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Commission des affaires économiques

Mercredi 19 juin 2013

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 94

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie

La commission a auditionné M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie.

M. le président François Brottes. Chers collègues, après consultation de chacun des groupes, je vous informe que nos réunions de commission du mercredi commenceront dorénavant à neuf heures trente.

Nous accueillons ce matin un habitué de la commission des affaires économiques, M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie. Nous avons, pour cette autorité, le plus grand intérêt puisqu’il entre dans notre rôle d’en modifier le périmètre du collège, parfois les compétences. De son côté, le collège est chargé d’exécuter les missions qui lui sont prescrites par la loi, bien sûr en toute indépendance. Pour la première fois aujourd’hui, M. de Ladoucette est venu avec la totalité du collège de la CRE, bien qu’il soit le seul autorisé à s’exprimer publiquement en son nom. C’est la règle que nous avons dû fixer depuis quelques années, alors que M. de Ladoucette n’occupait pas encore ses fonctions, pour rendre lisible la position de l’autorité indépendante.

La CRE a fait l’actualité, il y a quelques semaines, en rendant un rapport prévoyant une augmentation très importante du prix de l’électricité. J’ai noté qu’il ne s’agissait pas d’un audit comptable mais, selon vos propres termes, monsieur de Ladoucette, d’un « exercice d’analyse, de pédagogie et de transparence ». À plusieurs reprises dans le rapport, vous dites que beaucoup de points doivent être approfondis et que la méthode même de calcul ne dispose pas toujours de tous les éléments pour arriver à un diagnostic rigoureux. En tout état de cause, votre rapport donne l’alerte, dans le débat sur la transition énergétique, sur l’importance du rattrapage à opérer, qui représente une forme de sanction des pratiques des dernières années. Selon vous, il est impossible d’en rester à un statu quo, ni pour l’entreprise EDF, qui est l’une des plus belles et plus grandes de ce pays mais qui vit au-dessus de ses moyens en ayant à assumer des charges qu’elle ne devrait plus endosser, ni pour le pouvoir d’achat des consommateurs, qui ne vont pas supporter une hausse de 12 % du tarif de l’électricité sur deux ans. Le Gouvernement a déclaré qu’il ne suivrait pas une telle perspective, réservant sa décision pour le mois de juillet, tant qu’il a encore des compétences sur le sujet. Cela pourrait, en effet, ne pas durer, sauf si le législateur parvient à introduire des modifications compatibles avec les directives sectorielles.

Dans un tel contexte, votre mission est importante puisque vous êtes au cœur à la fois de l’analyse, du diagnostic, mais aussi de la mise en œuvre des solutions.

M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie. Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de m’accueillir. Sachant que le rapport de la CRE a fait quelque bruit, je vais m’attacher à cadrer la méthodologie que nous avons adoptée et le contexte dans lequel nous avons élaboré ce rapport.

D’abord, c’est le périmètre des compétences de la Commission de régulation de l’énergie dans le cadre des tarifs réglementés de vente d’électricité qui a défini le champ de son analyse des coûts d’EDF. Les textes actuels prévoient que les tarifs couvrent les coûts de fourniture d’EDF et que la CRE donne un avis sur les arrêtés ministériels qui les fixent. Ces avis s’appuient notamment sur les éléments comptables fournis par EDF. À cette fin, la CRE a un droit d’accès à la comptabilité de l’entreprise et aux informations financières, économiques et sociales nécessaires à l’exercice de son contrôle. En revanche, elle n’a aucun titre ni aucune compétence pour faire des prescriptions sur le niveau des dépenses et la gestion. Si elle vérifie le niveau d’un tarif réglementé, elle ne régule pas l’entreprise dans sa partie en concurrence. Je le souligne parce que c’est exactement le contraire en ce qui concerne les gestionnaires de réseaux d’électricité ou de gaz, lorsque nous discutons avec eux le tarif d’accès aux réseaux. Nous demandons la justification préalable des dépenses envisagées et, si nous estimons devoir le faire, nous contestons ces dépenses. C’est un rôle complètement différent : ici l’on régule et là on constate. C’est ce que j’ai dû expliquer aux associations de consommateurs, qui ne comprenaient pas très bien que la CRE ne donne pas d’élément d’appréciation sur les dépenses : nous n’en avons ni la légitimité ni la compétence.

Notre rapport ne procède pas d’un audit comptable au sens propre des coûts d’EDF, mais d’un exercice qui permet de savoir ce qui s’est passé au cours des cinq dernières années et ce qui se passe pour l’année 2013. En janvier 2013, pour les besoins d’un premier rapport sur le fonctionnement des marchés de détail, nous avions effectué une analyse de la composition des factures de certains clients entre grandes typologies de coûts – acheminement, production, commercialisation, contribution au service public de l’électricité (CSPE) et autres taxes. Nous indiquions, dans ce rapport, que nous voyions une évolution des tarifs de l’électricité, d’ici à 2017, de l’ordre de 30 % pour les tarifs bleus. Ce qui ressort du rapport d’aujourd’hui ne remet pas en cause cette trajectoire : on est bien dans l’ordre des 30 %, avec une évolution annuelle qui pose problème.

Nos travaux concordent avec la demande de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, exprimée dans une lettre du 27 février 2013, de procéder à une telle analyse pour éclairer en amont les choix du Gouvernement dans la détermination de l’évolution des tarifs réglementés d’électricité.

J’en viens maintenant à l’analyse des coûts de production et de commercialisation d’EDF et de leurs grands déterminants d’évolution. Comme le souhaitait la ministre, nous avons choisi de réaliser une analyse rétrospective de ces coûts sur les cinq dernières années et de donner des éclairages sur leurs évolutions probables sur les trois années suivantes, donc jusqu’en 2015, étant entendu que les coûts de 2007 à 2012 sont strictement connus, constatés dans la comptabilité et audités par les commissaires aux comptes d’EDF, que les coûts pour l’année 2013 sont évalués selon la méthode que la CRE applique chaque année pour son analyse des mouvements tarifaires, sur la base des éléments transmis par EDF, et que, pour 2014 et 2015, ils relèvent des meilleures prévisions que la CRE puisse faire aujourd’hui, sur la base des chiffres exposés par EDF.

L’analyse tarifaire de la CRE consiste à vérifier la couverture des coûts par les tarifs réglementés. Pour ce faire, dans un premier temps, elle évalue le coût comptable de fourniture d’EDF, puis, dans un second temps, elle répartit ce coût entre les clients qui sont en offre de marché et au tarif réglementé, puis, au sein des tarifs réglementés, entre chaque couleur tarifaire – bleu, jaune et vert. Pour les besoins du rapport en question, nous avons bien précisé ces deux aspects successifs de l’analyse tarifaire, examinant, d’une part, les coûts de fourniture en eux-mêmes, et annualisant, d’autre part, les clés de répartition de ces coûts.

Le coût comptable de fourniture comprend plusieurs composantes : les charges de capital liées à l’activité de fourniture d’électricité, qui représentent essentiellement le capital immobilisé dans les actifs de production d’EDF ainsi que sa rémunération ; les charges fixes et variables d’exploitation, qui traduisent les dépenses qu’EDF doit engager pour faire fonctionner son actif de production – personnels, combustibles, achats ; les coûts commerciaux. En 2012, les coûts commerciaux représentent 8,8 % des coûts comptables de fourniture d’EDF. Ils ont très nettement augmenté entre 2008 et 2012, essentiellement pour trois raisons : la hausse des coûts de personnel, à la fois en prix et en volume ; la mise en œuvre de systèmes d’information requis par les exigences de séparation des activités de distribution d’ERDF de sa maison-mère, en application des directives européennes ; la mise en œuvre de dispositifs de certificat d’économie d’énergie, responsable du tiers de la hausse observée sur la période.

