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Commission des affaires économiques

Mercredi 6 novembre 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 18

Présidence de M. François Brottes Président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur la plasturgie avec :

– Mme Florence Poivey, présidente d’Union Plastic, présidente de la Fédération de la plasturgie et des composites,

– M. Philippe Boulette Scola, président-directeur général d’Infiplast,

– M. Jean Martin, délégué général de la Fédération de la plasturgie et des composites, pilote du projet CTI Plasturgie au sein du Comité stratégique de filière Chimie et Plasturgie.

La commission a organisé une table ronde, ouverte à la presse, sur la plasturgie.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le Président, je souhaite vous interroger sur la demande formulée par M. Christian Jacob, président du groupe UMP, s’agissant de la création d’une mission d’information au sein de notre commission sur les conséquences de la fermeture de la centrale de Fessenheim sur le marché de l’énergie français. Michel Sordy, qui était à l’initiative de cette demande, ainsi que l’ensemble des membres du groupe UMP, souhaitaient donc savoir ce qu’il en était.

M. le président François Brottes. Votre demande est légitime. J’ai adressé un courrier à M. Jacob hier ; il est donc possible qu’il n’ait pas pu prendre connaissance de ma réponse. Bien que le thème proposé soit très intéressant, le programme de la commission est très chargé, et plusieurs missions concernant l’énergie ont été lancées. Or, il est impossible de consacrer l’essentiel de nos travaux à cette unique thématique, compte tenu de l’ensemble des sujets que notre commission a à traiter. En effet, alors que nos collègues Marie-Noëlle Battistel et Éric Straumann ont récemment présenté leur rapport sur l’hydroélectricité, nous avons engagé des travaux sur le gaz de schiste et l’impact de son exploitation sur le marché. De plus, Mme Battistel a consacré une partie de son rapport à la prolongation de la durée de vie des centrales, qui abordera notamment la question de Fessenheim. Il m’est donc impossible d’accéder à la demande de M. Jacob dans l’immédiat, ce qui ne signifie pas que nous ne lancerons pas une telle mission à moyen terme. Pour l’instant, compte tenu des ressources de la commission, ce n’est pas envisageable.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le Président, nous entendons vos remarques et prenons donc date pour l’avenir.

M. le président François Brottes. Nous en venons maintenant à notre sujet du jour. Sur l’initiative de M. Damien Abad, j’ai souhaité organiser une table ronde consacrée à la filière de la plasturgie. Je remercie donc de leur présence Mme Florence Poivey, présidente d’Union Plastic, présidente de la Fédération de la plasturgie et des composites, M. Philippe Boulette Scola, président-directeur général d’Infiplast, et M. Jean Martin, délégué général de la Fédération de la plasturgie et des composites, pilote du projet centre technique industriel (CTI) plasturgie au sein du comité stratégique de filière chimie et matériaux. En revanche, je regrette que Plastic Omnium ait refusé de participer à nos travaux. À mon sens, une entreprise qui représente une part importante du marché aurait dû être présente ce matin. Nous avons sollicité cette entreprise à plusieurs reprises sans succès. Alors que notre balance commerciale est plutôt déficitaire sur cette filière, il est regrettable que le plus gros des acteurs refuse de venir échanger avec les parlementaires. Il arrive trop souvent que les acteurs économiques accusent les politiques de ne rien comprendre aux enjeux auxquels ils sont confrontés ; il est donc dommage que certains refusent de partager avec nous leur expérience.

La plasturgie française représente 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2010 et occupe la cinquième position mondiale et la deuxième position européenne. Elle emploie 140 000 personnes, soit 7% de l’emploi industriel hors énergie. Hormis le cas de quelques grands groupes comme Plastic Omnium, la branche est pour l’essentiel composée de TPE-PME : 41 % des entreprises ont moins de 10 salariés. En moyenne, on compte 36 salariés par entreprise et les entreprises de plus de 200 salariés représentent seulement 27 % des effectifs totaux. De plus, il s’agit d’une filière relativement bien répartie sur le territoire, avec deux régions principales : Rhône-Alpes – 16 % des effectifs – et Pays de la Loire – 12 % des effectifs. Elle se décompose en six secteurs principaux : le transport – 19 % du chiffre d’affaires de la filière –, le BTP – 16 % –, l’emballage – 13 % –, l’industrie nucléaire – 9 % –, le médical – 8 % –, et d’autres débouchés comme la papeterie.

Le marché de la plasturgie est en stagnation, et contribue négativement au commerce extérieur, comme je l’ai déjà dit. C’est pourquoi ce secteur mérite notre attention.

Par ailleurs, vous connaissez ma passion et mon engouement – voire mon obsession ? – pour les centres techniques industriels. Je suis ainsi ravi de voir qu’il existe un projet de CTI sur cette filière. Pour la première fois, il y a quelques semaines, la commission des affaires économiques a reçu les CTI, qui réalisent un travail formidable auprès des PME. Dès lors, un CTI dédié à la plasturgie aura tout notre soutien ! La mutualisation des savoir-faire et la pluridisciplinarité des CTI sont essentielles dans des secteurs aussi spécialisés. D’ailleurs, il s’agit presque d’un scoop, Mme Clotilde Valter sera bientôt chargée par le Gouvernement d’une mission visant à moderniser l’organisation des CTI dans le sens d’une plus grande interaction des centres. Je n’en doute pas, Mme Valter consacrera une ou deux pages à la constitution d’un CTI plasturgie.

