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Commission des affaires économiques

Mercredi 24 avril 2013

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 73

Présidence de M. François Brottes Président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur le financement des entreprises, avec la participation de Mme Jeanne-Marie Prost, médiatrice du crédit, M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA), M. Bernard Cohen-Hadad, président de la commission « financement des entreprises » de la CGPME, et M. Hugues Pouzin, directeur général de la Confédération française du commerce inter entreprises (CGI).

La commission a auditionné au cours d’une table ronde, ouverte à la presse, Mme Jeanne-Marie Prost, médiatrice du crédit, M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA), M. Bernard Cohen-Hadad, président de la commission « financement des entreprises » de la CGPME, et M. Hugues Pouzin, directeur général de la Confédération française du commerce inter entreprises (CGI) sur le financement des entreprises.

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, j’ai souhaité que notre Commission organise une table ronde autour du sujet si crucial pour l’économie du financement de nos entreprises.

Nous entendons souvent dire que le financement des entreprises pose problème. Or, cette situation peut découler de facteurs très différents : un client qui ne respecte pas les délais de paiement ou qui n’acquitte pas une facture, une banque qui n’assure pas le relais en matière de trésorerie ou, tout simplement, l’absence de clients, donc de marchés, ce dont on ne peut accuser personne. D’autres facteurs laissent en revanche songeur. Parfois, un banquier en vacances est remplacé par quelqu’un qui, ne connaissant pas le client, lui refuse un crédit alors que son compte sera provisionné huit jours plus tard. Et que dire des réponses dilatoires, qui équivalent en pratique à des refus ? Depuis des années, la situation ne s’est pas améliorée à cet égard.

Quel que soit leur groupe, les députés s’étaient félicités de l’instauration, sous le précédent Gouvernement, d’une Médiation du crédit aux entreprises. Je me réjouis que celle-ci ait été maintenue, car il est indispensable de faciliter les relations entre les chefs d’entreprise et leur banque, notamment pour éviter que, faute de réponse, ils ne puissent verser les salaires ni régler leurs fournisseurs.

Je vous laisse la parole, Mme Prost, avant que les autres intervenant puissent à leur tour faire état de la situation à laquelle ils sont confrontés.

Mme Jeanne-Marie Prost, médiatrice du crédit. La Médiation du crédit a été créée fin 2008 par un simple accord de place entre le Gouvernement et les banques. Cet accord, renouvelé le 1er mars 2013, court jusqu’au 31 décembre 2014. Lorsque la Médiation est saisie, la banque s’engage à participer à la négociation avec l’entreprise, à assister aux réunions et à ne pas résilier ni dénoncer les concours pendant la procédure.

La méthode a fait ses preuves. Depuis l’origine, nous avons été saisis par 38 000 entreprises de toute taille et de tous secteurs ; toutefois 95 % d’entre elles emploient moins de cinquante salariés et, parmi celles-ci, 80 % emploient moins de dix salariés. Autant dire que le dispositif épaule principalement les PME et les TPE. Pour 27 000 dossiers traités, avec un taux de réussite de 62 %, nous avons ainsi débloqué plus de 4 milliards d’euros de crédit et préservé 300 000 emplois.

Massif entre 2008 et 2010, le recours au dispositif s’est ralenti en 2012, sans doute parce que la situation économique s’est améliorée fin 2010. De plus, la création de la Médiation a eu un effet pédagogique sur les banques, qui, dorénavant, repèrent mieux les difficultés ou les blocages. Enfin, la peur du gendarme a pu jouer : les banquiers se montrent peut-être plus disponibles pour éviter que les entreprises ne saisissent le médiateur.

Notre organisation décentralisée n’a pas évolué depuis l’origine, preuve qu’elle était parfaitement adaptée à notre mission. Dans chaque département, nous nous appuyons sur le directeur de la Banque de France, qui est le médiateur départemental du crédit. Ce dispositif de proximité a permis de traiter efficacement de très nombreux dossiers, en trouvant des solutions au plan local.

J’ai été nommée médiatrice du crédit début janvier. Je connais bien la Médiation pour avoir été le bras droit de René Ricol, puis de Gérard Rameix. Dès mon entrée en fonction, j’ai insisté sur la communication de proximité, car les dispositifs de soutien – comme la Médiation, qui est confidentielle et gratuite – ne seront utilisés que s’ils sont connus, notamment par les petits artisans. Comme le disait René Ricol, « il ne faut laisser aucune entreprise seule face à ses difficultés ».

Mon rôle est de nouer un dialogue sérieux et régulier avec les réseaux bancaires. Ainsi, la semaine dernière, j’ai rencontré les directeurs de réseaux, car nous entrons dans la période de renouvellement des crédits de trésorerie. J’effectue en outre des déplacements sur le territoire national, et je rencontre ès qualités les représentants socioprofessionnels. J’assiste également à des réunions avec les banquiers, organisées par les directeurs régionaux de la Banque de France, ce qui me permet de savoir précisément ce qui se passe sur le terrain.

M. le président François Brottes. Traitez-vous du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) avec vos interlocuteurs ?

Mme Jeanne-Marie Prost. Oui. C’est un sujet que j’évoque systématiquement lors de mes déplacements et encore devant les banquiers la semaine dernière. Je reviendrai sur le fonds de garantie OSÉO et sur le préfinancement du CICE, qui suscite de nombreuses questions.

M. le président François Brottes. Il semble qu’en régions le dispositif soit peu connu et qu’il soit difficile de trouver des interlocuteurs réactifs. Qu’en pense le monde de l’artisanat ?

M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA). Je rappellerai tout d’abord, Monsieur le président, qu’en 2011, l’artisanat regroupait dans notre pays plus de 1,05 million d’entreprises, contre 800 000 en 2000. En dix ans, celles-ci ont créé 500 000 emplois en solde net. Depuis août 2011, elles sont directement touchées par la conjoncture économique, par la distorsion de concurrence – sinon la concurrence déloyale –que crée le régime d’auto-entrepreneur, et par des difficultés de financement. C’est pourquoi les entreprises artisanales sont de « bonnes clientes » de la Médiation : non seulement parce que les chambres de métiers et de l’artisanat fournissent au médiateur des tiers de confiance mais parce que les chefs d’entreprises artisanales la sollicitent souvent. Ceux-ci ne sont pas en position de force face à leur banquier, tant pour accéder au crédit que pour résoudre des difficultés ponctuelles de trésorerie ou de découvert.

