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Commission des affaires économiques

Mercredi 4 décembre 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 33

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, sur les problèmes de concurrence en outre-mer

La commission a auditionné M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, sur les problèmes de concurrence en outre-mer.

M. le président François Brottes. Conformément à un engagement que j’avais pris lors de nos débats sur la régulation économique outre-mer, la commission des affaires économiques auditionne aujourd’hui M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la Concurrence.

Je remercie de leur présence Mme Éricka Bareigts, rapporteure du projet de loi sur la régulation économique outre-mer, ainsi que M. Patrick Ollier, rapporteur spécial de la commission des finances pour la mission « Outre-mer ». Plusieurs députés ultramarins, qui ne peuvent être parmi nous aujourd’hui, nous ont par ailleurs fait savoir qu’ils suivraient nos échanges retransmis en direct sur internet.

Nous aurons, monsieur Lasserre, plusieurs questions à vous poser :

Quelle a été l’activité de l’Autorité de la concurrence sur les sujets concernant l’outre-mer au cours de l’année 2013 ?

Comment l’Autorité de la concurrence a-t-elle utilisé les nouveaux pouvoirs dont la dote la loi de régulation économique outre-mer ?

L’Autorité de la concurrence a-t-elle pu mesurer les premiers effets de cette loi sur le niveau des prix outre-mer et sur l’état concurrentiel des marchés ?

Pensez-vous avoir les moyens d’effectuer les contrôles dont vous êtes chargé outre-mer ?

La loi sur la régulation économique outre-mer contient des dispositions sectorielles, notamment sur les télécommunications, le transport aérien ou les tarifs bancaires. Quel regard portez-vous sur ces secteurs d’activité ?

Il y a quelques semaines, le ministre des outre-mer, Victorin Lurel, rappelait devant la commission des affaires économiques du Sénat la nécessité d’anticiper la fin des quotas sucriers en 2017. Alors que notre commission examinera le projet de loi d’avenir de l’agriculture la semaine prochaine, l’Autorité de la concurrence s’est-elle intéressée aux filières agricoles ultramarines, notamment à l’avenir de la banane et de la canne, parallèlement au développement d’une agriculture locale, diversifiée et performante ?

Enfin, l’Autorité de la concurrence a émis le 27 novembre 2013 un avis favorable aux projets de décret réglementant les prix des carburants outre-mer ; or ces projets ont provoqué des remous outre-mer, les gérants de stations-service menaçant d’une grève à compter du 15 décembre prochain. Dans ce contexte, pourriez-vous commenter cet avis ?

M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence. C’est avec plaisir que je rendrai compte ici de l’activité de l’Autorité de la concurrence en outre-mer, d’autant que, créée par la loi de modernisation de l’économie (LME), en remplacement de l’ancien Conseil de la concurrence, l’Autorité est entrée en fonction le 2 mars 2009, au moment où les départements d’outre-mer étaient le théâtre de vives manifestations provoquées par le coût de la vie.

Avant de commencer, je vous renvoie au fascicule édité par la Documentation française et intitulé Outre-mer : Dynamiser la concurrence au service de tous, qui offre un bon résumé de notre activité dans les départements d’outre-mer. Il témoigne de notre investissement actif et résolu pour lever les obstacles à la concurrence dans les départements d’outre-mer, en utilisant tous les pouvoirs que nous confère la loi.

Au-delà des questions strictement économiques, j’insiste sur l’aspect psychologique et politique de notre action, qui a consisté à démontrer à des populations ultramarines, qui ont souvent le sentiment d’être les oubliées de la régulation économique, que le droit commun de la concurrence s’applique aussi outre-mer.

Les départements d’outre-mer souffrent de handicaps structurels, liés à leur éloignement géographique, à l’insularité, à la petite taille de leurs économies qui rend plus difficiles les économies d’échelle ; il ne faut pas que, à ces handicaps structurels, les entreprises ajoutent, par leur comportement, des obstacles supplémentaires. C’est pour cela que, après avoir rendu deux avis d’importance, en juin et en septembre 2009, l’Autorité de la concurrence s’est engagée à traiter d’un certain nombre de cas, pour montrer que son action pouvait changer la donne dans ces départements.

C’est ainsi que, chaque fois que nous avons décelé des comportements anticoncurrentiels, nous avons pris des décisions de sanction – cinq au total –, dans des secteurs aussi différents que l’énergie, les télécoms ou le fret maritime.

Des perquisitions à La Réunion, à Paris et même à Londres, où nous avons demandé à notre homologue britannique d’intervenir aux sièges des compagnies soupçonnées, nous ont permis d’obtenir les preuves d’une collusion entre pétroliers pour s’entendre sur le prix facturé à Air France pour le carburéacteur à l’escale de La Réunion. Malgré de multiples recours, la cour d’appel et la Cour de cassation ont, jusqu’à présent, confirmé notre décision de sanction.

Dans le domaine des télécoms, nous avons sanctionné, aux Antilles comme à La Réunion, le comportement anticoncurrentiel des opérateurs de téléphonie mobile, infligeant, pour la zone Antilles-Guyane, une amende de 63 millions d’euros à Orange Caraïbe et France Télécom.

Enfin, nous avons aussi sanctionné une entente dans le domaine de la manutention portuaire à La Réunion.

Nous jouons également de notre pouvoir de persuasion pour négocier des engagements et convaincre les entreprises de rectifier leur comportement, lorsque cela est nécessaire. Ainsi, nous avons récemment fait en sorte d’ouvrir à la concurrence la route maritime entre l’Europe du Nord et les Antilles. Bien qu’il s’agisse d’une route fort rentable, puisque nombre des importations antillaises se font en provenance de l’Europe du Nord et que, au retour, les navires repartent chargés de bananes, cette liaison était curieusement exploitée, pour l’essentiel, par la compagnie CMA-CGM, aucun autre armateur n’ayant ouvert de ligne. Notre enquête ayant révélé, d’une part, que les autres compagnies maritimes louaient des « slots », c’est-à-dire des capacités de stockage, sur les navires de la CMA-CGM et, d’autre part, que les contrats contenaient des clauses limitant fortement la concurrence, nous avons obtenu de la CMA-CGM et des autres compagnies maritimes la levée de ces restrictions. Nous espérons que cela favorisera la concurrence par les prix sur cette liaison maritime.

Nous avons également négocié des engagements dans le domaine de la distribution, notamment dans les cas où les opérateurs sont verticalement intégrés.

Parallèlement, nous menons une action de prévention, via le contrôle des concentrations. Appliquant les nouveaux seuils fixés par la loi Lurel, nous avons ainsi rendu onze décisions, dont quatre ont donné lieu à des engagements de la part des entreprises. Quatre autres opérations sont en cours d’examen, dont une dans le secteur audiovisuel et une autre dans le secteur des télécoms. J’ajoute enfin que l’Autorité de la concurrence a publié sept avis contenant des recommandations aux pouvoirs publics sur les moyens de renforcer la concurrence.

