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Commission des affaires économiques

Mercredi 22 mai 2013

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 79

Présidence de M. François Brottes Président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur le statut de l’auto-entrepreneur avec la participation de :

– MM. Pierre Deprost, inspecteur général des finances et Philippe Laffon, inspecteur général des affaires sociales, co-auteurs du rapport commandé par le Gouvernement sur le statut de l’auto-entrepreneur ;

– M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) ;

– M. Alain Schmitt, chef de service- service de la compétitivité et du développement des PME à la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) ;

– M. Patrick Liebus, président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) ;

– M. François Hurel, président de l’Union des auto-entrepreneurs ;

– M. Jean-Pierre Crouzet, Président de l’Union professionnelle artisanale (UPA).

Information relative à la commission

La commission a organisé une table ronde sur le statut de l’auto-entrepreneur avec la participation de MM. Pierre Deprost, inspecteur général des finances et Philippe Laffon, inspecteur général des affaires sociales, co-auteurs du rapport commandé par le Gouvernement sur le statut de l’auto-entrepreneur, M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA), M. Alain Schmitt, chef de service- service de la compétitivité et du développement des PME à la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS), M. Patrick Liebus, président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), M. François Hurel, président de l’Union des auto-entrepreneurs, M. Jean-Pierre Crouzet, Président de l’Union professionnelle artisanale (UPA).

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour une table ronde sur un sujet qui nous intéresse tous, à savoir le statut d’auto-entrepreneur. Monsieur Tardy, vous souhaitez faire un rappel au règlement ?

M. Lionel Tardy. Oui, merci Monsieur le Président. Alors qu’il y a près de 900 000 auto-entrepreneurs en France, que le rapport sur le sujet est sorti le 8 avril dernier et qu’une première audition a eu lieu le 24 avril au Sénat, je m’étonne du peu de présence sur le dossier de Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, que la Commission des affaires économiques n’a auditionnée que deux heures en un an. La ministre a, en outre, dès le 10 avril, publié un communiqué de presse indiquant qu’elle souhaitait limiter dans le temps le régime d’auto-entrepreneur, ce que le rapport ne préconise pourtant pas.

Monsieur le président, il serait bon que la Commission des affaires économiques puisse rapidement auditionner Mme la ministre non seulement sur ce dossier, mais également sur ceux du commerce ou du tourisme, qui sont très importants en période de crise économique.

Nous nous demandons si, au fond, un ministre pilote vraiment le dossier des auto-entrepreneurs : je rappelle en effet que ce ne sont pas moins de six ministres qui ont été à l’origine du rapport.

M. le président François Brottes. Monsieur Tardy, les services de l’État sont représentés ce matin par M. Alain Schmitt, chef du service de la compétitivité et du développement des PME à la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS). Je tiens également à préciser que cette table ronde est une simple réunion de travail dont l’objet est de nous permettre d’entendre différents points de vue sur le régime des auto-entrepreneurs, afin que la Commission des affaires économiques puisse utilement contribuer à la réflexion sur ce dossier. Il est prévu que, dans un second temps, Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, vienne nous présenter la position du Gouvernement ; son audition devrait avoir lieu avant la suspension estivale des travaux parlementaires.

Nous avons le plaisir d’accueillir également ce matin, pour cette table ronde ouverte à la presse, MM. Pierre Deprost, inspecteur général des finances, et Philippe Laffon, inspecteur général des affaires sociales, co-auteurs du rapport commandé par le Gouvernement sur le statut de l’auto-entrepreneur, ainsi que M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA), M. Patrick Liebus, président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) et M. Jean-Pierre Crouzet, président de l’Union professionnelle artisanale (UPA).

Ce sujet est loin d’être marginal, la question de l’auto-entreprise ayant fait l’objet, au cours des campagnes pour les élections présidentielle et législatives de 2012, de polémiques relatives notamment aux secteurs du bâtiment, de la restauration et du paysage.

La France compte aujourd’hui 895 000 auto-entrepreneurs, dont seulement 49 % dégagent un chiffre d’affaires. Ils se répartissent ainsi : 25 % sont des salariés, 20 % des retraités, plus de la moitié sont demandeurs d’emplois, les autres étant essentiellement des étudiants. Par ailleurs, 22 % des auto-entreprises deviennent des entreprises à part entière au bout d’un an d’existence, le plus souvent parce que leurs fondateurs sont convaincus de la viabilité de leur projet.

Je rappelle que ce régime vise à simplifier le lancement, l’interruption et la cessation d’une activité à but lucratif, ainsi que le paiement des charges et des cotisations sociales.

C’est donc un système largement dérogatoire : c’est d’ailleurs un des éléments qui posent problème selon certains. En effet, outre le risque de concurrence déloyale, il convient de mentionner celui du détournement du modèle salarial, voire d’externalisation – nous connaissons tous des entreprises ayant conseillé à leurs salariés de devenir auto-entrepreneurs. De plus, de manière trop fréquente, les auto-entrepreneurs n’ont pas de vrai projet en termes de création d’entreprise. Ils sont enfin souvent dans l’incapacité de garantir à leurs clients la bonne fin de l’exécution des travaux.

Je laisse donc tout de suite la parole aux auteurs du rapport qui motive notre réunion d’aujourd’hui avant que la discussion ne s’engage.

M. Philippe Laffon, inspecteur général des affaires sociales, co-auteur du rapport commandé par le Gouvernement sur le statut de l’auto-entrepreneur. Je vous remercie Monsieur le Président. Mesdames et Messieurs les députés, le rapport, qui a été commandé par six ministres, vise à dresser un état des lieux objectif d’un dispositif appliqué à compter du 1er janvier 2009 et d’objectiver les critiques dont il a fait l’objet dès sa naissance, en vue d’évaluer l’ampleur des risques qu’il présente.

C’est un dispositif simplifié tant en matière d’obligation comptable qu’en matière de déclaration, pour l’exercice d’activités artisanales, commerciales et libérales. Il a connu un succès quantitatif important – on compte à l’heure actuelle, vous l’avez indiqué Monsieur le Préisdent, près de 900 000 auto-entrepreneurs dont la moitié seulement réalise un chiffre d’affaires.

Il est également hétérogène que ce soit en termes d’activités ou d’origine des auto-entrepreneurs. Pour ceux qui sont dans une dynamique de création d’entreprise, ce régime constitue un sas d’entrée dans un statut plus pérenne. D’autres personnes – des demandeurs d’emplois – souhaitent recourir à ce statut pour créer leur propre emploi. D’autres, enfin, – des salariés, des retraités ou des étudiants – y voient seulement la possibilité d’exercer une activité accessoire afin d’améliorer leur revenu.

Le dispositif fait l’objet de trois critiques principales.

La première est le risque de distorsion de concurrence par rapport aux autres travailleurs indépendants – artisans, commerçants, professions libérales. Il est difficile d’effectuer des comparaisons en termes de pression fiscale et sociale. En effet, les cotisations des auto-entrepreneurs sont prélevées sur le chiffre d’affaires, sans possibilité de déduire les charges, contrairement au régime réel ou au régime fiscal simplifié. Le dispositif a été, de plus, modifié dans le cadre de la dernière loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 qui a relevé les taux de prélèvement applicables aux trois grandes catégories d’activités – commerce, artisanat et professions libérales.

Pour les auto-entrepreneurs qui sont au seuil de leur chiffre d’affaires, le taux de prélèvement social est comparable à celui de l’artisan, du commerçant ou d’une profession libérale soumise au régime réel ou au régime de la micro-entreprise. En revanche, des distorsions importantes demeurent en termes de prélèvements fiscaux : outre que les auto-entrepreneurs bénéficient de la franchise de TVA, la question de l’exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) n’est pas encore réglée.

Le régime de l’auto-entrepreneur devient vite inadapté si le montant des charges devient important.

Mais il ne suffit pas de comparer les pressions fiscales et sociales selon les régimes ; il faut aussi se pencher sur les secteurs où l’auto-entreprenariat représente une forte concurrence. Le rapport s’est plus particulièrement intéressé à ceux du bâtiment et de la coiffure. En termes d’activité économique globale, la part des auto-entrepreneurs est résiduelle – 1 % du chiffre d’affaires du secteur du bâtiment. Il est en revanche difficile de mesurer l’impact des auto-entrepreneurs sur la dynamique des effectifs salariés dans les secteurs concernés, car celle-ci dépend de la conjoncture. La création d’un nombre donné d’auto-entrepreneurs dans un secteur ne permet pas de conclure à une baisse équivalente du nombre de salariés de ce secteur. Il est évident qu’avant même la création du régime des auto-entrepreneurs, le nombre de salariés baissait dans le secteur de la coiffure. Dès l’année 2000, de nombreux petits artisans coiffeurs se sont mis sous le régime de la mono-entreprise. De même, dans le secteur du bâtiment, l’auto-entreprenariat est apparu au moment où la conjoncture devenait défavorable.

Le deuxième risque, vous l’avez évoqué Monsieur le Président, est celui du détournement du modèle salarial : de leur propre initiative ou à la demande de l’employeur, des salariés pourraient en effet être contraints d’adopter le statut d’auto-entrepreneur. Ce risque concerne les phases de début d’activité – le régime d’auto-entrepreneur peut être un substitut à la signature de stages ou de CDD – ou les phases de fin d’activité : des seniors se voient proposer des conventions de rupture à l’amiable de leur contrat de travail en échange de la récupération d’une petite activité sous le régime de l’auto-entrepreneur.