Parce qu’elle offre des garanties aux banquiers, en qui elle suscite la peur du gendarme, la Médiation améliore l’accès des entreprises au crédit. Cependant, il reste difficile d’obtenir une somme de 20 000 ou 25 000 euros, voire de moindre importance. Un boulanger qui veut changer son four doit fournir d’innombrables justificatifs et on lui répond généralement dans un délai très long. Ce manque de réactivité est regrettable, surtout pour des sommes qui ne mettent pas en jeu les réseaux bancaires.

L’attitude des banquiers face au découvert n’est pas plus compréhensible. Il y a trois jours, dans le Nord, un banquier a notifié à la Banque de France le découvert d’un boulanger, qui atteignait 8 000 euros, soit 3 000 euros de plus que le montant autorisé. Il s’agissait d’une difficulté ponctuelle portant sur une somme dérisoire. Que fera ce chef d’entreprise qui emploie trois personnes si la Médiation du crédit n’intervient pas ? Alors même que la Chambre de métiers a signé avec la banque – en l’occurrence, la Caisse d’épargne – un accord de partenariat dont les clauses sont globalement respectées, le guichetier local s’est dispensé d’appliquer la convention, sans songer au risque de faillite ou de réduction d’effectif auquel il expose son client.

Les artisans souffrent aussi de l’allongement des délais de paiement. Alors que, dans le bâtiment, on paie les fournisseurs « au cul du camion », les délais dans lesquels les entreprises, particuliers, collectivités ou établissements publics règlent leurs factures excèdent ceux que prévoit la loi de modernisation de l’économie (LME). Quand les établissements hospitaliers, par exemple, font attendre les artisans, ceux-ci n’ont pas d’autre choix que d’être leurs propres banquiers. Nos entreprises ne faisant pas appel au marché, nous demandons depuis des années l’augmentation de la provision pour investissement, qui permet de créer des fonds propres. Chacun s’accorde à dire qu’il s’agit d’un bon dispositif, même si Bercy le juge difficile à mettre en place.

Nous souhaitons que la BPI contribue, au même titre que les conseils régionaux, aux avances remboursables, qui permettent aux artisans de bénéficier de prêts à taux zéro sur trois à cinq ans, pour un montant de 20 000 à 30 000 euros. En outre, il faudrait instaurer un dispositif spécifique pour les découverts.

Enfin, je regrette que le problème des tarifs bancaires, extrêmement élevés, n’ait pas été pris en compte dans la loi de séparation et de régulation des activités bancaires votée en première lecture il y a quelques semaines, car leur montant grève le budget des artisans.

M. le président François Brottes. Le sujet pourra être abordé lors de l’examen du projet de loi sur la consommation, qui viendra prochainement en discussion. Nous pouvons aussi méditer l’exemple des entreprises qui, il y a quelques années, ne trouvant aucune réponse auprès des banques, avaient créé un établissement financier pour régler leurs problèmes en les mutualisant.

M. Bernard Cohen-Hadad, président de la Commission « financement des entreprises » de la CGPME. Nous ne sommes plus à l’heure des constats. La crise s’est installée en 2009. Dès 2011, nous avons appelé l’attention du président de l’Observatoire du financement des entreprises sur le problème des fonds propres. En septembre 2011, nous avons signalé à M. Frédéric Lefebvre, alors secrétaire d’État chargé du commerce et de l’artisanat, que les PME qui peinaient à équilibrer leur trésorerie ne parvenaient pas à accéder au crédit de court terme.

Les banques sont la colonne vertébrale du financement de nos TPE et de nos PME, qui ne font pas appel au marché pour se financer. À cet égard, il est urgent de suivre les préconisations du rapport Giami-Rameix relatives au financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) par le marché financier. Il n’y a aucune raison pour que la dynamique à l’œuvre outre-Atlantique n’ait pas son pendant en France. Les TPE et les PME manquent de fonds de roulement. En outre, parce que les autorisations de découvert ne sont pas contractuelles, leur banquier peut les réduire, du jour au lendemain, ne laissant aux entreprises que quinze à soixante jours pour apurer leurs comptes. En ce moment, les entreprises sont sur le grill car, dans quelques jours, les banquiers leur demanderont leur bilan, au vu duquel ils prolongeront ou non les autorisations de découvert, sans qu’aucun recours ne soit possible, même auprès de la Médiation du crédit.

Il importe, pour sortir de cette situation, de mettre en place un tableau du financement des PME dans l’économie. Le ministre de l’économie et des finances l’a annoncé en installant Mme Prost dans ses fonctions : nous devons mieux cerner les sources du financement des entreprises, et connaître les statistiques disponibles à ce sujet. Ce sont les encours de moins de 25 000 euros qui grippent le système. Je l’avais signalé à M. Rameix et même si, grâce à lui, nous disposons désormais d’un fléchage, (Stat Info), mais celui-ci n’est disponible pour les TPE que depuis septembre 2011. Il faut aller plus loin.

Restent les modes de financement alternatifs. Le 29 avril, les Assises de l’entrepreneuriat présenteront leurs propositions à ce sujet. Le Président de la République dévoilera certaines pistes à cette occasion. Nous verrons s’il envisage, comme nous le lui avons suggéré, d’ouvrir tous les modes de financements : l’accès aux particuliers par un nouveau fléchage de l’épargne, l’accès au marché, les business angels et, pourquoi pas, la titrisation.

M. le président François Brottes. Une personne qui veut ouvrir un restaurant chinois ou une crêperie bretonne ou se lancer dans la vente de kebabs recourt parfois à une aide communautaire qui mutualise les financements. Avez-vous observé ce comportement dans d’autres secteurs ?

M. Bernard Cohen-Hadad. Depuis septembre 2008, en cas de refus de la banque, la seule solution pour un entrepreneur est de se tourner vers ses proches en recourant au love money. La France pourrait aussi ouvrir la voie au crowdfunding – l’investissement des particuliers dans les PME – en modifiant ses règlements. Enfin, comme vous l’avez indiqué, les entrepreneurs ont aussi la capacité de se réunir, et j’aimerais insister sur le rôle des régions, fondamental pour l’accès des entreprises au financement, puisque c’est dans les territoires que les entreprises se développent et qu’elles trouvent leurs partenaires.

M. Hughes Pouzin, directeur général de la Confédération française du commerce interentreprises (CGI). Le commerce interentreprises est peu visible, parce qu’il met en jeu des PME qui font l’interface entre des fournisseurs et des clients de toute sorte : artisans, restaurateurs, collectivités locales, buralistes... Les délais de paiement, qui conditionnent la trésorerie des entreprises, sont la clé de leurs relations. La principale préoccupation des patrons de PME, qui vérifient tous les matins leur niveau de trésorerie, est moins de vendre que de récupérer leurs créances en temps utile. L’observatoire de la CGI a noté que, depuis plus d’un an, l’écart entre le délai de paiement convenu et le délai effectif s’est régulièrement dégradé, laminant progressivement les marges des entreprises.

