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Commission des affaires économiques

Jeudi 3 juillet 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 99

Présidence de M. François Brottes Président puis de Mme Frédérique Massat, Vice-Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Paul Bailly, président-directeur général du groupe La Poste.

La commission a auditionné M. Jean-Paul Bailly, président-directeur général du groupe La Poste.

M. le président François Brottes. Nous accueillons ce matin M. Jean-Paul Bailly, président-directeur général du groupe La Poste, pour évoquer le contrat d’entreprise que La Poste a signé avec l’État.

Mais auparavant, monsieur le président, permettez-moi de vous poser une question : le journal Les Échos annonce ce matin que, pour des raisons personnelles, vous allez quitter la tête de l’entreprise plus tôt que prévu. Pouvez-vous commenter cette information ?

M. Jean-Paul Bailly, président-directeur général du groupe La Poste. Des discussions ont bien eu lieu sur ce sujet avec les pouvoirs publics et les actionnaires. Comme le conseil d’administration de La Poste doit se réunir demain, vous comprendrez que je lui réserve la primeur de toute communication à cet égard. L’article que vous évoquez contient des éléments concernant une éventuelle succession : il va de soi que celle-ci n’est absolument pas du ressort de l’entreprise, et que ce sont les pouvoirs publics qui prendront leur décision.

Le contrat d’entreprise 2013-2017 qui vient d’être signé par les cinq ministres concernés est bel et bien un contrat de service public puisqu’il fixe pour cinq ans les missions de service public de La Poste, à savoir leur périmètre, leurs objectifs de qualité, leur coût et les modalités de leur financement.

Ce contrat fait suite à celui établi pour la période 2008-2012. Celui-ci a été marqué par la progression de la qualité du service. En effet, alors que nous avions fixé à 85 % notre objectif de distribuer le courrier dans un délai J+1, celui-ci est passé de 83,9 à 87,9 % sur l’ensemble de la période. Nous avons donc largement tenu nos engagements.

Nous nous étions également fixé pour objectif d’améliorer la qualité de service dans les bureaux de poste, en particulier en réduisant le temps d’attente. Sur ce plan, nous avons accompli une véritable révolution, puisque nous avons procédé à la rénovation de plus de 1 500 bureaux et fait quasiment disparaître les files d’attente. Le taux de satisfaction globale du public à la sortie des bureaux se situe entre 90 et 95 %.

Le contrat 2008-2012 a été caractérisé par le ralentissement du rythme de transformation des bureaux de poste en relais de poste et en agences postales communales, dont le nombre annuel est passé de 500 au début de la période à moins de 200 au cours des dernières années, ainsi que par l’exécution dans de bonnes conditions de l’accord tripartite passé entre l’État, les éditeurs de presse et La Poste pour la période 2008-2015 : l’État s’est engagé sur un certain niveau de compensations, d’ailleurs légèrement décroissant, les éditeurs ont accepté un rattrapage des tarifs, et La Poste a accepté de réduire les coûts et d’améliorer la qualité et la productivité. Telle était la situation à la fin de l’année 2012.

J’en viens au nouveau contrat d’entreprise, qui poursuit les quatre missions de service public de La Poste, les approfondit et prend un certain nombre d’engagements citoyens qui vont au-delà des exigences de la mission de service public elle-même.

Le contrat d’entreprise a été mis en place dans un contexte économique difficile, marqué par une croissance en berne, et dans une société de plus en plus engagée dans la mutation numérique. Or le numérique est à la fois porteur de formidables innovations et de véritables menaces. Si les premières sont à créer, les secondes sont bien réelles : le volume du courrier a décru de 20 % depuis 2008 et le phénomène s’accélère – il a diminué de 5,6 % en 2012 et de presque 7 % en 2013. La France se situe dans la moyenne des pays européens, mais il est inquiétant de constater que ceux qui connaissent la plus forte décroissance sont les pays d’Europe du Nord, qui sont très en avance dans le domaine numérique. Le Danemark, par exemple, enregistre une décroissance annuelle du courrier à deux chiffres.

Nous présenterons demain au conseil d’administration du groupe un projet stratégique tenant compte de nos hypothèses de décroissance et confirmant que la décroissance du courrier est égale au PIB moins 6 %. Lorsque je suis arrivé à La Poste, il y a onze ans, la progression était égale au PIB plus 1 %. Ces chiffres traduisent l’extraordinaire mutation de notre modèle économique.

Cette mutation crée aussi de nombreuses opportunités, tels le développement du colis et de l’express et la généralisation du e-commerce. La Poste pourrait devenir un acteur important de la logistique urbaine en distribuant de nouveaux services à domicile. On peut chiffrer à 25 000 le nombre de lieux de présence de La Poste sur le territoire, avec 17 000 points de contact et 7 000 relais Pickup Services, sans oublier les centres dédiés au courrier. Le développement du numérique permettra de faire converger les réseaux : les bureaux seront équipés de tablettes, les facteurs seront dotés d’un smartphone et les domiciles seront connectés. Ces perspectives de convergence, d’amélioration et d’innovation seront l’une des principales ambitions du groupe dans les années qui viennent.

Le contrat d’entreprise prend en compte les enjeux que représente La Banque Postale. Il s’agit d’une banque à part entière, qui peut offrir aux ménages la totalité des services proposés par les autres établissements, mais c’est également une banque citoyenne, qui accompagne les Français les plus modestes, et, depuis un an et demi, la banque du développement économique des territoires, qui finance les personnes morales – TPE, artisans, commerçants – et les collectivités territoriales.

Dans le contexte financier que nous connaissons, chacun devra faire en sorte que l’entreprise conserve une bonne santé économique et obtienne des résultats suffisants pour financer sans s’endetter ses investissements courants et régler les intérêts de sa dette, les taxes et les dividendes. Cet objectif a été atteint par La Poste, puisque, depuis 2008, son résultat d’exploitation avoisine les 700 millions d’euros.

J’en viens aux quatre missions de service public que l’État a confiées à La Poste.

La première consiste à assurer le service universel postal, qui maintient l’objectif de distribution du courrier prioritaire à J+1. L’objectif de 93 % que nous avions fixé pour la Lettre verte, distribuée dans un délai J+2, est d’ores et déjà atteint : nous devrions arriver à 95 % à l’horizon 2015. Nous pensons que, à la fin de cette année, le taux de bascule entre la Lettre rouge, prioritaire, et la Lettre verte sera de l’ordre de 50 % : une enquête réalisée auprès de 60 000 clients montre que les deux tiers privilégient la fiabilité de la distribution et qu’un tiers choisit la rapidité.

Nous avons également des objectifs d’amélioration de la qualité concernant la distribution de la lettre recommandée, les programmes de réexpédition et l’information des consommateurs. Nous proposerons prochainement une application pour les smartphones qui indiquera au public la position des boîtes aux lettres sur l’ensemble du territoire ainsi que les heures de levée du courrier.

Nous envisageons également de développer l’usage de la Lettre en ligne, qui peut être envoyée depuis un ordinateur avant dix-neuf heures pour être distribuée par le facteur le lendemain matin.

Nous avons également pris des engagements pour harmoniser, d’ici à 2015, la gamme des petits colis.

La deuxième mission de service public de La Poste a trait à l’aménagement du territoire. Le groupe compte 7 200 points de contact gérés en partenariat avec des municipalités ou des commerçants. Si ce dispositif connaît un léger ralentissement, de récentes enquêtes évaluent à 90 % le taux de satisfaction de la part de la population, des élus et des commerçants.

La présence postale territoriale fait l’objet d’un autre contrat qui engage pour trois ans l’État, La Poste et les élus locaux, représentés par l’Association des maires de France. Nous préparons actuellement le contrat 2014-2016 en prenant en compte les propositions des présidents des commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT) et des membres de l’Observatoire national de la présence postale (ONPP). Le coût de ce dispositif s’élève à 247 millions d’euros, selon l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), et donne lieu à une contribution de l’État de 170 millions d’euros.

