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Commission des affaires économiques

Mardi 28 mai 2013

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 80

Présidence de M. François Brottes Président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur le crédit à la consommation avec la participation de M. Jean Luc Vatin, directeur des particuliers à la Banque de France, M. Pierre Bocquet, directeur du département banque de détail à la Fédération bancaire française (FBF), M. Jean-Louis Kiehl, président de la Fédération Crésus (Chambres régionales de surendettement social) et Mme Françoise Palle-Guillabert, déléguée générale de l’Association française des sociétés financières (ASF).

La commission a organisé une table ronde sur le crédit à la consommation avec la participation de M.  Jean Luc Vatin, directeur des particuliers à la Banque de France, M. Pierre Bocquet, directeur du département banque de détail à la Fédération bancaire française (FBF), M. Jean-Louis Kiehl, président de la Fédération Crésus (Chambres régionales de surendettement social) et Mme Françoise Palle-Guillabert, déléguée générale de l’Association française des sociétés financières (ASF).

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, cette table ronde, ouverte à la presse, sur le crédit à la consommation, s’inscrit dans le cadre du travail préalable à l’examen du projet de loi relatif à la consommation, dont Mme Annick Le Loch et M. Razzy Hammadi sont les rapporteurs pour la Commission des affaires économiques.

Nous accueillons M. Jean Luc Vatin, directeur des particuliers à la Banque de France, M. Pierre Bocquet, directeur du département banque de détail à la Fédération bancaire française (FBF), M. Jean-Louis Kiehl, président de la Fédération Crésus (Chambres régionales de surendettement social) et Mme Françoise Palle-Guillabert, déléguée générale de l’Association française des sociétés financières (ASF).

Le crédit à la consommation est loin d’être un nouveau sujet pour la Commission des affaires économiques, qui souhaite défendre à la fois la consommation et les consommateurs, dans le cadre de solutions de financement réalistes et pérennes. Il s’agit donc de préserver le consommateur qui, dans une période de tension économique, risque d’être confronté à des situations gravissimes de surendettement.

Il convient dans un premier temps de tirer le bilan de la loi du 1er juillet 2010, dite loi Lagarde, portant réforme du crédit à la consommation, dont l’examen avait provoqué des débats au sein de tous les groupes parlementaires sur l’encadrement du crédit renouvelable et sur l’éventuelle instauration d’un registre national du crédit – fichier positif qui doit faire partie des sujets de réflexion de cette table ronde.

Nous assistons depuis le vote de cette loi à une diminution des surendettements engendrés par le crédit renouvelable. Toutefois, bien que le consommateur dispose désormais de la possibilité de souscrire un contrat de crédit amortissable en lieu et place d’un contrat de crédit renouvelable, il faut reconnaître qu’il recourt rarement à cette solution, dont il ignore le plus souvent l’existence – l’étude qualitative, conduite par le cabinet Athling au mois de juin 2012, a fait ressortir que cette solution n’a été évoquée que dans 9 % des cas et n’est visible que dans 17 %. Cette alternative n’est donc pas proposée par les forces de vente concernées.

Les crédits distribués sont en nette diminution. Au premier trimestre de 2013, le recul atteint 3,3 % en variation annuelle : c’est donc le huitième trimestre consécutif de baisse de la production de crédits. Le recours au crédit renouvelable a, quant à lui, chuté de 9,7 % sur un an, sans que nous puissions savoir si cette chute est un effet de la loi Lagarde ou, plus simplement, de la baisse des moyens financiers des ménages.

Il s’agit d’ailleurs d’un phénomène européen : cependant, le recul du marché français apparaît comme relativement modéré par rapport à celui d’autres pays où la chute est abyssale.

Notons également que le nombre de cartes de débit-crédit est en très forte augmentation – plus 36,4 % – : il convient donc de réfléchir à la façon dont ces cartes sont mises à la disposition des consommateurs.

Quant au nombre des dossiers de surendettement déposés, il a diminué de 4,6 % sur les douze derniers mois – la diminution est réelle sans être encore significative.

Je demanderai en premier lieu à M. Jean Luc Vatin de faire, en tant que directeur des particuliers à la Banque de France, et de la manière la plus objective possible, le point sur la situation, avant de nous donner son avis sur les évolutions proposées par M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, qu’il s’agisse de l’éducation à la consommation, de l’encadrement du crédit à la consommation ou de la création éventuelle d’un fichier positif, à laquelle la Banque de France ne paraît pas favorable.

M. Jean Luc Vatin, directeur des particuliers à la Banque de France. La direction des particuliers de la Banque de France coordonne l’activité des secrétariats des commissions de surendettement tout en étant responsable de la gestion du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), lequel est un fichier négatif.

Le rôle du crédit à la consommation est l’objet de controverses. Il est en effet souvent accusé d’être à l’origine des phénomènes de surendettement, qui ont malheureusement augmenté ces dernières années en France. C’est pourquoi le législateur a cherché à plusieurs reprises à encadrer le crédit à la consommation – la dernière loi en date étant la loi Lagarde de 2010, qui a apporté de sensibles modifications dont nous commençons à sentir le bénéfice.

La question du surendettement a fait, elle aussi, l’objet de nombreuses interventions du législateur : après la loi Neiertz de 1989, il est revenu sur le sujet en 1995, 1998, 2003 et 2010, et y reviendra prochainement dans le cadre de la prochaine loi bancaire et du projet de loi relatif à la consommation.

Le dynamisme de la consommation est un facteur essentiel de la croissance économique, tout particulièrement dans la conjoncture actuelle. Il est impensable, dans une économie moderne, de demander aux ménages de préfinancer par une épargne préalable toutes leurs acquisitions de biens d’investissement. À titre d’exemple, je rappellerai que trois voitures neuves sur quatre sont achetées dans le cadre d’un contrat de crédit à la consommation. Les achats à crédit représentent 23 % du chiffre d’affaires de l’équipement de la maison ou de l’amélioration de l’habitat, 40 % de celui de la vente par correspondance et 8 % de celui de la grande distribution. C’est dire l’importance économique du crédit à la consommation.

On ne saurait d’ailleurs prétendre que les Français recourent de façon excessive au crédit à la consommation : alors que l’encours s’élève à 148 milliards d’euros à la fin du mois de décembre 2012, le crédit à la consommation s’élève en France à 12,7 % des dépenses des ménages contre 16 % en Allemagne et 24 % au Royaume-Uni – je vous renvoie au rapport du Comité de suivi de la réforme de l’usure créé par la loi Lagarde.

Le recours au crédit à la consommation a eu tendance à ralentir au cours des douze derniers mois – vous l’avez noté, monsieur le président – en raison notamment de l’inquiétude générale des ménages et du renforcement de son encadrement prévu dans la loi Lagarde. Toutefois, cette baisse se conjugue avec le maintien à un niveau élevé de dépôts de dossiers de surendettement : plus de 200 000 – un pic ayant été atteint en 2011, avec quelque 232 000 dossiers.

Il faut toutefois savoir que le nombre de dossiers de surendettement est en baisse tendancielle de 5 %, avec un recul de la présence, dans ces dossiers, des crédits renouvelables, et que les chiffres incluent un pourcentage élevé de re-dépôts, qui concernent des ménages pour lesquels les commissions de surendettement n’ont pas réussi à trouver de solution définitive. En effet, même en l’absence de capacité de remboursement, il n’est pas possible de proposer directement l’effacement des dettes. Il a donc fallu trouver pour ces ménages des solutions provisoires, sous forme d’un moratoire temporaire des paiements. Ces moratoires, qui concernent quelque 40 % des dossiers, contribuent donc à alimenter le nombre des re-dépôts. Un nouvel accident de la vie – perte d’un emploi, séparation – peut également entraîner un re-dépôt. Si on soustrait le nombre des re-dépôts du nombre total des dossiers de surendettement traités par an – le tout dernier chiffre s’établit à 220 000 –, on arrive à 140 000 nouveaux entrants.