Ces chiffres étant posés, il faut savoir que, si nous avons soutenu une loi qui a accru nos pouvoirs de contrôle, sa mise œuvre s’est plutôt accompagnée d’une baisse de nos ressources, en emplois et en budget. Nous ne disposons pas d’antennes locales dans les départements d’outre-mer, et devons travailler avec les directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIECCTE), en ayant recours aux pouvoirs d’enquête dont disposent les services de l’État.

J’insiste par ailleurs sur le fait qu’on ne doit pas tout attendre de la politique de la concurrence. Pour dynamiser l’offre sur le long terme et desserrer les goulets d’étranglement qui rendent les économies ultramarines moins compétitives, elle doit être combinée à d’autres politiques publiques. Il convient en particulier d’encourager la production locale, par des politiques préservant la compétitivité-prix. En effet, s’il faut subventionner la production locale, il faut aussi inciter les producteurs locaux à pratiquer des prix compétitifs, notamment par rapport aux produits importés de métropole. Est-il normal que l’eau minérale et les yaourts produits sur place soient vendus au même prix que ceux qui sont importés, lesquels intègrent pourtant des coûts de fret bien supérieurs ? Pour empêcher les producteurs de céder à la tentation d’augmenter leurs marges par cet alignement des prix, l’État doit donc négocier avec eux des contreparties non seulement en termes de qualité, mais aussi en termes de prix.

Il faut également encourager les circuits courts et la mutualisation des plateformes logistiques, qui y gagneraient en efficacité, tout comme il est essentiel de promouvoir l’attractivité du territoire – l’apparition, en 2008, d’un concurrent d’Air France en Guyane est, à ce titre, une bonne nouvelle. J’ajouterai à ces recommandations le choix d’une politique fiscale adaptée et la recherche d’accords commerciaux avec les zones économiques voisines.

Si le contrôle des prix de détail et la mise en place d’un bouclier qualité-prix peuvent calmer la fièvre, il ne s’agit que de mesures transitoires permettant de contenir la hausse des prix ; en aucun cas elles ne peuvent tenir lieu de politique à long terme. Les problèmes de fond qui minent les économies ultramarines ont souvent leur origine en amont, sur les marchés de gros. C’est pourquoi l’article 1er de la loi Lurel permet au Gouvernement, après avis de l’Autorité de la concurrence, de réglementer le fonctionnement de ces marchés de gros pour remédier à leurs dysfonctionnements – concentration ou intégration verticale excessive des opérateurs, par exemple.

Je voudrais, pour conclure, signaler, au-delà des départements d’outre-mer, deux actualités d’importance. La première concerne la Nouvelle-Calédonie, où nous ne sommes pas compétents, mais où une convention tripartite a été signée en 2011 entre le territoire, l’État et l’Autorité de la concurrence, dans le dessein de dresser un bilan concurrentiel du marché néo-calédonien. Le statut du territoire ne permet pas la création d’une autorité administrative indépendante, mais le Parlement vient d’adopter une loi organique qui lève ces obstacles, et le Gouvernement a soumis au Conseil d’État une loi de pays qui permettra la création, dès le printemps prochain, d’une autorité locale de la concurrence, sur le modèle de l’autorité métropolitaine.

D’autre part, en Polynésie, un projet de loi prévoyant la mise en place d’une autorité de la concurrence a été soumis à l’assemblée territoriale. Comme en Nouvelle-Calédonie, nous apporterons notre aide à cette nouvelle autorité, par le biais d’une convention d’assistance technique.

Permettez-moi, enfin, de dire un mot sur les nouveaux pouvoirs que la loi Lurel octroie à la puissance publique en matière de concurrence et qui sont partagés entre le Gouvernement, l’Autorité de la concurrence et les régulateurs sectoriels. Au Gouvernement revient l’initiative des projets de décret qui réglementeront les marchés de gros. Un seul projet de décret a jusqu’à présent été préparé, qui concerne les carburants. Nous avons émis, lundi dernier, un avis favorable à ce projet de décret, qui ne constitue pas une révolution et ne justifie sans doute pas un mouvement de grève. Il a simplement pour objet d’introduire plus de transparence dans la chaîne de formation des prix des carburants. Il s’agit notamment, pour mieux contrôler les marges des pétroliers, de faire apparaître, dans la formule de calcul des prix, le coût réel auquel est acheté le pétrole auprès des plateformes de Singapour, pour La Réunion, ou de Rotterdam, pour les Antilles, sans y agréger le coût, pour les compagnies pétrolières importatrices, du fret et de l’assurance.

Le décret impose par ailleurs, pour les entreprises qui exercent à la fois des activités en monopole et d’autres en concurrence, de séparer leurs comptes. Cela concerne notamment la Société réunionnaise de produits pétroliers (SRPP), qui exerce à la fois une activité de stockage en monopole et une activité de distribution. Nous sommes pour notre part favorables à une séparation plus complète encore, afin de mettre un terme aux conflits d’intérêts qui peuvent exister entre ces deux activités.

Le projet de décret impose enfin aux entreprises qui disposent d’installations essentielles de stockage de carburants non réglementés jusqu’à présent, comme le carburéacteur, de proposer des prix orientés vers les coûts, ce qui va dans le bon sens.

L’ensemble de ces mesures devrait pousser les compagnies pétrolières à restituer aux consommateurs ultramarins les gains d’efficacité qu’ils auront obtenus dans la négociation de leurs propres prix d’approvisionnement.

M. le président François Brottes. Cette audition est consacrée à l’outre-mer, mais nous examinons actuellement un projet de loi sur la consommation ainsi qu’un projet de loi sur l’agriculture, avant de nous pencher prochainement sur le projet de loi de Mme Pinel consacré au commerce, autant de textes qui nous ramènent aux problématiques liées à la concurrence. Or il me semble vous avoir entendu dire que, quand des producteurs étaient aidés, on devait les obliger à pratiquer des prix plus bas sur le marché. Ai-je bien compris ?

M. Bruno Lasserre. Une politique publique qui tend à réduire la dépendance des départements d’outre-mer par rapport à la métropole en encourageant la production locale est, à mes yeux, une bonne chose. Ces économies sont en effet trop dépendantes de la métropole, et le niveau de la production locale y est trop faible par rapport aux importations, qui sont l’une des causes du renchérissement des prix. Au-delà des productions locales primaires comme la canne ou la banane, il faut donc développer outre-mer des industries de transformation, créatrices de valeur ajoutée. Est-il normal d’importer de métropole de l’eau minérale, quand il y a de l’eau sur place et qu’il s’agit d’un produit pondéreux ? Cela étant, l’octroi de subventions aux producteurs locaux doit impliquer en contrepartie la restitution des gains d’efficacité aux consommateurs. Pourquoi ne pas créer, dans cette perspective, des contrats de performance avec les producteurs locaux ? Mais je parle ici de l’outre-mer, et non de la métropole.

