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Commission des affaires économiques

Mercredi 27 novembre 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 30

Présidence de M. François Brottes Président

– Dans le cadre des auditions préparatoires à l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (n° 1548) (M. Germinal Peiro, rapporteur) :

– Audition, ouverte à la presse, de M. Xavier Beulin, président de la FNSEA

– Audition, ouverte à la presse, de M. François Thabuis, président des Jeunes Agriculteurs, M. Thomas Diemer, administrateur national et trésorier et M. Antoine Daurelle, administrateur national,

– Informations relatives à la commission

La commission a auditionné M. Xavier Beulin, président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui M. Xavier Beulin, président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Il y avait deux possibilités : auditionner toutes les organisations syndicales en même temps ou le faire séparément. Certaines organisations ayant préféré la seconde méthode, nous commençons donc par l’audition de la FNSEA.

Monsieur le président, nous souhaitons vous entendre sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Je précise que, dans le cadre de la réforme de la PAC, les Jeunes Agriculteurs, que nous auditionnerons tout à l’heure, souhaitent une accélération de la modulation des aides, une rupture avec l’historique des primes, ce qui traduit une approche différente par rapport à celle votre organisation.

M. Xavier Beulin, président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Merci d’avoir choisi cette configuration pour ces auditions. Nous ne sommes évidemment pas opposés au débat, y compris au sein de la profession agricole. Cette audition va me permettre de vous faire part de nos attentes et des améliorations que nous souhaitons voir apporter au projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

J’ai proposé au Premier ministre la tenue d’États généraux de l’agriculture au début de l’année 2014. La situation actuelle est en effet paradoxale à plusieurs titres.

D’abord, si la demande alimentaire mondiale croît de 2 % à 3 % par an depuis plusieurs années, nous assistons dans le même temps à un recul de nos productions de 1 à 1,5 point. Cette problématique renvoie à l’objectif de compétitivité, mais aussi à l’expression claire d’une volonté politique.

Ensuite, si la France était numéro deux sur la scène internationale pour sa filière agricole il y a une dizaine d’années, elle est aujourd’hui en cinquième position, après l’Allemagne, les Pays Bas, le Brésil et les États-Unis. Nous assistons à une forme de décroissance, en particulier dans les filières très exposées, comme l’élevage, ou plus spécialisées, telles que les fruits et légumes et la viticulture.

Par ailleurs, aux problèmes structurels et transversaux auxquels nous sommes confrontés, s’ajoutent des problématiques plus singulières. En effet, un certain nombre de contraintes administratives pèsent sur la prise de décision dans les projets d’investissement agricole et constituent autant de freins à l’évolution de l’agriculture. À cet égard, la conviction exprimée par le ministre de l’agriculture dans ce projet de loi, à savoir la recherche de la double performance économique et environnementale, ne peut pas rester un slogan. C’est pourquoi nous avons proposé au Premier ministre une trentaine de mesures de simplification administrative visant à alléger les procédures, à réduire les délais, etc. Pour ne prendre qu’un exemple, sachez qu’un projet de méthanisation représente deux ans et demi à trois ans d’instruction, contre huit à dix mois maximum de l’autre côté du Rhin.

Enfin, le principe de précaution est inscrit dans la Constitution. En revanche, beaucoup d’élus, notamment de collectivité locale, pensent comme nous que ce principe est parfois utilisé avec un certain zèle. C’est la raison pour laquelle nous avons à cœur de voir adosser à ce principe de précaution un principe d’innovation. En effet, nous avons besoin plus que jamais – et c’est un des points faibles de ce texte – de recherche, d’innovation, de développement pour tendre vers cette double ambition de performance économique et environnementale. Ce n’est pas le retour à une certaine agriculture, peut-être plus autarcique, qui permettra de régler les problèmes. C’est en s’appuyant sur l’investissement, la recherche et l’innovation que nous pourrons apporter de vraies solutions pour répondre à ce double défi exprimé dans le projet de loi.

De ce point de vue, nous souhaitons que l’orientation vers l’économie agricole circulaire soit inscrite comme un marqueur fort dans ce projet de loi. Avec des valorisations animales et énergétiques et des déchets devenus des matières premières nouvelles orientées vers la fertilisation ou recyclées dans des filières, y compris dans la chimie, cette notion d’économie agricole circulaire, en s’appuyant sur une dimension territoriale très prégnante, est sans doute l’une des voies grâce à laquelle nous pouvons répondre à ce double défi. À cet égard, il est nécessaire de reconnaître – et le projet de loi n’y insiste pas suffisamment à nos yeux – la capacité de la sphère agricole à répondre à des enjeux beaucoup plus généraux pour notre société, en termes de création de valeur ajoutée, de création d’emplois, de territorialisation des activités, etc. Au-delà de l’écotaxe, révélatrice d’une situation difficile, les entreprises du secteur de la production, en particulier en milieu rural, ne peuvent plus supporter ces taxations diverses et variées qui affaiblissent leur compétitivité.

Depuis trente ou quarante ans, nous avons fait peser sur la consommation l’essentiel de notre croissance interne. Aujourd’hui, nous pensons qu’il faut sans doute réallouer un certain nombre de moyens vers la production, génératrice d’emplois et de valeur ajoutée dans le secteur tertiaire. Nous sommes bien évidemment favorables au made in France, à la réindustrialisation,

J’en viens au contenu du projet de loi.

Nous sommes d’accord sur les objectifs globaux. Nous aurions simplement apprécié que soient rappelées la contribution de l’agriculture à la politique de l’emploi et sa participation positive à la balance commerciale. Je rappelle que la sphère agricole et agroalimentaire représente 12,5 milliards d’excédent net à l’exportation, alors que la France a enregistré un déficit de 80 milliards d’euros en 2012. À titre de comparaison, quand on exporte 100, les importations représentent 85 en aéronautique, mais 15 en agriculture, essentiellement des produits énergétiques.

Sur la gouvernance des filières – article 2 –, la FNSEA tient à rappeler son attachement à la cohérence de la politique agricole conduite en France. En effet, une approche trop régionalisée risquerait de faire perdre cette cohérence nationale. Au regard des moyens du deuxième pilier de la PAC, ajoutés à ceux de la BPI, des fonds professionnels et des financements classiques, il nous semble indispensable de retrouver une cohérence en matière d’investissements stratégiques dans les grandes filières agricoles. Si un certain nombre d’enveloppes doivent être territorialisées à l’avenir, nous souhaiterions au préalable une lecture nationale stratégique dans chacune des filières ; je pense particulièrement aux filières porcs et volailles, en grande difficulté. En définitive, nous craignons qu’une ventilation des financements sans cohérence nationale fasse perdre à ces derniers leur effet levier.

Sur l’article 3, relatif aux groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE), la FNSEA se montre prudente. En premier lieu, l’autorisation de faire du commerce, en particulier de céréales, serait accordée aux membres au sein du groupement. Or cela signifierait selon nous une destruction de la filière. Souvenez-vous que l’Office du blé a été créé en 1936 pour répondre à une désorganisation du marché. Attention donc à ne pas créer les conditions d’une déstructuration des marchés. En second lieu, les GIEE seraient ouverts aux non-agricoles. Je vous le dis clairement : nous n’avons pas envie de voir entrer dans ces groupements des gens qui n’ont rien à voir avec l’agriculture et qui viendront nous dire comment nous devons travailler, à quelle époque nous devons semer, etc.

L’article 4 introduit le bail environnemental, sur lequel nous sommes réticents car il nous semblait que le bon équilibre avait été trouvé dans la loi de 2006. Autant nous sommes favorables à l’introduction de clauses sur des zonages spécifiques qui font l’objet de dispositifs, de type Natura 2000, autant nous pensons que certaines clauses environnementales pourraient mettre l’exploitant titulaire du bail en difficulté, ce qui pourrait être source de contentieux, voire de résiliation.

L’article 5 concerne les groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC) et le statut de l’exploitant agricole. Nous sommes favorables à l’évolution du dispositif afin d’améliorer la transparence des GAEC et permettre la reconnaissance des associés de ces groupements. Cependant, l’affiliation à l’AMEXA n’est pas, à nos yeux, une condition suffisante pour la reconnaissance du statut d’exploitant agricole. Nos propositions d’amendements à ce sujet concerneront la maîtrise du capital social, la gestion autonome et non subordonnée de l’exploitation, un niveau d’expérience professionnelle ou de diplôme, un volume d’activité professionnelle minimum et – revendication portée par la FNSEA depuis fort longtemps – un registre de l’agriculture. À l’heure actuelle, un registre existe pour les formes sociétaires, mais pas pour les agriculteurs à titre individuel ; nous pensons que le moment est venu de créer un registre de l’agriculture permettant d’identifier les exploitants agricoles. Cela implique un certain nombre de conditions en matière d’ayants droit ou de bénéficiaires de tel ou tel dispositif. Dans le cadre de la nouvelle PAC, chaque État membre devra en effet définir ce qu’est un ayant droit.

Concernant l’article 6, nous sommes favorables à l’amélioration de la gouvernance des coopératives agricoles. Le Haut Conseil de la coopération agricole, créé en 2006, travaille à l’amélioration de cette gouvernance, définit les principes et élabore les normes de la révision. Je tiens ici à souligner la difficulté dans laquelle se trouvent aujourd’hui nos coopératives au regard de l’application du crédit d’impôt compétitivité (CICE). Non seulement la question n’est pas réglée, mais nous craignons d’être déboutés par Bruxelles. Ce sujet fera certainement l’objet d’une forte mobilisation dans le cadre du congrès de la coopération qui se tiendra les 17 et 18 décembre.