En matière d’investissements, EDF est confrontée à un besoin très important – et probablement de plus en plus important dans les années à venir – pour faire face au renforcement des exigences de sûreté consécutif à l’accident de Fukushima et remplacer les grands composants de son outil de production, le plus fréquent étant le générateur de vapeur. À cet égard, soulignons qu’EDF n’a pas encore atteint le pic de ses investissements dans ces trois secteurs.

Permettez-moi une analyse rapide des coûts d’investissement. La période 2007-2012 a donné lieu à deux phénomènes notables. D’abord, un doublement des investissements de production, de 2,2 milliards à 4,4 milliards, la quasi-totalité de cette croissance étant portée par le nucléaire historique, avec une hausse sur la période de 22 % par an. Cette tendance haussière devrait se poursuivre dans le futur, dans des proportions et une typologie des dépenses similaires, avec l’accélération des remplacements des grands composants et le déploiement du retour d’expérience de Fukushima. Les investissements dans le parc thermique, le parc hydraulique et surtout le nouveau nucléaire contribuent significativement à l’enveloppe globale des investissements de production, à hauteur de 39 %.

Ces investissements génèrent un besoin de trésorerie, et donc de financement, très important. Si les montants de ces investissements se répercutent naturellement et légitimement dans le coût comptable de production par la mécanique des amortissements, ce n’est que de manière progressive et d’autant plus étalée que les investissements s’amortissent sur des durées de vie longue et, de surcroît, avec un effet retard. Ce dernier effet est typiquement illustré par l’EPR Flamanville, pour lequel EDF a d’ores et déjà dépensé plusieurs milliards d’euros, mais qui n’est pas encore intégré dans le coût de production de l’électricité – et pour cause puisqu’il ne produit pas –, donc qui n’est pas aujourd’hui couvert par les tarifs réglementés ni les évolutions évoquées. En conséquence, même si les tarifs couvraient les coûts comptables assurant l’équilibre budgétaire de l’entreprise, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, ils ne permettraient pas nécessairement à EDF de générer le cash nécessaire pour investir sans dégrader significativement ses ratios d’endettement. À cet égard, la CRE procédera, dans un futur assez proche, à des études complémentaires pour quantifier ces effets.

Concernant les charges fixes et les charges variables d’exploitation, nous avons jusqu’à présent parlé des coûts commerciaux dont l’enveloppe a été significativement réévaluée et des investissements dont les évolutions passées et les prévisions d’évolution futures sont tout à fait significatives. Cependant, le principal poste du coût comptable de fourniture demeure très largement le coût d’exploitation, qui en atteint presque les deux tiers – 64,5 %. Ce coût d’exploitation comporte des charges fixes d’exploitation, qui ne dépendent pas du volume de production d’électricité et qui pèsent pour 44 % du coût total, et des charges variables, qui dépendent, elles, de la production de l’année et pèsent pour les 20 % restants. Sur l’ensemble de la période 2007-2012, les charges fixes, qui comprennent principalement les achats de prestations de maintenance, les charges de personnel, les impôts et taxes et les coûts des fonctions support et appui, ont augmenté à un rythme de l’ordre de 5,1 % par an, correspondant à une hausse globale de 2,5 milliards. Les charges variables, qui comprennent essentiellement les achats de combustible des différentes filières de production et des achats d’énergie sur les marchés, qui dépendent donc des volumes d’énergie produite, ont également évolué de 5,1 % par an. On estime que, à l’avenir, le rythme d’évolution devrait être un peu moins soutenu que celui des cinq dernières années.

J’en viens à la problématique un peu plus technique des clés de répartition des coûts par client. La méthode retenue pour le calcul des tarifs réglementés d’électricité est basée sur l’approche relativement théorique, qui a toujours été la même, du parc adapté, c’est-à-dire d’un parc qui n’est pas interconnecté avec le reste des moyens de production européens – ce qui n’est pas le cas. Le principe est de comparer ce qui est comparable, en procédant comme on l’a toujours fait. Il serait souhaitable d’évoluer, mais seulement le jour où la loi NOME entrera réellement en application, à partir de 2016, quand on construira les tarifs réglementés bleus par empilement des coûts, les tarifs vert et jaune ayant disparu. Dès lors, avec l’entrée du marché de capacité, ce référentiel théorique pourrait être modifié au profit d’un modèle plus proche de la réalité. Le modèle actuel a beau être théorique, il ne nous donne pas pour autant d’incertitude. C’est sur cette base qu’on a construit les tarifs réglementés depuis qu’ils existent. Pour plus de précision, citons le rapport : « la méthode du parc adapté semble demeurer aujourd’hui, compte tenu du design du système électrique français – notamment en raison de l’existence d’un marché de gros energy-only ne reflétant pas nécessairement bien la valeur de la capacité de production – la méthode la plus pertinente pour construire des clefs de répartition de coûts. Néanmoins, et notamment lorsque le marché de capacité sera mis en place, d’autres méthodes (plus conformes au contexte d’ouverture des marchés et compatibles avec la nouvelle construction des tarifs en 2016 par empilement des coûts introduite par la loi NOME) pourront être envisagées, notamment par la prise en compte des prix de marché, énergie et capacité. »

C’est à partir de ces clés que nous avons élaboré les scénarios d’évolutions tarifaires. Premier calcul, la hausse tarifaire qu’il aurait fallu appliquer en 2012 pour couvrir les coûts d’EDF de 2012 tels qu’ils sont aujourd’hui connus : elle aurait dû être de 9,4 % pour les clients en tarif bleu, de 5,8 % pour les clients en tarif jaune et de 3,3 % pour les clients en tarif vert. La hausse a été de 2 %, créant un manque à gagner pour EDF évalué aujourd’hui à 1,470 milliard. Celui-ci devra être rattrapé, selon un calendrier qui reste à la main du Gouvernement. Si la CRE ne fait aucune préconisation, la jurisprudence du Conseil d’État donne quelques éléments : d’une part, les tarifs doivent couvrir au minimum les coûts ; d’autre part, toute décision concernant une évolution tarifaire présentant un décalage notoire avec la décision tarifaire précédente doit donner lieu à un rattrapage. Comment et dans quelle durée n’est pas le sujet de mon exposé.

Deuxième calcul, la hausse tarifaire qu’il faudrait appliquer en 2013 pour couvrir les coûts de 2013 tels qu’estimés par la CRE sous deux hypothèses, l’une avec une durée d’amortissement comptable des centrales nucléaires historiques de quarante ans, l’autre avec une durée de cinquante ans. L’allongement de la durée d’amortissement comptable des centrales est un projet explicite de la part de l’entreprise EDF. Après débat au sein du collège, la CRE a estimé qu’elle ne pouvait pas faire complètement l’impasse sur cette option, au risque de se trouver en décalage par rapport à la réalité si l’amortissement comptable à cinquante ans était décidé, et de se voir reprocher de fausses estimations. Les résultats des calculs des évolutions tarifaires pour 2013 sont donc les suivants : 9,6 % sans allongement et 6,8 % avec allongement en tarif bleu ; 5,8 % sans allongement et 2,7 % avec allongement en tarif jaune ; 3,8 % sans allongement et 0 % avec allongement en tarif vert.

Pour 2014 et 2015, les estimations sont de l’ordre de 3,2 % en tarif bleu, de 3,4 % en tarif jaune et de 3,7 % en tarif vert.

M. Yves Blein. Le rapport que vous avez remis le 4 juin dernier indique vos recommandations quant à la fixation des tarifs de l’électricité au regard des charges d’EDF, réparties en trois grands blocs distincts : coûts des investissements supportés par l’entreprise, coûts de production liés à son activité, coûts commerciaux couvrant toutes les charges relatives à l’organisation de la relation avec la clientèle. Le pourcentage de hausse que vous avez préconisé, aux alentours de 10 % pour les tarifs des consommateurs est surprenant, voire choquant, et conduit forcément à s’intéresser de près à la composition des coûts de revient de l’entreprise. J’ai donc repris chacune de ces rubriques.

