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Commission des affaires économiques

Mercredi 11 décembre 2013

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 38

Présidence de M. François Brottes Président

– Suite de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (n° 1548) (M. Germinal Peiro, rapporteur)

La commission a poursuivi l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (n° 1548) (M. Germinal Peiro, rapporteur).

Article 3 (Suite) (articles L.311-4 à L. 311-7 [nouveaux], L. 666-1 du code rural et de la pêche maritime) : Création des groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE) et définition des conditions de leur reconnaissance

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE803 de M. Antoine Herth et CE1431 de M. Germinal Peiro, rapporteur.

M. Antoine Herth. Cet amendement prévoit qu’un groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE) est doté de la personnalité morale. Je vous renvoie sur ce sujet à notre discussion de ce matin. Depuis, je me suis intéressé à la définition que le code de commerce donne du groupement d’intérêt économique. Un GIE doit être constitué pour une période déterminée, nécessaire à l’accomplissement de ses objectifs ; chaque membre du groupement doit exercer une activité économique qui trouve son prolongement dans celle du GIE.

Or, au cours de la discussion générale a été évoquée l’hypothèse d’une participation des collectivités territoriales au GIEE – ce qui est inimaginable si l’on considère que ce groupement relève du cadre général des GIE défini par le code de commerce.

Par ailleurs, il convient de respecter un minimum de formalisme lors de la déclaration d’un groupement, notamment au regard du fisc. Les bénéfices générés doivent en outre être répartis entre les membres, qui les fiscaliseront individuellement. Cela pose une limite à l’application de certaines dispositions du projet de loi – comme la dérogation concernant le commerce des céréales ou le fait que les actions du GIEE sont présumées relever de l’entraide agricole.

Si le groupement d’intérêt économique et environnemental est une forme particulière de GIE, on ne peut donc accepter que les dispositions de l’article 3 restent aussi floues. Ou alors, il faut faire de ce groupement un objet juridique spécifique.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Le problème de la personnalité morale des GIEE a fait l’objet, ce matin, de nombreux échanges. Pour ce qui me concerne, à l’issue de la centaine d’auditions organisées dans le cadre de l’examen de ce texte, j’ai acquis la conviction que le GIEE ne pouvait pas ne pas être doté de la personnalité morale. En effet, il faut un porteur à ce projet, quelqu’un capable de signer les courriers ou d’effectuer des paiements.

À la suite de son appel à projets sur la mobilisation collective pour l’agroécologie, le ministère de l’agriculture a reçu 469 dossiers en trois mois – ce qui montre un intérêt réel pour le sujet. Parmi les thèmes abordés, on retrouve l’agriculture biologique, les nouvelles techniques culturales, les économies d’eau et la préservation de la qualité de l’eau, l’autonomie protéique et alimentaire des troupeaux, la méthanisation, les circuits courts, le bois-énergie, les filières innovantes, etc.

Or, pour se faire accompagner dans le portage de leur dossier comme dans l’animation du projet, les groupes ont fait appel à toute la gamme des opérateurs de développement agricole : aux côtés des chambres d’agriculture, concernées dans au moins un quart des cas, on retrouve des coopératives, dont des coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA), des centres d’initiative pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (CIVAM), des groupes de recherche en agriculture biologique (GRAB), etc.

De tels projets ont besoin d’un porteur – qui peut être un syndicat professionnel. C’est pourquoi il vaut mieux que le GIEE soit doté de la personnalité morale. J’invite donc M. Herth à se rallier à mon amendement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. L’idée est de labelliser des démarches collectives qui prolongent l’activité économique. Par exemple, dans le cas de la production laitière et de la production viticole, ce prolongement peut être la définition de démarches communes en termes d’agroécologie, puis un recours à la méthanisation.

L’enjeu des GIEE est de prendre en compte l’organisation collective existante et de labelliser des projets. Dès lors, rien ne les empêche de passer contrat avec des collectivités locales – par exemple en matière de méthanisation. Mais le groupement reste un projet d’agroécologie porté par des agriculteurs et organisé sur la base des systèmes collectifs évoqués par le rapporteur – auxquels on pourrait ajouter les groupes d’étude et de développement agricole (GEDA).