Ces situations ne résultent pas, dans leur grande majorité, d’un excès de crédits. Du reste, le crédit à la consommation n’a jamais été en France la cause exclusive du surendettement. Dans les années 1990, les dossiers se répartissaient à parts égales entre les crédits à la consommation et les crédits immobiliers – à l’époque existait le mécanisme pervers des prêts à échéance progressive, qui a contribué, avec la diminution de l’inflation, à ruiner un grand nombre de ménages. Des excès avaient également été commis, tant du côté de l’offre que de la demande de crédit à la consommation : la bulle ainsi provoquée avait motivé la première intervention du législateur, certains ménages, qui cumulaient les deux types d’endettement, s’étant retrouvés dans une situation catastrophique. Le contexte est totalement différent aujourd'hui : les prêts immobiliers sont devenus minoritaires dans les dossiers de surendettement – moins de 10 % –, alors que les crédits à la consommation y sont majoritaires – dans 87 % des dossiers. Toutefois, le nombre de crédits à la consommation par dossier et leur montant sont inférieurs aux chiffres parfois cités : ce nombre s’établit en moyenne à 4,8 par dossier pour un montant moyen de 23 000 euros – le montant moyen des crédits renouvelables, inclus dans ces chiffres, s’élevant à 15 000 euros.

Des cas extrêmes et dramatiques existent, je n’en disconviens pas, mais ils sont loin de constituer la majorité. Il faut savoir en effet que, dans près de 60 % des dossiers de surendettement, le nombre des crédits à la consommation ne dépasse pas quatre, les dossiers mettant en jeu plus de dix crédits représentant moins de 10 % de l’ensemble.

Dans la majorité des dossiers traités, l’origine des difficultés ne réside donc pas dans un excès de crédits initial mais dans une diminution des ressources et des capacités de remboursement à la suite d’un accident de la vie. Près de 50 % des personnes concernées connaissent des difficultés en termes d’emploi. Pour 50 % des ménages, les ressources sont inférieures au SMIC et pour 80 % elles sont inférieures à 2 000 euros par mois. Dans plus de 50 % des cas, les capacités de remboursement sont nulles, et négligeables dans près de 80 %. Près de 35 % des dossiers recevables sont orientés vers la procédure de rétablissement personnel, c'est-à-dire vers un effacement total des dettes. Le surendettement a donc dans la majorité des cas pour origine le fait que les ressources sont devenues structurellement insuffisantes.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. La représentation nationale, toutes tendances confondues – l’UMP a déposé une proposition de loi visant à faire de 2014 une année de mobilisation contre le surendettement –, souhaite s’attaquer au surendettement. Outre qu’il convient de faire très attention aux chiffres auxquels on se réfère – s’agissant par exemple de la progression du nombre de surendettés ou de l’évolution du crédit renouvelable, les statistiques varient de 4 % à 5 %, selon qu’elles proviennent de la Cour des comptes dans son rapport de février, du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) ou des organisations de consommateurs –, il est avant tout important de rappeler que nous sommes confrontés à un véritable fléau.

Ce fléau se mesure tout d’abord en termes financiers : chaque dossier de surendettement coûte à la puissance publique, via la Banque de France, 900 euros, y compris en cas de redépôt. Ensuite, plusieurs suicides par semaine sont directement liés au surendettement. Enfin, en dépit d’une législation foisonnante, le nombre des dossiers déposés à l’heure demeure impressionnant et le ralentissement observé ne se traduit pas encore par une diminution du nombre total des dossiers.

La création éventuelle d’un registre national du crédit faisant débat au sein de tous les groupes politique du Parlement, il convient de connaître les points de vue des institutions concernées. Ce registre a été mis en place dans de nombreux pays européens, seuls quatre ne l’ont pas fait. Il ne faudrait pas que la Corée du Nord, l’Afghanistan et la France soient les derniers pays à ne pas l’avoir institué.

Que pensez-vous des dispositions du projet de loi sur l’encadrement du crédit renouvelable et l’opposabilité d’un crédit classique ? Le seuil de 1 000 euros à partir duquel le consommateur se voit obligatoirement proposé un crédit amortissable comme alternative à un crédit renouvelable vous paraît-il le bon, alors même que la moyenne des crédits à la consommation tourne autour de 700 euros ? Que pensez-vous également de la déliaison entre les cartes de fidélité et les cartes de crédit?

Les contraintes en termes d’expertise et de faisabilité doivent finir par rejoindre l’exigence de ceux qui, sur le terrain, se retrouvent en première ligne face au fléau social du surendettement. C’est pourquoi nous souhaitons connaître vos différents points de vue sur les dispositions d’un texte qui vise à améliorer la situation.

M. Dino Cinieri. La loi Lagarde, qui est entrée en application le 1er mai 2011, avait cinq objectifs : recentrer le crédit renouvelable sur sa vocation initiale – des prêts de faibles montants –, réformer l’usure, mettre fin aux excès en matière de publicité, mieux s’assurer de la solvabilité des emprunteurs et éviter que le consommateur-emprunteur ne tombe dans le crédit à son insu.

L’étude qualitative menée par le cabinet Athling pour le CCSF et rendue en septembre 2012, montre qu’en l’espace de dix-huit mois le nombre de comptes de crédits renouvelable actifs a diminué de 16,5 % – ce qui représente une baisse de 3,3 millions d’unités. Il souligne par ailleurs que le poids des transactions à crédit est passé de 9,4 % en 2010 à 6,3 % après 2011, soit une baisse de 33 % de ce taux et que cette baisse est encore plus spectaculaire si l’on compare ce taux de 6,3 % à celui de 2007 qui était de 22 %. La mise en œuvre de l’option « paiement comptant » par défaut pour les cartes de crédit de fidélité a, en effet, permis au consommateur-emprunteur de ne plus entrer dans le crédit à son insu.

Le cabinet Athling estime toutefois qu’un an après leur entrée en vigueur il est trop tôt pour évaluer l’efficacité des mesures qualifiées de « garde-fous contre les difficultés d’endettement ».

Plus de neuf mois après la publication de cette étude, pensez-vous que cette loi pourra durablement endiguer le surendettement, qui est un fléau pour de nombreuses familles ? L’obligation de vérification de la solvabilité de l’emprunteur est-elle selon vous bien respectée par les organismes de prêt ?

M. Daniel Fasquelle. Il faut du temps pour qu’une loi produise ses effets à la suite de son entrée en application : on commence ainsi tout juste à ressentir les bienfaits de la loi Lagarde. Dès lors, devons-nous dès aujourd'hui retoucher ce texte à l’occasion du projet de loi relatif à la consommation ou ne serait-il pas préférable de laisser passer encore un peu de temps avant de tirer un bilan sincère de la loi Lagarde ?

Je suis d’autant plus réservé sur la création d’un fichier positif que, comme vous l’avez souligné, les causes du surendettement sont à rechercher dans les accidents de la vie – le chômage, le divorce, la maladie, voire l’invalidité dans 25 % des cas. Par ailleurs, les exemples étrangers sont loin d’être probants : la création d’un fichier positif en Belgique n’a pas permis de réduire sensiblement le nombre de surendettements. Le Conseil d’État a, de plus, qualifié un tel fichier d’outil disproportionné au regard de l’objectif poursuivi, sans oublier les risques d’atteinte à la vie privée ou de surenchère entre les établissements de crédit, voire de dérapages, tous risques qui sont dénoncés par les associations de consommateurs. Qu’en pensez-vous ?

Sur quels autres points serait-il possible d’améliorer la loi Lagarde ?

