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Commission des affaires économiques

Mercredi 5 juin 2013

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 85

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, sur la transition énergétique.

La commission a auditionné Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, sur la transition énergétique.

M. le président Francois Brottes. L’actualité commande d’évoquer le rapport de la Commission de régulation de l’énergie, rendu public ce matin, sur les coûts de production et de commercialisation d’EDF. Mais cette audition s’inscrit, Madame la ministre, dans une démarche plus globale, celle de la réflexion sur la transition énergétique de notre pays. Il est désormais temps que le Parlement entre progressivement dans les débats. La Commission des affaires économiques a organisé des auditions sur le sujet, et a décidé de la création d’un groupe de travail qui sera chargé de proposer sa propre vision de la transition énergétique pour notre pays.

Revenons tout de même au rapport de la CRE, selon lequel les tarifs payés par les consommateurs ne couvrent pas les coûts supportés par l’entreprise EDF. Cette dernière constituera l’un des moteurs incontournables de la transition énergétique. C’est pourquoi il faut bien s’attacher à examiner la lettre du rapport, sans perdre de vue d’autres éléments qui manquent dans l’analyse. Depuis l’année 2000, les tarifs auraient baissé en euros constant, et les retards successifs dans leur ajustement expliquent qu’aujourd’hui la marche soit plus haute à franchir. Ajoutons que l’ouverture à la concurrence a obligé EDF à mener une activité commerciale plus importante qu’auparavant, ce qui a un impact sur ses coûts, sans oublier l’obligation de séparation entre EDF et ERDF qui a elle aussi engendré des dépenses supplémentaires. Le rapport évoque l’impact des certificats d’économie d’énergie, qui représentent une somme très importante. N’oublions pas la montée en puissance de la CSPE ainsi que la nécessité de réinvestir dans les réseaux, qui pousse le TURPE à la hausse. M. Proglio serait le 330ème salaire de son entreprise, ce qui laisse imaginer qu’il existe des coûts internes sur lesquels il existe des marges de manœuvre, même si elles demeurent marginales. Enfin, les problématiques propres au nucléaire – la fermeture de Fessenheim, la mise en œuvre des prescriptions post-Fukushima, etc. –, tout comme celles sur le partage de la rente hydraulique ont toute leur importance.

L’ensemble de ces éléments m’amène à la question suivante, Madame la ministre : ne sommes-nous pas dans une impasse ? Un acteur central soumis à diverses pressions, des consommateurs dont le pouvoir d’achat est mis à mal, ce sont autant d’ingrédients qui nous poussent à craindre que le modèle actuel soit menacé. Ces interrogations reflètent, je le pense, les inquiétudes de l’ensemble des commissaires.

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Je vous remercie de cette audition, qui constitue le complément du débat national sur la transition énergétique, auquel je souhaite depuis le début que le Parlement soit pleinement associé, dans les travaux du conseil national du débat, mais aussi par des interactions avec les commissions parlementaires. Le rapport de la Commission de régulation de l’énergie se situe dans la continuité du rapport qu’elle avait déjà rendu sur la hausse prévisible des coûts de l’électricité dans les prochaines années, ainsi que de celui du Sénat.

Face à ce constat, le statu quo n’est pas une option dans la politique énergétique de la France. Le Président de la République a pris la décision de l’organisation du débat national, porteur de nombreux enjeux : environnement, rééquilibrage de la balance commerciale, capacité à atteindre les engagements européens en matière de réduction de la consommation d’énergie, etc. Au niveau européen aussi, la nécessité de définir une politique énergétique nouvelle fait désormais l’objet d’un consensus.

Le débat national est dans une phase pré-conclusive. La journée citoyenne du 25 mai a été un franc succès : c’est la première fois qu’était organisé un débat sur l’énergie à cette échelle – 14 régions étaient concernées simultanément – selon une méthode de démocratie participative. À cette occasion, les citoyens nous ont bien souligné qu’ils entendaient que les enjeux économiques et écologiques soient abordés conjointement et que la transition énergétique constituait une réelle opportunité pour la France. Nous aurons, le 8 juillet, le compte rendu des débats territoriaux ; je voudrais d’ailleurs saluer l’engagement des régions et des collectivités territoriales en général, qui se sont beaucoup investies. Les acteurs économiques et les entreprises ont également participé pleinement, parmi lesquelles EDF, mais bien d’autres encore. Les groupes de travail ont donné lieu à des documents sur le financement ou encore la compétitivité économique – ce dernier sous la direction de M. Denis Baupin, ici présent, et de M. Vincent Mages, qui se sont accordés sur 17 propositions communes. La réflexion sur la compétitivité industrielle a fait émerger un consensus sur la nécessité de mettre en place un cadre spécifique pour les activités énergo-intensives soumises à une forte concurrence internationale. Enfin, en matière de gouvernance, si les débats ne sont pas encore terminés, tout l’enjeu est de définir un équilibre entre le modèle national, construit autour de la notion de péréquation tarifaire, et l’implication croissante des territoires. Cela signifie également l’évolution d’un certain nombre de modèles, notamment le soutien aux énergies renouvelables. L’autoconsommation pourrait par exemple constituer une piste vers l’allègement de la CSPE, que vous avez évoquée M. le président.

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) est dans son rôle lorsqu’elle vérifie l’ensemble des coûts de production et de commercialisation qui entrent dans le calcul des tarifs réglementés de vente. Son président sera auditionné dans le cadre du débat national, sans doute votre Commission souhaitera en faire de même.

Il y a indéniablement une hausse des coûts supportés par EDF. Sur la période 2007-2013, les coûts commerciaux expliquent 11% de cette hausse, les charges variables d'exploitation 35% et les charges fixes d'exploitation 36%. Pour la seule année 2013, les dépenses d’investissement sur le parc nucléaire passent de 4,3 à 6 milliards d’euros. Les charges fixes d’exploitation se répartissent entre rémunération du personnel, impôts et taxes. Les charges variables sont en augmentation du fait de la hausse du prix du combustible nucléaire, mais aussi du fait des achats d’électricité sur le marché – ce qui illustre le coût de la non-maîtrise de la consommation et de la pointe. Enfin, il y a une hausse liée aux combustibles fossiles. S’agissant des certificats d’économie d’énergie, ils sont responsables de 3% de la hausse, sans oublier les impayés, qui représentent 1% des évolutions sur la période 2007-2013. Leur explosion récente justifie d’ailleurs totalement les mesures contenues dans votre proposition de loi, Monsieur le président, destinées à lutter contre la hausse de la précarité énergétique.