Les coûts d’investissement, vous l’avez montré, varient fortement si la durée comptable de l’amortissement du parc nucléaire est prolongée de dix années. L’impact sur les tarifs de vente est, bien sûr, conséquent. La mise au niveau de sûreté de l’après-Fukushima entraîne également des charges d’amortissement nouvelles, et le besoin en fonds de roulement de l’entreprise, sans doute augmenté par la croissance du volume de créances douteuses, est traité comme une dépense de capital à rémunérer. Il me serait utile de connaître le taux de rémunération ainsi que l’incidence sur la hausse des tarifs du montant des dépenses nouvelles à amortir en regard du prolongement de la durée des amortissements. Peut-on faire l’addition comptable des plus et des moins pour avoir le détail du résultat net des amortissements envisagés ?

S’agissant des coûts de production, j’ai bien compris que vous travailliez sur une maquette dite du parc adapté, un outil conceptuel utilisé depuis des décennies pour construire les tarifs réglementés. Cette méthode met en œuvre des clés de répartition. Vous nous indiquez que la CRE en examinera le bien-fondé à l’horizon 2016. Quelles peuvent être les incidences de cette révision ? Resterait-on dans un bloc de coûts homogène ou faut-il s’attendre à ce que le seul jeu des répartitions différentes de charges vienne à nouveau renchérir la facture du client au final ? Ne faut-il pas, d’ores et déjà, anticiper ces évolutions pour avoir une visibilité sur le long terme de l’évolution des coûts et de leur répartition pour le consommateur ?

Si l’on peut comprendre l’accroissement des charges d’investissement et d’entretien, dont l’augmentation apparaît, en fonction de la durée d’amortissement, relativement sage au regard des enjeux et de l’importance de l’outil industriel, l’augmentation de 30 % des coûts commerciaux sur la période 2008-2012 apparaît, à l’inverse, totalement exorbitante et déraisonnable. Vous indiquez qu’un cinquième de la hausse relève de l’évolution des coûts de personnel, et notamment de l’impact de l’ancienneté et de la politique de rémunération. Avez-vous audité précisément cette dernière et, si oui, quelle analyse pouvez-vous nous faire partager ? Pouvez-vous confirmer, par exemple, que, depuis la décision du Gouvernement de plafonner les rémunérations des dirigeants des grandes entreprises dont il est un actionnaire significatif, la nouvelle hiérarchie des salaires à EDF place le patron de l’entreprise au-delà du trois centième rang des salariés les mieux payés ?

Toujours au chapitre des coûts commerciaux, il apparaît que la mise en place des certificats d’économies d’énergie engendre des coûts très importants – un tiers de la hausse totale des coûts commerciaux – et que ceux-ci progresseront encore d’environ 40 % par an. A-t-on une mesure de l’écart entre les coûts de mise en œuvre, dont on peut supposer qu’ils vont, demain, devenir des charges fixes pour l’entreprise, et les résultats effectifs du dispositif ?

Au regard de ces différentes analyses des charges et des coûts, on a le sentiment d’une gestion d’EDF faite de pratiques historiques et de dérives manifestes que la CRE constate et qu’elle traduit forcément par des augmentations pour le client. J’ai bien entendu que vous n’étiez pas missionnés pour un audit de recommandation, mais ne croyez-vous pas néanmoins qu’une posture plus vertueuse et plus frugale, fondée sur la définition d’objectifs précis des résultats, permettrait de mieux maîtriser in fine le montant de la facture présentée aux clients ?

M. Antoine Herth. Merci, monsieur de Ladoucette, pour cet exposé fort intéressant. Permettez-moi de poser une question iconoclaste. Finalement, vous constatez les coûts engendrés par la gestion de l’entreprise publique EDF sans émettre un avis sur la qualité de sa gestion. On peut, en effet, se demander si EDF est gérée de façon optimale. Pourquoi ne pas se doter de références, des entreprises comparables à l’échelle européenne, par exemple, pour que l’État actionnaire puisse veiller à la gestion économe de l’entreprise ?

S’agissant du modèle de tarification, j’ai bien compris que 2016 serait l’année du big bang puisqu’on allait pleinement appliquer les dispositions de la loi NOME. Un nouveau modèle de tarification, qui évite les à-coups constatés actuellement, les recommandations, chaque année, d’augmentation très importante des prix, est-il envisageable ? Pourrait-on imaginer un lissage dans le temps, en quelque sorte, une tarification plus progressive qu’abrupte telle celle qui se pratique actuellement ?

J’ai bien compris aussi que la variable d’ajustement essentielle dans la projection est la durée d’amortissement du parc nucléaire existant. En tout cas, c’est la proposition que fait EDF. En revanche, pouvez-vous nous éclairer sur l’hypothèse, si tant est que vous l’ayez envisagée, d’une réduction du parc nucléaire historique ? Vous ne l’avez pas évoquée alors que le Président de la République a affirmé un objectif de réduction de 75 à 50 % de la part du nucléaire. Cela signifie qu’il faut s’attaquer au stock et ne pas seulement travailler sur le flux.

Enfin, j’attends un avis d’expert, et peut-être serez-vous en difficulté pour répondre. Que ce soit sous la précédente majorité ou sous l’actuelle, le constat s’impose que la CRE émet des avis, que le Gouvernement ne les suit pas et que le Conseil d’État finit par trancher, contraignant les pouvoirs publics à donner suite à ces hausses de tarifs. Avez-vous une idée d’un modèle de fixation des tarifs plus équilibré qui éviterait que tout se passe dans la douleur et malheureusement dans la polémique ?

M. Denis Baupin. Je remercie le président de la CRE de sa présence et de nous avoir présenté des éléments particulièrement éclairants. Après le rapport de la Cour des comptes et celui de la CRE, le mythe du nucléaire bon marché s’écroule de façon définitive. Encore les différents coûts présentés ne prennent-ils pas en compte les coûts d’assurance, de recherche, les coûts de l’EPR, le pic d’investissements nécessaires pour garantir la sûreté. On voit bien aujourd’hui que, le parc vieillissant, et malgré les recours extrêmement nombreux d’EDF à la sous-traitance pour ne pas avoir à payer des salariés au tarif des risques encourus, on ne peut nier que le coût croissant du nucléaire est une réalité. Quelle que puisse être l’appréciation des uns et des autres sur la pertinence de cette énergie, il est bon de pouvoir prendre les décisions en matière énergétique dans la transparence de la réalité des coûts et que chacun puisse les apprécier. Or j’ai l’impression que cette vérité des coûts même pose problème à certains.

Une fois cette vérité rétablie, on se rend compte qu’on nous a menti depuis des années et que le choc pour nos concitoyens serait énorme si la vérité des prix devait rattraper la vérité des coûts. Le Gouvernement a donc décidé de ne pas appliquer les tarifs préconisés par la CRE. Or un certain nombre de décisions de justice prises ces dernières années rendent probable que la réalité finisse par s’imposer malgré tout. La question se pose donc de savoir comment absorber ces chocs successifs, comment rendre le plus indolores possible les progressives adaptations aux coûts, notamment pour les plus fragiles.

Par ailleurs, je m’interroge sur cette suggestion totalement aberrante de prolonger la durée d’amortissement d’équipements à cinquante ans, alors même que l’Autorité de sûreté nucléaire indique que la prolongation au-delà de trente ans n’est même pas acquise pour certains équipements. Cela m’évoque le phénomène des subprimes, qui a conduit, à force de vouloir éluder les problèmes économiques d’aujourd’hui, à reporter sur les générations futures, à coup de montages comptables, les coûts réels. La pression sur l’Autorité de sûreté nucléaire serait insoutenable : alors qu’on aurait décidé d’amortir sur cinquante ans, on lui demanderait néanmoins d’évaluer la sûreté, ce qui devrait l’amener à arrêter les installations dont elle estime que la sûreté n’est pas garantie à trente ans ou quarante ans. C’est de la schizophrénie totale ! Pensez-vous réellement qu’amortir sur cinquante ans de tels équipements relève de la gestion en bon père de famille ? Est-ce une gestion pertinente de notre patrimoine ?