Par ailleurs, nous sommes favorables au renforcement du rôle du médiateur, qui devient médiateur des relations commerciales agricoles à l’article 7. Depuis quelques années en effet, notamment dans le cadre des relations avec les grandes enseignes, nous avons fait appel à un médiateur, récemment dans le dossier laitier. Néanmoins, la médiation doit être encadrée dans le temps pour apporter des réponses satisfaisantes.

La représentativité syndicale dans les interprofessions est un vrai sujet. Nous sentons bien que la volonté du ministre est partagée par un grand nombre d’entre vous. Un arrêté de la Cour européenne a reconnu, au printemps dernier, le caractère privé des interprofessions et donc de leurs ressources. Notre agriculture est sans doute la plus diversifiée d’Europe, elle est familiale et donc à taille humaine, mais elle doit nous apporter, notamment dans les schémas de filière, une efficience économique, ce qui nécessite de regrouper des moyens aujourd’hui dispersés. À cet égard, l’interprofession reste à nos yeux un outil efficace et adapté à la situation de l’agriculture française. L’Organisation commune de marché impose de mesurer le poids pour chaque secteur à hauteur des deux tiers de la valeur économique dans chaque interprofession. Or si cette mesure est aisée pour la collecte et la transformation, elle est plus compliquée pour le secteur de la production. Pour mesurer cette représentation, le ministre a proposé de s’appuyer sur les élections aux chambres d’agriculture. Or selon les juristes ayant travaillé sur le sujet, cette représentation issue des chambres d’agriculture n’est pas représentative d’un secteur de production au regard du droit communautaire – elle est une représentation transversale, généraliste des agriculteurs. Il faut donc rediscuter de ce sujet.

S’agissant des dispositions sur la sécurité et la santé au travail, nous ne souhaitons pas qu’elles engendrent trop de complexité pour les exploitants. Il est fait référence, en particulier, au fait pour les exploitants de faire appel à des sociétés de prestations de services. Ce cadre nous semble assez contraignant.

Sur la qualité de l’alimentation, nous partageons la volonté du ministre de renforcer le lien entre production agricole, agroalimentaire et consommation, dans une double approche de coresponsabilité et de « culture alimentaire ». En effet, deux modèles s’opposent aujourd’hui sur la scène mondiale : celui consistant à conserver une diversité alimentaire s’appuyant sur les terroirs et les savoir-faire, que nous défendons et essayons de partager avec les Européens, mais aussi le marché méditerranéen et, pourquoi pas, une partie de l’Afrique ; et le modèle anglo-saxon qui entend la qualité au sens sanitaire du terme. La pratique anglo-saxonne consistant à tremper dans des bains chlorés des poulets afin de les rendre indemnes de toutes bactéries ne répond pas selon nous à une démarche qualité, laquelle doit être mesurée à chacun des maillons de la chaîne – du producteur au consommateur –, avec des cahiers des charges rigoureux et des pratiques respectueuses des consommateurs. Aussi sommes-nous favorables au renforcement de l’approche filière.

S’agissant du volet foncier, il nous semble nécessaire d’aller au-delà des commissions départementales de la consommation des espaces agricoles (CDEA) pour avoir un peu plus de prise sur les documents d’urbanisme que sont les SCOT et les PLU. Nous ne demandons pas à nous substituer aux élus et aux administrations, nous souhaitons que la question des espaces agricoles soit appréhendée sous l’angle de la consommation du foncier, mais aussi de la compensation agricole pour des consommations qui sortent de l’agriculture. En effet, l’amputation d’un hectare porteur de biodiversité implique en contrepartie une équivalence facteur 3 ou 5 dans l’agriculture ou la forêt. Il est donc important selon nous d’étudier les moyens permettant d’introduire une forme de compensation pour l’agriculture lorsque les surfaces sources de biodiversité sont amputées. C’est un sujet difficile sur lequel il faut apporter des réponses.

Sur l’installation, je laisse aux Jeunes agriculteurs (JA), que vous allez auditionner tout à l’heure, le soin de vous en parler.

Enfin, s’agissant de la fiscalité agricole, nous ferons des propositions sur le régime forfaitaire et le régime réel. Nous pensons introduire une réflexion sur le régime de la micro-entreprise, qui pourrait progressivement se substituer au forfait, devenu illisible aujourd’hui. Nous pensons également intéressant de donner la possibilité pour des agriculteurs au bénéfice réel d’opter pour un régime d’impôt sur les sociétés adapté à l’agriculture. Une telle mesure aurait l’avantage de distinguer le résultat de l’entreprise et les prélèvements opérés par l’agriculteur sur son entreprise pour ses propres besoins et qui seraient fiscalisés au titre de l’impôt sur le revenu.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Monsieur le président, je me réjouis de constater que nous partageons les mêmes objectifs globaux. Votre constat est exact : la demande mondiale croît, mais l’agriculture française s’est affaiblie au cours des dernières années. En effet, le nombre d’exploitations agricoles a drastiquement diminué – de 26 % au cours des dix dernières années – et la place de la France recule en matière d’exportations. En outre, sur les 12,5 milliards d’excédents de la balance commerciale agricole, les trois quarts sont attribués aux vins et spiritueux.

S’agissant du projet de loi à proprement parler, je suis très sensible à vos arguments sur l’emploi et l’innovation. La double performance économique et environnementale doit s’accompagner d’une performance sociale. L’un des objectifs est bien d’assurer le niveau de vie des agriculteurs, dont un grand nombre quitte le métier pour cause de revenus insuffisants.

Selon moi, les GIEE peuvent être un outil utile à l’innovation. L’appel à projets dans le cadre du CASDAR a en effet porté ses fruits, puisque 450 dossiers sont d’ores et déjà constitués. Monsieur le président, quels critères devraient permettre, selon vous, d’encadrer les GIEE au niveau national ?

Enfin, le problème de l’installation est indissociable de la question foncière. Êtes-vous favorable à un droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) sur des parts de société ou la totalité des parts de société ? C’est en effet par le jeu des sociétés qu’on échappe au contrôle des structures.

M. Antoine Herth. Monsieur le président, j’ai le sentiment que ce projet de loi passe à côté de l’essentiel, à savoir la compétitivité, l’innovation et le choc de simplification. Il me semble donc nécessaire de le modifier.

S’agissant de l’autorisation de mise sur le marché de produits phytosanitaires, il semblerait que le ministre veuille se débarrasser de cette « patate chaude » pour la confier à l’ANSES. Quelle est votre opinion sur le sujet ? Pour ma part, je pense qu’avec une telle disposition sur les OGM, il y aurait du MON810 partout en France aujourd’hui…

Mme Brigitte Allain. Monsieur le président, pensez-vous que des États généraux de l’agriculture, que vous appelez de vos vœux, peuvent être conduits par un syndicat ?

Considérez-vous qu’une organisation des filières en vue de rapprocher production et consommation constitue un défi pour l’agriculture, au regard des défis très importants que sont l’emploi et l’agro-écologie notamment ?

Enfin, pensez-vous que la représentativité syndicale s’oppose réellement au caractère privé des interprofessions ?

M. Franck Reynier. Monsieur le président, soyez assurés de notre soutien à l’ensemble des chefs d’entreprise que sont les agriculteurs français. La balance commerciale des produits agricoles et agroalimentaires est en position de deuxième excédent derrière l’aéronautique, et l’agriculture est un atout économique important pour notre pays.

La FNSEA est sensible aux problématiques qui touchent au coût du travail. Il nous faut réfléchir aux moyens de la compétitivité dans un marché européen qui met en difficulté notre agriculture. L’écotaxe, source d’inquiétudes fortes, est la manifestation d’un trop-plein fiscal. Une réflexion en profondeur s’impose.

Les contraintes administratives sont fortes, comme vous l’avez souligné, et appellent un véritable choc de simplification.

Je partage votre inquiétude sur le fait que le principe de précaution ne doit pas constituer un frein à l’innovation.

Enfin, le groupe UDI appelle de ses vœux une politique forte de soutien à l’installation et au renouvellement des exploitations, mais aussi de solidarité à l’égard des agriculteurs en difficulté. Quelles sont vos préconisations en la matière ?

Mme Jeanine Dubié. Merci, monsieur le président, de nous avoir présenté votre point de vue sur ce projet de loi qui nous semble un bon texte. Sans revenir sur les chiffres, nous savons combien le délitement de l’agriculture française a des conséquences désastreuses sur l’emploi, l’aménagement et la revitalisation des territoires ruraux, l’autonomie et la sécurité alimentaire, mais aussi sur notre balance commerciale et l’image de notre pays dans le monde.

Vous avez peu abordé l’enseignement agricole. Deux articles du texte témoignent de la volonté politique de faire de l’enseignement agricole un outil au service d’une politique de transition vers une agro-écologie, c’est-à-dire une agriculture performante économiquement, mais aussi plus responsable et plus respectueuse de l’environnement. Que pensez-vous de cette orientation ? Comment pensez-vous vous impliquer dans le développement de l’apprentissage des nouvelles techniques agricoles dans l’enseignement ? Ces formations professionnelles orientées vers l’agro-écologie doivent-elles être généralisées ?

On entend souvent les agriculteurs se plaindre des contraintes et d’un coût de travail plus élevé par rapport à celui de leurs concurrents européens. Quelles mesures prioritaires permettraient, selon vous, de tendre vers une compétition plus équitable au niveau européen, comme au niveau national ?

M. André Chassaigne. Concernant le foncier, pensez-vous intéressant d’établir une forme de convergence entre les SAFER et d’autres établissements fonciers existant en région pour apporter une réponse globale, en particulier aux questions touchant à l’artificialisation des terres et au maintien des terres agricoles ?

Vous avez rappelé le caractère privé des interprofessions. Cela signifie-t-il qu’elles pourraient s’appuyer sur une cotisation volontaire, ce qui leur permettrait d’échapper aux distorsions de concurrence et d’avoir une plus grande indépendance d’action ? La dimension volontaire signifierait la non prise en compte de certains producteurs. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

Pensez-vous que la création d’un institut agronomique et vétérinaire regroupant les grands organismes de recherche, comme l’INRA et le CIRAD notamment, répond à une véritable attente ? N’oublions pas le maigre bilan d’Agreenium, créé pour regrouper les recherches en agriculture et environnement.