Enfin, il y a indéniablement un problème de pouvoir d’achat, ce qui a poussé le Premier ministre à affirmer, à la sortie du Conseil des ministres, qu’il était hors de question de supporter une hausse de 14 à 17% du prix de l’électricité sur deux ou trois ans. La décision tarifaire du gouvernement sera rendue au mois de juillet. Mais cette situation résulte aussi d’un sous-investissement manifeste dans le parc nucléaire au cours des dernières années.

Le Gouvernement rendra ses décisions tarifaires en juillet prochain mais il reste important de définir une trajectoire tarifaire au-delà de 2013. Permettez-moi de souligner qu’une partie des coûts actuels s’explique par les efforts de rattrapage qui ont été engagés à la suite du sous-investissement constaté dans le parc nucléaire, au cours des années précédentes. Ce sous-investissement, auquel s’ajoute la nécessité d’investissements « post Fukushima », sont à l’origine de la situation actuelle.

M. Patrice Prat. Je tiens à remercier la ministre pour le débat national qui a été engagé sur le sujet majeur que représente la transition énergétique, dont l’écho est encore modéré dans l’opinion, mais qui est indispensable pour définir les contours d’un modèle de société reposant sur la sobriété énergétique, un nouveau « mix énergétique » et le développement des énergies renouvelables. Vous ne vous étonnerez pas que la Commission des affaires économiques se préoccupe également des questions d’emploi, de compétitivité ainsi que de nos intérêts stratégiques dans un contexte certes difficile, mais dans lequel la transition énergétique peut aussi constituer une chance de redressement économique. Je salue la méthode qui a été retenue d’un élargissement de la consultation à un très grand nombre d’acteurs citoyens, économiques et territoriaux – notamment les régions, dont certaines constituent un véritable creuset d’expérimentations intéressantes. Certains peuvent faire grief aux parlementaires de ne pas être suffisamment actifs à ce stade mais ils sont associés à ces réflexions via un collège qui n’a pas vocation à préempter le débat. Il importe de favoriser la remontée d’informations, sans dévoyer la philosophie de la consultation. Je constate, par ailleurs, qu’il n’y a pas de sujets tabous : les « pro » comme les « anti » nucléaire ou gaz de schiste s’expriment librement, ce dont on ne peut que se féliciter.

Permettez-moi de poser maintenant quelques questions, en particulier sur le calendrier : à quel moment l’examen parlementaire du projet de loi relatif à la transition énergétique pourrait-il avoir lieu ? En ce qui concerne l’énergie nucléaire, l’accent doit être mis sur l’énergie de demain en favorisant notamment les techniques de gestion des déchets et en rassurant certains territoires qui expriment une inquiétude légitime. A cet égard, pourriez-vous faire un point sur la centrale de Fessenheim ? S’agissant du développement des énergies renouvelables, dispose-t-on d’une estimation précise de ses retombées potentielles en termes d’emplois, en particulier dans les services ? Enfin, le cadre européen me paraît le plus pertinent pour parvenir effectivement à ancrer un nouveau modèle énergétique et je souhaiterais connaître les perspectives et les conditions de développement d’une « communauté européenne » de l’énergie ?

M. Antoine Herth. En écho aux réflexions qui ont été faites sur le rapport que la CRE vient de rendre public, le coût de l’énergie électrique représente effectivement un facteur de compétitivité pour notre pays et je rejoins les propos de la ministre sur la nécessité de déterminer une trajectoire tarifaire pour les prochaines années. Il s’agit d’une question centrale et nous devons mesurer jusqu’où les Français et les entreprises accepteront d’aller. Permettez-moi d’exprimer une préoccupation non pas sur le volet « consommation » des attributions de notre commission mais davantage sur le volet « production ». Il existe une tentation forte de faire le procès des choix effectués par l’ancienne majorité sur le nucléaire mais, à aucun moment, cette dernière n’a touché à ce levier majeur pour notre pays. L’objectif affiché de réduire la part du nucléaire de 75 % à 50 % dans notre production électrique s’accompagne d’une forme de fébrilité du groupe majoritaire sur certains sujets comme l’énergie éolienne ou l’installation de panneaux photovoltaïques.

Or, ces décisions ont des effets « papillon » sur les coûts de production sur lesquels il convient d’être attentif. Enfin, je le répète – sans agressivité – mais nous avons perdu un an : le débat de « cadrage général » que nous avons aujourd’hui aurait dû avoir lieu il y a un an, au lieu de commencer par la question du modèle de tarification, sur un registre qui, de surcroît, était culpabilisant pour les Français. L’initiative du débat actuel est une initiative intéressante comme j’ai pu le constater à Strasbourg, au niveau du Conseil régional d’Alsace, et fournit un « miroir » important pour les décideurs publics. Une bonne surprise est effectivement de constater une prise de conscience des citoyens sur les enjeux de la transition énergétique dans notre pays. Dans la mesure où ce débat apporte de bons matériaux, on peut néanmoins regretter qu’il ne soit organisé que dans 14 régions sur 22. Enfin, je tiens à rappeler que, si EDF représente effectivement un acteur majeur, il ne faut pas pour autant négliger le rôle de distributeurs non nationaux qui sont autant de « petits poucets » de la distribution électrique, véritables réservoirs d’initiatives originales grâce à leur proximité avec les collectivités territoriales. Sur ce sujet important de la transition énergétique, l’opposition travaillera dans un esprit constructif, comme nous l’avons fait lorsque nous étions majoritaires.

M. le président François Brottes. La loi de 1946 nous oblige à ne pas oublier de citer Grenoble, Strasbourg, Bordeaux, et quelques autres. J’ai bien compris que vous n’adressiez pas à notre Commission le reproche de ne pas avoir abordé suffisamment tôt ces questions puisque nous avions institué des « jeudis de l’énergie » qui ont rencontré le succès modeste des réunions du jeudi… En tout cas, je note la forte mobilisation des élus alsaciens sur ces sujets, sur le terrain, comme au sein de notre commission.