M. le président François Brottes. Cette précision peut être utile.

Mme Éricka Bareigts. Nous connaissons votre engagement, monsieur Lasserre, en faveur de la régulation économique outre-mer, et nous avons entendu qu’il ne s’accompagnait malheureusement pas de moyens supplémentaires.

Je partage votre idée du « gagnant-gagnant » sur les aides publiques et leurs contreparties. Sur nos territoires, où le chômage est trois fois plus élevé que la moyenne nationale, ces contreparties doivent se traduire en termes de développement de la richesse et de l’emploi local. Par ailleurs, l’aide à la production ne doit pas uniquement viser le marché local, trop étroit, mais l’ouverture à l’exportation. La question des relations commerciales de l’outre-mer avec ses voisins se pose depuis des années. Elle vient de faire l’objet d’un rapport de Serge Letchimy, qui aborde le problème de l’application des normes européennes dans nos territoires.

Je souhaiterais par ailleurs une précision à propos du décret sur les carburants, car les gérants de station-service redoutent que la transparence ne se traduise sur nos territoires par la disparition de milliers d’emplois. Le ministre a affirmé qu’un tel risque n’existait pas, mais je vous pose la question.

Sur le terrain, votre collaboration avec les observatoires des prix, des marges et des revenus doit vous conduire à ouvrir des enquêtes sectorielles dans certains domaines prioritaires comme le BTP : la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, dont je fais partie, travaille actuellement à un rapport sur le logement social qui pointe le niveau élevé des loyers et s’interroge sur la part qui en incombe au coût des matériaux. D’autres domaines mériteraient d’être explorés, comme celui du matériel médical des CHU ou celui des intrants agricoles.

M. Patrick Ollier. J’approuve l’action menée par l’Autorité de la concurrence, tout comme j’approuve le projet de décret, inspiré, selon M. Lurel, par le rapport de la mission d’information sur les prix des carburants dans les départements d’outre-mer, à laquelle j’ai participé en 2009, avec, notamment, Christiane Taubira et Jérôme Cahuzac.

Je pense néanmoins qu’il ne va pas assez loin, car les handicaps de l’outre-mer, liés à l’insularité, à la démographie ou au climat, créent des conditions spécifiques qui devraient permettre de déroger aux normes européennes, au moins sur la question des carburants. Chacun sait que l’approvisionnement direct ferait baisser le prix du carburant par rapport aux prix pratiqués par la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA), et que maintenir artificiellement des emplois – moins de 300, en vérité – n’est pas une solution. L’État doit régler le problème autrement : en agissant sur les prix, mais aussi en obtenant pour les régions ultrapériphériques des dérogations aux normes européennes, qui interdisent aujourd’hui que les Antilles importent du carburant de Tobago ou du Venezuela.

La mission avait également proposé de modifier l’équation du calcul du prix des carburants. Il suffit aujourd’hui d’avoir le courage de résister aux pressions de ceux qui refusent que l’on y touche.

Un mot enfin sur les rentes de situation des pétroliers qui cumulent stockage et raffinage. Il est choquant qu’une entreprise de raffinage puisse stocker du carburant qu’elle met ensuite sur le marché à des prix qui ne sont pas acceptables. J’aimerais donc, monsieur Lasserre, que vous nous indiquiez ce que vous pouvez proposer au Gouvernement pour qu’il aille plus loin que ce décret.

Mme Michèle Bonneton. L’objectif essentiel de la loi relative à la régulation économique outre-mer était de diminuer le coût de la vie. C’est sur ce point que porteront mes questions. Qu’en est-il des circuits courts ? Sont-ils plus développés qu’auparavant ? Qu’en est-il de la concurrence entre les produits agricoles locaux et les produits importés ? Les échanges commerciaux entre les territoires ultramarins et leurs voisins se développent-ils ? Sinon, quels sont les freins à ce développement ? Mme Bareigts a évoqué les normes : peut-on envisager des normes spécifiques pour les territoires d’outre-mer ? Le prix des biens de première nécessité et le coût des logements ont-ils diminué pour retrouver des niveaux acceptables, comparables à ceux de la métropole et compatibles avec les niveaux de revenus outre-mer ? En d’autres termes, le niveau de vie a-t-il évolué positivement ou est-il encore trop tôt pour faire de telles constatations ? Enfin, selon le bilan qui peut être dressé, quelles mesures correctrices peut-on envisager ?

La loi a peu abordé les questions sociales et la santé. Mais l’utilisation des pesticides – les épandages aériens notamment – est un vrai problème de santé publique. Ces pesticides ne pourraient-ils pas faire l’objet d’une réglementation dans le cadre des contreparties aux aides à la production ?

Par ailleurs, le taux de sucre utilisé dans les produits alimentaires outre-mer est supérieur de 40 % à celui autorisé en métropole, alors que le quart des enfants et la moitié des adultes ultramarins souffrent de surcharge pondérale. La concurrence peut-elle améliorer cette situation ?

Enfin, de quels nouveaux pouvoirs souhaiteriez-vous disposer de façon à faire encore progresser la situation de nos concitoyens ultramarins ? Il faut ici réaffirmer le droit des territoires ultramarins à un développement économique autonome, respectueux des richesses naturelles et des êtres humains.

M. Daniel Fasquelle. Le sujet que nous abordons ce matin ne peut être délié de celui de la compétitivité de nos entreprises, de la fiscalité trop lourde et des prélèvements obligatoires qui pèsent sur leurs marges, tandis que leurs résultats souffrent d’un environnement législatif et réglementaire trop complexe.

Je pense comme vous que l’on peut, outre-mer, maîtriser les prix en développant la concurrence, car cela permet au consommateur d’obtenir les meilleurs produits au meilleur prix. Cela étant, le groupe UMP est d’accord pour admettre que la concurrence n’exclut pas la régulation.

Ma première question concerne le droit européen. L’octroi de mer, qui peut être un obstacle à la pénétration des marchés d’outre-mer, n’est-il pas contraire au droit européen et n’est-ce donc pas au niveau européen qu’il faut agir ?

En matière de distribution, pensez-vous ensuite que les modifications que la loi sur la consommation va apporter à la LME sont utiles ? Y a-t-il encore matière à légiférer sur les rapports entre fournisseurs et distributeurs ? En matière d’urbanisme commercial, faut-il des règles particulières applicables à l’outre-mer ?

Dans le domaine du tourisme, je sais que vous avez été saisi de la question des Online Travel Agencies (OTA), ces agences qui proposent aux hôteliers de louer leurs chambres sur internet. Elles amènent certes des clients supplémentaires aux hôtels, mais les privent aussi d’une partie de leurs marges. Que peut-on faire pour que la concurrence soit plus saine et plus loyale dans un secteur, qui, en particulier aux Antilles, n’est pas assez développé ?