Mme Florence Poivey. Je vous remercie vivement de nous accueillir aujourd’hui ; nous sommes ravis, et honorés, de vous présenter les enjeux auxquels notre filière est confrontée. Je tiens à remercier particulièrement M. Damien Abad : vous êtes un ambassadeur de la profession et d’une aide précieuse pour nous, et ce depuis longtemps. Avant de vous exposer les défis de notre filière, je me permettrai de vous exposer mon parcours en quelques mots. J’ai repris, à la fin des années 1980, une entreprise en Haute-Loire qui produit des injecteurs pour le monde médical. Nous produisons ainsi des seringues pour les animaux, des éléments pour le rein artificiel ou le distributeur « granule par granule » pour ceux qui se soignent par l’homéopathie. Il s’agit d’une PME de 200 salariés, dont le chiffre d’affaires est de 28 millions d’euros.

Le Président a donné quelques chiffres importants. Je me focaliserai donc sur les principaux enjeux qui sont les nôtres. Le premier d’entre eux, certainement le plus complexe, est le morcellement de notre marché. La filière de la plasturgie regroupe 3 800 entreprises, le nombre de salarié par entreprise étant de 36 en moyenne. Cet éclatement de la filière est problématique lorsqu’il nous faut innover ou partir à l’international. La structuration de la profession est un chemin difficile mais si nous groupons toutes les énergies, nous y parviendrons.

Le deuxième enjeu est justement celui de l’innovation. C’est pourquoi nous avons hâte de nous rassembler et de fédérer nos initiatives au sein d’un CTI. Pour rappel, la plasturgie est une jeune industrie, née au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, dans les années 1940, dans le bassin d’Oyonnax. Aujourd’hui, nous sommes présents dans toutes les filières d’avenir, grâce aux progrès de la chimie sur les matériaux en amont. À titre d’exemple, nous avons avancé sur le stent biodégradable. De même, nous sommes en mesure de produire un film à poser sur une fenêtre, capable de capter, stocker, et reproduire l’énergie.

Le troisième enjeu, au sujet duquel j’aimerais d’ailleurs trouver des solutions avec vous, est celui du déficit d’investissement dans notre pays. Ainsi, lorsque nous achetons un robot, nos concurrents italiens en achètent deux, les Allemands, quatre, les Japonais, huit. De même, le parc de machines français a entre douze et quinze ans d’âge moyen, contre sept à neuf ans pour le parc allemand. Cet écart explique en partie le différentiel de productivité entre nos deux pays.

Le quatrième enjeu est d’ordre environnemental. Nous souhaitons être force d’exemple afin de faire progresser l’ensemble de la profession. À ce titre, nous agissons dans le cadre du projet européen « Zéro déchet en décharge d’ici en 2020 ». Je pourrai détailler ce point plus tard si vous le souhaitez.

Le cinquième enjeu est celui de la formation et des talents. Il s’agit d’un véritable défi à relever afin de former les jeunes qui composeront nos équipes dans dix à quinze ans.

Le sixième enjeu, enfin, est celui du développement à l’international de nos entreprises. Comme je le disais, nos entreprises sont de petite taille, ce qui représente un certain obstacle pour conquérir le marché international. Certains acteurs ont eu l’audace de le faire et nous avons eu de très belles réussites. La Fédération a vocation à accompagner toutes les entreprises.

M. Philippe Boulette Scola. Je tiens moi aussi à vous remercier de nous accueillir aujourd’hui. Je suis également très reconnaissant à M. Damien Abad de nous offrir l’opportunité de nous exprimer devant vous aujourd’hui. Je vais tâcher de vous faire découvrir ce monde merveilleux qu’est la plasturgie. Il s’agit d’un monde merveilleux car nous réalisons des choses exceptionnelles. Cette filière a néanmoins besoin d’être soutenue par les mondes politique, économique et industriel.

Pour ma part, mon entreprise est basée sur le bassin d’Oyonnax et regroupe deux entités, l’une dans le monde de l’industrie, l’autre dans le monde du médical, représentée aujourd’hui par Infiplast. J’ai été président d’Allizé Plasturgie Rhône-Alpes ainsi que du pôle de formation dans cette région. Mon activité m’amène à travailler avec plusieurs secteurs parmi lesquels l’automobile, l’aéronautique, le ferroviaire, la santé et, dans une moindre mesure, l’emballage. 46 % de notre chiffre d’affaires est réalisé à l’export, alors que nous exportons nos pièces dans vingt-sept pays. Notre structure regroupe 70 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 12,5 millions d’euros. J’ai créé ma société il y a 25 ans, et, à l’époque, il n’y avait qu’une machine et qu’un homme. Aujourd’hui, nous sommes une PME qui exporte et qui innove grâce au crédit d’impôt recherche que vous, Mesdames et Messieurs les parlementaires, défendez corps et âme, ce dont je vous remercie. Je suis ravi de pouvoir répondre à vos questions.

M. Jean Martin, délégué général de la Fédération de la plasturgie et des composites. Je suis délégué général de la Fédération de la plasturgie et des composites depuis un an. Auparavant, j’ai occupé des postes de direction dans diverses entreprises de la métallurgie et de la plasturgie. C’est donc davantage avec un œil d’entrepreneur que de permanent que j’ai pris mes fonctions.

La fédération travaille dans plusieurs domaines. Elle est chargée de compétences sociales, puisqu’elle gère la convention collective de la filière, mais traite également des questions d’économie, de formation, d’environnement et d’innovation.

La décision de lancer un centre technique industriel (CTI) consacré à la plasturgie s’appuie sur trois constats. Premièrement, l’innovation, en termes de produits, de matières ou de process, prend une place croissante dans toute la chaîne de la valeur, y compris pour le recyclage. Deuxièmement, la plasturgie est l’une des rares branches à ne pas avoir son propre CTI. Des centres existent déjà, notamment à Oyonnax, où est situé le pôle européen de la plasturgie. Mais ces centres ne travaillent pas en réseau, si bien que, par manque de coordination, les mêmes études peuvent être lancées dans différents lieux de recherche et d’innovation en France. Troisièmement, plus de 50 % des entreprises de la plasturgie n’accèdent pas aux centres existants, notamment parce qu’elles sont de trop petite taille. De ces trois constats découle la volonté de mettre en place un outil au sein duquel les PME doivent être partie prenante.