Le nouveau contrat traduira l’attention particulière que nous portons aux zones urbaines sensibles et aux départements d’outre-mer, et, s’agissant de l’amélioration de la qualité du service, il tiendra compte non plus seulement du temps d’attente dans les bureaux de poste, mais de la satisfaction globale du public.

La troisième mission de service public concerne l’accessibilité bancaire que La Banque Postale met en œuvre par le biais du livret A, dont je rappelle les principales caractéristiques : le montant minimal des mouvements est de 1,50 euro, il s’adresse à tous les publics, y compris aux personnes sans domicile fixe ou qui vivent de façon transitoire sur le territoire, et on peut y domicilier le versement de certaines allocations.

Cette mission fait l’objet d’une compensation qui a obtenu l’accord de la Commission européenne, qui la juge parfaitement justifiée et ne la considère pas comme une aide d’État. Cette compensation s’élève à 235 millions d’euros en 2013 ; elle sera de 210 millions en 2014 et devra être renégociée pour les années suivantes.

Notre mission d’accessibilité bancaire nous a amenés à prendre des engagements supplémentaires. Nous avons réuni autour d’une table les huit principales organisations humanitaires pour réfléchir à la manière dont nous pourrions aider les populations fragiles, avec des produits plus adaptés ou l’accompagnement des personnes surendettées. Nous sommes également très engagés dans le domaine du microcrédit.

La quatrième mission de service public a trait au transport et à la distribution de la presse. Cette mission, définie dans les accords Schwartz pour la période 2008-2015, fait l’objet d’une contribution budgétaire de l’État, mais celle-ci ne cesse de décroître et devrait passer de 217 millions en début de période à 180 millions d’euros en 2015. L’État envisage une remise en cause partielle de cette contribution. C’est une évolution possible, à laquelle nous sommes très attentifs.

Le contrat d’entreprise prévoit cinq nouveaux engagements citoyens du groupe La Poste. Le groupe devra contribuer plus étroitement au développement des territoires et des entreprises, en poursuivant sa politique en matière d’achats responsables, agir en faveur des plus démunis et développer la société numérique.

Il devra également agir dans le domaine du développement durable. Nous nous sommes engagés à réduire nos émissions de CO2 en optimisant les parcours et en multipliant le nombre de véhicules électriques. À l’horizon 2015, La Poste disposera de 10 000 véhicules électriques, ce qui en fera la plus grande flotte propre de France, sinon d’Europe. Nous nous sommes par ailleurs engagés non seulement à limiter nos émissions de CO2, mais également à les compenser en finançant des projets comme le renouvellement de la mangrove en Afrique, si bien que l’ensemble des activités colis de La Poste a un bilan carbone neutre.

Enfin, nous mènerons des actions dans le domaine de la responsabilité sociale de l’entreprise. Ainsi, le 22 janvier dernier, nous avons signé avec les organisations syndicales un accord sur la qualité de vie au travail. Ces actions concernent l’égalité des chances, le handicap et l’accessibilité des bureaux de poste, à laquelle la loi nous oblige à partir de 2015. Nous serons au rendez-vous, du moins en ce qui concerne les bureaux de poste dont nous sommes propriétaires.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Avec 268 000 employés, dont 220 000 à la maison mère, le groupe La Poste est le premier employeur de France après l’État, même si ses effectifs sont en baisse constante depuis quelques années puisqu’elle a perdu 80 000 emplois en dix ans, dont 32 000 au cours des cinq dernières années.

Au regard de ses résultats économiques et financiers, le groupe La Poste se porte plutôt bien, mais il souffre aujourd’hui d’un malaise social. Le rapport Kaspar, que vous avez commandé à la suite du suicide de deux cadres en 2012, proposait l’ouverture de huit chantiers de négociation en vue d’améliorer le bien-être des travailleurs du groupe. Ainsi 5 000 embauches supplémentaires devaient avoir lieu sur la période 2012-2014, en plus des 10 000 déjà prévues. Or, selon un document interne, les effectifs auraient diminué de 1,2 % en 2012, ce qui représente environ 2 500 postes. Les syndicats estiment que le bilan social n’est pas satisfaisant, tant sur le plan de l’emploi, de la formation et des congés maladies que de la hausse de la précarité due à la généralisation des CDD et de l’intérim.

Quelle est précisément la situation de l’emploi ? Combien d’agents ont été recrutés ? Quelles sont les proportions des départs à la retraite, des CDD, des CDI, et à quels profils correspondent-ils ? Combien, le cas échéant, avez-vous recruté d’emplois d’avenir ?

Par ailleurs, les 6 000 agents dits « reclassés » souhaitent bénéficier d’une mesure de reconstitution de carrière. Lors de votre dernière audition devant notre commission, le 17 octobre 2012, plusieurs collègues vous avaient alerté sur leur situation sans obtenir de réponse claire. Où en est ce dossier ?

La Poste dispose d’un réseau de 17 000 points de contact, dont 41 % en partenariat avec les communes et les commerçants. Nous nous réjouissons de la modernisation de nombreux bureaux, mais les inégalités persistent d’un territoire à l’autre. Ainsi, en zone rurale, certains bureaux de poste réduisent leurs horaires d’ouverture, d’autres ferment. Les tournées sont écourtées, notamment dans les zones de montagne. Quelles sont vos intentions sur tous ces points ?

La Poste a lancé cette année au métro Simplon une expérimentation de retrait des colis au guichet. Vous paraît-elle concluante ?

En 2011, vous avez lancé la Lettre verte, acheminée en J+2, mais l’ARCEP a révélé que, dans les bureaux de poste, les timbres rouges sont moins accessibles que les timbres verts. Quelles mesures comptez-vous prendre pour y remédier ?

Avez-vous des chiffres à nous communiquer concernant la gamme des nouveaux produits proposés depuis peu par La Banque Postale – crédits aux entreprises, assurances, crédits renouvelables ? 

Vous avez établi un partenariat avec l’État et la Caisse des dépôts afin de reprendre les activités de crédit de Dexia à l’intention des collectivités territoriales. Très vite, 1 milliard de crédits de trésorerie a été distribué, sur les 4 milliards offerts, et 1 milliard de crédits de moyen et long terme a été budgétisé cette année. Pouvez-vous commenter cette progression ?

M. Lionel Tardy. La Poste est confrontée à une diminution de 3 à 5 % par an de son activité courrier, qui représente aujourd’hui moins de 50 % de son chiffre d’affaires. Ce chiffre est inquiétant puisque, en 2013, pour cette seule activité, l’entreprise a démarré avec un déficit de 300 millions d’euros.

Monsieur le président Bailly, dans un livre d’Hervé Hamon, vous vous interrogez sur l’avenir de La Poste. Que seront, dans quinze ans, ses activités courrier, colis, banque et téléphonie mobile ? En 2011, une grande partie des 2,7 milliards d’euros d’augmentation de capital du groupe a été absorbée par La Banque Postale. S’agit-il d’un recentrage sur l’activité bancaire ? Est-ce un pari pour l’avenir, au moment où l’on observe une désaffection des Français pour les agences bancaires, au profit des banques en ligne ?

La loi du 9 février 2010 a validé 17 000 points de contact sur l’ensemble du territoire, dont 10 000 bureaux de poste et 7 000 points d’accès, mais la Cour des comptes voit les choses différemment puisque, selon elle, les obligations réglementaires françaises n’impliqueraient que 14 000 bureaux de poste. Cette surcapacité a pour résultat une sous-utilisation importante des infrastructures de La Poste. La Cour des comptes souligne que, dans la quasi-totalité des points de contact, l’activité quotidienne est inférieure à une heure par jour. Je ne critique pas cette faible activité, qui est la justification même de ces partenariats. Il est toutefois moins acceptable que ce soit également le cas de 10,6 % des bureaux de poste gérés directement par La Poste.