Le risque est réel, comme en témoignent de très nombreuses remontées, notamment sur les forums. Il est toutefois impossible d’établir des statistiques précises en se fondant sur les contrôles effectués par l’inspection du travail et les Urssaf ou sur les litiges traités par les prud’hommes. En effet, les auto-entrepreneurs ne constituent pas une catégorie statistique, faute de constituer une catégorie juridique (je rappelle qu’ils ne sont pas définis en tant que tels) ; ils bénéficient simplement d’un mécanisme particulier de déclaration et de paiement des cotisations. Ainsi, Pôle Emploi peut connaître le nombre de demandeurs d’emploi ayant une activité indépendante, mais pas celui des demandeurs d’emplois qui sont également auto-entrepreneurs. Il est donc impossible d’objectiver ce risque.

Le risque de fraude existe également du fait que le régime des auto-entrepreneurs est un régime déclaratif simplifié fondé sur l’assiette du chiffre d’affaires. Les risques sont même élevés, s’agissant notamment du recouvrement des cotisations de sécurité sociale. L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), qui est la caisse des Urssaf, et le Régime social des indépendants (RSI) ont commencé à lancer des plans de contrôle et ont développé des méthodologies pour évaluer les risques de fraude : la fréquence de redressement s’élève à un tiers pour une moyenne de 500 euros par redressement. C’est un montant très faible, en rapport aux chiffres d’affaires, pour des procédures compliquées, les organismes de recouvrement étant habitués à contrôler les déclarations de données sociales des entreprises et non des informations bancaires – celles des auto-entrepreneurs ou de leurs conjoints. De plus, ces redressements ont le plus souvent pour origine une méconnaissance, par les auto-entrepreneurs, de leurs obligations déclaratives. Il s’agit en effet d’un public précaire qui ne connaît pas les obligations liées à la création d’une entreprise.

Ce régime a également pour effet de réintégrer dans la sphère sociale et légale des activités informelles, mais on ignore dans quelle proportion – l’évaluation est difficile.

Enfin, le dispositif pèche, depuis l’origine, par un défaut d’accompagnement des auto-entrepreneurs à passer à une phase plus efficace de création d’entreprise.

M. Pierre Deprost, inspecteur général des finances, co-auteur du rapport commandé par le Gouvernement sur le statut de l’auto-entrepreneur. Si, globalement, l’information délivrée à destination des auto-entrepreneurs est de qualité, la difficulté réside dans la façon d’accéder aux auto-entrepreneurs eux-mêmes : en effet, la déclaration est très facile et aucun répertoire à destination des réseaux d’accompagnement n’est diffusé. Ces réseaux organisent des stages facultatifs, mais les auto-entrepreneurs ne sont pas forcément contactés.

Les dispositifs sont de plus très standardisés. L’information donnée est générale : elle ne précise pas à quelle catégorie ou situation d’entreprise le régime est destiné, alors que celui-ci devrait être recentré sur le cœur de cible des entreprises visées.

Les acteurs de l’accompagnement ne sont pas coordonnés entre eux et le financement de celui-ci est difficile à assurer, la solvabilité d’une entreprise d’auto-entrepreneur étant fragile.

La coordination des acteurs de l’accompagnement devrait être contractualisée afin que chaque acteur soit en phase avec les auto-entrepreneurs qu’il est en capacité de gérer. La création d’entreprise nécessite, dès le début, l’organisation tant de l’information que d’une formation. L’action de vulgarisation devrait être accompagnée d’un diagnostic permettant d’identifier les 50 000 auto-entreprises capables de se développer dans le cadre d’un parcours individualisé et de basculer dans le régime normal. Il faut savoir que les auto-entrepreneurs versent des cotisations dans le cadre de la formation, qui n’en bénéficie pas. Il conviendrait donc de réorienter ce financement vers des actions et des parcours individualisés.

M. le président François Brottes. Que pense le Gouvernement de ces constats et quelles suites compte-t-il y donner ?

M. Alain Schmitt, chef du service de la compétitivité et du développement des PME à la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS). Je ne me prononcerai évidemment pas sur les décisions que le Gouvernement pourrait prendre mais certains constats l’interrogent.

Entre 55 % et 60 % des auto-entrepreneurs ont une activité secondaire, et entre 40 % et 45 % une activité principale : c’est ce qui ressort des différentes études. Ces chiffres montrent que ce régime est utilisé à deux fins fondamentalement différentes : d’une part la création d’une activité principale, donc pérenne ; d’autre part, l’exercice d’une activité secondaire.

Par ailleurs, 50 % des auto-entrepreneurs ne réalisent aucun chiffre d’affaires et 90 % ont un revenu inférieur au SMIC après trois ans d’existence. De plus, le revenu moyen des auto-entrepreneurs représente un tiers du revenu des entrepreneurs individuels. La mission évalue également à 10 000 le nombre des radiations d’auto-entrepreneurs par franchissement des seuils, ce qui est très faible eu égard au nombre total d’auto-entrepreneurs. Le rôle des auto-entrepreneurs dans la création d’entreprises dynamiques n’est donc pas avéré. Or l’une des faiblesses de la France réside non pas dans le nombre d’entreprises créées – nous sommes à cet égard dans la moyenne européenne –, mais dans le fait que les entreprises françaises croissent moins vite et emploient moins de salariés que celles des pays européens équivalents après un même nombre d’années d’existence.

Les risques d’externalisation des salariés par fausse sous-traitance sont assurément difficiles à documenter mais réels : le sujet est important dans un contexte où la relation de travail se distend. L’externalisation se traduit en effet par l’accroissement, pour le salarié, à la fois de sa précarité et de sa responsabilité, et par une réduction de l’assiette d’imposition, dans un contexte d’insécurité juridique plus marqué pour le salarié et pour l’employeur.

Le problème de la sous-déclaration est mieux documenté : la fréquence est identique à celle des autres entreprises individuelles, mais le montant des redressements est plus important.

Le manque de statistiques est également une des grandes conclusions du rapport. Les raisons sont connues : caractère très succinct de la déclaration, difficultés de chaînage des bases de données entre l’Acoss, l’INSEE et le RSI. Aussi avons-nous des difficultés à appréhender la réalité du parcours des auto-entrepreneurs : la seule solution est de recourir à des enquêtes ponctuelles, qui sont lourdes à réaliser – l’INSEE en a effectué une en 2010.

Enfin, les dispositifs d’accompagnement à la création et au développement des entreprises ne touchent que difficilement les auto-entrepreneurs, notamment parce que la création s’effectue hors du cadre habituel des centres de formalités des entreprises. Or le fait de disposer d’un accompagnement augmente les chances de succès de l’entreprise. Les statistiques établissent qu’après cinq années, seulement 33 % des entreprises non accompagnées survivent, contre 50 % des entreprises accompagnées.

Le Gouvernement souhaite donc adapter le régime de l’auto-entrepreneur pour répondre à deux objectifs précis. Le premier est de faciliter la création d’entreprises en la rendant simple et accessible : le régime des auto-entrepreneurs doit devenir un « tremplin » à la création d’entreprises. Aussi ce régime doit-il être limité dans le temps tout en permettant, à terme, de créer une vraie entreprise sous forme classique.

Le second objectif est de prévoir un statut adapté à l’exercice d’une activité complémentaire, simple et sans limite de durée. En revanche, ce revenu d’appoint devra être plafonné.

Les modalités précises de ces orientations ne sont pas arbitrées à l’heure actuelle. Elles sont en cours de concertation : Mme la ministre reçoit à cet effet tous les acteurs concernés. Le Gouvernement partage les orientations du rapport concernant le renforcement du suivi statistique et donc des obligations déclaratives, l’ajustement du cadre fiscal, notamment en matière de CFE, et les contrôles.

M. le président François Brottes. J’ai insisté auprès du Gouvernement pour que ce dossier fasse l’objet de dispositions législatives avant la fin de l’année, ce qui devrait être possible. C’est pourquoi je souhaite que la Commission des affaires économiques puisse auditionner Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, avant l’été.

J’ai également vu qu’un grand nombre des personnes souhaitant devenir auto-entrepreneurs ne savaient ni lire ni écrire, et voyaient dans ce régime la possibilité d’accéder à un statut social. Ce constat ne fait que confirmer la nécessité de renforcer la formation et l’accompagnement.

Je passe maintenant la parole aux représentants des groupes.

Mme Marie-Hélène Fabre. L’organisation même de cette table ronde rappelle que le régime des auto-entrepreneurs fait polémique, en raison notamment de l’inéquité qu’il a introduite entre les auto-entrepreneurs et les artisans.