Dans mon secteur, malgré un chiffre d’affaires impressionnant, les marges nettes ne dépassent pas 0,7 % à 1 %. Dans ces conditions, il suffit d’un grain de sable pour gripper l’engrenage. Il peut s’agir d’un délai caché, inventé par le client : une entreprise importante du CAC 40 a ainsi instauré une procédure selon laquelle la facture ne pouvait être payée que si le tampon cristal avait été apposé sur la demande de paiement ; à défaut, la procédure de règlement était reprise à son début, ce qui le retardait de quinze jours. D’autres clients, sous prétexte qu’une pièce est défectueuse, bloquent toute la facture. Par ailleurs, en cas d’incident de paiement, le chèque impayé ne revient qu’au bout de vingt jours ; c’est beaucoup trop long car, entretemps, ce grossiste a peut-être été servi sept ou huit fois. J’ajoute que si on lui demande de régulariser la situation, il ne peut le faire par un versement en liquide, l’administration fiscale multipliant les contrôles tatillons. Peut-être la France doit-elle se désinhiber à cet égard, car elle est le pays européen où les paiements en liquide autorisés sont les plus faibles et les plus sanctionnés ; en Allemagne au contraire, payer en espèces est considéré comme un procédé vertueux. En agissant sur ce point, on sécuriserait les entreprises.

Un dernier mot sur les assureurs crédit. Dans notre profession, ils jouent le rôle de baromètres. Dès qu’une entreprise voit baisser sa cote, la confiance s’atténue et on lui demande de payer immédiatement ses fournisseurs, ce qui est particulièrement gênant.

M. le président François Brottes. Je vous remercie. La parole est pour commencer aux représentants des groupes, auxquels succéderont les autres orateurs.

M. Éric Straumann. Je prends la parole au nom du groupe UMP. Il est dommage qu’aucun banquier ne participe à cette table ronde… La Médiation du crédit a fait ses preuves et ses décisions sont le plus souvent conformes aux attentes. Peut-on dresser le bilan de son action en 2008-2009 ? Par exemple, le taux de contentieux concernant les entreprises qui ont fait l’objet d’une médiation a-t-il augmenté ?

Régulièrement, je reçois des artisans et des commerçants auxquels on refuse un concours de 3 000 à 4 000 euros, alors qu’ils connaissent leur banquier depuis des décennies, qu’ils ont des salaires à verser et que des emplois sont à la clé. La baisse des taux a pourtant permis aux banques de reconstituer leurs marges financières : à court terme, elles empruntent désormais à 1 % ou 2 %, mais elles prêtent sur le long terme à 7 % ou 8 %, voire, quand le risque est élevé, à 10 %, voire 12 %. La répartition de la manne due à la baisse des taux de la Banque centrale européenne devrait être revue.

D’autre part, les banques appliquent aux artisans et aux commerçants une tarification disproportionnée. Un découvert de 1 000 à 2 000 euros peut générer des frais de 200 à 300 euros pour « incident » qui, en outre, ne sont pas intégrés dans le taux effectif global (TEG). Le projet de loi sur la consommation concernera-t-il les professionnels ainsi pris à la gorge et placés dans une telle dépendance vis-à-vis de leur banquier qu’ils n’osent rien lui réclamer de peur qu’il leur refuse un découvert le mois suivant ? Peut-on limiter le montant des commissions excessives ?

Les banquiers semblent également ignorer la notion d’activité saisonnière, s’étonnant que des difficultés de trésorerie surviennent en basse saison dans le secteur touristique ou que les rentrées des agriculteurs soient irrégulières. C’est une situation assez incompréhensible.

Les artisans ont parfois mis au point des mécanismes de cautionnement mutuel qui semblent fonctionner ; qu’en est-il ?

Enfin, comment évolue le crédit interentreprises, cinq fois plus important que le crédit bancaire à court terme, ce qui est manifestement le signe d’un mal français ?

M. le président François Brottes. Il va sans dire que nous recevrons aussi les banquiers, ultérieurement.

Mme Frédérique Massat. Je m’exprime au nom du groupe SRC pour vous demander madame Prost, comment vous entendez développer l’usage du CICE. Quelle communication allez-vous engager à ce sujet en direction des chefs d’entreprise ? Comment allez-vous le décliner sur les territoires ? À quelles difficultés se heurte sa mise en œuvre ?

Par ailleurs, la BPI est déjà entrée dans une phase active, puisqu’elle a effectué des versements aux PME, ETI et TPE. Quelles sont les remontées ? Comment est perçu le guichet unique ? Quelles réactions suscitent la réforme du crédit d’impôt recherche, le statut des jeunes entreprises innovantes et le contrat de génération ?

Est-il en outre envisageable d’étendre le périmètre de la Médiation, dont chacun reconnaît le bien-fondé et la réactivité, pour qu’au-delà de la question du crédit, elle diversifie ses activités et travaille avec les banques sur les problèmes de trésorerie ?

Le rapport de Paris Europlace intitulé Financement des entreprises et de l’économie française : pour un retour vers une croissance durable souligne la dépendance des entreprises à l’égard des banques, qui sont leur principale source de financement. Dans leur rapport, nos collègues Karine Berger et Dominique Lefebvre, qui font le même constat, proposent dix mesures destinées à mobiliser l’épargne des ménages en faveur du financement de l’investissement et la compétitivité. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Enfin, je ne doute pas que le projet de loi sur la consommation traitera des délais de paiement.

M. Thierry Benoit. Le groupe UDI considère que M. Griset a parfaitement analysé les difficultés des entreprises de taille moyenne, qui continuent d’acheter des matériaux pour réaliser les chantiers même quand elles sont payées avec retard. Bien que le travail de la Médiation mérite des éloges, ses résultats déçoivent les chefs d’entreprise. Quelles sont vos propositions pour résoudre les problèmes de trésorerie ?

Les collectivités locales en milieu rural sont parfois sollicitées pour des projets d’investissement immobilier à hauteur de 10 à 15 millions d’euros. Avec le concours de la région et du département, elles trouvent des périmètres d’intervention. Reste à savoir qui garantit les emprunts. Est-ce le rôle de la BPI ? Je ne suis pas certain que cette mission appartienne à son cœur de métier.