Malgré ces surcapacités structurelles, La Poste étend son réseau en créant des points relais. Elle disposerait ainsi d’environ 3 700 boutiques affiliées et affirme sa volonté d’en ouvrir jusqu’à 5 700. Quel est l’intérêt stratégique d’un réseau redondant ?

Dans le bilan d’exécution du contrat de service public, vous insistez sur le fait que les objectifs chiffrés ont été largement remplis. Il s’agit là de l’aspect quantitatif, mais qu’en est-il de l’aspect qualitatif ? Le rapport de l’ARCEP indique que le taux de réponse aux réclamations est satisfaisant, mais quid de leur contenu ? Les réponses sont-elles de nature à satisfaire les usagers ? Ces réclamations sont-elles prises en compte pour améliorer le fonctionnement de La Poste ?

Enfin, dans son rapport annuel, l’ARCEP a estimé utile que La Poste mette à la disposition du public les données relatives aux boîtes aux lettres : géolocalisation, heures de levée. Où en est ce projet ?

M. André Chassaigne. Je remercie le président Bailly pour la qualité des relations entre La Poste et les élus, tant au niveau national que sur le terrain. Les contacts réguliers que nous avons avec vous nous permettent d’évoquer l’ensemble des sujets qui nous préoccupent et de confronter nos opinions. Sur le terrain, les délégués régionaux et départementaux de La Poste font preuve d’une grande réactivité. Ces échanges, qui s’apparentent parfois à des affrontements toujours cordiaux, nous permettent d’aller au fond des choses.

La Poste doit tenir compte d’orientations politiques définies au niveau européen, mais qui ont des répercussions sur le terrain. Comme disait Bossuet, « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes ».

La Poste a l’intention de recentrer son activité de tri. Auparavant, le tri était effectué par les facteurs dans le bureau de poste. Il a ensuite été regroupé dans un bureau central. Il semble que nous soyons passés à l’étape suivante avec la centralisation du tri sur des plateformes. Cette centralisation a un impact sur les conditions de travail des facteurs qui doivent effectuer parfois 15 ou 20 kilomètres pour se rendre de la plateforme de tri au lieu de distribution. Avez-vous évalué les conséquences de cette organisation sur le terrain, en particulier sur le moral des facteurs ?

Ma deuxième question porte sur l’évaluation de l’activité des bureaux de poste. Jusqu’à présent, celle-ci consistait à additionner le temps consacré à chaque tâche. Il semble que l’évaluation tienne compte désormais de la fréquentation du bureau de poste. Pouvez-vous le confirmer ? Par ailleurs, l’évaluation tient-elle compte des sommes en dépôt ?

Présidence de Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la Commission.

M. Franck Reynier. Je vous remercie, monsieur le président Bailly, pour votre présence régulière devant notre commission qui concoure à instaurer la confiance entre le groupe La Poste et le Parlement. Votre mandat devait s’achever en octobre 2014, nous serons donc attentifs à ce que vous annoncerez demain au cours du conseil d’administration.

Je voudrais, au nom du groupe UDI, réaffirmer mon attachement au groupe La Poste et à ses quatre missions de service public. Je me félicite de la présence des facteurs, six jours sur sept, au domicile des Français, de la proximité incomparable de La Poste et de sa présence sur tout notre territoire, notamment dans les zones rurales, ce qui lui vaut l’attachement particulier de nos concitoyens.

Mais le monde change et les activités traditionnelles de La Poste, dans des secteurs de plus en plus concurrentiels, sont en décroissance. Quelles seront les réformes stratégiques du groupe dans les années à venir ?

Deux ans après l’avoir renforcé de 860 millions d’euros, le groupe envisagerait une nouvelle augmentation du capital de La Banque Postale. Quels sont les enjeux d’une telle augmentation ? Pourquoi intervient-elle maintenant ?

Pouvez-vous évaluer la croissance que pourrait générer la mutation numérique ? Quels outils développez-vous pour mieux satisfaire vos clients et conquérir de nouveaux marchés ?

Envisagez-vous, à court et moyen terme, des opérations de croissance externe, en Europe ou dans d’autres parties du monde ? La nécessité d’atteindre une masse critique pour faire face à la concurrence internationale ne vous incite-t-elle pas à envisager des rapprochements et des partenariats avec d’autres pays ?

Si les PME sont réellement les principales bénéficiaires du fameux crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), La Poste sera le plus gros bénéficiaire de ce dispositif puisque, en 2013, elle percevra 270 millions d’euros de crédit d’impôt. C’est une très bonne nouvelle pour les finances de votre groupe. Comment allez-vous utiliser cette somme et quelles marges de manœuvre vous permettra-t-elle de dégager ?

Vous avez beaucoup investi ces dernières années dans l’énergie et le développement durable – construction de bâtiments à haute qualité environnementale, acquisition de vélos à assistance électrique et de véhicules électriques, formation à l’éco-conduite. Un groupe comme le vôtre doit se montrer exemplaire. Comptez-vous développer les énergies renouvelables au sein de l’entreprise et vous engager dans la voie de l’efficacité énergétique ? Enfin, quel est le montant des budgets consacrés au développement durable ?

Mme Michèle Bonneton. Le regroupement des centres de tri allonge en effet la durée des déplacements des facteurs, ce qui pose des problèmes. Comment comptez-vous y remédier ?

Quel est le dispositif mis en place pour garantir la sécurisation des lettres recommandées ? Comment est assuré le suivi de la lettre recommandée en ligne ?

Comment sont répartis les volumes de colis entre La Poste, ses filiales et les entreprises de distribution ? L’entreprise envisage-t-elle de s’engager davantage dans cette activité ?

Vous affirmez que les usagers se disent satisfaits, mais j’entends quant à moi beaucoup de récriminations portant notamment sur la fermeture des bureaux de poste, leurs horaires d’ouverture, le trop grand nombre d’automates.

En ce qui concerne les conditions de travail des salariés, La Poste, suite au rapport Kaspar, a promis 5 000 embauches supplémentaires, mais, d’après les syndicats, elles ne compenseront pas le nombre des départs à la retraite. Le rapport Kaspar préconisait également de réduire la « métiérisation », à savoir la spécialisation poussée des salariés, pour qu’ils soient plus mobiles et pour renforcer l’unité du groupe. Qu’en est-il ? Avez-vous prévu d’évaluer l’amélioration de la qualité du travail des salariés ?

Peut-on considérer comme un progrès l’augmentation du nombre des courriers distribués en J+2, même si cela permet à La Poste de réaliser des économies ? Quel est le pourcentage de personnes satisfaites de l’acheminement en J+2 par rapport à J+1 ?

La présence postale en milieu rural et dans certaines banlieues demeure insuffisante. Avec ses 17 000 points de contact, La Poste respecte ses obligations légales, mais sa présence territoriale est en repli. En 2004, notre pays comptait 15 000 bureaux de poste de plein exercice : ils sont aujourd’hui moins de 10 000 et sont progressivement remplacés par des agences postales communales (APC) et des relais poste commerçant (RPC). Les premières proposent une amplitude d’ouverture supérieure à celle des bureaux de poste, ce qui a un coût non négligeable pour les communes, et les seconds sont loin de donner toujours satisfaction.

L’Union européenne surveille de près les délégations de service public. Dans quelle mesure la Commission a-t-elle pesé sur la négociation des nouveaux contrats ? Un point d’équilibre a-t-il été trouvé et, le cas échéant, ne risque-t-il pas d’être remis en cause ?

On entend dire que La Poste pourrait être amenée à ne plus distribuer toute la presse, comme aujourd’hui, mais seulement la presse d’intérêt général. Le confirmez-vous ?

Présidence de M. François Brottes, président de la Commission.

Mme Jeanine Dubié. Comme André Chassaigne, je salue l’effort des responsables départementaux de La Poste pour tenir les élus informés de certaines restructurations. Cela permet parfois de désamorcer des situations qui pourraient devenir conflictuelles.