M. le président François Brottes. Je laisse la parole à M. Damien Abad, véritable « ambassadeur » de la plasturgie.

M. Damien Abad. Je vous remercie, Monsieur le président, d’avoir organisé cette table ronde qui met en lumière un secteur méconnu. J’ajouterai aux chiffres que vous avez cités que l’Europe de la plasturgie, au sein de laquelle la France joue un rôle prépondérant avec l’Allemagne et l’Italie, était le premier pôle mondial jusqu’en 2010, date à laquelle elle a été doublée par la Chine.

La plasturgie souffre de deux idées reçues. La première est que les plastiques seraient polluants. Un tel constat n’est qu’en partie vraie, tant la filière se mobilise autour des problématiques de recyclage, de valorisation des déchets plastiques, des polymères, etc. 60 % du plastique finit aujourd’hui en décharge. L’objectif est de réduire ce pourcentage à 0 d’ici 2020.

La seconde idée reçue consiste à faire de la plasturgie une activité vieillissante car simple sous-traitant du secteur automobile. Au contraire, il s’agit d’une branche jeune et innovante, autour de plusieurs secteurs dynamiques comme l’aéronautique, le médical ou même les cosmétiques. À ce titre, je soulignerai l’obligation d’entretenir une veille stratégique performante.

Dans ce contexte d’évolution profonde, la plasturgie française a des atouts, sa souplesse et sa réactivité, mais est confrontée à des enjeux forts.

L’amélioration des relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants est une priorité. Des efforts ont été faits en ce domaine, mais nous sommes encore loin de l’Allemagne, où les grandes entreprises emmènent leurs sous-traitants à l’export, donnant corps à la notion de co-traitance. Que pouvons-nous faire, nous, députés, pour contribuer à faire avancer ce sujet ? Doit-on passer par des dispositions législatives ou cela relève-t-il du contractuel ?

Quel est le rôle du médiateur inter-entreprises, face à l’accroissement du coût des matières premières ?

Comment accentuer l’ouverture de la filière à l’international ? Certains secteurs, comme l’agro-alimentaire ou le BTP peuvent constituer des vecteurs efficaces.

Les règles de la loi de modernisation de l’économie relatives au délai de paiement sont-elles adaptées ?

Quelle est votre opinion sur les revendications d’ordre général comme la baisse des charges sociales, la stabilité fiscale ou encore la simplification administrative ?

S’agissant de la création du CTI plasturgie, le problème est essentiellement financier. Le dossier a vraisemblablement le soutien du ministère du redressement productif, mais butte sur le montant des dotations budgétaires et de la taxe affectée.

Enfin, la formation doit être soutenue, notamment à travers l’initiative des campus des métiers. Le secteur rencontre de vraies difficultés d’attractivité.

Mme Marie-Lou Marcel. Vous avez évoqué, Madame la présidente, un déficit d’investissement. Mais, selon un article de l’Usine nouvelle, qui se fait l’écho d’une enquête du syndicat professionnel de l’emballage plastique et souple, Elipso, les entreprises de cette branche ne semblent pas connaître de telles difficultés. 6 sur 10 jugent leur trésorerie positive ; 66 % disent n’avoir aucun problème de financement, 56 % disent avoir augmenté leurs investissements de plus de 15 % sur les douze derniers mois et le taux d’investissement moyen bondit en 2013, passant de 3,2 à 5,1 %. Quelles sont vos réactions devant ces chiffres ?

M. Franck Reynier. En tant que députés rhônalpin, je me réjouis de la présence de tant de représentants de ma région à la tribune. Comme l’a signalé M. Abad, dont je salue le rôle et le travail de défense de la filière, la plasturgie est une activité trop méconnue.

La France est le cinquième producteur mondial dans le domaine, et le deuxième européen, tout en s’appuyant sur un socle de petites entreprises. Ainsi, 68 % des entreprises du secteur comptent moins de vingt salariés. L’enjeu de compétitivité est fort. Rencontrez-vous des difficultés en termes de coût du travail, de flexibilité, etc. ? Quel est votre ressenti par rapport à vos concurrents européens et asiatiques ? Certaines mesures, comme la TVA sociale, pourraient-elles apporter une amélioration ?

Le volet environnemental est particulièrement important en termes d’image de marque pour votre filière. Quelles sont les pistes sur lesquelles vous travaillez ?

Le Président de la République a annoncé un « choc de simplification ». C’est une belle phrase, mais quelles contraintes subissez-vous concrètement, que nous pourrions lever ?

Enfin, quelles sont vos réactions vis-à-vis de l’instabilité fiscale ?

M. Joël Giraud. La filière plasturgie est très intéressante : elle représente un savant alliage d’anciennes et de nouvelles technologies et, de par son ancrage territorial très affirmé, on ne peut pas dire qu’elle puisse être associée au milieu de la finance internationale recherchant la rentabilité à tout prix.

Vous avez souligné le besoin d’innovation. Si l’objectif est partagé, comment y parvenir dans un contexte de tissu industriel peu structuré ? Comme je peux le constater dans les Alpes, ce sont souvent de petites entreprises, où les questions de succession et de reprise sont prégnantes. Pour investir, un socle industriel très consolidé est nécessaire. Quels leviers pourraient, selon vous, faciliter les successions et les regroupements de TPE ? Dans certains secteurs, les clusters fonctionnent bien. Comment trouver une fiscalité incitative ?