M. Denis Baupin. Je rejoins les différents propos qui viennent d’être tenus sur le débat en cours et les enseignements que l’on peut tirer de six mois de discussion. En premier lieu, comme l’a indiqué la ministre, le statu quo ne constitue effectivement pas une option. J’ajoute que nous avons le choix de différentes trajectoires énergétiques. Certes, aucune n’est simple mais, au moins, nous avons cette capacité qui nous est offerte quant aux différentes orientations stratégiques. Je partage par ailleurs le constat qui a été dressé d’un consensus sur la question de l’efficacité énergétique de la part de tous les acteurs, même si les horizons retenus diffèrent. Une grande majorité d’acteurs partage l’idée, que vous avez exprimée madame la Ministre, que le facteur 4 en matière d’émission de gaz à effet de serre équivaut à un facteur 2 en matière de réduction de la consommation énergétique à l’horizon 2050. C’est d’ailleurs l’objectif qui a été retenu par plusieurs pays, dont l’Allemagne et la Grande-Bretagne. En second lieu, le soutien aux énergies renouvelables nécessite un choc de simplification pour favoriser le développement de ces énergies. Enfin, il existe un accord sur le fait que la transition énergétique ne peut se faire contre la compétitivité économique et la justice sociale. Ce constat constitue un élément important du rapport – que j’ai rédigé avec Vincent Mages et que je vous remercie d’avoir cité – qui souligne la nécessité de protéger certains industriels « énergo-intensifs » et, dans le même temps, de faire de la transition énergétique un levier pour notre compétitivité car il y a matière, en fonction des choix qui seront faits, de promouvoir les énergies vertes.

J’ajoute que quel que soit le scénario retenu, une réduction de la consommation énergétique est nécessaire et chacun s’accorde à reconnaître que notre économie y sera, de toute façon, gagnante en dépit de certains investissements de départ qui s’imposeront. La question qui se pose aujourd’hui est celle des critères de nos choix. Pour ma part, j’en retiens deux : tout d’abord, l’emploi. Nous devons privilégier les choix intensifs en emplois. Ensuite, je retiens la robustesse et c’est là que nous rejoignons un sujet qui fait divergence entre nous, à avoir le nucléaire. Le débat et les auditions de l’Autorité de sûreté nucléaire montrent que nous sommes dans une impasse sur la poursuite du nucléaire ainsi que sur l’évaluation des coûts. Sur ce dernier point, le rapport de la CRE met d’ailleurs « les pieds dans le plat ». Il existe, en effet, une distorsion entre la réalité du prix – qui, en France, est réglementé – et celle du coût du nucléaire. C’est en réalité le prix de l’électricité d’origine nucléaire qui est favorable à l’industrie, pas son coût dans lequel devraient être intégrées les dépenses de développement des réseaux, de gestion des déchets, de recherche – financées par l’État - et de démantèlement des centrales – question sur laquelle la Cour des comptes s’est récemment prononcée. Car, une question est également de savoir ce qu’on fait ensuite des installations nucléaires : quelle est leur durée de vie ? 30 ou 40 ans ? Quel référentiel privilégie-t-on ? L’autorité de sûreté ne s’est prononcée que sur une durée de vie à 30 ans, centrale par centrale ; au-delà, le référentiel n’existe pas. On ne sait pas si un référentiel à 40 ans est souhaitable – vous connaissez mon opinion -, voire possible et à quelles conditions de coût ? Tout cela doit être chiffré, ce qui démontre l’impasse dans laquelle nous sommes pour penser l’avenir énergétique de la France. Et ce d’autant que rien n’a été provisionné pour les installations nucléaires existantes, que ce soit pour les prolonger (renforcement) ou pour les remplacer (quelles options ? ). Toutes ces questions sont devant nous. J’en termine pour dire que le choix qui a été fait par le Gouvernement de réduire cette incertitude et cette vulnérabilité consistant à dépendre à près de 78 % du nucléaire pour notre production d’électricité est un choix qui s’impose à nous et que l’objectif de réduire la part de l’énergie nucléaire à 50 % de la production en 2025 est indispensable. Ce choix nous permettra de réduire une vulnérabilité soulignée par l’Autorité de sûreté nucléaire elle-même et d’être plus robustes demain.

M. André Chassaigne. Le Conseil constitutionnel a censuré la principale mesure de la loi du président Brottes sur le dispositif de bonus-malus sur l’argumentation que le principe d’égalité devant les charges publiques n’avait pas été respecté car les consommations professionnelles n’étaient pas incluses dans le dispositif. C’était en effet un des problèmes majeurs du texte, avec la complexité et l’inégalité qu’il était susceptible de créer entre les territoires et les ménages.

Le Conseil a également dénoncé l’application du bonus-malus pour les particuliers vivant dans des immeubles collectifs « pourvus d’installations communes de chauffage » et, par conséquent, impossibles à régler de manière individuelle. J’avais, durant les débats, dénoncé la situation que ne manquerait pas de créer l’absence de réel levier de pression pour les locataires.

Encore hier, j’ai eu connaissance d’une personne âgée, locataire, dans un immeuble très mal isolé, qui venait de se faire couper l’électricité pour une facture impayée de 1 500 euros de consommation pour l’année, qu’elle était dans l’incapacité de régler, alors qu’elle n’a aucun moyen de pression pour faire changer par son propriétaire son installation de chauffage.

Aussi, ma première question : vous avez annoncé suite à cette censure « ne pas renoncer à une tarification vertueuse et responsable de l’énergie », laquelle trouverait place, à travers « une solution juridiquement solide », dans « projet de loi de programmation sur la transition énergétique. Quel dispositif envisagez-vous et avec quels objectifs en terme de réduction des consommations ?

La question du plan de rénovation des logements est directement liée à la précédente.