Mme Michèle Bonneton. Le surendettement étant essentiellement dû au crédit renouvelable, afin de mieux l’encadrer pour en éviter les effets pervers, pourquoi ne pas obliger les établissements de crédit à proposer, à compter d’un seuil à définir, un crédit amortissable à la place d’un crédit renouvelable ? Quel devrait être ce seuil ?

Dans quelle mesure l’interdiction des cartes de fidélité associées à un crédit pourrait-elle améliorer les problèmes ce surendettement ?

Pouvez-vous nous indiquer le public concerné par le FICP et le fichier central des chèques ? Quel est le nombre de surendettés concernés par ces fichiers ? Leur consultation serait-elle suffisante pour encadrer le surendettement ?

Les restructurations au sein de la Banque de France conduisent à une diminution des personnels et, par contrecoup, des aides aux personnes surendettées, alors que celles-ci sont nombreuses à rencontrer des difficultés pour remplir leur dossier de surendettement. Ne trouvant pas de conseil auprès de la Banque de France, elles peuvent renoncer à déposer leur dossier. Comment améliorer la situation ?

Que pensez-vous de la création d’un registre national du crédit ? Comment recueillir les informations sur les particuliers sans porter atteinte aux libertés individuelles ? Quelle efficacité attendre d’un tel registre ? Serait-il suffisamment consulté par les organismes de crédit ? Comment responsabiliser les prêteurs ?

M. Pierre Bocquet, directeur du département banque de détail à la Fédération bancaire française (FBF). Je tiens à rappeler que le crédit à la consommation ne va sans confiance dans l’avenir. Or la situation économique est atone, le chômage augmente, les amortisseurs sociaux sont poussés à leur limite et le pouvoir d’achat des foyers les plus modestes est malmené, notamment en raison de l’augmentation des dépenses contraintes. Le sentiment qui domine est donc celui de l’insécurité professionnelle, sociale et économique.

Toutefois, les banques françaises n’ont pas, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays européens, constaté une forte augmentation des incidents de paiement en matière de crédit à la consommation : dans plus de 98 % des cas, les remboursements s’effectuent sans problème aucun. L’attitude des Français face à l’endettement est culturellement raisonnable – il fut même un temps où on reprochait aux ménages de ne pas suffisamment s’endetter et de ne pas adopter des modèles aujourd'hui accusés d’avoir alimenté la crise. De plus, la loi Lagarde a conduit à une modification structurelle de l’offre et de la distribution de crédit.

Ce sont le plus souvent des événements extérieurs et postérieurs à l’octroi de crédits qui provoquent le surendettement. Le crédit est une préoccupation naturelle des banques qui sont engagées dans une relation de long terme avec leurs clients : c’est pourquoi elles répondent le plus souvent de manière positive à leurs besoins de financement.

L’Observatoire des crédits aux ménages qui rend depuis plus de vingt ans un rapport annuel observe que, dans plus de neuf cas sur dix, le crédit à la consommation sert bien à financer des projets d’équipements – achat d’un véhicule ou de biens d’équipements ou travaux dans la maison. Le nombre des Français recourant au crédit à la consommation a chuté ces dernières années pour atteindre 27,6 % : c’est le taux le plus bas depuis plus de vingt ans. Il faut savoir que la baisse touche toutes les tranches d’âge et toutes les tranches de revenus.

Contrairement aux idées reçues, depuis vingt ans, la part du crédit renouvelable dans l’ensemble des crédits à la consommation est en baisse au profit des prêts personnels. Ce phénomène a été accéléré par l’entrée en application progressive de la loi Lagarde depuis dix-huit mois.

Cette loi a généralisé les bonnes pratiques dans l’analyse de la solvabilité des clients, laquelle doit prendre en compte non seulement les crédits en cours mais également les autres charges et les comparer aux revenus et à leur permanence, seul moyen de déterminer le risque pris par les banques. En effet, les crédits étant financés par les dépôts, la maîtrise des risques doit être la plus forte possible. Le prêt responsable est un prêt consenti à ceux qui ont la capacité de le rembourser.

Les modifications inscrites dans la loi Lagarde ont assurément été sources de complexification, si bien que le volume du contrat a augmenté de 50 % – il est désormais équivalent à un Que Sais-je ?. J’ignore toutefois si les emprunteurs sont nombreux à le lire de manière exhaustive.

Seuls 3,5 % des ménages envisagent de recourir au crédit à la consommation dans les mois à venir : c’est le taux le plus bas depuis plus de vingt ans, ce qui devrait nous inquiéter en termes d’emploi et de croissance.

La profession bancaire continue de prêter à ses clients. Comme l’a révélé l’enquête conduite par une association de consommateurs, neuf fois sur dix, un client venu demander un prêt à une agence bancaire ne repart pas avec un crédit renouvelable mais ressort avec un crédit amortissable. La loi Lagarde a recentré le crédit renouvelable sur son usage d’origine.

Nous appelons à un choc de stabilité réglementaire et légal, à défaut d’obtenir un choc de simplification, lequel serait pourtant nécessaire pour rendre les contrats de crédit plus compréhensibles pour nos concitoyens.

M. le président François Brottes. N’est-il pas contradictoire d’accuser les contrats d’avoir la dimension d’un Que Sais-je tout en souhaitant un choc de stabilité ?

Mme Françoise Palle-Guillabert, déléguée générale de l’Association française des sociétés financières (ASF). L’Association française des sociétés financières (ASF) regroupe l’ensemble des financements spécialisés des entreprises et des particuliers.

Les organismes spécialisés dans les crédits à la consommation sont des filiales soit de banques, soit des constructeurs automobiles, soit de la grande distribution. Leurs parts de marché atteint 60 %, les crédits restant étant distribués par les agences bancaires.

La production de crédits a reculé en 2012 de 5 % par rapport à 2011 – le plus fort recul depuis 1991 – pour revenir au niveau de 2003, pour un montant de 35 milliards d’euros, contre 45 milliards en 2007. Cela signifie qu’en cinq ans, 10 milliards d’euros en moins ont été injectés dans l’économie.

Il est vrai que les pays de l’Europe du sud sont dans le rouge, contrairement à l’Allemagne et au Royaume-Uni. Finance & Leasing Association (FLA), qui est l’équivalent britannique de l’ASF, a connu une augmentation de 6 % du crédit à la consommation en 2012.

Ces chiffres, compte tenu des tendances recueillies dans le rapport annuel de l’Observatoire des crédits aux ménages, ne devraient pas connaître d’amélioration en 2013. Dans son rapport, le professeur Mouillart observe un taux historiquement bas d’intention de souscription dans les mois à venir – 3,5 % –, ce que confirment les chiffres de l’ASF du premier trimestre 2013, qui sont en baisse de 3 % par rapport au premier trimestre de 2012.

La comparaison de la production totale de crédits à la consommation des établissements spécialisés avec celle du seul crédit renouvelable indique que celui-ci, en 2012, avec 11,8 milliards d’euros, ne s’élève plus qu’à un tiers de cette production totale alors qu’il en représentait 41 % avant la loi de 2010. En 2011 et 2012, le parc de comptes de crédit renouvelable a baissé de 5 millions d’unités, le nombre des résiliations étant supérieur au nombre d’ouvertures. C’est un des effets majeurs de la loi Lagarde.

Je vous rappelle les principales dispositions de cette loi, entrée en application depuis juillet 2011, au gré d’une succession de textes réglementaires : amortissement minimum, baisse des durées de remboursement, vérification de la solvabilité, formation des vendeurs, obligation de proposer une alternative au crédit renouvelable, réforme de l’usure qui ne s’est achevée qu’en avril 2013, date depuis laquelle cette loi produit pleinement ses effets. Le crédit renouvelable est redirigé sur ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être, à savoir un crédit de trésorerie de faible montant, de courte durée et dédié aux petits achats répétitifs, pour lesquels il n’existe pas d’alternative sur le marché, compte tenu du coût unitaire de constitution d’un dossier de crédit – ce qui n’est pas sans incidence sur la question d’une éventuelle baisse du seuil actuel de 1 000 euros.