Enfin, ne faudrait-il pas développer la pêche, notamment en Guyane, où le poisson qui vit dans nos mers est pêché pour l’essentiel par des pêcheurs étrangers.

M. Jean-Paul Tuaiva. Je confirme qu’une loi sur la concurrence est en préparation en Polynésie et que nous avons sollicité auprès du ministère de l’outre-mer une assistance technique pour la mise en place d’une autorité administrative indépendante.

Mme Jeanine Dubié. La loi sur la régulation économique outre-mer votée en novembre 2012 a permis de réelles avancées, avec la réglementation des marchés de gros, la régulation des tarifs bancaires, le bouclier qualité-prix, la faculté pour les collectivités de saisir directement l’Autorité de la concurrence. Pour autant, certains problèmes demeurent, car tous les décrets n’ont pas été publiés.

Dans le secteur de la grande distribution, les problèmes de concurrence sont multiples : barrières à l’entrée des marchés, prix du foncier, fort niveau de concentration. Vous avez, à ce titre, fait des propositions telles que la mutualisation des circuits logistiques et le renforcement des dispositifs d’aide aux entreprises locales. Pourriez-vous nous en dire davantage sur la question des contreparties ?

À propos des carburants, dont on sait qu’ils ont été l’un des éléments déclencheurs de la crise de 2009, vous aviez fait des propositions pour renforcer la régulation en amont, mieux encadrer les monopoles et garantir ainsi des approvisionnements au meilleur prix, préconisant également de revoir le plafonnement des prix de détail. Ces propositions ont-elles été reprises dans le décret ? Quels effets peut-on en attendre ?

Dans le secteur des télécoms enfin, vous avez mis au jour plusieurs entorses graves à la concurrence, notamment des abus de position dominante. Au-delà des amendes que vous avez infligées, dont le montant est certes élevé, mais qui restent des sanctions a posteriori, que préconisez-vous pour installer une concurrence véritablement efficace sur ce marché des télécoms en outre-mer ?

M. Gabriel Serville. Les dispositions proposées par l’avis qu’a rendu l’Autorité sur les projets de décret réglementant le prix des carburants vont dans le bon sens. Néanmoins, à l’alinéa 42, l’Autorité « s’interroge sur le recours à la formulation “au sens du droit de la concurrence” qui précise, dans les projets de décret, la notion d’infrastructure essentielle. Elle estime que l’emploi de ce libellé pourrait créer une certaine insécurité juridique pour les opérateurs, dans la mesure où cette notion relève de pratique décisionnelle des autorités de concurrence, par nature évolutive. »

Cette interrogation m’a remis en mémoire un certain nombre de questions que j’avais posées, lors de l’examen du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer, sur l’opportunité d’instiller aux côtés des principes du droit de la concurrence, qui s’occupe de vérifier que les marchés ne sont pas affectés ou faussés par des pratiques anticoncurrentielles, une dose de droit des contrats, qui traite des conditions de validité et d’efficacité des obligations des parties. Il me semblait en effet que les dispositions du droit des contrats auraient été beaucoup plus contraignantes.

Dans une tribune parue dans L’Humanité et intitulée « Les peuples d’outre-mer ne nous donneront qu’une seule chance », j’avais également dénoncé les rentes de situation, les marges outrageusement abusives, la captation des richesses par une élite économique endogame régnant sur des marchés opaques, cloisonnés et rongés par la corruption.

Je réitère donc le vœu que l’Autorité de la concurrence se rapproche concrètement de nos territoires, pour mieux comprendre leurs particularités et les pratiques commerciales qui y ont cours dans les secteurs de la téléphonie, du transport aérien, de la grande distribution ou des carburants. Dans ce dernier domaine, nous sommes actuellement confrontés à une situation inquiétante, puisque nos départements risquent d’être de nouveau bloqués par la grève qu’ont programmée à partir du 15 décembre les stations-service et les pétroliers, qui font actuellement auprès du Gouvernement un gros travail de lobbying.

Je souhaite que le président de l’Autorité de la concurrence insiste de nouveau sur l’intérêt qu’il y a à réglementer les prix d’importation du carburant. J’attends par ailleurs qu’il nous éclaire sur les frais de trading et qu’il nous donne un indice sur le montant que perçoivent les compagnies pétrolières par baril. Ces dernières veulent nous faire croire que le décret, qui introduit davantage de transparence dans les modalités de calcul du prix de vente à la pompe, va les plonger dans une situation extrêmement difficile ; nous considérons au contraire qu’il sert l’intérêt général. Nous sommes là dans un rapport de forces, qui ne doit pas tourner au désavantage des consommateurs.

Je précise pour terminer que ce sont les automobilistes et les concessionnaires automobiles ultramarins qui ont demandé une mise aux normes européennes du carburant utilisé outre-mer, car, du fait d’un mauvais indice, il n’était pas adapté aux moteurs européens qui équipaient nos véhicules et provoquaient de fréquentes pannes. Or importer du carburant européen n’est pas non plus la meilleure des solutions.

M. Jean Jacques Vlody. L’affaire de l’entente illicite sur la tarification des carburants aériens à La Réunion a fait énormément de bruit, prouvant qu’il faut à toute force lutter contre ce type de pratiques.

Le décret sur les carburants prévoit une séparation comptable entre les activités de stockage et de distribution, ce qui concerne la SRPP. En quoi une telle mesure peut-elle empêcher les subventions croisées entre les deux types d’activité et améliorer l’information ? D’autres mesures plus contraignantes et plus efficaces pourraient-elles être envisagées afin de garantir aux consommateurs ultramarins que cesseront des pratiques condamnables ?

Je souhaiterais également savoir si vous avez autorité pour vérifier le lien de subordination qui existe entre la SRPP et les gérants de station-service, lesquels se plaignent d’un joug qui les empêche de pratiquer une concurrence saine et loyale.

Un mot enfin sur la vente en ligne et le fait que certains prestataires ne livrent pas les citoyens d’outre-mer, soit qu’ils refusent la fiscalité ultramarine, soit – et c’est plus grave – que des ententes illicites d’exclusivité leur interdisent l’accès au marché local. J’ai ainsi l’exemple d’un réparateur automobile qui s’est vu refuser une vente directe par un fournisseur métropolitain, au motif que ce dernier avait un distributeur local à qui le liait un contrat d’exclusivité. Comment l’Autorité de la concurrence peut-elle mettre un terme à ces pratiques qui sont caractéristiques d’un refus de vente ?

M. Bruno Lasserre. Avons-nous suffisamment de pouvoir outre-mer ou nous faut-il des instruments juridiques supplémentaires ? La loi Lurel nous fournit un arsenal satisfaisant et nous n’en demandons pas plus. Non seulement le Gouvernement peut désormais réglementer les marchés de gros, mais l’injonction structurelle, que nous pouvons mobiliser dans les situations extrêmes comme instrument de dernier recours, a une vertu très dissuasive ; elle nous a aidés à négocier avec les compagnies maritimes la levée des obstacles à la concurrence sur la route entre les Antilles et l’Europe du Nord.