La maîtrise de la consommation énergétique des logements est une priorité d’action puisque le secteur résidentiel représente environ 40 % des consommations énergétique en France. Le parc ancien représente 30 millions de logements. Le plan d’investissement pour le logement prévoit de rénover 500 000 logements par an d’ici 2017, avec des guichets uniques et des ambassadeurs de l’énergie pour accompagner notamment les ménages précaires. Le Grenelle de l’environnement ambitionnait déjà de rénover 400 000 logements par an, mais dans la réalité ce sont seulement 120 000 logements qui sont effectivement rénovés, dont 25 000 logements sociaux.

Pour 2014, l’objectif du nouveau plan est fixé à 270 000 logements rénovés. Le Gouvernement propose une nouvelle aide de 1 350 euros par opération pour les ménages dont les revenus annuels n’excèdent pas 35 000 euros qui s’ajoutera aux dispositifs existants (crédit d’impôt développement durable, aides Anah et éco PTZ).

Or, selon un rapport du CESE, le coût de la rénovation énergétique d’un logement va de 20 000 à 30 000 euros. Soit entre 10 milliards et 15 milliards d’euros par an, pour 500 000 rénovations. Les aides de l’État : une enveloppe de 500 millions d’euros. De très nombreuses associations, ONG, et personnes ressources du secteur de l’énergie et du bâtiment ont souligné l’extrême insuffisance des moyens consacrés par l’État.

Il y a pourtant urgence et il faut des moyens dans un contexte de perte de pouvoir des ménages, avec 8 millions de personnes en situation de précarité énergétique. Imaginez ce que représente une rénovation de 20 000 ou 30 000 euros pour un ménage qui n’arrive même pas à finir les fins de mois. Quelle que soit la possibilité d’amortissement rapide de cette dépense en réduisant leur facture énergétique, ce ne sont pas 1 350 euros d’aide publique qui vont permettre de les décider.

Ma deuxième question, le gouvernement est-il prêt à mettre les moyens de son ambition en direction de la rénovation thermique des logements dès le budget 2014 ?

Alors que la France connaissait une période de fortes pluies et de températures très basses en ce printemps 2013, les concessions hydroélectriques de notre pays ont une nouvelle fois démontré toute leur importance, en fournissant beaucoup d’électricité sans émission de CO2 à un moment où la consommation était supérieure au niveau habituel à cette période de l’année.

Ces ouvrages, dont le propriétaire est l’État, sont actuellement concédés très majoritairement à EDF, une part moins importante revenant à GDF Suez. Une nouvelle fois donc, la gestion par EDF de 80 % d’entre eux a démontré son efficacité. Pourtant, dans le cadre de l’ouverture aux marchés de l’énergie électrique, on pousse notre pays à vouloir céder à d’autres opérateurs privés l’exploitation des ouvrages hydrauliques, sans garantie en matière de sécurité et d’approvisionnement futur en électricité, sans garantie en terme d’aménagement des territoires, de la gestion des usages de l’eau, de la situation des salariés…

Vous le savez Mme la ministre, d’ici à fin 2015, la concession d’exploitation de 49 grands barrages devrait être soumise à appel d’offres européen.

Les députés Marie-Noëlle Battistel et Éric Straumann doivent présenter prochainement leur rapport définitif sur l’hydroélectricité. Je sais que vous êtes prête à résister au diktat de la mise en concurrence d’un patrimoine financé par les citoyens français et essentiel au maintien d’un mix énergétique peu émetteur de CO2. Vous vous êtes déjà déclarée ici défavorable à la libéralisation du secteur. Effectivement, l’énergie hydraulique est un bien commun !

Pouvez-vous nous en dire plus sur les intentions du Gouvernement, sur sa volonté d’action au niveau européen et sur les moyens de contrer les intentions de la Commission européenne ?

M. François Brottes, Président. Au sujet de l’éolien, je tiens à rappeler que la décision du Conseil constitutionnel qui a sanctionné la proposition de loi a porté sur la question des modalités de mise en œuvre du dispositif et pas sur la différence de traitement entre les ménages et les entreprises, débat qui, à la surprise de beaucoup, n’a d’ailleurs pas eu lieu.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Au sujet du rôle du coût de l’énergie dans la compétitivité, je tiens à saluer l’apport du débat, tenu sur le plan national grâce au Conseil national du débat et au groupe des entreprises notamment. Une note du Conseil d’analyse économique évoque une hausse structurelle du coût de l’énergie. La distinction est clairement établie entre le secteur industriel qui consomme 8,4 % et le reste de l’économie. Une vraie valeur ajoutée reste à dégager dans le domaine de l’efficacité énergétique. La note de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) considère que 43 % de l’énergie reste à économiser dans le secteur industriel ; demeure la question du choix des instruments du financement.

En ce qui concerne le calendrier du débat national, la restitution des débats territoriaux est attendue pour le 8 juillet. Nous avons tenu à ce que le débat national ne soit pas le seul fait des acteurs habituels (élus, entreprises, associations) mais qu’il vive dans les territoires et les régions. C’est donc sur la base du volontariat que les régions ont fait leur choix et organisé le débat dans la forme qu’elles souhaitaient. Ce sont ces différences de forme qui ont fait que tous ces échanges n’ont pu être retenus, aussi, le nombre de régions citées est bien inférieur au nombre de régions qui ont participé. La conclusion des travaux aura lieu à la mi-juillet et la remise définitive au Président de la République à l’occasion de la conférence nationale de l’environnement les 20 et 21 septembre. Le projet de loi devrait être présenté au Parlement à l’automne, du fait de l’application de la procédure propre aux lois de programmation et de l’encombrement de l’agenda par les débats budgétaires, la discussion devrait intervenir au début de l’année 2014.

En réponse à la question sur l’avenir du nucléaire, je tiens à souligner que les perspectives en terme d’impact sur les territoires et l’emploi sont positives puisque les travaux de maintenance et d’investissement créeront 12 000 emplois nets dans les trois années à venir. A cela il convient d’ajouter le renouvellement important des personnels d’EDF du fait de nombreux départs en retraite. En ce qui concerne la fermeture de la centrale de Fessenheim, le Premier ministre a reçu Francis Rol-Tanguy et le débat a été lancé avec la participation de tous les acteurs concernés pour une fermeture en 2016.

Les perspectives d’emploi dans les filières des énergies renouvelables sont de 30 000 à 35 000 créations ventilées comme suit : 9 000 pour l’éolien ; 6 500 à 7 000 pour le photovoltaïque et le solaire thermique ; 13 000 à 17 000 pour la biomasse et 2 500 pour le géothermique.