M. Jean Luc Vatin, directeur des particuliers à la Banque de France. Madame Bonneton, 2,6 millions de personnes sont enregistrées au FICP, dont quelque 750 000 ménages au titre du surendettement – il est difficile de convertir ce nombre depersonnes en ménages.

La modernisation de la Banque de France ne portera pas atteinte aux capacités d’accueil des personnes surendettées puisqu’elle ne diminuera en rien le nombre des points d’accueil. À l’horizon de 2020, la Banque de France souhaite réduire les coûts de traitement en regroupant notamment l’expédition des courriers ou de dossiers – les centres de traitement passeront à trente-cinq. Seuls quelques bureaux d’accueil ou d’information, qui ne connaissent déjà plus aucune fréquentation, seront fermés.

M. Jean-Louis Kiehl, président de la Fédération Crésus (Chambres régionales de surendettement social). Je tiens à nuancer la vision fataliste selon laquelle le surendettement aurait pour seule origine l’accident de la vie. Notre association est présente dans dix-neuf régions et accueille physiquement les ménages surendettés. Nous avons donc chaque jour l’occasion d’approfondir notre connaissance de l’environnement qui, au-delà des causes directes, conduit en France toutes les deux minutes un ménage à déposer un dossier de surendettement dont le montant moyen dépasse 30 000 euros, avec des pics pour certaines catégories de population dont la solvabilité n’a pu être vérifiée.

L’Allemagne dispose d’un fichier positif depuis 1929, ce qui n’a diminué en rien l’appétence des Allemands au crédit. La France est un des rares pays européens et sera sans doute le dernier à ne pas avoir créé de registre national. Le FICP n’est pas suffisant du fait que, lorsque les ménages commencent à rencontrer des difficultés, ils essaient un certain temps encore de rembourser leurs échéances avant de devoir y renoncer dans des conditions dramatiques.

La Cour des comptes avait été choquée, il y a cinq ans, du classement binaire des surendettés en actifs et en passifs – les ménages qui souscrivaient trop de crédits et les autres, qui subissaient la crise. La Cour des comptes, qui avait passé une journée dans nos permanences, avait pu alors constater combien les difficultés financières avaient d’incidence sur la vie des ménages – divorces et commission de surendettement. Certes, la loi de 2010 a permis de réaliser de nombreux progrès mais elle reste inachevée. Mme Lagarde s’était elle-même engagée à l’Assemblée nationale à créer le registre national du crédit. Elle avait même mis en place une commission à cet effet – il est vrai que Clemenceau disait que pour enterrer un problème, il suffisait de créer une commission. Il est temps d’achever la loi.

Il faut réorienter le crédit vers les populations qui en feraient un bon usage, sous réserve de ne pas collectionner les engagements. Cela permettrait de développer le crédit, voire d’en baisser le taux au profit, notamment, des jeunes qui ont besoin de s’équiper. Le registre national du crédit s’imposera. Ne laissons pas passer la chance inouïe qui nous est aujourd'hui offerte d’en débattre de nouveau. Les deux candidats à l’élection présidentielle s’étaient engagés à le créer. J’espère que le Parlement dotera le pays de cet instrument de prévention du risque de surendettement. Dans 58 % des dossiers de surendettement, les créanciers n’auraient jamais octroyé le dernier crédit s’ils avaient connu l’état d’endettement réel du ménage. C’est ce crédit de trop qui fait plonger nos concitoyens ! Vous les rencontrez dans vos permanences. Nous les rencontrons également : ce sont des personnes désespérées et honteuses, qui, ayant perdu tout courage, risquent aussi de perdre leur emploi. En effet, une personne surendettée qui n’a pas de travail peut bénéficier d’une procédure d’effacement. Aujourd'hui, les classes moyennes sont en péril. Les primo-accidents commencent également à connaître des tensions pour financer, outre la construction de leur maison en grande banlieue, la nécessité de posséder deux voitures – cette charge contrainte s’élève à quelque 10 000 euros par an. Le crédit ne peut jouer son rôle de levier de croissance dans de telles conditions.

L’encours moyen des ménages français surendettés est une honte pour notre pays. Si les banques traditionnelles ont la capacité de vérifier la solvabilité de leurs clients, il n’en est pas de même des établissements financiers comme Cetelem ou Cofinoga.

Mme Lagarde a créé la fiche de dialogue à quatre mains, que les emprunteurs doivent renseigner en y déclarant leurs crédits. Or, dans de trop nombreux cas, ils n’en déclarent pas la totalité. Voilà vingt et un ans que je plaide en faveur du RNC : je pense que la France est désormais mûre pour travailler sur cette idée de transparence et de protection des créanciers et des emprunteurs. Il convient que vous franchissiez enfin le pas : du reste, une récente enquête des Dernières Nouvelles d’Alsace indique que 71 % des citoyens sont favorables au fichier positif. Le surendettement n’est pas une fatalité. Nous vous faisons confiance.

M. le président François Brottes. La création d’un nouveau droit, celui de ne pas tomber dans le surendettement, est un grand débat.

Le crédit renouvelable peut être souscrit sans que le conjoint soit nécessairement au courant : en 2010, le Gouvernement avait refusé l’amendement que j’avais déposé pour remédier à cette situation. J’ai bien l’intention de revenir sur le sujet.

Mme Annick Le Loch, rapporteur. En 2011, en région Bretagne, sur 8 400 dossiers de surendettement, 917 concernaient les dettes immobilières et 7 900 les dettes à la consommation – à savoir plus de 87 % des dossiers pour 52 % de l’endettement global.

Même si les montants demeurent modestes – 20 000 euros pour la région Bretagne –, ils concernent des familles qui sont dans des situations sociales et familiales dramatiques. Avez-vous des données précises sur le profil de ces familles ? Les familles monoparentales, essentiellement assumées par des femmes, sont-elles surreprésentées ?

M. Alain Marc. De quel accompagnement bénéficient les personnes surendettées ? Trop souvent, en dépit de la loi Lagarde, elles ont été victimes d’un défaut d’information préalable. Quelles dispositions conviendrait-il de prendre en matière d’accompagnement tant préventif que curatif ?

Je m’étonne enfin que ceux qui s’opposaient naguère à la création du fichier « Base élèves » visant à améliorer les performances scolaires des enfants se déclarent aujourd'hui favorables à la création du registre national du crédit. Où est la cohérence ?

M. le président François Brottes. La dimension confessionnelle du fichier que vous évoquez avait choqué.

Mme Frédérique Massat. Un grand nombre des députés ici présents sont favorables au fichier positif comme outil de prévention du surendettement.

Quels autres outils permettraient de responsabiliser l’emprunteur et le prêteur ? Comment vérifier autrement la solvabilité des emprunteurs ? Comment protéger le consommateur contre lui-même ? Quel clignotant prévoir ?

M. Éric Straumann. J’ai été banquier aussi bien en France qu’en Allemagne.

L’essentiel du surendettement est lié aux aléas de la vie, qu’on ne saurait prévoir au moment de la souscription du crédit. Il est vrai que le fichage est une tradition allemande. Le fichier de la Schufa va même très loin puisqu’il contient les abonnements téléphoniques. Il a toutefois un effet très relatif sur le surendettement puisqu’on estime à 9 % la part de la population allemande surendetté. De plus, les bailleurs exigeant le certificat de la Schufa, un surendetté a du mal à se loger.

Prenons garde à ne pas entrer dans un processus purement informatique qui oublie toute dimension humaine dans la relation entre le banquier et son client.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Les familles monoparentales sont-elles davantage surendettées ?

Pour prévenir le surendettement, ne conviendrait-il pas d’encadrer les taux d’intérêt pratiqués par certaines sociétés de crédit ?