Nous avons tous constaté des changements considérables au sein des agences grâce à la prise en charge différenciée en fonction du type d’opération et à la réduction des temps d’attente au guichet. Cependant, pour faire face à l’évolution des modes de communication, La Poste a procédé à des restructurations parfois brutales pour les salariés. À la suite de plusieurs drames humains, elle a pris des mesures personnalisées pour détecter les salariés en situation de fragilité et a signé un accord avec les syndicats. Malgré ces mesures, le malaise ne semble pas endigué. Comment comptez-vous renforcer et améliorer le dialogue social et le concilier avec votre stratégie d’adaptation à la révolution numérique ?

Comment évoluera, selon vous, la présence de La Poste dans les territoires ruraux dans les cinq à dix prochaines années ? Dans le cadre du contrat de présence territoriale, La Poste a bénéficié de l’exonération partielle de la contribution économique territoriale (CET) à hauteur de 170 millions d’euros en 2012, mais le taux de cette exonération pourrait évoluer en 2014. En période de contraintes budgétaires fortes et de réduction des exonérations, la réduction de l’exonération pourrait-elle affecter votre contribution à l’aménagement du territoire ?

S’agissant des missions de service universel, les objectifs de qualité ont été revus à la hausse. Vos gains de productivité seront-ils suffisants pour y parvenir ? Faut-il s’attendre à une augmentation des tarifs ou à une baisse de la qualité ?

Sur le plan de l’accessibilité bancaire, La Banque Postale accompagne la clientèle fragile, participe à la lutte contre le surendettement et à la promotion du microcrédit, s’engage à ne jamais lier une carte de crédit à une carte de fidélité, n’accorde jamais de crédit sur un lieu de vente et propose un crédit renouvelable responsable comportant une part d’amortissable : toutes ces dispositions correspondent à des amendements déposés sur le projet de loi sur la consommation que nous avons examiné la semaine dernière. Quelle est votre expérience sur tous ces points ?

Enfin, pouvez-vous faire le point sur votre nouvelle activité bancaire auprès des collectivités locales, tant au niveau de la gamme des produits que de leur commercialisation ?

M. Jean-Paul Bailly. J’ai beaucoup apprécié vos commentaires à propos des efforts entrepris par nos équipes pour améliorer la qualité des relations entre La Poste et les élus. Soyez certains que je leur ferai part de vos remarques.

Nous n’aurons pas d’autre choix, dans les années qui viennent, que d’adapter l’entreprise à son nouvel environnement. Notre politique sera guidée par le souci de préserver la qualité du service, d’être attentif aux hommes et aux femmes qui vivront cette transformation et de préserver la bonne santé économique de l’entreprise.

Ces conditions ont été remplies. C’est pourquoi les dépenses sur de longues périodes, qu’il s’agisse des dépenses de fonctionnement ou des masses salariales, sont relativement constantes, même si notre activité et notre chiffre d’affaires diminuent. C’est dans ce contexte que nous avons procédé à des diminutions d’effectifs, en veillant à ce qu’elles se déroulent le mieux possible. Personne n’a été laissé au bord de la route et chacun a trouvé une place à l’intérieur de l’entreprise. Nous avons fait nôtres les conclusions du rapport de Jean Kaspar et, d’ailleurs, nous avons signé, au début de l’année, un contrat sur la qualité de vie au travail, nous nous sommes engagés à ouvrir des négociations sur huit chantiers relatifs à l’organisation du travail et au dialogue social, et nous signerons prochainement un accord sur le travail à domicile : ces éléments témoignent de la dynamique que nous avons mise en place.

Grâce aux 5 000 emplois supplémentaires que nous avons créés, les effectifs n’ont diminué en 2012 que de 2 500 emplois. Notre engagement a donc eu un impact réel sur l’emploi. D’ailleurs, même si nous sommes obligés de mener une politique de baisse des effectifs, nous restons un employeur exemplaire : en 2012, le groupe a recruté 9 600 personnes, ce qui en fait l’un des premiers recruteurs de France. Nous nous sommes engagés à créer un millier d’emplois d’avenir en 2013 et 2014, et en avons déjà créé 200. Nous avons en outre signé plus de 5 500 contrats d’apprentissage, dont plus de la moitié sont embauchés dans l’entreprise, sans compter les étudiants que nous accueillons en stage. En 2012, nous aurons contribué à l’embauche, à l’emploi ou à la formation de plus de 20 000 jeunes, et nous avons la volonté de poursuivre cette politique.

Nous nous sommes engagés à proposer à chaque postier une formation annuelle et nous ferons dès 2013 des progrès significatifs en matière de formation.

La question des agents reclassés – ceux qui ont refusé d’entrer dans le système en 1990 – est récurrente. Ils ont la possibilité, s’ils souhaitent bénéficier des mêmes avantages, de rejoindre la cohorte de ceux qui ont accepté le nouveau dispositif.

En ce qui concerne notre présence territoriale, nous développons de nouveaux partenariats, par exemple avec les bibliothèques, et créons des points de contact intercommunaux. Nous expérimentons par ailleurs une autre forme de mutualisation entre les différents métiers de l’entreprise en confiant aux facteurs, dans le cadre de leur tournée, les bureaux de poste dont l’activité est très faible. Cette solution est saluée par les personnels, notamment les facteurs, et par la population locale.

En effet, monsieur Chassaigne, le regroupement du tri augmente la durée de trajet des facteurs, mais ce regroupement est nécessaire, car il améliore la performance de l’activité de tri. Cela dit, grâce aux nouvelles technologies, nous sommes aujourd’hui en mesure de remettre au facteur sa sacoche déjà fabriquée, ce qui lui évitera de se déplacer.

Avec la Lettre verte, le nouveau contrat de service public élargit le service universel, qui ne comportait jusqu’à présent que la lettre prioritaire. Au lieu d’imposer un produit au public, nous lui offrons une gamme triple avec la lettre prioritaire, la Lettre verte et la lettre électronique.

Le problème de l’accès aux timbres rouges dans certains bureaux a été totalement résolu. Si le bureau dispose d’un seul automate, nous proposons le produit le moins cher ; s’il dispose de deux automates, l’un d’entre eux délivre des timbres verts et l’autre des timbres rouges.

La Banque Postale a réussi en moins d’un an à mettre en place le financement des collectivités territoriales, ce qui représente une véritable performance. Nous prévoyons de délivrer près de 3 milliards de crédits pour l’année 2013, ce qui correspond à 15 % du marché. Selon notre analyse, partagée par les élus locaux, nous ne connaîtrons pas d’insuffisance de financement en 2013 et 2014, bien au contraire, car nous assistons à une inversion du marché. Celle-ci est due à la présence d’un nouvel acteur, La Banque Postale – qui a réveillé les autres acteurs – au fait que les grandes collectivités font directement appel au marché, et à la mise en place par la Caisse des dépôts d’un dispositif de financement des prêts supérieurs à vingt ans de l’ordre de 4 milliards d’euros. Tous ces éléments, auxquels s’ajoute un calendrier électoral qui fait que la demande sera vraisemblablement un peu plus faible en 2013 et 2014, nous autorisent à penser que, dans les deux ans qui viennent, nous ne connaîtrons pas d’impasse de financement comme ce fut le cas les années précédentes.

Si le jeu reste très ouvert, nous avons désormais une vision assez précise du développement de La Poste pour les quinze prochaines années. L’avenir se construira autour de trois grands domaines. Il s’agit d’abord de la distribution des services – courrier, colis – à domicile. La Poste doit renforcer son poids dans le domaine du e-commerce, non seulement dans la livraison, mais sur l’ensemble de la chaîne – nous avons ainsi acheté des entreprises qui se spécialisent dans la e-logistique –, pour éviter de se faire écraser par des groupes comme Amazon. Le réseau mobile de La Poste – facteurs, porteurs de colis –, sa présence sur le territoire et la possibilité, grâce au numérique, de renforcer la cohérence de ces dispositifs lui permettent d’offrir de nouveaux services innovants de qualité et constituent à ce titre un formidable atout.