Enfin, le groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE) me semble une bonne réponse au développement agricole. Pouvez-vous revenir sur les raisons de votre réticence sur ce sujet ?

M. Philippe Le Ray. Le projet de loi est assez décevant car il ne fixe pas d’objectifs réels, en particulier sur les volumes.

Si la protection de l’environnement est une nécessité, sans doute aurait-il été préférable de passer par l’expérimentation pour les GIEE pour en mesurer l’efficience, notamment d’un point de vue budgétaire.

Enfin, les consommateurs ont le droit de savoir combien sont payés les gens qui vivent des métiers agricoles. Que pensez-vous d’une traçabilité sociale pour les produits ?

Mme Frédérique Massat. Monsieur le président, vous avez évoqué le risque de perte de cohérence nationale s’agissant des investissements dans les grandes filières. Que proposez-vous pour ce texte ?

Le texte renforce la performance sanitaire, en particulier par la limitation du recours aux produits phytosanitaires. Pouvez-vous nous en parler ?

Enfin, quelle est votre position sur la transmission d’exploitation et l’accès au métier d’agriculteur à travers le contrat de génération ?

M. Thierry Benoit. Monsieur le président, le 25 octobre 2012, vous avez été auditionné dans le cadre d’une mission sur les coûts de production en France. À cette occasion, vous avez évoqué les charges sur les salaires, la fiscalité, les règles de concurrence, les distorsions de concurrence en Europe. Depuis, les choses ont peu évolué.

En embrassant plusieurs thématiques, ce texte de loi n’est pas sans intérêt, mais il n’apporte pas d’éléments concrets sur la compétitivité des outils de production, la simplification administrative, les mutations agricoles. En matière de simplification administrative, il me semble nécessaire d’aborder les ICPE et d’aller au-delà de ce qui est proposé en termes de régime d’enregistrement, mais aussi la simplification réglementaire pour les dossiers de mise aux normes des bâtiments d’élevage, la réduction des délais d’instruction, la création d’un guichet unique pour le dépôt des demandes des agriculteurs, etc. Toutes ces mesures urgentes sont demandées par les agriculteurs.

M. Hervé Pellois. Le projet de loi propose que l’évaluation et l’autorisation de mise sur le marché soient réalisées par le même organisme, l’ANSES. C’est déjà le cas pour la médecine humaine et les produits vétérinaires. Pourquoi tant de réticences pour les produits phytosanitaires ?

M. Alain Marc. Monsieur le président, la contracyclicité des aides est appliquée aux États-Unis et permet de corriger la volatilité des prix. Que pensez-vous de la contra-cyclicité dans l’attribution des aides dans le cadre de la PAC à partir de 2020 ?

M. Michel Lefait. Monsieur le président, depuis que le cours des céréales est fortement et continûment à la hausse, tous les observateurs de bonne foi s’accordent pour relever la distorsion choquante qui caractérise la répartition des subventions européennes entre les agriculteurs qui vivent fort confortablement de cette culture et les éleveurs qui peinent de plus en plus à survivre.

Le récent rééquilibrage de ces aides entre ces deux catégories d’agriculteurs a certes marqué un réel progrès, sans toutefois corriger radicalement un système qui pénalise injustement les producteurs français de viande et de lait.

Monsieur le président, quel jugement portez-vous sur les correctifs timides, mais réels, qui ont été apportés par le Gouvernement à cette redistribution des compensations communautaires ? Pouvez-vous nous dire les raisons qui ont conduit les principaux bénéficiaires de la manne européenne, à savoir les céréaliers, à bloquer les autoroutes pour manifester leur hostilité à ce redéploiement solidaire ?

M. Éric Straumann. Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture propose de supprimer la délivrance par les vétérinaires de certains antibiotiques pour la confier aux pharmaciens. Qu’en pensez-vous, monsieur le président ?

M. Kléber Mesquida. Monsieur le président, vous avez rappelé à juste titre l’excédent de la balance commerciale de l’agriculture. Néanmoins, la France ayant perdu la place qu’elle occupait auparavant, vous avez évoqué les charges administratives et émis le souhait de voir réunis des États généraux de l’agriculture.

Sachant que le gouvernement actuel tend vers la simplification des normes, ces charges administratives sont-elles allégeables ? Dans quelle mesure des charges simplifiées ne freineraient-elles plus le développement de l’agriculture pour redonner à la France la place qu’elle occupait dans le monde ?

M. Jean-Claude Mathis. Deux articles du projet de loi abordent l’enseignement agricole, ce qui témoigne de la volonté de faire de cet enseignement un outil au service d’une politique clairement affirmée. Personne ne peut contester la nécessité d’envisager le développement de l’agriculture sous l’angle économique, mais aussi environnemental. Quelle est la position de la FNSEA sur ces deux articles ?

M. Razzy Hammadi. Monsieur le président, vous avez souligné l’insuffisance de ce projet de loi sur plusieurs aspects : l’innovation, la créativité, l’investissement dans la recherche et développement, tous sujets en lien avec la compétitivité hors coût et la capacité exportatrice de l’industrie agroalimentaire française. Pourriez-vous nous apporter des précisions ?

Comment les coopérations méditerranéennes pourraient-elles constituer un levier dans le cadre des débats transatlantiques futurs ?

Enfin, quel sens donnons-nous à la norme pour rendre notre pays plus fort à l’intérieur, mais surtout au-delà de nos frontières ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Sur l’agriculture, on pourrait aussi parler de la loi sur l’eau, des problèmes de transport, de l’écotaxe, etc. Nos agriculteurs sont des entrepreneurs, or la France n’a pas la culture de l’entreprise. Pour ne donner qu’un exemple, il faudrait accorder des délais pour les mises aux normes imposées aux agriculteurs.

Mme Jacqueline Maquet. Monsieur le président, que préconisez-vous pour une répartition plus équitable des subventions de la PAC entre les céréaliers et les éleveurs, mais aussi et surtout entre les régions ?

M. Dino Cinieri. L’article 7 du projet de loi d’avenir pour l’agriculture prévoit une durée minimale des contrats de vente de cinq ans. Or la possibilité de renégociation des prix en cas de fluctuations, à la hausse comme à la baisse, rendra difficile leur exécution. Qu’en pensez-vous ? Pour les jeunes agriculteurs installés depuis moins de cinq ans, la durée pourra être allongée de deux années supplémentaires, soit au minimum sept ans. Par ailleurs, sauf disposition particulière, le contrat ne pourra être rompu qu’à son terme, sous réserve d’un préavis. Or le projet de loi ne mentionne pas, dans l’hypothèse où la contractualisation est collective avec des contrats signés à la même date, si un jeune agriculteur conclura un contrat personnel d’au moins sept ans ou s’il se raccrochera au wagon avec au final un contrat d’une durée plus courte. Avez-vous obtenu de la part du ministre des garanties à ce sujet ?

Par ailleurs, pensez-vous que le médiateur aura suffisamment de moyens pour défendre les agriculteurs face à la grande distribution, notamment lorsqu’il s’agira de répercuter la hausse des prix des matières premières ? Le médiateur ne pourra, dans tous les cas de figure, ne donner qu’un avis ou une recommandation. Cela vous semble-il suffisant ?

M. Dominique Potier. Monsieur le président, êtes-vous favorable à la définition d’un registre de l’agriculture qui permette de distinguer les travailleurs bénéficiaires des aides publiques et soumis aux contrôles des structures, d’un côté, et les participations à l’agriculture plus financières, de l’autre ?

En matière d’agroécologie, êtes-vous favorable à une thématique prioritaire au sein de l’ANSES pour la promotion du biocontrôle ?

Mme Fanny Dombre Coste. L’Observatoire national de la consommation des espaces agricoles (ONCEA), dont je suis la présidente, a été créé en 2010 et mis en place sous ce gouvernement. Son rapport est le fruit d’un travail très complexe dans la mesure où aucune base de données n’a été conçue pour mesurer spécifiquement le changement de destination des espaces agricoles. Néanmoins, il a largement contribué à l’élaboration de cette loi. Aussi sommes-nous favorables au renforcement des dispositifs de préservation du foncier, mais également à l’inversion du regard dans les documents d’urbanisme et à la mise en place d’une vraie réflexion sur le développement agricole pour nos collectivités territoriales.

Monsieur le président, comment mieux articuler le droit de préemption, sachant que nous nous sommes tous favorables à la simplification administrative et réglementaire ?

M. Philippe Armand Martin. Monsieur le président, les SAFER ne peuvent plus remplir leur rôle, notamment pour certaines cultures, particulièrement la viticulture, où les grands groupes s’accaparent le foncier. Le projet de loi ne règle pas le problème. Que proposez-vous ?

Que pensez-vous du CICE dans un contexte d’augmentation des cotisations sociales. Je pense plus particulièrement à la suppression des exonérations sur les travaux saisonniers, qui est une catastrophe dans certaines filières comme la viticulture et le maraîchage ? Comment ce projet de loi pourrait-il y remédier ?

Mme Marie-Lou Marcel. Vous avez expliqué qu’une approche régionale nous ferait perdre une cohérence nationale. Par ailleurs, vous avez fait part de vos réticences sur le CICE. Pouvez-vous apporter des précisions sur ces deux points ?

M. Lionel Tardy. La baisse conséquente de l’aide à la cessation d’activité et à la réinsertion professionnelle est préoccupante, d’autant qu’elle n’a pas été compensée par une forte incitation au maintien à l’activité puisque les aides en faveur du redressement des exploitations en difficulté et le fonds d’allègement des charges sont, eux aussi, en diminution. Partagez-vous cette inquiétude ?