L’idée d’origine était de libérer l’initiative privée en simplifiant radicalement les démarches, afin de permettre à tous de se lancer plus simplement dans l’aventure entrepreneuriale. Mais ce statut a permis non seulement de s’affranchir des freins administratifs, mais également de lever la plupart des obstacles fiscaux qui se dressent habituellement devant les entrepreneurs. Ce régime d’exception, malgré les privilèges patents qu’il octroyait, n’a été limité ni dans son champ d’application, ni dans le temps. Les auto-entrepreneurs ont pu pratiquer des petits prix sur lesquels les artisans ne pouvaient s’aligner. Au nom d’une vision dévoyée de la libre entreprise, ce dispositif a fait prospérer la concurrence déloyale et le travail clandestin en toute légalité tout en ne participant que très faiblement à la création d’entreprises. Il a également favorisé la précarité : un grand nombre d’auto-entrepreneurs sont aujourd’hui des salariés déguisés, prestataires de services d’entreprises qui devraient être leurs employeurs. Les auto-entrepreneurs n’ont que peu de droits sociaux : ils ne paient pas ou presque pas de charges, mais n’ont pas d’assurance chômage et peinent à cotiser suffisamment pour valider leurs trimestres de retraites, si bien que la collectivité devra un jour les prendre en charge.

Enfin, le régime encourage la sous-déclaration du chiffre d’affaires – elle est supérieure en moyenne de 15 % à ce qu’elle est chez les travailleurs indépendants classiques.

Devant un tel bilan, c’est avec déception que le groupe socialiste, républicain et citoyen a accueilli le rapport de l’IGF et de l’IGAS qui, tout en pointant ces défaillances, ne propose pas de remèdes à la hauteur des enjeux. Il nous semble souhaitable de véritablement mettre fin aux distorsions de concurrence et de limiter le dispositif dans le temps, tout en en définissant étroitement le cadre.

Ce régime est également utilisé par de nombreux Français pour dégager un revenu complémentaire : il faudra définir avec rigueur le seuil à partir duquel on parle de revenu d’appoint. Le contrôle des qualifications, la lutte contre le travail dissimulé et l’exigence d’une attestation du dernier employeur, ainsi que l’inclusion de la CFE dans le panier de cotisations et de contributions, sont autant de dispositions qui nous semblent pertinentes pour réorienter le dispositif.

Il est de surcroît important de renforcer considérablement l’accompagnement, car il est illusoire de penser qu’on peut devenir facilement entrepreneur.

Nous appelons donc à une révision en profondeur du dispositif.

M. Damien Abad. À entendre notre collègue socialiste, je me dis que le parcours initiatique des socialistes vers le monde de l’entreprise est encore long et semé d’embûches ! Le régime des auto-entrepreneurs repose sur trois bons principes : la liberté d’entreprise, l’esprit d’initiative et, comme le montre le rapport de l’IGF et de l’IGAS, la simplicité. L’allégement des formalités administratives et des charges sociales devrait être non plus l’exception, mais la règle. Pour commencer, rapprochons le monde de l’artisanat du régime des auto-entrepreneurs plutôt que l’inverse. En outre, ce régime permet d’assurer une activité complémentaire aux étudiants, retraités et salariés.

On ne saurait aborder la question du régime des auto-entrepreneurs comme si la crise n’existait pas. Dans un tel contexte, il faut favoriser la création d’entreprise. Malheureusement, force est de constater que, sur le plan politique, le pilotage gouvernemental est confus. On ne sait plus qui est chargé de quoi, comme l’a rappelé en début de séance Lionel Tardy. Je regrette le manque d’implication de Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, sur un dossier majeur qui a d’autant plus besoin d’un pilotage économique et politique qu’il concerne directement 900 000 Français.

Il est vrai, enfin, que le cas spécifique du bâtiment pose question, s’agissant notamment de la garantie décennale ou des autres obligations dont les auto-entrepreneurs sont affranchis. La réponse n’est pas dans l’encadrement de la durée ; il faut faire des choix précis. Il faut décider soit d’exclure le secteur du bâtiment du régime des auto-entrepreneurs, soit d’appliquer aux auto-entrepreneurs dans ce secteur les mêmes obligations qu’aux autres professionnels. Mais ne vidons pas de sa substance un dispositif qui fonctionne en période de crise en prenant pour prétexte les problèmes inhérents au seul secteur du bâtiment.

M. le président François Brottes. Pour ce qui est du pilotage, je rappelle quand même que le régime des auto-entrepreneurs a fait l’objet d’un « Novelli 1 », d’un « Novelli 2 », d’un « Novelli 3 », puis d’un « Lefebvre 1 »…

Mme Jeanine Dubié. Depuis sa création, il y a plus de quatre ans, le régime de l’auto-entrepreneur a connu un franc succès lié à sa grande simplicité. Il est utilisé à deux fins différentes – cela a été rappelé – : exercer une activité principale, dans 50 % à 55 % des cas, ou secondaire, dans 40 % à 45 % des cas – des Français ayant des revenus modestes peuvent ainsi dégager un revenu d’appoint.

Ce régime a fait l’objet de nombreuses critiques dès sa création – risques de concurrence déloyale, de salariat déguisé en fausse sous-traitance, de fraude et de sous-déclaration. Toutefois, alors que les commerçants et artisans dénoncent l’impact négatif sur leurs activités de la concurrence déloyale des auto-entrepreneurs, le rapport de l’IGF et de l’IGAS conclut à l’absence d’impact probant sur le chiffre d’affaires des activités de construction et de commerce. Quelle est la raison d’une telle différence de perception ? Peut-on distinguer les effets du ralentissement économique des effets du régime des auto-entrepreneurs sur l’activité des travailleurs indépendants ?

Si, par souci d’équité avec les travailleurs indépendants, le PLFSS 2013 a augmenté les cotisations sociales des auto-entrepreneurs, des distorsions demeurent en matière de CFE. C’est pourquoi le rapport propose d’intégrer la CFE dans le panier des cotisations et contributions réglées forfaitairement. Cette proposition sera-t-elle retenue ?

La vocation du dispositif était de constituer un sas ou un tremplin vers les statuts classiques d’entreprises sans avoir vocation à constituer un bénéfice illimité : quelles mesures concrètes d’accompagnement le rapport juge-t-il nécessaire d’instaurer pour faire de ce régime un vrai outil de création d’entreprises dynamiques et viables ?

La limitation dans le temps du bénéfice du régime d’auto-entrepreneur pour l’activité principale, que proposent les organisations d’artisans et de commerçants, nous paraît être une solution juste et efficace.

Est-il possible de rendre obligatoire la souscription par les auto-entrepreneurs de l’assurance décennale dans le secteur du bâtiment et de mettre en place des contrôles a priori afin de vérifier les qualifications requises pour l’exercice de certaines activités ?

M. Franck Reynier. Il convient de rappeler le contexte économique et social du pays en termes de chômage et de récession. Un grand nombre de Français ont perdu confiance dans la politique conduite par le Gouvernement. J’espère que votre objectif n’est pas, une fois de plus, de détricoter ce que la précédente majorité a réalisé.

L’enjeu est de retrouver la croissance et de redonner confiance à ceux qui peuvent créer de l’emploi. Les contrats d’avenir ne pourront pas profiter aux entreprises puisqu’ils ne concernent que la sphère publique et le monde associatif.

Le régime des auto-entrepreneurs a permis de créer de nombreuses entreprises qui, autrement, n’auraient pas vu le jour. Il est perfectible, évidemment, notamment pour éviter la concurrence déloyale. Nous devons, par exemple, garantir aux consommateurs les mêmes qualifications pour une même qualité de travail avec, en cas de litige, les mêmes recours, que le travail ait été effectué par un artisan sous statut classique ou par un auto-entrepreneur.

Ce régime a permis des avancées en termes de simplification : n’est-ce pas le Président de la République lui-même qui souhaitait récemment provoquer en France un choc de simplification, en vue de favoriser la compétitivité et la croissance ? Plutôt que d’alourdir le dispositif des auto-entrepreneurs, il conviendrait d’assouplir le régime classique des entreprises. Si notre pays veut créer de l’emploi, il doit s’appuyer sur ceux qui prennent des risques et qui, par leur compétence et leur audace, créent de l’activité : peut-être serait-il judicieux de prendre pour modèle le régime des auto-entrepreneurs.

D’aucuns souhaitent une limitation dans le temps de ce régime, mais prenons garde, dans le contexte de crise économique qui est le nôtre, à ne pas casser un dispositif qui a permis de créer de l’activité. Adaptons-le, assurément, mais ne passons pas notre temps à détricoter les dispositifs qui fonctionnent ! N’oublions pas que le pays a besoin de retrouver de la confiance et de renouer avec l’activité économique.

Mme Brigitte Allain. Le régime des auto-entrepreneurs, qui est un système dérogatoire simplifié aux plans social et fiscal, peut favoriser le détournement du modèle salarial en une sous-traitance déguisée. Par ailleurs, si le chiffre d’affaires est limité, les auto-entrepreneurs ne bénéficient pas des soutiens à la création d’entreprise et leurs compétences ne peuvent pas être certifiées. Ils ne peuvent pas bénéficier non plus du RSA.

Pouvons-nous par ailleurs admettre que des personnes perçoivent aujourd’hui des retraites ou des salaires si bas qu’elles soient dans l’obligation de rechercher un revenu complémentaire ?

En cas d’activité principale, les auto-entrepreneurs peuvent exercer des activités non concurrentielles – artisanat d’art ou petits travaux n’intéressant pas les artisans ou les commerçants.