M. Charles de Courson. Je partage la position du rapporteur et d’Antoine Herth, mais il nous reste à décider si la loi doit dresser la liste de toutes les formes juridiques que pourrait prendre le GIEE. Certaines formes, en effet, pourraient être incompatibles avec les autres dispositions de l’article 3. Est-il possible de recourir au groupement d’intérêt économique, à la société anonyme – au risque que certains actionnaires ne soient pas exploitants agricoles –, à l’association – dont les syndicats constituent une forme particulière –, aux systèmes mutualistes ?

Par ailleurs, est-il possible d’envisager des labellisations partielles ? Imaginons une coopérative dont une partie des adhérents seulement auraient le projet de lancer une opération économico-environnementale. Pourraient-ils bénéficier de la labellisation, ou celle-ci doit-elle concerner l’ensemble des adhérents de la coopérative ?

M. Dominique Potier. Le rapporteur nous a convaincus de la nécessité de doter les GIEE d’une personnalité morale. Cependant, il convient de laisser une certaine souplesse et des marges d’évolution au dispositif. C’est pourquoi nous ne pensons pas nécessaire de dresser la liste des formes juridiques possibles.

Par ailleurs, lorsque l’État signera un contrat avec une grande coopérative, celui-ci ne pourra concerner que les agriculteurs d’un canton précis, ou des élevages dont le nombre de têtes dépasse un seuil donné, par exemple. Cela relève de la liberté contractuelle. Il faut éviter de poser des contraintes susceptibles d’entraver le développement de ces groupements.

M. Martial Saddier. Je n’y comprends plus rien. Voulez-vous vraiment que les GIEE soient dotés de la personnalité morale ? Qui va labelliser ? Et, dans le cas où une coopérative, qui a sa propre personnalité morale, est concernée par l’animation d’un projet, comment va-t-elle s’intégrer à une autre structure, également dotée de la personnalité morale, qui défendra le même projet ?

Mme Brigitte Allain. Pour ma part, je vois dans le GIEE la possibilité de constituer un réseau autour d’un même projet agroécologique sur un secteur donné. L’intérêt est de mettre fin aux cloisonnements qui font, par exemple, que les agriculteurs ne pratiquant pas l’agriculture biologique ne participent pas aux actions de formation organisée par les agriculteurs bio. Un GIEE pourrait justement regrouper des agriculteurs bio et non bio, des producteurs de fruits et des viticulteurs, des membres d’une coopérative et des exploitants qui n’en font pas partie.

Dans certains cas, il sera sans doute nécessaire que le GIEE soit doté de la personnalité morale. Mais, s’il s’agit de constituer un réseau, de travailler ensemble, celle-ci n’est peut-être pas absolument indispensable. Or, dans son état actuel, le texte du projet de loi laisse une certaine souplesse.

Un de mes amendements, déclaré non recevable, proposait la création d’un contrat alimentaire territorial, liant, sur une période donnée et autour d’un projet précis, une collectivité locale et des agriculteurs, qu’ils soient membres d’une coopérative, d’une CUMA ou vendeurs directs de leur production.

M. Philippe Le Ray. La rédaction actuelle du troisième alinéa rend toutes les situations possibles : outre les agriculteurs, les collectivités locales, on l’a vu, pourraient participer aux GIEE, mais aussi, le cas échéant, une association de pêche chargée de l’entretien d’un cours d’eau, ou une association de chasse gérant des surfaces agricoles. Il suffira de défendre un projet politique local pour y participer. C’est une approche collectiviste de l’agriculture.

M. Antoine Herth. Compte tenu de son imprécision, le texte de l’article 3 semble être interprété de deux façons différentes au sein de la majorité. Pour M. Potier, le GIEE doit être doté de la personnalité morale. Mme Allain, de son côté, décrit une structure qui s’apparente davantage au monde associatif.

Je suis président d’un pays ayant pour vocation de faire du développement local et qui porte, notamment, un plan climat. Son organisation repose sur une association à but non lucratif pour recruter le personnel et en assurer le fonctionnement. Ne faudrait-il pas s’inspirer de cet exemple ? Dans son organisation actuelle, le GIEE risque de nous compliquer la vie.

M. le président François Brottes. Monsieur de Courson, nous inventons tous les ans de nouvelles structures. Si nous commençons à dresser la liste des formes juridiques possibles d’un GIEE, nous ne nous en sortirons pas. Mieux vaut garder la porte ouverte.