Je rappelle que le Conseil constitutionnel, dans une décision d’octobre dernier, a confirmé la constitutionnalité de l’injonction structurelle, telle qu’elle avait été envisagée dans la loi de pays néo-calédonienne, certes avec quelques différences par rapport au texte voté par le Parlement national. Le Conseil estime clairement que cette restriction à la liberté d’entreprendre est justifiée par la situation particulière de l’outre-mer.

Si nous sommes suffisamment outillés sur le plan juridique, ce n’est pas le cas sur le plan humain. Il est donc essentiel que nous collaborions avec les observatoires des prix, qui doivent alimenter nos enquêtes.

Mme Beaumeunier, rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence, qui m’accompagne aujourd’hui et dirige les services d’instruction, vous confirmera que nous avons huit enquêtes en cours, couvertes par le secret, mais dont je peux dire qu’elles concernent des secteurs évoqués par Mme Bareigts.

Vous avez tous évoqué la question des carburants. En premier lieu, le décret sur lequel nous avons émis un avis favorable ne menace nullement la situation des gérants de station-service outre-mer. Son objectif est tout autre : il s’agit de contrôler plus efficacement les conditions dans lesquelles les pétroliers importent du pétrole de Singapour ou de Rotterdam et restituent en aval les gains d’efficacité qu’ils obtiennent grâce à leur important pouvoir de négociation.

M. Ollier a insisté sur la question des normes, demandant s’il ne serait pas plus judicieux d’importer du pétrole des zones économiques voisines – les Antilles se situant à proximité de zones de raffinage du pétrole. On pourrait en effet envisager de déroger aux normes européennes en matière automobile, qui imposent aujourd’hui d’importer du pétrole conforme à ces mêmes normes ; mais comment faire pour le parc automobile existant, d’autant plus important outre-mer que les transports publics y sont sous-développés ?

Enfin, nombre d’entre vous s’interrogent sur l’organisation du stockage et de la distribution. À La Réunion, où la SRPP est détenue par Shell et Total, deux compagnies pétrolières qui devraient être concurrentes, le décret va imposer la séparation comptable entre l’activité de stockage et la distribution. Le véritable objectif à atteindre est le décroisement, c’est-à-dire la séparation entre le stockage d’une part, qui doit être géré de manière indépendante des pétroliers, et la distribution d’autre part, qui doit faire l’objet d’une mise en concurrence loyale entre les compagnies pétrolières.

Bien que Shell et Total envisagent favorablement le décroisement, la situation n’évolue pas, en raison de résistances liées entre autres à la fiscalité. Je pense néanmoins que la possibilité qu’a le Gouvernement de réglementer le marché de gros et l’injonction structurelle vont nous permettre d’infléchir la stratégie de ces sociétés, pour parvenir au décroisement complet des participations détenues par ces deux compagnies pétrolières dans la SRPP, et à la séparation juridique des activités de stockage et de distribution.

M. Ollier a raison de dire que la SARA n’est pas rentable : le raffinage sur place coûte plus cher que l’importation de pétrole raffiné. Mais la question se pose du devenir industriel de cette installation et des nombreux emplois en cause. Vers quelle activité envisage-t-on de reconvertir la SARA ? Il nous faut sur ce point des perspectives industrielles claires.

Mme Bareigts m’interroge sur les priorités en matière d’enquêtes sectorielles. Je rappelle que les enquêtes nationales que nous avons lancées – sur la réparation automobile et les pièces détachées, par exemple, ou sur la filière du médicament – comportent un volet consacré aux départements d’outre-mer. Des enquêtes sont également en cours sur les matériaux de construction, secteur dans lequel nous avons rendu une décision concernant Saint-Pierre-et-Miquelon.

Madame Bonneton, il faut en effet réfléchir à la manière de diminuer les coûts d’approvisionnement en encourageant les circuits courts. La situation évolue sous la pression des distributeurs, qui favorisent les circuits courts pour contrer les monopoles sur certains produits et certaines marques dont disposent les importateurs grossistes.

M. Fasquelle m’a interrogé sur l’octroi de mer. Le sujet dépasse largement les prérogatives de l’Autorité de la concurrence ; il est politique. Au plan technique, la Cour de justice des communautés européennes a admis, dans son arrêt Chevassus-Marche de février 1998, la compatibilité de l’octroi de mer avec le droit européen, dès lors qu’il s’applique de manière non discriminatoire entre les produits importés de l’Union européenne et les produits introduits à partir du marché local. Elle a par ailleurs validé certaines exonérations, dès lors qu’elles étaient limitées dans le temps.

Je partage son opinion sur l’insuffisant développement du tourisme outre-mer, lié aux prix trop élevés et au manque de concurrence, notamment dans le secteur du transport aérien, qui découragent les voyagistes.

En matière d’urbanisme commercial, l’Autorité de la concurrence est favorable à une modification en profondeur de règles qui devraient, selon elle, obéir au droit de l’environnement et au droit de la circulation plutôt qu’à des critères économiques, les élus, qui gèrent la planification des sols, devant avoir la maîtrise de ces questions. Cela étant, je n’ignore pas que les parlementaires peinent à parvenir à un consensus sur le sujet.

Dans le secteur des télécoms, nous n’y sommes pas allés avec le dos de la cuillère, infligeant, aux Antilles et à La Réunion, des amendes de 27 et 63 millions d’euros aux opérateurs. Qu’il s’agisse de la téléphonie mobile ou de l’accès à internet, la concurrence se développe aujourd’hui outre-mer, au bénéfice des populations ultramarines.

Restent des questions sensibles comme l’itinérance, les départements d’outre-mer étant aujourd’hui traités comme les pays étrangers. C’est un sujet qui intéresse l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), désormais autorisée par la loi Lurel à se saisir de ces questions.

Les propos de M. Vlody sur la vente en ligne nous intéressent au premier chef, et nous devons enquêter sur toute interdiction de vente en ligne dans les départements d’outre-mer qui viserait à protéger des exclusivités d’importation. La France a été pionnière en matière de concurrence dans le commerce en ligne. La décision de justice obligeant les laboratoires Pierre Fabre à vendre en ligne leurs cosmétiques a été confirmée par la Cour de justice de l’Union européenne, montrant que l’interdiction de vente en ligne était difficilement compatible avec le droit de la concurrence, y compris dans les secteurs éligibles à la distribution sélective.

La distribution automobile obéit quant à elle à des règles particulières, qui découlent d’un règlement européen. Néanmoins, à partir d’indices concrets sur les cas que vous avez évoqués, l’Autorité enquêtera.