En outre, les auto-entrepreneurs, qui ne contribuent qu’a minima aux cotisations sociales, ont peu de droits sociaux et n’opèrent que de faibles versements pour leur retraite. Ce régime ne les conduit-il pas à une forme de clochardisation ? Ne pose-t-il pas également des problèmes de responsabilité juridique vis-à-vis des clients ? Qui est responsable en cas d’accident de machines ?

Il convient de faire de ce régime un statut évolutif d’installation progressive : tout en conservant le même niveau de simplification déclarative, il doit être assorti d’une obligation de formation à la création et à la gestion d’entreprise, de façon à préparer l’auto-entrepreneur à passer le cap de la création d’une vraie entreprise.

M. le président François Brottes. Si le statu quo n’est pas souhaitable, qui n’a pas conseillé un jour à un interlocuteur de recourir au statut d’auto-entrepreneur ? Il nous faut éviter toute caricature sur ce dossier qui concerne près d’un million de Français.

Monsieur le président Griset, quel est votre avis sur ces différents points sachant que l’APCMA est globalement hostile à la concurrence déloyale créée par l’auto-entrepreneuriat ?

M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA). Les artisans sont favorables à la création et au développement des entreprises. Entre 2000 et 2009, plus de 100 000 entreprises ont été créées en solde net. Nous sommes également favorables à la simplification administrative. Il faut toutefois que l’équité règne entre les différents types d’entreprises. Or le régime des auto-entrepreneurs a créé une forme de concurrence déloyale, que les rapporteurs, dont je salue la qualité du travail, appellent « distorsion de concurrence » : c’est la même chose. C’est pourquoi je m’étonne des conclusions qu’ils en ont tirées.

Les rapporteurs ont ainsi évoqué des distorsions de concurrence en termes de formalités, de fiscalité – CFE, cotisation minimale, droit d’inscription –, de qualification ou de salariat déguisé, établissant ainsi la liste des problèmes sur lesquels nous avions attiré l’attention du gouvernement précédent dès le 1er janvier 2009. Ils ont également pris soin d’indiquer que ce régime ne favorisait que peu la création d’entreprises.

Un tel régime, qui permet l’exercice d’activités accessoires, a cassé la dynamique de création d’entreprises dans le secteur de l’artisanat. Depuis de nombreuses années, les artisans réalisent de gros efforts pour développer le nombre de leurs salariés, ce qui n’est évidemment pas le cas des auto-entrepreneurs. Ils ont également beaucoup contribué à la formation en apprentissage, ce qui n’est pas non plus le cas des auto-entrepreneurs, et ont enfin réalisé des efforts en matière d’innovation ou d’exportation, effort auxquels n’ont pas contribué tous ceux qui ont substitué le régime de l’auto-entreprise à une création classique d’entreprise artisanale. Ce régime représente donc une véritable rupture dans le développement de notre secteur d’activités qui a, de ce fait, subi une double peine puisque, au cours de la même période, l’activité économique baissait.

En termes de prestations, ce régime a également provoqué de la confusion chez les consommateurs, qui considèrent l’artisan comme un professionnel qualifié offrant une garantie de bonne fin de travaux. Les nombreux cas de contestation prouvent que le consommateur en est la première victime, la question de l’assurance décennale étant un vrai sujet de préoccupation dans le secteur du bâtiment.

Je tiens du reste à rappeler que parler d’un « statut » de l’auto-entrepreneur est une vraie tromperie, dont ont été victimes les auto-entrepreneurs eux-mêmes : leur vrai statut est celui d’entrepreneur individuel en nom propre, avec toutes les conséquences que cela implique sur leurs biens personnels en cas de difficultés. Le prétendu statut d’auto-entrepreneur n’est qu’un régime fiscal et social dérogatoire. À plus ou moins long terme, un grand nombre d’auto-entrepreneurs se trouveront dans une situation économique compliquée. Le rapport révèle que seuls 12 % des artisans qui sont sous ce régime parviennent à valider une année pleine au titre de l’assurance-vieillesse. Au bout de trois ans d’activité, la plupart des auto-entrepreneurs n’ont pas validé neuf trimestres de retraite, ce qui, un jour ou l’autre, représentera une charge pour la collectivité tout entière.

Les difficultés du secteur du bâtiment ou de celui de la coiffure ont été citées, mais il ne faut pas oublier celles que connaissent les métiers de service. C’est pourquoi l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat demande l’exclusion de l’artisanat du régime des auto-entrepreneurs. Les rapporteurs ont préconisé l’exclusion des agriculteurs ou des professions libérales, et il n’y a aucune raison pour ne pas faire de même avec les artisans. Nous n’aurons alors plus rien contre le régime des auto-entrepreneurs !

M. Patrick Liebus, président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB). J’ai lu avec un grand intérêt le rapport d’évaluation du régime d’auto-entrepreneur, un rapport très fouillé dont les conclusions m’étonnent également.

Les secteurs que nous représentons sont réglementés parce que leurs activités touchent à la santé et à la sécurité des biens et des personnes : l’objet de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat vise en effet à éviter toutes dérives en la matière.

Si nous n’avons rien contre les auto-entrepreneurs eux-mêmes, nous nous sommes posés dès le premier jour des questions sur la création de leur régime. En effet, de la simplicité, ce régime est passé au simplisme. C’est un système pervers qui permet de contourner la loi. J’ai été durant dix ans président de l’Urssaf. Jamais un inspecteur de l’organisme que j’ai présidé, comme de l’inspection du travail d’ailleurs, n’a pu convaincre un auto-entrepreneur d’avoir commis une faute tout simplement parce que celui-ci est indépendant et revendique toute liberté en matière de respect de sa propre santé ou de sa propre sécurité. De plus, aucun organisme ne peut vérifier si le chiffre d’affaires déclaré est le bon. Le travail dissimulé, qui a toujours existé, est devenu, avec ce régime, un sport encadré, ce qui est dramatique en termes de prestations sociales.

Je suis trésorier de l’Unedic. Dois-je vous rappeler que nous devons emprunter 18,6 milliards d’euros pour financer le versement des allocations chômage ? Or les auto-entrepreneurs ne participent pas plus au financement de l’assurance-chômage que, du reste, à celui de l’assurance-vieillesse. Ils ne participent pas non plus à la formation des jeunes aux métiers les plus précarisés ni à celle des salariés, notamment dans le secteur du bâtiment, aux nouvelles exigences en matière de règlement thermique et plus généralement de baisse de la consommation d’énergie et de développement durable.

En outre, avoir les mêmes droits implique à nos yeux de remplir les mêmes devoirs. Or tel n’est pas le cas des auto-entrepreneurs, dont le régime pousse à une plus grande précarisation des salariés, voire des chômeurs eux-mêmes qui, en devenant auto-entrepreneurs, n’ont plus droit à l’assurance-chômage.

J’ai évoqué la formation : est-il normal que les auto-entrepreneurs qui n’ont pas déclaré de chiffre d’affaires puissent bénéficier d’un droit à la formation pour lequel ils n’ont pas cotisé ?

Il est également inadmissible de pouvoir devenir entrepreneur sans avoir suivi un stage préalable à l’installation, lequel est nécessaire pour comprendre que les compétences ou le savoir-faire ne dispensent pas d’une formation à la gestion d’entreprise.

De plus, est-il normal que les auto-entrepreneurs soient dispensés de TVA alors que celle-ci s’élève, dans le secteur du bâtiment, à 7 % et sera bientôt portée à 10 % ? Ce facteur favorisera le travail dissimulé.

Il convient également d’évoquer les questions liées à la santé et à la sécurité. Être artisan, cela ne s’invente pas, cela s’apprend et se transmet. Comment un client peut-il être certain que l’auto-entrepreneur intervient chez lui en respectant toutes les règles de sécurité après avoir souscrit à une assurance, notamment décennale dans le secteur du bâtiment ? Les grandes compagnies d’assurance refusent l’assurance décennale en raison de l’importance du risque. Quant à la responsabilité civile, si elle n’est pas obligatoire, elle n’est pas souscrite. Que se passe-t-il si un auto-entrepreneur provoque un incendie lors de travaux sans être assuré ni pour lui ni pour son client ?

Simplifier la création d’entreprise, j’y suis favorable. Mais la rendre simpliste en favorisant la concurrence déloyale, je ne peux qu’y être opposé. Ce régime pousse à la baisse des salaires et à l’exploitation des salariés par les grosses entreprises du bâtiment. Mon organisation ne saurait défendre les entreprises low cost qui poussent à la précarisation des salariés et à l’utilisation maximale de l’homme par l’homme. C’est Zola au XXIe siècle !

M. Jean-Pierre Crouzet, président de l’Union professionnelle artisanale (UPA). L’UPA est une organisation interprofessionnelle représentative de l’industrie, du commerce, des services et de la construction. Elle défend les intérêts de 1 200 000 entreprises françaises.

Elle a toujours été opposée au régime de l’auto-entrepreneur, considérant que l’on pouvait mieux faire en termes de moralisation du monde des entreprises. En effet, et je rejoins là ce qui vient d’être dit, aux mêmes droits doivent correspondre les mêmes devoirs. Pourquoi y aurait-il, d’un côté, les artisans et commerces de proximité alimentaires, considérés comme des « bricoleurs » et, de l’autre, les auto-entrepreneurs – appellation jugée noble ?