M. Cohen-Hadad a dit un mot des prêts participatifs. Comment le législateur peut-il inciter les Français à s’intéresser davantage aux entreprises qui les entourent ? Quelles mesures peut prendre un élu pour que ses électeurs injectent de l’argent dans celles de leur région ?

Comment les acteurs institutionnels conventionnels que vous êtes abordent-ils le champ de l’économie sociale et solidaire, notamment l’action des clubs d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne solidaire (CIGALES) ? Estimez-vous qu’il s’agit d’un secteur de niche adapté aux circuits courts, ou pensez-vous qu’il y a là un levier véritable de développement économique ?

Enfin, comment accueilleriez-vous une proposition visant à orienter des fonds actuellement placés sur le livret A, donc destinés au logement, vers le développement économique et la vie des entreprises ?

M. le président François Brottes. C’est déjà ce à quoi tend le livret de développement durable (LDD). Quoi qu’il en soit, le projet de loi sur la consommation pourrait fort bien porter une proposition de ce type.

Mme Jeanine Dubié. Le groupe GDR rappelle que, selon la dernière enquête trimestrielle de la Banque de France, l’accès au crédit, très large pour les ETI, est restreint pour les PME, malgré une légère amélioration, puisque le taux d’obtention des nouveaux crédits de trésorerie par les PME est de 68%. L’essentiel des difficultés de financement des entreprises concernerait le court terme. Madame Prost, ce constat est-il conforme aux saisines pour médiation dont vous avez à connaître ? Comment les établissements de crédit motivent-ils leurs refus ?

Le rapport Berger-Lefebvre propose de réorienter l’épargne financière des ménages, à hauteur de 100 milliards avant 2017, vers les entreprises, particulièrement les PME et les ETI. Le Premier ministre a annoncé que, fin avril, lors des Assises de l’entrepreneuriat, il poserait les principes d’une meilleure orientation de l’épargne vers l’investissement, à travers l’assurance-vie et un PEA-PME. Il a également indiqué qu’il mobiliserait l’épargne réglementée, le livret A et le livret de développement durable pour renforcer les fonds propres des PME. Ces mesures jointes au CICE, à la garantie de renforcement de la trésorerie, au prêt pour l’innovation et au préfinancement du crédit d’impôt recherche, représentent un total de 630 millions d’euros qui pourraient être versés aux PME et aux ETI. Monsieur Cohen-Hadad, quelle est la faisabilité des dispositifs ? Couvriront-ils les besoins de financement des entreprises ?

Les entreprises artisanales sont particulièrement touchées par les problèmes financiers, puisque la part des frais financiers dans le chiffre d’affaires des micro-entreprises est quatre fois plus importante que dans les PME. Le pacte pour l’artisanat prévoit notamment que la BPI prend en compte les besoins spécifiques des entreprises artisanales. Le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée sera simplifié et fiabilisé. Monsieur Griset, comment ces nouveaux dispositifs se traduisent-ils sur le terrain ? Répondent-ils aux besoins de financement des entreprises artisanales ?

Les crédits interentreprises s’élèvent à 600 milliards d’euros. Selon M. Pelouzet, médiateur des relations inter-entreprises, que nous avons auditionné récemment, le non-respect des délais de paiement justifie 30 % des saisines. Le retard de paiement constitue pour les PME un manque de trésorerie de 12 à 13 milliards d’euros. Selon le rapport d’OSÉO daté de 2011 sur l’évolution des PME, un quart de leurs créances reste en attente d’encaissement au-delà de soixante jours, et la défaillance d’une entreprise sur quatre est imputable à des problèmes de règlement par les clients. Que proposez-vous, monsieur Pouzin, pour remédier à cette situation ? Dans le cadre du projet de loi sur la consommation, devons-nous reprendre la LME pour mieux encadrer les délais de paiement ?

Enfin, monsieur Cohen-Hadad, quel regard portez-vous sur les financements participatifs, qui mettent en relation, grâce à internet, des porteurs de projet et des particuliers souhaitant investir ? Comment pouvons-nous les encadrer sur le plan législatif ?

M. le président François Brottes. En ce qui concerne les délais de paiement, il faudrait, avant de modifier la règle du jeu, sanctionner ceux qui ne la respectent pas.

Mme Michèle Bonneton. Je prends la parole au nom du groupe écologiste. Quelles mesures proposez-vous pour raccourcir les délais de paiement ? Comment jugez-vous l’action de la BPI, dédiée aux PME ? Quel rôle souhaitez-vous lui voir jouer ? Comment la rendre plus efficace ? Les missions du Fonds stratégique d’investissement (FSI) doivent-elles être étendues ? Comment celui-ci peut-il intervenir auprès des entreprises ? Pour assurer leur bonne santé, la puissance publique doit-elle, par exemple, organiser les filières ou fixer les modalités des marchés ? Une étude récente montre qu’en France, l’outil de travail est beaucoup plus ancien qu’en Italie ou en Allemagne, ce qui suppose, à terme, de procéder à des investissements importants ; comment y parvenir dans le contexte actuel ?

Comment utiliser les fonds alternatifs pour mobiliser l’épargne des Français ? Quel rôle peuvent jouer les CIGALES ou les sociétés coopératives et participatives (SCOP), pour impliquer davantage les citoyens dans la vie des entreprises ?

M. le président François Brottes. Je vous remercie et je passe maintenant la parole aux députés qui le souhaitent, afin que les intervenants puissent vous faire des réponses plus complètes en fonction des termes abordés.

Mme Clotilde Valter. Disposez-vous d’informations sur l’utilisation de la garantie publique voulue par le Gouvernement en début d’année pour renforcer, à hauteur de 500 millions d’euros, la trésorerie des entreprises ? Ce dispositif doit-il être complété ? Le délai de paiement des particuliers a-t-il tendance à s’allonger ? Comment régler les difficultés que connaissent les TPE pour obtenir des concours de quelques milliers d’euros ? Quelles mesures préconisez-vous pour encadrer les frais bancaires ?

