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Commission des affaires économiques

Mardi 9 avril 2013

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 68

Présidence de M. François Brottes Président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur la mise en œuvre du crédit d’impôt compétitivité emploi, avec la participation de M. Bruno Bézard, directeur général des finances publiques M. Jean-Luc Barçon-Maurin, sous-directeur à la direction générale des finances publiques(DGFIP), M. Vincent Dauffy, directeur du développement et du marketing d’Oseo (future BPI France financement), M. Antoine Boulay, directeur des relations institutionnelles de BPI-France et Mme Judith Jiguet, directrice générale de CCI France.

La commission a auditionné M. Bruno Bézard, directeur général des finances publiques (DGFIP), M. Jean-Luc Barçon-Maurin, sous-directeur à la direction générale des finances publiques(DGFIP), M. Vincent Dauffy, directeur du développement et du marketing d’Oseo (future BPI France financement), M. Antoine Boulay, directeur des relations institutionnelles de BPI-France et Mme Judith Jiguet, directrice générale de CCI France lors d’une table ronde sur la mise en œuvre du crédit d’impôt compétitivité emploi.

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, si j’ai organisé cette table ronde, ouverte à la presse, dédiée à la mise en œuvre du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), c’est que vous êtes nombreux à avoir constaté, comme moi, que les chefs d’entreprise soit ignorent tout simplement l’existence du CICE soit pensent que le dispositif, trop compliqué, ne leur est pas destiné. Il appartient assurément aux préfets de leur parler du CICE, mais encore faut-il qu’ils disposent pour ce faire de l’ensemble des textes d’application.

Il est du rôle de notre commission, tournée comme elle l’est vers le développement économique et la vie des entreprises, de s’informer sur les modalités concrètes d’accès au CICE. Cette table ronde n’a donc pas pour objet de revenir sur la pertinence du dispositif lui-même et notamment sur son calibrage, mais de demander aux services de l’État, qui sont chargés de l’application des textes, de préciser aux représentants de la nation et aux Français qui suivent la retransmission de cette table ronde les détails du dispositif en répondant à des questions relativement simples : quel est le volume de la masse salariale concernée ? Quel est le délai d’obtention du CICE ? Convient-il de le demander ou est-il automatique ? Certes, les services de la direction générale des finances publiques ont fait un réel effort d’information sur Internet, mais nos concitoyens sont souvent réticents à remplir des documents, même lorsque le dispositif paraît simple.

Nous voulons être certains que les entreprises pourront effectivement bénéficier de ce crédit d’impôt qui vise à améliorer leur compétitivité.

J’ai, à cette fin, invité M. Bruno Bézard, directeur général des finances publiques et M. Jean-Luc Barçon-Maurin, sous-directeur à la direction générale des finances publiques (DGFIP), pour représenter la BPI qui a un rôle fondamental à jouer dans ce contexte, M. Vincent Dauffy, directeur du développement et du marketing d’Oséo (future BPI France financement), M. Antoine Boulay, directeur des relations institutionnelles et Mme Judith Jiguet, directrice générale de CCI France, qui jouera le rôle du témoin, le cas échéant, gênant. Les chambres de commerce et d’industrie présentes sur l’ensemble du territoire, ayant vu dans ce dispositif un avantage certain, il est particulièrement intéressant de connaître leur implication ainsi que les remontées qu’elles recueillent de la part des entreprises. Mme Jiguet est passée par l’agriculture avant d’arriver à l’industrie : c’est la preuve que l’agriculture est un secteur à part entière du développement économique.

Tel sera du reste, monsieur le directeur général, l’objet de ma première question : les agriculteurs sont-ils concernés par le CICE ?

M. Bruno Bézard, directeur général des finances publiques. En dépit d’une actualité chargée, j’ai souhaité répondre personnellement à votre invitation parce que le crédit d’impôt compétitivité emploi, qui est un sujet central, me tient beaucoup à cœur. Je m’emploie quotidiennement à lutter contre la tendance de l’administration à compliquer des dispositifs que les politiques ont voulus simples. Nos concitoyens et au premier chef les chefs d’entreprises jugeront sur pièce.

Je tiens à faire passer auprès de vous cinq messages, laissant à M. Jean-Luc Barçon-Maurin, en sa qualité de sous-directeur à la direction générale des finances publiques, le soin de répondre dans le détail aux questions que vous poserez sur le dispositif.

Le premier message, c’est que l’administration que j’ai l’honneur de diriger est totalement mobilisée sur la mise en œuvre de ce crédit d’impôt. Il peut paraître curieux qu’une direction générale qui a la réputation de n’avoir pour seule obsession que de faire rentrer de l’argent se mobilise pour en dépenser. Outre que notre fonction est d’appliquer les textes qui ont été votés, nous considérons que conforter la compétitivité du pays fait aussi partie des missions des grandes directions du ministère des finances. Tous les directeurs départementaux des finances publiques sont, à ma demande, mobilisés pour expliquer et réexpliquer, s’il le faut, le fonctionnement du dispositif, afin de concrétiser sur le terrain les instructions qui ont été données en termes de simplification de la procédure. Je me suis déjà déplacé à plusieurs reprises et je ferai, la semaine prochaine, une opération de promotion du CICE en région aux côtés du préfet, des responsables de la chambre de commerce et d’industrie et des représentants d’Oséo. Expliquer le dispositif et entendre les questions que se posent les chefs d’entreprises, voire d’éventuelles remarques négatives, tel est l’objet de ce déplacement, car c’est seulement de cette façon que nous pourrons améliorer l’application du CICE – nous l’avons fait récemment à la marge. Aucun témoin n’est donc gênant, à mes yeux, bien au contraire. Seul importe notre souci de progresser dans la méthode de présentation et d’explication du dispositif.

Mon deuxième message vise à rappeler que toutes les entreprises, y compris les plus petites – j’insiste sur ce point –, ont droit au CICE dès lors qu’elles sont soumises au régime d’imposition sur leurs bénéfices réels. Cela vaut donc, monsieur le président, également pour les agriculteurs. Toutes les entreprises ont également droit, depuis quelques semaines – je parle sous le contrôle des représentants de la Banque publique d’investissement ici présents – au préfinancement. Lors des réunions où je me suis rendu, des chefs de petites PME ou de TPE s’étaient inquiétés de ce que le préfinancement ne leur était pas destiné pour des raisons de seuil : je remercie la BPI d’avoir pu régler ce point avant que le réseau bancaire ne se mobilise dans son ensemble. Je le répète : toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, ont droit, dès lors qu’elles sont au réel, à la fois au crédit d’impôt et au préfinancement. J’ajoute que si le CICE ne produit ses effets de trésorerie qu’au bout d’un an, en revanche, ses effets comptables peuvent être enregistrés plus rapidement.