Mme Michèle Bonneton. Députée de l’Isère, je suis moi aussi une représentante de la région Rhône-Alpes, première région plasturgique de France. Il s’agit d’un secteur confronté à une vive concurrence venant notamment d’Asie, et qui est en même temps peu structuré. Cela représente un vrai handicap pour l’innovation. Produire des matériaux recyclables comme les composites, par exemple n’est pas simple et pose des problèmes spécifiques. Le développement de l’économie circulaire, qui prévoit la fin de vie d’un objet dès sa conception, recèle un potentiel important, avec des bénéfices induits en termes d’emplois locaux, de valorisation énergétique, de sécurisation de l’approvisionnement en matière première, etc.

Quels sont vos objectifs et les moyens que vous consacrez à l’organisation de la filière ?

Le nombre d’emplois dans le secteur a diminué de 15 000 unités durant la période 2008-2012. Est-ce exact ? Quelles sont les projections pour les années futures ?

Quels sont les progrès que vous réalisez dans le recyclage ? Avez-vous des exemples pour les illustrer ? Est-ce une priorité pour vous ? Comment structurez-vous votre R&D pour affronter ce défi ? L’un des problèmes me semble venir de la trop grande diversité des contenants, d’où la difficulté à les recycler. Où en est-on, par ailleurs, sur la biodégradabilité des sacs plastiques ? Il apparaîtrait que l’introduction de matières naturelles se révèlerait être un piège en accentuant les difficultés du recyclage.

Enfin, souhaitez-vous que des normes soient imposées aux frontières de l’Europe pour que la concurrence avec le reste du monde soit loyale ?

M. Le président François Brottes. Vous allez pouvoir répondre à cette première salve de questions.

Avez-vous pris conscience de la concurrence nouvelle que rencontre le secteur du fait de l’apparition des sacs de maïs, du carton qui ne prend pas l’eau, du bois qui revient en force au titre du développement durable et de tous ces matériaux alternatifs ? Dans l’agroalimentaire ou la vente par correspondance, les entreprises n’ont pas réussi à prendre le virage de l’innovation. Il est indispensable que la filière de la plasturgie ne fasse pas les mêmes erreurs et agisse de façon urgente en matière d’innovation.

Mme Florence Poivey. La fédération a bien sûr conscience de l’évolution actuelle en matière d’innovation et de concurrence, mais les secteurs et les évolutions technologiques sont mouvants. Certaines de nos innovations vont même à l’encontre d’anciennes industries comme la métallurgie en matière de robinetterie, de voitures, ou des avions sophistiqués dont la fabrication utilise de plus en plus de plastique. La difficulté aujourd’hui consiste à créer une nouvelle dynamique pour une PME lorsque le marché sur son secteur évolue. De manière générale, l’innovation reste une opportunité car elle crée un environnement global qui nous permet, en tant que jeune industrie, d’être au rendez-vous des innovations d’avenir.

Par ailleurs, pour répondre à la première question de M. Abad, le sujet des relations entre les donneurs d’ordres et les sous-traitants est clé pour la plasturgie. Nous sommes essentiellement des entreprises de sous-traitance prises en étau entre des donneurs d’ordres et des fournisseurs, qui sont tous des géants. La fédération de la plasturgie voit les évolutions apportées par le gouvernement précédent et par la mise en place d’un comité stratégique de filière, de manière très positive. Nous avons en effet intégré le comité stratégique de filière chimie-matériaux, ce qui a pour effet d’améliorer l’écoute et le dialogue dont nous pouvons bénéficier de la part de nos fournisseurs. Depuis un an, on constate une amélioration des relations avec eux au sujet du coût des matières premières. La filière plasturgique n’a que peu d’influence sur l’importante filière chimique, mais nous œuvrons pour que cette dernière nous donne les informations dont nous avons besoin en amont pour pouvoir anticiper. Rien n’est plus délicat pour une entreprise que devoir faire face à des fournitures non-conformes à la commande ou à des annulations de livraison par exemple. Il s’agit de rendre le quotidien plus positif.

Les relations avec les producteurs de matière plastique en France, de même qu’au niveau européen, ont un impact fort sur les entreprises de la plasturgie. Nous avons ainsi signé récemment avec les fournisseurs la charte spécifique fournisseurs-transformateurs, qui est adossée aux chartes portées par la médiation des relations inter-entreprises de M. Pelouzet, dont les actions sont fortement appréciées.

Ensuite, le dialogue a été apaisé avec les donneurs d’ordres : pourvoir communiquer ensemble et faire notamment comprendre les contraintes de coût réel, est essentiel. Par exemple, si une PME demande une augmentation à son client alors que l’environnement général n’est pas porteur de ces problématiques de coût de la matière, elle risque d’être déboutée ou remise en concurrence.

En outre, le vrai souci est l’avenir de la production des matières premières en France. Aujourd’hui le coût de production de la granule en France est entre 40 % et 50 % plus cher qu’au Moyen-Orient ou aux États-Unis. Cela freine les investissements sur les sites de production, et la plasturgie se retrouve victime des difficultés des sites non performants, en termes de qualité, de rupture, d’approvisionnement, de compétitivité-coût…

Cette différence s’explique au Moyen-Orient par une technologie différente, à base de gaz. Les sites, en multiplication, se situent donc à proximité des sources de gaz. Comme ces pays progressent, on peut s’attendre à ce qu’ils en viennent à transformer eux-mêmes la matière première et donc qu’ils deviennent des concurrents directs. De plus, si l’on délocalisait nos usines de transformation là-bas, la question des débouchés se poserait ensuite. Quant aux États-Unis, la différence réside principalement dans le coût de l’énergie qui est moindre qu’en Europe depuis l’exploitation des gaz de schiste.