Le deuxième grand volet concerne l’enseigne et l’activité de La Banque Postale dont la réussite – au-delà de ce qu’elle apporte par ailleurs – constitue un levier fondamental pour le maintien sur l’ensemble du territoire des bureaux de poste en propre. En effet, ces derniers ont disparu dans les pays où, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, les postes n’ont pas d’activités bancaires. Il nous faudra développer tant le service aux particuliers que notre appui au développement des territoires.

Enfin, l’international constitue le troisième pilier de notre développement. Le colis express représente une part très significative de notre activité ; sur les 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans ce domaine, plus de 3 milliards viennent de l’international. Poussés par le phénomène de concentration, nous devrions dépasser notre stature d’ores et déjà européenne pour aller vers une dimension plus mondiale. En effet, dans le monde actuel, pour exister à l’international, il faut être fort en France, et inversement. La Poste a déjà fait énormément de progrès, entrant – sous des marques différentes – dans le club très resserré des quatre acteurs mondiaux qui transportent plus de 1 milliard de colis par an, qu’elle partage avec Fedex, UPS et DHL. Il nous faut consolider cette position favorable dans les années à venir.

Jusqu’à présent, sur les 2,7 milliards d’euros d’augmentation de capital de La Poste, 860 millions ont été affectés à La Banque Postale ; une autre augmentation de capital est prévue, dans laquelle les fonds propres occuperont une place plus large, la partie capital s’élevant à quelque 200 millions. Il s’agit, certes, d’une part significative des 2,7 milliards, mais La Banque Postale en a besoin. Nous avons également effectué beaucoup d’investissements pour développer la chaîne du e-commerce et les activités internationales, notamment dans le domaine de l’express. Nous disposons donc d’une réserve pour financer la croissance externe dont les volets reprendront – en fonction des opportunités – les grands axes de notre plan stratégique : la distribution et les services à domicile sur tout le territoire – avec une présence renforcée dans le e-commerce, le numérique et la logistique urbaine –, le domaine bancaire et l’international.

L’ouverture des nouveaux points relais, en plus des milliers qui existent déjà, apparaît non seulement judicieuse, mais incontournable. La rapide croissance du e-commerce est portée par la livraison hors domicile ; les bureaux de poste ne suffisent pas à absorber la demande, et nous avons besoin de points de livraison encore plus ouverts et plus denses. Seul un bon système de points relais peut permettre de devenir un acteur puissant du e-commerce, et les entreprises se les disputent. C’est pour ses 4 000 points en France que le groupe Otto rachète les 3 Suisses, et il viendra nous concurrencer sur ce terrain.

L’importante croissance des réclamations doit beaucoup à l’amélioration de leur système de traitement : désormais, nous les identifions toutes et y répondons rapidement. Lorsqu’un usager estime que sa réclamation a été mal traitée au premier niveau, il peut faire appel au médiateur de La Poste, qui étudie un millier de dossiers par an environ.

L’open data constitue pour nous un véritable enjeu, et nous comptons le mettre au service du public. Pour commencer, dès 2014 ou au plus tard début 2015, nous mettrons au point une application qui permettra à chaque usager, où qu’il se trouve, de repérer la boîte aux lettres la plus proche et de connaître l’heure de la levée. Il s’agit d’un service de tous les jours adapté au monde d’aujourd’hui.

Monsieur Chassaigne, en matière d’évaluation de l’activité des bureaux de poste, nous allons en effet vers davantage de transparence ; outre le nombre d’usagers, La Banque Postale tient compte du poids des dépôts et de la contribution de chaque bureau de poste au produit net bancaire (PNB).

M. André Chassaigne. Je constate avec plaisir que vous préférez le terme d’« usagers » à celui de « clients » !

M. Jean-Paul Bailly. J’utilise les deux, sans en faire une bataille.

Pourquoi augmenter le capital de la banque ? D’abord, seule la capacité d’anticipation permet de bien conduire ces dossiers ; c’est pourquoi nous le faisons maintenant, alors que rien ne nous y oblige. Procéder à une augmentation de capital à froid, afin d’accompagner les potentiels de développement et la solidité de votre banque permet de le faire dans de meilleures conditions que lorsqu’on s’y prend à chaud, contraint par le changement d’une règle prudentielle ou par un autre élément.

Il nous faut accompagner le développement de La Banque Postale. Or la nature de ses activités change, augmentant le besoin en fonds propres. En effet, si la banque traite de moins en moins de dettes souveraines, qui – quels qu’en soient les risques – consomment peu de fonds propres, elle laisse désormais une large place au crédit immobilier qui en consomme beaucoup. Les évolutions réglementaires nous obligent également à emprunter cette direction. Enfin, la recapitalisation de toutes les autres banques françaises remet en cause notre position jadis nettement dominante dans ce domaine et nous impose d’en faire autant si nous ne voulons pas nous laisser distancer.

Nous sommes, en effet, parmi les bénéficiaires du CICE. Cela peut surprendre, car La Poste conserve l’image d’un monopole ; or il n’y a pas un centime de ses activités qui ne soit pas aujourd’hui en concurrence. Cette concurrence peut être très violente, comme dans le secteur bancaire, celui du colis, de l’express et une partie du courrier – y compris international. Les bureaux de poste n’échappent pas à la règle puisque leur coût et leurs performances sont répartis sur différents métiers, tous exposés à la concurrence. Si le courrier traditionnel semble faire exception, il fait en réalité face à une concurrence plus redoutable encore, puisqu’il décroît de 6 % par an. Le CICE améliorera notre performance et notre compétitivité ; contribuant à la bonne santé économique de l’entreprise, cette nouvelle ressource nous permettra de limiter les réductions d’emplois.

Le CO2 constitue une de nos préoccupations majeures. Notre objectif – que nous sommes en passe d’atteindre – est de réduire nos émissions de 20 % entre 2008 et 2015. Nous mesurons nos émissions tant globalement que par point de livraison. Si nous ne négligeons pas les bâtiments, nous nous concentrons surtout sur la gestion de notre flotte – la plus importante de France, tant en quantité de véhicules qu’en nombre de kilomètres par jour. Notre politique porte sur l’optimisation des parcours et des kilométrages, celle de la taille et du remplissage des véhicules et des camions, la promotion de la conduite écologique et le développement des véhicules électriques. Ce programme global reste unique, d’autant qu’à la politique de réduction des émissions s’ajoute celle de compensation carbone.

Les APC et les RPC recueillent une importante satisfaction, l’opération se révélant gagnante pour tous : pour nos concitoyens, qui bénéficient d’horaires d’ouverture beaucoup plus larges ; pour les commerçants – parfois les derniers du village –, auxquels ils apportent quelque 300 ou 400 euros nets qui peuvent peser lourd dans la décision de rester ou de partir ; pour les mairies enfin, auxquelles ils donnent une ressource complémentaire, correspondant presque à un demi-salaire, qui leur permet d’étendre leurs heures d’ouverture. Les 900 ou 1 000 euros consacrés aux APC devraient suffire en cas de mutualisation effective des locaux ; le futur contrat de présence postale territoriale devrait prévoir des investissements en ce sens.

À court terme, l’Europe ne représente pas une préoccupation particulière. La Commission souhaite renforcer la fluidité transfrontalière du e-commerce, mais nous travaillons pour que les postes elles-mêmes puissent prendre les initiatives nécessaires dans ce domaine.

Rassurez-vous, madame Bonneton, La Poste distribuera toujours toute la presse.

L’évolution des tarifs est régulée par l’ARCEP ; le price cap qui vaut jusqu’en 2015 nous autorise une augmentation des prix à l’inflation + 1 %, et nous nous y tiendrons dans les deux années à venir.

