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Commission des affaires économiques

Mardi 9 juillet 2013

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 100

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, sur la réforme du code minier

La commission a auditionné M. Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, sur la réforme du code minier.

M. le président François Brottes. Nous accueillons cet après-midi M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, pour évoquer la réforme du code minier.

C’est en février dernier que le Gouvernement a présenté les grands axes de cette réforme, qu’on ne saurait réduire aux seuls thèmes des gaz de schiste ou de l’orpaillage en Guyane. Notre pays présente une situation tout à fait particulière dans la mesure où notre sous-sol et ses ressources appartiennent à l’État. La relation avec les collectivités locales est donc parfois complexe sur ces thèmes – point dont cette réforme devra tenir compte. Quant à savoir s’il convient ou pas d’intégrer le code minier au sein du code de l’environnement, notre Commission n’en est pas particulièrement demandeur.

En tout état de cause, ces sujets déchaînent les passions puisque tant le Conseil d’État que le Conseil constitutionnel en ont été saisis dans le cadre d’une actualité récente. Il importe par conséquent que le législateur stabilise les règles du jeu applicables à l’usage de nos sous-sols ainsi qu’à l’héritage historique de « l’après-mine ».

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Sans doute le rapport de M. Thierry Tuot, conseiller d’État auquel le Premier ministre a confié une mission de réforme du code minier, vous aura-t-il permis de connaître l’état de la réflexion du Gouvernement sur le sujet. Avant d’en présenter les grandes lignes, je resituerai le contenu des innovations juridiques qu’il propose dans le contexte de redressement productif qui les motive.

Nos importations de matières premières et de produits de consommation intermédiaire étant excessives, nous nous heurtons à un déséquilibre de notre balance commerciale. En outre, les ressources dont nous disposons ne sont plus exploitées depuis des années en raison de l’évolution de la législation. Nous butons donc sur des obstacles assez déterminants face auxquels les acteurs miniers finissent par se décourager. Enfin, la France s’est montrée incapable, au cours de ces dernières années, de faire la synthèse entre la préoccupation environnementale et la préoccupation économique dans l’exploitation des ressources du sous-sol, qui sont tout à fait importantes pour la souveraineté nationale : le fait pour nos industries de dépendre – tant en termes de prix que de quantités – de métaux et de terres rares provenant de l’étranger pose un véritable problème. Nous assistons en effet aujourd’hui à une lutte mondiale des grands États-nations et des grands États-continents pour capter cette ressource – raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité lier la réforme du code minier à la redécouverte de cette activité, considérée comme étant d’intérêt national pour l’exercice de notre souveraineté économique.

Il s’agit en outre d’une source d’activité économique de long terme dont l’exploitation, après s’être largement développée après-guerre, a cessé d’être rentable dans les années 1970-1980. Or, ces conditions d’exploitation se sont avérées insatisfaisantes du point de vue environnemental puisque certains des dégâts issus de l’exploitation minière n’ont toujours pas été traités à ce jour. Étant moi-même originaire d’un pays minier, j’ai pu mesurer les conséquences de l’exploitation du charbon à Montceau-les-Mines en Saône-et-Loire ou de celle de l’uranium et du manganèse dans le Morvan. Il est donc impératif de concilier l’utilité économique et la préservation de l’environnement. L’exploitation des mines est redevenue rentable du fait de la montée du prix des matières premières : ce qui n’était plus exploité à dix centimes l’unité de mesure peut désormais l’être à deux centimes. Les conditions de rentabilité d’exploitation ayant changé, il s’agit désormais d’une activité économique durable parfaitement compatible non seulement avec les besoins de notre économie mais aussi avec nos préoccupations environnementales.

Dans le cadre d’une communication en conseil des ministres, Delphine Batho et moi-même avons donc déterminé plusieurs orientations à la faveur de cette réforme ; c’est désormais Philippe Martin qui reprendra le flambeau après le travail remarquable accompli par son prédécesseur.

Cette réforme est prioritaire pour le Gouvernement : le code minier ayant vieilli, il est devenu trop inefficace pour assurer une protection suffisante de la population et de l’environnement et pour favoriser l’investissement minier. Il nous fait donc perdre sur les deux tableaux : non seulement il ne nous protège pas, dans la mesure où l’autorisation finit toujours par tomber, quelles que soient les conditions de l’exploitation, mais en outre, il décourage l’investissement minier. Le nombre d’années de procédures dilatoires est si important en effet pour parvenir à une décision que même si cette dernière n’est jamais amendable, elle est toujours tardive, rendant les délais d’investissement hors de portée des investisseurs. Ces délais, proches d’une petite dizaine d’années, comme nous l’expliquait encore récemment un investisseur australien, sont insensés ! Non seulement ils font excessivement peser le débat sur un territoire, mais ils ne règlent aucun problème. Et de toute manière, l’autorisation est accordée : car le droit minier, fort ancien – il date de 1956 –, ne parvient pas à concilier les objectifs contraires. C’est pourquoi nous souhaitons le moderniser.

Cette réforme est menée conjointement par Philippe Martin, Victorin Lurel et moi-même. Un groupe de travail réunissant l’ensemble des parties intéressées – associations de protection de l’environnement, fédérations professionnelles, organisations syndicales, élus et experts – a été créé sous la présidence de M. Thierry Tuot. C’est après s’être réuni que ce groupe a proposé de grands axes de réforme du code minier.

S’agissant des orientations de la réforme proprement dites, nous maintenons tout d’abord le grand principe selon lequel le sous-sol est un bien commun de la nation que les pouvoirs publics doivent valoriser en tenant compte de la raréfaction des ressources et de la nécessité de respecter nos exigences environnementales. Nous souhaitons en deuxième lieu assurer dans le code minier la participation du public, telle que définie à l’article 7 de la Charte de l’environnement, de valeur constitutionnelle. En troisième lieu, nous proposons de prendre en compte dans les procédures d’instruction la sécurité des travailleurs et la protection effective de l’environnement et des ressources, tout en limitant strictement dans le temps les procédures d’autorisation préalable.

La réforme sera donc de type gagnant-gagnant : pour l’investisseur puisque les procédures seront plus simples et plus brèves ; pour l’environnement, du fait de la participation du public – soit une discussion active entre l’ensemble des parties – et de la possibilité d’amender et de modifier le titre au cours de la procédure, mais non une fois celle-ci achevée.

Si nous n’avons pas encore rédigé d’avant-projet de loi, nous pourrions avancer sur ce dossier dès la rentrée de septembre puis présenter un texte au Parlement au début de l’année 2014.