M. le rapporteur. Parmi les structures porteuses de projets de mobilisation pour l’agroécologie figuraient des associations, y compris des associations de développement local ou de protection de l’environnement. La gamme est donc très étendue.

Si nous nous mettons d’accord sur le principe de la personnalité morale, je suggère de renvoyer à un décret le soin de déterminer quelles structures collectives pourraient servir de supports pour ces projets.

M. le ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement CE1431.

L’amendement CE803 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CE1431.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE804 de M. Antoine Herth et CE967 de M. Jean-Michel Clément.

M. Antoine Herth. L’amendement CE804 prévoit que le GIEE ne peut comprendre que des acteurs ayant la même finalité économique. Mais, si le ministre confirme que le GIE n’est pas le modèle du GIEE, je veux bien le retirer.

M. Jean-Michel Clément. L’amendement CE967 prévoit que les personnes susceptibles d’être associées au sein d’un GIEE peuvent être physiques ou morales, privées ou publiques. Il faut envisager tous les cas de figure – par exemple celui d’un lycée agricole également exploitant.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

M. Charles de Courson. Les termes de l’alinéa 3 me semblent plutôt restrictifs. Les membres d’un GIEE, c’est-à-dire des exploitants agricoles et, le cas échéant, « d’autres personnes », « s’engagent collectivement à mettre en œuvre un projet pluriannuel de modification durable de leurs systèmes de production ». À mon avis, n’importe quelle association n’est pas susceptible d’être concernée. Qui peuvent être ces « autres personnes » ?

M. Philippe Le Ray. Précisément : il faut limiter l’accès au GIEE aux partenaires économiques.

M. le président François Brottes. Qu’il s’agisse des modalités d’organisations comme des personnes pouvant participer à un GIEE, la liste des options possibles reste ouverte : tel est le choix du Gouvernement et du rapporteur.

M. Jean-Michel Clément. Il me semble que l’on vide le projet initial de sa substance et que l’on restreint peu à peu la capacité d’action des futurs GIEE.

Mme Brigitte Allain. L’amendement de M. Clément me semble sage, car moins réducteur. Il ne faut pas se contenter d’une orientation économique des GIEE.

M. le ministre. Des personnes physiques – dont des agriculteurs – et des personnes morales peuvent créer un GIEE. Mais il faut une personnalité morale pour gérer les problèmes d’embauche et les questions budgétaires.

Je propose d’organiser au ministère, avant l’examen du projet de loi en séance publique, une réunion pendant laquelle nous évoquerons le contenu du décret précisant les acteurs possibles du GIEE.

La Commission rejette l’amendement CE804.

Puis elle adopte l’amendement CE967.

Elle en vient ensuite à l’amendement CE85 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Le but du GIEE n’est pas nécessairement de modifier l’ensemble du système de production, mais, le cas échéant, certains modes de production ou certaines pratiques.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE1432 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il convient de préciser que les exploitants agricoles devront détenir ensemble la majorité au sein des instances décisionnelles.

M. le ministre. Avis favorable.

M. Antoine Herth. Cet amendement justifie a posteriori notre opposition au CE967. Dès lors que nous permettons aux personnes morales publiques de participer aux GIEE, il nous faut préciser que les agriculteurs resteront les maîtres à bord. C’est un signe de la dérive à laquelle nous assistons.

M. le ministre. Il existe un risque, que cet amendement a justement pour but de limiter.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE285 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement CE1042 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Le GIEE doit concerner un territoire cohérent et favoriser les synergies entre exploitations.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement CE435 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. La notion d’agroécologie est constamment présente en arrière-plan de la discussion sur les GIEE, mais le projet de loi n’en fait pas mention. L’amendement tend à combler cette lacune.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE265 de Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. Les actions proposées dans le cadre du GIEE doivent favoriser l’innovation sous toutes ses formes – technique, sociale ou en matière de marketing.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

M. le président François Brottes. Les dispositions introduites par l’adverbe « notamment » n’ont aucun caractère normatif. N’oubliez pas que la loi est un commandement ! Cet amendement ne sert à rien.

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE287 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement CE699 de Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Il paraît cohérent de faire référence ici au plan régional de développement de l’agriculture biologique – PRAB.