La Banque Postale détient aujourd’hui 42 000 contrats de crédit renouvelable, pour un encours de 30 millions d’euros. Parmi ces contrats, 80 % portent sur des crédits de moins de 5 000 euros ; 90 % des clients ont un revenu supérieur à 1 300 euros et 50 % à 2 000 euros par mois. Nous nous efforçons de proposer un crédit renouvelable exemplaire : dissocié des programmes de fidélité, il ne peut être souscrit qu’à La Banque Postale, en présence du conseiller financier. Enfin, il n’est attribué qu’après une étude minutieuse et un dialogue personnalisé avec le client sur les enjeux et les conséquences de l’endettement. Nous avons noué un partenariat avec la fédération des chambres régionales du surendettement social afin de traiter les problèmes éventuels de surendettement. En somme, nous avons tout fait pour que ce crédit renouvelable soit le plus citoyen et le plus vertueux possible.

M. le président François Brottes. Madame Bonneton, lorsque, il y a six ans, à la suite du rapport d’Yves Cochet préconisant la suppression des vols de nuit, j’avais appelé de mes vœux un acheminement en J+2 garanti, les députés de toutes les sensibilités politiques m’ont traité de ringard. Je me réjouis que cette évolution – qui représente un progrès au titre du développement durable – soit aujourd’hui largement acceptée.

M. Régis Juanico. Monsieur le président Bailly, à la suite de la remise du rapport Kaspar qui vous invitait à une gestion plus apaisée des projets de réorganisation du groupe La Poste, vous vous étiez engagé à en ralentir le rythme de mise en œuvre et à associer étroitement les personnels et les organisations syndicales à un diagnostic partagé. Or, la semaine dernière, la direction du courrier Loire Vallée du Rhône a annoncé aux salariés son intention de transférer dès 2014 l’activité de traitement du courrier du centre de Saint-Étienne Montreynaud vers la plateforme industrielle courrier régional de Saint-Priest dans le Rhône. Quelles raisons impératives justifient cette annonce brutale qui concerne 150 emplois ? Quelles conséquences en matière de développement durable le transfert à Lyon – qui multipliera les acheminements par camion – aura-t-il ? Comment comptez-vous organiser le dialogue avec les élus et les salariés concernés ?

M. Jean-Claude Mathis. Je souhaitais vous interroger sur le bilan carbone et l’édition du timbre vert, mais vous avez déjà largement répondu à mes préoccupations.

Mme Marie-Hélène Fabre. Malgré les efforts pour assurer la présence de La Poste dans les territoires, la période estivale voit chaque année des bureaux de poste ruraux fermer, les employés étant déplacés vers les agences des communes plus importantes ou les centres de tri. Envisagez-vous de pallier cette défaillance ?

Je doute que mon collègue Henri Jibrayel – qui a récemment reçu une délégation des agents de La Poste – se contente de vos réponses au sujet des agents reclassés. Vous gardez le même argumentaire depuis 2012, alors que le Conseil d’État vous a suggéré de prendre des dispositions.

Mme Frédérique Massat. Nous souhaitons que le nouveau contrat de présence postale maintienne le fonds de péréquation ; la multiplication des APC n’interdit-elle pas de l’utiliser ?

Quels types de métier seront concernés par les 15 000 nouvelles embauches annoncées sur les trois ans à venir ? Près de 40 % d’entre elles semblent destinées à la région parisienne ; n’oublions pas les territoires ruraux et de montagne !

Les femmes représentent 51 % des effectifs globaux de La Poste, mais quelle est leur part parmi les cadres ?

Où en est la mise en œuvre du CICE par La Banque Postale auprès des entreprises qui font appel à ce dispositif ?

En matière de crédit aux collectivités territoriales, comment s’articulent les domaines d’intervention de La Banque Postale et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ? Les élus sont parfois un peu perdus entre les différents acteurs.

M. Jean-Paul Bailly. Je ne peux pas le faire dans l’immédiat, mais nous vous apporterons rapidement une réponse précise sur le cas du centre de Montreynaud. Le rythme des réorganisations a été revu, à la fois pour respecter nos engagements et parce que les changements sont conduits suivant une méthode extrêmement rigoureuse. Tout commence par un diagnostic qui permet de préciser le sens et les raisons de la réorganisation. Des consultations individuelles – chaque agent étant interrogé sur ses souhaits et difficultés – et collectives sont ensuite organisées. On étudie plusieurs scénarios, y compris ceux des syndicats, avant de mettre la réorganisation en œuvre et d’en assurer le suivi. Au total, ce processus peut prendre un an, et on se donne le temps qu’il faut. Nous vérifierons s’il y a eu manquement à cette méthode dans le cas de Montreynaud, car la précipitation ne correspond pas à la démarche que le groupe s’est engagé à suivre.

S’agissant du bilan carbone, nous avons d’ores et déjà réduit le nombre d’avions, ne gardant que le strict nécessaire – par exemple pour desservir la Corse. Nous travaillons beaucoup sur l’augmentation de la part du fret ferroviaire, notamment sur l’axe Paris-Nord – cette région émettant beaucoup de courrier –, celui du sillon rhodanien et de Bordeaux.

Les fermetures des bureaux de poste en période estivale restent peu fréquentes. Nous essayons de permettre aux postiers de prendre des congés de trois semaines d’affilée, tout en limitant au maximum ce type de désagrément.

On ne peut que partager votre souhait de maintenir le fonds de péréquation ; mais vous pouvez y contribuer puisqu’il est défini dans la loi de finances, approuvée chaque année par le Parlement.

Rassemblant 25 % des effectifs du groupe, l’Île-de-France a des besoins en personnel particulièrement importants. Son poids dans les futures embauches s’explique également par l’ampleur du turn-over dans cette région. Cependant, nous ne comptons pas délaisser les territoires ruraux.

J’attache beaucoup d’importance à la place des femmes au sein du groupe. Elles représentent 51 % de l’effectif global, 40 % des cadres et 27 % des cadres dirigeants – contre 15 % il y a quelques années seulement. Nous avons donc créé une dynamique réelle dans ce domaine.

Notre groupe, et en particulier La Banque Postale, fait bien appel au CICE.

En matière de financement des collectivités territoriales, il faudra réfléchir jusqu’à quel seuil temporel peuvent aller les crédits de La Banque Postale avant d’être relayés par ceux de la CDC, et sur la possibilité d’offrir des financements mixtes autour de la limite des vingt ans. Nous travaillons en bonne intelligence avec la CDC pour essayer de vous servir au mieux.

M. Alain Marc. Monsieur le président Bailly, la disponibilité de votre entourage nous a toujours permis de résoudre les conflits au niveau local. Soyez-en remercié.

Certaines APC – surtout situées dans les zones rurales à faible densité – se plaignent de ne pas disposer de suffisamment de liquidités par rapport aux besoins exprimés. S’agit-il d’une question de sécurité ou d’une disposition réglementaire ?

Dans ces territoires où la densité est parfois inférieure à cinq habitants au kilomètre carré, ne pourrait-on pas développer davantage de points relais afin de renforcer, à travers les commerçants, le lien avec la population ?

Mme Corinne Erhel. Le numérique transforme nos modes de déplacement et de consommation, ainsi que l’organisation de votre groupe, et il faut que cette mutation profite aux territoires, aux citoyens, mais également aux agents de La Poste. Anticiper l’évolution des métiers et de la formation reste à cet égard essentiel.

Quelle est votre stratégie pour La Poste Mobile ? Comment comptez-vous différencier votre offre par rapport aux autres opérateurs ? Quel public visez-vous, avec quelle couverture, quelle qualité de service et quel type de tarifs ?

M. Dino Cinieri. J’adresse mes félicitations aux représentants départementaux, ainsi qu’à l’équipe de La Poste de l’Assemblée nationale, mais reprends à mon compte la question de Régis Juanico sur la restructuration et la fermeture du centre de tri de Montreynaud. Qu’en est-il de l’organisation des rencontres avec les élus et les partenaires sociaux ?