M. Philippe Boulette Scola. Au sujet de la recyclabilité des matières premières, il est possible de récupérer ces matières à la source après consommation car il existe une filière dédiée. Pour les bouteilles en plastique en PET ou les bouchons, cela est très facile. Pour les pièces automobiles, les pièces d’électro-ménager, la difficulté provient du mélange des matières qu’il faut alors trier au moment du recyclage. La situation va s’améliorer car aujourd’hui, certains produits sont fabriqués avec une seule matière issue de nouvelles molécules alors qu’avant il s’agissait de mélanges de matières. C’est en ce sens que la chimie a une influence très positive sur la recyclabilité des plastiques.

De même, Écodesign Center, à Lyon, s’attache à l’écoconception du produit, c’est-à-dire l’identification de la matière à utiliser dans une optique de recyclabilité. L’objectif est de produire des produits aussi performants techniquement que qualitativement. Des centres de formation et des équipes dédiées incitent les ingénieurs à prendre en compte cet aspect de recyclabilité dans tous les secteurs industriels.

L’image de la plasturgie et sa stratégie de communication sont également fondamentales. Bien souvent, ses méfaits sont davantage connus que ses bienfaits. Ceux-ci sont pourtant nombreux en matière de santé plus performante et économe grâce aux composants termo-plastiques de plus en plus intelligents. Cette intelligence plastique vient aussi du recyclage des matières ou de leur mariage à des composants variés, biodégradables ou biosourcés.

Mais au fond, c’est la formation des jeunes à l’industrie plasturgique qui fait défaut. Cette situation est paradoxale car nous sommes un secteur innovant, performant malgré une complexité des process, qui embauche avec une rémunération plutôt intéressante, tourné vers des produits de qualité, et pourtant, nous ne trouvons pas de main-d’œuvre. À Oyonnax, les jeunes apprentis, notamment aiguillés par Pôle emploi, sont candidats mais ne restent pas.

Le problème majeur réside dans le manque de passerelles entre le monde pédagogique et le monde industriel. J’ai participé il y a cinq ans à l’élaboration du référentiel bac professionnel, et je me suis rendu compte que nos mondes étaient à l’opposé les uns des autres. Les entreprises de la plasturgie sont prêtes à faire des efforts d’investissement dans des plateformes automatisées, à condition que les besoins de formation du secteur soient compris. Cela est valable pour n’importe quelle filière industrielle en France. En Allemagne, tous les jeunes connaissent une formation générale à l’industrie avant de se spécialiser. En France, il existe un tabou qui fait que l’industrie est rabaissée au plan pédagogique, et attaquée sur les thèmes de la précarité ou du chômage. Cette désaffection des jeunes pour l’industrie et la plasturgie est d’autant plus dommage qu’elle entraîne une baisse des effectifs des entreprises qui ne trouvent pas de main-d’œuvre. Pourtant, le secteur de la plasturgie bénéficie d’une croissance annuelle de 5 à 7 % et d’un avenir croissant pour les débouchés liés à la vie quotidienne comme la santé et le BTP. Il est donc nécessaire que les hommes politiques et les industriels travaillent ensemble pour construire un avenir pour nos jeunes.

Enfin, une autre difficulté est que l’industrie en général et la plasturgie en particulier sont un secteur très capitalistique. Il faut aujourd’hui beaucoup d’argent pour se lancer dans la filière. Lorsque j’ai commencé, en 1990, je disposais d’un budget de 50 000 francs. Je vous défie de créer votre entreprise industrielle avec seulement 10 000 euros aujourd’hui. Aucun banquier ne vous suit, vous n’êtes même pas pris au sérieux ! C’est pourquoi les outils comme Oséo ou BPI sont indispensables aux PME qui s’internationalisent. Mais ils sont encore insuffisants. L’internationalisation est ce qui permet notamment à ma société de se développer, sur des marchés extérieurs. Mais pour cela, il faut aujourd’hui des moyens colossaux, du temps et des structures adéquates, ce qui exclut de fait nombre d’entreprises de la filière, dont l’effectif moyen est de 36 salariés. Et pourtant, il est souvent nécessaire de se rapprocher de la filiale étrangère d’une société pour parvenir à convaincre la maison-mère en France. Ce paradoxe illustre malheureusement un mal bien français très handicapant pour nos PME.

M. Jean Martin. Les indicateurs relatifs aux délais de paiement font l’objet d’un suivi mensuel attentif de notre part. On observe ainsi une certaine stabilité de ceux-ci depuis deux ans, avec une moyenne de 62 à 65 jours. Ce n’est pas forcément satisfaisant mais en tout cas, c’est devenu plus régulier qu’autrefois.

Concernant l’image de la plasturgie, un sondage intéressant a été récemment publié, dont il ressort qu’elle est mauvaise pour 65 % des Français, contre 22 % seulement pour les Allemands. Notre responsabilité consiste donc à faire évoluer cette image, en mettant en avant la totalité de la chaîne de valeur, y compris les activités de recyclage et d’écoconception.