Que pensez-vous du fait que la désinstallation nucléaire ne soit pas assurée aujourd’hui au regard du risque d’accident ?

Comment se fait-il qu’on ait inscrit au bilan d’ERDF, pour l’équilibrer, des réseaux de distribution d’électricité qui appartiennent aux collectivités locales ?

M. le président François Brottes. Avant qu’il ne soit obligé de le dire lui-même, le président de la CRE n’a pas forcément compétence ou autorité pour répondre à toutes les questions que vous lui posez. Il peut dire ce qu’il veut, là n’est pas la question, mais nous devrons comprendre que sa fonction ne lui permette pas de faire écho à certains sujets.

M. Franck Reynier. Le Gouvernement a réaffirmé sa volonté de promouvoir les énergies renouvelables, poursuivant ainsi les engagements de la France dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Le sujet de ce matin n’est pas comptable, mais essentiellement économique. Pouvez-vous apporter quelque éclairage sur la CSPE, dont le niveau de prélèvement a augmenté en janvier 2013 ? À votre avis, cette contribution permettra-t-elle de financer le développement des énergies renouvelables tel que notre pays l’a prévu ? Les tarifs sociaux d’accès à l’énergie – électricité et gaz dans un premier temps – ont été étendus à 4 millions de ménages éligibles, le coût de cette mesure étant réparti sur les consommateurs. Sachant que la CSPE est financée sur la facture des consommateurs non bénéficiaires du tarif social, comment va évoluer le financement de la CSPE et quel sera son impact économique ?

Le déploiement des énergies renouvelables touche aujourd’hui principalement le volet de la production d’électricité. Nous devrons veiller à apporter des réponses aussi ciblées dans les secteurs du transport et du logement. Dans les transports, en développant la multimodalité et en développant des infrastructures ; dans le secteur du logement, à travers un grand plan de rénovation thermique des bâtiments en faveur duquel plaide l’UDI. Comment voyez-vous le développement des moyens de chauffage et de climatisation avec des moyens non carbonés ?

Des difficultés sont annoncées. La mise en place de l’évolution progressive du mode de calcul des tarifs réglementés suite à la loi NOME et l’impact du prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique auront nécessairement des incidences sur les tarifs. Alors que le Président de la République a confirmé sa décision de fermer la centrale nucléaire de Fessenheim, on peut s’interroger sur la pertinence de diminuer à l’heure actuelle nos capacités de production, ce qui aura nécessairement également un impact sur les tarifs.

Enfin, le calcul du prix du gaz en France est toujours fortement indexé sur le prix du pétrole et ne permet pas aux consommateurs de bénéficier des baisses importantes du prix du gaz sur le marché mondial, notamment grâce au phénomène des shale gas aux États-Unis. Les modes de calcul ont évolué, mais pas suffisamment au goût du groupe UDI.

Tous ces paramètres résultent pour beaucoup de choix politiques qui affectent durement la facture énergétique de nos ménages et de nos entreprises, et pénalisent le pouvoir d’achat des Français autant que la compétitivité de nos entreprises. Je voudrais avoir votre avis sur la dégradation de l’avantage compétitif dont disposait la France ainsi que sur l’impact de l’augmentation prévisible du coût de l’énergie en France.

M. Joël Giraud. Tout d’abord, permettez-moi d’excuser ma collègue Jeanine Dubié, rentrée précipitamment dans sa circonscription de Lourdes en raison des intempéries.

La transition énergétique est engagée, dans les mots, à travers le débat national et la proposition de loi initiée par le président de notre commission. C’est un début, mais tout reste à faire, à imaginer, à construire. Dans le cadre de cette transition énergétique qui s’impose à nous, la CRE joue un rôle de pivot essentiel entre tous les acteurs de l’énergie – producteurs, distributeurs, fournisseurs, consommateurs –, entre les différents territoires, entre la France et l’Union européenne. J’ai bien entendu que la CRE n’avait pas vocation à concevoir notre politique énergétique, mais elle contribue activement à sa mise en œuvre en en tirant les conséquences. Votre regard indépendant est extrêmement important au cœur de cette question très complexe de la tarification.

Votre rapport remis début juin conclut à une évolution des tarifs de l’électricité de près de 10 % envisagée dès l’été 2013. Le Gouvernement a déjà émis des réserves ; la baisse du pouvoir d’achat de nombreux ménages aurait des conséquences absolument irréversibles. Depuis plusieurs années, nous savons que nous allons devoir affronter la hausse du prix de l’énergie mais nous continuons de butter toujours sur les mêmes questions : comment concilier cette hausse des tarifs, que l’on comprend bien en suivant votre analyse comptable, et les exigences de justice sociale ? Nous ne sommes pas égaux devant l’énergie que nous dépensons. Pardonnez au montagnard que je suis de ne pas pouvoir s’empêcher de rappeler que certains Français vivent avec le chauffage allumé pratiquement toute l’année et qu’ils sont les plus pénalisés par la hausse des prix de l’énergie.

La question de l’efficacité énergétique, sans laquelle on ne peut penser la transition, est centrale. L’efficacité énergétique, notre capacité à ne pas gaspiller des kilowatts, est-elle prise en compte dans les analyses et les solutions préconisées par la CRE ? Les kilowatts qui servent à chauffer l’extérieur ont-ils la même valeur que ceux qui permettent de chauffer l’intérieur ?

Je souhaiterais, avec plus de précision encore, connaître votre regard sur trois sujets d’actualité. D’abord, l’hydroélectricité, qui est un enjeu majeur pour nos territoires de montagne. Les renouvellements de concession sur les barrages sont à l’ordre du jour, bien que suspendus aux conclusions du débat sur la transition énergétique. L’idée de ce renouvellement est, bien sûr, d’ouvrir ces ouvrages à la concurrence. Mais comment articuler le principe de libéralisation de l’énergie avec le principe de continuité ? Ne risquons-nous pas de perdre en efficacité et en cohérence en confiant à différents acteurs des barrages voisins sur un même cours d’eau ? L’expérience de la CRE lui permet-elle d’avoir un avis sur cette question ?

Parallèlement au débat sur la transition énergétique et sur la tarification de l’énergie qui nous préoccupe, nous sommes appelés à nous prononcer sur un texte relatif à la consommation. Le Gouvernement a déposé un amendement visant à supprimer la réglementation des tarifs du gaz pour les PME, les industries et les administrations ; seuls les particuliers continueraient de bénéficier de cette tarification réglementée. Puisque le maintien des tarifs réglementés serait contraire à la législation européenne, reste à s’interroger sur le calendrier. Faut-il renoncer à cette réglementation dès maintenant alors que le débat sur la transition énergétique n’est pas clos ? Quelles seraient les conséquences du maintien de la tarification réglementée ?

Enfin, que répondez-vous à ceux qui, dans un souci de transparence et d’ouverture à la concurrence, souhaiteraient que la CRE fixe elle-même le tarif soumis à polémique, c’est-à-dire l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique, afin que le secteur concurrentiel et EDF puissent se développer ? La hausse du prix de l’électricité peut-elle être effectivement limitée par le développement d’une offre concurrentielle ?

M. le président François Brottes. Pour ce qui est de l’inégalité devant les besoins en énergie, c’est un débat que nous avons largement eu ici, et il serait incongru de ma part de proposer aux sages du Conseil constitutionnel de séjourner dans les différentes régions de France pour mesurer la rupture d’égalité qu’il y a depuis toujours et de façon naturelle.

Je n’ai pas voulu, en disant que vous ne pouviez pas répondre à tout, vous empêcher de répondre à tout, monsieur le président.