M. Hervé Pellois. Un des enseignements de la dernière étude de la Banque de France publiée en février dernier réside dans le poids croissant du logement dans les dossiers de surendettement. Si les dossiers admissibles sont, à 79 %, ceux de locataires, la part des accédants à la propriété progresse. Ce poids croissant du logement se traduit par une hausse du montant moyen de surendettement qui passe de 34 500 euros en 2010 à près de 38 000 euros aujourd'hui. Comment appréhendez-vous ce phénomène ?

Mme Laure de La Raudière. La vérification sur pièce de la solvabilité de l’emprunteur à compter de 3 000 euros avait été adoptée dans le cadre de la loi de 2010 contre l’avis des organismes financiers. Quel est votre retour d’expérience sur cette disposition ?

Le fichier positif pourrait améliorer le ciblage des crédits en permettant à un nouveau public d’accéder au crédit : qu’en pensent les représentants de l’ASF et de la FBF ?

Enfin, pourquoi, lorsque l’emprunteur est marié, l’accord du conjoint pour signer un crédit à la consommation n’est-il pas obligatoire ? Cette disposition permettrait sans aucun doute d’éviter des cas de surendettement ainsi que de divorces.

Mme Catherine Troallic. Le fichier positif doit être conçu comme un outil parmi d’autres, d’autant que, comme M. Kiehl l’a rappelé, le surendettement jette certaines familles dans des situations catastrophiques. C’est pourquoi prétendre que le crédit à la consommation n’est pas la seule cause du surendettement est un argument un peu léger pour refuser la création d’un fichier positif.

Quels sont vos arguments objectifs pour refuser un tel fichier ?

M. Jean-Luc Laurent. Plutôt que de rechercher un choc de stabilité, qui interdira au législateur d’encadrer plus strictement le crédit à la consommation, il conviendrait de créer un choc de prévention et de protection avec l’instauration du registre national de crédit, afin de limiter les effets du surendettement.

Quelles sont les raisons qui conduisent certains des participants à cette table ronde à refuser cet outil ? Quels autres dispositifs proposent-ils ?

M. Lionel Tardy. Avant d’introduire de nouvelles dispositions, il serait préférable de tirer le bilan de la loi Lagarde de 2010. Qu’il s’agisse du rapport sénatorial rendu en juin 2012 par Mmes Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier – les textes d’applications avaient été publiés à 90 % et ne restaient plus à appliquer que les articles 32, 33 et 35 qui portent sur des mesures accessoires – , ou du rapport d’évaluation de la loi, réalisé pour le CCSF par le cabinet Athling et rendu en septembre 2012, ils concluent tous deux à la bonne application de la loi Lagarde, loi structurante qui a eu un effet visible et quantifiable. Aussi ces deux rapports se contentent-ils de préconiser des améliorations. C’est ainsi que le CCSF a publié un avis en novembre 2012, dont le projet de loi relatif à la consommation reprend la principale proposition, qui est l’obligation de proposer une offre alternative au crédit renouvelable pour les montants supérieurs à 1 000 euros.

Pourquoi ne pas étudier les propositions de ces deux rapports pour approfondir la loi Lagarde ?

M. Philippe Kemel. Créer un choc de précaution est évidemment nécessaire. Vos réserves sur la création d’un fichier positif tiendraient-elles aux difficultés qu’il y aurait à le réaliser, notamment en termes financiers ?

Dans le cadre de la prévention, ne conviendrait-il pas de prévoir une domiciliation bancaire avec autorisation pour chaque souscription d’un crédit à la consommation ? En cas de difficulté, une association telle que Crésus pourrait intervenir.

Ne conviendrait-il pas enfin d’encadrer les coûts relatifs aux incidents de remboursement ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Quels seraient les identifiants de ce fichier positif ? Quelles informations contiendrait-il et qui le consulterait ?

M. le président François Brottes. Je tiens à rappeler que le projet de loi ne comprend pas encore le fichier positif, qui y figurera par voie d’amendement gouvernemental.

M. Michel Lefait. Madame Palle-Guillabert, le texte présenté par le Gouvernement prévoit de confier le contrôle de l’application du dispositif à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Toutefois, la densité et le peu de sévérité de la procédure – injonction et amende administrative – risque de la rendre inopérante. Quel est le point de vue de l’ASF sur le sujet ?

La réserve du Conseil d’État sur le fichier positif a obligé le Gouvernement à revoir ses prétentions initiales en la matière. La fédération Crésus manifeste un engouement bien connu sur le sujet. Toutefois, en dépit des nombreux arguments qui militent en faveur de ce dispositif, plusieurs interrogations subsistent. Comment s’assurer de l’effectivité de la consultation du registre national des crédits par les établissements de crédit ? Quelles sanctions mettre en place en cas de non-consultation ? La CNIL, lors de son audition, a rappelé la nécessité d’éviter toute consultation du fichier à des fins commerciales : elle prône des sanctions pénales. La fédération Crésus soutient-elle une telle proposition ?

M. Laurent Grandguillaume. Les zones grises de la loi Lagarde ne diminuent en rien les avancées qu’elle a permis de réaliser : c’est tout le sens du projet de loi que d’effacer ces zones grises. La question posée par le registre national des crédits  est celle de la proportionnalité entre le nombre de cas de surendettement à résoudre et le nombre de personnes qui seraient inscrites dans le fichier.

Le seuil de 1 000 euros doit-il être modifié en fonction du montant moyen des achats ?

Quel bilan tirer du dispositif des hypothèques rechargeables, qui peut paraître excessif au regard de ses conséquences éventuelles pour le consommateur ? Fait-il l’objet de dossiers de surendettement ?

Mme Françoise Palle-Guillabert. Il faut tout d’abord savoir que si l’encours moyen de surendettement des Belges est inférieur à celui des Français, c’est tout simplement parce que les bases de son calcul ne sont pas les mêmes. En France, pour calculer l’encours de surendettement, on prend en compte toutes les dettes : dettes financières, dettes de loyers, dettes fiscales, etc. En revanche, les Belges ne comptabilisent que les dettes financières. Il est donc logique que le volume moyen d’un dossier de surendettement soit plus élevé en France qu’en Belgique.

S’agissant de l’offre alternative, la mesure prévue dans le projet de loi paraît à l’ASF redondante avec l’avis du CCSF du 15 novembre 2012, dans le cadre duquel les établissements de crédit ou les intermédiaires de crédit présentant une offre de crédit renouvelable se sont engagés, devant les associations de consommateurs, à accompagner systématiquement une telle offre d’une proposition alternative de contrat de crédit amortissable – l’engagement est effectif depuis le début de l’année 2013.

Le texte de loi prévoit que l’offre alternative devra être présentée à compter d’un seuil fixé par décret – il est actuellement établi à 1 000 euros. Plusieurs organisations de consommateurs souhaitant le baisser, j’appelle votre attention sur le fait qu’il n’existe pas nécessairement d’offre de crédit amortissable pour des montants inférieurs à 1 000 euros. Les banquiers eux-mêmes accorderont-ils un prêt personnel pour de tels montants ? Le montant moyen de l’achat à crédit sur le lieu de vente, qui s’élève à 240 euros, est à mettre en regard avec le coût d’un dossier de crédit qui est de l’ordre de 80 euros.

S’agissant de la déliaison, un engagement a également été négocié dans le cadre du CCSF avec les représentants du grand commerce et les financiers. Cet engagement, qui prévoit que tout consommateur aura le choix entre une carte de fidélité avec crédit et une carte de fidélité sans crédit, sera effectif à la fin de l’année 2013, afin de laisser le temps aux enseignes de la grande distribution d’adapter leurs systèmes d’information.