Au sujet du cadre européen, le texte présenté par le Conseil européen le 22 mai dernier ne propose pas encore de mesures concrètes. Dans les perspectives de la construction de l’Europe et de politiques européennes, le Président de la République a précisément fait des suggestions précises car nous sommes persuadés que la constitution d’une politique commune de l’énergie peut être un élément majeur de la construction de l’Europe. Nous proposons de conclure des contrats de fourniture d’énergie à long terme pour l’industrie puisque l’un des enjeux réside dans le financement des capacités de production. Par ailleurs, la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre est déficiente. Du fait de l’absence de prix du carbone particulièrement, la consommation de charbon augmente en Europe puisque les États-Unis en exportent massivement à mesure qu’ils accroissent l’exploitation du gaz de schiste. Cette situation conduit la fermeture de centrales à gaz européennes. Dans le domaine du renouvelable, il est souhaitable de développer des programmes européens de R&D sur le stockage de l’énergie par exemple, que ce soit par des batteries ou l’hydrogène. Bref, il faut financer l’efficacité énergétique avec des moyens à la hauteur de la taille du marché européen ; des progrès restent à faire et bien des projets devront être menés. Les infrastructures de réseaux, par exemple, pourraient constituer une nouvelle étape de l’intégration au sein de la communauté européenne de l’énergie. Dans ce cadre, chaque pays demeure libre du choix de son mix énergétique, ce qui n’empêche pas une action commune européenne, de proximité dans un premier temps, à 27 à terme. Le domaine de la sécurité énergétique est particulièrement concerné. J’ai renoué des liens avec l’Allemagne dans ce domaine et ce pays peut nous donner des exemples sur des sujets tels la tarification du renouvelable ou l’évitement des tarifs négatifs de l’énergie ; sur le choix du mix énergétique, l’Espagne peut nous apprendre des choses.

L’évolution des tarifs de l’électricité depuis 2000 a été inférieure de 12 % à celle de l’inflation. Les tarifs de l’électricité ont baissé de 12% eu euros constants depuis 2000.

Au sujet des entreprises concernées par le coût de l’énergie, le débat national a permis une prise de conscience et il faut maintenant trouver les outils efficaces. Ainsi, pour faire face aux difficultés des ménages devant le coût de l’énergie, il nous faut trouver des solutions compatibles avec les contraintes européennes portant sur les aides des États.

Au sujet de la loi dite Brottes, je ne peux laisser dire qu’une année a été perdue. Le Conseil constitutionnel a censuré les modalités de mise en œuvre du bonus/malus mais certainement pas son principe. Au demeurant, cette loi a permis des avancées majeures dans le domaine du tarif de l’éolien, un tarif social pour 8 millions de Français ou encore la suppression des coupure de fourniture hivernales.

Je vous remercie pour vos propos relatifs à la journée citoyenne en Alsace où les entreprises locales sont parfaitement investies. Je rappelle, au sujet des énergies renouvelables, que 4 000 mégawatts produits par des panneaux photovoltaïques équivalent à 2,3 réacteur s nucléaires. Certes, la question du prix des énergies renouvelables demeure posée mais, dans certains cas, le solaire peut se substituer au nucléaire. Nous devons prendre une longueur d’avance dans le domaine des technologies liées au renouvelable pour amener ce secteur à maturité. D’ailleurs, le coût de l’énergie solaire a baissé de 75 % en 5 ans.

Je demeure attentive au propos de M. Baupin qui souhaite une réduction par deux de notre consommation d’énergie d’ici 2050 ; il faut trouver une clé de répartition permettant une réduction du nucléaire. Les récents travaux sur le financement de la transition énergétique tracent de perspectives très favorables dès 2025, particulièrement en termes de compétitivité énergétique, allant jusqu’à envisager, de ce fait, une division par 5 du déficit de la balance commerciale d’ici 2050. Tout cela suppose un effort d’investissement dans les 10 à 15 ans qui viennent.

J’ai rencontré hier les entreprises du secteur de l’énergie active et des smartgrids et j’ai été frappée par le nombre impressionnant de ressources et solutions techniques développées en France, aussi bien par de grandes entreprises que par des PME. Il y a là un levier de croissance économique susceptible de nous placer en bonne position sur le marché mondial mais aussi de nous permettre de réduire la facture énergétique des ménages comme de l’industrie. Au sujet du choc de simplification, je reconnais qu’il y a des progrès à faire. Les chiffres ont été rendus hier sur les raccordements réalisés dans les années 2011 et 2012 et le travail est engagé au sein de la Direction générale de l’énergie et du climat.

Au sujet du nucléaire, nous savons que cette énergie va coûter plus cher, notamment du fait de l’augmentation des coûts de production, cependant, elle demeurera compétitive. L’audit de la CRE a montré qu’il y aura un écart de tarification en fonction de la durée prise en compte au regard du coût de l’amortissement, cet écart est de 6,8 % dans un cas et de 9,6 % dans l’autre. Il n’est pas juste de dire que rien n’a été provisionné pour le financement du démantèlement des centrales puisque EDF a déjà dégagé 19 milliards d’euros à cet effet. L’ASN se prononcera en 2015 sur la prolongation de la vie des centrales nucléaires. Cette décision sera basée sur la situation de sûreté des établissements eux-mêmes, sur des critères de génération 3. Un danger demeure le défaut générique et, si l’ASN venait à prononcer la fermeture simultanée de 5 sites, il faudrait bien compenser cette baisse de production ; C’est aussi pour cela que le gouvernement travaille à diversifier le mix énergétique.

J’ai déjà répondu aux questions d’André Chassaigne s’agissant du bonus-malus et de la « loi Brottes ». La question des installations collectives pose effectivement un vrai problème d’ordre constitutionnel, qui n’est pas simple à surmonter. Nous travaillons actuellement sur d’autres pistes, notamment un travail de réforme en structures pour ce qui concerne l’électricité, mais il m’apparaît prématuré d’exposer des conclusions dès aujourd’hui.