Troisième message : si le CICE est techniquement et juridiquement un crédit d’impôt, il s’analyse comptablement comme une baisse des charges salariales ce qui est fondamental pour les entreprises. Plusieurs chefs d’entreprises m’avaient en effet posé la question et ainsi en a décidé l’Autorité des normes comptables. Autrement dit, il est intégré au résultat avant intérêt ou impôt – EBIT pour earnings before interest and taxes- selon notre jargon financier. À rebours d’une subvention, le CICE accroît la marge et donc la compétitivité de l’entreprise.

Je tiens – c’est mon quatrième message – à affirmer que le dispositif est pérenne, du fait qu’il est un des éléments essentiels du travail en profondeur actuellement mené pour améliorer la compétitivité française – un travail qui demandera plusieurs années pour aboutir. C’est un point important car lorsque les chefs d’entreprises s’engagent dans un plan d’investissement ou dans un recrutement, la seule chose qu’ils craignent, c’est la volatilité des règles fiscales, laquelle est, nul ne l’ignore, une caractéristique de la fiscalité française. Il faut donc bien expliquer aux entreprises que le CICE relève d’une démarche durable.

Cinquième et dernier message : de nombreux chefs d’entreprises craignent – je les comprends – que le crédit d’impôt qui leur aura été donné, en une fois pour les petites entreprises ou en trois fois pour les plus grosses, ne leur soit repris à l’occasion d’un contrôle fiscal, avec, en sus, des pénalités monstrueuses, faute pour ces dirigeants d’avoir respecté telle ou telle condition.

Cette crainte est alimentée tout d’abord par le précédent, réel et incontestable, des reprises de crédits d’impôt recherche et de crédits d’impôt métiers d’art. La législation fiscale est si précise que certains chefs d’entreprises, bien ou mal conseillés, en tout cas de bonne foi dans 99 % des cas, ont pu déduire des crédits d’impôt qui n’étaient pas techniquement justifiés. J’ai eu l’occasion de le vérifier pour des dossiers fiscaux importants. M’inquiétant de savoir si les services fiscaux n’avaient pas eu la main trop lourde, j’ai constaté que les redressements étaient justifiés au regard de la législation. C’est le problème des législations trop compliquées, qui laissent une part trop grande à l’interprétation.

Cette crainte est également alimentée par la philosophie macroéconomique et politique du CICE puisque le dispositif, qui a été créé en vue d’améliorer la compétitivité des entreprises, devait faire l’objet d’un dialogue social sur son utilisation en termes de flux financiers. En clair, les chefs d’entreprise craignent de devoir rendre des comptes sur leur utilisation du CICE : en auront-ils profité pour augmenter leur salaire ou mieux rémunérer leurs actionnaires ou, au contraire, pour prendre de nouvelles commandes et développer l’investissement ? Or, je tiens à le souligner, ce dialogue social, qui a été clairement annoncé, ne se traduira pas en conditions fiscales susceptibles, lors d’un contrôle, de justifier un redressement. Après s’être assuré que l’entreprise est bien au réel, le contrôleur vérifiera l’assiette ayant servi au calcul – à savoir la masse salariale de l’ensemble des salariés dont la rémunération est inférieure ou égale à 2,5 SMIC – puis l’exactitude du calcul lui-même – 4 % en 2013 puis 6 % les années suivantes. La vérification sera donc d’ordre purement comptable, c’est-à-dire arithmétique. Le contrôleur n’aura pas vocation à s’immiscer dans la gestion de l’entreprise en vue de mener une guérilla sur le respect de telle ou telle condition. Il est important de rassurer les entreprises sur ce point précis. La loi est très claire : le dialogue social ne crée aucune condition de nature fiscale.

M. le président François Brottes. Je tiens à vous remercier de la très grande clarté de vos explications. Il est rare qu’un responsable d’une grande direction de notre administration emploie un langage immédiatement accessible.

L’assiette du CICE comprend-elle uniquement les salaires inférieurs à 2,5 SMIC ou vise-t-elle aussi la part inférieure à 2,5 SMIC de tous les salaires ?

M. Bruno Bézard. Le CICE concerne uniquement les salaires inférieurs à 2,5 SMIC.

M. Jean-Luc Barçon-Maurin, sous-directeur à la direction générale des finances publiques (DGFIP). Chaque année les entreprises déclarent leurs résultats et les crédits d’impôt auxquels elles ont éventuellement droit – crédit d’impôt apprentissage ou crédit d’impôt recherche – : de la même manière, elles incluront à leur déclaration le crédit d’impôt compétitivité emploi. L’administration procédera alors à la liquidation de l’impôt en déterminant la somme à imputer sur le montant de l’impôt, le solde étant restitué dans le cas d’une PME, ou reporté sur l’impôt sur les sociétés des trois années suivantes pour les plus grosses entreprises. S’il subsiste un delta, l’entreprise bénéficiera d’une restitution la troisième année. Telle est la mécanique du CICE.

M. Bruno Bézard. Nous en sommes à la campagne de préfinancement, dans laquelle l’administration fiscale joue un rôle particulier comme teneur de livre. En effet, nos services Impôts des entreprises garantissent à l’établissement de crédit – BPI ou réseaux bancaires – qui préfinancera le crédit d’impôt, que la créance n’a pas déjà été cédée – notre rôle en la matière est équivalent à celui des services des publicités foncières, les anciennes conservations des hypothèques, lors de l’achat d’un bien immobilier. Lorsqu’une entreprise souhaite vendre son crédit d’impôt à une banque, celle-ci nous interroge pour savoir si l’administration fiscale n’a pas déjà reçu un avis de cession de créance. Le financeur vérifie ainsi que la créance existe bien. Nous recensons tous les préfinancements que nous recevons mais, comme nous sommes en fin de cycle, nos chiffres sont évidemment inférieurs à ceux de la BPI, qui instruit les dossiers.