Parallèlement au projet de loi d’avenir pour l’agriculture, le projet de loi ALUR comporte des dispositions sur l’urbanisme et ce qu’on appelle l’artificialisation des sols. Avez-vous des réserves sur ce texte s’agissant des points susceptibles d’impacter directement les terrains agricoles ?

M. Jean-Louis Bricout. Le problème se pose de la transmission des GAEC, dont le statut date de 1976, dans la mesure où les repreneurs doivent répondre à trois critères importants – capitaux, travail, compétence. Comment ce statut peut-il évoluer, selon vous ?

M. le président François Brottes. Dans le cadre de cette commission, Mme Lauvergeon elle-même avait appelé de ses vœux l’instauration d’un principe d’innovation.

M. Xavier Beulin. Je dispose de peu de temps pour répondre, mais nous vous ferons parvenir, dès ce soir, un document qui comportera des réponses précises à vos nombreuses questions.

Pour nous, le terme de « compétitivité » n’est pas un gros mot. Il y a quelques années, nos compétiteurs étaient plutôt transatlantiques pour certains produits, océaniens pour les produits laitiers. Aujourd’hui, ils sont européens : les Pays-Bas, qui ont toujours été un grand pays agricole, l’Allemagne et les nouveaux entrants dans l’UE, en particulier la Pologne qui se montre extrêmement dynamique. Finalement, ces dix dernières années, le commerce agricole et agroalimentaire de l’Union européenne a peu évolué sur pays tiers, mais s’est modifié à l’intérieur des Vingt-Sept. Autrement dit, ce que nous avons perdu côté français a été capté par nos voisins ; c’est une sorte de jeu à somme nulle, malgré une demande mondiale en croissance continue.

Monsieur Hammadi, pour nous, la Méditerranée est un sujet à part entière pour deux raisons qui touchent à notre responsabilité. D’abord, les pays méditerranéens ont fortement besoin de consolider leur agriculture pour leurs propres besoins, d’où l’importance du codéveloppement, du partenariat actif, de ce qu’on appelle aujourd’hui la colocalisation des projets. Ensuite, dans la mesure où le déficit de ces pays restera malheureusement structurel pour des raisons de démographie et de potentiel agricole – je pense en particulier à l’accès à l’eau –, l’Europe et tout particulièrement la France ont un rôle à jouer dans le cadre d’une solidarité active qui, au-delà d’une simple relation commerciale, constitue à mes yeux un véritable atout qu’il faut essayer de valoriser.

Nous nous interrogeons sur le CICE pour deux raisons. D’abord, l’impact du CICE dans la sphère agricole est très relatif – il est beaucoup plus sensible dans les services. Ensuite, son impact dans la sphère agricole est plus important pour les grandes enseignes, dont 80 % de la masse salariale est ciblé par ce dispositif. Ainsi, on va redonner de la marge aux distributeurs qui nous déclarent vouloir utiliser celle-ci pour les consommateurs, mais pas pour les fournisseurs. Or parallèlement, la fiscalité indirecte, que ce soit l’écotaxe, la fiscalité écologique ou la taxe carbone, va peser essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, sur le secteur de la production. Tout cela reviendra à déséquilibrer à nouveau les rapports à l’intérieur de la filière, mais également au regard de nos compétiteurs européens, ce que nous ne pouvons pas accepter.

C’est pourquoi nous sommes favorables depuis des années – et je l’ai redit hier au Premier ministre – à un transfert d’une partie des cotisations sociales, notamment la part familiale, sur le taux de TVA. Une majoration de la TVA d’un point ou d’un point et demi signifierait que les importations porteraient une part de notre modèle social, ce qui redonnerait de la compétitivité à la production agricole. Par contre, la FNSEA est consciente depuis toujours qu’un point à un point et demi de TVA toucherait de plein fouet les ménages à faibles revenus. Elle souhaite donc une réponse proportionnée et c’est pourquoi nous défendons, avec l’économiste Christian Saint-Étienne, l’idée d’une compensation pour les bas salaires via la fiche de paie.

M. le président François Brottes. Vous êtes en partie satisfait.

M. Xavier Beulin. La TVA va augmenter, mais nous n’avons pas obtenu en ce que nous demandions. Je précise que nous suivons avec beaucoup d’attention les discussions en Allemagne sur l’instauration d’un salaire minimum, que nous appelons de nos vœux, mais, d’après un article paru dans la presse allemande, il semblerait que les nouveaux Lander en seraient exonérés.

Sur le volet foncier, nous sommes très favorables à un examen, par les CDOA ou autres, des transferts de parts de société. Néanmoins, nous risquons de nous de heurter à des difficultés au regard du droit civil et du droit des sociétés. Il n’est demeure pas moins que le contrôle des structures est contourné et que la transparence dans les mutations n’est pas garantie lors de la création de consortiums.

Le GIEE n’est pas l’outil miracle qui permettra de régler les problèmes de compétitivité intrinsèques et transversaux à l’agriculture française. En revanche, nous souhaitons fortement voir consolider ce qui fait la force et l’excellence de notre agriculture, à savoir sa diversité. Des regroupements d’agriculteurs peuvent être porteurs d’innovation, de savoir-faire et de circuits courts. S’agissant des conditions d’agrément, nous pensons qu’il faut à la fois des garanties de compétence et surtout ce que j’appellerai des dispositifs d’accréditation des conseillers. En effet, la tentation est forte aujourd’hui de remettre en cause des schémas ayant fait leur preuve, que ce soit dans l’enseignement agricole, le développement, les chambres d’agriculture, les réseaux de conseil. Nous craignons donc une forme de déprofessionnalisation de l’agriculture, avec l’introduction d’autres formes de conseils, y compris de compétences ou d’expertise qui n’ont rien à voir avec l’agriculture. Nous dirons oui à l’agroécologie à condition de conserver les fondamentaux économiques et sociaux nous permettant de rester des acteurs majeurs.

Le ministre a commandé à FranceAgriMer un travail d’expertise sur les filières agricoles et agroalimentaires françaises. Sans cohérence dans l’organisation des moyens de la PAC, de la BPI, des banquiers privés, de nos fonds professionnels, nous ne retrouverons pas l’efficacité dont nous avons besoin dans nos filières. Je ne remets pas en cause la régionalisation, je préconise de conserver un cadre de cohérence nationale avant la déclinaison des moyens au plan territorial. Vous le savez, la filière bovine est très présente dans le centre de la France, la filière porcine et avicole se trouve plutôt dans l’ouest, etc.

L’opposition permanente entre céréaliers et éleveurs, entre circuits courts et filières longues, entre agriculture biologique et agriculture conventionnelle, n’a pas de sens à mes yeux ! Les céréaliers ne captent pas l’essentiel des aides de la PAC ! En effet, les deux tiers d’entre eux sont des polyculteurs – je suis moi-même à la fois céréalier, éleveur et producteur de semences. Nous assumons parfaitement les orientations de la future PAC qui vont conduire à une réaffectation des moyens au secteur de l’élevage dans le cadre du premier pilier, mais surtout du deuxième pilier. Sur ce point, la FNSEA n’a aucun d’état d’âme. Cela étant dit, si l’on veut faire de la PAC un outil de régulation des revenus agricoles, je ne donne pas cher de notre agriculture dans les années à venir !

Nous avons la chance d’avoir en France une agence de la sécurité, l’ANSES, qui fait parfaitement son travail d’expertise. Nous en avons besoin. La question est de savoir si l’on peut lui confier un rôle à la fois d’expertise et de décideur – je ne suis pas sûr qu’on aurait beaucoup évolué sur le dossier des biotechnologies si toute la responsabilité avait été confiée à l’ANSES en la matière. À notre sens, le rôle de décideur revient plutôt aux élus.

Le rôle de la France dans l’Union européenne et la manière dont elle fait progresser ces sujets à Bruxelles est un sujet important. Un autre tout aussi important est de savoir si une réglementation peut s’appliquer à l’ensemble de l’Europe. Or nous constatons que la France se distingue de plus en plus de la règle européenne, en particulier dans le domaine des phytosanitaires.

Nous sommes opposés à la remise en cause de la possibilité pour les vétérinaires de distribuer des produits médicamenteux. Si c’était le cas, l’éleveur devrait se déplacer muni de son ordonnance pour se rendre dans une pharmacie, ce qui complique les choses.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Cette disposition a été retirée du texte.

M. Xavier Beulin. Tant mieux. Nous espérons qu’elle ne sera pas réintroduite !

Nous croyons à la contractualisation. Néanmoins, il faudra établir un lien entre la loi portée par Benoît Hamon et la loi d’avenir pour l’agriculture. Les grandes enseignes françaises et nous-mêmes avons du mal à nous comprendre : elles souhaitent une liberté absolue dans le cadre des relations commerciales ; nous leur demandons un minimum d’engagement et de réciprocité. On demande beaucoup aux producteurs et aux coopératives en termes d’engagement, de cahiers des charges, etc. ; or le retour est largement en deçà de nos attentes, en particulier sur les prix.

Dans la mesure où il existe un observatoire des prix et des marges, nous aimerions pouvoir nous doter d’informations sur les marchés. Cela garantirait une équité dans les négociations commerciales au regard des informations dont disposent les producteurs, les collecteurs, les transformateurs et les distributeurs. Chacun pourrait se retrouver avec des arguments objectifs.

Les durées des contrats – cinq ans, sept ans – devraient correspondre à la demande formulée par les Jeunes Agriculteurs en particulier.

M. le président François Brottes. S’agissant des clauses de révision des prix, la grande distribution nous dit que les fournisseurs ne sont pas transparents sur la part des matières premières dans les produits qui lui sont vendus.