Je souhaite souligner, au sujet des plans de rénovation thermique, qu’une enveloppe de 500 millions d’euros est disponible pour les travaux d’efficacité énergétique, nous ne manquons donc pas de moyens budgétaires. Le problème en l’état est plutôt celui du déploiement effectif du service public de la performance énergétique. Un travail très intensif de mise en cohérence est actuellement mené par l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et les Agences départementales d’information sur le logement (ADIL), en partenariat avec les collectivités territoriales, notamment en vue d’informer les gens des aides auxquelles ils ont droit. Les aides nouvelles de 1 350 euros ou de 4 000 euros s’ajoutent aux aides qui étaient d’ores et déjà disponibles. Le plafond de ressources pour profiter du programme « Habiter mieux » de l’ANAH a en outre été augmenté, de sorte que pour des bouquets de travaux raisonnables, permettant de gagner 2 ou 3 classes d’efficacité énergétique, quand on met bout à bout les différentes aides, le « reste à charge » est particulièrement réduit et doit permettre d’inciter au déclenchement desdits travaux. Nous nous sommes engagés à pérenniser ces financements. Des travaux sont également en cours sur l’avenir des certificats d’économie d’énergie, qui constituent un levier financier important, et sur la question du tiers financeur. Je n’oublie pas non plus l’enjeu de l’efficacité énergétique pour les bâtiments publics.

Sur les concessions hydrauliques, nous attendons les conclusions du rapport en cours d’élaboration au sein de votre Commission. Le rôle de l’hydraulique dans la production actuelle et dans la transition énergétique à venir est évident. Des marges de performance existent et doivent être exploitées. Les capacités de stockage, de souplesse et d’adaptation pour la sécurité d’approvisionnement font de cette énergie un complément indispensable.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’hydraulique constitue, avec le nucléaire, l’un des deux piliers du mix énergétique français. Elle représente aujourd’hui près de 80 % de la production d’énergie renouvelable, offre une réponse au problème du stockage, produit une énergie compétitive et permet de garantir une véritable sécurité d’approvisionnement pour le consommateur. Pour participer à de nombreux débats nationaux et locaux sur le sujet, je suis frappée par le fait qu’on y porte cependant trop peu d’intérêt. La baisse de la part du nucléaire nous amène certes à développer des énergies alternatives comme l’éolien ou le photovoltaïque mais ces énergies demeurent intermittentes. Il est donc urgent de replacer l’hydraulique au centre du débat de la transition énergétique.

M. Michel Sordi. La centrale nucléaire de Fessenheim est située sur le territoire de ma circonscription et vous comprendrez que j’attache une attention particulière à sa situation. Longtemps, cet équipement a été le pourvoyeur d’emplois et de ressources mais les choses sont en train de changer avec l’annonce de sa fermeture, qui découle d’un accord électoral alors même que l’Autorité de sûreté nucléaire avait autorisé son fonctionnement pour 10 années supplémentaires. Sur le plan économique, nous nous battons contre les entreprises rentables qui procèdent à des licenciements boursiers mais c’est un peu l’équivalent qui va se produire puisqu’on va fermer un site rentable. Par ailleurs, on rouvre aujourd’hui des mines de charbon en Afrique et des centrales au charbon en Allemagne, avec des conséquences sur l’environnement et en matière de rejet de gaz à effet de serre. Est-ce bien raisonnable ?

Mme Catherine Troallic. La région Haute-Normandie, dont je suis l’élue, est particulièrement concernée par les questions énergétiques. Première région française pour le raffinage, elle se situe au troisième rang s’agissant de la production d’électricité nucléaire et prend également sa part au développement des énergies alternatives comme l’éolien ou la biomasse. La conversion éco-technologique du bassin haut-normand est tributaire de politiques actives en la matière, avec la création ou le maintien d’emplois qualifiés. Le débat national sur la transition énergétique a connu de fait un véritable engouement avec la participation de près de 1000 acteurs divers, et l’élaboration de 40 propositions par les ateliers de travail mis en place, qui seront prochainement formalisées dans un document de synthèse. Ma première question portera précisément sur la méthode : comment comptez-vous exploiter au niveau national le fruit des débats en région ? Ma seconde question concerne l’éolien, et plus particulièrement le projet WIN de démonstrateur d’éolien offshore. Les exemples danois et allemands sont là pour nous montrer la force d’impulsion de projets de ce type pour le développement de la filière et c’est pourquoi il est indispensable que le projet WIN aboutisse en 2014. Un obstacle demeure et il dépend de vous, Mme la ministre : il s’agit de la fixation d’un tarif de rachat approprié aux démonstrateurs.

Mme Béatrice Santais. Je souhaite attirer votre attention sur l’importance de la filière du solaire thermique, qui ne doit pas être occulté dans le débat actuel. Dans la commune de 4000 habitants dont je suis maire, nous avons fortement développé depuis trente ans l’installation de capteurs solaires sur les équipements publics et nous disposons aujourd’hui d’une surface totale de capteurs de plusieurs milliers de mètres carrés. Des économies ont ainsi pu être réalisées sur les factures de gaz et les rejets de CO2 dans l’atmosphère ont été réduits. Nous travaillons actuellement, avec l’Institut nationale d’énergie solaire, à la conception d’un nouveau quartier de 800 logements équipé de capteurs, et qui pourrait ainsi s’auto suffire pour le chauffage. Certes, des questions techniques demeurent en suspens telles que le stockage intersaisonnier, dont résultent encore aujourd’hui des surinvestissements. Ceux-ci ne doivent cependant pas nous faire abandonner la piste de l’énergie solaire. Après tout, le soleil est encore gratuit !

