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Commission des affaires économiques

Mardi 11 juin 2013

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 86

Présidence de M. François Brottes Président

– Projet de loi relatif à la consommation (n° 1015) :

– Audition de M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des finances, chargé de l’Économie sociale et solidaire et de la consommation

Dans le cadre des travaux relatifs à l’examen du projet de loi relatif à la consommation (n° 1015), la commission a auditionné M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des finances, chargé de l’Économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, nous voici donc réunis pour examiner un projet de loi particulièrement important, et je donne la parole sans attendre au ministre qui l’a porté avec conviction, M. Benoît Hamon.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Je vous remercie M. le président. Le projet de loi relatif à la consommation que nous avons, avec Pierre Moscovici, présenté en conseil des ministres le 2 mai dernier, doit améliorer la confiance entre les entreprises et les consommateurs, qui est une des clés du retour à la croissance. Ce projet rompt avec certains dogmes économiques qui faisaient du consommateur un agent économique par définition rationnel, apte à faire valoir ses droits par lui-même. Le rôle de l’État comme garant de l’ordre public économique y est fortement réaffirmé, conjuguant renforcement de la protection des consommateurs et compétitivité de notre économie.

C’est dans cette perspective que s’inscrivent les dispositions de ce texte, qu’elles aient pour but de favoriser le pouvoir d’achat, de lutter contre le surendettement, de rééquilibrer les relations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs, les PME notamment, de réviser l’arsenal des sanctions destinées à punir la fraude et la tromperie, de transposer la directive européenne relative aux droits des consommateurs, notamment les mesures relatives à la vente à distance, de favoriser une consommation responsable sans écarter le problème de l’obsolescence programmée, ou de protéger les produits manufacturés par des indications géographiques.

Je voudrais tout d’abord souligner que ce texte a été élaboré à l’issue d’une très large concertation avec les associations de défense des consommateurs et les professionnels.

Ainsi l’innovation essentielle que constitue l’« action de groupe à la française » a fait l’objet d’une consultation publique et d’un consensus au sein du Conseil national de la consommation obtenu à la fin du mois de décembre dernier. Le monde des entreprises et le mouvement consumériste partageaient le diagnostic qu’il manquait une voie de recours pour traiter les litiges de consommation de masse. Si les montants en cause sont faibles pris isolément, additionnés ils constituent des rentes économiques considérables.

La création d’une telle procédure est une véritable « Arlésienne du droit de la consommation », puisque Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy l’avaient promise avant d’y renoncer sous la pression des lobbies.

Nous en avons volontairement limité le champ d’application au seul droit de la consommation et de la concurrence parce que nous considérons que les dommages dans le domaine de la santé ou les atteintes à l’environnement, où la réparation du préjudice suppose une expertise individuelle, ne relèvent pas du code de la consommation. D’ores et déjà, Marisol Touraine travaille au principe d’une action de groupe étendue aux préjudices intervenant en matière de santé, qui pourrait trouver place dans la future loi de santé publique.

En revanche le débat peut être ouvert quant aux modalités de mise en œuvre proposées par ce texte – le choix de la réserver aux associations agréées de consommateurs, la possibilité de recourir à une procédure simplifiée, etc.

Conformément à l’objectif de rééquilibrer les relations entre les entreprises et les consommateurs, le projet de loi confère un effet erga omnes à l’annulation par le juge d’une clause abusive. Cela signifie que le juge saisi d’une clause contractuelle pourra décider que l’annulation de cette clause vaut pour tous les contrats de même nature.

En rétablissant une forme de symétrie entre assuré et assureur, la faculté pour le consommateur de résilier ses contrats d’assurance multirisques habitation et responsabilité civile automobile dès la première année vise le même objectif de rééquilibrage. Ce nouveau droit permettra aux consommateurs de mieux faire jouer la concurrence et donc de bénéficier d’offres plus performantes en termes de prix et de services rendus. Je rappelle qu’en dépit du caractère incontestablement concurrentiel de ce marché, les primes d’assurance multirisques habitation ont augmenté trois fois plus vite que l’inflation au cours des trois dernières années. Or, il s’agit là de dépenses contraintes.

Le projet de loi vise également à lutter contre le surendettement des ménages, en favorisant en premier lieu le développement d’offres de crédit alternatives au crédit renouvelable. Cette forme de crédit a sa place dans une économie moderne, où les consommateurs n’ont pas à payer compter tous les biens qu’ils acquièrent, et est utile pour soutenir à la consommation. Pour les achats d’un montant supérieur à mille euros, en revanche, le crédit renouvelable n’est pas la meilleure des formules et tend à amplifier le surendettement des ménages.

Je vous rappelle que plus de 200 000 dossiers de surendettement ont été déposés par an en moyenne au cours des cinq dernières années. Au 31 décembre 2012, 772 000 ménages étaient en cours de désendettement. Or, le crédit à la consommation est présent dans 87 % des cas traités en commission de surendettement, avec en moyenne 4,6 crédits par dossier. Ce qu’il faut, c’est éviter le crédit de trop. Pour cela, nous voulons davantage responsabiliser les prêteurs via la mise en place d’un registre national des crédits aux particuliers (RNCP), conformément à l’engagement pris par le Premier ministre lors de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté, engagement rappelé par le Président de la République devant l’Union nationale et interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS).

Le Gouvernement proposera par voie d’amendement une version plus modeste de ce fichier que ce que nous avions imaginé au départ. Conformément à l’avis du Conseil d’État, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), ce fichier ne recensera que les personnes ayant des crédits à la consommation, et non les 25 millions de personnes potentiellement concernées. Cette dernière option aurait été par trop disproportionnée : nous l’avons admis et revu notre projet en conséquence.

Il faut absolument enrayer la hausse du surendettement – les ménages français surendettés le sont pour des montants deux fois supérieurs aux ménages de la Belgique, où existe un registre.

Troisièmement, nous souhaitons mettre en place de nouvelles règles pour assurer un meilleur équilibre des relations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs, question particulièrement délicate tant elle implique des intérêts contradictoires. Le texte prévoit tout d’abord un renforcement considérable de l’effectivité de la législation sur les délais de paiement, notamment en substituant des sanctions administratives à la pénalisation des infractions à la réglementation en vigueur. L’enjeu est considérable sur le plan économique puisque ce sont onze milliards d’euros qui pourraient ainsi être restitués à la trésorerie des entreprises si cette législation était respectée.

Le projet de loi impose également de nouvelles règles de transparence dans les relations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs telles que régies par la LME. Nous souhaitons que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) puisse contrôler cet « instantané » des négociations qu’est le contrat annuel, autrement appelé « convention unique », qui précise les conditions générales de vente du fournisseur, pour rétablir un minimum d’équilibre dans des rapports de force structurellement défavorables aux PME.

Le projet impose enfin de prévoir une clause de renégociation obligatoire des prix dans les contrats portant sur certains produits alimentaires pour faire face à la volatilité des prix des matières premières. Cette disposition, si elle suscite des réserves chez les distributeurs, est en revanche très attendue par les producteurs et les transformateurs. Elle est, à mes yeux, très importante : j’affirme, au risque de surprendre, qu’on ne peut plus continuer la course sans fin aux prix les plus bas au détriment de la qualité, notamment de l’alimentation. L’affaire « de la viande de cheval » nous a appris que lorsqu’on ne sait plus payer le juste prix aux fournisseurs, on encourage la fraude.

En outre, le projet de loi renforce l’arsenal des sanctions pour faire respecter le code de la consommation. La multiplication par dix de l’amende relative aux fraudes majeures pour les personnes physiques, ainsi que l’application d’un pourcentage du chiffre d’affaires pouvant aller jusqu’à 10 % dans le cas des personnes morales, apparaît comme une réponse à la fois proportionnée aux dommages causés aux consommateurs lésés et aux bénéfices indus des professionnels, et d’un montant suffisamment important pour être dissuasive. Dans le cas de l’entreprise Spanghero, il y aurait eu 85 centimes de marge indue par kilo de viande, soit 500 000 euros au total. Et des filières entières de l’industrie agroalimentaires paient aujourd’hui les conséquences des comportements professionnels déloyaux de quelques-uns.

Par ailleurs, les manquements qui faisaient l’objet de contraventions pénales seront désormais sanctionnés par des amendes administratives, bien évidemment dans le respect du principe du contradictoire. Il s’agit de donner à la DGCCRF les moyens d’assurer l’effectivité de la loi.

Le projet de loi renforce également la protection des consommateurs dans le cadre de la vente à distance, et tout particulièrement du commerce en ligne, qui connaît une véritable explosion. La transposition de la directive relative aux droits des consommateurs nous permet de renouveler le cadre de régulation du commerce électronique et de la vente à distance, dont la croissance repose plus que d’autres sur la confiance des consommateurs. La vente sur internet explose – 9 milliards l’an dernier. Et la fraude augmente en proportion. Nous proposons que le délai de rétractation dont bénéficie le consommateur soit porté de sept à quatorze jours et que le délai de remboursement à la charge du professionnel n’excède pas trente jours. Le texte vise également à renforcer les moyens de contrôle, par exemple en permettant aux agents de la DGCCRF d’aller au bout d’une transaction sous une fausse identité pour s’assurer de sa loyauté. En tout état de cause, s’agissant d’une directive d’harmonisation maximale, notre marge d’amendement est extrêmement faible.

Ce texte a également pour objectif de favoriser le développement de modes de consommation plus responsables. Dans cette perspective, le projet de loi améliore l’information des consommateurs sur les garanties légales, ainsi que sur l’existence et la disponibilité de pièces détachées nécessaires à la réparation d’un produit. Les vendeurs seront également tenus de fournir aux consommateurs les pièces indispensables à l’utilisation d’un produit pendant la période, indiquée par le fabricant ou l’importateur, durant laquelle ces pièces sont disponibles. Ce cercle vertueux profitera aussi au secteur du réemploi, dont les acteurs sont implantés sur le territoire et relèvent souvent de l’économie sociale et solidaire.

Dans le même temps, avec ma collègue Sylvia Pinel, nous étendons aux produits manufacturés la protection offerte par les indications géographiques, qui ont été un moteur de la croissance dans le domaine alimentaire. Le produit doit tirer ses qualités et sa renommée de ce lieu, et en se rapportant à son indication géographique, le consommateur doit retrouver les caractères liés à ce lieu de production. Ces indications géographiques sont pour le consommateur la garantie d’une certaine constance et d’une certaine qualité des produits, et peuvent aussi participer du choix du consommateur d’encourager la production locale.