M. Xavier Beulin. D’où l’importance de l’observatoire, qui a un caractère public. La difficulté existe depuis toujours : chacun a ses sources, chacun conteste les sources de l’autre. Si nous voulons prendre en compte la volatilité des prix agricoles à laquelle nous sommes soumis depuis plusieurs années, il faudra bien identifier dans le produit fini la part de matières premières soumise aux fluctuations.

Sur les interprofessions, la Cour européenne a reconnu le caractère privé des cotisations volontaires obligatoires. Cela veut dire concrètement que l’extension des accords interprofessionnels par la puissance publique ne remet pas en cause le statut des interprofessions, ni le caractère privé des ressources interprofessionnelles.

Ensuite, tous les agriculteurs relevant du secteur d’une interprofession sont les ayants droit de cette interprofession.

Dans le contexte actuel, chacun s’interroge sur la ressource publique affectée à l’investissement, à la promotion, etc. – je pense en particulier aux moyens de FranceAgriMer. Je trouverais dommage de se priver de la ressource interprofessionnelle. Je pense en outre qu’il serait intéressant de réfléchir à l’articulation entre la ressource publique et la ressource interprofessionnelle pour promouvoir des synergies dans les programmes.

Sur la représentativité, le sujet n’est pas de savoir si les syndicats minoritaires doivent entrer dans les interprofessions – nous n’avons aucun état d’âme à ce sujet –, il porte sur la gouvernance des interprofessions. Nous ne voulons pas voir mis en place un dispositif qui conduirait à un blocage systématique, faute d’avoir prévu un mode de gouvernance adapté.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Certains nous ont proposé que les décisions à l’intérieur des collèges soient prises à la majorité pour éviter le blocage. Il faut dépasser le débat sur le pluralisme dans les interprofessions et introduire de nouvelles règles de gouvernance pour faire évoluer les choses.

Mme Brigitte Allain. Monsieur le président, je vous ai demandé si la réorganisation des filières par un rapprochement de l’agriculture et de l’alimentation était un vrai défi pour l’agriculture.

M. Xavier Beulin. Nous sommes attachés à une professionnalisation de l’agriculture, mais aussi à la vision stratégique de filière et à la diversité des segments de marchés sur lesquels nous nous trouvons. Dans mon département, 700 à 800 producteurs ont une activité de circuit court, principale ou secondaire, mais sont aussi sur des filières longues. Ne soyons pas binaires. Valorisons tout ce qui peut l’être dans la relation de proximité entre producteurs et consommateurs. En matière d’organisation, y compris des circuits courts, nous devons progresser. Il faudrait faire preuve d’ouverture sur ces questions, sans posture syndicale ou politique.

Mme Corinne Erhel. Pourriez-vous préciser en quoi le CICE n’est pas intéressant, notamment sur les filières légumières, fruitières et horticoles, pourvoyeuses de main-d’œuvre ? J’ai l’impression qu’il s’agit davantage d’une position de principe.

M. Xavier Beulin. Les exploitations fortement employeuses de main-d’œuvre sont de vraies entreprises et vont entrer dans le mécanisme. L’agriculteur à son compte qui travaille avec un salarié passera à côté. Les grands bénéficiaires seront plutôt à l’aval et surtout dans les services. Ainsi, même si une partie de la filière agricole et agroalimentaire est bénéficiaire, je pense aux grandes enseignes, cet avantage ne sera pas répercuté sur l’amont de la filière. D’où l’intérêt d’États généraux de l’agriculture qui apporteraient une lecture globale sur tous ces sujets – fiscalité, aspects sociaux, réglementation.

Mme Annie Genevard. Monsieur le président, sur la gouvernance de l’interprofession, que pensez-vous de décisions prises à la majorité ?

M. Xavier Beulin. Parallèlement au problème de la gouvernance au sens de la majorité au sein de chaque collège, se pose la question du nombre de sièges qui sera réservé à chacune des organisations membres des collèges. Comme je l’ai dit, il ne faudrait pas empêcher l’interprofession de travailler. Une réflexion s’impose donc sur la représentativité, notamment dans le collège des producteurs.

M. le président François Brottes. Merci, monsieur le président.

*

* *

Puis la commission a auditionné M. François Thabuis des Jeunes Agriculteurs, président, M. Thomas Diemer, administrateur national et trésorier et M. Antoine Daurelle, administrateur national.

M. le président François Brottes. Nous accueillons à présent M. François Thabuis, président des Jeunes Agriculteurs. Certaines organisations syndicales ont préféré des auditions séparées souhaitant présenter seules leur point de vue. J’ai d’ailleurs cru noter quelques écarts d’analyses entre JA et FNSEA.

M. François Thabuis, président des Jeunes Agriculteurs. Nous souhaitons que la loi d’avenir pour l’agriculture permette d’apporter des réponses à nos filières et à nos exploitations.

Par le passé, le CNJA a été précurseur dans ce pays en matière d’outils structurants pour l’agriculture, avec les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), le schéma des structures, le statut du fermage. Les jeunes agriculteurs ont toujours porté le projet politique consistant à donner des moyens au développement de l’agriculture et à apporter des réponses constructives aux territoires.

Aujourd’hui, nous sommes à un tournant : la société doit choisir quelle agriculture elle veut pour demain. Il s’agit de choisir une politique qui mise, bien plus qu’elle ne l’a fait dans le passé, sur les hommes et les femmes dans les territoires. On parle beaucoup de relance économique, de redressement productif. Nous sommes convaincus que les défis seront relevés si le modèle agricole mise sur la création d’emplois directs et indirects et la valeur ajoutée qui sera partagée à l’échelle du territoire.

Pour notre part, nous tentons de nous inscrire dans une dynamique d’unité.

Selon les Jeunes Agriculteurs, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture est très axé sur le présent. Nous souhaiterions plus de projections, des éléments concrets, notamment sur les volets agriculture et territoires, agriculture et environnement. A cet égard, nous aimerions trouver une position moins conflictuelle avec nos partenaires.

Nous saluons la reconnaissance des groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE), tout en souhaitant plus d’efficience en termes de moyens et d’outils. Nous notons un manque d’ambition.

Pour nous, l’avenir doit se construire sur la transmission des exploitations, ce qui renvoie à la question de l’accès au foncier, à l’installation, à tous les outils permettant de préserver une agriculture de type familial. À cet égard, nous sommes très attachés au schéma des structures, qui a été affaibli par les lois précédentes. L’orientation vers un modèle permettant de conserver un maximum d’agriculteurs et d’éviter les détournements relève d’un choix politique. Il nous paraît essentiel de définir l’ensemble des mesures capables de renforcer le schéma des structures dans le cadre du volet foncier. À cet égard, la taxe introduite dans la loi de modernisation de l’agriculture est peu dissuasive ; c’est un vrai sujet.

Les Jeunes Agriculteurs attendent également que le renouvellement des générations soit un point important dans les organisations de filières. Un exemple : plus de 50 % du cheptel des vaches allaitantes est détenu par des éleveurs de plus de cinquante ans. Les politiques économiques, notamment au travers de la contractualisation, doivent cibler « l’enjeu jeune ». Il faut des contrats plus ambitieux : les jeunes qui démarrent ont particulièrement besoin d’un contrat économique plus sécurisant.

Selon nous, le développement de l’agroécologie dans les territoires nécessite de faire preuve de beaucoup plus d’ambition en matière de recherche et d’innovation. En dépit du contexte budgétaire difficile, il faut trouver des solutions. C’est pourquoi les GIEE nous semblent intéressants. Demain, les solutions dépendront des acteurs sur les territoires et des vrais outils mis en place.

En conclusion, la question de l’installation et de la transmission nous tient particulièrement à cœur. Celle du foncier est essentielle : faute de protéger le foncier, on n’aura pas d’agriculteur. Enfin, l’organisation économique est primordiale car, alors que Bruxelles a choisi depuis plusieurs décennies de démanteler tous les outils de régulation et d’encadrement de la production, nous avons besoin de trouver des outils modernes et des réponses efficaces, notamment sur la contractualisation, l’organisation des filières et les interprofessions.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Nous partageons la vision des Jeunes Agriculteurs. Il faut remédier aux problèmes de l’installation et du renouvellement des générations. En effet, la moitié des éleveurs ont plus de cinquante ans.

La clé de l’installation est l’accès au foncier. Nous ne souhaitons pas affaiblir le contrôle des structures ; au contraire, le projet de loi renforce le contrôle des structures et améliore la gouvernance.

Aujourd’hui, une astuce pour contourner le contrôle des structures est la vente de parts de société. Une autre astuce est de transférer la nue-propriété puis l’usufruit. C’est pourquoi avec mes collègues nous avions déposé une proposition de loi permettant aux SAFER de préempter des parts de société ou la totalité des parts de société. Êtes-vous favorable à cette proposition ?

M. Dino Cinieri. Le renouvellement des générations est un enjeu majeur car notre pays compte de moins en moins d’agriculteurs. Aujourd’hui, ce métier nécessite de nombreuses compétences techniques, mais aussi en gestion. Les jeunes agriculteurs de la Loire, par exemple, conduisent plusieurs productions animales et/ou végétales sur leur exploitation. Les articles 26 et 27 sur la formation initiale et continue vous semblent-ils suffisants pour aider les jeunes à s’installer dans des conditions satisfaisantes, dans un cadre familial ou hors familial ?

Le contrat de génération – article 14 – prévoit que les exploitations bénéficient d’une aide lorsque l’exploitant de cinquante-sept ans et plus emploie une personne hors cadre familial, non issue du monde agricole, en vue de lui transmettre l’exploitation. L’exploitant peut embaucher un jeune hors cadre familial âgé de moins de trente ans et sous différents statuts – salarié, apprenti, stagiaire de la formation professionnelle. Ce contrat de génération semble donc bien adapté au monde agricole. N’est-ce pas, selon vous, une erreur de ne pas l’étendre aux embauches dans le cadre familial ?