M. Jean-Claude Mathis. Commentant récemment les conclusions d'un rapport sur le financement des entreprises et de l'économie française, M. Gérard Mestrallet, président de Paris Europlace, a appelé à une action urgente. Cela vaut particulièrement pour les PME, dont les besoins en fonds propres ne feront que croître, pour atteindre un montant estimé à 20 milliards d’euros en 2020. Les auteurs de cette étude préconisent de favoriser l’orientation de l’épargne vers le financement à long terme des entreprises, de créer une instance de coordination des dispositifs de financement et de préserver les atouts reconnus du modèle français de banque universelle. Qu’en pensez-vous ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Un effort reste à faire pour expliquer la procédure de Médiation du crédit, très efficace mais que de nombreuses TPE, parce qu’elles la méconnaissent, pensent compliquée. Les besoins de fonds de roulement et de trésorerie des TPE sont souvent irréguliers ; par ailleurs, les délais de paiement, y compris par l’État et les collectivités territoriales, s’allongent considérablement. Or, les banques se refusant à prendre ces à-coups en considération, ces entreprises peuvent très vite basculer dans le découvert non autorisé. Or, aucune des trois structures fusionnées pour créer la BPI ne semble à même de répondre aux besoins spécifiques des TPE que sont les micro-crédits ou les avances de trésorerie. Enfin, le préfinancement du CICE est-il effectivement entré en vigueur ?

M. Alain Marc. Certaines entreprises meurent en raison des délais de paiement qui leur sont imposés. Les retards de paiement sont incompréhensibles quand ils sont imputables à l’État ou aux collectivités locales – mais, pour ce qui les concerne, cela peut tenir à ce qu’elles sont elles-mêmes suspendues à la réception des fonds qu’elles attendent de l’État, du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) ou de l’Union européenne. Il est pour le moins paradoxal que l’État ne se montre pas plus vertueux quand il est lui-même donneur d’ordres ou quand il doit accompagner les collectivités territoriales. Que pouvons-nous faire, collectivement, pour rendre sa parole plus crédible ?

M. Dominique Potier. La sortie de crise suppose une dynamique de filières territorialisées. Actuellement, les entreprises qui cherchent un financement doivent s’adresser à une multitude de guichets privés, publics, locaux et nationaux. Pour permettre aux TPE de faire face, par exemple, au décalage entre la demande et l’arrivée des fonds européens, qui excède parfois deux ans, ne peut-on imaginer un dispositif permettant, à l’échelle territoriale et sur une base pluriannuelle, d’additionner toutes les lignes de trésorerie – qu’elles soient d’origine « amoureuse », solidaire ou participative – et les garanties que pourraient apporter les collectivités locales, et de constituer ainsi un financement multi-fonds apte à préparer l’avenir ?

M. Jean-Claude Bouchet. Il nous sera utile d’entendre ultérieurement des représentants d’entreprises. Comment activer la Médiation du crédit en amont, sans attendre, comme souvent, qu’il y soit fait recours dans l’urgence, parfois trop tard ? L’expérience montre que le dialogue avec les réseaux bancaires sur le plan national n’a pas de traduction sur le terrain. Comment faire admettre aux banques que leur effectif doit compter non seulement des financiers mais aussi des spécialistes des secteurs économiques, conscients de l’aspect saisonnier de certaines activités ? Enfin, les dispositions de la LME relatives aux délais de paiement ne sont pas respectées, nous dit-on. Mais cela fait vingt ans que les paiements se font avec retard, vingt ans que le rapport de forces qui s’est instauré entre petites et grandes entreprises fait que les PME-TPE victimes de ces retards n’osent s’en plaindre, par peur de perdre leurs clients pourtant fautifs ou de se voir imposer une renégociation défavorable du contrat – vingt ans, donc, que la loi est inappliquée ou détournée.

Mme Audrey Linkenheld. La formation de ceux qui, au guichet des banques, sont au contact des entrepreneurs, est-elle adéquate ? Évoquez-vous le sujet avec vos interlocuteurs, madame Prost ? Peut-on d’autre part faciliter par des mesures spécifiques l’accès au crédit pour les entreprises de l’économie sociale et solidaire qui, parce qu’elles sont peu lucratives, trouvent difficilement les fonds dont elles ont besoin ?

M. le président François Brottes. La question se pose aussi de savoir si les banques en ligne jouent leur rôle dans le financement des entreprises.

M. Philippe Le Ray. Tout financement d’investissement ou de trésorerie tient en premier lieu à la relation qui s’est instaurée entre une banque et un client particulier : le banquier réagit en fonction du risque, mais aussi de l’histoire de cette relation. La proportion de refus de crédit est assez faible, et si le refus est net, la Médiation du crédit peut intervenir. Mais elle devrait pouvoir intervenir aussi dans cet entre-deux par lequel la banque conditionne l’octroi du crédit à des garanties insupportables, un taux de prêt élevé ou des conditions de domiciliation trop lourdes.

Mme Annick Le Loch. Effectivement, le délai de réponse des banques aux demandes de financement à court terme s’allonge, ce qui place les entrepreneurs dans une instabilité critique et angoissante. Dispose-t-on de statistiques sur les temps de réponse ? Doit-on penser que la chaîne de décision, dans les groupes bancaires, s’est compliquée ?

M. le président François Brottes. Peut-être faudrait-il encadrer le temps de réponse aux demandes de crédit.

Mme Jacqueline Maquet. Je puis confirmer, d’expérience, que de nombreux chefs de petites entreprises ignorent les mécanismes de financement dont ils pourraient user. Comment faites-vous connaître les dispositifs existants, singulièrement ceux qui ont été mis au point depuis un an ? Pouvons-nous vous y aider ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Un entrepreneur ayant bénéficié d’aides publiques et qui se trouve ensuite en mesure de se servir des dividendes ne devrait-il pas être invité à reverser ces fonds ? Dans un autre domaine, les États européens gagneraient à être moins naïfs et à modifier leur optique en matière de régulation. De Bâle II à Bâle III, les règles prudentielles imposées aux établissements bancaires sont de plus en plus strictes, si bien que leur marge de manœuvre ne cesse de s’amenuiser. Par ailleurs, en cas de dépôt de bilan, l’État et les autres créanciers privilégiés passent en premier, les banques ensuite ; il faudrait revoir cela. On observe aussi que les délais de paiement varient selon les créanciers ; ainsi, les entreprises de transport sont réglées sensiblement plus vite que ne le sont les producteurs par les distributeurs. Enfin, la réglementation peut aussi être facteur de coût préjudiciable ; il en est ainsi, par exemple, de l’absence de lissage des seuils dans le temps.

M. Frédéric Roig. Nous nous accordons sur les problèmes que rencontrent les entreprises : nécessaire renforcement de la réactivité et de la lisibilité des dispositifs, et simplification de l’ensemble. Je souhaite mettre l’accent sur les partenariats de financement privés-publics, illustrés par Initiative France, réseau associatif de financement des créateurs d'entreprise, et par les plateformes d’initiatives locales qui permettent l’octroi de très petits crédits, compris entre 5 000 et 10 000 euros. A-t-on une vision globale des micro-crédits ainsi alloués ? Comment renforcer ces dispositifs qui permettent un effet de levier de un à dix et qui sont particulièrement nécessaires aux entreprises de l’économie sociale et solidaire ?