M. Giraud a évoqué la question de la structuration de notre tissu industriel, c’est un problème récurrent, en lien notamment avec la taille des entreprises du secteur. J’y suis actuellement confronté dans le cadre du tour de France que j’effectue en tant que pilote du projet de CTI plasturgie. Je rencontre chaque semaine des groupes de 15 à 20 chefs d’entreprise, qui insistent sur le problème de fond de la confidentialité, étant entendu que le concurrent immédiat est perçu comme étant souvent de l’autre côté de la rue. Il s’agit donc de trouver les moyens pour que des entreprises, qui sont souvent en concurrence depuis des décennies, puissent discuter, échanger, et travailler ensemble. Il faudrait également creuser l’aspect financier d’éventuelles restructurations, en examinant les possibilités de concentration au moment du rachat des entreprises. La mise en place d’un fond d’investissement a été envisagée avec la filière chimie mais peu d’acteurs ont été disposés à abonder ce fonds, nous nous sommes donc rabattus sur les financements traditionnels. À ce stade, il est surtout important de faire se rencontrer les acteurs. Sur ce point, je suis convaincu que le CTI sera un cadre propice à l’élaboration de futurs projets collectifs.

M. le président François Brottes. Pour d’éventuelles restructurations, avez-vous réfléchi à des dispositifs fiscaux susceptibles de les faciliter ?

M. Jean Martin. Des dispositifs de défiscalisation à titre individuel existent déjà mais ce n’est pas là que réside aujourd’hui notre principale difficulté.

M. Daniel Fasquelle. La Commission européenne a adopté lundi une proposition visant à imposer aux États membres de l’Union de réduire fortement, d’au moins 80 %, leur consommation de sacs en plastique jetables. Chaque année, en Europe, ce sont en effet plus de 8 milliards de sacs en plastique qui finissent en déchets sauvages. La France n’est pas le plus mauvais élève en la matière mais j’aurais aimé savoir la manière avec laquelle vous réagissez à cette annonce.

Comment appréhendez-vous l’utilisation à l’avenir de nouveaux matériaux notamment pour la production de sacs, tels que l’amidon ou des champignons, en lieu et place du pétrole. Quelles pistes d’avenir entrevoyez-vous ?

Nous savons par ailleurs que la taxe générale sur les activités polluantes frappe les sacs en plastiques et va bientôt frapper les sacs « fruits et légumes ». Quels sont selon vous les éventuels effets pervers, mais également les effets bénéfiques de cette taxe ?

Plus généralement, je souhaite rappeler que le problème central qui doit nous occuper est celui des marges de nos entreprises qui se sont amenuisées depuis les années 1980, ce qui hypothèque forcément les investissements futurs, ne permet pas de rémunérer correctement les personnels et pèse donc à la fois sur notre compétitivité-prix et hors-prix.

M. Philippe Kemel. Vous avez souligné, pour la regretter, la coupure forte qui prévaut en France entre l’enseignement généraliste et les centres de formation. Chargé des questions d’apprentissage pour la région Nord-Pas de Calais, j’ai pu observer, en particulier dans le Beauvaisis, que très peu de contrats d’apprentissage étaient proposés par les entreprises. Comment pouvez-vous l’expliquer ?

Votre activité est pour une large partie, du fait de sa nature, une activité de sous-traitant. Souhaitez-vous relayer auprès du législateur des propositions concrètes, en vue notamment d’améliorer la charte de la sous-traitance ?

La dimension du recyclage des matières plastiques semble mieux intégrée dans des pays tels que l’Autriche, la Belgique et la Suisse. Je pense que c’est aussi une affaire de comportement culturel. Là encore, quelles propositions pourriez-vous formuler afin que notre pays soit plus performant dans ce domaine ?

M. Jean-Claude Mathis. La plasturgie est une industrie relativement jeune puisqu’elle n’a qu’une cinquantaine d’années d’existence. Elle intervient aujourd’hui dans de nombreux secteurs d’activité et le plastique s’affirme comme le matériau du troisième millénaire. Dans son propos introductif, M. le président François Brottes a d’ailleurs rappelé quelques chiffres concernant cette activité. Au vu des besoins des 38 000 entreprises du secteur, il y a toutefois un vrai problème de formation. Au 1er semestre 2013, seulement 44 700 contrats d’apprentissage ont été signés, contre 58 000 pour la même période en 2012, et 62 000 en 2010. Au sein de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), on déplore ainsi notamment une baisse de 89 % de la formation de techniciens de production. Même si vous avez déjà répondu sur ce point, je tenais à souligner ce décalage.

Mme Frédérique Massat. Dans le rapport annuel de l’Observatoire de la plasturgie qui a été mis à notre disposition, il est fait mention de la nécessité de relever le défi de l’attractivité. Pourriez-vous développer ce point ? J’aurais souhaité savoir également si votre secteur a eu recours aux contrats de génération et s’il considère cet outil comme utile.

La Premier ministre a présenté hier la mise en œuvre d’un train de 40 mesures dans le cadre du plan pour l’innovation. Quel est votre ressenti à ce sujet, s’agissant notamment du fonds national pour l’innovation ?

Ma dernière question porte sur le plan de rénovation énergétique de l’habitat. Quelles sont les perspectives pour votre secteur ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Vous avez insisté sur la nécessité d’améliorer la relation entre l’amont et l’aval de la filière. En amont, il y a bien évidemment le secteur de la chimie, où des inquiétudes particulières se manifestent aujourd’hui dans certains territoires, notamment dans la production de TDI.

Comment comptez-vous mettre en œuvre, en la rendant plus concrète, la charte des bonnes pratiques chimie-plasturgie ?

Concernant enfin le film intelligent sur vitrage, qui me paraît être un excellent procédé, à quelle échéance envisagez-vous sa mise en œuvre ?

M. Dino Cinieri. En région Rhône-Alpes, Plastipolis regroupe plus de 200 adhérents, dont la plupart sont des entreprises actives dans le secteur de la plasturgie mais où l’on trouve aussi des centres de recherche, de développement et de formation, des collectivités publiques et des partenaires institutionnels. Ce cluster d’excellence permet à tous ces acteurs de s’engager sur un territoire dans une démarche partenariale, afin de mettre en œuvre une stratégie commune de développement et de pouvoir répondre efficacement à des appels à projets. Il a aussi pour objectif de promouvoir une image dynamique de la plasturgie française et de lui trouver de nouvelles applications, tout en favorisant la pénétration des entreprises sur de nouveaux marchés et l’acquisition d’avantages compétitifs en termes de coût, de qualité et de propriété intrinsèque des produits.