Convient-il d’encadrer les taux d’intérêts du crédit renouvelable ? Je rappelle qu’il existe en France une législation sur l’usure, ce qui n’est pas le cas de tous les pays européens – ce sujet est régulièrement débattu à Bruxelles. Or la toute dernière disposition de cette législation, modifiée dans le cadre de la loi de 2010, est entrée en application en avril 2013, à la fin d’une période transitoire placée sous l’autorité du gouverneur de la Banque de France et d’un comité de vigilance auquel étaient associés des parlementaires. Les taux de tous les crédits à la consommation sont désormais identiques, quelle que soit leur nature. Il ne convient donc pas de les encadrer davantage encore.

S’agissant de la vérification de la solvabilité de l’emprunteur, la loi de 2010 prévoit qu’au-delà de 3 000 euros des justificatifs sont exigés. La liste, qui a été fixée par décret, comprend des justificatifs d’identité, de revenus et de domicile. De nombreux établissements les exigeant déjà, cette disposition n’a fait l’objet d’aucune remontée, ni de la part des associations de consommateurs, ni de la part des adhérents de l’ASF.

Oui, la DGCCRF est efficace. Je vous rappelle qu’elle contrôle régulièrement l’application des différentes mesures auxquelles sont astreints les établissements de crédit. Elle a commencé de le faire après la mise en application de la loi de 2010 et ses premiers contrôles ont fait l’objet d’un rapport, qui a été présenté au CCSF devant les organisations de consommateurs, qui procèdent, de leur côté, à leurs propres tests. De plus, le projet de loi renforce encore les pouvoirs de la DGCCRF, puisque celle-ci aura désormais la possibilité de conduire des enquêtes mystères. N’oublions pas non plus que l’Autorité de contrôle prudentiel vérifie de son côté, dans le cadre de ses contrôles de commercialisation, la bonne application de la loi.

Une question a porté sur l’opportunité de faire signer les deux conjoints lors de la souscription d’un crédit à la consommation, l’un des deux pouvant à l’heure actuelle endetter le ménage sans prévenir l’autre. Conviendrait-il alors d’obliger les deux conjoints à faire l’achat ensemble ou de prévenir le conjoint absent ? Aucune solution n’a été trouvée dans le cadre de la loi de 2010.

Faut-il améliorer l’information préalable du consommateur qui envisage de souscrire un crédit ? Il ne faut pas oublier qu’en raison des différentes interventions du législateur dans un laps de temps relativement court, le contrat de crédit fait désormais trente-sept pages et demande à l’emprunteur sept signatures. Est-il judicieux d’alourdir encore l’information préalable alors que je ne suis même pas certaine que le consommateur lise déjà ces trente-sept pages ? Pour rendre la prévention vraiment efficace, il faudrait commencer par améliorer l’éducation financière et budgétaire des Français, qui est insuffisante. Cela pourrait se faire dans le cadre scolaire. L’ASF participe quant à elle activement aux travaux de l’Institut pour l’éducation financière du public, aux côtés de la Banque de France, des organisations de consommateurs ou de journalistes.

Enfin, l’ASF est neutre sur la question du registre national du crédit, pour la simple raison que ses adhérents sont profondément divisés à la fois sur l’opportunité et les modalités d’un tel fichier. Aucun consensus n’a pu être dégagé en dépit de nombreuses discussions sur le sujet.

C’est pourquoi je vous donnerai de manière objective les arguments des « pour » et des « contre », afin de vous laisser seuls juges.

Pour les opposants au projet, un fichier qui ne comporterait pas les crédits immobiliers – le projet aménagé par le Gouvernement à la suite de l’avis du Conseil d’État irait en ce sens – donnerait une vision très partielle de l’endettement.

De plus, un fichier comportant tous les crédits inscrirait 25 millions d’emprunteurs tandis qu’un fichier qui ne mentionnerait que les crédits à la consommation comporterait encore entre 12 et 15 millions d’inscrits. Ces chiffres sont à rapporter au nombre de surendettés actifs, à savoir 15 000. Au regard du principe de proportionnalité, l’efficacité du fichier serait donc de 1 pour 1 000.

Ce fichier contribuerait enfin à véhiculer une très mauvaise image du crédit à la consommation sans pour autant permettre d’atteindre l’objectif poursuivi. En effet, s’il ne donnait qu’une image partielle de l’endettement d’un particulier, il ne pourrait pas améliorer la prévention du surendettement par une meilleure analyse de la solvabilité.

Pour les partisans du projet, l’absence des crédits immobiliers n’est pas un inconvénient du fait que le prêteur ne dispose pas non plus des montants des loyers : dans les deux cas, il ne connaît donc pas la fraction de son budget que l’emprunteur consacre à se loger.

Par ailleurs, le projet aménagé par le Gouvernement limite les coûts d’un tel fichier pour les établissements et donc pour les souscripteurs.

Enfin, c’est un compromis raisonnable et nécessaire au regard des finalités du fichier.

Le seul consensus sur la question au sein de l’ASF porte sur les deux points suivants. D’une part, l’identifiant doit être disponible sur le lieu de vente afin de permettre la consultation du fichier en ligne. D’autre part, les professionnels qui ont travaillé sur ce fichier, notamment dans le cadre du comité de préfiguration présidé par Emmanuel Constans, souhaiteraient être consultés sur la version qui sera proposée au Parlement.

M. le président François Brottes. Il ne faut pas oublier non plus que l’accumulation de crédits peut faire dépasser le seuil.

M. Pierre Bocquet. Les établissements de crédit participent à toutes les commissions de surendettement pour trouver des solutions mais c’est au quotidien, c’est vrai, que les clients s’efforcent eux aussi d’en trouver. Je crains toutefois que l’existence d’un tel fichier ne puisse en rien résoudre les problèmes liés au déséquilibre structurel d’un budget.

Nous avons participé activement à la Conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, notamment dans le groupe de M. François Soulage, ce qui nous a permis de rendre publiques différentes propositions.

On ne peut opposer l’intérêt des banques à celui de leurs clients avec lesquels les banques sont souvent en relation de très long terme. Les uns comme les autres ont intérêt à ce que le crédit soit remboursé dans les meilleures conditions. L’objet d’un crédit n’est évidemment pas de pallier un manque structurel de ressources.

S’agissant de l’organisme de contrôle allemand, il faut savoir qu’entre 30 % et 40 % des données de la Schufa ne sont pas fiables. De plus, la plupart des fichiers positifs n’ont pas été créés en vue de lutter contre le surendettement. La France peut être fière d’être un des rares pays au monde à avoir adopté des dispositifs législatifs visant à lutter contre le surendettement. Quant à la Belgique, si elle s’est inspirée de la loi Neiertz pour encadrer sa lutte contre le surendettement, son fichier, comme Mme Palle-Guillabert l’a rappelé, ne comporte pas la totalité des dettes de l’emprunteur : une fois corrigé, l’encours serait sensiblement le même. De plus, ce fichier ne s’est pas révélé très efficace. Si on a assisté en Belgique à une augmentation de l’endettement moyen de 46 %, le nombre d’emprunteurs n’a pas augmenté dans les mêmes proportions – de 3,8 % seulement. Le fichier positif belge n’a donc conduit qu’à alourdir l’endettement des personnes qui avaient déjà souscrit un crédit. Je ne vois pas du reste comment un fichier positif peut inciter des personnes qui ne sont pas emprunteurs à accéder au crédit. Il convient plutôt d’améliorer l’analyse de la solvabilité notamment des consommateurs dont le parcours professionnel est haché. Une étude de la Banque de Belgique a révélé un lien structurel entre les impayés récurrents de téléphonie mobile et les impayés de crédit. Sommes-nous également capables en France de mener à bien une réflexion visant à dégager de nouveaux indicateurs prédictifs ? Il convient en effet de ne pas attendre les premiers incidents de crédit pour réagir, du fait que, l’expérience nous le montre, l’incident de crédit arrive très tardivement. Les consommateurs préfèrent auparavant jongler avec leurs dettes, par exemple en commençant à ne plus payer leur loyer ou à le payer en liquide, car ils savent qu’un défaut de remboursement provoque une réaction immédiate de l’établissement créditeur.