Le projet de loi contient enfin des dispositions plus sectorielles, telles celles visant à encadrer les rapports entre les artisans taxis et les exploitants de voitures de tourisme avec chauffeurs.

Sept cents amendements ont été déposés sur le texte, sur lesquels je souhaite sincèrement que nos échanges soient les plus féconds possible. J’espère toutefois que la cohérence et la force de ce projet de loi seront préservées car, plutôt que de construire un millefeuille et d’empiler des mesures sectorielles, j’ai souhaité la mise en place de mesures transversales puissantes, comme la création de l’action de groupe ou celle du registre national des crédits aux particuliers. Le citoyen, confronté à des situations qui gênent son acte de consommation doit disposer de voies de recours simples pour obtenir réparation des préjudices qu’il subit ou pour éviter l’enfer du surendettement. C’est là la philosophie de ce texte.

M. le président François Brottes. Je vous remercie Monsieur le ministre.

Je précise que l’amendement du Gouvernement CE 634, relatif au registre national des crédits aux particuliers, portant article additionnel après l’article 22, est disponible depuis hier après-midi sur le site internet de l’Assemblée.

Je signale également à M. Daniel Goldberg et M. Christophe Sirugue que leurs amendements portant sur des dispositions du code des marchés publics et du code de procédure civile, de nature réglementaire, ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 41 de la Constitution.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Merci Monsieur le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est tout d’abord marqué par l’audace. Il traite de questions récurrentes depuis vingt ou trente ans. Qu’elles concernent les garanties précontractuelles, les clauses abusives ou l’action de groupe, des mesures avaient été souvent promises sans jamais être inscrites dans la loi.

Mais le texte fait aussi preuve de réalisme car il ne méconnaît ni le contexte ni l’environnement juridique ni les divers acteurs impliqués. Ainsi nous pouvons revendiquer de façon décomplexée la création d’une « action de groupe à la française ». Plutôt que de mettre en place un dispositif général dans le code de procédure civile qui se serait imposé à l’ensemble des secteurs, nous avons souhaité que chaque domaine différent fasse l’objet d’une action de groupe dédiée – comme celle que nous mettons en place pour la consommation et les pratiques anticoncurrentielles.

Ce projet de loi est enfin le fruit d’une exigence. Dans le contexte économique actuel, il n’est pas aisé de s’attaquer à la rente, qui a pour premier ennemi la productivité, et pour première victime le consommateur. Il a fallu que mes collègues rapporteurs dialoguent avec la multitude d’acteurs qui font le dynamisme de l’économie française et du mouvement consumériste. La table ronde organisée par notre Commission le 28 mai dernier, sur le crédit à la consommation, a par exemple permis, grâce à un débat exigeant, de traiter en profondeur de la question du RNCP.

Le droit d’amendement est précieux et tous les députés en disposent. Nous souhaitons néanmoins, comme l’a dit Monsieur le ministre, que soit préservée la cohérence globale d’un projet de loi dont nous n’avons pas voulu qu’il constitue, comme cela est arrivé dans le passé, un empilement de dispositions diverses.

J’arrête là mon propos et je développerai certains points en cours de débats.

M. le président François Brottes. J’incite les rapporteurs qui vont maintenant prendre la parole à adopter une approche plus technique que politique sur les dispositions particulières qu’ils ont examinées afin que leurs collègues soient éclairés au mieux.

Mme Annick Le Loch, rapporteure. Les articles 61 et 62 du projet de loi concernent les relations commerciales entre entreprises et, plus précisément, la loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008 dont l’objectif était d’introduire davantage de concurrence dans l’intérêt des consommateurs.

Aujourd’hui, le président d’une grande fédération professionnelle peut s’exprimer ainsi : « C’est la guerre, et la guerre des prix va continuer jusqu’à la mort si on la laisse faire. On ne parle pas de produits, de consommateurs, de commerce. On ne se préoccupe que du prix toujours plus bas comme si c’était une fin en soi. Des PME sont affaiblies, blessées, et risquent de disparaître et, avec elles, des milliers d’emplois. Au final, on détruit notre appareil productif. La LME est une loi anti-consommation et anti-emploi ».

Monsieur le ministre, comment en sommes-nous arrivés là ?

L’article 61 concerne les délais de paiement et les conditions générales de vente. Si le bon ordre public économique impose de respecter les règles, dont celles relatives aux délais de paiement, plus de 30 % des entreprises ne respectent pas la loi, et les délais s’allongent. Le manque à gagner pour la trésorerie des entreprises, notamment pour les PME et TPE, s’élève à 12 ou 13 milliards d’euros, et ces retards expliquent un quart des faillites d’entreprises. Il importe donc de renforcer les contrôles, de sanctionner plus rapidement les retards par une amende administrative significative et de réduire les délais à 45 jours net pour les factures récapitulatives.

Mon attention a également été appelée par les artisans du bâtiment confrontés aux difficultés de paiement des particuliers. Ces derniers ne sont soumis à aucune obligation en matière de délais de paiement et, parce que ces délais s’allongent, ils sont sans doute la cause d’un pic de défaillances des entreprises de ce secteur.

L’article 61 traite aussi des conditions générales de vente. Il ne s’agit pas de mettre fin à la négociabilité, ni de perturber les relations économiques mais, avant tout, de veiller à la bonne et complète application des dispositions légales existantes. Aussi, l’article réécrit en partie le début de l’article L. 441-6 du code de commerce pour réaffirmer très clairement que les conditions générales de ventes (CGV) constituent le socle de la négociation commerciale – ce qui n’est pas le cas des conditions générales d’achat (CGA) comme certains acteurs de la distribution semblent pourtant le penser.

L’article 62 souhaite pour sa part rééquilibrer les relations commerciales. Il semble que, depuis le vote de la LME, censée assurer de vraies négociations commerciales assises sur de véritables contreparties vérifiables et formalisées dans la convention unique annuelle, le rapport de forces entre les sept grandes centrales d’achat et les milliers de fournisseurs est encore plus déséquilibré, et les relations encore plus dures – notamment avec les PME de l’agroalimentaire. Certains groupes font également part de pratiques illégales et abusives, comme celles consistant à pouvoir tout renégocier à tout moment sans contrainte particulière. La dernière en date concerne des demandes de compensation de perte de marge, émises avant même la discussion des conditions de vente de l’année à venir.

L’article 62 réécrit à cet effet une partie de l’article L. 441-7 du code de commerce pour clarifier la définition de la convention unique qui rassemble les différents éléments concourant à la détermination du prix correspondant au point d’accord entre producteurs et distributeurs. Il importe notamment de rappeler que la convention unique est bien applicable dès le 1er mars de chaque année ; elle ne l’est ni avant ni après cette date, et elle n’a pas à être renégociée – notamment à l’initiative des distributeurs, dès les semaines voire les jours qui suivent sa mise en œuvre théorique.

L’article 62 prévoit explicitement, dans des conditions fermement définies afin d’éviter tout abus, que des renégociations pourront intervenir en cas de variation importante des cours des matières premières. En effet, les difficultés conjoncturelles liées à la volatilité des cours des matières premières agricoles ont exacerbé les tensions.

Cet article permettra de tenir compte de la volatilité des cours des matières premières à la hausse comme à la baisse, et il imposera aux entreprises de renégocier les prix si les variations sont trop fortes. Il nous reste à préciser dans les plus brefs délais la liste des produits concernés, et à l’ouvrir aux produits transformés comme la farine ou les produits de la charcuterie. À l’instar des producteurs agricoles, j’appelle à la vigilance en ce qui concerne les indices publics qui constitueront le déclencheur des renégociations des prix en cas de forte variation des cours des matières premières agricoles.

Monsieur le ministre, vous l’avez compris, la Commission des affaires économiques est favorable aux modifications du code de commerce et aux dispositions proposées par le projet de loi. Sa pleine application permettra le retour à une équité des relations commerciales. Elle sera bénéfique à la santé du tissu des PME qui font vivre notre territoire. Nous espérons tous que la réécriture ou le renforcement de la LME constituera le stade ultime de nos travaux en la matière, car il ne serait dans l’intérêt de personne de devoir accroître les contraintes et les sanctions.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission des finances, saisie pour avis du titre III du projet de loi, relatif au crédit et à l’assurance, s’est attachée à renforcer la protection des consommateurs qui se trouvent souvent en situation de faiblesse face à leur banquier ou à leur assureur.

Pourriez-vous préciser monsieur le ministre, comment le texte dont nous débattons s’articule avec le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, adopté la semaine dernière en deuxième lecture par l’Assemblée, qui comporte un volet relatif à la protection des consommateurs ?

La commission des finances ne disposait pas, lors de sa réunion, de l’amendement du Gouvernement relatif au registre national des crédits aux particuliers. Quelles garanties prévoyez-vous pour garantir le respect de la vie privée ? Quels garde-fous comptez-vous mettre en place pour éviter toute consultation frauduleuse du registre, en particulier de la part des sociétés de recouvrement de créances ou de personnes non habilitées ?

Je souhaite, pour conclure, lancer deux appels : le premier en faveur de la suppression des hypothèques rechargeables créées par M. Nicolas Sarkozy, car ces « subprimes à la française » peuvent être lourdes de conséquences en matière de surendettement. Le second concerne la mobilité bancaire car nos concitoyens sont aujourd’hui fréquemment confrontés dans ce domaine à des rigidités qui créent des situations de rente et favorisent l’augmentation des prix.

M. Sébastien Denaja, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Notre Commission s’est uniquement saisie des articles 1er et 2 du projet de loi qui créent l’action de groupe en matière de droit de la consommation et de la concurrence. Ces dispositions mettent en œuvre une promesse du Président de la République – je rappelle qu’aucun des engagements régulièrement pris en la matière depuis longtemps n’avait jamais été tenu.

L’action de groupe est nécessaire pour réparer les préjudices du quotidien et régler les litiges dont le trop faible montant dissuade les consommateurs d’intenter une action en justice alors qu’il peut pourtant s’agir de contentieux de masse aux enjeux considérables. Certes, une forme de recours collectif existe déjà dans notre droit, mais les conditions prévues pour la mise en œuvre de l’action en représentation conjointe sont telles que cette procédure n’a été utilisée que cinq fois depuis sa création en 1992. Cet échec doit nous pousser à aller plus loin.