Mme Jeanine Dubié. La formation initiale est un élément majeur pour pouvoir attirer des jeunes sur les exploitations. Les dispositions du projet de loi sur l’enseignement professionnel vous semblent-elles répondre cet enjeu ?

Les aides relatives à l’installation des jeunes agriculteurs vous semblent-elles suffisantes ?

Enfin, quel bilan tirez-vous de la suppression des ADASEA, dont la mission a été reprise par les chambres d’agriculture ?

M. Thierry Benoit. Selon vous, le projet de loi s’attache davantage au présent qu’à la préparation de l’avenir. Pour ma part, je pense, comme je l’ai dit à M. Beulin, que ce texte embrasse des thématiques intéressantes, mais s’inscrit dans une trajectoire de moyen-long terme. Issu d’une région agricole, je crois comprendre les urgences, y compris pour les jeunes agriculteurs.

La première urgence concerne la simplification réglementaire sur nombre de sujets – installations classées, ZES, bassins versants, plans d’épandage, permis de construire. Quelles sont vos propositions en la matière ?

La seconde urgence a trait à l’installation et à la maîtrise foncière. Comment voyez-vous l’articulation entre les établissements publics fonciers régionaux (EPFR) et les SAFER ?

La troisième urgence est l’installation des jeunes agriculteurs. En trente ou quarante, notre pays est passé d’une agriculture familiale à une agriculture de type sociétaire qui nécessite des capitaux plus importants. Dans ce contexte, comment imaginez-vous la transmission des outils de production agricole auprès des nouvelles générations ?

Mme Brigitte Allain. Considérez-vous que ce projet de loi privilégie l’installation par rapport à l’agrandissement ?

Les outils proposés pour l’installation progressive vous semblent-ils intéressants ?

Que pensez-vous des outils pour la gestion et l’attribution du foncier ? La loi améliore-t-elle, selon vous, la transparence en matière d’accès et de préservation du foncier ? Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce que vous avez dit à propos de la taxe non dissuasive pour la préservation du foncier ?

Faudrait-il plutôt privilégier la transition d’entreprises agricoles ?

Les annonces sur l’arrêt de l’activité des agriculteurs doivent-elles être faites plus tôt, selon vous ?

Enfin, pour compléter les questions de Mme Dubié, quelles formations continues faut-il mettre en place pour favoriser l’agroécologie, en particulier la formation des techniciens agricoles ?

M. François Thabuis. Monsieur le rapporteur, la complexité des modèles juridiques des exploitations permet beaucoup de détournements. Pour nous, les SAFER constituent un outil important. D’ailleurs, à Bruxelles, nos collègues jeunes agriculteurs nous envient d’avoir un tel dispositif. Néanmoins, les SAFER n’ont pas les moyens suffisants pour fonctionner. La loi devrait permettre de clarifier leur fonctionnement, comme celui des EPF. Il faut apporter des réponses au problème de la transmission progressive des parts. Thomas Diemer y reviendra.

Le contrat de génération, qui a fait l’objet d’une annonce du Président de la République au Salon de l’agriculture, est une revendication des Jeunes Agriculteurs. Dans l’absolu, nous souhaiterions qu’il soit ouvert à tous. Néanmoins, à défaut de moyens suffisants, autant cibler cette aide sur les hors cadres familiaux pour qu’elle soit efficiente. Nous considérons que ce contrat de génération est un bon début.

La dernière loi a démantelé les ADASEA, qui représentaient pour nous un vrai dispositif professionnel. Si l’on confère des missions de service public aux chambres d’agriculture, il faut qu’elles aient les moyens de les remplir. C’est le sens de notre engagement dans des listes communes pour que les chambres d’agriculture puissent fonctionner. J’en profite pour dire que, en matière de missions de service public, l’Observatoire national de l’installation doit avoir, lui aussi, des moyens suffisants.

Sur l’enseignement, nous sommes déçus par la faiblesse du dispositif sur la formation des formateurs. Si l’on veut inciter des jeunes à entrer dans un métier avec un regard nouveau, il faut que le corps enseignant puisse porter cette ambition. D’autre part, malgré l’existence de dispositifs, la formation continue est peu utilisée en agriculture. Pour nous, elle est essentielle. A cet égard, des moyens devraient être dégagés pour le service de remplacement, afin que les agriculteurs puissent se faire remplacer afin de partir en formation.

En matière d’installation, nous saluons des points positifs du projet de loi, notamment la suppression de la demi-SMI (surface minimum d’installation), remplacée par un critère unique, « l’activité minimale d’assujettissement ». Miser davantage sur le projet économique du jeune que sur les hectares permettra l’installation d’un plus grand nombre de personnes.

Sur la question foncière, la taxe sur le changement de destination des terres n’est pas dissuasive aujourd’hui. Il faut se saisir de ce sujet.

Nous regrettons que le répertoire départemental à l’installation et la déclaration d’intention de cessation d’activité agricole (DICAA) ne soient pas mentionnés dans le texte. Ces sont deux outils importants.

En matière de simplification, nous avons beaucoup d’attentes, en particulier sur les installations classées. Nous avons une technicité très forte en agriculture – nous perdons des points de compétitivité plutôt sur l’aval des filières. Par contre, notre parc matériels et bâtiments est totalement obsolète dans un grand nombre de filières. Il faut donc un plan bâtiments, mais surtout empêcher que des jeunes qui ont des permis de construire se voient débouter alors qu’ils ont une capacité à exercer un métier dans le respect du bien-être animal et de l’environnement.

L’installation est un enjeu de société. La tendance actuelle est à une agriculture qui demande de plus en plus de capitaux, ce qui pose des problèmes en matière de transmission. À cet égard, nous avons à cœur de voir renforcer les outils qui protègent un modèle de type familial. Nous sommes convaincus que nos agriculteurs doivent pouvoir maîtriser l’ensemble de leurs facteurs de production, en tout cas leurs décisions sur leurs exploitations. Si demain, des capitaux sont apportés dans le cadre de GFA et de SCI, les apporteurs de solutions ne devront pas commander au sein des exploitations. En définitive, il faut que nos agriculteurs soient prioritaires face à des groupes qui miseraient sur l’agriculture avec une logique uniquement capitalistique. Selon nous, le modèle d’agriculture de type familial apporte beaucoup plus à l’échelle des territoires. C’est pourquoi notre pays doit faire un vrai choix sur les types d’agriculture.

Enfin, il nous semble très important de redéfinir ce qu’est un agriculteur. Nous avons des attentes sur le régime agricole. Comme le montrent les sociologues, il y a, d’un côté, une agriculture de firme qui se développe et, de l’autre – et ce n’est pas le modèle que nous voulons –, une agriculture de subsistance faite de gens qui ne trouvent pas d’emploi notamment en milieu urbain. Il faut donc professionnaliser et redéfinir le métier d’agriculteur. Les gens doivent pouvoir choisir une activité qui leur fournisse des revenus acceptables et qui permette la création de valeur ajoutée. Là encore, il s’agit d’un choix de société.

Mme Annie Genevard. Je trouve la notion de « paysan chercheur » très intéressante.

Comment s’opèrent aujourd’hui la collecte, la reconnaissance et la diffusion des bonnes pratiques ?

Ma seconde question porte sur le plan de modernisation des bâtiments d’élevage (PMBE). Vous avez rappelé la nécessité de la mise à niveau du parc matériel, qui est un enjeu pour la transmission des exploitations, puisqu’une exploitation aux normes se transmet bien plus aisément. Or les moyens affectés au PMBE sont insuffisants pour couvrir tous les besoins. Les récentes annonces du ministre vous semblent-elles à la hauteur de ces besoins ?

Mme Pascale Got. Bien que le projet de loi y consacre un volet, vos aînés ont assez peu évoqué l’enseignement agricole. Vous dites que l’avenir se construit sur l’installation ; permettez-moi de penser qu’il se construit aussi sur la formation et sur l’innovation.

Les aides à l’installation liées à la qualification vous semblent-elles bien ajustées aujourd’hui ?

Que pensez-vous de la création de l’Institut agronomique et vétérinaire de France ?

Enfin, êtes-vous de ceux qui pensent qu’il faut accroître la proportion d’ingénieurs enseignants dans l’enseignement agricole ?

M. Alain Suguenot. Depuis quelque temps, les agriculteurs et les enfants d’agriculteurs ont à nouveau envie de continuer à exercer cette profession. Cela me conduit bien sûr à évoquer le contrat de génération ; il est indispensable que les exploitations puissent être transmises dans le cadre familial et que l’on soit aidé pour cela.

Que pensez-vous du lien entre consommation et agriculture, et notamment des filières de proximité ?

Enfin, je m’étonne que nous parlions si peu de la politique des territoires. En effet, il n’y a pas une agriculture, mais des agricultures. Gardons-nous notamment d’oublier les zones intermédiaires.

Mme Frédérique Massat. Je souhaitais également vous interroger sur les dispositions du texte relatives à la formation. Vous avez sans doute fréquenté l’enseignement agricole dans un passé moins lointain que ceux qui vous ont précédés dans cette salle : votre regard nous est donc précieux.

Que pensez-vous de l’élargissement du champ d’application du bail environnemental, ainsi que des mesures concernant les phytosanitaires, l’installation et enfin le contrat de génération ?

M. François Sauvadet. Votre président a évoqué un schéma des structures. Qu’entend-il précisément par schéma des structures, et quel serait pour lui le schéma idéal ? Ne perdons pas de vue que les contraintes qui pèsent sur les conditions d’exploitation sont très diverses d’une région à une autre.