Quels sont en moyenne les délais de paiement de vos clients ? Par ailleurs, dans le prolongement des remarques pertinentes de mon collègue Daniel Fasquelle sur les marges des entreprises, celles que vous dégagez vous permettent-elles d’investir dans votre outil de travail et de faire face à la concurrence ? Quels sont selon vous les freins au développement du secteur, et le cas échéant, que faudrait-il faire pour les lever ?

M. Jean Grellier. Mme Florence Poivey a déjà abordé la question de l’intégration de la plasturgie dans le comité stratégique de filière chimie matériaux. Quelles complémentarités êtes-vous en mesure d’apporter à vos partenaires ? Parallèlement, dans la mise en place de votre CTI, quelles seront les relations avec ces mêmes partenaires, concernant notamment les démarches de recherche et d’innovation ?

Vous pouvez être concernés de façon transversale par les 34 plans de reconquête industrielle. Dans cette perspective, comment envisagez-vous le travail avec les chefs de projets ?

Dans le cadre de l’avis budgétaire sur l’industrie dont je suis le rapporteur, j’ai procédé à l’audition des vice-présidents des comités stratégiques de filières. Les problèmes de formation, recrutement et de compétences dans le domaine industriel reviennent de façon récurrente et notre rôle, en tant que parlementaires, est de s’atteler à des solutions. Je pense ainsi que nous devons poser la question de l’orientation après la classe de troisième.

Enfin, comment intégrez-vous vos organisations régionales – je pense notamment à Plasti-Ouest – dans les démarches de la fédération ?

M. Alain Suguenot. Je tiens d’abord à remercier M. le président François Brottes d’avoir organisé cette audition. C’est en rencontrant directement les représentants des secteurs industriels que nous sommes en effet le mieux à même d’entrer dans le vif du sujet.

Que de chemin parcouru depuis le nitrate de cellulose ! La Plastic valley illustre bien les synergies qui se sont affirmées avec le temps. Tout le monde connaît aujourd’hui le lycra, le kevlar, le nomex, le dacron, le téflon ou le gore tex. Et pourtant, une image négative de votre secteur subsiste, en particulier du fait des agents chimiques dangereux.

Sur les questions de santé, comment pourrait-on ainsi imaginer mieux répondre aux interrogations de la société ? Le cas échéant en mettant en place une solution de veille réglementaire et de gestion de conformité ? Notre commission a du reste abordé à plusieurs reprises le problème des normes, sur lequel vous avez sûrement un avis.

S’agissant des plastiques intelligents, on parle de plus en plus aujourd’hui de récepteurs d’énergie, en particulier photovoltaïque. Quelles sont vos perspectives sur ce point, ainsi que sur la création numérique d’objets 3D ?

M. Jean Martin. Le sujet des sacs plastiques est un petit peu complexe dans la mesure où est désigné par le même mot de « sac » différentes sortes de technologies : biodégradable, compostable, biofragmentable, ou oxodégradable.

M. Daniel Fasquelle. Il ne faut pas tout mettre dans le même sac…

M. Jean Martin. Exactement. La prise de position de Bruxelles signifie fondamentalement : laissons à chaque État le soin de faire ce qu’il veut avec ses sacs. Il n’y a pas d’injonction formelle, seulement l’objectif d’avoir le moins possible de sacs accrochés aux fils électriques.

Mettre en place des sacs qui soient biosourcés (maïs, amidon) et biodégradables, ce serait l’idéal. Mais, premièrement, les capacités pour les fabriquer sont relativement réduites. Deuxièmement, il faut s’assurer qu’ils sont bien biodégradables. La totalité de la filière est organisée pour que ces sacs soient mis dans les conditions de dégradabilité prévues. Or, aujourd’hui, cette filière n’existe pas. Nous ne sommes pas encore organisés pour le faire.

Beaucoup de sacs plastiques d’épaisseur faible sont en provenance d’Asie, mais il reste encore une réelle industrie en France. Quand on évoque l’épaisseur de cinquante microns, il s’agit déjà de sacs extrêmement résistants. Un sac de caisse ou un sac de fruits et légumes fait, habituellement, entre treize et quinze microns. Quand on dit qu’il faut éviter les sacs assez épais de cinquante microns, soit, c’est un choix politique, que je n’ai pas à remettre en cause, mais il faudrait le faire de manière progressive pour que toute la branche d’activités, qui représente en France entre deux et trois mille emplois, ne soit pas mise en cause brutalement.

M. le président François Brottes. On est passé près de la remise en cause brutale à plusieurs reprises, sous tous les gouvernements mais elle a été repoussée précisément pour cette raison. La filière se pose-t-elle la question de la reconversion ? On ne peut pas toujours se donner du temps, sinon, la reconversion ne sera jamais enclenchée.

M. Jean Martin. La filière se pose vraiment cette question. De toute façon, le décret concernant la TGAP, annoncé depuis plusieurs années, est imminent. Bruxelles vient mettre une pression supplémentaire.

Il faudrait faire apparaître la possibilité d’utiliser des sacs en matière recyclée, dispensée de TGAP : cela créerait une véritable économie circulaire sur les sacs, ce qui serait beaucoup plus positif que de se limiter aux sacs biosourcés, biodégradables.