Mme Laure de La Raudière. Je suis heureuse d’entendre louer la Médiation du crédit, créée dès novembre 2008, avec une réactivité remarquable, par le président Sarkozy.

M. le président François Brottes. Nous l’avions déjà louée lors de sa création !

Mme Laure de La Raudière. La Médiation du crédit a-t-elle des moyens d’intervention à l’égard de la Coface et des assureurs crédit ? Dans un autre domaine, ne faut-il pas réactiver les dispositions prises dans le cadre du plan de relance pour éviter les faillites en cascade en cas de défaut de paiement d’une entreprise en liquidation judiciaire ? Enfin, ne pourrait-on donner aux directions départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes la faculté de sanctionner par des amendes les entreprises qui ne respectent pas les délais de paiement légaux ?

M. le président François Brottes. Je crois savoir que M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, travaille sur cette piste. 

M. Alain Fauré. Certains modes de paiement demeurent sous-utilisés – ainsi des prélèvements automatiques que les entreprises peuvent obtenir avec l’agrément de la Banque de France – ils me semblent préférables à des paiements en espèces qui pourraient poser problème. Je suis également surpris que l’on n’utilise plus la cession en Dailly ; je sais que les banques ont longtemps assorti ce dispositif de taux d’intérêt usuraires, mais il pourrait en aller autrement avec un minimum de surveillance. Par ailleurs, en 2008, l’assureur-crédit SFAC, en exigeant soudainement de toutes les entreprises qu’il garantissait qu’elles payent « au cul du camion » en a massacré un grand nombre ; ces pratiques sont-elles surveillées ? Enfin, parce que les banques ne leur rappellent pas l’existence de cette solution, peu d’entrepreneurs recourent au nantissement que pourrait apporter la Région, ce qui leur éviterait pourtant de devoir hypothéquer leurs biens.

M. le président François Brottes. La cession de créances professionnelles prévue dans la loi Dailly demeure possible. Je rappelle qu’elle permet à une entreprise de bénéficier d’un crédit en contrepartie de la cession de factures à la banque, l’avance étant consentie moyennant le paiement d'intérêts.

La liste des orateurs étant close, la parole est à nos invités pour leur répondre.

 Mme Jeanne-Marie Prost. Je ne m’appesantirai ni sur les crédits interentreprises ni sur les délais de paiement entre entreprises, puisque la Médiation interentreprises cible les difficultés particulières dans les relations entre les grands donneurs d’ordres et les sous-traitants ; vous avez d’ailleurs entendu M. Pierre Pelouzet, le médiateur interentreprises, à ce propos.

Il est exact que les petites entreprises du bâtiment font face à des difficultés dues à ce que leurs clients, le plus souvent des particuliers, ne les paient pas en temps et en heure. La résolution de ce problème semble ardue.

Le Gouvernement est conscient des difficultés induites par les paiements tardifs. De gros efforts ont été engagés pour que l’État paye à date. Pour ce qui est des collectivités locales, la directive européenne relative à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique a été transposée en droit interne en janvier dernier. Le décret du 29 mars, qui entrera en vigueur le 1er mai prochain, rappelle que les établissements publics sont tenus de payer sous trente jours – établissements hospitaliers exceptés, pour lesquels le délai est porté, par dérogation, à cinquante jours – sous peine du versement d’une indemnité forfaitaire de 40 euros par facture et d’intérêts moratoires. Outre cela, la Médiation du crédit et la Médiation interentreprises ont été complétées par la création, concrétisée par la nomination de M. Jean-Lou Blachier, de la Médiation pour les marchés publics, qui tend à faciliter les relations entre les donneurs d’ordres publics et les PME.

Les assureurs crédit, dont l’appui est essentiel pour les entreprises, entrent dans le champ d’intervention de la Médiation du crédit, et nous traitons des dossiers avec eux.

Les tensions de trésorerie ont été souvent évoquées, et la progression des crédits de trésorerie pour les PME-TPE est extrêmement faible. Or, si les grandes entreprises se financent très largement par l’accès au marché, ce n’est pas le cas des petites entreprises, qui ont besoin de crédits bancaires. Nos réseaux bancaires ont, dans l’ensemble, fait leurs preuves, et si on les compare à leurs homologues en Italie, en Espagne, en Angleterre, aux Pays-Bas et même en Allemagne, ils n’ont pas mal résisté à la crise. Quels que soient les dispositifs publics mis en œuvre, il est vital que les banques commerciales continuent de financer notre appareil productif et notamment les PME et les TPE.

Mais le contexte est préoccupant – c’est pourquoi je tiens à ce qu’un dialogue constant se maintienne. Si l’activité ralentit, si les carnets de commandes se dégarnissent, la situation se complique et nous devons observer la situation de très près pour éviter que, de manière plus masquée qu’en 2009, les entreprises en situation incertaine ne se trouvent incapables de se financer. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé, dès janvier, d’activer le fonds de garantie d’OSEO-BPI spécifiquement destiné au renforcement de la trésorerie des PME. De l’enveloppe disponible de 500 millions d’euros, je crois me souvenir que quelque 150 millions ont déjà été utilisés. Les banques connaissent l’existence du dispositif, que nous évoquons lors de nos réunions conjointes.

C’est un fait : l’accès à l’information est plus difficile pour les petites entreprises que pour les grandes. Mais nous nous attachons à faire connaître le dispositif de préfinancement du CICE. Je me suis rendue dans trois départements depuis fin mars ; à chaque fois, j’ai constaté que le préfet avait organisé une réunion à ce sujet. À Beauvais, nous avons de même organisé une réunion sur le financement de la trésorerie, à laquelle 200 personnes étaient conviées. Le préfinancement du CICE, qui se traduit par une injection de trésorerie, représente un ballon d’oxygène pour certaines entreprises. Même si toutes n’en ont pas besoin, notre rôle est de faire connaître le fonctionnement de ce mécanisme. C’est ce que je fais, conformément aux consignes du ministre des finances. Les réseaux bancaires se mobilisent : deux d’entre eux ont indiqué qu’un artisan faisant état de 5 000 euros de préfinancement du CICE se verrait accorder un découvert.

