figurant dans le rapport, il ne me semble pas que la politique d’accompagnement des collectivités territoriales soit du ressort de l’autorité de régulation, ce qui est pourtant le cas aujourd’hui.

Nous n’avons pas d’informations privilégiées sur le contrat d’itinérance – l’Autorité de la concurrence travaille sur le sujet -, mais il est certain que cela a été un facteur primordial permettant à Free de mettre en place des offres tarifaires agressives.

Pour répondre à M. Martin, la procédure de résiliation, dans le fixe comme dans le mobile, a été grandement simplifiée sous l’impulsion de la législation européenne, et ce pour favoriser la liberté de choix entre opérateurs : on peut ainsi changer d’abonnement en une journée, sous certaines conditions, pour le fixe et le mobile. Il est toutefois possible que certaines personnes, moins au fait des nouvelles technologies, soient quelque peu perdues, d’autant plus que des boutiques de proximité ferment et que des centres d’appel sont délocalisés. Mais, pour la majorité de la population, on touche là davantage au ressenti qu’à la réalité des choses.

Je dirais à M. Straumann que, depuis 2010, en moyenne – pas uniquement pas les jeunes -, les mobiles sont davantage utilisés en données qu’en téléphonie. Par ailleurs, le réseau Free fonctionne bien en téléphonie grâce au contrat d’itinérance 2G/3G. S’agissant du 2G, il semble qu’il n’y ait pas de problème de coûts, même si l’on n’a pas a eu accès au contenu du contrat. En revanche, s’agissant de l’utilisation des données, lorsqu’on n’utilise pas le réseau propre de Free mais le réseau d’Orange, via le contrat d’itinérance, il est possible que Free ne fasse pas passer l’ensemble du trafic comme il le devrait. Nous n’avons pas de certitude en la matière mais cela pourrait être l’une des raisons expliquant que la qualité de service soit moindre sur les données que sur la téléphonie.

Yves Blein a posé une question spécifique sur les effets de l’arrivée du quatrième opérateur mobile sur le secteur. Confrontés à une baisse des prix payés par le consommateur, les donneurs d’ordre sont contraints de faire pression sur leurs fournisseurs, ce qui accélère en fait la pénétration des équipementiers chinois, tels Huawei, produisant à bas coût. En parallèle, la compression des marges des opérateurs oblige ceux-ci à diminuer les emplois. Enfin, les investissements qu’ils consacrent à la R&D sont également menacés, ce qui bride leurs capacités à créer de nouveaux produits adaptés aux aspirations du consommateur européen. Là encore, les équipementiers chinois, subventionnés par l’État chinois selon certains, disposent d’une longueur d’avance qui sert leur objectif de pénétration du marché européen.

Mme Corinne Erhel, rapporteure. En réponse à la question de Mme Massat, il faut réfléchir de façon précise à la répartition des compétences et des objectifs entre l’autorité de régulation et l’État.

Nous n’avons pas eu accès au contrat d’itinérance du fait de son caractère confidentiel – il s’agit d’un accord commercial. Mais sa signature, sur la 3G, a cristallisé les passions entre acteurs.

Les réseaux de distribution des opérateurs, Mme Marcel, sont un sujet de préoccupation. La baisse des prix force ces derniers à faire la chasse aux coûts, ce qui met en péril une partie de leurs points de distribution, au même titre, d’ailleurs, que les points de distribution indépendants tels que ceux du réseau Phone House. On constate ainsi une disparition progressive des boutiques sur nos territoires. Pour les personnes les plus éloignées de la technologie, c’est un vrai problème qui nous a été relayé par les organisations syndicales mais qui est passé sous silence dans la presse, qui s’intéresse davantage au volet « emploi ».

Jean Grellier est un fin connaisseur de la problématique des filières industrielles, que l’État et l’autorité de régulation doivent absolument prendre en compte. On ne peut pas fonder des décisions de politique de régulation des télécoms en examinant leur impact sur les seuls opérateurs. Dans notre rapport, nous reproduisons un témoignage anonyme – vous comprendrez aisément que nous ne pouvions pas dévoiler l’identité de la personne en question sans mettre en péril son activité – qui raconte comment des donneurs d’ordre ont pu demander à un fournisseur de travailler sur le développement d’un produit pour finalement choisir un concurrent asiatique… S’agissant des centres d’appel, il est difficile de mesure l’impact sur l’emploi : jusqu’à présent, les marges d’ajustement étaient principalement les CDD et les intérimaires. Si les CDI n’ont pas encore été impactés, peut-être le seront-ils bientôt.

Pour terminer, je vous livrerai les statistiques suivantes : la moitié de nos propositions relèvent du législateur, un quart de l’autorité de régulation et du pouvoir réglementaire, un quart aux acteurs. Une proposition est adressée au président de notre commission : travailler, dans le cadre d’un rapport d’information, sur l’économie numérique, afin d’identifier précisément les relais de croissance qu’elle offrirait. Nous avons tout intérêt à être en pointe sur ces sujets-là.

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Si nous ne maîtrisons pas l’économie numérique, nous courons le risque de mettre en péril d’autres secteurs d’activité, et nous nous confrontons à des problématiques de préservation de la souveraineté nationale.

M. le président François Brottes. Je vous remercie pour la qualité de votre travail. Vous avez inauguré le concept de la « mission flash », et nous constatons avec satisfaction que ces dernières peuvent se révéler des instruments adaptés à un Parlement qui propose. Il est important que les élus passionnés puissent creuser des sujets en profondeur, c’est pourquoi l’idée d’un prolongement de votre mission me convient très bien. J’ajouterai que, dans le cadre de l’audition prochaine de Mme Fleur Pellerin, il serait intéressant que nous consacrions une heure durant laquelle vous présenteriez vos propositions à la ministre, de façon à recueillir l’avis du gouvernement sur ces dernières. Il me reste à vous demander l’autorisation de publier ce rapport.

La Commission autorise la publication du rapport.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 6 février 2013 à 16 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Frédéric Barbier, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yves Nicolin, M. Hervé Pellois, M. Michel Piron, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Jean-Michel Couve, Mme Jeanine Dubié, M. Joël Giraud, M. Alain Marc, M. Bernard Reynès, Mme Clotilde Valter