Les Échos ont récemment prétendu que l’arrêt de la version papier du magazine Plus que Canal Plus envoie à ses abonnés ferait prochainement subir à La Poste une perte sèche de 60 millions d’euros, soit 0,6 % du chiffre d’affaires généré par le courrier. Confirmez-vous ces chiffres ? Quelle incidence concrète cette perte aura-t-elle ?

Les points relais en zone rurale donnent entière satisfaction, et je souhaite les voir se développer.

M. Hervé Pellois. Lors de votre précédente audition, vous vous êtes engagé à accueillir une partie des salariés du Crédit immobilier de France (CIF) et à reprendre ses activités de financement des Français les plus modestes. Où en êtes-vous dans vos relations avec le CIF ? Quels services La Banque Postale pense-t-elle rendre aux publics les plus défavorisés ? Vous avez parlé de rencontres avec les associations humanitaires ; mais qu’en est-il de vos liens avec les acteurs du logement social ?

M. Jean-Paul Bailly. La limitation des retraits en liquide dans les APC ou les RPC – 300 euros par personne, par semaine et par compte – relève d’une précaution de sécurité. Mais il suffit de prévenir à l’avance d’un besoin de retrait ou de dépôt exceptionnel pour que le nécessaire soit fait.

Il est certes possible de créer de nouveaux points relais, mais il faut en apprécier la pertinence au coup par coup, notamment en fonction de la proximité des points existants et de l’articulation possible avec les commerces. En étudiant les demandes que nous recevons, nous concluons parfois à l’inutilité d’un nouveau point relais, mais parfois au contraire à son intérêt, surtout là où il permet de sauvegarder un commerce ou de consolider un point multi-commerce.

Madame Erhel, pour conforter la priorité que constitue le numérique, nous avons été parmi les premiers à y consacrer une direction générale, avec à sa tête Nathalie Andrieux, directrice générale adjointe et membre du comité exécutif du groupe. Cette direction s’occupe tant des opportunités de nouvelles offres que de la mutation interne, car le numérique fait évoluer les métiers, la formation et la manière de travailler ensemble.

La simplicité, la confiance et l’accessibilité sur le terrain sont les maîtres mots du positionnement de La Poste Mobile qui compte aujourd’hui plus de 700 000 clients et espère en atteindre 1 million avant la fin de l’année – beau succès dans la bataille actuelle. L’arrivée de Free a, certes, ralenti notre développement, comme celui de tous les opérateurs. Mais contrairement à beaucoup de nos concurrents qui se sont contentés de baisser leurs tarifs, nous avons également multiplié nos points de distribution. Si, auparavant, on ne pouvait s’abonner à la Poste Mobile que dans les 1 500 ou 2 000 bureaux les plus importants, c’est désormais possible dans 10 000 points. Dans les plus grands d’entre eux, le client repart avec le terminal ; dans les plus petits, il est livré par Chronopost le lendemain. Cette nouvelle activité est économiquement importante et les postiers en sont fiers ; en zone rurale, notamment, sa dimension moderne et technologique nous permet d’attirer les jeunes.

Il suffit de rapporter la somme surprenante avancée par Les Échos – 60 millions d’euros – au chiffre d’affaires de La Poste ou à celui de Canal Plus pour comprendre qu’elle est fausse. Il s’agit en réalité de 6 millions d’euros sur six mois, soit 12 millions sur un an.

M. le président François Brottes. Une information erronée comme celle-ci peut porter préjudice à l’entreprise ! Dans ce genre de cas, faites-vous un correctif ?

M. Jean-Paul Bailly. Je ne crois pas que nous l’ayons fait.

Nous respectons notre engagement à reprendre le personnel du CIF – formalisé par un accord avec les organisations syndicales –, tout comme celui de Dexia ; une dizaine d’employés du premier et quelque 50 ou 60 du second établissement ont déjà rejoint la Banque Postale. À la fois entreprise, banque et agent de service public, nous avons toujours essayé de concilier l’intérêt social et économique avec l’intérêt général. Or, si l’intérêt économique nous imposait d’éviter tout lien capitalistique avec Dexia ou le CIF – leur passif pouvant fragiliser notre réputation et nous exposer à des risques financiers –, nous souhaitions, en revanche, reprendre la mission d’intérêt général que portaient ces deux établissements. C’est pourquoi nous avons recréé une banque de financement des collectivités territoriales et accéléré le développement des produits que proposait le CIF, comme le prêt à l’accession sociale (PAS) qui représente déjà pour nous 500 millions d’euros – contre 700 millions pour le CIF. Nous développerons progressivement ces activités afin de répondre aux attentes des Français modestes qui veulent accéder à la propriété.

Mme Laure de La Raudière. Essentiels pour développer l’offre colis, les points relais portent la stratégie de puissance de La Poste et de Chronopost. Mais, dans certaines zones reculées où les commerces sont rares, votre position peut rapidement devenir dominante, voire monopolistique ; ne craignez-vous pas que l’Autorité de la concurrence puisse critiquer cette organisation ?

Ayant reçu une offre en ce sens dans le cadre des élections législatives, je m’interroge sur la pratique de vente des fichiers de noms. Le démarchage téléphonique ou par courrier électronique sans autorisation est interdit ; mais qu’en est-il du démarchage postal ?

Mme Annick Le Loch. Je ne partage pas l’optimisme de mes collègues Chassaigne et Dubié quant à la progression de la concertation à La Poste. Depuis quelques semaines, ma circonscription est le théâtre de la suppression de deux centres courrier, la situation étant extrêmement difficile et tendue pour les postiers. À Plogonnec, le déménagement à marche forcée s’est fait en présence d’un huissier, et votre délégué départemental a reconnu, devant le maire et les élus, le défaut d’information et de concertation. À Pont-Croix, le projet est ficelé sur le papier avant tout échange entre les parties. La Poste ne dispose-t-elle pas d’une marge de progression pour mener des projets concertés ou au moins pour en débattre ?

M. Jean-Claude Bouchet. La chute du courrier – qui représente 20 % sur les dernières années – atteint 5 ou 6 % en 2012 et 6 % en 2013. Quel impact cette diminution a-t-elle sur les effectifs et quelles mutations technologiques faut-il imprimer aux différents métiers de La Poste ?

Comment se situe La Poste française par rapport aux autres sociétés postales – notamment allemande et hollandaise – sur le marché européen et mondial ?

Enfin, vous avez parlé d’extension du financement aux entreprises, à l’artisanat et aux collectivités territoriales. De quelle part de marché bénéficiez-vous aujourd’hui dans ces différents secteurs, et quelles évolutions prévoyez-vous en cette matière ?

Mme Marie-Lou Marcel. La tension monte dans l’Aveyron autour des projets de réorganisation qui impliquent le transfert du traitement du courrier à l’extérieur du département. Actuellement, le courrier entrant et sortant est traité par la plateforme industrielle d’Onet-le-Château – gage de qualité pour ce cinquième département le plus vaste de France. Une fois ce centre fermé et transformé, le courrier interne à l’Aveyron devra sortir, puis revenir dans le département.

Au terme de cette réorganisation, soixante-cinq des cent emplois de la plateforme seraient perdus, alors que la moyenne d’âge des employés est de cinquante et un ans ; douze à quinze emplois supplémentaires pourraient disparaître avec la mécanisation du centre de distribution. Les transporteurs privés travaillant pour La Poste, tout comme les entreprises qui s’occupent du routage du courrier, sont également inquiets.

M. Daniel Fasquelle. Votre plan stratégique est-il complètement fixé ?

Avez-vous renoncé à ouvrir le capital de La Poste aux salariés, ou bien cette idée reste-t-elle une perspective ?

Deuxième opérateur en Allemagne, vous avez également mentionné des contacts avec l’Inde ou la Chine ; où en êtes-vous de ce développement à l’international ?