Vous n’avez pas évoqué la surprime aux 52 premiers hectares et ses conséquences sur les zones intermédiaires. C’est pourtant un sujet essentiel. Il faut tenir compte de la réalité économique : pour une exploitation maraîchère, 52 hectares paraissent gigantesques ; mais dans les zones d’élevage extensif comme ma région, ou sur les terres céréalières de plateau, il est impossible de bâtir un schéma économique viable et de dégager un revenu sur une exploitation de cette taille ! La mesure doit donc être ajustée région par région si l’on veut éviter des dégâts dans les zones intermédiaires.

Quant à la transmission, elle est devenue un impératif, mais encore faut-il transmettre des outils économiquement viables. J’aimerais que vous vous exprimiez sur ce point.

M. le président François Brottes. Dans mon département, la surface moyenne des exploitations est de 34 hectares.

M. Jean Grellier. L’agriculture a su construire des structures collectives : groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC), coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA), sociétés coopératives agricoles. Comment les Jeunes Agriculteurs envisagent-ils l’avenir de la gouvernance de ces structures collectives et solidaires, qui nourrissent parfois des défiances ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Votre président souhaite donner plus de moyens aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER). Ne convient-il pas plutôt de renforcer leurs relations avec les collectivités locales ou leurs groupements ? Aujourd’hui, la commune n’a pas de droit de préemption sur l’espace agricole – sauf à travailler en relation avec la SAFER – pour favoriser l’installation de jeunes. L’exercice du droit de préemption par la SAFER est donc la seule possibilité de bloquer la transmission ou la cession d’une exploitation à une plus grande. Il serait je crois utile de travailler sur ce point.

M. Dominique Potier. Veuillez transmettre nos remerciements au président Thabuis pour la hauteur de ses propos liminaires.

Mes trois questions portent sur l’installation des jeunes agriculteurs. Qu’incluez-vous dans le registre de l’agriculture ? Quelle réponse apportez-vous à la question précise de Germinal Peiro sur l’intervention des SAFER et le contrôle des structures en matière de sociétés ? Quelle est votre position sur le bail environnemental ?

M. Antoine Daurelle, administrateur national de Jeunes Agriculteurs. La nouvelle politique agricole commune (PAC) est fondée sur la convergence des aides, que la Commission européenne entend promouvoir depuis une dizaine d’années. Ce n’était pas le choix de la France, mais nous devons aujourd’hui nous y résoudre, malgré les conséquences que cela entraîne pour certains territoires. Ces dernières sont inévitables, puisque la convergence consiste à éviter la disparité des aides entre les agriculteurs et les régions, le but étant de parvenir, à l’échelle européenne, à des aides à l’hectare qui se rapprochent de la moyenne pour tous.

La majoration des aides aux premiers hectares était une proposition de la Commission européenne, que les États membres étaient libres d’adopter ou non. Les Jeunes Agriculteurs mènent depuis plusieurs années une réflexion sur la nouvelle PAC, à laquelle ils souhaitent avant tout redonner du sens. Nous savions que la convergence des aides était inévitable. Nous avons aussi travaillé sur le verdissement, qui était obligatoire, en essayant de le rendre plus « adaptable » aux territoires. Malheureusement, nous n’y sommes pas parvenus. Enfin, nous défendons le couplage des aides. C’est un choix porté par l’ensemble de la profession, car le couplage permet de soutenir certaines productions qui sont en déclin ou connaissent des problèmes économiques.

Compte tenu de la priorité que nous accordons à l’installation et à la présence d’actifs sur les exploitations, nous avons également souhaité aller vers un schéma reconnaissant l’actif, d’où la position que nous avons prise au niveau national en faveur d’une majoration des aides aux premiers hectares à condition que celle-ci bénéficie aux actifs exploitants et aux chefs d’exploitation. Nous sommes conscients que cela peut poser problème dans certains territoires, mais c’est un choix qui a été fait à l’échelle nationale.

En ce qui concerne les zones intermédiaires, il faut rappeler que la zone intermédiaire n’est pas reconnue officiellement. La profession doit donc travailler à définir concrètement ce qu’est une zone intermédiaire, afin de pouvoir établir un zonage à partir de critères précis comme la faible productivité. Tant que nous n’aurons pas fait ce travail, nous aurons du mal à faire reconnaître cette zone intermédiaire.

M. Grellier nous interroge sur la gouvernance des GAEC et des CUMA. La loi d’avenir marque un progrès vers ce que les Jeunes Agriculteurs réclamaient depuis de nombreuses années : la définition d’un statut de l’agriculteur professionnel. Nous souhaitons que les agriculteurs soient enregistrés sur un répertoire, afin de pouvoir exclure des soutiens les « doubles actifs patrimoniaux », qui ne sont pas nécessairement agriculteurs, et les retraités – dont certains touchent encore des aides économiques. Le fait que certains agriculteurs ayant atteint l’âge de la retraite – voire touchant une retraite à taux plein –continuent à toucher des aides pose problème. Le répertoire que nous souhaitons mettre en place recenserait les seuls agriculteurs professionnels, à qui les aides économiques nationales seraient réservées. Vous savez que la définition de l’actif au niveau européen est problématique pour l’application de la majoration des aides aux premiers hectares, mais que le GAEC est désormais reconnu par l’Europe. Si nous arrivons à mettre ce répertoire en place en France, nous pourrons le défendre à l’échelle européenne, afin de pouvoir identifier les agriculteurs actifs au sein de l’Union, et donc réserver les aides économiques nationales et européennes aux seuls agriculteurs professionnels. A terme, notre but est aussi que les agriculteurs professionnels détiennent une carte professionnelle, qui permette de les distinguer de ceux qui ne le sont pas, notamment sur les marchés et dans les circuits courts.

Quoi qu’il en soit, les GAEC et les CUMA restent des outils d’avenir pour les Jeunes Agriculteurs. Le contexte nous impose de privilégier la mutualisation et le travail en commun, notamment en matière d’élevage. L’agriculture en société reste donc une voie d’avenir pour les jeunes.

M. Thomas Diemer, administrateur national et trésorier de Jeunes Agriculteurs. Permettez-moi de conforter les propos de M. Daurelle sur la nécessité de définir un vrai statut de l’agriculteur. Non seulement cet élément aura des répercussions directes sur la disponibilité du foncier et donc sur notre capacité à installer des jeunes, mais nous sommes aujourd’hui contraints de réorienter les aides économiques – qui se font de plus en plus rares – vers les vrais actifs agricoles.

S’agissant de la question foncière, l’accessibilité est pour nous une vraie priorité. Je tiens donc à saluer le renforcement du contrôle des structures. C’est une mesure qui va dans le bon sens. Le régime d’autorisation d’exploiter doit être la norme : il appartient aux commissions départementales d’orientation de l’agriculture (CDOA) de juger – à partir du schéma régional et des spécificités territoriales – si des agrandissements sont ou non excessifs.

Nous saluons également tout ce qui est fait en faveur de la mise à disposition du foncier et du maintien du nombre d’actifs. Toutefois, nous suggérons une petite amélioration. L’article 15 prévoit que l’autorité administrative peut réexaminer l’autorisation d’exploiter qu’elle a délivrée lorsqu’elle constate qu’une réduction du nombre d’emplois intervient dans un délai de trois ans à compter de la mise à disposition de terres à une société. Nous pourrions être plus ambitieux et porter ce délai à six ans.

L’autre outil qui nous semble primordial, ce sont les SAFER. C’est l’outil de la profession – et nous souhaitons qu’il le reste – qui permet d’organiser le marché foncier rural, et il a fait ses preuves. Il doit donc perdurer.

Le phénomène sociétaire est aujourd’hui la principale voie utilisée pour contourner le schéma des structures. Nous souhaitons la transparence sur les transferts de parts de sociétés. Il faut même aller au-delà, et donner un pouvoir de préemption aux SAFER sur les transferts de parts de société. Il ne s’agit pas de dire que les SAFER doivent tout régenter ou tout contrôler, mais de dissuader les éventuelles pratiques frauduleuses.

Le droit de préemption des SAFER doit également s’exercer en cas de démembrement de propriété – phénomène qui tend lui aussi à se développer. Enfin, il faut leur donner la possibilité, lors des rétrocessions, de dissocier les biens entre bâti et non bâti. De nombreuses surfaces sortent en effet du domaine agricole du seul fait que l’on ne puisse pas dissocier le bâti et le non bâti.

Un autre aspect nous semble important en matière d’accessibilité : il touche au bail cessible. Nous souhaitons que le bail cessible réintègre le droit commun, et qu’il puisse être renouvelé pour neuf ans et non plus cinq. En outre, nous refusons la cession à titre onéreux lorsqu’il y a transfert du bail cessible. Le phénomène des « pas-de-porte » que nous constatons aujourd’hui est un frein à l’installation, et surtout au développement des exploitations des jeunes qui reprennent ces baux. La possibilité offerte au propriétaire de majorer le fermage de 50 % nous semble déjà une contrepartie suffisante.

Enfin, il serait pertinent de permettre, lorsque les baux sont transférés à des jeunes qui se sont installés avec des aides, de les rendre cessibles automatiquement.

M. le président François Brottes. Que pensez-vous du fonds agricole ?

M. Thomas Diemer. Les Jeunes Agriculteurs avaient fait des propositions pour la mise en place de ce fonds. L’exploitation agricole doit en effet être considérée comme une entité économique. Malheureusement, il ne fonctionne pas bien, notamment en raison de son caractère facultatif, sans doute aussi parce que les centres de gestion ne s’en sont pas emparés et parce que nous n’avons pas assez communiqué sur le sujet. Néanmoins, je crois que nous pouvons progresser. Compte tenu des problèmes que nous constatons en matière de transmissions, ce dispositif a du sens. Pour prendre l’exemple de mon département du Bas-Rhin, le coût moyen de l’investissement pour une installation est passé de 200 000 euros au début des années 2000 à 400 000 euros dix ans plus tard. Ce phénomène nous inquiète : quel jeune pourra demain investir une telle somme dans son projet ? Le fonds agricole devrait permettre de proposer des solutions et de développer le portage, le foncier représentant une lourde charge pour un jeune qui s’installe. Nous sommes donc très attentifs aux initiatives qui peuvent être prises en la matière. La Fédération nationale ovine (FNO) a par exemple mis en place il y a peu un produit financier ouvert à des investisseurs non agricoles, Labelliance Agri, qui permet à des jeunes de disposer d’un apport en capital pour financer leur installation et est remboursable au bout de dix ans.