S’agissant des innovations juridiques qui pourraient voir le jour, nous proposons premièrement l’élaboration d’un schéma national de valorisation du sous-sol : les informations dont nous disposons à ce sujet sont en effet fort anciennes et n’ont guère été actualisées. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a accompli un travail important à cet égard dans les années 1950, 1960, 1970 et 1980, mais plus modeste au cours des 25 dernières années. Ce travail mérite donc d’être mis à jour. Dans la mesure où cela représente un certain coût, il serait bon que le Gouvernement en fasse un investissement collectif. De nouveaux usages sont en effet apparus au cours de ces dernières décennies pour de nouveaux métaux et notre industrie de transformation des métaux rares et des alliages place la France, avec les groupes Imerys et Eramet, à l’avant-pointe de la production d’acier et de métaux très spéciaux. Nous avons par conséquent la capacité d’utiliser des ressources existant dans notre sous-sol, dont nous ne faisons que déduire ou deviner la teneur et qui demeurent actuellement inexploitées.

Deuxièmement, nous préconisons que la procédure de délivrance de l’autorisation d’exploitation soit co-conduite par une instance chargée d’assurer, en association avec l’exploitant, l’évaluation de l’intérêt du projet à l’aide d’expertises libres, mais aussi en association avec le public et les élus, et proposant des recommandations à l’autorité compétente. Il s’agit en d’autres termes de faire en sorte que la délivrance d’un titre d’exploitation fasse l’objet d’une négociation avec l’environnement sociétal immédiat du site sur lequel il porte. Au lieu de passer en force pour délivrer un titre après enquête publique, criailleries, pétitions, menaces de recours et débats de toutes sortes, et de se voir exposé à des recours pendant plusieurs années au terme desquels le titre est finalement autorisé, nous pourrions mettre à profit ces années pour rapprocher les points de vue. Il suffirait ainsi d’expliquer que l’exploitation des ressources en question est d’intérêt national, qu’un opérateur est intéressé et pourra créer entre cinquante et cent emplois, et qu’un investisseur développera de l’activité économique et améliorera les infrastructures. L’objectif est de trouver un compromis et de prendre en compte les intérêts du lieu, pour éviter, par exemple, la pollution visuelle si un patrimoine touristique se situe à deux kilomètres du site d’extraction. Sur des questions aussi concrètes, nous préférons la stratégie de négociation en amont au harcèlement et aux procédures juridiques en aval, qui, finalement, ne règlent rien mais autorisent tout.

Troisièmement, nous souhaitons utiliser la juridiction administrative comme système de purge définitive des problèmes – à l’image du système en vigueur dans le cadre de la procédure pénale. En ce domaine, on a en effet laissé pendant des années les juridictions au fond traiter des questions de nullité de procédure, qui emportaient la nullité de l’ensemble, cinq à huit ans après les faits, qui étaient alors souvent prescrits. C’est pourquoi, il y a une quinzaine d’années, le législateur, bien avisé, a décidé de purger les problèmes de procédure – compétence de l’autorité saisie, participation effective des personnes nommées en vue de l’enquête publique – dans le cadre d’un recours préalable assez simple. Dans le domaine qui nous occupe, un tel dispositif sécurisera juridiquement le titre délivré, et par conséquent l’opérateur lui-même, une fois les problèmes de procédure purgés, et évitera que l’on puisse en permanence rouvrir les débats.

Quatrièmement, nous proposons d’améliorer les dispositifs d’indemnisation des dégâts de l’après-mine, tels que les affaissements qui portent atteinte aux biens individuels. Ceux-ci posent en effet de nombreux problèmes, puisqu’il n’y a plus ni opérateurs ni responsabilité. Nous souhaitons par conséquent créer un fonds de solidarité nationale.

Se pose cinquièmement et enfin la question du partage des revenus avec les territoires concernés et donc de l’adaptation de la fiscalité minière aux intérêts territoriaux. Ce point n’est pas neutre, tant une fiscalité uniforme et indifférenciée est susceptible de tuer une activité économique minière – par essence très coûteuse puisqu’il est parfois nécessaire de dépenser des centaines de millions pour obtenir un résultat et donc rentabiliser le processus. La question de la redevance sera débattue dans ses principes, afin de définir un mécanisme optimal. En effet, la Constitution nous interdit de fixer un niveau d’imposition en dehors de la loi de finances.

Telles sont les conditions dans lesquelles nous proposons de faire évoluer le code minier. Il va de soi que les parlementaires des deux commissions concernées à l’Assemblée nationale seront consultés sur notre avant-projet, avant même que le projet de loi ne soit déposé.

Mme Marie-Lou Marcel. La réforme du code minier, longtemps évoquée, est revenue au premier plan à l’occasion des débats sur les gaz et huiles de schiste. Ce code étant vieux de 200 ans, il était effectivement nécessaire de l’adapter aux nouveaux enjeux énergétiques et environnementaux. C’est sur la base d’un tel constat qu’à l’issue de la Conférence environnementale, le Président de la République a maintenu son veto sur l'exploitation des hydrocarbures schisteux. À la suite de cette conférence, vous avez, choisi, monsieur le ministre, en lien avec Mme Delphine Batho, de confier à M. Thierry Tuot la mission de réfléchir à cette refonte du code minier, dont vous avez dévoilé les grandes lignes en février dernier.

Il s’agirait ainsi de renforcer les procédures environnementales, de mieux prendre en compte les populations concernées par les forages et d’assurer une plus grande transparence quant à la délivrance des permis. C’est à l’automne que le Gouvernement présentera un projet de loi de réforme du code prévoyant la création d’un schéma national de valorisation du sous-sol afin de bien distinguer l’exploration de l’exploitation ; la participation du public, conformément aux dispositions de la loi du 28 décembre 2012 sur l’information et la participation du public aux décisions prises en matière d'environnement ; un renforcement de la sécurité des salariés, de la population et de l’environnement ; l’instauration d’une indemnisation de l'« après-mine » par le biais d’un fonds de compensation écologique ; la limitation dans le temps de la procédure préalable à l’activation de l’exploration ou de l’exploitation d’un gisement minier ; enfin, des dispositions particulières à l’outre-mer.

Or, l’instauration d’une stricte limitation dans le temps de la procédure préalable me laisse quelque peu perplexe, allant selon moi à l’encontre d’un renforcement de la sécurité des procédures d’exploration et d’exploitation des gisements. De même, la distinction entre l’exploration et l’exploitation ne me semble pas nécessairement convaincante dans la mesure où, comme nous l’avons vu notamment lors du débat sur les produits schisteux, l’exploration sert systématiquement de préambule à l’exploitation. M. Jean-Louis Schilansky, président de l’Union française des industries pétrolières, nous a d’ailleurs rappelé que les investissements d’exploration n’étaient engagés que si les entreprises avaient l’espoir de les amortir lors de la phase d’exploitation.

Quant aux produits schisteux, le débat a été tranché par le Président de la République. Lors des questions au Gouvernement de cet après-midi, Philippe Martin a quant à lui réaffirmé qu'il était sur la même ligne. N’y a-t-il aucun changement en ce domaine ?