Le dispositif proposé renforce la protection des consommateurs et vise à assainir l’économie de marché en dissuadant les professionnels d’adopter des comportements et des pratiques illicites.

Chacun s’accorde à considérer qu’il faut éviter les dérives de la class action, telles qu’elles existent outre-Atlantique. Le texte offre toutes les garanties d’une « action de groupe à la française ». De plus, dans aucun des pays européens où un dispositif similaire a été adopté, il n’a donné lieu aux dérives que beaucoup semblent craindre. La Commission européenne se prononce d’ailleurs sur le sujet aujourd’hui même.

Le texte du Gouvernement est équilibré. Il permet d’éviter le risque de recours abusifs et celui d’une déstabilisation de notre économie. Certains regrettent le caractère limité de son champ d’application, mais le droit de la consommation et celui de la concurrence constituent un champ très large. L’étude d’impact montre que de très nombreux cas relèveront de la nouvelle action de groupe. Ne boudons pas notre plaisir : il s’agit d’un pas significatif ! La ministre de la santé travaille déjà du reste à étendre le dispositif dans son domaine – et je suis certain que la même évolution se produira en matière d’environnement.

Je reviens sur quelques objections. Certes, les préjudices visés sont matériels, les préjudices corporels et moraux étant exclus ; mais ce choix s’explique par la nature même de l’action de groupe : le préjudice ne doit pas être individualisé. D’autre part, les associations agréées de consommateurs représentatives au niveau national ont seules la capacité à agir mais cela me paraît constituer un gage de sécurité pour les consommateurs : elles sont assez nombreuses, et couvrent beaucoup de domaines. Quant aux critiques formulées par les avocats lors des auditions, elles ne me semblent pas fondées, car ces derniers sont présents à tous les stades de la procédure – d’autant que l’action est introduite en premier ressort devant un TGI.

Ce dispositif respecte pleinement les exigences posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. L’action de groupe ne remet aucunement en cause le droit au recours puisque chaque consommateur pourra continuer d’agir individuellement s’il le souhaite. La limitation de la réparation au préjudice matériel est justifiée, car il s’agit de décider d’une indemnisation-type susceptible d’être dupliquée. Il n’existe enfin aucune obligation d’adhérer aux associations de consommateurs requérantes pour obtenir une réparation, ce qui est conforme au principe constitutionnel de liberté d’association.

L’action de groupe constitue un progrès décisif pour les consommateurs. Les quelques amendements adoptés par la commission des lois ne visent qu’à donner encore plus de force à ce dispositif. Monsieur le ministre, nous serons particulièrement attentifs aux précisions que vous nous donnerez sur les décrets à venir car de très nombreux aspects de la procédure seront, de fait, fixés par voie réglementaire.

M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La commission du développement durable souhaite que le champ de l’action de groupe puisse être étendu aux préjudices environnementaux en raison des activités économiques – on peut en effet difficilement séparer l’économie et l’environnement. Elle souhaite également favoriser l’orientation du système productif vers des biens de qualité grâce à la mise à disposition des pièces détachées sur une plus longue durée, et grâce à l’extension des garanties. Elle appelle enfin de ses vœux une phase de transition pour entrer dans l’économie de la fonctionnalité, concept encore mal connu en France – bien que nous y ayons déjà recours à Paris avec Vélib et Autolib.

Notre commission, en revanche, a écarté après de longs débats les amendements relatifs à l’obsolescence programmée. Ce sujet exigerait des études complémentaires plus approfondies.

Tout en approuvant la logique du projet de loi, la commission du développement durable estime qu’on ne peut pas cloisonner l’économie et l’environnement. Elle estime de même que l’on peut, par des incitations, développer des pratiques intelligentes de consommation. Son objectif est de renforcer le lien entre économie et écologie, de susciter l’engagement des acteurs économiques en faveur d’une consommation responsable et durable, dont nos concitoyens sont de plus en plus soucieux.

M. Le président François Brottes. Monsieur le ministre, je vous laisse répondre aux différents rapporteurs.

M. le ministre délégué. Monsieur Grandguillaume, vous avez posé des questions précises sur le Registre national du crédit aux particuliers (RNCP). Le Conseil d’État nous ayant fait savoir que notre texte initial ne pourrait recevoir son approbation sur ce point, nous avons préféré reprendre le texte et saisir formellement la haute juridiction des conditions auxquelles elle jugeait possible la création d’un tel registre. Nous avons en outre saisi la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et la Commission nationale Informatique et libertés (CNIL) qui, toutes deux, se sont félicitées dans leurs avis respectifs du format retenu par le Conseil d’État.

Tel que conçu, le registre permettra de lutter efficacement contre le surendettement sans menacer en rien les libertés fondamentales. Tout citoyen aura le droit d’accéder aux informations le concernant, et de les rectifier si besoin. Lorsqu’un établissement prêteur consultera ce registre – seuls ces établissements en auront le droit –, il aura l’obligation d’en informer le consommateur, lequel devra autoriser cette consultation. L’établissement aura alors connaissance de toutes les lignes actives de crédit du consommateur et de son niveau d’endettement, toutes informations dont il ne disposait pas auparavant, et décidera alors en toute connaissance de cause d’accorder ou non un crédit à la consommation.

Pour garantir que ce fichier ne soit pas utilisé à d’autres fins que la vente de crédits à la consommation, des procédures d’accréditation des établissements habilités à le consulter ont été prévues et la traçabilité des connexions sera assurée.

Nous avons voulu un outil solide sur le plan juridique, qui ne risque pas d’être invalidé par le Conseil constitutionnel si celui-ci devait être saisi du projet de loi. Le Conseil d’État, qui a été associé au plus près à l’élaboration des dispositions, considère aujourd’hui que l’on a trouvé une accroche constitutionnelle à la lutte contre le surendettement en rapprochant les dispositions prises, de celles, déjà constitutionnelles, relatives à la lutte contre l’exclusion.

Le registre permettra de mieux lutter contre le surendettement et le « mal-endettement », mais il ne les éradiquera pas du jour au lendemain. L’essentiel est de responsabiliser les prêteurs, qui ne doivent pas pouvoir se décharger de toute responsabilité s’ils ont accordé un crédit à la consommation supplémentaire à une personne déjà surendettée.

Vous avez également abordé, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, le sujet de la mobilité bancaire. Bien que le Gouvernement n’en ait pas traité, ce n’est pas un petit sujet. Vous avez déposé de nombreux amendements, visant notamment à faciliter le changement de banque. Nous verrons quelle suite leur donner. Vous êtes attaché à la portabilité du numéro de compte. Nous en discuterons. Reste à étudier sa faisabilité technique. Les banques se sont elles-mêmes engagées à faciliter les changements d’établissement. Vous avez également évoqué les subprimes, les hypothèques rechargeables : sur tous ces sujets, je suis ouvert au débat.

Certains parlent de « guerre des prix ». Sachez, madame Le Loch, que mon objectif n’est pas de faire la guerre à qui que ce soit. Mais si guerre il devait y avoir, il importe que chacun puisse se battre à armes égales. Or, on assiste aujourd’hui à la lutte du pot de fer contre le pot de terre quand on en arrive à exiger des baisses de prix au motif que certaines entreprises – des PME – sont ou seront éligibles au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ! Certaines pratiques sont inadmissibles.

L’objectif du présent texte est tout d’abord de faire respecter les dispositions de la loi de modernisation économique (LME). Lorsque celles-ci ne sont pas assez claires, nous les préciserons. Il n’est pas question d’un grand soir des relations commerciales, seulement de faire appliquer la loi et de pouvoir assigner telle ou telle enseigne en cas de déséquilibre avéré. Les PME et les producteurs réclament que la loi, dans sa lettre comme dans son esprit, soit mieux appliquée et que cessent les situations de non-droit. Nous y travaillerons, sans nous laisser influencer par les campagnes des uns et des autres. La loi s’impose aux entreprises, comme elle s’impose aux citoyens. Et il n’y a aucune raison que celles-ci n’encourent pas des peines dissuasives en cas de manquements, comme les citoyens peuvent en encourir lorsqu’ils contreviennent à la loi.

M. le président François Brottes. Je donne à présent la parole aux porte-parole des groupes.

M. André Chassaigne. Pour nous, un texte législatif sur la consommation est nécessairement lié à la question du pouvoir d’achat. Dans la mesure où rien n’est fait pour améliorer celui-ci, il faut bien trouver le moyen que la consommation revienne le moins cher possible. Un tel texte ne peut non plus être indépendant des moyens humains accordés aux services publics, je pense en particulier à la DGCCRF, qui doit pouvoir effectuer les contrôles nécessaires et prononcer les sanctions éventuelles. Enfin, il faudra bien, un jour ou l’autre, s’interroger sur des modes de vie et de consommation qui aujourd’hui épuisent les ressources de la planète. Faute de quoi, nous passerions à côté d’une problématique essentielle.

Les mesures du texte concernant l’action de groupe sont timides. Des filtres ont été institués à plusieurs niveaux. Tout d’abord, celui des associations de consommateurs – il pourra certes s’en créer sur des problématiques spécifiques. Ensuite, le périmètre des actions. Le ministre a indiqué qu’il serait étendu à l’environnement et à la santé dans des textes ultérieurs, mais il est regrettable que cela n’ait pas été fait immédiatement.

Pour ce qui est du crédit à la consommation, la création du RNCP permettra aux prêteurs d’assumer la responsabilité de leurs prêts. Nous nous en félicitons, mais il aurait également fallu interdire certaines pratiques bancaires.

J’en viens aux indications géographiques, sujet qui m’est cher. Celles-ci ne visent pas à faire la guerre à qui que ce soit, mais à valoriser certaines productions nationales et à dynamiser notre économie, en particulier celle qu’animent nos PME, nos artisans et nos producteurs locaux. Les indications géographiques sont faites pour hisser le niveau de qualité des productions en prévoyant des cahiers des charges élaborés par les professions, de façon à pouvoir distinguer ces produits de ceux importés de pays à bas coût de main-d’œuvre.