M. André Chassaigne. J’interviens ici au nom de Bruno Nestor Azerot, vice-président de la Commission. Il constate que les prix en outre-mer ont globalement baissé. En effet, on note un ralentissement du rythme de croissance des prix identique à celui constaté en métropole, avec une augmentation de 0,5 %. L’effort de baisse tendancielle démarré en 2007 se poursuit.

Il n’en demeure pas moins qu’une analyse produit par produit révèle que le manque de visibilité des produits qui font partie du bouclier qualité-prix crée une confusion chez le consommateur, qui ne bénéficie pas pleinement des retombées des accords de modération. En d’autres termes, si les prix ont globalement baissé depuis 2007, cette baisse est disparate. Cela est lié à la composition du bouclier qualité-prix, dont les effets ne sont pas les mêmes selon qu’on est un couple sans enfant, un couple avec deux enfants, une personne seule ou un ménage accédant à la propriété.

Bruno Nestor Azerot s’interroge également sur la pratique consistant à pratiquer des promotions temporaires sur des produits de qualité équivalente ou supérieure à ceux qui figurent dans la liste du bouclier qualité-prix, afin de fidéliser les clients. À noter par ailleurs que l’insuffisance des stocks crée un déséquilibre entre l’offre et la demande, les produits du bouclier qualité-prix n’étant pas réservés à la catégorie de consommateurs qui devraient être prioritaires.

Dans le domaine de l’énergie, enfin, il insiste sur la nécessité d’analyser la structure du prix du fret dans toutes ses composantes et s’interroge sur les marges de manœuvre de l’État pour le réguler.

Pour ma part, je considère l’injonction structurelle comme une belle idée, mais chacun connaît les capacités d’optimisation des grandes compagnies, et il est probable qu’elles sauront contourner cette injonction structurelle.

M. Patrick Ollier. Le décret réglementant les prix du carburant ne va pas assez loin et je regrette qu’il n’ait pas retenu plusieurs des propositions que comportait notre rapport de 2009, comme l’affichage dans les stations-service des prix administrés et du prix maximum ; l’obligation pour les compagnies pétrolières de transmettre aux directions régionales de la concurrence les contrats signés avec les détaillants, afin d’y déceler d’éventuelles clauses abusives ; la limitation de la durée des contrats d’exclusivité entre les fournisseurs et les stations-service et la suppression de la clause – exorbitante du droit commun – qui donne priorité au fournisseur pour le rachat du fonds de commerce.

Nous proposions également de lier le prix à la pompe, à la hausse comme à la baisse, au cours du pétrole sur les marchés internationaux, et de créer autour de la SARA un pôle de compétitivité européen voué aux recherches de normes d’hydrocarbures compatibles avec la lutte contre l’effet de serre.

Il faut enfin, au-delà d’une séparation comptable, filialiser le stockage.

Mme Frédérique Massat. La loi de novembre 2012 impose l’alignement des charges d’itinérance sur l’eurotarif. Je souhaiterais savoir quel effet concret cette mesure a eu sur les tarifs de la téléphonie mobile.

Vous avez rappelé que le bouclier qualité-prix ne pouvait nullement faire office de politique à long terme. Pourriez-vous néanmoins nous renseigner sur les effets concrets de sa mise en œuvre outre-mer ?

Vous ne vous êtes pas exprimé sur la non-discrimination bancaire entre les DOM et l’Hexagone, et j’aimerais que vous reveniez sur la prohibition des exclusivités d’importation.

M. Dino Cinieri. Derrière les importants écarts des prix à la consommation par rapport à la métropole, le véritable problème des DOM est le déficit de concurrence dont ils souffrent. À côté des barrières – géographiques ou réglementaires – à l’entrée, les dérives monopolistiques et oligopolistiques que connaissent ces territoires se cristallisent principalement sur trois secteurs : la grande distribution, les carburants et les télécoms. Pour combattre les monopoles, les cartels et leurs abus, l’outre-mer a une carte forte à jouer : la concurrence, qui rendra l’économie plus dynamique, pour le bénéfice de tous les consommateurs.

Grâce aux enquêtes qu’elle mène, aux recommandations législatives et aux avis qu’elle délivre, aux décisions de sanction qu’elle rend, l’Autorité de la concurrence est un régulateur indépendant, chargé de veiller au respect des règles. Le comité interministériel de l’outre-mer, réuni pour la première fois le 6 novembre 2009 sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, a adopté 137 mesures inspirées des états généraux de l’outre-mer, lancés en avril de la même année, et destinées à refonder la politique de l’outre-mer ; elles concernaient en particulier la formation des prix et le fonctionnement d’un marché concurrentiel. Des groupements d’intervention régionaux Concurrence ont été mis en place et sont opérationnels depuis février 2010 dans les quatre DOM et à Mayotte. Ils réunissent les compétences des services chargés de la concurrence et de la consommation, des douanes et des services fiscaux. Quel bilan peut-on en dresser, quatre ans après ?

M. Ibrahim Aboubacar. La problématique des marges est si prégnante pour l’outre-mer que l’observatoire des prix a été transformé en observatoire des prix, des revenus et des marges.

Je suis co-rapporteur de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, qui travaille sur les mécanismes de formation des prix et des revenus. Nous avons auditionné, outre la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence, des membres de la Direction des douanes, de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), de l’INSEE et d’autres services qui interviennent sur ces questions. Ces auditions ont révélé que la question des marges n’était correctement appréhendée par aucun des services concernés, l’Autorité de la concurrence n’intervenant que dans les cas limités d’entente ou d’abus de position dominante, auxquels ne peut se résumer la pratique quasi généralisée des marges abusives. La question se pose donc de la coordination entre les différents services, afin de garantir une bonne application de l’article 18 de la loi relative à la régulation économique outre-mer, aux termes duquel les opérateurs ne doivent pas inclure dans leurs marges, mais restituer aux consommateurs, les bénéfices des efforts consentis en leur faveur par les pouvoirs publics en matière de fiscalité.

Plus ponctuellement, dans quelle mesure la réglementation qui s’applique désormais à Mayotte et le nouveau décret vont-ils améliorer la concurrence et faire baisser les tarifs des hydrocarbures dans ce département ?

M. Damien Abad. Comme Patrick Ollier, je considère que le décret sur les carburants va dans le bon sens, mais que l’on pourrait aller plus loin. J’aimerais par ailleurs connaître votre sentiment sur les moyens – budgétaires, financiers et humains – dont dispose l’Autorité de la concurrence, pour mener de front les missions qui lui incombent en vertu de la loi relative à la régulation économique outre-mer, alors qu’elle vient, en parallèle, d’être saisie de la gestion privatisée des autoroutes et que le Gouvernement a plutôt choisi, dans son projet de loi sur la consommation, de renforcer les pouvoirs et les moyens de la DGCCRF.