Par ailleurs, le 27 juin dernier, un arrêté a été publié au Journal officiel, octroyant un permis exclusif de recherche de mines de cuivre, zinc, plomb, or, argent et substances connexes à la société Variscan Mines, dans les départements de la Sarthe et de la Mayenne. Pourquoi ne pas avoir attendu l’adoption de ce projet de loi pour le faire ?

Enfin, élue d’un territoire qui compte le bassin miner de Decazeville, je m’interroge ; qui traitera de l’après-mine en l’absence de commission départementale de suivi des risques miniers ? Une commission sera-t-elle créée ? De quelles dispositions fiscales et financières les propriétaires de terrains situés en zone d’aléas faibles bénéficieront-ils ? Serait-il envisageable d’instaurer un crédit d'impôt de 40 % sur le montant des travaux que les propriétaires doivent réaliser pour se mettre en conformité avec les normes de construction applicables ? L’État prendra-t-il en charge le surcoût financier occasionné ? Serait-il possible d’instituer une exonération partielle de taxe foncière compensée par l’État pour les terrains et immeubles situés en zone d’aléa moyen et rendus inconstructibles par un plan de prévention des risques miniers ? En un mot, quels systèmes de compensation l’État prévoit-il pour combler les surcoûts occasionnés, d’une part, par la réalisation d’études géotechniques et de fondations spéciales dans les zones à projet et, d’autre part, pour les biens des habitants dans les secteurs d'aléas moyens et forts ?

M. Daniel Fasquelle. Il est indéniablement positif que vous ayez rappelé que le sous-sol est la propriété de la nation – ce qui n’est pas le cas dans l’ensemble des États du monde que vous ayez manifesté votre volonté de simplifier le code minier, de créer un schéma national de valorisation du sous-sol et de vous intéresser à l’après-mine.

Cela étant, vous poursuivez des objectifs parfois contradictoires. Certains commentateurs ont ainsi qualifié votre projet de réforme de « travail d’équilibriste », ce en quoi ils n’ont pas tout à fait tort. Sous la pression d’un certain nombre de membres de votre majorité, vous cherchez en effet à mieux tenir compte des exigences afférentes à la protection de l’environnement, à accorder une plus grande importance à la participation du public et à renforcer la transparence des procédures. Tous ces objectifs sont-ils réellement conciliables avec celui de simplifier les procédures et d’éviter les blocages ? Nous avons tenu un débat comparable avec Cécile Duflot la semaine dernière au sujet des recours abusifs : on constate en effet que certains projets immobiliers prévoyant la création de zones d’activité économique sont bloqués en raison de recours systématiques de la part de particuliers ou d’associations. Comment résoudre ce réel problème ? En introduisant de nouvelles exigences au sein de la procédure, la rendant ainsi plus complexe, comment comptez-vous l’accélérer et débloquer les dossiers actuellement au point mort ? Certains des industriels qui participent au groupe de travail présidé par Thierry Tuot, tels que l’Union française des industries du pétrole, ont également réagi à l’idée d’utiliser la procédure des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), la considérant comme particulièrement inadaptée à leurs activités. Ainsi, si le Gouvernement tient un discours sur la simplification des procédures, le texte final risque au contraire de les compliquer et de les ralentir.

Enfin, l’un des enjeux majeurs de notre débat est celui des gaz de schiste. Dans le cadre de la transition énergétique, la majorité a la volonté d’abandonner la production d’énergie nucléaire. Or, on sait que les énergies renouvelables ne suffiront pas à combler le déficit induit et que l’on a en revanche la possibilité d’exploiter les gaz de schiste. La loi du 13 juillet 2011 et le décret du 21 mars 2012 permettent la recherche publique en ce domaine, tout en l’encadrant : pourquoi ne sont-ils pas appliqués ? Cette loi étant par ailleurs contestée par certaines personnes ayant déposé des permis pour pouvoir extraire le gaz de schiste, une question prioritaire de constitutionnalité sera sans doute posée au Conseil constitutionnel sur ce thème. Vous ne pouvez donc ignorer ce sujet majeur, tant sur le plan juridique qu’économique, dans la mesure où des pays comme les États-Unis ont pu, grâce aux gaz de schiste, relocaliser des industries. Comment vouloir, d’une part, réindustrialiser la France
– votre cheval de bataille – et de l’autre, ne pas soutenir le recours au gaz de schiste ?

M. le président François Brottes. Vous avez décidément le sens de la nuance, monsieur Fasquelle ! Je vous mets au défi de me montrer le texte dans lequel la majorité affirmerait que l’on abandonne le nucléaire, car je n’en ai pas connaissance !

Mme Michèle Bonneton. Réformer le code minier est une nécessité urgente. Peut-être eût-il d’ailleurs fallu le supprimer pour l’intégrer au code de l’environnement. La Charte de l’environnement faisant partie de notre Constitution, le code minier doit donc en respecter le contenu. Comment comptez-vous assurer une telle articulation sur différents points, et pas seulement en ce qui concerne la participation du public ? Quelles mesures sont-elles prévues pour protéger la santé et la sécurité de la population ? Quant à l’information, comment la participation du public et des élus sera-t-elle organisée et comment les décisions seront-elles prises in fine ? Les extractions minières seront-elles considérées comme des ICPE ? Distinguerez-vous entre l’exploration à des fins d’acquisition de connaissances scientifiques et à des fins d’exploitation, sachant que l’on a jusqu’à présent eu tendance à confondre les deux ? Si une durée maximale d’instruction des demandes de permis est fixée, une fois ce délai expiré, est-il prévu que la procédure recommence depuis son point de départ ? Ou bien l’autorisation sera-t-elle accordée en l’absence d’autre décision ? Quelle place sera-t-elle accordée aux gaz de houille et de schiste dans le cadre de la transition énergétique ? Quel est le contenu de la contribution de la France à la consultation européenne sur les gaz de schiste? Enfin, en quoi consistera exactement cette instance indépendante chargée de délivrer des autorisations ?

M. le président François Brottes. Notre nouveau ministre chargé de l’énergie, M. Philippe Martin, sera auditionné par notre commission à la rentrée de septembre et pourra alors répondre à nos questions sur ce thème – s’agissant notamment du principe ALARA.

M. le ministre du redressement productif. S’agissant de la limitation dans le temps des procédures, nous considérons qu’après le temps du débat vient celui de la décision car, passé un certain délai, le débat n’est plus qu’une stratégie dilatoire – ce qui n’est guère efficace pour concilier environnement et intérêt économique. Nous cherchons effectivement à concilier des contraires, à développer un esprit d’entraide. Si les Français ne sont pas tous d’accord entre eux, ils peuvent néanmoins s’unifier autour d’intérêts dans lesquels ils se reconnaissent également. Chacun voulant à la fois défendre l’environnement et promouvoir l’activité économique, les deux lobes du cerveau doivent se réconcilier en chacun d’entre nous, et a fortiori lorsque nous n’avons pas le même cerveau. Ce n’est pas de l’équilibrisme, monsieur Fasquelle : c’est un travail d’unification des Français – art difficile mais néanmoins nécessaire, auquel tout le monde n’est d’ailleurs pas parvenu. Non, ce n’est pas de l’acrobatie politique : nous visons, dans l’intérêt de la France, à faire se parler des catégories de la population qui, aujourd’hui, s’affrontent. La limitation dans le temps a par conséquent pour but, pendant le temps du débat, de conférer un pouvoir au public – ce que l’on entend ici par « participation effective du public » au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Il s’agit d’associer les organisations non gouvernementales, les élus et les populations volontaires à l’instruction du permis, et donc de négocier au cours de l’instruction, sur le fondement d’informations partagées, l’évolution du permis.