La Cour des comptes et le Comité de préfiguration du fichier positif ont rendu les mêmes conclusions : avant de créer un fichier positif, il convient de conduire une étude documentée sur son impact, ce qui permettra de répondre à la question de sa proportionnalité. Le rapport du Sénat a refusé lui aussi de conclure sur la question de l’efficacité d’un tel fichier, en l’absence d’exemple probant venu de l’étranger. Ce n’est pas le moment de faire des dépenses inutiles.

L’accompagnement doit être à la fois préventif et curatif, d’autant que, dans de nombreux cas, nous avons affaire à des personnes désocialisées, que ce soit sur le plan familial ou sur celui de l’emploi, qui ont de grandes difficultés à gérer leur quotidien. Je tiens à saluer le travail d’accompagnement exemplaire mené par des associations comme Crésus – elle n’est pas la seule. Se contenter d’effacer les dettes ne résout en rien les problèmes structurels des ménages qui doivent tout simplement apprendre à gérer un budget.

Convient-il de faire signer les deux conjoints lors de la souscription d’un crédit à la consommation ? La question, qui avait déjà été soulevée à l’occasion de l’examen de la loi Lagarde, n’avait pas trouvé de réponse. Une telle disposition poserait de gros problèmes pratiques tout en étant en contradiction avec le code civil, puisqu’elle ne serait pas étendue à la souscription de toutes les dettes. Peut-être conviendrait-il d’améliorer la procédure de la fiche de dialogue, dont la signature par l’emprunteur ne prête pas à conséquence en cas de déclaration erronée. Ne faudrait-il pas prévoir d’éventuelles incidences pour le signataire dont la déclaration serait manifestation erronée ?

L’établissement d’un tel fichier ne conduirait-il pas également à accréditer l’idée que les Français qui souscrivent un crédit à la consommation sont obligatoirement des menteurs ou que les établissements de crédits et les banques ne font pas leur travail en matière d’analyse de solvabilité ? Ce serait d’autant plus regrettable que, je le répète, l’origine du surendettement ne réside pas dans l’octroi des crédits.

Dans le cadre de la Conférence nationale contre la pauvreté, nous avons proposé la création, au plan départemental, avec les acteurs qui le souhaiteraient, de « points conseil budget » sous forme de guichets uniques. Il convient également de former les acteurs sociaux qui ignorent trop souvent les solutions financières ou bancaires existantes. Il n’existe en effet à l’heure actuelle dans le cursus des acteurs sociaux aucune formation aux questions financières, budgétaires et bancaires. Une mobilisation générale sur le sujet est nécessaire. Il convient également d’enrichir les indicateurs du FICP : j’ai évoqué les dettes de téléphonie mobile. D’autres indicateurs avancés de dégradation pourraient servir à l’allumage de feux verts, orange ou rouges. Toujours dans le cadre du FICP, la Banque de France pourrait aussi procéder à des études qualitatives ouvrant sur une connaissance plus approfondie de la situation réelle des débiteurs en défaut de paiement.

Je tiens à le répéter, lutter contre le surendettement est l’intérêt partagé des établissements bancaires et de leurs clients. La Conférence nationale contre la pauvreté a permis de dégager des propositions dont l’efficacité serait plus pérenne que celle d’un fichier positif, un outil disproportionné aux yeux du Conseil d’État dont l’impact risque de se révéler bien décevant. Nous souhaitons pouvoir travailler avec vous dès que le Gouvernement aura rendu public son amendement sur le sujet.

M. le président François Brottes. Monsieur Bocquet, quel que soit le bord auquel ils appartiennent, les parlementaires ne prennent pas les Français pour des menteurs. En revanche, ils reçoivent dans leur permanence des personnes qui ont pu accumuler jusqu’à 100 000 euros de dettes en crédit renouvelable. Certes, c’est une minorité, mais leur situation peut tourner au drame. Comment se fait-il que des personnes qui ont déjà de très grosses dettes de loyer ou de cantine puissent souscrire de nouveaux crédits ? Il est vrai que le fichier positif ne résoudrait pas ce problème, mais il convient de trouver les moyens de responsabiliser l’emprunteur et le prêteur avant l’inscription du premier au FICP.

M. Jean Luc Vatin. De nombreux rapports et différentes enquêtes ont été évoqués – je n’y reviens pas. Je tiens toutefois à appeler votre attention sur l’enquête typologique publiée par la Banque de France : plus de 64 % des inscrits au FICP sont des personnes seules. Il est vrai aussi que le poids de l’immobilier est croissant, une étude l’a récemment démontré pour la région de Rennes, sans être toutefois uniforme sur le territoire national. De même, les dettes de loyers pèsent de plus en plus lourd dans les dossiers de surendettement, où apparaissent toutes les dettes, contrairement à la Belgique. La France est de ce fait le seul pays où le baromètre de l’endettement soit aussi précis et géré par une institution, la banque centrale, qui procède à des statistiques. Il ne s’agit évidemment pas d’opposer l’humain aux statistiques. Du reste la Banque de France a participé à la Conférence nationale contre la pauvreté et considère que l’accompagnement tant préventif que curatif est indispensable. Trop souvent, tant en amont qu’en aval, les emprunteurs sont laissés seuls. L’association Crésus fait un travail remarquable pour aider les personnes surendettées.

Je tiens également à rectifier un chiffre : l’endettement moyen des crédits à la consommation s’élève non pas à 30 000 mais à 20 000 euros. Quant au montant moyen des dettes de loyers, il tourne autour de 4 800 euros. Nous privilégions, en vertu de la loi, le règlement des problèmes de loyers lorsque demeurent des capacités de remboursement, ce qui est rarement le cas.

Je n’ai aucun chiffre sur les hypothèques rechargeables. D’ailleurs, un seul établissement en propose.

La Banque de France n’est pas favorable à la création d’un fichier positif pour différentes raisons. Déjà, en 1991, le député de la Drome, Roger Léron, avait rendu un rapport sur le surendettement qui préconisait l’instauration d’un tel fichier. Je tiens à vous rappeler que le Conseil d’État, la CNIL et la majorité des associations de consommateurs y sont opposés.

Les exemples étrangers ne sont pas probants, loin de là. Il s’agit en effet le plus souvent de grosses centrales gérées par des organismes privés – c’est notamment le cas de la Schufa ou de CRIF en Italie et aux États-Unis – qui recueillent un très grand nombre d’informations que notre conception des libertés publiques interdirait de recenser en France. La Schufa emploie 800 personnes tandis que la centrale canadienne en emploie 600, dont 200 délocalisées au Costa Rica. Quant à la centrale belge – une des rares centrales publiques –, elle n’a en rien empêché le surendettement ni même enrayé l’augmentation du nombre de contrats défaillants.

Il faudrait en outre ficher non seulement les souscripteurs mais également les consultations accordées par les établissements et leur chronologie, ce qui conduirait à la création d’un deuxième fichier pour connaître les établissements qui ont accordé le crédit de trop.

Le fichier devrait par ailleurs être accessible en ligne.

Pour être efficace, le fichier devrait aussi comporter les dettes de téléphone, de loyers ou de cantine, ce que ne prévoit pas, me semble-t-il, le projet gouvernemental. De plus, il coûtera très cher à la Banque de France et aux établissements bancaires, c'est-à-dire, in fine, aux clients.