M. Philippe de Ladoucette. L’horizon 2016 suscite une interrogation récurrente sur les incidences sur les clés de répartition. L’incidence touchera la structure, pas le niveau, même si une évolution de la structure entraînera des évolutions pour certaines catégories de consommateurs. Cela a déjà été le cas à l’occasion de précédentes modifications et évolutions tarifaires qui ont vu modifier la structure permettant à certains consommateurs de ne même pas payer le coût de l’acheminement.

Nul besoin de prendre par anticipation des mesures particulières en prévision d’une explosion des coûts. Au contraire, mieux vaut attendre d’avoir une visibilité plus grande. Le prix de l’électricité vendue par EDF aux fournisseurs alternatifs dans le cadre de l’ARENH sera proposé par la CRE à partir du 7 décembre 2013 sur la base d’un décret gouvernemental. Celui-ci définira les paramètres à prendre en compte pour déterminer les facteurs permettant de calculer le prix de l’ARENH. Grosso modo, avec une approche de type comptable, comme celle que la CRE avait prise à la suite des propositions du rapport Champsaur, on obtiendra un certain niveau ; avec une approche de type économique, défendue par l’entreprise EDF, qui a de bonnes raisons de le faire, le résultat sera assez différent à la hausse. La CRE n’intervient pas dans la détermination de ces éléments ; c’est à l’actionnaire, au Gouvernement de décider quels facteurs seront retenus dans ce décret. Ces éléments une fois connus, nous aurons une visibilité sur l’évolution du prix de l’ARENH, et, par conséquent, une visibilité sur l’évolution des tarifs, puisque ce sera la première brique du montage. Ensuite viendra un élément nouveau, le marché de capacité, dont il faut savoir qu’il va augmenter légèrement les tarifs réglementés, de l’ordre de 1,5 %, puis les coûts commerciaux et les tarifs d’acheminement. Enfin, ce qui n’a rien à voir avec tout cela, les taxes, dont la CSPE.

S’agissant de la CSPE, nous avons rendues publiques des estimations de son évolution au cours des prochaines quatre années. Pour 2013, la CSPE s’élèvera à peu près à 5 milliards, répartis à raison de 3 milliards pour les énergies renouvelables, de 145 millions pour la partie sociale et de 1,432 milliard pour la péréquation. En 2017, la CSPE est envisagée à 7 milliards environ, dont 1,943 milliard pour la péréquation et 407 millions pour les tarifs sociaux, soit 5 % de la masse. Toutefois, il relève de l’appréciation politique de décider de mettre plus ou moins dans le domaine social. Vous ne m’avez pas posé la question et je sors un peu de mon rôle en l’indiquant, mais la CRE a déjà signalé que, compte tenu de l’extension à beaucoup plus de personnes de la possibilité de bénéficier des tarifs sociaux, il est probable que le montant actuel consacré aux tarifs sociaux ne permette pas complètement d’éviter de basculer dans la précarité énergétique. Le sujet reste donc sur la table, même si aujourd’hui la loi dite Brottes assure une assiette beaucoup plus large aux tarifs sociaux. Voilà comment évolue la CSPE, avec une part très importante pour les énergies renouvelables et une part importante pour la péréquation tarifaire. Dans les énergies renouvelables, le poids du photovoltaïque est significatif en raison du stock que l’on paie aujourd’hui à 458 euros du mégawattheure, niveau auquel était fixé le tarif de rachat depuis 2006. Aujourd’hui, ce tarif est moins cher et avec lui tous les éléments photovoltaïques nouveaux, ce qui diminue la facture.

L’évolution de plus 30 % des coûts commerciaux n’appelle pas de notre part de jugement sur la pertinence ou la façon de gérer l’entreprise. Ce n’est absolument pas de notre responsabilité. Si quelqu’un a à le faire, c’est avant tout l’État actionnaire, pas la CRE. Quant à savoir si EDF gère de façon optimale, ce n’est pas à nous de le dire. Là encore, c’est à l’État actionnaire de juger.

Une question portait sur la hiérarchie des rémunérations. Nous ne savons strictement rien à ce sujet, qui n’est pas non plus de notre responsabilité.

Les impayés sont rémunérés à un taux de rémunération du capital, qui est aujourd’hui d’un peu plus de 10 %, taux normal que prend EDF pour ses opérations d’investissement.

La durée d’amortissement est un élément que nous avons pris comme une hypothèse que nous ne pouvions pas ignorer de la part de l’entreprise. Nous ne voulions pas qu’on puisse nous reprocher de ne pas l’avoir prise en compte si elle passait, dans un délai court, du statut d’hypothèse à celui de réalité. Nous ne portons aucun jugement sur la pertinence de cet élément. Nous nous sommes simplement référés aux documents portés à la connaissance de la communauté financière par EDF. C’est simplement une question de transparence, puisque c’était l’objectif de cette opération.

Je reviens sur le terme de préconisation que certains d’entre vous ont employé. La CRE ne préconise pas les évolutions tarifaires. En l’espèce, elle constate des coûts de 2007 à 2012. Ces coûts doivent être couverts, c’est la loi. Lorsque le Gouvernement nous proposera une évolution tarifaire, vraisemblablement au mois de juillet, nous donnerons l’avis du collège, qui sera fondé sur les textes juridiques et sur le principe que les tarifs doivent couvrir les coûts, que nous aurons estimés, pour 2013, de la même manière qu’on les estime chaque année. C’est l’obligation juridique que nous fait la loi que vous votez.

En ce qui concerne les modèles tarifaires, il sera intéressant, au cours des deux ans qui viennent, et si une nouvelle loi ne vient pas modifier l’application de la loi NOME d’ici à 2016, que nous revenions sur votre invitation vous expliquer, en toute clarté et en toute transparence, ce sur quoi nous travaillons et quelles sont les conséquences de nos travaux pour préparer les évolutions de 2016.

L’indexation du prix du gaz sur le prix du pétrole est liée au fait qu’il n’y a pas aujourd’hui de marché mondial du gaz mais des marchés régionaux – américain, asiatique et européen. Aujourd’hui, le marché américain est très bas, le marché japonais relativement haut et le marché européen se trouve entre les deux. Le prochain mouvement tarifaire verra très probablement passer l’indexation du gaz sur le marché spot de 36 à 45 %, soit un niveau relativement élevé au-delà duquel pourrait se poser un problème de sécurité d’approvisionnement. Le contrat de service public passé entre l’État et GDF Suez prévoit que les tarifs réglementés de gaz sont alimentés par des contrats de long terme. L’indexation sur le pétrole n’est pas une décision de l’entreprise ni de la France, mais une décision des fournisseurs, ce qui réduit la capacité de négociation de l’entreprise. Tenter de s’en affranchir risquerait de créer un problème de sécurité d’approvisionnement, les fournisseurs renvoyant sur le marché spot. Toute la question est de trouver un équilibre permettant d’assurer la sécurité d’approvisionnement et d’éviter les retournements violents du marché. Ainsi, sur la période 2005-2008, le marché était-il très supérieur aux tarifs réglementés indexés sur le pétrole. Se fournir entièrement sur le marché pourrait causer, en cas de retournement, le même type de problème, en pire, que ceux qu’on connaît aujourd’hui sur l’électricité, c’est-à-dire une explosion des tarifs réglementés avec l’obligation de couvrir les coûts. L’équilibre qui va être trouvé aux environs de 45 % est relativement raisonnable, présentant des avantages à la fois pour le consommateur et pour la sécurité d’approvisionnement.

La disparition des tarifs réglementés pour les entreprises au gaz, nous l’avions préconisée parce que, aujourd’hui, très peu d’entreprises restent sur de tels tarifs. Cette disparition n’aura pas d’effet réel dans la mesure où l’on a, en plus, écarté certains secteurs comme les HLM, de ces gros consommateurs. Pour les autres, cela n’a pas d’incidence majeure. Il ne s’agit que du constat d’une réalité : ceux qui ont pu bénéficier du marché sont allés sur le marché et l’existence des tarifs réglementés pour eux n’a plus beaucoup de sens.