Imaginons qu’un opérateur se présente avec un projet gigantesque : si on lui oppose la présence d’un monument historique, de baigneurs ou de riverains, il faudra définir un point de conciliation. Il n’est pas question de laisser l’opérateur minier considérer qu’il a raison. Il n’est pas question de le laisser passer en force et donner rendez-vous dans cinq ans à ses opposants et en leur souhaitant « bonne chance devant le tribunal ! ». Mais il n’est pas question non plus de laisser la foule en colère promettre de pendre haut et court devant les tribunaux celui qui voudra passer en force au motif qu’il ne respecte pas l’avis du commissaire enquêteur ou de l’enquête publique.  Une telle violence est contre-productive. Le partage d’informations entre opérateurs et organisations non gouvernementales (ONG) sera tel que rien ne restera dans l’ombre. Cette période pourra certes s’avérer tempétueuse mais elle n’en sera pas moins nécessaire : car je préfère que l’on discute avant plutôt qu’on s’empaille après – pour rien et pendant des années.

Le délai accordé pour cette première phase sera déterminé par l’autorité chargée de gérer la conciliation des contraires, dans des limites raisonnables fixées par la loi, et sera ajusté en fonction de l’ampleur du projet en cause. Quiconque a connu l’expérience des débats publics prévus par la loi Barnier sait à quel point leur durée diverge selon la portée et la complexité de l’opération concernée. Ainsi tant les ONG que les élus pourront-ils peser sur ces discussions. Une fois le débat terminé, viendra le moment de prendre la décision. Si l’accord entre les parties est toujours préférable, il reste qu’en l’absence de celui-ci, il reviendra à l’État de trancher – comme c’est déjà le cas actuellement, mais à l’issue d’un délai.

Il s’agit là d’une révolution juridique : celle du droit flexible et différencié. Il m’est souvent arrivé, sur la base de permis accordés par mon prédécesseur, de refaire l’instruction et de découvrir des écarts considérables entre les exigences des différents élus, de l’opérateur et des populations, sans que l’on parvienne à trouver un point d’équilibre. Je me réjouis néanmoins que dans certains cas, la conciliation soit possible. Il convient donc de préserver une période de flexibilité au cours de laquelle les parties en présence pourront se rapprocher. Ce n’est pas de l’équilibrisme : c’est de la participation – terme à la fois gaullien et picto-charentais ou « obamien ».

Dans la mesure où ce dispositif est innovant, nous allons en discuter âprement ensemble afin de définir la manière d’organiser cette flexibilité. Nous préférons pour notre part faire confiance à la société pour organiser les choses et faire en sorte que le débat ait lieu, mais pas pendant des années puisqu’il faudra trancher à un moment donné – y compris sur les points délicats. Et c’est le rôle de l’État que d’arbitrer in fine. Ce débat ne représente d’ailleurs nullement pour nous une cause de ralentissement mais bien au contraire d’accélération : car lorsque l’on prend le temps de discuter avec la population, on en gagne pour appliquer des décisions mieux comprises et plus adaptées aux desiderata populaires. Tout le monde peut donc se reconnaître dans un processus de cette nature et se fier aux acteurs de terrain pour parvenir à trouver de bonnes solutions.

Notre objectif consiste ainsi à permettre aux mines de retrouver au plus tôt une activité sur notre territoire et non à dresser des obstacles à l’encontre d’une activité qui serait mauvaise dans son principe. Il s’agit pour nous d’une activité contribuant au redressement productif de notre pays. Mais nous ne pouvons pas faire n’importe quoi : il nous faut écouter la société, les élus et les riverains, et ajuster notre décision sur cette base. Voilà quel équilibre il nous paraît intelligent de construire avec vous, législateur, dans un processus innovant et « évolutionnaire ».

Quant à savoir si l’exploitation découle de l’exploration, nous avons cherché des formules permettant de les distinguer mais sommes parvenus à la conclusion qu’économiquement, celui qui investit dans l’exploration ne le fera plus s’il ne se trouve pas, au bout du compte, avoir acquis un droit possible d’exploiter. C’est le cas dans le secteur du pétrole et dans les explorations profondes pour lesquelles l’investissement est important. Dans le cas des forages en Guyane, les compagnies ont ainsi exposé un demi-milliard d’euros d’investissements sans aucun succès ou avec un succès très modéré, ce qui les a conduites aujourd’hui à abandonner l’exploitation. Vous ne pouvez donc contraindre une entreprise exploratrice de reprendre la procédure pour obtenir le droit acquis à l’exploitation. Peut-être pourrons-nous définir des modalités différentes.

Sur les gaz de schiste, la position du Gouvernement a été réaffirmée à plusieurs reprises par le Président de la République : nous ne sommes pas d’accord avec la fracturation hydraulique qui pose des problèmes extrêmement graves pour l’environnement en ce qu’elle pollue le sous-sol mais aussi, accessoirement, la surface – même si c’est dans une moindre mesure que d’autres installations – puisque les puits, situés à intervalles réguliers, risquent de pommeler le paysage. Or, la France ne dispose pas des déserts du Dakota du Nord – les régions désertiques étant chez nous assez peuplées et accueillant un habitat dispersé de bon aloi, correspondant à notre tradition vernaculaire, agricole, ancestrale. Ces éléments nous conduisent donc à poser les problèmes différemment. À la question de la recherche, le Président de la République a répondu oui. Cette réponse figure-t-elle dans la loi ? La réponse est oui. D’ailleurs, ne nous méprenons pas : le principe de précaution ne doit pas nous faire trembler à chaque nouvelle innovation technologique. C’est même tout l’inverse : ce principe doit nous obliger, avant de l’interdire, à mesurer les conséquences de son usage. C’est d’ailleurs le sens de l’interprétation renversée de ce principe qui conduit aujourd’hui à faire croire qu’il doit empêcher tout progrès technique. Or pas du tout ! Il doit nous obliger à tester l’utilité du progrès technique et sa compatibilité avec l’environnement, ce qui constitue une inversion de la croyance générale. C’est la raison pour laquelle un contentieux est actuellement en cours devant le Conseil constitutionnel et qu’un certain nombre de questions sont posées.