M. le président François Brottes. Une entreprise en procédure judiciaire peut-elle bénéficier du dispositif ?

M. Jean-Luc Barçon-Maurin. Oui, la loi le prévoit.

M. le président François Brottes. Le préfinancement ne pourrait-il pas dans ce cas être considéré comme un soutien abusif ?

M. Bruno Bézard. Une entreprise en procédure judiciaire pourra bénéficier du crédit d’impôt mais non du préfinancement – vous avez raison, monsieur le président.

M. Vincent Dauffy, directeur du développement et du marketing d’Oséo (future BPI France financement). Pour être préfinancée, une entreprise doit obtenir une attestation de l’assiette prévisionnelle de son CICE 2013, que lui délivrera un professionnel du chiffre – expert-comptable ou commissaire aux comptes pour les entreprises de plus de cinquante salariés. Elle produira la déclaration annuelle des données sociales (DADS) qui est, en règle générale, publiée avant le 31 janvier de l’année qui suit l’exercice en cause.

M. le président François Brottes. Cette démarche vaut-elle également pour les artisans ?

M. Vincent Dauffy. Oui dans la mesure où les artisans ont un ou plusieurs salariés.

La DADS n’est de toute façon pas impérativement requise. Ce qui est requis, c’est qu’un professionnel du chiffre détermine le montant et la nature des salaires payés l’année précédente et établisse une estimation pour l’année en cours. C’est cette attestation de sincérité qui permettra au banquier de prendre le risque d’avancer le CICE. La BPI et le conseil de l’ordre des experts-comptables, qui coiffe également les commissaires aux comptes, ont travaillé ensemble à l’établissement d’un formulaire standard, qui a été envoyé aux 17 000 experts-comptables. En revanche, le conseil de l’ordre ne saurait imposer une tarification à ces derniers. On relève toutefois que bon nombre d’entre eux ne facturent pas à leurs clients la prestation visant à établir l’attestation qu’ils considèrent inclue dans leur forfait.

Muni de son attestation, l’entrepreneur rencontre son banquier – je reviendrai sur les procédures en ligne proposées par Oséo –, qui décide, ou non, de prendre en charge le préfinancement du CICE en fonction de sa politique de risques. En cas d’accord, la banque demande à l’entreprise de lui céder sa créance sur l’État et elle notifie la cession au service des impôts des entreprises.

Celui-ci, après avoir vérifié qu’aucun autre établissement de crédit n’a déjà obtenu cette cession de créance, en accusera réception dans un délai de deux semaines. La banque pourra dès lors accorder à l’entreprise l’avance de CICE en toute sûreté. L’État remboursera directement l’établissement prêteur l’année suivante.

La banque prend évidemment un risque si, alors qu’elle a avancé l’intégralité du CICE, l’entreprise fait faillite en cours d’année. C’est pourquoi, afin d’inciter les banques à accorder aux PME le préfinancement le plus tôt possible dans l’année, un système de garantie a été mis en place afin de permettre à la banque de réduire sa perte finale éventuelle de 50 %.

Il s’avère toutefois que les banques ne sont pas encore prêtes : diffuser de nouvelles procédures à travers de grands réseaux demande du temps. C’est pourquoi l’État a demandé à Oséo, qui n’emploie que 1 700 personnes, d’assurer rapidement le préfinancement du CICE. Cet organisme le fait depuis le 19 février 2013, ce qui lui donne un recul de sept semaines. A la date du 29 mars, sur les 1 300 demandes reçues, Oséo avait traité 554 dossiers : 222 dossiers étaient notifiés à l’administration fiscale et 332 encore à l’étude, le tout pour un montant de 164 millions d’euros. Nous sommes passés aujourd’hui, mardi 9 avril 2013, à 900 dossiers pour 250 millions d’euros. L’accélération est très sensible – 60 % en dix jours.

Depuis le premier jour, il est possible à toute entreprise de déposer son dossier intégralement en ligne sur le site cice-oseo.fr puisque la procédure a été entièrement dématérialisée. Nous avions tout d’abord pensé que la procédure de cession de créance, qui représente une charge administrative, n’était pas adaptée aux dossiers inférieurs à 25 000 euros. C’est pourquoi nous orientions ces dossiers vers les concours bancaires à moyen terme garantis par Oséo, la démarche étant à nos yeux plus simple pour les petites entreprises. Or, nous avons constaté que le nombre de dossiers traités dans le cadre de ces concours bancaires à moyen terme n’avait même pas atteint la centaine dans les six premières semaines. C’est pourquoi nous avons supprimé le seuil des 25 000 euros. Désormais, toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, sont traitées de la même façon, dans le cadre de la même procédure.

Mme Judith Jiguet, directrice générale de CCI France. J’endosse volontiers le rôle de témoin, tout en ignorant encore si mon témoignage sera gênant.

Les chambres de commerce et d’industrie (CCI), qui sont des établissements publics chargés d’être les porte-parole des entreprises, ont conscience des efforts réalisés par les directions régionales (DRFiP) et les directions départementales (DDFiP) des finances publiques sur le terrain. Les CCI travaillent également la main dans la main avec BPI/Oséo pour collecter les questions et y apporter les bonnes réponses. Si l’ensemble des entreprises constitue notre public, il faut savoir que ce sont surtout les TPE et quelques petites PME qui demandent l’aide des CCI. Je rappellerai que les TPE, qui sont au nombre de 2,3 millions, représentent 95 % des entreprises de notre pays.

Les CCI sont mobilisées aux côtés des services de l’État et d’Oséo, depuis le 8 janvier 2013, à la demande du ministre de l’économie et des finances et du ministre délégué au budget et du Premier ministre qui a adressé une lettre le 9 janvier au président de CCI France, M. André Marcon. Toutes les chambres consulaires ont fait la promotion du CICE sur leurs sites Internet et ont organisé des réunions avec les DRFiP, les DDFiP et Oséo. La semaine dernière CCI France a également lancé une enquête auprès de toutes les chambres, afin de disposer des éléments d’information les plus récents possibles en provenance du terrain.