M. le rapporteur. Votre amendement est déjà satisfait, puisque les enjeux propres à l’agriculture biologique sont pris en compte dans le plan régional de l’agriculture durable.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient ensuite à l’amendement CE1041 de M. Dominique Potier.

M. le rapporteur. Avis favorable, sous réserve de supprimer les mots : « sur ce territoire ».

M. le ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CE1434 du rapporteur et les amendements identiques CE368 de M. Martial Saddier, CE546 de M. Dino Cinieri, CE866 de M. Antoine Herth, CE1147 de M. Thierry Benoit et CE1329 de Mme Jeanine Dubié.

M. le rapporteur. Pour permettre la reconnaissance du groupement comme GIEE, le projet pluriannuel doit prévoir les modalités de capitalisation des résultats obtenus sur les plans économiques, environnementaux et le cas échéant, sociaux, permettant leur diffusion.

M. Martial Saddier. Si les GIEE doivent exister, il faut qu’ils puissent communiquer entre eux comme les pôles de compétitivité, afin que les efforts des uns servent aux autres.

M. le ministre. Je suis parfaitement d’accord, car nous souhaitons que le partage des bonnes pratiques se développe.

M. Thierry Benoit. L’intérêt de la création des GIEE réside justement dans la mise en réseau.

Mme Jeanine Dubié. L’amendement du rapporteur apporte un élément supplémentaire par rapport aux amendements suivants, car il prend en compte la dimension sociale. Mais pourquoi celle-ci est-elle précédée de la mention « le cas échéant » ?

M. le rapporteur. Il n’est pas évident, madame Dubié, que chaque GIEE comporte une dimension sociale.

M. Antoine Herth. La question posée par Mme Dubié s’avère pertinente : si l’on supprime les mots « le cas échéant », on peut faire l’économie de l’amendement CE198 du rapporteur qui prévoit que « le projet pluriannuel peut également comporter une dimension sociale ».

La Commission adopte l’amendement CE1434.

En conséquence, les amendements CE368, CE546, CE866, CE1147 et CE1329 tombent.

La Commission en vient à l’amendement CE198 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement identifie la possibilité pour les GIEE de comporter « une dimension sociale en mettant en œuvre des mesures de nature à améliorer les conditions de travail des membres du groupement et de leurs salariés, à favoriser l’emploi ou à lutter contre l’isolement en milieu rural ». Cette précision s’est avérée utile, car tout au long des auditions que nous avons conduites, on nous a demandé pourquoi la dimension sociale ne figurait pas dans le texte, qui s’arrêtait aux plans économique et environnemental.

M. le ministre. Le fait de se regrouper et de créer une dynamique collective est par lui-même une action de nature sociale ; celle-ci est donc inhérente au projet.

M. Charles de Courson. Je suis d’accord avec M. le ministre : l’amendement est inutile et dégrade l’objet de la loi, car la dimension sociale se trouve comprise dans le projet économique et environnemental.

M. le rapporteur. Monsieur de Courson, dans la situation sociale difficile que connaît notre pays – notamment dans le secteur agricole –, beaucoup nous demandent si ce projet améliorera la situation sociale des agriculteurs. Comme l’a expliqué M. le ministre, le choix d’un travail collectif s’inscrit dans une démarche sociale affirmée et vise à lutter contre le fort isolement des agriculteurs.

M. le président François Brottes. Monsieur le rapporteur, pourrait-on supprimer le terme « également » de votre amendement ?

M. le rapporteur. Oui.

M. Thierry Benoit. Cet amendement paraît plus conceptuel qu’opérationnel ; or M. le ministre souhaite que ce projet de loi soit l’occasion d’adopter des mesures de simplification. Par souci de clarté, vous devriez retirer l’amendement, monsieur le rapporteur.

M. le rapporteur. L’utilisation du verbe « pouvoir » marque la création d’une faculté et non d’une obligation. Nous n’imposons pas la condition sociale aux GIEE pour ne pas alourdir le dispositif et pour lui permettre de se déployer, mais nous souhaitons que cette dimension puisse faire partie du projet.

Mme Michèle Bonneton. Nous souhaitons tous que l’agriculture crée des emplois, et cet amendement indique que le projet peut mettre en œuvre des mesures de nature à favoriser l’emploi.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle est saisie de l’amendement CE1430 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet l’élaboration d’un cadre national qui fixera les objectifs prioritaires pour la reconnaissance d’un GIEE.