En ce qui concerne le Gouvernement, nous n’avons jamais fermé la porte à la recherche. Il restera à la mettre en œuvre une fois les contentieux éclaircis. Les décisions du Conseil constitutionnel devraient être rendues d’ici à trois mois.

Je souhaiterais à présent vous donner mon sentiment tout à fait personnel sur le gaz de schiste en général. Quel est le problème posé par le gaz de schiste ? Celui de l’environnement et de la pollution avérée du sous-sol qu’occasionne l’usage de l’eau et de produits chimiques dans le cadre des techniques aujourd’hui dominantes – qui ne sont cependant pas les seules. C’est l’une des raisons pour lesquelles de nombreux gouvernements, stimulés par leur opinion publique, ont suspendu toute exploration. Or il est plusieurs choses que nous devrions méditer. Premièrement, la question des innovations technologiques : existe-t-il des techniques permettant d’éviter la pollution du sous-sol ?

Deuxième question : qu’en est-il de la souveraineté énergétique alors que nous importons aujourd’hui des milliards de mètres cubes de gaz ? Si notre sous-sol en contient, nous pourrions peut-être résoudre une grande partie des problèmes liés au déséquilibre de notre balance commerciale pourvu que nous parvenions bien entendu à être compétitifs par rapport au gaz d’importation par gazoducs ou méthaniers. En l’occurrence, il est nécessaire de connaître la quantité de gaz que nous possèderions et, donc, de procéder à des vérifications. Les carottages auxquels il est fait référence dans les archives de l’industrie pétrolière et les travaux effectués par le BRGM en 1960 dans un certain nombre de régions nous permettent d’affirmer que nous disposons de ressources gazières mais sans en connaître la quantité. C’est là un des éléments du débat que nous devons avoir car il peut participer du redressement de notre économie.

J’ai rencontré récemment le Secrétaire à l’énergie de M. Obama. Il m’a expliqué que la courbe de rentabilité des puits demeure très élevée pour plusieurs dizaines d’années et que l’exploitation des gaz de schiste donne un avantage compétitif considérable aux États-Unis puisque ce pays bénéficie de délocalisations massives d’activités industrielles. Cela devrait nous faire réfléchir.

Je rappelle, de plus, que notre industrie chimique connaît un certain nombre de problèmes et je ne parle pas que des raffineries en difficulté – Fos-sur-Mer, Lyondellbasell, Pétroplus dans le bassin de l’estuaire de la Seine – car c’est aussi le cas, par exemple, de Kem One, société qui fabrique la matière première du PVC et qui emploie un millier de salariés. Le Gouvernement se préoccupe vivement de la compétitivité de nos industries gazières ou de transformation des hydrocarbures lesquelles, aujourd’hui, sont de plus en plus souvent implantées à proximité des lieux d’extraction. Les parlementaires que vous êtes devraient également s’intéresser aux conséquences économiques de l’exploitation des gaz de schiste aux États-Unis, le gouvernement américain affirmant qu’un million d’emplois a ainsi été créé, et pas seulement grâce à l’exploration, l’exploitation ou la construction des infrastructures mais par l’arrivée de nouvelles industries dans des zones désertiques. Il convient donc de réfléchir en fonction de l’ensemble de ces paramètres.

Nous devons parvenir à régler le problème de la pollution des sous-sols, laquelle est scandaleuse aux États-Unis de l’avis même d’élus américains et d’organisations non gouvernementales, et à capter la rente que représenterait l’exploitation des gaz de schiste pour notre économie en l’affectant, pour la main droite, à l’industrie française dont la compétitivité a besoin d’être renforcée et, pour la main gauche, au financement des énergies renouvelables que nous aurons du mal à financer avec l’ampleur que nous appelons tous de nos vœux. Pour ce faire, nous avons besoin selon moi – c’est un point de vue personnel qui n’engage pas le Gouvernement, je propose simplement une idée, comme les ministres peuvent le faire – d’une compagnie publique nationale exploitant les gaz de schiste, captant la rente, la partageant avec les territoires, permettant d’affecter les industries au plus près, contribuant à faire baisser le coût de l’énergie et, donc, assurant le financement de la mutation énergétique dans notre pays en nous libérant notamment des hydrocarbures.

Sur le plan des principes, l’utilisation du gaz et donc l’extraction supplémentaire d’hydrocarbures est-elle problématique ? Puisque nous les importons, autant les exploiter, ce sera toujours cela de gagner ! J’ai noté que tous les scénarios d’alternative au nucléaire préconisent l’augmentation de l’usage du gaz car, de toutes les énergies thermiques, elle est la moins productrice de CO2.

La résolution de l’ensemble de ces problèmes nous permettrait sans doute de sortir de notre difficile équation énergétique dont les termes sont : nucléaire, énergies renouvelables
– que les Allemands et les Espagnols ont le plus grand mal à financer –, refus des gaz de schiste. Il faut desserrer l’étau, réfléchir à tout cela de façon apaisée, dépassionnée et en veillant à respecter l’environnement car la pollution des sous-sols constitue un vrai problème. La difficulté, en effet, n’est pas tant « fracturation hydraulique ou non » que « pollution ou non », « contrôle des usages ou pas ». Si nous disposons d’une compagnie nationale travaillant sous le contrôle du Parlement et du Gouvernement, nous aurons de meilleures chances que si nous confions cette activité à l’industrie pétrolière, comme aux Etats-Unis. Voilà la position du redressement productif sur ce sujet ! Je peux me tromper, je suis prêt à en parler mais cela mérite selon moi un débat à tête reposée dans le respect des opinions des uns et des autres, avec tous ceux qui forment l’opinion du pays et vous en faites éminemment partie.

S’agissant de l’après-mine, rien n’est encore décidé mais vos suggestions seront bonnes à prendre, madame Marcel.

Les installations minières bénéficient d’une procédure proche de l’ICPE mais cela ne signifie pas automatiquement qu’un classement ICPE sera prononcé.

Notre position concernant le gaz de houille est la même que celle sur le gaz de schiste mais le gaz étant en l’occurrence accessible, il n’est pas question de fracturer la roche. Notre démonstrateur en Lorraine témoigne que les exploitations sont possibles.

En ce qui concerne la consultation européenne, le Premier ministre n’a pas encore arrêté la position du Gouvernement. M. Philippe Martin vous répondra sans doute à ce propos.

Mme Corinne Erhel. La consultation du public et la prise en compte de l’avis des acteurs locaux sont indispensables. Je suis en ce moment même le dossier de l’extraction de sable coquillier qui fait l’objet d’un certain nombre d’oppositions ou de réserves quant à la taille du projet, à sa localisation, aux quantités extraites et aux conflits d’usage. Afin de favoriser une meilleure transparence et objectivité, il serait intéressant que les études d’impact économique soient renforcées – en plus des études d’impact environnemental –, par exemple, pour le pétitionnaire, en matière de créations d’emplois mais, aussi, s’agissant des relations avec les autres activités comme la pêche ou le tourisme.