Il existe une grande disparité entre les différentes entreprises en termes d’appropriation du dispositif selon la taille de l’entreprise. De fait, comme le CICE permet de faire gagner à l’entreprise quelque 1 000 euros par salarié et que les dossiers moyens tournent autour de 300 000 euros, cela signifie que les entreprises concernées emploient 300 salariés : ce sont donc loin d’être des petites PME ! Cela est dû au fait que les PME et les TPE n’ont pas accès à l’information aussi facilement que les grosses entreprises car elles n’ont pas, en leur sein, de directeur des affaires financières et doivent donc chercher les conseils à l’extérieur. Les TPE et les petites PME étant pénalisées dans le montage des dossiers en raison de leur déficit d’information et d’expertise, il convient de mobiliser davantage encore les experts-comptables.

Dans toutes les réunions que nous avons organisées, des chefs d’entreprises nous ont posé des questions extrêmement basiques. Même dans une grosse CCI comme Marseille, un grand nombre des dirigeants présents croyaient que seuls les industriels avaient droit au CICE. La connaissance de base du dispositif n’est donc pas acquise. La mise à disposition d’un kit de communication sur le CICE devrait faire l’objet de notre première mobilisation. Je vous ai apporté, à titre d’illustration, la fiche établie par la CCI de Nantes-Saint-Nazaire.

Il existe également des différences selon les territoires en fonction de la mobilisation des services, notamment des DRFiP qui ont, parfois, dû établir elles-mêmes leur fiche technique ou leur Power Point.

De plus le dispositif, qui est récent, n’a pas été immédiatement stabilisé, comme vous l’avez souligné, monsieur le directeur général: loi de finances rectificative du 29 décembre 2012, instruction fiscale du 26 février 2013 modifiée au cours du mois de mars. Les entreprises attendent donc la stabilisation définitive du CICE avant d’engager des démarches mais il ne faudrait pas que leur méconnaissance se transforme en méfiance.

J’insiste sur ce point : même s’il ne l’est pas, le dispositif peut paraître compliqué aux entrepreneurs qui ne bénéficient pas des conseils d’un expert. La perception est donc différente de la réalité. C’est pourquoi il convient de faire un important travail d’explication. Il faut également prendre en compte le coût du conseil pour les TPE et les PME – vous avez vous-même souligné que l’ordre des experts-comptables ne pouvait pas fixer de tarification – : sommes-nous certains que les bonnes pratiques, que vous avez mentionnées, persisteront ? Si tel n’était pas le cas, ce serait la double peine pour les TPE.

Les entrepreneurs s’inquiètent également du taux de préfinancement ainsi que de l’attitude des banques. Joueront-elles le jeu ? Le CICE se traduira-t-il par un plus, en termes de trésorerie et de fonds de roulement ? Il s’agit là de la première attente des TPE et des PME. L’inquiétude durera tant que les réseaux bancaires n’auront pas adopté de position commune au plan national. Afin d’être rassurées, les entreprises souhaiteraient que l’ensemble des banques signent une charte ou une convention nationale.

Les inquiétudes portent également, vous l’avez du reste souligné, sur les contrôles fiscaux, car les règles relatives à l’assiette ne semblent pas encore bien fixées : comment faire entrer dans le calcul du CICE les temps partiels, les primes ainsi que les embauches et les licenciements effectués en cours d’année ? Les entrepreneurs ont été échaudés par les contrôles fiscaux qui ont suivi le crédit d’impôt recherche. La traçabilité du dispositif ne laisse pas non plus de les inquiéter : quel justificatif de l’utilisation du CICE devront-ils produire, avec quelle rétroactivité ?

Il est impératif de préciser rapidement les règles du jeu afin de lever les incertitudes : le kit de présentation et de communication que j’ai évoqué devra délimiter le champ d’utilisation du CICE, seule façon de convaincre les chefs d’entreprise que le dispositif ne se transformera pas pour eux en épée de Damoclès.

Je vous indique que les chefs d’entreprises nous ont également fait remonter des idées visant à améliorer le dispositif.

M. le président François Brottes. Avec le soutien de la chambre de commerce de ma circonscription, j’ai envoyé un mailing à tous les chefs d’entreprises concernées.  J’ai reçu un grand nombre de réponses sur des sujets divers et variés qui sont la preuve que les entreprises sont sensibles au fait que l’on s’intéresse à elles.

Je tiens également à insister sur le fait que l’enregistrement vidéo de notre table ronde sera accessible durant plusieurs mois sur le site de l’Assemblée et constituera, pour chaque chef d’entreprise, comme un rendez-vous avec le directeur général des finances publiques.

M. Lionel Tardy. Le CICE pose un vrai problème de pédagogie au chef d’entreprise que je suis – nous ne sommes pas beaucoup à l’Assemblée nationale. Alors qu’il est en place depuis le 1er janvier, la première réunion organisée sur le sujet par la préfecture de Haute-Savoie n’aura lieu que le 21 avril prochain, nous avons donc perdu quatre mois. Les dirigeants de TPE ne redoutent pas forcément l’inspecteur des impôts, mais ils n’ont pas de directeur financier, et pas non plus le temps de se pencher sur un dispositif qui n’est pas vraiment un choc de simplification.

Une étude TNS Sofres portant sur 800 dirigeants a été récemment publiée : 21 % des PME et 46 % des TPE n’ont pas entendu parler du CICE. Quant à l’impact du dispositif, il n’en aura aucun sur la croissance pour 64 % des PME et 45 % des TPE, aucun sur l’emploi pour 64 % des PME et 48 % des TPE, ni aucun sur la compétitivité pour 56 % des PME et 47 % des TPE. De gros efforts d’explication doivent être fournis, puisque 80 % des PME et des TPE considèrent que le dispositif n’aura finalement aucun impact sur leur entreprise ! Les chefs d’entreprise avaient mieux compris et apprécié le système de suppression de la taxe professionnelle, qui avait été largement salué à l’époque.

Alors que ce dispositif est censé cibler 1,5 million d’entreprises, aujourd’hui, seules 223 – sur 1 300 demandes – auraient demandé à bénéficier d’un préfinancement. Et dire qu’en novembre le Gouvernement avait présenté le CICE comme la mesure phare de sa politique visant à relancer la compétitivité du pays – 20 milliards pour relancer l’investissement et encourager l’embauche, un véritable bol d’air pour les PME touchées par la crise. Pourtant ce dispositif peine à démarrer, puisque les demandes de préfinancement que les entreprises peuvent déposer depuis le 1er avril en vue de soulager rapidement leur trésorerie se font très rares.