Comme l’a rappelé Alain Griset, 100 000 entreprises et 600 000 emplois ont été créés en dix ans avant l’existence de ce régime. Pour nous, celui-ci ne correspond donc en rien au monde de l’entreprise. Plutôt que de continuer à favoriser un tel dispositif – dont on connaît les chiffres en termes de fraude, même si je veux bien croire qu’il existe des entrepreneurs honnêtes –, il faudrait engager une réflexion sur la primo accession, comme nous le réclamons depuis toujours. Il est en effet très difficile dans la conjoncture actuelle de se lancer dans le monde de l’entreprise, surtout pour les jeunes, au regard des moyens financiers nécessaires et de la responsabilité que cela suppose. Or les chefs d’entreprise créeront des emplois s’ils parviennent à développer leur entreprise.

En outre, la moyenne du chiffre d’affaires réalisé par les auto-entrepreneurs s’élève à 3 000 euros par trimestre. On le voit : quelque chose ne fonctionne pas. Un tel résultat ne permettrait à aucune entreprise artisanale d’être viable.

Par ailleurs, le chiffre de 1 % de chiffre d’affaires qui a été cité ne correspond en rien au manque observé dans l’artisanat.

Enfin, outre le bâtiment et les services, le secteur de l’alimentation souffre de la concurrence déloyale induite par le régime de l’auto-entrepreneur. Certains d’entre vous sont maires : dans vos salles des fêtes des repas sont organisés par des auto-entrepreneurs, mais qu’adviendra-t-il en cas de problème de santé au regard des obligations réglementaires ?

En conclusion, je dirai que nos entreprises manquent cruellement de main-d’œuvre compétente : elles ne parviennent pas à pourvoir les dizaines de milliers d’emplois dont elles ont besoin. Aussi une réflexion de fond devrait-elle être engagée à l’occasion de l’examen de ce régime.

M. le président François Brottes. Je vous remercie et je passe maintenant la parole à la défense, c’est-à-dire à M. Hurel : que pouvez-vous répondre à ces différents arguments ?

M. François Hurel, président de l’Union des auto-entrepreneurs. La création du régime de l’auto-entrepreneur s’est appuyée sur trois constats.

D’abord, il manquait à la France environ 1 million d’entreprises – chiffre rapporté à la population active – par rapport à ses voisins, en particulier d’Europe du Sud.

Ensuite, comme l’avait observé l’OCDE notamment, plusieurs pays avaient mis en place des dispositifs visant à favoriser l’émergence de nouvelles entreprises permettant à tout individu, quelle que soit sa situation, de devenir entrepreneur.

Enfin, comme l’ont souligné nombre de rapports, il fallait imaginer un dispositif permettant à l’entrepreneuriat d’être, au mois au départ, cumulatif, alternatif ou exclusif. En effet, il n’était pas question que l’on ne puisse pas revenir en arrière après être passé d’un régime à un autre.

Alain Griset l’a rappelé : le régime de l’auto-entrepreneur n’est en aucun cas un statut ; il s’appuie sur un régime fiscal et un régime social, lesquels ne sont pas issus de la loi de 2008 ni des textes ultérieurs.

Le régime fiscal, adopté par le Parlement en 1991, est régi par l’article 50-0 du code général des impôts. Celui-ci a créé le régime de la micro-entreprise qui permet la forfaitisation des charges et du revenu et l’exonération de la TVA. Il s’agit d’un régime européen.

Le régime social a été adopté par le Parlement en 2001. Sur le même principe que le régime fiscal, il a permis de forfaitiser les revenus, et donc les cotisations.

Le régime de l’auto-entrepreneur a fait l’objet de nombreuses critiques. Après avoir entendu nos 380 000 adhérents, nous nous efforçons de répondre, notamment avec les pouvoirs publics, aux problématiques posées.

S’agissant de la concurrence déloyale, je remercie les rapporteurs de noter dans leur rapport qu’elle n’existe pas. Moins de 1 % de concurrence, cela n’est pas significatif. L’exclusion du champ d’application de la TVA existait avant le régime de l’auto-entrepreneur ; or je n’ai pas entendu beaucoup de critiques à ce sujet entre 1991 et 2008.

S’agissant de la fraude, je reconnais qu’elle existe – mais quel régime entrepreneurial n’en est pas affecté ? Le régime de l’auto-entrepreneur n’est pas à l’origine de la fraude fiscale, du salariat déguisé et du travail clandestin ; au contraire, il permet à certaines activités de bénéficier d’un statut officiel.

Certes, comme le notent les rapporteurs, ce régime permet la sous-déclaration, mais je reste persuadé que les auto-entrepreneurs ne sont pas les plus grands fraudeurs de notre pays – certains d’entre eux oublient ou se trompent, voire ne savent ni lire ni écrire.

Toutefois, si ce régime ne me semble pas devoir faire l’objet de tant de critiques, des actions pourraient utilement être engagées pour encourager davantage d’auto-entrepreneurs à devenir entrepreneurs. Comme cela a été souligné par le rapport, aucun outil administratif ne permet de déterminer si un auto-entrepreneur devient un entrepreneur. Par exemple, lorsqu’une entreprise est créée par deux auto-entrepreneurs, aucun formulaire administratif ne permet de connaître le statut de ceux-ci. Au final, nous ne disposons d’aucune donnée statistique. C’est pourquoi je pense que les formalités administratives devraient favoriser un suivi.

Ensuite, en tant que président de l’Union des auto-entrepreneurs, je milite depuis le premier jour pour l’instauration d’un régime d’assurance en responsabilité civile obligatoire.

Face à la problématique de l’éventuel travail dissimulé, une solution serait que les personnes concernées détiennent une carte leur permettant de justifier de leur inscription en qualité d’auto-entrepreneur et qu’elles pourraient présenter lors d’un contrôle de l’administration sociale ou fiscale.

Pour le secteur du bâtiment, les auto-entrepreneurs pourraient faire une déclaration de travaux a priori pour chaque chantier, ce qui faciliterait le contrôle de l’administration. Je ne souhaite pas voir leur régime mis à mal sous prétexte de quelques abus : ceux-ci n’existent pas seulement chez les auto-entrepreneurs. L’important est de faire en sorte que le plus grand nombre de ces personnes deviennent des entrepreneurs.

En définitive, pourquoi le régime est-il à ce point critiqué, alors qu’il représente en chiffre d’affaires moins de 1 % et seulement 3 000 euros par trimestre ? Pour quelles raisons est-il si contesté, alors qu’il permet de récupérer chaque année environ 1,1 milliard de cotisations sociales et fiscales – dont ne bénéficieront pas un grand nombre d’auto-entrepreneurs cumulatifs ? Et pourquoi vouloir limiter dans le temps ce régime qui semble être le mieux à même de susciter l’esprit d’entreprise chez nos concitoyens et de permettre à un grand nombre d’auto-entreprises de grandir ? Pour ma part, je crois utile de renforcer l’accompagnement des auto-entrepreneurs, en lien avec les réseaux consulaires notamment, pour aider ces gens à devenir entrepreneurs.

Pour finir, j’ai toujours souhaité que soient opérés des contrôles non seulement sur le plan fiscal et social, mais aussi en matière de qualifications. Je souhaite en effet que les assemblées consulaires procèdent au contrôle des qualifications préalables à certaines activités – qualifications indispensables à la sécurité du consommateur. Plutôt que de supprimer le régime au nom de la lutte contre la fraude – qui est le fait de quelques-uns seulement –, il serait préférable de prévenir les abus au moyen de ces contrôles afin de permettre au plus grand nombre d’entrer dans le droit chemin.

M. le président François Brottes. Je vous remercie et je passe maintenant la parole aux différents députés qui souhaitent intervenir.

M. Alain Suguenot. L’artisanat est en difficulté dans notre pays du fait de la crise économique et des tensions sur l’emploi. Ce qu’il faut, en fait, c’est trouver des solutions au problème des charges. À cet égard, il serait intéressant de savoir comment il est possible de mieux appréhender la réalité des auto-entreprises et les accompagner. Le président de l’UPA a rappelé l’intérêt de la primo-accession. Il me semble en effet indispensable de redonner le goût d’entreprendre dans un pays où les jeunes diplômés sont de plus en plus nombreux à partir travailler à l’étranger.

Le régime de la micro-entreprise, créé en 2003, ne fait l’objet d’aucune critique. C’est la preuve que ce n’est pas le régime dérogatoire qui pose problème ; c’est l’accompagnement, la formation et l’encadrement des règles de concurrence.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Si l’idée même de ce régime pouvait être pertinente pour les retraités et les demandeurs d’emploi, ou pour répondre à des situations particulières, force est de constater que celui-ci crée aujourd’hui des distorsions de concurrence du fait de la faiblesse des charges sociales et fiscales afférentes. En effet, les prix proposés par les auto-entrepreneurs sont beaucoup plus bas que ceux des artisans du bâtiment, durement touchés par la crise et dont le rôle est très important dans l’économie locale, notamment en milieu rural et en montagne. Le dispositif peut être utile s’il s’inscrit dans une durée limitée débouchant sur une création d’entreprise, mais le laisser en l’état risque de déstabiliser l’artisanat et de favoriser le travail dissimulé, comme cela a été souligné à plusieurs reprises.

Dans ce contexte, comment répondre aux inquiétudes des artisans ? Pour ma part, je pense que la limitation du régime dans le temps et l’accompagnement vers la création d’entreprise sont les meilleures solutions.