Si les études et rapports sont payés par le pétitionnaire, le choix des cabinets d’études n’est pas forcément toujours objectif. Ce dernier ne devrait-il pas relever de l’État ?

M. Alain Marc. Vous avez employé le conditionnel, monsieur le ministre, en évoquant la manne que « représenterait » le gaz de schiste.

Dans ma circonscription, où le permis de Nant a suscité bien des discussions, deux géologues m’ont affirmé qu’il ne saurait y avoir de gaz de schiste. L’actualisation des données minières doit être réalisée au plus tôt de manière à éviter les contestations préalables, parfois inutiles. Des données plus précises permettraient d’envisager les questions qui se posent très en amont et de travailler plus positivement en tenant compte de l’avis des uns et des autres.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Lors de l’exploitation minière, des aqueducs ont été construits dans les fonds de vallées, souvent en pierres maçonnées, à l’air libre, de manière à canaliser les ruisseaux de fonds de combes permettant à l’exploitant de déverser des déblais pour en faire des terrils. Ils sont aujourd’hui enterrés à des profondeurs variant entre cinq et vingt mètres mais ils ne sont pas considérés comme étant liés à l’exploitation et ne sont donc pas traités dans le cadre des plans de prévention des risques miniers (PPRM), ce qui soulève des problèmes pour les élus locaux alors que l’obstruction ou la rupture d’une galerie serait lourde de conséquences sur la sécurité des personnes et des biens.

À qui incombe donc la responsabilité de recherche de galeries pressenties ? Dans le doute, certains secteurs sont inclus dans les zones d’aléas, supports des documents d’urbanisme, et l’on demande aux élus d’apporter la preuve contraire pour lever l’aléa, ce qui a bien évidemment un coût.

Vous avez dit, monsieur le ministre, qu’il serait très intéressant de capter la nouvelle rente sur ces nouvelles exploitations, or, nous avons aujourd’hui une rente que nous nous apprêtons à supprimer. Essayons donc de conserver les rentes que nous avons déjà, notamment en matière hydraulique !

M. le président François Brottes. Vous parlez d’or !

M. Lionel Tardy. S’agissant du code minier, le recours aux ordonnances ne me paraît pas choquant, notamment en ce qui concerne des mesures transitoires. Avez-vous prévu de procéder de la sorte ?

Depuis l’annonce du fameux choc de simplification, je m’efforce d’en vérifier l’effectivité. Or, la réécriture d’un code entraîne des risques de complexification et il convient, en l’occurrence, d’éviter que les nouvelles procédures soient trop lourdes. Comment la réforme du code minier intègrera-t-elle donc le choc de simplification ?

Les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur le gaz de schiste auront un impact fondamental sur la future rédaction du code minier. Seront-elles correctement prises en compte dans le cadre de la réforme ? L’anticipation d’une possibilité de non-conformité est-elle prévue ? Comment le Gouvernement envisage-t-il de se positionner face à la possible annulation des permis de recherche de gaz de schiste délivrés avant 2012 ?

M. le ministre du redressement productif. Comme j’ai eu l’occasion de le dire à M. Urvoas mais également à d’autres parlementaires, madame Erhel, nous sommes sensibilisés aux conséquences de la décision envisagée s’agissant de l’exploitation de sable coquillier. À la rentrée, je réunirai l’ensemble des parties prenantes de ce dossier pour faire le travail qui n’a pas été fait durant la phase préalable. Tel qu’il est, le code minier ne permet pas l’écoute mutuelle pour essayer de rediscuter des conditions de l’exploitation. Je ne crois pas que vous soyez opposée au principe même de l’exploitation, madame la députée, mais vous souhaiteriez que les usages de la magnifique côté bretonne soient respectés. Si je le peux et avec votre aide, je ferai office d’agent réconciliateur comme je l’ai été dans le dossier sarthois de Variscan Mines.

L’actualisation des données minières est en effet importante. Si nous savons qu’il y a du gaz de schiste dans certains endroits, je ne sais ce qu’il en est précisément à Nant, monsieur Marc. Quoi qu’il en soit, M. Martin et moi-même chargerons le nouveau président du BRGM, M. Vincent Laflèche, de procéder à cette actualisation. Nous nous efforcerons de financer ce travail.

La prévention des risques miniers est liée à celle de la simplification des normes administratives. Je vous suggère, madame Battistel, de me saisir directement des questions spécifiques qui se posent en la matière afin que je puisse formuler des réponses adaptées. La rente hydraulique, quant à elle, fait l’objet d’un débat qui sera tranché par le Premier ministre en concertation avec le ministre de l’énergie.

Enfin, le Gouvernement n’a pas encore décidé des modalités de discussion de la réforme du code minier. Le projet comportant 150 articles, le travail de modernisation sera important. Comme l’embouteillage législatif est patent, procèdera-t-on pour moitié par ordonnance avec validation parlementaire et pour moitié par voie législative ? En tout cas, M. Martin et moi-même discuterons préalablement avec les commissions spécialisées du Parlement afin de travailler à l’établissement du plus grand consensus possible.

Mme Frédérique Massat. On ne peut parler de réforme du code minier sans évoquer notre stratégie industrielle nationale. Comment s’inscrit-elle dans le débat sur la transition énergétique qui, lui aussi, fera prochainement l’objet d’une loi ?

La fiscalité envisagée relèvera-t-elle en l’occurrence de la loi de finances ou des redevances sont-elles à l’étude ?

Quid de cette réforme dans le cadre européen puisque nous avons tous appelé de nos vœux la mise en place d’une Europe de l’énergie ?

Mme Françoise Dubois. Monsieur le ministre, vous avez signé le premier arrêté d’autorisation d’exploration dans ma circonscription, lequel a suscité bien des interrogations. Je sais que vous avez été très attentif aux questions fondamentales du contrôle et des garanties. Le préfet de la Sarthe a donné des instructions à la société Total, responsable de la première exploitation, et la mise en demeure de nettoyer le site qui avait été abandonné dans un état pitoyable. Avez-vous des précisions à ce propos ?

La mise en place du fonds permettant de suppléer les exploitants défaillants est une bonne chose mais qui l’alimentera ? Quelles autorités constitueront la commission de contrôle ? Il me paraît en l’occurrence indispensable que Variscan soit sous surveillance. L’autorisation accordée à cette dernière le 17 juin sera-t-elle soumise aux exigences du nouveau code minier qui ne paraîtra qu’à l’automne 2013 voire au début de 2014 ?

M. Jean-Claude Mathis. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos propos sur un sujet aussi important pour le redressement de notre économie. Vous avez très largement répondu aux questions que je souhaitais vous poser quant à l’exploitation du gaz de schiste et à la recherche de techniques alternatives à la fracturation hydraulique.