Pourquoi un tel flop ? La première raison est la complexité du dispositif. Pour solliciter le préfinancement avec sérénité, les entreprises devraient être capables de calculer avec précision le montant de leur crédit d’impôt, ce que le dispositif, bien moins simple qu’il ne paraît, ne permet pas. La deuxième raison, une enquête du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables, réalisée en mars dernier par l’institut TNS Sofres, la révèle : seulement 24 % des dirigeants de TPE et de PME – le chiffre a progressé depuis le mois de janvier – ont déclaré prévoir que le crédit d’impôt aurait un impact positif sur la croissance. Quel chef d’entreprise a baissé ses prix au 1er janvier 2013 ou embauché de nouveaux salariés grâce au CICE ? C’est une vraie question.

Il est également à craindre que certaines entreprises ne demandent à leurs fournisseurs de baisser leur prix, arguant du fait qu’ils pourront bénéficier de l’aide du CICE. Il convient par ailleurs d’évoquer le risque d’effet de seuil pour les salariés gagnant autour de 2,5 SMIC : pourquoi les augmenter si le crédit d’impôt n’est assuré que jusqu’à ce montant ?

Le CICE montre ainsi ses limites. Le Gouvernement a préféré une nouvelle usine à gaz à une vraie baisse des charges qui aurait porté immédiatement des fruits. Nous sommes bien loin du choc de simplification annoncé comme la nouvelle norme pour libérer les énergies. Je poserai demain une question sur le sujet au cours de la séance des questions au Gouvernement.

M. le président François Brottes. Monsieur Tardy, je vous enverrai les commerçants qui m’écrivent à la suite de la réforme de la taxe professionnelle : vous verrez si leur niveau de satisfaction est très élevé !

M. Jean Grellier. Je tiens à vous féliciter, monsieur le président, d’avoir organisé cette table ronde. Il est utile d’entendre l’ensemble des acteurs de la mise en place du CICE, qui est la mesure emblématique du pacte de compétitivité emploi, dans la droite ligne du rapport Gallois. C’est la première fois qu’est prise une mesure significative de réduction du coût du travail touchant l’essentiel des salariés des entreprises, lesquelles, aujourd’hui, ont besoin d’améliorer leur compétitivité.

Il est nécessaire de vulgariser le dispositif dans les territoires, auprès de l’ensemble des dirigeants d’entreprise. Du reste, des départements prennent des initiatives visant à mettre en valeur la simplicité du dispositif, le calcul du pourcentage du crédit d’impôt étant fondé sur la masse salariale.

CCI France a, de son côté, mobilisé le réseau des chambres consulaires. Il faudrait y associer les fédérations professionnelles. Quant au secteur bancaire, il a encore de gros efforts à fournir. Les experts-comptables devront aussi accompagner les entreprises.

Ce que j’appelle le volet défensif du CICE est destiné à permettre aux entreprises de passer, grâce à un relais bancaire, un cap difficile en matière de trésorerie. Je tiens toutefois à insister sur le volet offensif du dispositif, destiné à permettre aux entreprises d’investir, de créer de l’emploi, d’innover ou d’exporter. Il faut relayer auprès des entreprises cette dimension, qui participe de la relance de notre secteur industriel.

Il importait de privilégier la simplicité du dispositif, ce qui implique d’en contrôler d’éventuelles déviances – des acheteurs demandent déjà à leurs fournisseurs de réduire leurs coûts. Notre rôle de parlementaires sera d’évaluer le CICE afin de s’assurer qu’il participe vraiment à l’amélioration de la compétitivité de nos entreprises.

Mme Jeanine Dubié. Mettre tous les acteurs autour de la table, pour qu’ils nous donnent leur point de vue et nous fassent connaître leurs difficultés, est, aux yeux des membres du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, une initiative intéressante. Le CICE, mesure centrale du pacte de compétitivité, doit constituer un dispositif puissant de soutien aux entreprises. Or, sur le terrain, il reste mal connu des chefs d’entreprise. Quels sont les moyens de communication qui ont été mis en œuvre pour relayer l’information sur le CICE – son périmètre, les démarches à suivre pour en bénéficier, les règles d’imputation,… ? Sans doute faudrait-il mobiliser d’autres acteurs que les chambres consulaires, et faire appel aux chambres des métiers et aux experts-comptables.

Les chiffres concernant le nombre de dossiers déposés varient considérablement selon les sources. Avez-vous déjà des retours concernant l’impact sur l’investissement, la formation ou le recrutement ? Avez-vous constaté des effets d’aubaine ? Pouvez-vous d’ores et déjà dresser un premier bilan du mécanisme de préfinancement, destiné à améliorer la trésorerie des PME, et qui a été étendu la semaine dernière aux TPE ? L’objectif du Gouvernement d’atteindre un volume de 2 milliards d’euros de préfinancement sera-t-il atteint ?

Mme Michèle Bonneton. En période de difficultés économiques, le groupe écologiste est particulièrement soucieux que l’argent public soit utilisé à bon escient. Or, un mécanisme uniforme ne risque-t-il pas de bénéficier surtout aux plus grandes entreprises, qui contribuent relativement peu à l’impôt ?

Le CICE ne sera-t-il pas affecté en priorité à pallier le manque de trésorerie des entreprises, plutôt qu’à renouveler l’outil de travail, pourtant beaucoup plus ancien que celui de leurs concurrents allemands ou italiens ? Le CICE contribuera-t-il vraiment à dynamiser la recherche, la formation, la transition énergétique, et partant la compétitivité ?

Comment se répartira-t-il entre secteurs d’activité et catégories d’entreprise ? Confirmez-vous le chiffre de 2 milliards, s’agissant du préfinancement du CICE par la BPI ?

Enfin, les services de l’État procéderont-ils à une évaluation du dispositif ? Selon quels critères ?

M. Jean-Claude Mathis. Comment expliquer la différence entre le nombre de dossiers annoncé par le Premier ministre au mois de mars, de l’ordre de 1 200, et celui avancé, soit une cinquantaine environ, par le cabinet Lowendalmasaï ?