M. Daniel Fasquelle. Le régime de l’auto-entrepreneur est un succès : il était nécessaire et il va dans le sens de la simplification souhaitée. Néanmoins, un équilibre reste à trouver. À cet égard, ne faudrait-il pas distinguer activité principale, activité accessoire et absence d’activité ? Pour l’activité principale, la solution ne serait-elle pas de limiter le statut dans le temps pour mettre fin à la concurrence déloyale ?

Je retiens, parmi les pistes d’amélioration, un accompagnement plus important et l’obligation pour les auto-entrepreneurs d’être assuré.

En conclusion, ce statut a trouvé sa place : il me semble important de le conserver et de le perfectionner.

Mme Frédérique Massat. Je partage la position de la CAPEB, de l’UPA et de l’Assemblée des chambres de métiers sur le statut d’auto-entrepreneur et sur les désordres qu’il engendre en termes d’emploi, en particulier dans les territoires ruraux.

Je m’étonne qu’aucun outil administratif ne permette de quantifier le nombre d’auto-entrepreneurs qui se transforment en entrepreneurs.

Notre pays dispose-t-il des services nécessaires pour contrôler 900 000 auto-entrepreneurs ? En matière de revenus, avez-vous des données sur le cumul d’une activité principale et de l’activité d’entrepreneur ? En outre, connaissez-vous le pourcentage de retraités et d’étudiants auto-entrepreneurs ? Quel serait le coût de la formation – le seul avantage de ce statut étant de constituer un tremplin pour créer une entreprise ?

Par ailleurs, un dispositif transitoire assorti d’une limitation dans le temps vous semble-t-il une solution ? Enfin, l’évaluation du régime montre-t-elle des créations d’emplois ou, au contraire, des destructions d’emploi ?

M. Lionel Tardy. Mme la ministre souhaite une limitation dans le temps pour les activités principales, mais pas pour les activités secondaires, alors que le rapport estime délicat d’instaurer deux régimes. Qu’en pensez-vous ?

Nous l’avons bien compris : ce régime est transitoire – on ne peut accompagner 900 000 auto-entrepreneurs. En revanche, il faut cibler les 50 000 à 70 000 qui, chaque année, déclarent un chiffre d’affaires supérieur à 50 % du plafond, en particulier les 10 000 qui sortent du régime pour avoir dépassé les seuils et dont la vocation est de se développer. Quels appuis sont mis en place pour l’intégration dans le droit commun de ces 10 000 auto-entrepreneurs ?

M. Éric Straumann.  Ce régime est propice à l’esprit d’entreprise. Un tiers des auto-entrepreneurs sont des demandeurs d’emploi. Et comme ils le déclarent eux-mêmes, les trois quarts n’auraient pas créé leur activité si le régime n’existait pas. Croyez-vous que l’on puisse revenir en arrière, remettre en cause la loi, au risque de projeter certains d’entre eux dans le travail au noir ?

M. Thierry Benoit. Les objectifs initiaux du dispositif étaient la création d’entreprise, la simplification et un régime fiscal attractif. Or le chiffre d’affaires déclaré des 895 000 auto-entrepreneurs est si faible qu’il est ramené au trimestre – 3 000 euros. En outre, selon les auteurs du rapport, très peu de données statistiques sont disponibles au terme de quatre ans d’existence de ce statut.

Serait-il possible de redéfinir les objectifs ? Ainsi, une personne souhaitant bénéficier du statut pourrait-elle être soumise à un régime d’autorisation et préciser si elle souhaite créer une entreprise ou obtenir un revenu d’activité complémentaire ?

Par ailleurs, l’information des auto-entrepreneurs sur les faiblesses du dispositif en matière de cotisations retraite et de chômage me semble importante.

Si le régime vise à faciliter la création d’entreprise, pourrait-il être transposé dans ses aspects positifs en termes de simplification aux créateurs d’entreprise officiels ?

Enfin, est-il possible de limiter dans le temps le statut de l’auto-entrepreneur pour amener le porteur de projet à choisir ?

Mme Jacqueline Maquet. Malgré le manque de données et de statistiques fiables, notamment sur le salariat déguisé, pouvez-vous mesurer l’impact de l’auto-entreprenariat sur le travail au noir ?

M. Jean-Claude Bouchet. L’objectif de ce dispositif est de faciliter l’installation, chacun en convient. Néanmoins, le revers est la concurrence déloyale et la fragilité des auto-entrepreneurs exclus de la formation. Comment régler ces deux problèmes ?

Réfléchir au statut de l’auto-entepreneur est intéressant, mais ne faudrait-il pas plutôt faciliter l’installation et les démarches administratives des petites entreprises artisanales ? Ce statut devait favoriser la lutte contre le travail illégal. Si l’on ne diminue pas le carcan administratif des entreprises, on ne pourra éviter une hausse du travail illégal qui, on le sait, ne fait pas l’objet de contrôles efficaces.

M. Michel Lefait. Messieurs les rapporteurs, dans votre rapport remis au Gouvernement, vous soulignez la faiblesse du nombre d’auto-entrepreneurs sortant du régime par le haut, c’est-à-dire qui obtiennent le statut de travailleur indépendant grâce au développement de leur entreprise. En effet, vous estimez ce nombre inférieur à 10 000 individus sur les 900 000 auto-entrepreneurs actifs. Ce régime a davantage facilité l’exercice d’activités accessoires que promu la création d’entreprises durables. Or le retour de la croissance et de l’emploi dépendra de l’essor de nos entreprises et de leur capacité à s’implanter durablement. Ce constat avait été justement dressé dans le rapport de Daniel Goldberg sur les coûts de production en France ; la mission d’information avait d’ailleurs pointé la nécessité de promouvoir l’embauche par le développement de nos entreprises.

Dans un contexte économique morose, la décision de la ministre de l’artisanat de limiter dans le temps ce régime en activité principale et de renforcer l’accompagnement des auto-entrepreneurs semble pour le moins sensée, dans la mesure où cette limitation aura un effet incitatif sur les entrepreneurs en les encourageant à la prise de risque et au développement de leur entreprise. Je rappelle que, sous l’ancienne majorité, la commission des finances du Sénat avait préconisé la limitation de la durée du statut pour chaque bénéficiaire. Or cela va à l’encontre de ce que préconise votre rapport dans sa dixième recommandation. Comment justifier une telle divergence ?

M. Michel Piron. Le statut de l’auto-entrepreneur ne résulte-t-il pas d’une sorte de schizophrénie législative au regard, d’une part, de l’accumulation normative et, d’autre part, du souhait d’une plus grande liberté auto-entrepreneuriale ?

Quel objectif vise-t-on ? S’agit-il de faciliter la création – auquel cas la durée du statut doit être limitée – ou, au contraire, de pérenniser le statut de micro-entreprise, auquel cas il faut se demander à quelle condition la dérogation devient la règle.

Enfin, renonce-t-on à simplifier la vie des entreprises ordinaires – entreprises artisanales, PMI et PME ?

M. Hervé Pellois. Le régime des auto-entrepreneurs devait accélérer la création d’entreprise dans notre pays. Il a permis à un grand nombre de personnes de sortir du chômage, mais souvent dans des conditions précaires qui ont conduit aux dérives dénoncées ici. La limitation dans le temps de ce régime intermédiaire et la simplification du régime d’installation des artisans ne sont-elles pas des pistes à envisager pour lutter contre la concurrence déloyale ?

M. François Sauvadet. Je tiens à saluer l’étude réalisée par les rapporteurs, dont les données objectives nous sont fort utiles. Il faut tenir compte du contexte économique actuel au regard de l’évolution du statut de l’auto-entrepreneur. Les artisans du bâtiment en particulier souffrent énormément.

Le problème est celui de l’accès aux métiers et de la simplification dans les premières années de l’existence d’une entreprise. Il pose la question de la compétence de l’auto-entrepreneur, c’est-à-dire de la sécurisation de la relation avec le client, et par conséquent celle de la garantie et de la formation. Je suis partisan d’un parcours professionnel, par le biais d’un tutorat par exemple. Je pense également qu’une réflexion générale sur le système fiscal est indispensable.

Enfin, l’absence d’encadrement et de contrôle de l’activité accessoire ne risque-t-elle pas de renforcer le travail clandestin ? C’est un risque au regard de la hausse de la TVA et des problèmes de pouvoir d’achat auxquels sont confrontés nos concitoyens.

M. Fabrice Verdier. Je partage les critiques et les propositions qui viennent d’être exposées sur ce régime dérogatoire. Chacun l’aura compris : les artisans, en particulier, sont durement touchés par la concurrence déloyale.

Comme l’a montré mon rapport sur la création d’entreprise, rédigé avec mon collègue Jean-Charles Taugourdeau, un certain nombre d’entreprises ne croissent pas et n’ont pas une durée de vie suffisante faute d’être accompagnées. Je pense donc nécessaire de réfléchir non seulement à un accompagnement commun pour l’activité principale et l’activité accessoire, mais aussi à un accompagnement amélioré pour ceux dont la vocation est de devenir artisans à part entière, qui auront ainsi les mêmes droits et les mêmes devoirs, comme le demandent la CAPEB et l’UPA.