En matière d’hydroélectricité, nous n’avons aucune compétence. Non pas que nous ne pourrions pas en avoir, mais nous sommes totalement en dehors de ce système. Nous n’intervenons pas dans les décisions. Donc, pour l’instant, nous n’avons pas d’avis. Pour être tout à fait honnête, c’est un sujet suffisamment compliqué pour ne pas revendiquer d’en avoir un. Il est suivi de près par la Commission européenne et il fait partie de l’accord qui avait été conclu à l’époque de la loi NOME.

Je précise, s’agissant de la durée d’amortissement du nucléaire, que nous ne portons pas de jugement sur la pertinence de le faire ou pas. Sur cette question non plus, nous n’avons pas d’avis. C’est véritablement un problème de l’entreprise, de ses administrateurs, donc de l’État. Il s’agit bien d’une décision de type comptable, même si je vois bien la difficulté qu’il y aurait à passer d’une décision d’amortissement comptable à une décision d’investissement si l’ASN demandait d’intervenir sur un réacteur. Cela relève de la gestion de l’entreprise et de sa vision des choses. Reste à voir ce que dira l’ASN, qui travaille réacteur par réacteur, en déterminant les équipements et investissements à réaliser sans évaluer les coûts. La notion de coût intervient après. Je ne souhaite pas entrer dans ce débat qui n’est pas du tout de la compétence de la CRE.

M. le président François Brottes. Je ne voulais pas qu’il soit dit que j’étais celui qui vous avait empêché d’y entrer.

Mme Marie-Noëlle Battistel. En matière d’hydroélectricité, si vous n’êtes pas compétent sur la question de la remise en concurrence – et vous ne souhaitez pas l’être, apparemment –, vous avez tout de même un avis sur l’incidence que cela pourrait avoir sur les futurs tarifs, sur l’équilibre entre les énergies intermittentes qui vont se développer et l’outil de stockage qu’est l’hydraulique. Cela aura forcément une incidence que vous devez avoir évaluée.

Face à la hausse de tarification que vous estimez nécessaire au regard des hausses de charges de l’entreprise EDF, la détermination du Gouvernement et de notre majorité est claire : 4 millions de foyers doivent pouvoir bénéficier de tarifs sociaux de l’électricité et du gaz dès l’hiver prochain. Quelle solution préconisez-vous, même si vous n’êtes pas censé le faire, pour ne pas mettre ces millions de foyers précaires en situation d’impayé ? Que pensez-vous de la proposition du médiateur de l’énergie de créer un fournisseur de dernier recours ?

M. Lionel Tardy. Quelle est votre analyse de la qualité et de la lisibilité du droit de l’énergie ? Tant dans ses aspects législatifs que réglementaires, ce droit vous paraît-il satisfaisant ou nécessiterait-il, au contraire, d’être amélioré et simplifié ?

En matière d’électricité, la situation est analogue à celle des télécoms : l’État est le principal actionnaire des entreprises de référence du secteur, d’où un évident conflit d’intérêts. Pensez-vous que les pouvoirs de la CRE, notamment son pouvoir réglementaire, sont suffisamment étendus pour éviter ce problème ?

On le sait, la CSPE ne suffit plus à couvrir toutes les dépenses et pourtant, on continue à charger la barque. On parle même de financer davantage les effacements. Jusqu’où pourra-t-on aller sans avoir à augmenter la CSPE de manière conséquente ? Sur le statut même de cette CSPE, le Conseil d’État parle « d’imposition innommée ». Compte tenu de l’ampleur et des montants en jeu, la construction juridique un peu baroque et indéterminée qui sert de base légale à la CSPE pourra-t-elle tenir encore longtemps ? Tant que cette contribution était un petit prélèvement marginal, on pouvait fermer les yeux sur ces imperfections juridiques. Pour combien de temps encore ? Va-t-on devoir reconstruire la CSPE sur des bases juridiques et constitutionnelles plus solides ?

M. le président François Brottes. Petit rappel : sur cette question, le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi du temps où d’autres étaient dans l’opposition.

Mme Jacqueline Maquet. Qui pourra bénéficier du tarif social de l’électricité ? Le nombre de bénéficiaires du tarif de première nécessité devait passer de 1,2 million actuellement à 4 millions de familles, procurant une sacrée bouffée d’oxygène aux foyers les plus modestes qui sont en situation de précarité énergétique. À ce jour, le TPN accuse un gros retard. Quelles sont les mesures prises pour atteindre les objectifs ? Y aura-t-il une rétroactivité, afin de ne pas priver des millions de foyers de cette aide ?

M. François Sauvadet. Ne faudrait-il pas faire évoluer la CRE vers davantage de responsabilités ? Plutôt que de se contenter de constater, elle pourrait, à la lumière de l’expérience qu’elle a acquise, donner son avis.

Pour ma part, ce n’est pas le rapport qui m’inquiète, c’est la situation : 30 % de hausse d’ici à 2017, autant dire demain, c’est une explosion ! Monsieur Brottes, faites vite une nouvelle proposition de loi pour étendre le tarif social à l’ensemble des Français !

Le grand débat sur la transition énergétique doit se terminer vite également. Si on parle de réduire de 75 à 50 % la part du nucléaire, quand on voit le coût des énergies alternatives dites renouvelables, dont on sait très bien qu’il est sous-évalué, je me demande quels sommets va atteindre la facture nationale. Je suis extrêmement préoccupé.

Après cet exposé de la CRE, monsieur le président Brottes, il faut, vite encore, inviter Mme Batho pour qu’elle nous dise ce que le Gouvernement compte faire. On ne pourra pas mettre en situation de précarité des millions de foyers français supplémentaires avec une telle évolution du coût de l’énergie.

M. le président François Brottes. Notez, comme l’a exposé le président de Ladoucette, qu’il faut aussi régler les factures du passé, ce qui est toujours un peu coûteux.

M. Jean-Claude Mathis. Puisque le Gouvernement prend son temps pour proposer une solution au différentiel qui existe entre les coûts de production et de commercialisation d’EDF, je voulais connaître les préconisations du président de Ladoucette. J’ai bien compris que ce n’était pas de son domaine. J’ai retenu également que les tarifs doivent couvrir absolument les coûts. Nous attendrons donc sagement les propositions du Gouvernement.

M. le président François Brottes. Ce sera l’occasion pour Mme Batho de revenir devant notre commission, ce qu’elle fait assez régulièrement.

Mme Frédérique Massat. Dans votre rapport, qu’en est-il des investissements à l’étranger d’EDF ? Dans quelle catégorie de charges sont-ils rangés : charges commerciales, charges d’exploitation, charges fixes, charges variables, charges du capital ? Je m’inquiète de lire que la « tendance haussière est appelée à perdurer à l’horizon 2015, selon les prévisions transmises par EDF à la CRE ». Or, à un moment, il manque un chaînon. Vous n’avez pas, dites-vous, à juger de la façon dont l’entreprise est gérée, mais vous êtes amenés à faire des propositions d’augmentation de tarifs alors que vous n’avez pas la maîtrise d’entreprise. Renforcer la maîtrise des coûts d’EDF apparaît comme une priorité, la ministre l’a rappelé à plusieurs reprises. La nécessité se fait donc sentir d’une structure qui ait la capacité de porter un jugement sur les investissements de l’entreprise.

M. Éric Straumann. EDF tire des recettes de l’exportation d’électricité, mais elle en importe également, notamment d’Allemagne. A-t-on une idée du compte de résultat de l’entreprise ?