Pourquoi la charte, qui doit permettre aux entreprises de s’adresser directement aux banques privées, n’a-t-elle toujours pas été signée ? Aucun des établissements contactés par ce cabinet conseil ne disposerait à ce jour des documents nécessaires…

Mme Marie-Noëlle Battistel. En évoquant l’absence de contrôle a posteriori de l’utilisation du CICE, monsieur le directeur général, vous avez répondu à la question que je me posais et sûrement rassuré les chefs d’entreprise. Mais je regrette qu’on n’ait pas demandé une certaine traçabilité de cette aide.

La baisse du coût du travail induite par le dispositif est un engagement fort du Gouvernement, et il est important de l’aider à monter en puissance. Toutefois, la plupart des entreprises adaptées ne profiteront pas de cet avantage fiscal car très peu d’entre elles sont assujetties à l’impôt sur les sociétés ou à la taxe sur les salaires. Ne peut-on pas envisager de l’étendre aux associations œuvrant dans le cadre de l’économie sociale et solidaire, car ce sont des actrices essentielles de l’insertion des personnes handicapées dans l’entreprise ?

M. le président François Brottes. Notre collègue Marc Goua m’a, lui aussi, laissé un mot à ce sujet.

M. Hervé Pellois. J’ai rencontré des chefs de petites entreprises à l’assemblée de la CAPEB du Morbihan vendredi dernier, et je me suis rendu compte que très peu d’entre eux connaissaient le CICE. Il faut sûrement mettre les bouchées doubles pour mieux informer. J’ai envoyé aux entreprises de ma circonscription 2 500 mails à ce sujet et j’ai reçu deux réponses.

En l’absence de préfinancement, quand les entreprises ressentiront-elles les effets du crédit d’impôt ?

Mme Annick Le Loch. Les patrons pêcheurs sont-ils concernés par le CICE ?

M. Alain Suguenot. L’expérience nous a appris que, si le crédit d’impôt est un bon outil, un bon ciblage est le gage de son efficacité.

Le CICE ne risque-t-il pas de pousser à la baisse des prix dans les relations interentreprises ? Par ailleurs, je décèle une contradiction entre la DGFiP et la BPI, au sujet des réticences des banques. Pourquoi y aurait-il une différence de statut entre le crédit d’impôt lui-même et son préfinancement alors qu’ils découlent de la même base juridique ? À quoi bon une garantie supplémentaire de la part d’Oséo ?

Le crédit d’impôt sera-t-il réellement ouvert à toutes les entreprises ? Et les effets d’aubaine ne vont-ils pas entraîner des dépenses fiscales au-delà des montants envisagés ? L’utilisation du CICE ne fera-t-elle l’objet que d’une simple présentation aux instances représentatives des salariés ? Sinon, le dispositif faillira à redonner des marges de manœuvre aux entreprises.

Mme Marie-Lou Marcel. Les enquêtes montrent que trois quarts des chefs d’entreprise n’attendent pas d’information particulière. Comment faire pour diffuser les renseignements ? Et à quelle échéance ? Par ailleurs, un des effets pervers du CICE ne sera-t-il pas de provoquer un blocage des salaires autour du seuil de 2,5 SMIC ?

M. Fabrice Verdier. Selon les initiatives prises par les CCI, l’information circule plus ou moins, si bien que certains départements sont pénalisés. Contrairement à M. Tardy, je trouve que la présentation sur le site Internet du ministère des finances est bonne, même si je pense qu’un courrier individuel aurait eu un effet positif. Un bilan d’étape est-il prévu, en juin par exemple, pour mesurer le degré d’information selon les départements, et envisager une campagne de communication de rattrapage de la part du ministère des finances ?

M. Patrick Lebreton. Comment le CICE s’articulera-t-il avec la fin progressive de l’exonération de charges pour cause de vie chère, introduite dans les DOM en 2009 ? La DGFiP a-t-elle déjà étudié des solutions pour que, outre-mer, le CICE profite aux salariés les plus modestes ?

Mme Pascale Got. Si la baisse des charges est sur toutes les lèvres, le CICE n’est pas dans toutes les têtes. On a été un peu long « à l’allumage », et nous avons dû reprendre la main. L’administration doit veiller à ne pas aller uniquement dans les territoires urbains car l’information a du mal à passer dans les territoires plus reculés. Je vous invite, en outre, à rassurer les agents publics qui ne participent qu’avec réticence à des réunions publiques, de crainte de ne pouvoir répondre à toutes les questions.

M. Daniel Goldberg. En tant que rapporteur de la mission d’information sur les coûts de productions, je m’interroge sur les liens entre CICE et innovation. Considérez-vous que le seuil de 2,5 SMIC permettra de favoriser la recherche-développement, compte tenu des niveaux de salaire auxquels sont embauchés les techniciens, voire les jeunes ingénieurs ? Sans qu’il soit question de changer un dispositif qui se met en place, Audrey Linkenheld et moi nous demandions si vous aviez eu, les uns et les autres, des échos d’entreprises à qui cette limite causerait des difficultés ? Que représenterait pour les finances publiques un relèvement en biseau jusqu’à 3,5 SMIC, montant préconisé par Louis Gallois ?

M. Bruno Bézard. Beaucoup de questions tournent autour de l’information des entreprises. Et il est parfaitement exact qu’elle n’est pas encore suffisante. Je m’en rends compte personnellement quand je vais sur le terrain. J’ai même demandé à un chef d’entreprise à qui je m’adressais pour des travaux, s’il avait entendu parler du CICE, et il m’a répondu qu’il ne savait pas de quoi il était question. Cela dit, nous travaillons à faire connaître le dispositif, et je souligne la très grande mobilisation du réseau consulaire et de la BPI. J’ai eu à leur sujet des remarques très positives. Mais il faut continuer l’effort. J’ai dit au président de la CGPME que j’étais personnellement disponible pour aller faire la promotion du CICE en province, et pas seulement en zone urbaine.

Le rythme de dépôt et d’instruction des dossiers n’est pas tout à fait anormal pour une mesure qui a fait l’objet d’une instruction fiscale datée du 4 mars dernier. Elle a d’ailleurs été rédigée à une vitesse inouïe pour l’administration fiscale – qui est non pas lente, mais précise, de façon à éviter des déconvenues ultérieures aux entreprises.