Si certains d’entre nous, pour des raisons locales, pensaient que l’indication géographique vise à valoriser un territoire, fût-ce en tuant l’économie d’un autre territoire, ils commettraient une grave erreur. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer au sujet des couteaux dits « laguiole ». N’oublions pas qu’à Thiers dont je suis l’élu, on fabrique des laguiole depuis cent cinquante ans, que le laguiole s’est développé sur ce territoire, que pendant des décennies, cinquante ans peut-être, aucun laguiole n’a été fabriqué à Laguiole et que si le laguiole existe toujours, c’est parce les couteliers de Thiers ont continué de le fabriquer, cette activité y représentant aujourd’hui près de 400 emplois et ayant connu d’importantes évolutions technologiques. Il est vrai qu’en 1962, un chef d’entreprise a acheté une forge à Thiers, qu’il a ensuite installée à Laguiole pour y produire des laguiole. Le territoire d’une indication géographique peut être très large, s’étendre sur plusieurs zones historiquement productrices. Ainsi le fromage Cantal est-il fabriqué dans les départements du Cantal, du Puy-de-Dôme, de l’Aveyron, de la Corrèze, de la Haute-Loire, tous territoires qui historiquement en produisaient. La fourme d’Ambert, quant à elle, est fabriquée dans 43 cantons du Puy-de-Dôme, huit communes et trois cantons de la Loire et cinq cantons du Cantal. Que valent les prés carrés géographiques lorsqu’il est question d’intérêt économique ? L’indication géographique doit tenir compte de l’intérêt général.

M. Damien Abad. Je pense qu’il faut tout d’abord se poser quelques questions simples. Ce projet de loi renforce-t-il ou non la compétitivité des entreprises ? Améliore-t-il ou non le pouvoir d’achat des Français ? Assure-t-il une meilleure protection des consommateurs et si oui, à quel prix ? Pour les deux premières questions, la réponse est non. Pour la troisième, la réponse pourrait être oui, grâce à la transposition d’une directive européenne, mais au prix d’une extrême complexification.

L’action de groupe « à la française » qui nous est proposée sera impossible à mettre en oeuvre. Tous les acteurs s’accordent sur le principe, dites-vous, monsieur le ministre. Certes, mais il n’en va pas de même sur les modalités. Des amendements circulent d’ores et déjà, préconisant des actions de groupe « simplifiées », ce qui souligne en creux la complexité des dispositions proposées. A côté de l’innovation procédurale, nous attendons une innovation économique. Je serais prêt à suivre le Gouvernement en matière d’action de groupe, en m’inspirant d’ailleurs de la proposition de loi qu’avait défendue en son temps M. Chatel, mais à condition que les dispositions prévues soient applicables en pratique. Tel n’est pas le cas.

Le futur RNCP devrait, dites-vous, permettre de lutter contre le surendettement, en tout cas d’améliorer la situation de certains ménages surendettés. Pourquoi n’avoir prévu ce registre national du crédit aux particuliers que par voie d’amendement gouvernemental et bien tardivement, si vous étiez si sûrs de votre fait ? Etes-vous certains que ce fichier limitera le surendettement ? En Belgique, où il existe un tel fichier, le nombre de dossiers de surendettement a augmenté de 48 % entre 2006 et 2011 alors que sur la même période, il n’a progressé que de 28 % en France. Enfin, combien coûtera ce fichier ?

Pour le reste, votre projet de loi créera surtout un choc de complexification. J’en prendrai deux exemples. Un procès-verbal ou un compte-rendu sera désormais obligatoire dans le cadre de la renégociation des relations commerciales. Cette nouvelle obligation entraînera un surcroît de travail administratif, préjudiciable au monde économique. De même, le délai de rétraction va être porté de sept à quatorze jours. Le problème est que les entreprises devront rembourser l’acheteur avant même le retour du colis. Comment cela se passera-t-il ? Quels risques prendront-elles ? Comment améliorer le dispositif ?

Enfin, après le matraquage fiscal, voilà le matraquage administratif des entreprises ! La moitié des articles du projet de loi visent à renforcer un pouvoir administratif ou des sanctions. Je ne dis pas que certaines ne devaient pas être alourdies mais le principe de proportionnalité a-t-il été respecté ? Sur le terrain, le renforcement du pouvoir de sanction de la DGCCRF entraînera un formalisme administratif excessif au détriment des PME. À nous de trouver, au cours du débat, le moyen que les entreprises n’en pâtissent pas.

Au final, ce projet de loi est un texte d’affichage, sympathique à la première lecture, mais qui en vérité n’apporte pas grand-chose aux consommateurs. Il ne sert ni la compétitivité des entreprises ni le pouvoir d’achat des ménages. Citez-moi une seule mesure qui améliore le pouvoir d’achat, et je serai disposé à la soutenir. Nous aurons à faire pendant le débat pour que ce texte, de sympathique, devienne efficace sur le plan économique et social.

Mme Jeanine Dubié. Je remercie les deux co-rapporteurs d’avoir organisé de nombreuses auditions, qui ont permis un travail approfondi, et d’avoir autorisé nos collaborateurs à y assister, ce qui a facilité la tâche des petits groupes comme celui du RRDP.

Ce projet de loi qui touche à de nombreux domaines de la vie quotidienne de nos concitoyens, cherche à concilier les deux objectifs, pas nécessairement contradictoires, de maintenir un niveau élevé de consommation et de renforcer la protection des consommateurs. Légiférer pour protéger les consommateurs, c’est tenter d’édicter des règles favorisant une consommation plus durable, plus respectueuse et plus équitable. C’est encadrer les pratiques pour mettre fin aux milliers de petits tracas du quotidien qui peuvent empoisonner la vie, ou du moins les réduire. C’est enfin chercher à redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs en instaurant des mécanismes de marché plus efficients et en rééquilibrant les relations commerciales.

Nous partageons, monsieur le ministre, votre objectif de parvenir à une meilleure régulation économique afin de soutenir la croissance. Nous proposerons divers amendements.

Nous soutenons l’action de groupe et les modalités retenues par le Gouvernement pour l’introduire dans notre droit. Certains tiennent la mesure pour un tout petit pas, d’autres la refusent absolument. Vous avez, selon nous, trouvé le bon chemin.

Nous soutenons également les mesures, que nous jugeons positives, relatives aux délais de paiement, aux clauses abusives, aux crédits à la consommation, à la résiliation des contrats d’assurance, à l’allongement du délai de rétractation en matière de e-commerce et de vente à distance, aux moyens d’actions de la DGCCRF ainsi qu’aux sanctions qu’elle peut prendre, aux indications géographiques pour les produits manufacturés. Sur tous ces sujets, nous proposerons des amendements afin d’améliorer le texte, en simplifier l’application ou renforcer les droits des consommateurs lorsque nécessaire. Nous présenterons également quelques amendements relatifs aux relations commerciales. Il est possible d’aller plus loin dans la lutte contre les rentes de monopole, les déséquilibres dans les négociations et le maintien des acteurs en situation captive. Autant de « poches d’inefficacité » auxquelles il faut s’attaquer afin de relancer la croissance.

Nous avons pris connaissance, ce matin, de l’amendement instituant le RNCP. Notre position sur cette question complexe est plus nuancée. Vu le peu de temps dont nous avons disposé, nous réservons notre vote en commission. Si ce fichier rationalise la distribution du crédit, nous ne sommes encore convaincus ni de la proportionnalité du dispositif ni de son efficacité. Nous proposerons des solutions complémentaires ou mieux adaptées pour responsabiliser les prêteurs mais aussi les emprunteurs, et éviter à ceux-ci le crédit de trop qui fait basculer dans une situation dramatique. Sur ce sujet comme sur les autres, nous sommes ouverts au débat. En tout cas, nous accueillons avec bienveillance votre texte, monsieur le ministre.

M. Thierry Benoit. Telle que proposée, l’action de groupe témoigne de la volonté du Gouvernement de maîtriser le dispositif. Nous avons tous en tête les dérives auxquelles ont donné lieu les class actions aux Etats-Unis et il nous paraît judicieux de limiter pour l’instant l’action de groupe en France aux préjudices économiques et à ce qui touche aux pratiques anti-concurrentielles. C’est la voie de la sagesse.

Partons si possible avec des a priori favorables pour l’ensemble des acteurs que concerne ce texte, consommateurs, entrepreneurs et commerçants. Les entrepreneurs et les commerçants ne sont pas des voleurs. N’entretenons pas la suspicion. La consultation préalable du Conseil d’État, de la CNCDH et de la CNIL, qu’a souhaitée le Gouvernement au sujet du registre national du crédit aux particuliers, a été une utile précaution.

J’en viens à la loi de modernisation de l’économie (LME), que certaines dispositions du texte visent à aménager. Je ne peux m’empêcher de rappeler que nos collègues de l’actuelle majorité avaient vivement décrié la LME à l’époque. Pour ma part, je ne l’avais pas votée et comme Mme le Loch, je pense qu’elle a aujourd’hui besoin d’aménagements sérieux. Je n’en ai pas perçu la volonté chez vous, monsieur le ministre. Plus de transparence est nécessaire et il faut notamment regarder de près les pratiques commerciales de certains acteurs. La LME touche les producteurs, les distributeurs, les industriels de la transformation et les consommateurs. Je m’étonne, monsieur le ministre, que vous n’entriez pas davantage dans le détail de tous les sujets que vous pointiez lors de l’examen de la LME.

Le présent projet a aussi pour objet de transposer une directive européenne, et j’aimerais quelques précisions à ce sujet, notamment sur ce que deviendra la loi Scrivener : il me semble à la lecture des amendements qu’il existe certaines confusions sur les délais de rétractation, de commande, de livraison. Pouvez-vous aussi préciser ce que devient le délai de remboursement ?

J’approuve ce qui a été dit de l’obsolescence programmée, avec quelques réserves toutefois sur la garantie des stocks par les fabricants : il faut vérifier que c’est effectivement réalisable.

Sur l’indication géographique protégée, vous reprenez le travail de l’ancien Gouvernement, ce qui est une très bonne chose : il faut valoriser les savoir-faire de nos terroirs et protéger des gestes séculaires qui se perdent.

L’UDI souhaite que la plus grande vigilance soit de mise – en cette période où le Gouvernement dit vouloir avant tout lutter contre le chômage – dès lors qu’une mesure risque d’entraîner un coût financier pour les entreprises : avant de prévoir de nouvelles sanctions, prenons toutes les précautions nécessaires.

N’oublions pas non plus la nécessité, reconnue d’ailleurs par Président de la République, d’une simplification de notre droit. Même si je comprends les objectifs de ce texte, j’appelle les agents de la DGCCRF à la retenue.

Concentrons-nous sur l’apaisement des relations commerciales, sur la pacification des relations entre les entreprises et les consommateurs : notre but ne doit pas être de donner plus de travail à la justice et aux avocats, mais plutôt de faire renaître la confiance. Les entrepreneurs et les commerçants, je le redis, ne sont ni des voleurs, ni des suspects.