J’apprécie enfin que vous ayez rappelé que la concurrence n’est pas toujours la cause de nos problèmes, mais qu’elle peut en constituer la solution, dès lors qu’elle n’est pas faussée.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Monsieur le président, je vous remercie de cette audition qui a quasiment lieu à la date anniversaire de la promulgation de la loi relative à la régulation économique outre-mer.

Ma première question concerne le décret sur les carburants. S’il améliore la transparence, est-il certain qu’il permettra que la diminution des marges entraîne une baisse des prix au profit des consommateurs ?

Ma seconde question concerne la téléphonie. Un nouvel opérateur devrait faire son entrée en Guadeloupe. Cela signifie-t-il que le roaming – ou itinérance – va disparaître ? Par ailleurs, la loi de régulation économique a-t-elle déjà fait baisser le prix de l’itinérance ?

L’interdiction des exclusivités d’importation a-t-elle déjà donné lieu à des contentieux ? Quels résultats donne sa mise en œuvre ?

J’ajoute que, aux Antilles, la production locale agricole est moins concurrencée par les importations en provenance de l’Hexagone ou de l’Union européenne que par les importations des pays voisins, notamment de la Caraïbe. Si les aides à la production permettent de compenser le coût des intrants, elles ne suffisent pas à empêcher la concurrence des produits à bas coûts importés de Sainte-Lucie ou de la Dominique.

M. Gabriel Serville. Me faisant l’avocat des consommateurs guyanais, je réitère mes questions sur les frais de trading ainsi que sur les sommes perçues sur chaque baril par les compagnies pétrolières.

M. Alain Suguenot. Je m’interroge sur les conséquences en termes d’emploi de l’application, au 1er janvier 2014, du décret sur les carburants. Les compagnies pétrolières essaient souvent de récupérer leurs marges en augmentant le loyer des pompistes. Des centaines d’emplois risquent donc d’être menacés du fait des mesures de rétorsion.

M. Daniel Fasquelle. Je n’ai pas obtenu de réponse à ma question concernant les sites de réservation en ligne. Les hôteliers se plaignent aujourd’hui de la dépendance dans laquelle ils sont vis-à-vis de ces sites qui leur imposent des clauses de parité tarifaire ou de réservation de la dernière chambre.

Par ailleurs, le Gouvernement a montré, dans le cadre du projet de loi sur la consommation, sa volonté d’accroître les pouvoirs de la DGCCRF et, partant, le poids des amendes administratives et du contentieux confié au juge administratif. N’y a-t-il pas là le risque d’un conflit entre la jurisprudence du juge administratif et celle du juge judiciaire ?

M. Bruno Lasserre. L’intérêt du décret sur les carburants, c’est qu’il ne prend en compte, pour le calcul du prix auquel les pétroliers s’approvisionnent, que les seules cotations de référence de leur zone d’approvisionnement – l’index Platt’s – et le cours moyen du dollar. Les compagnies ne pourront ajouter à ces coûts, aisément contrôlables, des frais de trading ou d’assurance qui ne seraient pas dûment justifiés.

Reste la question, structurelle, de la dépendance de certaines stations-service par rapport aux compagnies pétrolières. Revoir les clauses d’exclusivité, la durée des contrats, ainsi que tout ce qui peut donner aux pétroliers un pouvoir de négociation excessif fait partie des priorités, telles que nous les avions mises au jour dans notre avis de juin 2009.

Le problème du droit de la concurrence est qu’il s’agit d’un droit dissuasif, du fait du montant des sanctions, mais qui ne s’applique que dans des conditions restrictives : il faut prouver l’entente anticoncurrentielle ou l’abus de position dominante. Nous ne sommes pas les gardiens des prix et des marges, et ne disposons pas du pouvoir d’en fixer le juste niveau. Nous ne sommes pas une autorité de contrôle des prix, et nous ne pouvons nous attaquer qu’à des comportements illicites. Notre standard de preuve élevé fait que les recours sont nombreux, étoffés, et nous obligent à nous battre pour défendre nos décisions.

J’ajoute à l’attention de M. Ollier que la séparation structurelle des activités de stockage et de distribution est bien notre objectif final, la séparation comptable n’étant qu’une étape.

Monsieur Abad, nos moyens sont limités. Tous les chiffres – cas traités, décisions antitrust rendues – montrent pourtant que nous sommes l’Autorité de la concurrence la plus active en Europe. Nous ne sommes que 185 personnes, alors que des régulateurs sectoriels, qui ne couvrent qu’un champ limité de l’économie, ont des moyens sans commune mesure avec les nôtres. Nous n’avons pas non plus de services locaux et devons travailler avec les services de l’État, les DIECCTE, les observatoires des prix. La balle est donc dans votre camp : si vous êtes ambitieux, donnez-nous les moyens de cette ambition. Je rappelle que, pour 2012, le montant des sanctions infligées par l’Autorité de la concurrence s’élève à 540 millions d’euros, avec un taux de recouvrement de 97 %, alors que nous ne coûtons que 20 millions d’euros à l’État…

Plusieurs questions m’ont été posées sur le bouclier qualité-prix. Il a permis de faire baisser les prix de détail, ce qui est positif, mais il ne peut rien contre les raisons structurelles qui poussent les prix à la hausse ni contre les écarts entre les prix domiens et les prix métropolitains. Si l’on détaille la composition du panier de la ménagère, le risque est que les distributeurs mettent plutôt dans les linéaires des produits dont les prix ne sont pas régulés. Cela m’incite à plaider pour un « panier mystère », trop de transparence pouvant tuer l’efficacité du dispositif.

En matière de téléphonie, la suppression de l’itinérance ne relève pas de l’Autorité de la concurrence, mais de l’ARCEP.

Pour ce qui concerne les exclusivités, la loi relative à la régulation économique outre-mer, entrée en vigueur il y a un an, proscrit, à compter du mois d’avril 2013, les exclusivités d’importation de droit ou de fait, à moins qu’elles ne soient justifiées économiquement, et c’est au détenteur de l’exclusivité d’en apporter la preuve. Nous avons le sentiment que, si la loi a un effet dissuasif, les exclusivités de fait subsistent. C’est la raison pour laquelle des enquêtes ont été lancées, notamment à La Réunion. L’Autorité fera tout ce qu’elle peut pour mener ces enquêtes à leur terme. Nous avons d’ores et déjà découvert, dans une affaire de concentration récente, qu’un grand distributeur qui rachetait un magasin avait demandé que l’exclusivité d’importation dont bénéficiait la cible lui soit transférée, sachant pourtant que ces exclusivités étaient désormais illégales. Contre ces pratiques, nous appliquerons strictement la loi.

À propos des sites de réservation en ligne, nous avons reçu une plainte du syndicat des hôteliers contre les grandes plateformes électroniques – Expedia ou Booking.com – qui leur imposent notamment la clause de la nation la plus favorisée et leur interdisent de vendre leurs chambres à un prix moins élevé que celui négocié avec ces plateformes. L’enquête est en cours, et l’affaire se résoudra soit au contentieux, soit par des engagements adéquats, sachant que des engagements substantiels ont été pris au Royaume-Uni et en Allemagne sur ce même sujet. Il y a donc des marges de progrès.