M. Alain Marc. À l’occasion des auditions auxquelles nous procédons avec Germinal Peiro, dans le cadre d’une étude sur l’élevage bovin, on nous a indiqué que les coûts d’investissement pour les bâtiments pourraient être atténués avec des installations photovoltaïques. Or, aujourd’hui, le raccordement au réseau est le monopole d’ERDF ; il coûterait deux à trois fois moins cher s’il était mis en concurrence. Ce coût obère nombre de projets. Qu’en pensez-vous ?

M. Alain Suguenot. Vous avez indiqué une augmentation de plus de 5 % des charges fixes chaque année, les coûts commerciaux progressant de plus de 30 % sur les cinq dernières années. Trouvez-vous cela normal ? N’importe quelle entreprise aujourd’hui ne pourrait pas se permettre une telle augmentation.

Quelles seront les incidences de la loi NOME ?

S’agissant de la CSPE, vous avez dit 5 milliards aujourd’hui, 7 milliards demain, compte non tenu de l’éventuelle fermeture de certaines centrales nucléaires. Autant dire qu’il faut s’attendre à une explosion, en effet. Comment pourra-t-on payer cela avec quasiment 11 millions de personnes qui bénéficieront des tarifs sociaux ?

Mme Laure de La Raudière. L’augmentation du tarif de l’électricité est une tendance continue qu’il faut mettre en balance du programme socialiste lors de l’élection présidentielle, qui prévoyait 50 % de fermeture de centrales d’ici 2025. L’hypothèse de 30 % de hausse d’ici à 2017 prend-elle en compte l’annonce du Président de la République de la fermeture de Fessenheim et l’ouverture de la centrale de nouvelle génération ? Vous êtes l’autorité de régulation ; nous avons besoin de votre expertise sur ces tarifs par rapport à ce que peut nous dire le Gouvernement.

Que pensez-vous de la généralisation de l’installation de compteurs intelligents Linky par ERDF ? Si cela paraît positif dans une optique d’optimisation de production d’électricité, ils entreront en concurrence avec les autres opérateurs d’effacement. Quelle réglementation faudra-t-il mettre en place pour permettre la cohabitation ?

M. le président François Brottes. Au titre de co-auteur du programme du Président de la République, permettez-moi de rappeler que son engagement est de faire en sorte, d’ici à 2025, que la production d’électricité à partir du nucléaire passe à 50 % au lieu de 75 % aujourd’hui, et non de fermer 50 % de centrales.

M. Daniel Fasquelle. Si on diminue la part du nucléaire, il faudra compenser par des énergies renouvelables. Hier, le représentant de NégaWatt nous expliquait qu’il faudrait multiplier par vingt le parc éolien. Sans parler de l’impact sur nos paysages, avez-vous mesuré l’impact sur nos finances ? On sait qu’il faudra racheter l’électricité à un coût plus important et qu’il faudra développer les réseaux. Le développement de l’éolien a aussi un coût. En a-t-on mesuré la réalité pour les années qui viennent ?

M. Franck Gilard. Quelle est la part des coûts salariaux et des coûts annexes
– retraites, avantages en nature, comité d’entreprise – dans le prix final de l’électricité ? Existe-t-il une comparaison avec les énergéticiens étrangers ?

M. Philippe Le Ray. Avez-vous évalué ou êtes-vous en mesure d’évaluer le coût de la fermeture de Fessenheim ?

Alors que nous sommes confrontés à la nécessité d’aider des gens en grande difficulté sociale, M. Baupin, de façon tout à fait déplacée, défend le coût exorbitant d’une énergie presque virtuelle, alors que le nucléaire est certainement celle qui coûte, et qui coûtera encore, le moins cher.

M. Denis Baupin. J’en veux la confirmation par la CRE !

Mme Sophie Rohfritsch. Je souhaite interroger M. de Ladoucette sur les perspectives de la biomasse. Nous venons de présenter un espoir de valorisation important, sous réserve toutefois d’avoir la main sur les plans d’approvisionnement en ressource, notamment de bois. Or les projets CRE1, CRE2, CRE3 et CRE4 ont vraiment du mal à voir le jour, ce qui stérilise complètement les possibilités de mettre en place des projets locaux complètement prêts qui permettraient de valoriser cette ressource et de procurer de l’énergie très rapidement.

Où en êtes-vous de ce système ? Entendez-vous renoncer, le cas échéant, à ce type de procédure pour permettre d’avoir une vision globale de cette ressource en bois qui ne peut pas être consommée plusieurs fois ?

M. le président François Brottes. Je rappelle d’ailleurs qu’on ne collecte en bois que la moitié de ce que la forêt produit chaque année.

M. Philippe de Ladoucette. D’emblée, sur le thème de l’hydroélectricité, je dis que nous n’avons pas la compétence – bien sûr, nous l’aurons si on nous la donne. Notre avis est simple : ce n’est pas le fait de changer l’exploitant qui va modifier la situation du barrage et cela n’aurait, normalement, pas d’incidence sur les tarifs. Il serait surprenant que l’ouverture à la concurrence dans ce domaine ait systématiquement des effets négatifs. En tout cas, si l’on posait la question à la CRE, qui est là pour aider à l’ouverture du marché, je serais étonné qu’elle donne un avis totalement négatif. L’élément à mettre en exergue, c’est que l’incidence sur les tarifs dépendra du montant de la soulte que le Gouvernement décidera pour faire cette opération. Mais, là encore, nous ne sommes pas dans le cadre précis de nos responsabilités. Je ne voulais pas rester sans réaction sur ce sujet, mais je l’aborde avec beaucoup de précaution.

Nous avons, avec le médiateur de l’énergie, une vision commune sur un fournisseur de dernier recours. Nous sommes tout à fait favorables à sa proposition.

M. le président François Brottes. Nous avons beaucoup travaillé la question dans une proposition de loi dite Brottes, et nous n’avons pas trouvé la réponse technique. Si vous avez une solution, surtout donnez-la nous maintenant.

M. Philippe de Ladoucette. N’ayant pas la réponse, j’utilise mon joker. Nous pourrions avoir des idées, mais nous devrions vous les soumettre par écrit ou revenir vous les proposer.

M. le président François Brottes. Je vous solliciterai par écrit.

M. Philippe de Ladoucette. Le droit de l’énergie est très fourni. Quant à savoir s’il faut le retoucher, il est en train de repasser, dans le cadre des discussions sur l’approbation de mesures de transcription des directives européennes, devant le Parlement. Je pense qu’il y a eu quelques retouches. Honnêtement, si on pouvait le stabiliser un tant soit peu, le laisser tranquille quelque temps, j’imagine que l’ensemble des acteurs s’en porterait plutôt bien, nous y compris. Je suis conscient que ce n’est pas gagné puisqu’il y a une loi à peu près tous les dix-huit mois. C’est un droit qui devient assez complexe, un droit issu pour une grande partie des directives européennes, ce qui est un élément important à avoir en tête parce qu’une grande partie de ce que nous faisons émane de ces directives.

Je ne porte pas de jugement sur le fait qu’une augmentation de 30 % soit possible ou pas, je pose simplement un benchmark. Il se trouve que les prix de l’électricité en France sont les moins élevés d’Europe. Encore faut-il, si le nucléaire demande des investissements complémentaires, couvrir ces coûts et faire en sorte que les tarifs les représentent. Tout en étant parfaitement conscient de la problématique de la précarité énergétique, j’ai du mal à penser que nous sommes 35 millions à nous y trouver et que nous ne sommes pas capables de payer légèrement plus cher le prix de l’électricité, conformément à la vérité de la production. Pour avoir un signal prix qui fasse passer un message, on ne peut pas complètement ignorer ce que sont les coûts d’une entreprise. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où nous ne préconisons rien, nous constatons la réalité des coûts d’une entreprise.