M. le président François Brottes. Le groupe écologiste a souhaité partager son temps de parole entre deux de ses membres, Mme Allain et Mme Bonneton.

Mme Brigitte Allain. Les écologistes portent une attention toute particulière à ce premier grand projet de loi économique de la législature : l’acte de consommation interroge nos valeurs écologiques et sociales. L’économie mondialisée a bouleversé les modes de production, et exacerbé les pressions sur les ressources naturelles en multipliant l’offre de produits tout en réduisant leur durée de vie. Pour prendre la mesure d’un monde qui a changé, et faire face aux défis des années à venir, il est urgent de mieux encadrer la production, de mieux protéger le consommateur des dérives du commerce et des excès du crédit, de mieux l’informer aussi.

Sauf sur le RCNP, ce projet de loi nous paraît aller dans le bon sens ; mais nous ne pouvons nous en contenter, car il entretient une vision trop monolithique de l’économie : extraire, produire, jeter. Nous, écologistes, voudrions au contraire familiariser les consommateurs avec une vision plus sobre de l’économie. Par nos amendements, nous vous proposerons une meilleure protection des plus faibles contre le surendettement, un élargissement de l’action de groupe aux questions de santé environnementale, une défense renforcée du « consommacteur » ainsi qu’une meilleure reconnaissance du travail des producteurs, et enfin la promotion des emplois non délocalisables et un renforcement de l’indication d’origine pour les produits manufacturés.

Nous voulons, en un mot, enrichir ce projet de loi pour teinter l’acte de consommation de responsabilité citoyenne et pour soutenir l’économie de demain par la création d’emplois et la réduction de l’empreinte écologique.

Mme Michèle Bonneton. Ce texte très riche était très attendu par les citoyens et les associations de consommateurs. C’est dans un esprit constructif que nous avons proposé des amendements, dont certains ont été adoptés par les commissions saisies pour avis : ils concernent notamment le renforcement de l’information des consommateurs par un étiquetage clair, l’amélioration de la qualité des produits manufacturés par une lutte plus forte contre l’obsolescence programmée, et enfin la promotion de l’économie circulaire et l’extension de l’action de groupe aux domaines de la santé et de l’environnement.

Nous ne sommes pas convaincus en revanche par l’idée d’un fichier positif du crédit : le surendettement naît le plus souvent du manque de pouvoir d’achat et d’accidents de la vie, et nous redoutons les atteintes aux libertés individuelles que pourrait comporter la création d’un tel fichier. Nous préférerions donc une meilleure information du consommateur.

Dans l’ensemble, c’est un projet très positif, et la discussion permettra, je n’en doute pas, de l’enrichir encore.

M. Frédéric Barbier. Voici un projet de loi ample et riche, mais aussi très cohérent : au cœur de nos préoccupations, il y a la volonté de réguler le marché pour que les forts et les faibles disposent des mêmes opportunités et par là de redonner de l’élan à notre économie. Il est urgent de mieux lutter contre la rente économique et de mieux protéger le consommateur des abus, de favoriser le pouvoir d’achat, tout en préservant les intérêts stratégiques de nos entreprises.

Je remercie M. le ministre, ainsi que les rapporteurs, de leurs interventions claires et précises : ils ont beaucoup travaillé, beaucoup écouté, beaucoup approfondi. Les députés ont reçu ce texte le 2 mai et, depuis, nous n’avons pas chômé : ce sont des sujets passionnants, car nous touchons ici à la vie quotidienne.

Enfin, nous allons créer l’action de groupe ! Jusqu’à présent, cela avait toujours été refusé au consommateur français. Cette procédure nouvelle permettra de réparer des dommages, mais aussi de dissuader les rares entreprises qui souhaiteraient frauder. Ce texte limite l’action de groupe aux dommages matériels, mais vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, que le Gouvernement souhaite l’étendre rapidement au domaine de la santé. Envisagez-vous de l’étendre aussi au domaine de l’environnement ? Avez-vous prévu d’analyser les affaires qui surviendront avant d’étendre l’action de groupe à de nouveaux domaines ?

S’agissant des articles 61 et 62, les auditions ont montré l’extrême tension qui règne entre distributeurs et producteurs. En quoi ces articles vont-ils améliorer la situation ? Existe-t-il, comme nous le dit la grande distribution, un risque de déséquilibrer ces relations au profit des industriels ? Comment ce texte aidera-t-il les petits producteurs, que nous souhaitons soutenir ?

Nous avons été sollicités aussi sur les sujets liés à l’automobile : statut de distributeur automobile, monopole des constructeurs sur les pièces détachées visibles, information du consommateur sur la possibilité de s’adresser au prestataire réparateur de son choix. Quel est votre point de vue, monsieur le ministre délégué ?

Ce projet de loi n’aborde pas la question de l’urbanisme commercial : on pourrait s’en étonner. De même, il n’accorde pas de moyens nouveaux, financiers mais aussi humains, à la DGCCRF. Comment pourra-t-elle effectuer correctement ses missions ?

Enfin, vous avez confirmé, monsieur le ministre délégué, votre volonté de créer un registre national du crédit aux particuliers. Attendu depuis très longtemps par certaines associations qui travaillent auprès des familles surendettées, il suscite chez d’autres de grandes craintes : comment répondre à ces inquiétudes ?

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, je vous laisse la parole avant que ne puissent intervenir les différents députés qui le souhaitent.

M. le ministre délégué. Non seulement le registre national du crédit aux particuliers n’éteindra pas le surendettement du jour au lendemain, mais, paradoxalement, il augmentera dans un premier temps le nombre de dossiers traités par la Banque de France ! Il permettra en effet une détection plus précoce des personnes touchées. En Belgique, la moyenne de l’endettement pour ces dossiers est de 20 000 euros, contre 40 000 en France ; or, il est beaucoup plus facile d’intervenir pour 20 000 euros que pour 40 000 euros. La Banque de France a donc de très bonnes raisons de s’interroger sur la charge de travail et le coût qu’engendrera cette mesure : nous estimons le coût de la création du fichier entre 10 et 15 millions d’euros. Ensuite, son fonctionnement devrait coûter de 30 à 45 millions, mais cette somme sera à la charge des établissements de crédit : en effet, ils en tireront des bénéfices, puisqu’ils pourront mieux estimer la solvabilité de leurs clients, et verront donc diminuer le nombre de leurs créances non payées.

Il faut responsabiliser les emprunteurs, me dites-vous, madame Bonneton. J’entends l’argument, et j’ai été interpellé sur le sujet par des professionnels du secteur bancaire. Bien sûr, il faut éduquer les consommateurs, mais je ne crois pas que l’on ait toujours une attitude rationnelle sur l’endettement. Des situations difficiles, bien réelles, incitent certains à prendre un crédit renouvelable pour payer leurs factures ! Est-ce rationnel ? Non. Mais ils y sont poussés par la réalité de ce qui leur arrive. Il faut donc prendre en charge ces familles le plus tôt possible, avant qu’elles ne basculent dans le surendettement.

Nous avons beaucoup travaillé pour préserver les libertés fondamentales, et je veux d’ailleurs saluer le rôle du Conseil d’État, qui nous a aidés à prendre toutes les précautions possibles. Après avoir émis un avis défavorable, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a d’ailleurs reconnu avoir été écoutée ; j’espère que la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) regardera aussi ce projet d’un œil plus favorable, car nous avons entendu ses arguments. Ce travail montre combien une véritable concertation peut être utile. Au cours de l’année qui vient de s’écouler, je me suis moi-même forgé une conviction sur ce sujet : je n’étais pas, au départ, un partisan farouche d’un registre national.

Aujourd’hui, le marché du crédit est dominé par quelques grandes banques, et il est bien difficile de s’y faire une place. De jeunes entreprises qui voudraient faire du crédit entre particuliers s’en plaignent, et appellent de leurs vœux un marché plus concurrentiel, ce qui ferait d’ailleurs baisser les taux ! C’est aussi notre volonté. Les acteurs qui dominent le marché sont opposés au RNCP, tandis que les nouveaux entrants potentiels y sont favorables : ce registre permettra non seulement une détection plus précoce des familles vulnérables et une meilleure lutte contre le mal-endettement, mais donnera accès au crédit à des populations qui en sont aujourd’hui exclues par leur mauvais « score » – c’est souvent le cas des jeunes ménages.

Monsieur Abad, je vous remercie d’avoir dit que ce texte était « sympathique » : je choisis de prendre ce terme comme un compliment. L’action de groupe vous semble compliquée, mais il faut comprendre que ce n’est pas seulement une nouvelle procédure : c’est aussi un moyen de rétablir la confiance entre les consommateurs et les entreprises. C’est en quelque sorte une arme de dissuasion contre les tricheurs – que personne, j’en suis tout à fait certain, ne soutient ici.

L’Autorité de la concurrence nous le dit : il existe des ententes entre des entreprises, ententes qui obligent parfois le consommateur à payer un prix de 20 % supérieur à celui qu’il aurait pu obtenir s’il y avait vraiment eu concurrence. C’est pour cela qu’il faut créer l’action de groupe ! Elle figurait d’ailleurs au programme d’un candidat à la présidence de la République que vous avez soutenu ; elle figurait même dans les programmes de précédents candidats, qui ont pour certains été élus.

Nous voulons donc une action de groupe qui soit la plus rapide et la plus efficace possible. Il faudra toutefois attendre, pour la lancer, que l’Autorité de la concurrence ait rendu son jugement. Certains craignent que les procédures n’en soient terriblement allongées. Je suis ouvert à la discussion sur des conditions d’exécution provisoire d’une action de groupe, ou bien sur une éventuelle procédure simplifiée, lorsque par exemple toutes les personnes potentiellement lésées sont déjà bien identifiées. Ainsi, nous avons connu des problèmes avec des produits de placement libellés en devise étrangère : tous les clients de la grande banque française concernée sont connus. Cela pourrait justifier une procédure simplifiée.

L’action de groupe donnera des armes aux consommateurs, par le truchement d’associations agréées : les préjudices pourront ainsi être réparés, mais la simple existence de la procédure devrait pousser les entreprises à améliorer leurs relations avec leurs clients et leurs médiations d’entreprise. Un consommateur avisé, c’est aussi un consommateur qui pousse les entreprises à être plus compétitives, et c’est bon pour toute notre économie.