Mme Anne Grommerch. Le statut de l’auto-entrepreneur avait pour objectif premier de promouvoir la création d’entreprise. Aujourd’hui, il me semble nécessaire de limiter sa durée dans le cadre d’une activité principale et de mettre en place un accompagnement afin de favoriser la pérennité des entreprises.

Je m’étonne que personne n’ait souligné que le régime est également applicable aux non-résidents. En effet, comme l’a précisé l’administration fiscale sur le dispositif de l’auto-entrepreneur, « le versement forfaitaire libératoire de l’impôt sur le revenu prévu peut bénéficier aux non-résidents qui respectent les conditions d’éligibilité. Le revenu fiscal de référence est déterminé à partir des seuls revenus de source française du foyer fiscal du non-résident. »

Enfin, dans le secteur du bâtiment, des clients finaux paient des prestations réalisées par des auto-entrepreneurs, lesquelles ne répondent pas toujours aux exigences normatives actuelles, notamment en matière de sécurité. En effet, certains produits achetés dans des grandes surfaces de bricolage ne sont pas conformes aux normes, sans compter les problématiques de l’absence de garantie décennale et du changement fréquent d’activité des gens du voyage. Dans ces conditions, quels sont les recours du client final en cas de problème ?

M. Michel Zumkeller. Le régime de l’auto-entrepreneur a au moins le mérite de valoriser l’esprit d’entreprise. Le vrai problème, selon moi, est que les artisans doivent accomplir trop de formalités et ont trop de charges. Je suis surpris, monsieur Liebus, que vous préconisiez la suppression du régime au nom de la lourdeur des formalités.

Dans les années à venir, de nombreuses entreprises artisanales devront être reprises. Il serait donc intéressant de faire le lien entre entreprises artisanales et auto-entrepreneurs pour que ces derniers deviennent des repreneurs d’entreprise.

M. Philippe Kemel. Cette table ronde l’a montré : si ce régime fiscal et social dérogatoire crée des distorsions de concurrence, il présente l’avantage de favoriser la création d’entreprise. Aussi ne faudrait-il pas renforcer l’encadrement assuré par le réseau d’aide à la création d’entreprise ? Dans cette optique, les chambres de métiers et de l’artisanat et la CAPEB ne pensent-elles pas que l’encadrement du régime est préférable à sa suppression ?

M. Jean-Louis Gagnaire. En dépit de ses vertus, ce statut a généré beaucoup de concurrence déloyale, notamment de la part des salariés des entreprises artisanales. Dans le secteur de la culture, une circulaire interdit aux artistes salariés du spectacle d’être auto-entrepreneur. Le problème est donc celui de la double activité, le salarié pouvant utiliser le matériel de l’entreprise, parfois indûment, et démarcher les clients de celle-ci.

En outre, il me semble indispensable d’instaurer une obligation d’assurance. J’ai en effet reçu dans ma permanence d’anciens auto-entrepreneurs ruinés faute d’avoir pu indemniser des particuliers à la suite de malfaçons.

Mme Annick Le Loch. Contrairement aux conclusions du rapport, j’estime nécessaire de mener une réflexion sur l’activité complémentaire ou accessoire et de ne pas se contenter de proposer le maintien du régime en l’état sans limitation de durée. Je suis d’accord avec M. Liebus sur les activités artisanales du bâtiment, aujourd’hui fragilisées.

Dans le secteur de la photographie, la majorité des célébrations festives, en particulier les mariages, échappent aujourd’hui aux professionnels : elles sont couvertes par des photographes amateurs en activité accessoire, dont les offres fleurissent sur Internet à des tarifs très inférieurs à ceux des professionnels. Malheureusement, cette situation entraîne la disparition d’une profession et des emplois induits.

Mme Marie-Lou Marcel. Je partage les critiques formulées à l’encontre de ce statut qui est le type même de la fausse bonne solution, car il crée davantage de problèmes qu’il n’en résout. En effet, le constat est sans appel : ce régime n’a permis de créer ni des entreprises viables et pérennes ni des emplois ; il fragilise le modèle salarial et encourage les sous-déclarations de chiffre d’affaires, sans compter qu’il est utilisé à 50 % pour exercer des activités secondaires.

Comment mieux appréhender la réalité du marché, notamment pour les activités secondaires ? De quelle manière peut-on obtenir des données statistiques fiables ?

En outre, comment faire évoluer l’assujettissement à la cotisation foncière des entreprises (CFE) dont sont exonérés les auto-entrepreneurs pendant trois ans ?

Enfin, quels accompagnements préconisez-vous pour faciliter la transition de ces derniers vers un statut classique et protecteur ? Et quels acteurs devraient assurer ces accompagnements ?

Mme Audrey Linkenheld. J’approuve la nécessité de protéger les artisans, notamment ceux du secteur du bâtiment, tout comme celle de différencier d’un côté l’auto-entrepreneur qui est d’abord entrepreneur et, de l’autre, celui qui exerce une activité d’appoint.

Le rapport recommande de soumettre à la cotisation foncière des entreprises ceux dont le chiffre d’affaires est supérieur à 7 500 euros annuels. Ce montant suffit-il à distinguer l’activité principale de l’activité secondaire ? N’y aurait-il pas d’autres éléments à intégrer, même si j’ai bien noté la difficulté d’obtenir des statistiques en la matière ?

Mme Pascal Got. Ce statut doit être revu, j’en conviens, mais pas sans distinction. En effet, il permet à de nombreuses femmes seules ou en difficulté d’avoir une activité rémunérée, notamment dans les domaines culturel et de l’artisanat d’art. Envisagez-vous des modifications pour ce type d’auto-entrepreneurs ?

M. le président François Brottes. Je donne maintenant la parole à nos invités pour répondre aux diverses questions posées.

M. Alain Griset. Je remercie l’ensemble des députés pour la qualité de leurs interventions qui rejoignent bien souvent nos propres préoccupations.

En listant une grande partie des critiques formulées, M. Hurel a fait un pas important vers la reconnaissance de notre discours. Il fait état d’une recette supplémentaire de 1 milliard d’euros de cotisations sociales. Ce chiffre doit selon nous être nuancé au regard des montants non perçus par les régimes sociaux du fait de la concurrence déloyale subie par les artisans. M. Hurel a ensuite évoqué la nécessité pour les auto-entrepreneurs d’avoir une carte et de faire l’objet d’une inscription et d’un suivi. Or si le régime est maintenu pour l’artisanat, il suffirait qu’ils soient inscrits au registre des métiers.

Plusieurs députés ont évoqué la nécessité d’une simplification pour l’ensemble des entrepreneurs. Nous y sommes très favorables. Néanmoins, ces dix dernières années, le code général des impôts et le code du travail nous ont imposé 20 % à 30 % de règles supplémentaires. Il semble donc que nous ne soyons pas à la veille d’une réelle simplification.

Si l’artisanat reste dans le champ de création de l’auto-entreprise, la limitation dans le temps nous semble une nécessité absolue. Nous préconisons un an maximum pour l’activité principale. Pour l’activité complémentaire, nous souhaitons son inscription et sa réglementation en termes d’assurances, de réglementation et de suivi, ainsi que la limitation du chiffre d’affaires à un montant inférieur au niveau actuel.

L’accompagnement des auto-entrepreneurs est également indispensable. Cependant, son financement me semble compromis dans le contexte actuel de restriction budgétaire.

M. Sauvadet s’est interrogé sur l’amélioration du suivi fiscal de l’activité complémentaire. Mais, dans le régime de l’auto-entreprise, la déclaration du chiffre d’affaires étant postérieure à sa réalisation, le problème de l’activité dissimulée reste posé.

Enfin, monsieur Straumann, on ne va pas revenir en arrière. Les parlementaires votent régulièrement de nouvelles règles, et s’ils modifient le régime, ce sera valable pour l’avenir.

M. Patrick Liebus. Nos entreprises subissent les formalités administratives ! Je ne suis donc pas favorable à des formalités supplémentaires, je prône une vraie simplification. En la matière, des solutions existent pour faciliter la création d’entreprise et accompagner correctement.

Dans le secteur du bâtiment, nous avons créé l’Institut des créateurs et repreneurs d’entreprises du bâtiment pour favoriser la pérennisation des entreprises. Cet organisme permet à des personnes désireuses de créer leur entreprise ou d’en reprendre une d’être accompagnées pendant six mois par des banques, des assurances et des tuteurs, y compris en matière de formation. Une telle solution participe d’un véritable accompagnement puisque 90 % de ces entreprises réussissent et sont pérennisées.

Madame Grommerch, vous avez à juste titre soulevé le cas des étrangers. Comme me l’a révélé l’un de mes cousins, artisan dans le Périgord, des personnes venant du Royaume-Uni s’installent dans cette région pour devenir auto-entrepreneur dans le seul but de permettre à leur conjoint de bénéficier de la protection sociale en France ! Il y a là un vrai détournement de procédure.

Le client final est très important pour nous aussi – il attend une prestation, un service de qualité –, et nous encourageons sans cesse nos entreprises à former leurs salariés. De ce fait, nous demandons l’exclusion de l’artisanat du bâtiment du champ du régime de l’auto-entrepreneur.