Cela étant, il faut en effet poursuivre la campagne d’information de sorte que le CICE ne soit pas le jouet exclusif des grandes entreprises. L’effort que nous avons fait avec la BPI pour élargir le préfinancement du CICE aux TPE témoigne de notre volonté.

S’agissant de l’évaluation, comment imaginer qu’il n’y en ait pas, alors que la dépense fiscale devrait atteindre 20 milliards d’euros ? Le bilan sera fait, dès qu’on aura une base statistique suffisante. Et nous corrigerons ce qui devra être corrigé.

Conformément à l’instruction des pouvoirs publics, nous avons eu le souci constant de la simplicité des dispositifs. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de biseau, ni d’exigence de traçabilité qui mettrait les chefs d’entreprise à la merci d’un contrôle fiscal deux ans après. Nous avons essayé d’éviter les problèmes qui se sont posés avec le crédit d’impôt recherche ou d’autres, que beaucoup de chefs d’entreprise de bonne foi se sont vus reprendre. La simplicité peut avoir, en effet, pour contrepartie des effets de seuil, mais il y avait un équilibre à trouver.

L’administration fiscale n’a pas pour vocation d’aller demander des comptes aux chefs d’entreprise au sujet de l’utilisation d’un crédit d’impôt. C’est une question de gestion de l’entreprise, qui relève donc des mandataires et des partenaires sociaux. Pour autant, un crédit d’impôt est parfaitement traçable grâce à l’analyse financière, il suffit de comparer le bilan et le compte de résultat d’une année sur l’autre.

Mme Bonneton s’est inquiétée que le CICE serve à améliorer la trésorerie, au lieu d’investir dans l’outil de production. Je ne suis pas d’accord avec cette analyse. L’amélioration de la trésorerie dans le bilan est la conséquence de l’amélioration du compte de résultat, qui elle-même traduit celle de l’autofinancement, donc de la capacité à investir. La reconstitution des marges peut aussi aider à celle des fonds propres, car il n’est pas inutile d’avoir un matelas en cas de coup dur.

Si j’ai bien compris M. Suguenot, il ne voit pas pourquoi il faudrait aux banques une garantie pour accorder le préfinancement du CICE. Le CICE ne sera sûr et certain qu’une fois les comptes arrêtés, c’est-à-dire au plus tôt en avril-mai 2014. La banque, quand elle préfinance, achète une créance et il est logique qu’elle prenne quelques garanties sur son montant et sur la stabilité de l’entreprise, avant de débloquer les fonds. Mais je laisse la BPI répondre sur ce point.

M. Alain Suguenot. Dans la mesure où le privilège s’attache au crédit d’impôt, il devrait en être de même pour le préfinancement. Vous avez dit que les entreprises en difficulté ont droit au crédit d’impôt ; leurs banques ont donc les mêmes garanties que les autres.

M. Bruno Bézard. Une entreprise faisant l’objet d’une procédure collective a droit au crédit d’impôt. Ensuite, c’est à chaque prêteur de décider s’il préfinance, ou non, au vu des contraintes juridiques et prudentielles qui sont les siennes, et de la situation de l’entreprise. Une aide fiscale n’est pas de même nature qu’un financement commercial.

Les pêcheurs, pourvu qu’ils soient au réel, ont naturellement droit au CICE.

Quant aux chiffres, ils sont différents selon que l’on parle des dossiers en cours d’examen ou de ceux que nous avons validés, de façon à éviter un double préfinancement.

M. Jean-Luc Barçon-Maurin, sous-directeur à la direction générale des finances publiques. Au cours de l’année n, la masse salariale n’est pas entièrement acquise, d’où la garantie pour la banque qui assure le préfinancement.

Concernant l’assiette, l’instruction essaie de couvrir tous les cas de figure et devrait prévoir toutes les situations, comme le temps partiel, les heures supplémentaires et certaines primes. Nous avons demandé aux directions départementales de nous transmettre toutes les questions qui leur sont posées. Les directeurs départementaux et régionaux ont pour consigne de prendre les devants en étant présents sur le terrain, d’organiser des réunions d’information, et même de s’inviter aux réunions organisées par les chambres consulaires et les organisations professionnelles.

M. Vincent Dauffy. Nous partageons le constat que les entreprises ne sont pas suffisamment informées. Les 500 chargés d’affaires de BPI/Oséo sont au contact des entreprises et ne manquent pas une occasion de parler avec elles du CICE et de son préfinancement. Nous sommes allés au-devant des entreprises intéressées. Le site web a été aménagé pour présenter le CICE et nous avons accompagné le Gouvernement dans certaines de ses actions. Outre les manifestations auxquelles nous participons avec les différents réseaux, nous avons lancé une campagne de marketing direct, sous forme de courriers, de fax, d’e-mailings, auprès d’une première tranche de 30 000 entreprises, dont je conviens qu’elles ne sont pas les plus petites. Mais nous irons au-delà.

Les 17 000 experts-comptables aussi ont été un relais particulièrement puissant parce qu’ils sont au quotidien dans les entreprises.

Les chiffres que je vous ai donnés sont cohérents avec ceux publiés le 29 mars dernier. Aujourd’hui, et pour être très précis, 900 dossiers ont fait l’objet d’un accord ou sont en cours d’étude, ils représentent 250 millions d’euros. Parmi eux, 473, soit une grosse moitié, ont reçu notre accord. Il y a dix jours, nous en étions à 550, pour 160 millions d’euros, dont 222 accords. Le décalage avec les chiffres fournis par l’administration tient aux délais postaux. Les chiffres que je vous donne sont parfaitement vérifiables.

Il y a dix jours, nous avions également fait des estimations à partir des demandes reçues par nos implantations régionales, mais qui n’avaient pas été intégrées dans nos systèmes d’information. Il s’agissait d’entreprises ayant apporté la preuve de leur intérêt pour le mécanisme, et pour lesquelles nous disposions de montants. Nous avions alors 1 300 demandes, dont 550 accords. Si les proportions sont les mêmes, avec 900 dossiers, il devrait y avoir environ un millier de demandes en instance.

En six semaines d’exploitation, une telle progression est un record, sans commune mesure avec ce que nous avions connu quand la crise a éclaté, en 2008-2009. Pourtant, la trésorerie des entreprises était réellement exsangue.