Ce projet de loi comporte des mesures en faveur du pouvoir d’achat : nous voulons notamment agir sur les dépenses contraintes, car c’est là que sont les rentes indues, et nous pensons que cela représente des sommes importantes. L’action de groupe permettra que ces rentes soient rendues au consommateur – plutôt qu’aux avocats, comme c’est trop souvent le cas aux États-Unis, même si les avocats ont bien sûr un rôle à jouer.

S’agissant de la directive européenne, M. Abad, nos marges de manœuvre sont à peu près nulles. Le délai de rétractation sera donc de quatorze jours, comme le délai de restitution du produit par le consommateur ; le délai de remboursement par le professionnel sera de trente jours. Ce n’est peut-être pas la solution optimale, notamment pour les outre-mer, mais je rappelle que nous sommes dans le cadre d’une directive d’harmonisation maximale.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable, ainsi que les oratrices du groupe écologiste, ont parlé d’économie de la fonctionnalité. Je suis favorable à l’ouverture d’un débat sur ce sujet, même si le délit d’obsolescence programmée proposé par certains amendements me paraît relever de la qualification juridique de tromperie économique sur la qualité substantielle des biens. Mais l’économie circulaire, et les changements de mode de consommation, notamment la plus fréquente réparation des produits achetés, sont des sujets importants. Le projet de loi comporte déjà des obligations en ce domaine ; nous sommes prêts à avancer, tout en veillant à conserver un équilibre.

Merci, monsieur Benoit, pour vos propos. Vous parlez notamment de la LME. Ce que nous constatons, c’est que les enseignes de la grande distribution se livrent une guerre sans merci, qui entraîne une guerre généralisée avec les PME. Les consommateurs en tirent avantage parce qu’ils bénéficient de prix plus bas, mais ils découvrent que cet état de choses a aussi pour conséquence des tromperies plus fréquentes sur la qualité des produits. Faut-il rappeler le cas de la viande de bœuf remplacée par du cheval ? Nous devons donc nous interroger sur ce modèle économique du moindre coût.

Monsieur Abad, vous craignez les sanctions contre les entreprises. Mais aujourd’hui, on peut gagner de l’argent en trichant : cela peut relever d’un arbitrage rationnel ! Il faut donc proportionner les peines à l’ampleur du bénéfice indu : tricher ne doit plus payer, dans le domaine du commerce comme dans tous les autres. Nous voulons tous ici réprimer la délinquance : pourquoi être plus indulgent avec la délinquance économique ?

Lorsque je consomme, je dois avoir confiance dans les produits que j’achète. Sinon, je n’achète plus. Voyez la chute vertigineuse des ventes de plats préparés.

On comprend donc que MM. Barbier et Chassaigne nous invitent à renforcer les pouvoirs et les moyens de la DGCCRF. Un mot à ce sujet. La DGCCRF travaille avec une si belle énergie qu’elle en vient parfois à se substituer aux services de certains de nos partenaires européens – ce sont nos fonctionnaires qui ont remonté jusqu’à Chypre la filière de la viande chevaline indûment substituée à de la viande bovine ? On ne peut à la fois louer le travail de ces agents, qui travaillent d’arrache-pied pour faire respecter l’intérêt des consommateurs, et leur reprocher d’être exagérément tatillons à l’égard des entreprises. La DGCCRF remplit la mission que l’État lui a assignée : protéger les consommateurs, qui n’ont évidemment pas les moyens de surveiller la chaîne du froid ou la traçabilité des aliments qu’ils trouvent dans leur assiette.

Pour remplir cette tâche, la DGCCRF a besoin de moyens de contrôle et de pouvoirs de sanction supplémentaires. Les sanctions administratives visent à rendre effective une loi qui ne l’est pas aujourd’hui, si bien que la volonté du législateur de voir garanti l’équilibre entre producteurs et consommateurs n’est pas respectée. Je demanderai par ailleurs que les effectifs de la DGCCRF soit renforcé mais, vous le savez, les arbitrages sont loin d’être rendus à ce sujet. Non seulement la DGCCRF, dont les moyens ont été réduits, a été contrainte de diminuer le nombre de ses contrôles, mais les transpositions successives de directives ont élargi ses compétences, obligeant ses agents à une polyvalence qui rend les contrôles moins pointus. L’effectif de la DGCCRF, en baisse de 16 %, n’est pas ce qu’il devrait être. Je me tourne vers ceux qui ont mis en œuvre la révision générale des politiques publiques pour leur dire que ce n’est pas une bonne chose pour les consommateurs français. S’ils estiment que les moyens alloués à la DGCCRF doivent continuer de baisser, ils le manifesteront par leur vote au moment opportun. Je pense, pour ma part, que nous avons l’occasion d’inverser la courbe, dans l’intérêt général.

Je tiens à dire à nouveau l’importance du procès-verbal. Comment la DGCCRF peut-elle travailler correctement si elle n’est pas en mesure de constater ce qu’a été la réalité de la négociation et ne peut s’appuyer que sur des déclarations orales ?

M. Chassaigne a évoqué les indications géographiques pour les produits manufacturés, une question dont il pourra traiter en présence de Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Pour sa part, M. Barbier a mentionné l’urbanisme commercial, vaste sujet qui trouvera sa place dans le futur projet « Duflot III ». Nous débattrons plus en détail, lors de la discussion des articles, des autres points abordés.

J’y insiste : donner des droits aux consommateurs, c’est rendre le marché plus fluide et accroître la compétitivité des entreprises. La compétitivité ne peut se concevoir au détriment des salariés et des consommateurs ; elle suppose la confiance des premiers et les meilleures conditions possibles de travail et de rémunération pour les seconds. Je veux croire que nous sommes tous d’accord sur ce point.

M. le président François Brottes. Je vous remercie. Nous allons entendre à présent, par séquence de deux, les orateurs qui se sont inscrits.

Mme Pascale Got. Je vous félicite, monsieur le ministre, d’introduire l’action de groupe dans notre droit et de vous engager à son élargissement futur. Nous présenterons plusieurs amendements visant à affiner le dispositif que vous proposez. D’autre part, le Gouvernement ne pourra se dispenser d’un rapport d’évaluation des premières actions de groupe.

M. Alain Suguenot. Notre travail est décidément un éternel recommencement ! Les intentions de ce texte, comme l’étaient celles de la loi Lagarde, sont excellentes, mais les risques demeurent : celui du saupoudrage de mesures, celui d’un démarchage exacerbé de la part des banques et, dans le cadre de l’action de groupe, un fort risque d’insécurité juridique en raison d’une part de la dualité de l’action pénale et de l’action civile qui favorisera les atermoiements, d’autre part du délai de rétractation qui fragilisera l’effectivité et l’exécution des contrats.

Le plus grave est la création d’un RNCP : encore faudrait-il pouvoir définir ce qu’est un crédit à la consommation, puisque tout établissement bancaire peut transformer en prêt personnel un crédit à la consommation. Quelle sera la nature des crédits inscrits dans le fichier ? Quels seront les pouvoirs d’investigation ? En réalité, on met à la disposition des banques un outil de prospection très puissant, dont elles ne manqueront pas de se servir en multipliant les démarchages insistants de consommateurs qu’elles ne pouvaient approcher jusqu’alors. Intégrer l’ensemble des crédits souscrits par 25 millions de foyers dans le fichier positif, ce serait porter une grave atteinte à la vie privée, mais à limiter les inscriptions comme vous le proposez, vous créez une insécurité juridique. Il faut trouver un moyen terme pour empêcher les banques de déguiser des crédits à la consommation afin d’éviter qu’ils ne figurent dans le fichier.

M. le ministre délégué. Je prends note de ces remarques, mais je souligne encore une fois que le dispositif a été ciselé en tenant compte des avis du Conseil d’État, de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Le Conseil d’État et la CNIL ont refusé l’utilisation, recommandée par la Banque de France, du répertoire national d'identification des personnes physiques comme identifiant pour le fichier positif, estimant qu’il devait être réservé à la sphère sociale. Par ailleurs, le Conseil d’État ayant jugé disproportionnée l’intégration de 25 millions de personnes dans le fichier positif au regard d’un flux annuel de quelques 200 000 dossiers de surendettement, nous avons décidé de créer un nouvel identifiant réservé à la sphère bancaire, ce qui peut être utile par ailleurs. Aujourd’hui, toutes les garanties ont été prises.

Cependant, 87 % des dossiers de surendettement comprennent en moyenne cinq crédits à la consommation. C’est pourquoi nous avons voulu concentrer notre action sur ce type de crédits. Ce n’est pas que nous les tenons pour responsables du surendettement, mais le fait est que les personnes surendettées en souscrivent beaucoup, parce qu’ils les obtiennent facilement. Il faut faire en sorte qu’ils ne souscrivent pas le crédit « de trop ». Nous avons conçu le dispositif en suivant l’avis du Conseil d’État. J’entends vos arguments, monsieur Suguenot, mais notre marge de manœuvre est assez faible, et la formule que nous avons retenue est à la fois efficace et adaptée à son objet – la lutte contre le surendettement ou, à tout le moins, la détection précoce du basculement dans le surendettement.

Je ne vous apprendrai rien en rappelant qu’il existe déjà un registre national des crédits aux particuliers, gros de plusieurs millions de noms, propriété de trois groupes bancaires qui s’en servent pour vérifier la solvabilité des emprunteurs. Nous voulons sortir de ce cadre privé et créer un outil public de régulation du marché du crédit à la consommation et de lutte contre le surendettement.

De surcroît, nous allons encadrer le crédit renouvelable, et je suis ouvert au débat sur les propositions parlementaires relatives aux hypothèques rechargeables ou aux délais d’extinction des crédits à la consommation. La loi Lagarde a incontestablement amélioré l’encadrement du crédit renouvelable. Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, j’avais une aversion personnelle à l’égard de ces crédits rechargeables, mais je conviens qu’ils sont très utiles pour les achats peu coûteux qui seraient financés, sinon, par des découverts bancaires générant des agios très élevés. Il reste que, pour toute demande de crédit supérieur à 1 000 euros, la loi de 2010 prévoyait que les consommateurs devaient se voir offrir la possibilité de souscrire un crédit amortissable à la place d’un crédit renouvelable ; or, les banques ne le leur proposent pas. Nous allons donc prolonger ce qu’a fait Mme Lagarde, et imposer ce qui n’était jusqu’à présent qu’une possibilité. Le fait que la DGCCRF dispose de plus de moyens facilitera sa tâche de contrôle.