Nos collègues Bataille et Lenoir ont considéré dans leur rapport qu’il importe de réaliser un bilan approfondi sur le niveau réel des gisements exploitables sur le territoire national. Êtes-vous de leur avis ?

M. Dino Cinieri. Sachant que, contrairement à Mme Batho, vous êtes favorable à l’expérimentation de technologies alternatives à la fracturation hydraulique, comment comptez-vous rallier à votre point de vue le nouveau ministre de l’écologie ? Que répondez-vous à vos alliés écologistes qui réclament l’interdiction de toute exploitation des hydrocarbures de « roche mère » ?

Le vendredi 28 juin, alors que la réforme du code minier est en cours de finalisation, vous avez octroyé un permis de recherche à la société Variscan en vue d’extraire des métaux de base – cuivre, zinc, plomb – et les métaux précieux associés comme l’or et l’argent et d’autres éléments connexes dans la Sarthe. Il s’agit là d’une décision contraire aux pratiques des différents ministères qui, depuis 2011, ont toujours bloqué toutes les demandes de permis pour ne pas ouvrir la boîte de Pandore des gaz de schiste et garantir une réforme sereine du code minier. Vous avez tenté de calmer les craintes de vos alliés écologistes en annonçant qu’une commission d’information et de suivi serait créée mais qui y siégera et quelle publicité sera-t-elle faite à ses travaux ?

M. le ministre du redressement productif. Madame Massat, le débat sur le code minier concerne la forme – l’outillage – et non le fond ou l’orientation de notre politique énergétique, la transition énergétique constituant un débat spécifique sur lequel je vous invite à dialoguer avec M. le ministre Philippe Martin.

La loi de finances fixera les niveaux de fiscalité mais les importantes questions de la répartition de la ressource et du positionnement des territoires devront être traitées dans le cadre du code minier dont, à ce stade de nos réflexions, je ne peux vous dire ce qu’il en sera de la rédaction.

Madame Dubois, j’ai en effet délivré une autorisation à la société Variscan pour la première demande de permis de recherche de substances métalliques en métropole depuis une dizaine d’années. Ce permis s’inscrit dans le cadre d’une politique de renouveau du secteur minier. Je rappelle que nous ne possédons plus d’entreprise minière de premier plan mondial et que nous sommes dépendants en la matière ce qui, pour la cinquième puissance économique mondiale, est un peu… faible. La reconstitution d’un acteur minier de dimension mondiale intéresse évidemment le ministère du redressement productif. J’y travaille activement et pas seulement dans les secteurs particuliers dans lesquels nous sommes impliqués comme l’uranium ou la bauxite.

Avec le permis Variscan-Sarthe-Mayenne, nous avons donc choisi d’innover en organisant la transparence des discussions. Nous souhaitons intégrer dans le comité de suivi les ONG, les élus et les professionnels sous l’autorité du préfet. Vous ferez connaître vos demandes à ce dernier afin qu’il puisse prendre les bonnes décisions sur le terrain et que vous discutiez des enjeux miniers. Une mine d’or, de cuivre ou d’argent ne relève pas du secret défense : il s’agit d’une activité économique qui comporte des conséquences sur le voisinage et les riverains. Il nous appartient de faire en sorte qu’elle soit bien intégrée dans l’environnement immédiat.

Le titre minier de Rouez appartenait en effet à la société Total.

Mme Françoise Dubois. Elle dispose toujours de la concession

M. le ministre du redressement productif. En effet. La majorité des remarques qui ont été formulées dans l’enquête publique portait sur cette exploitation. Nous faisons quant à nous en sorte que les acteurs présents prennent leur responsabilité.

Monsieur Mathis, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) est évidemment indépendant. J’ai apprécié le travail réalisé par MM. Bataille et Lenoir à sa juste mesure, comme j’ai d’ailleurs eu l’occasion de le leur dire. Leur rapport est désormais sur la table de la République ; au Gouvernement de s’en emparer lorsque viendra le moment de conclure le débat sur la transition énergétique.

Sur un plan politique, monsieur Cinieri, je cherche à convaincre. Je n’utilise que des arguments visant à faire émerger une vérité commune et je suis toujours prêt à admettre que je me trompe. Pourquoi ne parviendrais-je pas à convaincre les écologistes ? La position que je défends sur l’exploration des gaz de schiste est raisonnable et je suis persuadé que, très bientôt, les nouvelles technologies permettront d’extraire ces gaz-là de manière écologique, sans pollution aucune. Si nous y parvenons, nous gagnerons et la France sera à l’avant-garde sur un plan mondial. Pourquoi ne pourrait-on pas convaincre des écologistes raisonnables ? Ils le sont d’ailleurs majoritairement… Ils le sont tous !

Mme Jacqueline Maquet. Selon l’Institut français du pétrole, les régions Nord-Pas-de-Calais et Lorraine pourraient fournir 400 milliards de mètres cubes de gaz de couche, soit neuf ans de consommation gazière totale de la France. Une mission d’enquête régionale sur l’exploitation du gaz de couche se déroulera des mois de septembre à décembre dans six sites expérimentaux, quatre dans le Pas-de-Calais et deux dans le Nord. Sans préparer un nouveau Texas, pensez-vous que cette exploitation autorisée pourrait devenir une réelle opportunité économique pour nos deux régions, très touchées par la crise ?

M. Frédéric Roig. Parmi les axes de réforme du code minier, monsieur le ministre, vous avez évoqué les procédures environnementales et la concertation publique, ce qui est plutôt rassurant, ainsi que les enjeux territoriaux.

Le débat est également réel autour des questions d’exploration, d’exploitation et de recherche. S’agissant des pistes de recherches, serait-il possible de mettre en place une méthode pour que nous puissions bénéficier d’informations sur les techniques envisagées ? L’intégralité de ma circonscription étant touchée par le permis de Nant, vous imaginez les interrogations qui se font jour. Nous avons à Alès une école des mines où nous entendons différents propos sur plusieurs modes de compressions mais nous n’avons pas d’informations très précises sur l’état d’avancement de la recherche.

Comment envisagez-vous la réforme sur des territoires labellisés « parcs naturels », inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO ou pour lesquels l’équilibre agro-touristique est fondamental ? Ces inscriptions ou classement seront-ils ou non pris en compte dans le volet environnement de la réforme du code minier ?

Mme Éricka Bareigts. Le dossier de la géothermie est important pour La Réunion, en particulier afin de favoriser l’autonomie énergétique de l’île. En 2000, le BRGM avait identifié deux sites – dont le volcan – or, la Réunion a depuis été classée « patrimoine mondial de l’UNESCO » et ces deux projets ont été abandonnés malgré leur potentiel. Le code minier concerne-t-il ces exploitations géothermiques ? Est-il possible de concilier exploitation et classement ?

M. David Habib. Je me félicite que le code minier ne soit pas intégré au code de l’environnement et je souhaite que notre commission soit pleinement compétente en la matière. Le code minier ou, plus exactement, sur les extractions minières, ne saurait être apprécié au seul prisme de l’environnement, les dimensions économique et industrielle étant également essentielles.