Les banques, conscientes des risques que présente la situation actuelle, sont soucieuses de bien en suivre l’évolution, et cherchent des solutions aux besoins de trésorerie des entreprises. L’affacturage s’est généralisé, on recourt toujours aux cessions Dailly, et OSEO a une ligne spécifique de mobilisation de créances publiques, dite « Avance Plus », qui est très utilisée. Une panoplie d’outils existe donc ; il faut aider les entreprises à les utiliser. La Médiation a pour rôle d’assister les entreprises qui éprouveraient des difficultés à se voir accorder ces financements par leur banque.

Pour améliorer la visibilité de la médiation du crédit, j’utilise de nombreux canaux : la presse quotidienne régionale, les chambres de commerce et d’industrie, les chambres de métiers, les fédérations professionnelles… Nous lançons également une campagne d’affichage dans les 900 points de contact de la direction des finances publiques.

M. le président François Brottes. Jugez-vous, monsieur Pouzin, qu’il convienne de retoucher les dispositions légales relatives aux délais de paiement ?

M. Hugues Pouzin. La Médiation du crédit est connue des entreprises depuis l’effondrement brutal des chiffres d’affaires intervenu en 2008-2009. Aujourd’hui, la crise est cotonneuse : le ralentissement économique est subreptice. Parce que les entreprises de notre secteur ont une très bonne vision du poste client, nous nous sommes rapprochés de la Médiation du crédit dès 2009 pour travailler ensemble à l’octroi de lignes de trésorerie de 5 000 à 10 000 euros. Le dispositif fonctionne bien, qu’il s’agisse des banques ou des assureurs crédit.

Pour notre part, nous avons conseillé aux entreprises d’entretenir un dialogue régulier avec leurs assureurs crédit et leurs banquiers, avant qu’un incident se produise. Discuter permet par exemple de faire comprendre que la hausse brutale du cuivre peut entraîner une hausse significative du chiffre d’affaires sans que la marge progresse pour autant, et que d’autres phénomènes produisent l’effet inverse. Il faut prendre le temps d’expliquer ces choses.

M. le président François Brottes. Ce qui n’est pas facile si les interlocuteurs changent sans cesse.

M. Hugues Pouzin. C’est vrai, mais quoi qu’il en soit, ce lien doit être permanent. Nous avions critiqué la sous-capitalisation des assureurs crédit. Depuis la crise, nous organisons des réunions régulières avec eux ; les relations y ont gagné en sérénité, ce qui facilite le bouclage des dossiers quand besoin est.

Les données rassemblées par l’Observatoire des délais de paiement montrent que si un problème se pose, c’est la plupart du temps parce que les clauses du contrat n’ont pas été clairement écrites. Il faut en revenir à la base des relations entre l’acheteur et le vendeur et notamment préciser la date de paiement de la marchandise.

Les organisations professionnelles doivent enfin mener à bien un travail de filière, en promouvant l’élaboration de chartes de bonnes pratiques précisant les modalités d’établissement des factures et les dates de paiement, en insistant sur la dématérialisation des règlements. On économiserait beaucoup d’énergie en rendant obligatoires les règlements par virement.

M. le président François Brottes. La plupart du temps, les chartes de bonnes pratiques sont poésie pure…

M. Hugues Pouzin. Pas seulement, puisqu’elles obligent à réfléchir aux conditions générales de vente, à s’engager sur les dates et le mode de paiement. Les patrons des petites et moyennes entreprises, toujours au four et au moulin, n’ont pas le temps de réfléchir à ces questions. Les organisations professionnelles les y aident.

Il faut aussi convaincre les entreprises de facturer les intérêts de retard : le client doit comprendre que le retard de paiement a un coût, et que ce coût pèse sur la marge et à terme sur la pérennité de l’entreprise. Nous préconisons par ailleurs les paiements anticipés pour les secteurs fragiles, tel celui de l’approvisionnement du bâtiment : alors même qu’ils ont passé des commandes dont le paiement doit être honoré, les artisans n’osent pas demander d’avances à leurs clients. Un effort de communication s’impose à ce sujet.

Enfin, une des mesures de simplification pour les PME annoncées par le Premier ministre nous gêne : la non-publication des comptes des entreprises de moins de 50 salariés. Comment, s’il en va ainsi, nous assurerons-nous de la solvabilité des clients, sinon en nous tournant vers des sociétés de collecte de données, ce qui renchérira les coûts ?

M. François Moutot, directeur général de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA). Le préfinancement du CICE est effectif, mais il est singulier de lire, sur le site d’OSEO, en chapeau du formulaire de demande de préfinancement, la mention « Le préfinancement du CICE est un crédit qui comporte des frais de dossiers et des intérêts d'emprunt », écrite en rouge et sans que le taux d’emprunt soit précisé. Nombre d’entrepreneurs en concluent qu’ils ne veulent pas payer de frais de dossier, que le taux risque d’être plus élevé que celui qu’ils peuvent obtenir par ailleurs et que, pour une petite somme, il est plus simple pour eux de demander un crédit de trésorerie à leur banque que de recourir à ce dispositif.

M. le président François Brottes. Ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose.

M. François Moutot. À condition que l’objectif recherché – être efficace et peu cher – soit respecté. Or, si des accords de principe ont été passés entre les chambres de métiers et certains réseaux bancaires, ils ne se traduisent pas dans les faits. La formation des guichetiers a été évoquée à juste titre : le problème tient à ce que les petites entreprises sont considérées et traitées comme les particuliers, ce qui n’a pas lieu d’être, les chefs d’entreprise ayant évidemment besoin de crédits d’une autre nature.

M. Jean-Charles Taugourdeau. On devrait inciter les entrepreneurs à prendre contact avec les présidences de communautés de communes et à créer des clubs d’entreprises à ce niveau.

M. François Moutot. Il convient en effet d’accompagner davantage les entreprises dans leurs relations avec les banques. Nous essayons d’installer des conseillers en relations bancaires dans les chambres de métiers pour appeler l’attention sur le besoin de contractualisation.

Nous espérions que la loi de séparation et de régulation des activités bancaires prendrait ce besoin en compte ; malheureusement, les amendements que nous avions suggérés n’ont pas été retenus. Nous souhaitions aussi plus de clarté quant aux divers prélèvements et commissions qui, comme cela a été souligné, ne sont pas intégrés dans le TEG mais qui constituent un frein puissant au financement des entreprises.

On peut recourir à la mutualisation des garanties mais dans presque tous les cas, elle s’applique aux prêts et non aux crédits de trésorerie. Des outils existent, telle l’avance remboursable, et il est indispensable de créer dans toutes les régions des guichets simples d’accès, et pour des montants très faibles. Le taux de retour de l’avance remboursable est excellent, et les sinistres sont très peu nombreux si les dossiers sont bien gérés.