Mme Marie-Lou Marcel. Je me réjouis que nous soit soumis ce texte ambitieux qui instaure l’action de groupe ainsi que les indications géographiques nationales pour les produits manufacturés, ainsi qu’un mécanisme renforçant la protection des noms de collectivités territoriales. Ces dispositions étaient attendues depuis longtemps par les collectivités locales, les élus et les professionnels qui voient parfois leur image ternie par des industriels peu scrupuleux. Un vide juridique va être heureusement comblé. Nous proposerons quelques amendements visant à améliorer encore la protection des consommateurs, des territoires et des producteurs ; nous espérons qu’ils trouveront une écoute attentive.

M. François Vannson. J’ai le sentiment que ce projet instruit le procès à charge des entreprises. Il en existe certes d’indélicates, mais notre arsenal législatif permet de faire rentrer les choses dans l’ordre. Dans le même temps, les entreprises doivent elles-mêmes faire face à des consommateurs indélicats. Il faut donc trouver un juste équilibre. C’est ce qui explique ma réticence à l’idée de l’action de groupe, dont j’estime l’introduction inutile dans notre droit. Elle doit en tout cas rester limitée aux litiges relatifs à la consommation et ne viser que la réparation de préjudices matériels. Il me paraît également souhaitable que la procédure ne soit pas rétroactive, et que soit réduit à un an le délai légal pour agir. Je défendrai des amendements en ce sens.

M. le ministre délégué. Je me félicite, madame Marcel, que nous ayons l’occasion de débattre des indications géographiques nationales pour améliorer éventuellement le dispositif qui vous est proposé et qui vise à protéger les savoir-faire, les labels et l’emploi. Je serai très attentif aux suggestions des parlementaires.

Pas plus que vous, monsieur Vannsson, nous ne soupçonnons chaque entreprise d’indélicatesse, ni chaque client qui entre dans un supermarché d’être un voleur potentiel. Permettez-moi seulement de rappeler les peines respectivement encourues pour vol à l’étalage et pour tromperie. Qui vole une barquette de lasagnes à l’étalage sur un rayonnage encourt 45 000 euros d’amende et deux années d’emprisonnement. Qui commet le délit de tromperie n’est passible que de 37 500 euros d’amende et de deux années d’emprisonnement – c’est peu, au regard des montants concernés. Nous souhaitons que la loi ait un effet plus dissuasif pour éviter que, comme cela se produit, une entreprise en difficulté ne décide sciemment, pour se sortir d’un mauvais pas, de commettre une tromperie dont elle sait qu’elle ne sera que faiblement sanctionnée.

Sur l’action de groupe, nous sommes en désaccord, puisque vous la pensez inefficace ou inutile. Cette mesure est encouragée par la Commission européenne ; on ne peut plaider en faveur d’une réforme structurelle dans le champ social et la refuser pour la protection du consommateur. Je me réjouis de la position prise à ce sujet par M. Loïc Armand, président de la commission « consommation » du Medef, même si ce n’est sans doute pas la position générale au sein de cette organisation ni le cheval de bataille des candidats à sa présidence.

L’action de groupe, telle que nous la proposons, tend à rééquilibrer les relations entre consommateurs et entreprises. L’énergie qu’il faut déployer aujourd’hui pour obtenir réparation d’un préjudice, même très faible, est inacceptable. Des centaines de milliers de familles ont été contraintes d’engager des procédures ou se sont trouvées dans l’impossibilité d’obtenir réparation d’un préjudice subi. Nous allons mettre fin à cela grâce à une procédure simple : des groupes ad hoc de consommateurs se constitueront, et l’action en justice des associations nationales agréées permettra à chacun de recevoir les sommes indûment prélevées, si minimes soient-elles ! Il est important que le consommateur se sache enfin protégé des abus. Chacun devrait soutenir une mesure que tous les candidats à la l’élection présidentielle avaient faite leur.

Mme Frédérique Massat. Nous nous réjouissons de l’introduction dans notre droit d’une procédure d’action de groupe, et aussi de la création d’un registre national du crédit aux particuliers, deux mesures que nous avons portées depuis longtemps, et notamment lors de la discussion du dernier texte sur la consommation, fin 2011, qui n’a pas aboutie.

Vous avez dit, monsieur le ministre, vouloir éviter de faire de ce texte un millefeuille ; j’ai cependant cru comprendre que vous serez disposé à quelques ouvertures, par exemple pour la règlementation des achats d’or. Qu’en est-il ?

M. Daniel Fasquelle. Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas avoir étendu le champ de l’action de groupe aux petites entreprises, qui connaissent les mêmes difficultés que les particuliers pour obtenir réparation en cas de litige avec leurs partenaires économiques ?

S’agissant des indications géographiques et de la protection du nom des communes, le Gouvernement a repris en grande partie la teneur de la proposition de loi que j’avais déposée avec plusieurs de mes collègues du groupe UMP, mais sans prévoir, point essentiel, qu’une commune puisse déposer son nom comme marque collective ; pourquoi ne pas avoir repris cette disposition ?

Soutiendrez-vous mon amendement tendant à réglementer l’appellation « restaurant », pour que le consommateur sache s’il se dirige vers un établissement où l’on cuisine vraiment, et pour que notre gastronomie et nos emplois soient préservés ?

Enfin, votre souci constant de transparence vous conduira sans nul doute à nous communiquer l’avis du Conseil d’État sur ce texte.

M. le président François Brottes. Vous savez que ce n’est pas obligatoire.

M. le ministre délégué. Je reviens en arrière, car j’ai omis de répondre à M. Suguenot quant au risque d’insécurité juridique lié au délai de rétractation. Nous avons interrogé la Commission européenne à ce sujet, la Fédération de la vente à distance (FEVAD) ayant fait valoir que ses adhérents ne pourront avoir la certitude que l’objet acheté leur a bien été réexpédié avant qu’ils ne procèdent au remboursement, puisque le consommateur dispose de quatorze jours pour exercer ce droit, et de quatorze autres jours pour renvoyer son achat.

La réponse de la Commission européenne à ce sujet a été négative : nous ne pouvons pas toucher aux délais, nous ne pouvons jouer que sur la gravité des sanctions. La préoccupation de la FEVAD quant au développement d’éventuelles pratiques indélicates de la part des consommateurs n’en demeure pas moins légitime.

M. Alain Suguenot. Afin d’éviter les abus tant des consommateurs que des vendeurs, il convient avant tout que nous définissions très précisément la date à partir de laquelle le délai commence à courir.

M. le ministre délégué. Comme je l’ai indiqué, la Commission européenne ne nous laisse, à ce stade, aucune marge de manœuvre.

Quant aux dispositions relatives à tel ou tel secteur que nous pourrions introduire dans le projet de loi, il m’est un peu difficile de répondre à ce stade, madame Massat. Plusieurs sujets ont été évoqués. Je sais le rapporteur très attaché à l’encadrement de la vente d’or. Pour sa part, le rapporteur pour avis de la commission des finances a évoqué la mobilité bancaire. Nous pourrions en effet réfléchir aux moyens de fluidifier le marché. Lorsqu’ils souhaitent changer de banque, les clients sont avant tout inquiets des conditions dans lesquelles les virements permanents et prélèvements automatiques sont établis sur leur nouveau compte. C’est un élément dissuassif.

Pour répondre à M. Fasquelle, je suis ouvert à une discussion sur le secteur de la restauration, mais je ne suis pas favorable à une nouvelle réglementation qui distinguerait les « vrais » restaurants des « faux ». En Italie, les menus doivent mentionner si les plats sont surgelés, de manière à ce que le consommateur sache ce qui a été fabriqué sur place ou non. Cependant, se pose également la question de l’utilisation de produits déjà transformés au préalable. C’est un sujet complexe. Réserver la qualité de restaurant à ceux qui fabriquent tous leurs plats sur place exclurait de cette catégorie certaines grandes enseignes. Des dispositions relatives au secteur de la restauration pourraient être introduites le cas échéant dans le projet de loi que prépare actuellement la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.

S’agissant de l’action de groupe, nous souhaitons la réserver aux consommateurs. Pour leur part, les entreprises peuvent déjà intenter de telles actions dans le cadre du droit actuel. De plus, je ne suis pas favorable à une extension du champ de l’action de groupe au-delà de ce qui est prévu dans le projet de loi. Cela relèvera le cas échéant d’autres textes. L’action de groupe constitue une innovation procédurale importante, elle doit monter en charge progressivement. En revanche, nous pourrons discuter d’une éventuelle procédure simplifiée pour l’exécution provisoire.

Pour ce qui est de la protection du nom des communes, l’INPI ne peut pas intervenir dans ce domaine – à ce stade. C’est pourquoi nous n’avons pas repris l’intégralité de votre proposition, monsieur Fasquelle. Nous en discuterons avec la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.

Quant à l’avis du Conseil d’État, je vous en ai communiqué la teneur sur certains points, en toute bonne foi. Je verrai dans quelles conditions informer plus avant l’Assemblée sur cet avis d’ici à la séance publique.

M. Daniel Fasquelle. Vous avez en effet levé un coin du voile, monsieur le ministre délégué, mais seul vous pouvez décider de rendre l’avis public. Cela permettrait d’éclairer nos débats.

M. le ministre délégué. J’ai bien noté votre demande.

M. Michel Lefait. Il a été décidé, sagement, de réserver dans un premier temps l’action de groupe aux seules associations nationales de consommateurs agréées. Cependant, cette disposition risque de restreindre le nombre de procédures : compte tenu de leurs moyens limités, les associations devront choisir de saisir ou non la justice sur tel ou tel sujet. Une fois le dispositif bien rodé, il sera donc nécessaire de réfléchir à l’extension du dispositif aux associations de consommateurs ad hoc par le biais d’un agrément judiciaire. Quels devraient en être, selon vous, monsieur le ministre délégué, les modalités et le calendrier ?

M. Kléber Mesquida. J’interviens également au nom de M. Frédéric Roig. La modification des délais de paiement pose problème, notamment dans le secteur du bâtiment. Depuis l’entrée en vigueur de la loi de modernisation de l’économie, les entreprises du secteur éprouvent de grandes difficultés à obtenir de leurs clients le règlement des factures dans le temps imparti. L’instauration d’un nouveau délai de paiement se traduirait par une contraction supplémentaire de leur trésorerie d’environ quinze jours, qui serait très préjudiciable, dans la période actuelle, aux PME et aux artisans.