En tant que représentant d’un territoire gazier, et qui en est fier, je rappelle que le code de l’environnement ne dessaisit pas les associations de protection de l’environnement d’un grand nombre de droits et de possibilités d’intervention sur les forages.

La connaissance du sous-sol est une priorité. Si les problèmes techniques liés à la fracturation hydraulique étaient résolus, dix ans ne s’en écouleraient pas moins entre la décision d’exploitation et le premier mètre cube de gaz recueilli. Chacun doit mesurer que les décisions quant à la connaissance des sous-sols doivent être prises le plus rapidement possible.

Un grand nombre de permis – on parle de 250 – sont aujourd’hui bloqués. Quel sera le destin de ces demandes d’autorisation soumises par un certain nombre d’opérateurs ?

Vous avez évoqué la nécessité de disposer d’une compagnie nationale, or, nous n’en avons plus dans les domaines pétrolier et gazier, le groupe Total ayant décidé de ne plus intervenir sur le territoire national. C’est toute une industrie qui doit être reconstituée.

Je souhaiterais, monsieur le président Brottes, que notre commission se rende à Lacq afin d’examiner ce qu’apporte la rente gazière à l’économie locale.

M. Germinal Peiro. J’ai bien compris votre volonté de travailler en amont des procédures de manière qu’elles soient raccourcies, monsieur le ministre. Ne pensez-vous pas que le droit français devrait évoluer, le système des recours faisant planer des menaces d’annulations pendant des années sur les collectivités ou sur l’État ? Ceux qui ont exercé des responsabilités au sein des collectivités territoriales savent combien il est difficile de s’engager, notamment, dans les enquêtes publiques préalables aux procédures d’expropriation.

Tout le monde est d’accord quant au nécessaire redressement économique et productif de notre pays mais tout le monde l’est également pour protéger l’environnement. Je rappelle à nos collègues du Groupe UMP qu’ils étaient quant à eux d’accord, en 2011, pour interdire la fracturation hydraulique. L’ancien Président de la République, qui semble avoir changé d’avis, a lui-même corrigé les erreurs commises par son propre gouvernement puisqu’il a annulé les trois permis de Montélimar, Nant et Villeneuve-de-Berg que M. Borloo avait imprudemment accordés. Tout le monde est également conscient que l’exploitation des gaz de schiste telle qu’elle est faite aujourd’hui aux États-Unis, que ce soit au Dakota ou en Pennsylvanie, pollue les sols, la surface et génère des gaz à effet de serre qui participent au réchauffement climatique.

Des régions françaises vivent aujourd’hui grâce au tourisme comme le Périgord Noir, classé réserve mondiale de biosphère, qui abrite seize sites classés par l’UNESCO. Le problème de l’exploitation des gaz de schiste se pose en termes directement économiques : nous ne voulons pas qu’une économie industrielle ravage nos régions et tue une autre économie avec la qualité de vie qui lui est associée.

Je suis sûr, monsieur le ministre, que vous approuverez la demande que j’ai faite au président de notre commission de créer une mission d’information afin de mesurer les impacts écologiques et économiques des gaz de schiste.

Mme Pascale Got. Aucune allusion n’a été faite à ces sous-produits de minerais que sont les terres rares. Que pensez-vous de la situation du bassin polynésien en la matière ?

M. le ministre du redressement productif. Les gaz de houille, madame Maquet, constituent des ressources importantes que nous aurions intérêt à exploiter dans de bonnes conditions. Je dispose d’un rapport du conseil général des mines évoquant un modèle économique à étudier de manière plus approfondie. Le problème, toutefois, est celui du coût d’extraction : s’il est trop élevé, le prix du gaz ne sera pas compétitif.

En matière technologique, monsieur Roig, l’OPECST a bien travaillé. A vous de vous emparer des résultats obtenus ! De son côté, le Gouvernement travaille avec ses technologues du BRGM et du conseil général des mines ainsi que d’autres institutions gouvernementales ou paragouvernementales.

Il va de soi que nous devons tenir compte des contraintes liées aux classements et, en particulier, aux parcs naturels. Entraîneront-elles des gels par avance ? Non, mais il est possible de créer des contraintes plus fortes, par exemple, pour des raisons touristiques ou de protection.

Le dossier de la géothermie a suscité des débats difficiles à la Réunion, les réactions des populations et des élus ayant été très vives. Nous sommes favorables à la poursuite des discussions. Il n’y a pas de sujet tabou mais les populations doivent être écoutées et respectées. Nous pouvons donc reprendre ces dossiers et les discuter avec les différents acteurs.

Monsieur Habib, la quarantaine de permis à laquelle vous avez fait allusion doit être signée par le ministre de l’énergie et votre serviteur. Le blocage résultait de la polémique née sur les gaz de schiste en 2011, les administrations de l’énergie s’interrogeant sur l’utilisation ou non de la fracturation hydraulique. Ces doutes ayant été levés, nous souhaitons donner une suite favorable aux demandes des pétitionnaires. Les permis seront donc signés dans les prochaines semaines après vérification minutieuse quant à la légalité de ces exploitations.

La prolongation des procédures ainsi que la multiplication des appels et des recours en cassation soulèvent en effet parfois des problèmes, monsieur Peiro. Le droit de l’urbanisme changera considérablement puisqu’un niveau sera supprimé et que des procédures abusives pourront désormais être constatées. Des délais de réponses seront également fixés aux tribunaux.

La compétence liée au code minier, madame Got, appartient au territoire polynésien avec lequel, évidemment, nous travaillons mais cela relève presque, en l’occurrence, du domaine international. Le potentiel en terres rares existe en mer mais les enjeux concernent d’abord la recherche au long cours, les technologies n’étant pas du tout matures. Néanmoins, l’IFREMER, TECHNIP et ERAMET travaillent à ces questions.

M. le président François Brottes. Je vous remercie pour la qualité de votre intervention et de vos réponses.

Notre commission étant compétente sur les questions industrielles et énergétiques, il va de soi qu’elle doit se saisir au fond de ce qui touche au code minier, ce qui n’empêchera pas la commission du développement durable de s’en saisir pour avis au titre de l’environnement. Tel est le point de vue que je défendrai.

J’entends bien que le Gouvernement ne veut pas s’immiscer dans des questions relevant de l’organisation interne du Parlement.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 9 juillet 2013 à 18 h 45

Présents. – Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. Dino Cinieri, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. David Habib, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Germinal Peiro, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Frédéric Roig, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy, Mme Clotilde Valter

Excusés. – M. Jean-Michel Couve, M. Joël Giraud, M. Thierry Lazaro, Mme Annick Lepetit, M. Bernard Reynès, Mme Catherine Troallic, M. Jean-Paul Tuaiva

Assistaient également à la réunion. – Mme Florence Delaunay, Mme Françoise Dubois