J’en viens au bail environnemental. Nous tenons à redire que les Jeunes Agriculteurs ne sont pas favorables au développement de clauses environnementales dans les baux hors des zonages concernés. Les exploitants qui le souhaitent ont déjà la possibilité de souscrire – selon leurs opportunités de marché et leurs disponibilités en main-d’œuvre – à des mesures agro-environnementales (MAE) pour évoluer dans leurs pratiques. Nous devons conforter ce dispositif et inciter les jeunes agriculteurs à y souscrire, plutôt que d’ajouter une nouvelle contrainte avec un bail environnemental qui serait généralisé à tous les zonages.

Outre l’accessibilité, nous sommes très attentifs à la préservation du foncier agricole, qui est un véritable enjeu pour notre génération. Notre pays perd aujourd’hui 26 mètres carrés de foncier agricole par seconde, et le phénomène s’accélère. Plusieurs outils peuvent être mobilisés pour tenter de l’enrayer. Je pense d’abord à l’Observatoire national de la consommation des espaces agricoles (ONCEA), dont nous nous félicitons de voir étendre le champ de compétence. C’est en effet un outil pertinent pour procéder à une analyse fine et concrète du phénomène de consommation du foncier agricole, ne serait-ce que pour savoir si les politiques mises en œuvre pour préserver ce dernier portent leurs fruits.

Nous souhaitons que cet Observatoire soit aussi un lieu de concertation, qui permette de recenser tous les textes et les taxes applicables au foncier. Nous avons pris connaissance avec intérêt du référé que la Cour des comptes a adressé récemment au Premier ministre sur les terres agricoles et les conflits d’usage, qui met en évidence les contradictions entre les différents textes en vigueur sur cet enjeu de la préservation du foncier. Nous souhaiterions donc que l’Observatoire puisse procéder aux clarifications qui s’imposent et mettre en cohérence les différents dispositifs.

Je profite de cette occasion pour évoquer la taxe sur le changement de destination des terres agricoles, qui a été instaurée en 2010. Si nous souhaitons enrayer le phénomène de spéculation foncière qui touche le foncier agricole, nous constatons que le niveau de la taxe ne lui permet pas d’être vraiment dissuasive : il s’établit à 5 % à 10 % de la plus-value réalisée suivant le niveau de celle-ci. Sachant que cette plus-value est toujours très importante, il faudrait au minimum doubler le niveau de la taxe.

Je m’interroge également sur l’usage qui est fait de son produit. Nous avions de vraies attentes, qui concernaient notamment la création d’un observatoire sur l’installation et la transmission, les mesures concrètes d’accompagnement des cédants, l’animation et la communication sur l’installation dans nos territoires. Nous devons donc être ambitieux sur l’usage du produit de cette taxe : il faut faire quelque chose d’utile pour soutenir les installations. Nous avons des propositions fortes sur ce point.

Il nous semblerait d’ailleurs pertinent de mettre en place des déclinaisons régionales de l’ONCEA, notamment pour alimenter les commissions départementales de la consommation des espaces agricoles (CDCEA). Ces dernières restent un outil pertinent pour traiter de toutes les questions de préservation du foncier. Elles permettent aux acteurs du territoire de formuler un avis sur l’impact des documents d’urbanisme sur le foncier agricole. Afin qu’elles aient une réelle utilité, il faudrait prévoir un avis conforme.

Les boisements compensateurs entrent en contradiction avec l’ambition de réduire le gaspillage du foncier agricole. Lorsqu’une terre est défrichée, le boisement compensateur peut aller jusqu’à cinq fois la superficie défrichée, ce qui se fait inévitablement au détriment du foncier agricole. Ce n’est donc pas une mesure cohérente. N’oublions pas que les terres agricoles sont des zones environnementales, qui captent du carbone et concourent à préserver la biodiversité.

La possibilité offerte aux collectivités d’imposer un objectif d’espaces verts dans les zones économiques ne nous semble pas davantage une mesure cohérente : cela se fait aussi au détriment des espaces productifs et des espaces agricoles.

Vous avez parlé du lien avec le consommateur. C’est un aspect auquel les Jeunes Agriculteurs sont très attentifs. J’évoquerai ici toutes nos activités de communication autour de notre métier. Les évènements organisés par les Jeunes Agriculteurs dans nos cantons, nos départements et nos régions rassemblent chaque année plus de 600 000 visiteurs. C’est pour nous une occasion d’expliquer l’évolution de nos pratiques, comment nous nous inscrivons dans la durabilité et comment nous nous formons aux nouveaux enjeux de l’agriculture.

La distribution des produits agricoles doit constituer un autre champ de réflexion. La grande distribution occupe aujourd’hui une place prépondérante dans la distribution des produits agricoles. Il faut savoir que sur 100 euros dépensés en produits alimentaires dans les grandes et moyennes surfaces (GMS), seuls 6,80 euros reviennent à la production agricole. Il y a là une captation de la valeur ajoutée au détriment de notre profession. Celle-ci doit donc se réinvestir dans la distribution : elle doit devenir acteur plutôt que de subir la vente de ses produits. Il y a des solutions concrètes à trouver, y compris avec les collectivités locales – je pense aux cantines scolaires et à la restauration hors domicile. Nous attendons donc que les pouvoirs publics privilégient la production agricole locale dans le cadre des marchés publics.

Je n’ai pas besoin de rappeler le poids de l’activité agricole dans notre économie et la contribution de l’agriculture et de l’industrie agro-alimentaire au commerce extérieur de la France. Mais son rôle va bien au-delà : elle crée du lien social et joue un rôle irremplaçable dans l’aménagement du territoire. S’il n’y a plus d’agriculture dans certaines zones intermédiaires ou zones de montagne, qu’y ferons-nous demain ?

Les Jeunes Agriculteurs sont à même de proposer des solutions pour répondre à tous les nouveaux défis, que ce soit en matière d’énergie ou en matière de gestion des déchets, par exemple. Nos attentes sont donc fortes : comment les pouvoirs publics entendent-ils agir pour permettre à la nouvelle génération de saisir toutes ces opportunités ? Il faut continuer à assurer l’accompagnement des jeunes qui s’installent, avec des aides adaptées au contexte, et leur faire confiance. L’argent que les pouvoirs publics consacrent à cet accompagnement – dotation jeunes agriculteurs (DJA), prêts bonifiés – est réinvesti dans les territoires, auprès du concessionnaire automobile ou de l’entrepreneur en bâtiment local. Aider les jeunes agriculteurs, c’est donc soutenir les territoires !

M. Antoine Daurelle. En ce qui concerne le Plan bâtiments (PMBE), nous sommes satisfaits de l’annonce qui a été faite, puisque l’enveloppe a été doublée. Nous verrons bien ce que cela donnera sur le terrain.

Un mot sur l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) et l’observatoire national des installations et transmissions, qui sera intégré aux missions de service public de l’APCA. Si nous sommes d’accord sur le principe, nous serons particulièrement attentifs à la question du financement : nous ne voulons pas que se reproduise ce qui s’est passé pour les associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (ADASEA), à savoir un transfert de compétences aux chambres d’agriculture sans les financements nécessaires.

Nous saluons la suppression de la surface minimum d’installation (SMI) comme critère d’affiliation à l’AMEXA, qui était une revendication ancienne des Jeunes Agriculteurs. Cette mesure avait un impact sur la constitution des GAEC, puisqu’elle obligeait le jeune à rechercher inlassablement de la surface supplémentaire, poussant ainsi à l’agrandissement des exploitations.

Le choix de l’activité minimale d’assujettissement (AMA) ne nous convient cependant pas pleinement. Celle-ci sera exprimée en fonction de trois seuils : le temps de travail consacré à l’activité agricole, la superficie de l’exploitation mise en valeur et le revenu professionnel généré par cette activité. Nous sommes satisfaits de la prise en compte du revenu, puisque les Jeunes Agriculteurs ont toujours fondé la reconnaissance de la qualité d’actif sur le revenu et la capacité professionnelle à exercer le métier. En revanche, nous regrettons que les trois critères soient au choix, et non cumulatifs. Il serait préférable de combiner le revenu professionnel avec l’un des deux autres critères – soit le temps de travail consacré à l’activité agricole, soit la superficie de l’exploitation mise en valeur. Néanmoins, la disposition va dans le bon sens.

M. le président François Brottes. Nous vous remercions pour cet échange. Le rapporteur reste bien entendu à votre disposition pour entendre tous ceux qui seront concernés par l’application de la loi d’avenir.

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Informations relatives à la commission

La commission a nommé Mme Brigitte Allain, rapporteure sur la proposition de résolution de M. Denis Baupin, tendant à la création d’une commission d’enquête relative aux coûts de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects financiers de cette production (n° 1507).

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 27 novembre 2013 à 9 h 30

Présents. - M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Razzy Hammadi, M. Antoine Herth, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Lepetit, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter

Excusés. - M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. Jean-Michel Couve, M. Daniel Fasquelle, M. Thierry Lazaro, Mme Annick Le Loch, M. Serge Letchimy, M. Bernard Reynès, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin, M. Fabrice Verdier

Assistaient également à la réunion. - M. Guillaume Bachelay, M. Jean-Louis Bricout, Mme Annie Genevard, M. Mathieu Hanotin, M. François Vannson, M. Michel Zumkeller