M. le président François Brottes. Gratuit certes, mais on a pu déplorer son intermittence au cours des dernières semaines ! (Sourires)

Mme Frédérique Massat. Je tiens tout d’abord à saluer la démarche pédagogique initiée par le gouvernement. Nous avons en effet besoin de temps pour faire les bons arbitrages et prendre les bonnes décisions, d’autant que nous devons nous préparer à un véritable changement de modèle d’ensemble, qui concerne la production mais aussi la distribution et le transport. Dans cette perspective, la commission a organisé récemment plusieurs table-rondes, et au cours de l’une d’entre elles, le président d’EDF, M. Henri Proglio, nous a indiqué que c’était le scénario décarboné qui avait sa préférence. Quand on sait le rôle qu’est amené à jouer EDF dans la mise en œuvre de la transition, ce point de vue est éclairant. En revanche, il ne croit pas trop à la voie de l’autoconsommation. Il nous a indiqué par ailleurs vouloir travailler à la décentralisation de l’action d’EDF afin de la rapprocher des territoires et mieux appréhender la question des énergies renouvelables. Je souhaite par ailleurs revenir sur la question des réseaux intelligents. Quelles avancées entrevoyez-vous sur ce point à moyenne échéance. Pour ma part, lorsque je constate l’état de dégradation avancée de certains réseaux, notamment dans les zones de montagne, je me dis qu’il est peut-être préférable de rénover le réseau avant de le rendre plus intelligent !

Mme Annick Le Loch. A la différence de la loi montagne, la loi littoral ne prévoit pas de dérogations à la règle de construction en continuité du bâti au profit d’équipements publics incompatibles avec le voisinage de zones habitées. Il est ainsi quasi impossible aujourd’hui d’installer des éoliennes ou de renouveler le parc existant dans les communes littorales. Cette situation entrave la contribution desdites communes au développement des énergies renouvelables et hypothèque l’émergence de solutions énergétiques innovantes, en particulier dans les communes insulaires qui sont très dépendantes en l’état des énergies fossiles. Dans le cadre des États généraux de la modernisation du droit de l’environnement, est-il prévu d’ouvrir ce débat de l’application de la loi littoral au regard des politiques de transition énergétique ? Sans bien entendu remettre en cause le principe de la protection de l’environnement !

M. Éric Straumann. Je rejoins le propos tenu par ma collègue Béatrice Santais sur l’énergie solaire et les capteurs thermiques. Voilà un secteur dans lequel la France est bien placée, de sorte que nous n’avons pas besoin d’importer des équipements. L’Alsace se situe du reste au premier rang des régions françaises s’agissant du développement du solaire. Plus généralement, on voit bien que le débat actuel a lieu dans un contexte économique très différent par rapport au Grenelle de l’environnement. Sur Fessenheim, j’ai cru comprendre que nous débattrons de la fermeture dans le cadre de la future loi. A ce propos, la CRE a récemment souligné que la durée d’amortissement d’une centrale avait une incidence sur le coût de la production électrique. Pourra-t-on débattre du coût de la fermeture de Fessenheim, et le cas échéant du montant de l’indemnité à verser à EDF ? On parle de quatre, cinq à dix milliards d’euros…

Mme Brigitte Allain. Des décisions concernant la transition énergétique en milieu rural ont été annoncées qui relèvent des ministères de l’écologie et de l’agriculture. Je trouve surprenant que l’énergie-bois soit peu évoquée. En revanche, un important volet est consacré à la méthanisation. Comme nous n’allons pas changer nos pratiques agricoles dans l’immédiat, cette filière doit retenir notre intérêt. J’ai récemment visité une centrale de méthanisation dans mon département, exploitée par le propriétaire d’un élevage de 100 vaches. Celui-ci m’a expliqué qu’une centrale de ce type par canton, en Dordogne, permettrait de produire l’équivalent de la production de la centrale nucléaire du Blayais. La reconversion énergétique est donc possible ! La durabilité de ces centrales de méthanisation repose néanmoins sur le maintien à proximité des élevages – car le digestat est le produit des déjections animales, des déchets et alimentaires. Il faudrait donc peut-être envisager l’implantation de centrales collectives et/ou publiques pour éviter qu’elles soient tributaires d’une exploitation agricole en particulier. Il faudrait aussi interdire que le méthanisateur puisse être alimenté à partir de matières premières agricoles, comme cela se produit déjà en Italie ou en Allemagne. Un dernier mot concernant le volet autoconsommation : derrière les centrales de méthanisation, on produit du compost, du jus azoté, de l’énergie sous forme de gaz chaleur mais aussi de l’électricité, souvent sous-utilisée aujourd’hui en l’absence d’un réseau approprié. Il faut donc aussi se pencher sur cette question de l’utilisation d’énergie en circuit fermé, à laquelle je sais que vous êtes attachée, Mme la ministre.

Mme Pascale Got. Dans tout le panel des énergies renouvelables qui ont été listées, je trouve que le parent pauvre est souvent la géothermie. Là où elle s’applique, la géothermie me semble un procédé particulièrement intéressant. Quelle impulsion comptez-vous lui donner dans le débat de la transition énergétique ?

M. François Brottes. Une longue liste de questions, Madame la ministre, où nous avons presque fait le tour de toutes les énergies renouvelables.

Mme Delphine Batho. Et non, Monsieur le président, il manque les énergies marines, qui me sont très chères : l’éolien flottant a été évoqué, mais pas ce qu’il y a en dessous.

Je voulais d’abord saluer le travail de Marie-Noëlle Battistel, sur un sujet extrêmement important. C’est une question clé, en matière de maîtrise des coûts – l’hydraulique étant très compétitive. Merci aussi de m’avoir accueillir dans votre territoire pour visiter un certain nombre de barrages. Cette question de l'hydraulique n’ayant pas été assez abordée dans le débat national, il faut mettre à profit les semaines qui viennent pour rattraper ce retard, peut-être en vous auditionnant.

A propos de la question de Michel Sordi, je voudrais rappeler que la décision de fermer Fessenheim découle d’un vote du peuple français et correspond à la volonté de ne pas augmenter la part du nucléaire dans le bouquet énergétique, compte tenu aussi de l’ouverture, la même année, de l’EPR de Flamanville.

Dans le débat national apparaît la nécessité d’une gouvernance et d’un pilotage du mix énergétique, question que devrait résoudre le projet de loi. L’ASN se prononce sur la sûreté. L’opérateur se détermine pour sa part par rapport à des enjeux d’obligations et de capacités de production, mais aussi par rapport à un modèle économique.