Ces coûts sont-ils justifiés ? Ils sont dans les comptes et ils sont certifiés par les commissaires aux comptes, cela n’est pas discutable. Quant à savoir si quelqu’un a autorité pour juger de la façon de gérer, il y a un conseil d’administration dans lequel siège l’État. Si la pratique des dix dernières années ne satisfaisait pas l’État, c’était à lui de se faire entendre. En tout cas, ce n’est pas à la CRE de le dire. Il est très difficile d’imaginer de demander à un tiers extérieur de dire si l’entreprise est bien ou mal gérée. D’autant qu’elle est aujourd’hui cotée sur le marché, ce qui rend les choses un peu compliquées.

Je rappelle que les tarifs réglementés restent une exception en Europe. Effectivement, quand on ouvre un marché, il est un peu compliqué de faire cohabiter des systèmes différents. C’est ainsi.

S’agissant des tarifs, il est important de garder à l’esprit que nous avons, avec la Grèce, les tarifs d’électricité les plus bas d’Europe pour les consommateurs domestiques. En ce qui concerne les consommateurs industriels, nous avons remis au Gouvernement un petit rapport sur la compétitivité comparée entre la France et l’Allemagne, que nous pouvons vous communiquer si vous le souhaitez.

M. le président François Brottes. Ce n’est pas pour vous ennuyer, mais je reviens sur votre réponse sur l’hydraulique et les tarifs réglementés. Il est important d’être très précis. Si je ne m’abuse, si la production hydraulique d’EDF diminue, le tarif réglementé augmentera mécaniquement puisqu’il est calculé en fonction des coûts de production d’EDF. Forcément, cela ne sera pas sans incidence, contrairement à ce que vous avez dit. Je voulais vous dire que nous ne partageons pas votre analyse.

M. Philippe de Ladoucette. Voilà pourquoi j’ai dit que nous n’étions pas compétents.

L’augmentation de 30 % ne peut pas inclure la fermeture de Fessenheim, ne serait-ce que parce que les prévisions valent jusqu’en 2017 et que, si j’ai bien compris, la fermeture interviendra d’ici à 2017. En revanche, on peut commencer à apprécier quelques éléments des incidences de la fermeture sur le réseau puisque nous travaillons, avec RTE notamment, sur des plans à trois ans et à dix ans. En particulier, RTE dit très bien quelles conséquences sur l’évolution du réseau de transport l’arrêt de Fessenheim peut faire envisager. Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas réellement pris en considération la fermeture de Fessenheim.

Mme Massat a demandé comment se situent les investissements internationaux d’EDF dans notre réflexion. Ils ne se situent pas, ils sont hors de notre champ de travail.

En matière d’exportations, il faut savoir qu’aujourd’hui la France reste largement exportatrice mais que, sur l’année 2012 et le premier trimestre 2013, pour la première fois, le solde exportateur a été moins élevé, et que chaque mois de l’année 2012 a vu de l’importation en provenance d’Allemagne et, pour le premier trimestre 2013, en provenance d’Allemagne et d’Espagne. La cause en est les prix moins élevés dus à la production extrêmement importante dans ces deux pays des énergies renouvelables et du charbon, conséquence des gaz de schiste américains et du fait que le charbon devient disponible sur le marché international. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons de plus en plus de situations de prix négatifs – et encore il y a deux jours, entre la France et la Belgique – qui perturbent considérablement l’équilibre du marché et conduisent à la fermeture de centrales à gaz ou à leur mise sous cocon, comme en France, ce qui risque de poser problème à un moment donné. Plus le développement des énergies renouvelables, qui résulte d’un choix européen plutôt que français, prendra d’ampleur en Europe, plus ce phénomène se produira et plus les interconnexions deviendront indispensables pour que les pays voisins bénéficient à tout instant de l’ensemble de la production disponible au coût le moins cher. En d’autres termes, il faudra construire des réseaux à la fois optimaux et développés.

S’agissant des perspectives de la biomasse, je rappelle que pour tout ce qui concerne les énergies renouvelables, la CRE ne fait qu’appliquer la politique du Gouvernement, elle ne la détermine pas. Elle procède aux appels d’offre quand on le lui demande en définissant le cahier des charges à partir de critères fixés par le ministre. Dans ce domaine, nous n’avons pas la main. Nous agissons plutôt en aval du Gouvernement et de l’administration en mettant en œuvre une politique déjà définie. En revanche, je crois savoir que la Cour des comptes travaille à un rapport extrêmement complet et détaillé qui, je pense, apportera beaucoup d’éléments de réflexion sur l’ensemble des filières évoquées ici, que ce soit la biomasse, l’éolien, le photovoltaïque et autres.

L’utilisation de la CSPE relève, elle aussi, de choix politiques qui ne sont pas de la responsabilité de la CRE. Nous, nous calculons les coûts. Puisqu’on aime bien faire des comparaisons entre la France et l’Allemagne, sachez qu’aujourd’hui le niveau français est de 13,5 euros par mégawatheure contre 53 pour l’Allemagne. Cette différence témoigne d’un choix d’orientation qui remonte à loin.

Linky est un sujet passionnant, qui tient beaucoup à cœur à la CRE puisque nous portons ce compteur depuis douze ou treize ans. Nous espérons vivement qu’il se déploie enfin. Quant à savoir comment il s’organisera avec les opérateurs d’effacement, nous avons lancé, il y a quelques jours, une consultation publique sur la tarification et les possibilités de l’effacement. Nous prendrons des décisions dans les semaines qui viennent. Ensuite, il faudra passer par le Conseil d’État et l’autorité de la concurrence pour définir la façon dont seront rémunérés ces opérateurs d’effacement.

S’agissant des coûts sociaux internes d’EDF, je n’ai, à vrai dire, pas de réponse.

M. Denis Baupin. Dans votre évaluation de la comptabilité d’EDF, avez-vous pris en compte certaines opérations d’investissement à l’étranger et l’impact qu’elles ont pu avoir sur son équilibre budgétaire et sur les tarifs ?

M. Philippe de Ladoucette. Je reprécise que les investissements à l’étranger n’entraient pas dans le cadre des travaux de la CRE.

Mme Frédérique Massat. Dans votre rapport, vous imputez une part de l’augmentation des coûts commerciaux à la nouvelle interface créée suite à la séparation d’ERDF et EDF. En quoi consistent les coûts supplémentaires qui ont engendré cette augmentation ?

M. Philippe de Ladoucette. La séparation d’ERDF et EDF a nécessité de recréer des systèmes informatiques qui étaient communs au départ. C’était vrai aussi pour RTE, mais de façon moins importante car l’entreprise traite une population moindre qu’ERDF qui intervient auprès de l’ensemble des consommateurs. C’est l’effet de ce qu’EDF appelle la désoptimisation, conséquence des règlements européens.

M. le président François Brottes. En matière d’énergies renouvelables, j’imagine que vous êtes à livre ouvert avec la Cour des comptes, dont le rapport sortira à une échéance encore inconnue.

M. Philippe de Ladoucette. Complètement. Du reste, nous n’avons pas le choix.

Pour finir sur la séparation d’ERDF et EDF, le coût de recréation des systèmes d’information s’est élevé à 374 millions en 2012.

M. le président François Brottes. Merci, monsieur le président, d’avoir été, avec l’ensemble de votre collège, présent et réactif à nos questions. Bien sûr, vous reviendrez dans quelques mois.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 19 juin 2013 à 10 h 30

Présents. - M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. David Habib, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, Mme Annick Lepetit, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, M. François Sauvadet, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Bruno Nestor Azerot, M. Thierry Benoit, M. Jean-Claude Bouchet, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Pascale Got, M. Razzy Hammadi, M. Armand Jung, M. Philippe Kemel, M. Thierry Lazaro, M. Michel Lefait, M. Serge Letchimy, M. Yves Nicolin, Mme Josette Pons, M. Bernard Reynès, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Jean-Marie Tetart, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. - M. Denis Baupin, M. Marc Goua, Mme Sophie Rohfritsch, M. François Vannson