M. le président François Brottes. Le surendettement ne coûte rien…

M. Jean Luc Vatin. Je n’ai pas dit cela ! Il coûte à la seule Banque de France 200 millions, sans oublier les autres établissements et son coût social. Mais précisément, pourquoi ajouter à ces coûts un coût supplémentaire avec la création d’un fichier inefficace, puisque l’excès de crédit n’est à l’origine que de 10 % des cas de surendettement ? Ne conviendrait-il pas plutôt d’améliorer l’accompagnement préventif ? D’autres moyens existent pour lutter contre le surendettement.

M. le président François Brottes. Qui les financera ?

M. Jean Luc Vatin. Ils devront naturellement être financés. Toutefois, le fichier coûtera plusieurs centaines de millions d’euros pour 10 000 à 15 000 cas annuels !

La gestion d’un tel fichier posera également des problèmes de faisabilité. Le comité de préfiguration, qui est composé d’experts, a conclu que la gestion d’un tel fichier dans le contexte français n’était réalisable que si le système d’identification disposait du numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP). L’identification en temps réel, que vous souhaitez, sera impossible et les difficultés d’identifications seront quotidiennes.

M. le président François Brottes. Vous êtes très pessimiste en termes de faisabilité.

M. Jean Luc Vatin. Un tel fichier sera très difficile à mettre en œuvre si nous voulons préserver toutes les libertés que la législation française garantit aux citoyens. La CNIL s’est plusieurs fois opposée à l’importation en France des systèmes allemand ou américain parce qu’elle les juge attentatoires aux libertés.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Ces arguments, qu’ils soient de bon sens ou d’ordre juridique, doivent naturellement être intégrés à notre réflexion. Du reste, la CNIL a autorisé le législateur à réfléchir à la création d’un autre identifiant que le numéro d’inscription au répertoire national (NIR), ce qui prouve que le recours au NIR ne se révèle pas indispensable.

Par ailleurs, les mêmes banques qui sont défavorables à la création d’un fichier positif, parce qu’elles sont très présentes sur le marché du crédit, ont consulté la CNIL il y a trois ans pour constituer un fichier positif qui concernait 30 % de leurs parts de marché. Ces trois opérateurs bancaires avaient alors d’autant moins considéré qu’un tel fichier coûtait trop cher ou était inutile qu’ils le mettent aujourd'hui en place à l’étranger, notamment au Maroc, à la demande de la banque mondiale. Ce qui est réalisé par le privé au Maroc peut l’être en France par le public.

M. Daniel Fasquelle. La loi Lagarde commençant tout juste à produire ses effets, restons prudents. De plus le découplage de la carte de fidélité et de la carte de crédit se révélera très utile. Ne faisons pas d’idéologie en la matière, sachons rester pragmatiques, d’autant que les exemples étrangers sont loin d’être probants et que la création d’un tel ficher coûtera très cher. En vaut-il la peine ? Je n’en suis pas convaincu. Je crains de plus les manipulations dont ce fichier pourrait être à l’origine, à l’instar de ce qui se passe en Allemagne, d’autant qu’il ne sera pas possible de le sécuriser complètement s’il comporte 25 millions d’inscrits. Si je vois bien les inconvénients ou les risques d’un outil aussi disproportionné, je n’en vois toujours pas les avantages. Contentons-nous d’améliorer la loi actuellement en vigueur.

M. Jean-Louis Kiehl. Je tiens à rappeler que le coût de la consultation du registre belge s’élève à 40 centimes d’euros. Une vie humaine vaut plus que 40 centimes ! Par ailleurs, en l’absence de vérification de solvabilité, le coût du risque serait multiplié par trois en Belgique.

Il serait plus simple de résoudre les problèmes d’endettement des familles monoparentales – le plus souvent des mères de deux enfants abandonnées par leur mari – si elles n’avaient souscrit qu’un ou deux crédits, et non pas cinq ou six comme c’est fréquemment le cas. Le surendettement ne fait qu’ajouter au drame de la séparation ou du chômage. L’instauration du registre du crédit est une nécessité, d’autant que le chiffre de 200 000 dossiers cache le nombre réel de personnes concernées, qu’il faut multiplier par trois au moins si on prend en compte les enfants qui souffrent eux aussi du surendettement de leurs parents : 600 000 personnes, c’est comme si une grande ville se trouvait rayée de la carte économique. Il faut à la fois responsabiliser les acteurs économiques et les emprunteurs.

Quant à la solution consistant à présenter les trois derniers extraits bancaires, ce serait une intrusion beaucoup plus importante dans la vie privée que l’inscription dans un registre.

Le montant moyen du surendettement est anormalement élevé en France par rapport à d’autres pays, y compris l’Allemagne. Qu’est-ce qui interdirait de prévoir des sanctions en cas d’utilisation abusive du fichier, notamment au profit des bailleurs sociaux ? Il faut savoir que les ménages, en raison de la législation qui protège les locataires, cessent de payer leurs loyers pour continuer de rembourser leurs crédits.

Le jour où l’ensemble des acteurs économiques auront à leur disposition le même instrument de vérification qui leur évitera d’accorder le crédit de trop, le coût du risque diminuera et le crédit sera moins cher. C’est un projet d’avenir. Allez jusqu’au bout. Mme Lagarde savait que sa loi était inachevée – j’ai eu l’occasion d’évoquer le sujet avec elle.

M. Pierre Bocquet. Tout d’abord, la loi Lagarde n’ayant pas encore produit tous ses effets, la majorité des dossiers de surendettement concerne des crédits souscrits antérieurement à la mise en application de cette loi. Il faut savoir que le stock de crédit renouvelable ne sera soumis dans son ensemble à la nouvelle configuration en termes de limitation de durée qu’à compter du 1er janvier 2014.

Le fichier positif ne résoudra en rien le problème des mères de famille abandonnées avec leurs enfants par leur conjoint, puisque le couple n’était pas encore séparé lorsque les contrats de crédit à la consommation ont été souscrits. Faudrait-il anticiper un éventuel divorce – il y en a, selon les régions, de 30 % à 50 % – pour mesurer la solvabilité des emprunteurs au moment de la souscription ?

Je rappellerai aussi que la France a les taux de crédit à la consommation et de risque les plus bas d’Europe et le taux d’épargne le plus élevé avec l’Allemagne.

Les associations de consommateurs qui sont défavorables au fichier positif souhaitent limiter les sollicitations commerciales, que ce soit dans les boîtes aux lettres, à la télévision ou sur internet. Le fichier positif ne serait efficace que si le problème du surendettement était lié à l’octroi du crédit à la consommation.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur Kiehl, il n’y a pas, d’un côté, ceux qui seraient pour le fichier positif parce qu’ils se préoccuperaient des difficultés de leurs concitoyens et, de l’autre, ceux qui y seraient défavorables parce qu’ils seraient indifférents Je suis aussi sensible que vous aux difficultés des ménages surendettés que je reçois dans ma permanence. J’ai toutefois le droit de m’interroger sur l’efficacité, la pertinence et les éventuels effets pervers des moyens que nous envisageons de mettre en œuvre. L’enfer est pavé de bonnes intentions. Certaines des lois que nous avons adoptées se sont parfois retournées contre ceux que nous voulions protéger.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. La baisse de la production de crédit depuis 2009 est inférieure en France de 25 % à la moyenne européenne sans qu’on puisse conclure à un effet de la loi Lagarde, dont l’application est trop récente. C’est pourquoi, évitons tout malentendu : le projet de loi conservera toutes les mesures bénéfiques de la loi 2010, se contentant de rajouter d’autres mesures, comme la création du fichier positif.

M. le président François Brottes. Je vous remercie, madame et messieurs.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 28 mai 2013 à 17 h

Présents. – Mme Brigitte Allain, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Michèle Bonneton, M. Dino Cinieri, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, Mme Pascale Got, M. Razzy Hammadi, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Alain Marc, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter

Excusés. – M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel

Assistait également à la réunion. – M. Laurent Grandguillaume