En ce qui concerne les conditions sociales de la fermeture de Fessenheim, le temps que nous prenons n’est pas seulement lié aux procédures d’élaboration d’un décret de mise à l’arrêt définitif, mais aussi à la volonté de le faire dans des conditions responsables par rapport à la préservation des emplois. L’objectif du gouvernement n’est pas de faire moins de nucléaire pour faire plus de charbon et plus de CO2. De ce point de vue-là, un des enjeux des discussions en cours est de bâtir un modèle français de transition énergétique, basé, en ce qui concerne l’électricité, sur la complémentarité entre une part de nucléaire, dont nous aurons durablement besoin, et les énergies renouvelables. Retenons à cet égard les leçons de ce qui a pu se passer chez nos voisins.

A propos de la question de Catherine Troallic sur l’articulation entre les débats en région et le débat national, j’ai une grande confiance à l’égard de ce qui va ressortir des débats territoriaux, vu la façon dont ont travaillé les conférences régionales de l’énergie, la façon dont un certain nombre de régions sont déjà en avance, par exemple la Bretagne, où a déjà été élaboré le pacte énergétique breton, qui repose sur trois priorités assez simples : la réduction de la consommation ; le développement des renouvelables ; la sécurité de l’approvisionnement. L’enjeu au niveau national va être de réussir la synthèse de ce qui va remonter des régions.

Les industriels porteurs du projet WIN, issu du premier appel d’offre éolien offshore et qui a rencontré un certain nombre de difficultés, souhaitent le faire évoluer vers un site de test des machines et de formation du personnel. Le problème est de trouver un montage et un financement. Le projet présenté demanderait un financement public de 200.000 euros et poserait un problème de compatibilité avec la réglementation européenne en termes d’aides d’État. Une réunion de travail a eu lieu début mai. Nous sommes prêts à participer à l’élaboration d’un business plan finalisé, soit en mobilisant les investissements d’avenir, soit des dispositifs de tarifs. Le plan de financement nécessite encore un travail technique.

Béatrice Santais a posé une question sur le solaire thermique. Dans l’imaginaire du renouvelable, on se focalise souvent sur l’éolien et le photovoltaïque. Or, on a un enjeu considérable sur la chaleur renouvelable, que ce soit pour le chauffage ou l’eau chaude. Le solaire thermique est par conséquent un enjeu, dans les appels d’offre, en matière de stockage de l’énergie, et aussi en matière d’habitat, en trouvant les bonnes modalités de soutien ou d’encouragement. A cet égard, quand il est question d’autoconsommation, ce n’est pas par rapport à l’autarcie des réseaux locaux, mais par rapport aux demandes de participation des citoyens.

Je remercie Frédérique Massat d’avoir salué le processus en cours. J’ai demandé à l’ensemble des grands acteurs, comme les grandes entreprises de l’énergie, d’être forces de propositions dans ce débat national et d’exprimer leur point de vue. Ensuite, la décision démocratique, au Parlement, s’imposera et leur assurera la prévisibilité de long terme dont elles ont besoin.

En ce qui concerne les réseaux intelligents, nous sommes en train de finaliser le travail sur la question du lancement des appels d’offres sur Linky en lien avec EDF et ERDF. Nous attendons pour la mi-juin l’avis de la commission de régulation de l’énergie sur Gazpar. Nous continuerons de soutenir les smart grids, qui feront probablement partie des priorités des investissements d’avenir. Il y a aussi un enjeu considérable en matière de R&D sur le stockage.

A propos de la question d’Annick Le Loch sur la loi littoral, celle-ci a été modifiée dans la loi Brottes pour les territoires d’outre-mer, en limitant la dérogation à ceux-ci. Un travail important est fait actuellement sur la situation énergétique des îles, celles d’outre-mer et la Corse, qui peuvent être des territoires d’innovation et d’expérimentation. L’invention de nouveaux modèles favorisera l’exportation de technologies françaises particulièrement compétitives. Un document va être rendu prochainement à ce sujet : « Energ’île ».

Je vous confirme, Monsieur Straumann, qu’il y aura une disposition, dans la loi de transition énergétique, en ce qui concerne Fessenheim. Mais les chiffres que vous avez évoqués ont déjà été plusieurs fois démentis et je les démens de nouveau. Il y aura une discussion entre l’opérateur et l’État. Et la loi de programmation comporte également une étude d’impact.

A propos de la question de Brigitte Allain, je recevais ce matin Jean-Yves Collet, qui est en train de faire un rapport très intéressant sur les enjeux de la filière bois. La question de la biomasse doit être envisagée dans une vision globale des enjeux de la forêt française et aussi de l’absence de filière industrielle en matière de bois de construction et de meubles. Nous exportons énormément de grumes, et nous reviennent des meubles. Il y a un enjeu de structuration de la filière aval en ce qui concerne le bois. Jean-Yves Collet a aussi travaillé sur le développement et l’entretien de la ressource forestière. On va vers des systèmes locaux de réseaux de chaleur biomasse, soutenus par le fonds chaleur de l’ADEME, celui-ci couvrant 70 % des demandes.

La méthanisation est effectivement un enjeu important, car elle peut faire partie d’un processus de transformation des modèles agricoles vers l’agro-écologie. Mais cela doit rester un complément de revenus pour les éleveurs, non leur activité et leurs revenus principaux.

Ces deux derniers points posent la question de l’optimisation de la gestion des ressources. Il faut éviter les conflits d’usages.

A propos de la question de Pascale Got, il y a sept nouveaux permis de géothermie, que j’ai signés et qui vont être publiés très prochainement. Nous sommes aussi en train de faire tout un travail technique dans le cadre des « chocs de simplification ». La géothermie est soutenue dans le cadre des investissements d’avenir. Des ressources très importantes peuvent être recherchées dans ce domaine.

M. François Brottes. Nous serons amenés à nous retrouver dans une configuration identique dans les prochaines semaines à l’occasion de nouvelles auditions sur l’énergie. Je confirme aussi que le rapport sur l’hydraulique sera rendu dans quelques semaines.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 5 juin 2013 à 17 heures

Présents. – Mme Brigitte Allain, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, M. François Brottes, M. André Chassaigne, Mme Marie-Hélène Fabre, Mme Pascale Got, M. Antoine Herth, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Yannick Moreau, M. Patrice Prat, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter

Excusés. – Mme Anne Grommerch, M. Razzy Hammadi, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons

Assistait également à la réunion. - M. Denis Baupin