M. le président François Brottes. Mais ces chiffres ne concernent que la BPI.

M. Vincent Dauffy. Oui. Apparemment, nous sommes les seuls à être prêts aujourd’hui.

M. Antoine Boulay, directeur des relations institutionnelles de BPI-France. Nous avons demandé au cabinet en question comment il s’était procuré ses chiffres. Nous n’avons pas eu de réponse… Il semble qu’ils soient fantaisistes, et que l’objectif ait été de parasiter l’image du CICE.

M. le président François Brottes. Comment les choses se passent-elles sur le terrain, pour la BPI ?

M. Antoine Boulay. M. Dufourcq sera auditionné le 15 mai prochain, conformément à la loi, pour exposer le projet de doctrine aux commissions des affaires économiques, du développement durable et des finances, un mois avant sa présentation au conseil d’administration prévu en juin.

Sur le terrain, les équipes de CDC Entreprises, de FSI Régions et d’Oséo travaillent d’ores et déjà ensemble. Par exemple, la décision de supprimer le seuil pour le préfinancement a été prise en collaboration et annoncée par le directeur général au séminaire sur l’état d’avancement du pacte de compétitivité du 29 mars à l’Élysée. Aux entrepreneurs qui vous demandent où s’adresser pour accéder aux services de BPI France – en effet, juridiquement, les apports sont en cours – vous pouvez répondre que les trente-sept implantations régionales d’Oséo sont le visage de la Banque publique d’investissement.

Autre nouveauté, cinq conseillers Ubifrance ont déjà rejoint les directions régionales. À terme, il y en aura autant que d’implantations, pour mieux soutenir l’exportation.

Les choses avancent donc sur le terrain même si la procédure juridique est encore en cours.

Mme Judith Jiguet. Voici quelques exemples précis de la mobilisation du réseau consulaire au côté des services de l’État. Tout d’abord, nous avons créé le site Internet les-aides.fr qui recense l’ensemble des aides européennes, nationales, régionales et locales. C’est la seule base à être aussi exhaustive. La fiche sur le CICE a été mise en ligne tout de suite et elle figure parmi les consultations les plus fréquentes. Donc, la demande existe.

Les réunions se tiennent dans chacune des CCI, avec les DRFiP ou les DDFiP, Oséo, les experts-comptables et même les représentants des URSSAF, depuis le mois de mars. La demande est très forte, au point par exemple que celle qui s’est tenue en Artois, le 25 mars, sera suivie d’une autre le 11 avril, et 5 000 invitations ont été envoyées. Nous avons adressé des mailings à tous nos ressortissants. Toutes nos newletters et tous les magazines consulaires ont traité du sujet. En Saône-et-Loire, 21 000 entreprises ont bénéficié d’informations.

Cet effort de communication génère beaucoup d’appels. Aussi avons-nous mobilisé nos centres de relations clients. Dans les plus gros d’entre eux, comme Marseille ou Nantes, tous les conseillers ont été formés spécialement. Lors de l’assemblée générale du 26 février, devant Nicolas Dufourcq et Pierre Moscovici, le président André Marcon a porté un projet national, mobilisant tous les centres de relations clients qui pourront être joints par toutes les entreprises françaises via un numéro de téléphone unique, et qui répondront à toutes les questions. Le réseau consulaire a décrété la mobilisation générale sur cette question.

Mais nous sommes en phase de démarrage. Je le répète, nous avons besoin d’un kit national, simple, pour transformer les propos du directeur général des finances publiques en plaquette.

Autre question qui revient souvent : comment obtenir des banques l’engagement qu’elles n’utiliseront pas le CICE pour réaménager la dette des entreprises ?

M. Vincent Dauffy. Le CICE est un moyen d’encourager une banque à accorder un nouveau concours ou à confirmer une ligne de crédit. Mme Judith Jiguet. Le CICE ne doit pas servir seulement à renflouer un compte débiteur.

M. Alain Suguenot. Pour les entreprises en procédure collective, la question se pose des privilèges des créanciers. Si la banque a préfinancé, ne peut-elle pas être accusée d’avoir apporté un soutien abusif et capté un privilège qui n’est pas le sien en se faisant régler par le Trésor public ? D’où des avis divergents sur la nature du crédit d’impôt et celle du préfinancement.

M. Vincent Dauffy. Une entreprise mise en liquidation, si elle a payé ses salaires, aura acquis un crédit d’impôt qui lui sera remboursé par l’administration. En revanche, si une banque a accordé un concours à un client, correspondant à 100 % du CICE, il n’y a rien de certain. Le CICE est acquis au fur et à mesure du versement des salaires.

M. Alain Suguenot. Le salaire est une créance super-privilégiée. Le préfinancement du CICE bénéficie-t-il du même avantage ?

M. le président François Brottes. Je vous suggère de poser une question écrite.

M. Vincent Dauffy. C’est précisément pour rassurer les banques qui craindraient, à cause de salaires non versés, de ne pas pouvoir se faire rembourser le préfinancement du CICE, que la BPI offre sa garantie. La réglementation européenne traite différemment les PME et les autres, d’où le fait que la garantie est strictement réservée aux PME.

M. Jean-Luc Barçon-Maurin. La créance correspondant au CICE ne naît qu’au moment de la déclaration d’impôt, c’est-à-dire en année n+1. L’établissement qui fait crédit prend un risque.

M. Alain Suguenot. Alors, les banques ne prêteront pas.

M. Vincent Dauffy. Pour ne pas prendre de risque, la banque pourrait verser le préfinancement ex post, c’est-à-dire une fois les salaires versés. Mais c’est beaucoup moins intéressant pour l’entreprise.

M. le président François Brottes. Je crois que le cas des entreprises en difficulté n’est pas complètement réglé. Nous ferons donc une question écrite.

M. Jean-Luc Barçon-Maurin. À propos de communication, je signale que les URSSAF ont envoyé à tous leurs cotisants une information sur le CICE au mois de mars.

M. le président François Brottes. Merci à tous pour cet échange. Nous vous réinviterons pour commenter les premières évaluations.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 9 avril 2013 à 17 heures

Présents. - M. Damien Abad, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. Dino Cinieri, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, Mme Béatrice Santais, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Joël Giraud, M. Razzy Hammadi

Assistaient également à la réunion. - M. Marc Goua, M. Patrick Lebreton, M. Christophe Léonard