Si le régime est maintenu pour l’artisanat du bâtiment, la qualification devra être vérifiée à l’installation, et les assurances devront l’être également pour toutes les entreprises ! Or qui va procéder à ces vérifications et dans quelles conditions, sachant il n’y a pas pléthore de personnes aptes à mener des contrôles dans ce pays ? Voilà pourquoi il faut, selon nous, trouver de vraies solutions qui permettent de créer des entreprises et de les pérenniser.

La plupart des micro-entreprises ont reçu des courriers les incitant à devenir auto-entrepreneurs. Or parmi les 194 000 défaillances ou arrêts d’activité de ces derniers, les micro-entreprises devenues auto-entrepreneurs occupent une grande place !

Enfin, le secteur du bâtiment a perdu 3 800 emplois chaque mois en 2013 et autant d’emplois seront menacés en 2014.

M. Jean-Pierre Crouzet. Ce n’est pas une rustine sur une jambe de bois que souhaite l’UPA ! Je veux bien croire que le travail clandestin n’est pas une généralité, mais nos entreprises artisanales, qui souffrent d’une baisse d’activité, ont de grandes difficultés à trouver de la main-d’œuvre compétente !

Ensuite, je suis sceptique sur le fait que le travail du week-end ne représenterait que 1 % du chiffre d’affaires.

Pour finir, il semblerait qu’une émission diffusée hier soir sur M6 ait encouragé les gens à passer leurs vacances dans des maisons d’hôtes pour y réaliser des travaux afin de payer leurs vacances ! On le voit : une réflexion de fond s’impose en termes de réglementation du travail.

M. François Hurel. Face aux critiques, il faut apporter des réponses.

L’assurance en est une, tout comme la formation, l’accompagnement, le respect des qualifications. Je suis favorable à un renforcement des contrôles. Mais faut-il supprimer le régime de l’auto-entrepreneur au motif qu’il n’y aurait pas de contrôleurs en nombre suffisant ? Il convient d’aider les auto-entrepreneurs à commencer leur activité dans les meilleures conditions pour leur permettre de s’investir dans leur projet.

Certes, les assemblées consulaires manquent de moyens, mais j’ai la conviction que c’est par l’accompagnement que nous ferons progresser le régime – et non en le limitant. En effet, il serait fort dommage de casser la dynamique de l’esprit d’entreprise, sachant que 1 200 Français s’inscrivent chaque jour pour devenir auto-entrepreneur. L’essentiel est de donner au plus grand nombre les moyens de grandir.

Les auto-entrepreneurs exerçant à titre principal doivent être inscrits dans les chambres de métiers, pour que l’on puisse contrôler leur qualification. Quant à ceux exerçant à titre secondaire, je ne vois que des avantages à ce qu’ils le soient également.

Leur demander de garantir la bonne fin de leurs travaux ne me choque pas. Les entrepreneurs sont eux-mêmes soumis à une telle obligation.

Certes, les auto-entrepreneurs ne cotisent pas au régime d’assurance chômage, mais tous les travailleurs indépendants de ce pays en sont exonérés. Pour les retraites, ils cotisent en proportion de leurs moyens et ont d’ailleurs des droits inférieurs.

En conclusion, je préfère qu’une personne gagne 3 000 euros par trimestre, déclare son chiffre d’affaires et paye ses charges sociales et fiscales, plutôt qu’elle travaille le week-end sans rien déclarer. Nous pouvons trouver une voie de progrès propice à la dynamique de l’entreprenariat comme à la sécurité du consommateur, afin que le régime de l’auto-entrepreneur soit un régime de l’entrepreneur.

M. Philippe Laffon. Les obligations en matière de qualification et d’assurance professionnelle s’appliquent également aux auto-entrepreneurs. Il s’agit donc non pas d’imposer une nouvelle obligation, mais de savoir comment sont vérifiées ces règles, quand et par qui. C’est pourquoi nous préconisons dans notre rapport un contrôle a priori des obligations, qui pourrait se faire auprès des chambres de métiers ou des centres de formalités des entreprises (CFE), de sorte que l’inscription réelle soit en quelque sorte suspendue le temps des vérifications.

Les documents adressés aux consommateurs par l’auto-entrepreneur, notamment les factures et les devis, doivent faire apparaître que celui-ci est dispensé d’obligation d’inscription au répertoire des métiers et qu’il bénéficie du régime micro-social simplifié du code de la sécurité sociale. Néanmoins, le mot « auto-entrepreneur » n’y apparaît pas. Pour améliorer la connaissance des consommateurs, une mesure simple serait que ce terme soit inscrit.

Comme nous l’écrivons dans le rapport, l’obligation de connaissance pourrait être élargie au bénéfice des employeurs s’agissant des personnes exerçant à titre accessoire. En effet, si le régime juridique des fonctionnaires les oblige à déclarer toute activité accessoire auprès de leur chef de service et responsable hiérarchique, les salariés du secteur privé exerçant des fonctions d’auto-entrepreneurs ne sont pas tenus d’en informer leur employeur, sauf dans le cas où ils interviennent auprès de la clientèle de leur employeur principal.

Les personnes qui ne réalisent pas de chiffre d’affaires sont radiées au terme d’une durée qui a été modifiée à deux reprises depuis 2009 et qui est aujourd’hui de deux ans.

Dans notre rapport, nous estimons cohérent d’envisager une limitation de durée pour les activités à titre principal qui, par définition, sont un sas, mais nous n’avons pas retenu cette possibilité au regard des nombreux problèmes pratiques qui se posent. En effet, lors de leur inscription, il n’est pas si simple pour les auto-entrepreneurs de déclarer s’ils sont en activité principale ou accessoire – beaucoup n’en comprennent pas le sens et les conséquences, notamment en matière de protection sociale. Ainsi, s’ils exercent à titre accessoire, ils restent couverts par leur régime d’assurance maladie ; s’ils exercent à titre principal, ils basculent vers le régime social des indépendants. Les caisses s’efforcent de constituer les dossiers, mais certains cas sont tangents : on peut penser qu’ils sont à titre principal au premier trimestre, puis accessoires au deuxième trimestre. En outre, les demandeurs d’emploi et les allocataires du RSA sont dans une situation particulière dans la mesure où existent des règles de cumul entre leurs revenus de solidarité et les activités professionnelles. Dans leur cas, il faut se demander s’ils doivent se voir appliquer les règles UNEDIC ou RSA ou s’ils basculent vers un système différent.

Enfin, il faut avoir conscience que certaines personnes exerçant une activité d’auto-entrepreneur à titre principal sont satisfaites de vivre avec 4 500 euros de chiffre d’affaires trimestriel et ne souhaitent pas voir leur entreprise croître. C’est le cas notamment de femmes ayant cessé leur activité pour élever leurs enfants et auxquelles un revenu au niveau du SMIC peut convenir. Notre rapport souligne d’ailleurs que le dispositif est très centré sur des problématiques sociales.

M. Alain Schmitt. Le constat dressé par le rapport est partagé : il est intéressant de noter le relatif consensus à la fois sur les forces et sur les faiblesses du régime.

Comme beaucoup d’entre vous l’ont souligné, l’objectif final de ce régime est bien la création d’entreprises qui se développent et créent des emplois. Ce point est très important.

Je comprends le consensus sur la nécessité d’un accompagnement. Néanmoins, la création d’entreprise en France est multiforme, avec des réseaux consulaires, des structures privées à but non lucratif, des professionnels – experts comptables, centres et associations de gestion agréés, etc. Il faut donc trouver le moyen de fédérer l’ensemble de ces forces.

Les propositions formulées sur les garanties pour le consommateur – assurance, qualification, immatriculation, identification de l’auto-entrepreneur – me semblent intéressantes. Elles méritent d’être étudiées.

Plusieurs d’entre vous ont posé des questions précises sur certains chiffres. Nous essaierons d’y répondre, mais je ne suis pas sûr que nous en soyons capables en raison de la faiblesse statistique qui a été soulignée.

S’agissant de la cotisation foncière des entreprises (CFE), des dispositions précises nécessitent des études approfondies de la part du ministère du budget et de l’administration fiscale. En effet, ces sujets compliqués représentent un coût pour le budget de l’État.

Enfin, plusieurs d’entre vous ont vanté la simplicité du système, dont on pourrait s’inspirer pour l’ensemble des entreprises. Sur ce sujet très important pour l’attractivité de notre pays et la création d’entreprise, la modernisation de l’action publique en cours nous donne matière à réfléchir.

M. le président François Brottes. Je remercie l’ensemble des participants à cette table ronde pour la qualité de leurs interventions. Je vous confirme que Mme Pinel sera auditionnée par notre commission avant la fin du mois de juillet.

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Information relative à la commission.

Puis, la commission a désigné Mme Clotilde Valter rapporteure pour l’examen de la proposition de loi visant à donner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel (n° 1037).

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 22 mai 2013 à 10 heures

Présents. - M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. David Habib, M. Razzy Hammadi, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Armand Jung, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Marie Tetart, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Christophe Borgel, M. André Chassaigne, M. Thierry Lazaro, Mme Annick Lepetit, M. Serge Letchimy, M. Alain Marc, M. Philippe Armand Martin, M. Jean-Claude Mathis, M. Yves Nicolin, Mme Josette Pons, M. Bernard Reynès, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Louis Gagnaire, M. Michel Piron, M. François Vannson, M. Michel Zumkeller