D’autre part, les coopératives viticoles ont des besoins spécifiques. La loi de 1947 a défini les principes de la coopération, mais n’a pas précisé la nature des relations entre l’adhérent et la coopérative. Celles-ci ne relèvent ni du contrat de vente, ni du contrat commercial. C’est une source de difficultés en cas de litige. Établissant à tort un parallèle avec la relation entre la coopérative et ses clients, certains considèrent que la relation entre la coopérative et ses adhérents est régie par des contrats commerciaux. Cela impliquerait que la coopérative paie ses adhérents dans un délai de soixante jours. Or, c’est matériellement impossible, car le processus de transformation du raisin prend du temps. Actuellement, 75 % de la production de vin est assurée par des coopératives qui relèvent du secteur de l’économie sociale et solidaire. Afin de prendre en compte leurs spécificités, il conviendrait de se référer non pas au code civil ou au code de commerce, mais au code rural, et d’instaurer une forme de contrat sui generis.

Quelles mesures envisagez-vous, monsieur le ministre délégué, pour adapter les délais de paiement dans le secteur du bâtiment, d’une part, et dans la filière viticole, d’autre part ?

M. le ministre délégué. Je ne suis pas favorable, monsieur Lefait, à ce que d’autres associations de consommateurs que celles qui sont agréées au niveau national puissent intenter des actions de groupe. Les associations de consommateurs qui se constitueront ad hoc solliciteront une des centaines d’antennes locales des seize associations nationales agréées, qui pourront prendre en charge leur demande. Ce filtre vise à éviter qu’une entreprise ne s’abrite derrière une association de consommateurs opportunément constituée, pour intenter une action de groupe dont le seul but serait de nuire à la réputation ou à l’image d’une concurrente. De tels cas de « flibusterie économique » se sont produits aux États-Unis. D’autre part, si l’État constate qu’une association nationale abuse de la procédure pour se faire connaître, il pourra lui retirer son agrément. J’y insiste : l’action de groupe ne doit être engagée que sur la base d’un véritable intérêt à agir.

Quant au délai de rétractation, il court à compter du jour de réception du bien. Lorsqu’une commande porte sur plusieurs biens, il court à compter de la livraison du dernier lot, même s’il n’y a pas de lien de complémentarité entre les différents lots. La Commission européenne nous a répondu très clairement sur ce point : nous ne pouvons rien modifier en la matière. Cela justifierait d’ailleurs pleinement la transposition par voie d’ordonnance : il est frustrant pour le Gouvernement comme pour le Parlement de discuter en détail d’un texte sur lequel ils n’ont, ni l’un ni l’autre, aucune marge de manœuvre.

Pour ce qui est des délais de paiement, il convient en effet de s’assurer que la trésorerie des entreprises, en particulier des PME, n’est pas affectée par leur non-respect. D’où l’arsenal de sanctions administratives que nous allons créer pour la DGCCRF et qui visent à modifier les comportements. Ce dispositif profitera à tous les secteurs, pas seulement à celui du bâtiment. Néanmoins, nous travaillons actuellement sur une réforme des règles des marchés publics et de la commande privée spécifiquement destinée à ce secteur. Le Président de la République interviendra à ce sujet le 14 juin prochain.

S’agissant de la filière viticole, nous allons discuter de votre amendement, monsieur Lefait. Cependant, je souhaite éviter la multiplication des régimes dérogatoires.

M. Thierry Benoit. En cas de vente à distance, le projet de loi fait-il bien passer le délai de rétractation de sept jours à compter de la commande – disposition qui date de la loi Scrivener – à quatorze jours à compter de la réception du bien ? Ce serait donc non plus le bon de commande, mais le bon de livraison qui ferait foi. Sur ce point, nous contentons-nous de transposer la directive européenne ou introduisons-nous des dispositions spécifiques ?

M. le ministre délégué. En vertu de l’article L. 121-20 du code de la consommation, le délai de rétractation est de sept jours. Il court, s’agissant d’une prestation de service, à compter de l’acceptation de l’offre par le client et, s’agissant d’un bien, à compter de sa réception. Le projet de loi porte le délai à quatorze jours pour les contrats conclus à distance et hors établissement.

M. le rapporteur. Nous appliquons ainsi pleinement la directive européenne. Je précise qu’un délai de rétractation spécifique existe en matière d’abonnement à la presse.

Mme Danielle Auroi. M. Dominique Potier et moi avons déposé deux amendements relatifs à la responsabilité sociale, sociétale et environnementale des multinationales. En effet, le consommateur peut découvrir a posteriori qu’il a acheté un produit dont les conditions de production ne respectent pas les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT), par exemple un ballon de football fabriqué par des enfants. Le premier amendement instaure un droit à l’information : le consommateur doit être renseigné par l’étiquetage ou doit pouvoir obtenir du fabricant les précisions qu’il souhaite sur le lieu et les conditions de production du bien. Le second vise à permettre au consommateur de se retourner contre une entreprise qui ne lui aurait pas fourni les informations nécessaires.

M. Jean-Louis Roumegas. Les dispositions relatives à l’action de groupe sont, à mes yeux, les plus importantes du projet de loi. Je regrette cependant que leur portée et leur efficacité soient restreintes de deux manières.

Premièrement, le champ de l’action de groupe est limité au préjudice matériel. Vous ne l’étendez pas aux préjudices corporel et moral, au motif que ceux-ci doivent faire l’objet d’une évaluation individuelle. Cependant, cette difficulté demeurera dans tous les cas : le fait que l’action de groupe en matière de santé publique ou d’environnement soit introduite non pas dans ce projet de loi, mais dans d’autres textes, n’y changera rien. D’autre part, dans les pays où l’action de groupe existe déjà, une telle objection n’a jamais été soulevée. La consommation de certains produits peut en effet causer des préjudices corporel ou moral. Ainsi en a-t-il été des canapés fabriqués en Chine contenant du fumarate de diméthyle.

Deuxièmement, la procédure que vous avez retenue est celle de l’option d’adhésion – opt in : les victimes du préjudice doivent manifester leur volonté d’être partie à l’action de groupe intentée par une association ou un avocat. Or, l’option de retrait – opt out – aurait permis de mieux réparer les préjudices de masse, car c’est alors le juge qui fixe a priori le périmètre englobant les victimes susceptibles d’être indemnisées. Tel est le dispositif instauré au Portugal. Il fonctionne très bien et n’a pas donné lieu aux abus que l’on a pu constater aux États-Unis.

M. le ministre délégué. Madame Auroi, si une entreprise prétend respecter des normes sociales ou environnementales et s’en sert comme argument de vente, et que l’on parvienne à démontrer que tel n’est pas le cas, elle se rend coupable d’une pratique commerciale trompeuse, déjà sanctionnée par la loi. La DGCCRF établit actuellement une liste des allégations couramment faites par les entreprises en matière sociale et environnementale. En l’absence de telles allégations, il est beaucoup plus compliqué de vérifier l’origine ou la traçabilité des produits. Aujourd’hui, en dépit des demandes de la France, le droit européen ne nous permet guère de progresser en la matière : l’amélioration de la transparence sur l’origine des produits ne peut reposer que sur le volontariat.

D’autre part, nous devrons vérifier à l’avenir que les maisons mères exercent leur vigilance sur les conditions dans lesquelles travaillent leurs filiales et leurs sous-traitants, notamment dans les pays en voie de développement. Enfin, nous étudions actuellement, en lien avec le ministre délégué chargé du développement, des mesures destinées à favoriser le commerce équitable, tant Nord-Nord que Nord-Sud. Il convient notamment de s’assurer de la qualité des labels existants.

Monsieur Roumegas, la procédure d’action de groupe prévue dans le projet de loi n’est pas adaptée aux domaines de la santé et de l’environnement. En effet, elle vise à régler rapidement des litiges de consommation, alors que l’évaluation du préjudice moral ou corporel suppose, elle, une expertise individuelle. L’action de groupe en matière de santé ou d’environnement relève donc de procédures différentes, qui feront l’objet de textes de loi distincts.

Nous n’avons pas retenu la procédure de l’option de retrait car une décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1989 portant sur l’intérêt à agir y fait obstacle. Il convient de prendre les précautions requises du point de vue juridique. Nous avons néanmoins choisi une procédure inclusive large dite « option d’adhésion avec publicité » : le jugement sera rendu public et l’entreprise incriminée devra informer les consommateurs du fait qu’ils peuvent être indemnisés. Loin de limiter le périmètre des personnes indemnisées aux seuls consommateurs initialement parties à l’action de groupe – tel était pourtant le souhait initial des professionnels –, elle encouragera un maximum de victimes à demander le bénéfice de la mesure d’indemnisation décidée. Nous avons ainsi trouvé un équilibre entre le respect des principes constitutionnels et l’objectif de réparation des préjudices de masse.

M. Henri Jibrayel. Le projet de loi ne comprendra donc pas de volet supplémentaire sur l’action de groupe en matière de santé et d’environnement.

M. le ministre délégué. Je le confirme : cette question fera l’objet de projets de lois distincts. Dans le domaine de la santé, Mme Touraine prépare actuellement un texte en lien avec le ministère de la justice.

Si les victimes du Mediator avaient intenté une action de groupe au moyen de la procédure prévue dans le projet de loi relatif à la consommation, elles n’auraient été indemnisées que du prix du cachet, ce qui n’est évidemment pas satisfaisant. Cette procédure vise en effet à réparer non pas le préjudice corporel ou moral, mais le seul préjudice économique. Elle permettra de résoudre de nombreux petits litiges, peu médiatisés et sans conséquences graves, mais qui empoisonnent la vie des consommateurs.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 11 juin 2013 à 16 h 30

Présents. - M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, Mme Michèle Bonneton, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Joël Giraud, Mme Pascale Got, M. Razzy Hammadi, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. Alain Suguenot, M. Jean-Marie Tetart, Mme Catherine Troallic

Excusés. - M. Thierry Lazaro, M. Jean-Claude Mathis, M. Bernard Reynès, M. Frédéric Roig

Assistaient également à la réunion. - Mme Danielle Auroi, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Jacques Cottel, M. Sébastien Denaja, Mme Sophie Dessus, M. Laurent Grandguillaume, M. Philippe Martin, M. Philippe Noguès, Mme Sophie Rohfritsch, M. Jean-Louis Roumegas, M. Fernand Siré, M. François Vannson