Quant aux pouvoirs dont dispose la DGCCRF, c’est vous qui les lui avez donnés. Vous avez, sur la suggestion du Gouvernement, préféré renforcer la répression administrative plutôt que la répression pénale. L’appareil de sanctions administratives est en effet souvent plus efficace que la mobilisation du juge pénal, notamment dans le domaine économique. Peut-on rêver qu’un jour toutes les compétences seront réunies en matière de droit de la consommation et de droit de la concurrence ? C’est à vous de faire ce choix et de décider qui, du juge judiciaire ou du juge administratif, régnera sur cet empire. Si l’on s’attache à la matière, on peut considérer que le juge des entreprises est le mieux placé ; si l’on s’intéresse au mode d’action utilisé, c’est au juge administratif qu’il revient d’appliquer les sanctions. Mon devoir de réserve m’empêche ici de choisir…

M. Razzy Hammadi. Si la notion de déséquilibre significatif est claire, la notion d’abus de position dominante est plus problématique, notamment dans l’interprétation qu’a pu en faire l’Autorité que vous présidez. Le législateur doit-il donc revenir sur cette notion pour en définir à nouveau et le contenu et la portée ?

M. Bruno Lasserre. Est-ce bien la notion d’abus de position dominante que vous souhaiteriez voir préciser par la loi ou celle d’abus de dépendance économique ?

M. Razzy Hammadi. Nous avons aujourd’hui tous les éléments pour agir contre les abus de position dominante. Ce n’est pas le cas pour l’abus de dépendance économique.

M. Bruno Lasserre. L’abus de dépendance économique, qui existe en droit français et dans d’autres droits nationaux, n’existe pas dans le Traité de Rome. Elle est, en quelque sorte, la face inverse de l’abus de position dominante, renvoyant aux abus auxquels un pouvoir de marché excessif peut donner prise. Autant je suis sceptique sur la notion de prix abusivement bas, autant je pense que l’abus de dépendance économique est une notion qui permet de réprimer certains comportements.

La jurisprudence judiciaire a confirmé les conditions assez restrictives dans lesquelles pouvait être invoqué cet abus de dépendance économique. Le juge comme l’Autorité indépendante sont les serviteurs de la loi, et c’est à vous d’écrire les textes que nous appliquerons. C’est à la loi d’écrire la norme, à l’Autorité indépendante et au juge de vérifier que les comportements y sont conformes.

Je dois néanmoins rappeler que, parfois, des producteurs ou des distributeurs se mettent eux-mêmes, par des choix malavisés, en situation de dépendance économique. Or celui qui choisit de se mettre dans une telle situation ne peut ensuite se plaindre d’être victime d’un abus de dépendance économique. Pour être dénoncé, un tel abus doit tenir à des circonstances extérieures, à défaut de quoi les acteurs économiques ne seront pas incités à faire les bons choix. Un choix avisé consiste à ne pas dépendre d’une seule personne et à diversifier ses approvisionnements ou ses débouchés. Le droit de la concurrence ne doit pas être une béquille servant à compenser des imprudences de gestion.

M. le président François Brottes. Vous travaillez actuellement sur les autoroutes qui souhaitent un allongement de la durée de leurs concessions contre une augmentation de leurs tarifs. J’imagine que vous n’avez pas encore de réponse…

M. Bruno Lasserre. La saisine par votre Assemblée ne date que d’hier, et nous avons promis de rendre nos conclusions à l’été 2014. Nous avons déjà rendu un avis qui avait fait beaucoup de bruit en décembre 2005, lorsque le gouvernement de l’époque avait souhaité privatiser les concessions d’autoroute. S’il ne nous appartenait pas de juger d’une initiative politique, nous avions mis en garde le Gouvernement contre le risque que ce soient des groupes de BTP qui acquièrent ces concessions et qu’ils fassent réaliser en interne les travaux de construction ou d’entretien des autoroutes, répercutant ensuite les surcoûts liés à l’absence de mise en concurrence sur le prix des péages. Nous nous interrogions également sur le moyen d’obliger les sociétés d’autoroute à soumettre leurs travaux d’entretien et de constructions à la concurrence et sur la manière de réguler efficacement les péages autoroutiers.

Sur le premier point, le Gouvernement nous a suivis et a modifié in extremis le cahier des charges des concessions pour imposer la mise en concurrence. Nous avons cependant le sentiment que cette concurrence n’est pas réellement mise en œuvre, et nous allons étudier la manière dont les choses ont évolué depuis 2005.

Sur le second point, la question se pose de savoir si l’État a aujourd’hui les moyens de réguler efficacement le prix des péages, sur des autoroutes disposant d’un quasi-monopole sur les trajets qu’elles desservent. Autrefois, lorsque l’État construisait des routes, ses ingénieurs connaissaient le coût de revient d’un kilomètre de bitume ; aujourd’hui, ce sont les collectivités locales qui construisent les routes, et l’État ne dispose plus en son sein d’experts connaissant ces coûts. Il nous appartient donc de faire la lumière sur la manière dont se négocie le prix des péages. Personne ne peut nier en effet qu’on assiste aujourd’hui à une hausse préoccupante des tarifs autoroutiers, et il y a sans doute des progrès à faire en matière de régulation. À titre personnel, j’avais émis l’idée que, de même que l’on a créé un régulateur ferroviaire, il serait intéressant d’avoir un régulateur multimodal des transports.

Nous traiterons de toutes ces questions, à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale.

M. le président François Brottes. Vous pourriez également vous intéresser à la question de l’emploi sur ces autoroutes. En effet, plus les tarifs augmentent, moins il y a de personnel aux guichets. J’ai du mal à m’expliquer comment la multiplication des automates a pu augmenter les coûts.

M. Bruno Lasserre. Nous allons bien entendu examiner les justifications que les sociétés d’autoroute apportent à la hausse des péages, car l’automatisation des péages conduit à des gains d’efficacité qui devraient être restitués au consommateur.

M. le président François Brottes. Nous en avons terminé. Merci, monsieur le président, d’avoir accepté cet échange.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 4 décembre 2013 à 9 h 30

Présents. – M. Damien Abad, M. Frédéric Barbier, Mme Ericka Bareigts, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Razzy Hammadi, M. Henri Jibrayel, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, Mme Annick Lepetit, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Marie Tetart, Mme Catherine Troallic, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. – M. Bruno Nestor Azerot, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, Mme Laure de La Raudière, M. Thierry Lazaro, M. Serge Letchimy, M. Germinal Peiro, M. Dominique Potier, M. Bernard Reynès, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. – M. Ibrahim Aboubacar, M. Patrick Ollier, M. Gabriel Serville, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, M. Jean Jacques Vlody