M. Philippe Kemel. Vous avez souligné combien La Poste tenait à sa présence sur le territoire et à sa mission de service public, même dans un environnement concurrentiel. Les petites entreprises et les commerces indépendants – qui jouent un rôle essentiel dans le maintien de la cohésion sociale – voient actuellement leur chiffre d’affaires stagner et peinent à financer leurs fonds de roulement. La Banque publique d’investissement examine la possibilité de leur octroyer des financements de long terme, mais elle a besoin d’un relais bancaire. La Banque Postale pourrait-elle jouer ce rôle ? Où en sont vos réflexions à ce sujet ?

M. Alain Suguenot. Monsieur le président Bailly, félicitations pour votre longévité ! Vous avez assumé, à la tête de La Poste, le passage de la mission de service public en situation de monopole à une activité concurrentielle – défi auquel d’autres se sont brûlé les ailes.

La CDC a-t-elle donné son aval à la possibilité d’accorder des prêts sur trente ans aux collectivités locales ?

M. Jean-Paul Bailly. Cela reste exceptionnel, mais possible sur des lignes spécifiques, en liaison avec la CDC.

M. Alain Suguenot. Alors que l’écrit baisse de 6 % au profit d’internet, la progression du e-commerce permettra-t-elle à terme – à travers le petit colis – de compenser cette perte ?

Ne risque-t-on pas de qualifier de dominante votre position en matière de plateformes logistiques petit colis ?

M. Jean-Luc Laurent. Si les bureaux de poste restent mieux outillés, le développement du e-commerce entraîne un surcroît d’activité – davantage de travail, des besoins accrus en locaux, difficultés de gestion – pour les APC et surtout pour les quelque 2 000 RPC. Quelles dispositions prévoyez-vous d’intégrer au plan stratégique afin d’éviter le malaise au sein des collectivités locales et chez les commerçants qui ont décidé d’accompagner la présence du service postal dans les communes ? Ne faudrait-il pas, au regard de ce surcroît d’activité, réviser à la hausse l’indemnité qui leur est versée ?

M. Jean-Paul Bailly. Avec nos 6 000 points relais, nous tenons une position relativement forte, mais absolument pas dominante dans ce domaine. Quatre grands acteurs, souvent liés aux groupes tels que La Redoute ou les 3 Suisses, se partagent les 20 000 à 25 000 points qui existent en France, et nous n’anticipons pas de difficultés avec l’Autorité de la concurrence.

Nous sommes très attentifs au respect des règles déontologiques et éthiques en matière de fichiers.

Alors que l’activité liée au courrier a chuté de près de 50 % en dix ou quinze ans, cet outil industriel doit nécessairement faire l’objet d’une adaptation. Mais les évolutions doivent être réalisées selon les règles de concertation, et nous nous pencherons sur les cas problématiques que vous évoquez. Dans toute réorganisation, il faut prendre le temps d’expliquer pourquoi les changements sont nécessaires, d’anticiper les conséquences et de suivre toutes les étapes du diagnostic. Sans cette méthode de concertation attentive, les diminutions d’effectifs menées depuis dix ans n’auraient pas pu être conduites avec succès.

Les postes des différents pays ont fait des choix très différents : la poste allemande a décidé il y a quinze ans de devenir un logisticien mondial ; la poste italienne ne vit que de ses activités bancaires, qui en représentent 80 %, ses autres services étant déficitaires. Les postes française, suisse ou autrichienne ont développé des modèles équilibrés entre différents métiers. Notre groupe conserve une activité forte dans le domaine du courrier, tout en se développant dans celui du colis et de l’express, même si la croissance actuelle du e-commerce ne saurait compenser la diminution du courrier – il s’en faut de beaucoup. Enfin, nombre de postes connaissent des difficultés, notamment celles qui n’ont pas réussi, au cours de la dernière décennie, à rééquilibrer leur modèle pour rester très dépendantes du courrier. Au total, La Poste française est aujourd’hui regardée comme une référence et un succès.

Notre montée en puissance en matière de financement des collectivités territoriales étant particulièrement spectaculaire, nous devrions arriver à quelque 15 à 25 % de part de marché. En revanche, dans le secteur du financement des PME – que nous avions pourtant investi bien avant –, notre place reste modeste. Ce métier risqué exige une grande compétence, et nous nous sommes pour le moment limités aux produits particuliers comme l’affacturage ou le crédit-bail.

Notre plan stratégique, qui sera présenté demain au conseil d’administration, est prêt. Cependant, il ne s’agit pas d’un carcan, mais d’un guide et d’un garde-fou qui nous indique la direction à prendre et les problèmes à envisager. Certains chantiers importants – la distribution à domicile, le numérique, la croissance externe – demanderont un travail continu dont nous ne connaissons pas aujourd’hui toutes les modalités.

À titre personnel, je continue à penser que l’ouverture du capital aux salariés constitue une bonne idée, dans la mesure où elle permet de concilier les aspects économique et social ; mais les conditions qui permettraient d’avancer dans ce domaine ne sont pour l’instant pas réunies.

J’ai déjà répondu, me semble-t-il, aux questions portant sur l’international et sur la trésorerie des entreprises et des PME.

Il est à la fois possible et impossible de compenser la chute du courrier au travers du petit colis. Le e-commerce constitue une chance historique pour les postes, et il faut la saisir au maximum. Mais si, à côté des grands acteurs comme Amazon, l’on inclut dans le calcul les entreprises qui se portent moins bien, les chiffres réels de progression de ce marché tombent à 5 ou 6 %. Le colis en France nous apporte 1,5 milliard d’euros, contre 10 milliards pour le courrier ; la compensation ne peut donc être que partielle. Néanmoins, le e-commerce devrait continuer à se développer, générant de l’activité à la fois pour les points de collecte et pour les facteurs et colis-postiers qui font de la distribution à domicile. La situation rappelle la naissance de l’express, il y a une trentaine d’années. Certaines postes – comme La Poste française – ont su saisir cette opportunité, même si l’arrivée tardive de Chronopost par rapport à Fedex lui donne aujourd’hui un poids bien moins important. Par la suite, les postes ont récupéré du terrain : les Allemands ont acheté DHL, les Hollandais ont repris TNT, et notre groupe reste très présent dans ce domaine. Critiquée à l’époque, l’acquisition par La Poste de la marque DPD à la fin des années 1990 et au début des années 2000 s’est révélée stratégiquement sensée, nous permettant de devenir le quatrième opérateur mondial dans le domaine du colis.

Enfin, la surcharge de travail à laquelle font face les points relais constitue une réel problème. En effet, ce modèle ne fonctionne bien que lorsque cette activité reste marginale pour le commerce en termes de temps ou d’espace nécessaire. Les points relais s’occupent non seulement de recevoir, mais également de renvoyer les colis ; or les retours sont massifs dans le e-commerce, représentant 50 % du trafic en Allemagne. Pour les organiser, les points relais – où l’on dépose l’article retourné – restent incontournables. Il faut donc les multiplier, si l’on ne veut pas revenir à des solutions plus structurées. Être débordé par le succès ne constitue pas le pire des problèmes, mais nous y restons attentifs.

M. le président François Brottes. Monsieur le président, si vous avez laissé planer le doute, il est néanmoins possible que vous vous présentiez devant nous pour la dernière fois. Je tiens donc à chaleureusement vous remercier pour votre disponibilité, votre écoute et votre précision, aujourd’hui et lors de la dizaine d’auditions précédentes organisées par la commission des affaires économiques depuis votre prise de fonction.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 3 juillet 2013 à 9 h 30

Présents. - M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. David Habib, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Thierry Lazaro, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, Mme Catherine Troallic, Mme Catherine Vautrin

Excusés. - M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, M. Razzy Hammadi, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Armand Jung, Mme Annick Lepetit, M. Serge Letchimy, Mme Audrey Linkenheld, M. Yves Nicolin, M. Germinal Peiro, M. Patrice Prat, M. Bernard Reynès, M. Frédéric Roig, M. Michel Sordi, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Assistait également à la réunion. - M. Régis Juanico