M. le président François Brottes. L’un n’empêcherait pas l’autre.

M. Jean Martin. Je suis d’accord.

M. Philippe Boulette Scola. Grâce à l’innovation et aux centres de formation de la filière, on a avec le pôle d’excellence Plastipolis un outil exceptionnel qui est un accélérateur en matière technologique et une garantie d’avenir pour la plasturgie, dont la croissance est assez importante, avec des matériaux très performants. C’est une qualité pour le monde de l’habitat, pour le monde de la sécurisation, pour l’automobile, l’aéronautique, et d’autres.

La filière est tellement performante qu’on passe à une ère nouvelle. La valorisation des plastiques va être encore plus importante, avec de meilleures formations, de la légèreté, de la qualité garantie à tous niveaux. Il nous faut pour cela une qualité de formation initiale ou d’apprentissage encore plus élevée qu’aujourd’hui, ainsi qu’une communication en interne au niveau des familles et au niveau des politiques pour défendre les filières d’avenir. Le plastique, ce n’est plus un sac plastique, ce n’est plus la fabrication d’une poubelle ou d’une barquette, c’est quelque chose d’intelligent, de performant, qui va améliorer les soins, la communication, la vie au quotidien.

Mme Florence Poivey. C’est l’enfant suisse que je suis qui va vous répondre sur deux questions : la formation et le recyclage.

Ce qui me frappe en France, c’est que l’apprentissage n’est pas une voie d’excellence, une voie noble. Cela explique la diminution des contrats d’apprentissage. Parfois, les chefs d’entreprise hésitent à se mettre dans ce système d’apprentissage – qui, pour moi, bien sûr, est totalement naturel – parce que ce sont un peu les derniers de la classe qui, souvent, partent en apprentissage. C’est très dommage car 10 % de plus de jeunes qui accèdent à un emploi en CDI sortent de la filière de l’alternance et le temps pour accéder à ce CDI est pratiquement divisé par deux. Oui, l’apprentissage, par l’alternance, est une voie d’excellence.

Je réponds ensuite en tant que négociatrice Medef pour la réforme sur la formation professionnelle. Sur l’apprentissage, plus d’un milliard a tout de même été retiré du circuit depuis deux ans. Il y avait des primes données ; elles ont été retirées. Sur les fonds libres confiés aux régions, dix n’ont pas réintégré ces fonds dans le circuit de l’apprentissage. Tout cela fragilise un système de voie pédagogique d’excellence. À Lausanne, la ville où j’ai grandi, il n’y a aujourd’hui encore que 30 % des jeunes qui ont l’équivalent du bac. 70 % des jeunes rentrent dans la vie active par la voie de l’alternance et cela ne nous empêche pas d’avoir une école polytechnique qui vient de recevoir un milliard de l’Union européenne, alors que nous n’en faisons pas partie, afin de développer toutes les start-up autour du cerveau. Une question fondamentale est l’attractivité que cette voie de l’alternance porte.

M. le président François Brottes. Les dispositifs alternatifs, comme le contrat d’avenir ou le contrat de génération, qui sont largement appuyés, peuvent être aussi des recours pour faire de l’apprentissage.

Mme Florence Poivey. Peut-être, mais c’est tout de même du court terme.

En Allemagne et en Suisse, nous aurions une culture « citoyenne » plus forte et nous serions naturellement disciplinés sur un sujet comme le recyclage. Pourtant, en Suisse romande, chaque foyer paie son sac poubelle l’équivalent de deux euros depuis quelques semaines. C’est une loi qui est passée et à laquelle on ne peut se soustraire. À un moment, il faut imposer les choses, même si ce n’est pas populaire. Dans le fonds, chacun en comprend l’intérêt. Cela change les modes de consommation et, pour nous industriels, les modes de présentation de nos produits.

M. le président François Brottes. C’est le principe de l’écotaxe, cela ne vous a pas échappé.

Mme Florence Poivey. C’est vraiment l’utilisateur direct qui est mis à contribution, ce qui est assez pédagogique. Même si cela fait la richesse d’un certain nombre d’entre nous – il y a parfois des suremballages un peu excessifs –, l’utilisateur va commencer à faire attention parce qu’il a sa poubelle chez lui.

Si l’on veut que le territoire soit maillé de recycleurs, et non pas entre les mains d’un ou deux grands opérateurs seulement, il faut trouver les moyens d’une collecte. L’innovation, permettant une forme de recyclage perpétuel sans perte des qualités d’origine, réglera un certain nombre de problèmes, grâce au travail des chimistes. Mais il faut mettre en place les circuits de collecte, grâce à la fois à une discipline individuelle et à une discipline collective. Cette dernière est entre vos mains.

M. le président François Brottes. Il faut peut-être faire de la pédagogie car engendrer de la discipline collective est ce qu’il y a de plus compliqué à faire. Pour passer à un nouveau stade de développement, il faut que chacun se responsabilise. Or, nous sommes dans une période où cette responsabilisation n’est pas facile à organiser et à expliquer. Peut-être y aura-t-il un jour dans ce pays un grand consensus pour que nous soyons responsables quel que soit l’endroit où nous nous trouvons dans l’échiquier politique. On peut rêver : c’était une séquence de politique fiction !

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 6 novembre 2013 à 9 h 45

Présents. – M. Damien Abad, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Michèle Bonneton, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, Mme Pascale Crozon, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Georges Ginesta, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Razzy Hammadi, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Marie Tetart, Mme Clotilde Valter

Excusés. – M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, M. André Chassaigne, Mme Pascale Got, Mme Anne Grommerch, Mme Laure de La Raudière, M. Thierry Lazaro, M. Serge Letchimy, M. Kléber Mesquida, M. Germinal Peiro, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, Mme Béatrice Santais, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin, M. Fabrice Verdier

Assistaient également à la réunion. – Mme Monique Iborra, M. François Vannson