M. le président François Brottes. Soit. Mais si les banques faisaient leur travail, il serait inutile de recourir à ce mécanisme.

M. François Moutot. Ce n’est pas si sûr, car une avance remboursable de faible montant à un effet de levier remarquable auprès des banques.

M. le président François Brottes. Le même phénomène risque de se produire avec la BPI : on peut craindre que si elle n’intervient pas, personne n’intervienne. Autrement dit, les partenaires financiers privés attendent la décision de la sphère publique, ce qui est assez curieux de la part de libéraux pur sucre.

M. François Moutot. La consolidation des crédits de trésorerie fait partie des outils utiles mais malheureusement, une fois encore, mal connu, et d’accès peu commode.

Il a été fait mention tout à l’heure de l’effet domino. Il est en effet aggravé par le privilège du Trésor, qui a pour conséquence que lorsqu’une entreprise est en difficulté, l’État est payé mais pas les fournisseurs. Mieux vaudrait pourtant penser à eux, qui se trouvent de ce fait également en difficulté.

M. le président François Brottes. On se voit mal dire, en cette période difficile pour les finances publiques, qu’il conviendrait de réduire les recettes de l’État, mais il est vrai que le non-paiement des fournisseurs peut entraîner des dépôts de bilan en cascade.

Mme Jeanne-Marie Prost. Permettez-moi de rappeler que depuis 2009, les commissions départementales des chefs des services financiers (CCSF), présidées par les trésoriers payeurs généraux, ont élaboré quantité de plans d’apurement des dettes fiscales et sociales des entreprises, qui se sont traduits par de très nombreux moratoires. Cette procédure concerne toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Les TPE y ont moins recours que d’autres, mais elles le peuvent.

Pour dissiper tout malentendu éventuel, je tiens à souligner mon plein accord avec le président Brottes : les banques doivent financer les PME, et notre rôle est de faire qu’elles le fassent le mieux possible, sur l’ensemble du territoire.

M. François Moutot. Nous attendons beaucoup du pacte pour l’artisanat, mais ses dispositions ne sont pas encore véritablement entrées en vigueur. Il est particulièrement important de réformer le régime fiscal de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) pour sécuriser le patrimoine financier de l’artisan. Les banques se sont engagées, en cas d’EIRL, à ne pas prendre de garantie individuelle et à assurer la trésorerie ; c’est un des moyens de répondre aux besoins de cash-flow.

M. le président François Brottes. Peu de choses ont été dites sur le financement des fonds propres et de l’investissement. Contrairement à leurs homologues étrangères, très peu de PME françaises se financent sur le marché boursier. Pourquoi cela ?

M. Bernard Cohen-Hadad. En France, les contraintes et les règles prudentielles qui pèsent sur les TPE sont les mêmes que celles qui valent pour les groupes du CAC 40. Il est pourtant peu vraisemblable que l’artisan boulanger dispose des mêmes moyens que GDF-Suez ou qu’une entreprise de taille intermédiaire, et je ne suis pas convaincu que le risque PME ait été à l’origine de la crise des subprimes. Les problèmes quotidiens de financement qui se posent aux TPE concernent des besoins de trésorerie qui s’étagent de 2 000 à 5 000 euros, pour prendre un crédit bail, acheter une photocopieuse, installer une enseigne, verser une prime aux salariés, suivre une formation… J’espère que la loi Chatel évoluera ou que la future loi sur la consommation remédiera à ces difficultés.

En avril 2012 déjà, nous avons appelé l’attention des candidats à la présidence de la République sur la nécessité pour la BPI de se positionner sur tous les secteurs du financement des entreprises, en haut et en bas de bilan, et de veiller à faire de la Banque le partenaire des établissements financiers privés. La BPI ne remplacera pas les banques en régions – prenons garde à ne pas décevoir les chefs d’entreprise.

Le rapport Berger-Lefebvre sur l’épargne financière des ménages n’ayant pas encore donné lieu à débat, il est un peu tôt pour en parler. On rappellera seulement que ses auteurs évaluent le montant de cette épargne à 3 600 milliards d’euros, dont 1 400 milliards en assurance-vie et 330 milliards en épargne réglementée. Ayant siégé trois ans à l’Observatoire de l’épargne réglementée, j’ai demandé plus de transparence sur les fonds affectés aux PME ; il suffit pour cela d’appliquer la loi Brunel.

Enfin, la solution aux problèmes qui nous occupent est plurielle : il faut créer un maillage de modes de financement des entreprises, sans opposer le secteur privé et le secteur de l’économie sociale et solidaire : tous créent des emplois. C’est pourquoi de nouvelles dispositions sont nécessaires, même si, étant donné l’ampleur de la dette publique, je comprends bien qu’il est illusoire d’imaginer des dispositifs de défiscalisation.

Ne croyez pas, enfin, que nous passions notre temps à médire des banquiers ! Au contraire, nous militons pour le dialogue entre banques et PME. Nous avons réussi à obtenir qu’au sein des agences bancaires, les mutations n’interviennent que tous les trois ans et non plus tous les deux ans. Il faut améliorer la connaissance mutuelle, la transparence et l’accompagnement des chefs d’entreprise – qui gagneraient par exemple à se faire assister par un expert-comptable quand ils vont traiter avec leur banquier. J’y insiste en conclusion : une entreprise, ce n’est pas seulement une liasse fiscale : c’est un entrepreneur, un projet et des salariés.

M. le président François Brottes. De même, une banque n’est pas seulement un guichet, et la fluidité des relations entre interlocuteurs ne peut qu’aider à la bonne compréhension réciproque.

Madame, messieurs, je vous remercie pour votre apport à nos travaux. Le texte relatif à la consommation est encore en chantier, et vous aurez compris que la Commission des affaires économiques est prête à entendre des propositions qui amélioreraient la situation.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 24 avril 2013 à 10 heures

Présents. - M. Frédéric Barbier, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Armand Jung, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Thierry Lazaro, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, Mme Annick Lepetit, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Yves Nicolin, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Clotilde Valter

Excusés. - Mme Brigitte Allain, M. Bruno Nestor Azerot, M. Joël Giraud, Mme Anne Grommerch, M. David Habib, M. Razzy Hammadi, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, M. Serge Letchimy, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-Philippe Nilor, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Marie Tetart, Mme Catherine Troallic, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin, M. Fabrice Verdier, M. Jean-Sébastien Vialatte

Assistaient également à la réunion. - M. Damien Abad, Mme Fanny Dombre Coste, M. Alain Fauré