M. le ministre. Je n’ai pas d’objection à cet amendement.

M. Martial Saddier. Cet amendement ferme toutes les ouvertures concédées par le rapporteur et le ministre depuis le début de nos discussions. Quel sera le vecteur juridique de ce cadre national ? Un décret ? Une circulaire ? Rien n’est dit à ce sujet. En outre, ce cadrage national renverra à un cadrage régional tout en assurant l’égalité entre les régions par l’application des mêmes critères sur l’ensemble du territoire : cela signifie que les régions montagneuses, littorales ou de plaine seront traitées selon les mêmes critères.

M. le rapporteur. Je vous entends, monsieur Saddier, et je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission aborde l’amendement CE1044 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Cet amendement précise que l’autorité administrative chargée de l’évaluation des projets du GIEE pourra prendre en compte des critères sociaux dans sa procédure de reconnaissance et de sélection ; amendement du groupe SRC, il vient en contrepartie de celui sur la triple performance.

M. le président François Brottes. Que peuvent être ces critères ?

M. Dominique Potier. La qualité de vie ou le nombre d’emplois créés, par exemple.

M. le rapporteur. Si l’on refuse le cadre national, on ne peut pas se lancer dans l’élaboration d’une liste de critères ! Mais je reste persuadé qu’un cadrage national s’avérera nécessaire afin de donner une cohérence aux GIEE.

M. le ministre. Il faut conserver l’objectif de souplesse du GIEE, et donc ne pas fixer de critères. L’idée du GIEE repose sur la mise en commun d’éléments économiques et écologiques, et la nature collective du groupement lui assurera une dimension sociale.

M. Dominique Potier. Nous avons renoncé à une trentaine d’amendements réclamant l’inscription de la dimension sociale. La convivialité et la mutualisation au sein d’un groupe n’épuisent pas l’objet social. Les ressources budgétaires n’étant pas illimitées, il conviendra de faire des choix entre de grandes exploitations en bonne santé et d’autres émergentes ou fragiles en prenant en compte le critère social. Inscrire celui-ci dans la loi nous éviterait de voir l’administration affirmer qu’il ne peut pas être mobilisé parce qu’il ne figure pas dans le droit.

M. le président François Brottes. Lorsque la loi ne contient pas de précision, tout reste ouvert ; c’est lorsqu’elle met en lumière un élément qu’elle exclut les autres.

M. André Chassaigne. Je regrette de ne pas avoir soutenu l’amendement du rapporteur sur l’établissement d’un cadre national, et nous y reviendrons en séance publique. En effet, soit les objectifs du GIEE sont définis pour orienter l’agriculture de notre pays, soit ils ne sont pas spécifiés et le projet se trouvera dévoyé. Certains amendements visent à vider le texte de sa substance. Ces questions du cadre national et de la dimension sociale sont centrales.

Mme Pascale Got. Un compromis consisterait à retirer cet amendement à la condition qu’un engagement sur la nature sociale des critères soit pris.

M. Philippe Le Ray. Ne pourrait-on pas imaginer – comme pour les communes et les communautés de communes – de définir des compétences facultatives et d’autres obligatoires ? Dans le cas contraire, les GIEE seront totalement dissemblables entre eux.

M. le rapporteur. Mes chers collègues, je suis heureux de constater que vous soutenez mon amendement après vous y être opposés.

Mme Brigitte Allain. Les GIEE donnent une orientation économique et environnementale, et l’ajout de critères sociaux s’avère important. La loi est faite pour durer et il faut penser à y inscrire un tel élément.

M. André Chassaigne. On ne veut plus utiliser le mot « durable » après l’avoir galvaudé ; or ce terme rassemble les trois critères – économique, environnemental et social.

M. le rapporteur. En séance publique, je redéposerai l’amendement que j’ai retiré en Commission sur l’élaboration d’un cadre national ; dans celui-ci figureront les objectifs – et non la liste – des critères sociaux. On ne peut pas évoquer l’économie et l’écologie, et exclure le social, car ces trois dimensions sont liées. Monsieur Potier, je suis d’accord avec l’objet de votre amendement, mais je vous demande de le retirer au profit de celui que nous présenterons en séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CE501 de M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Le texte de cet amendement dispose que « Le décret veille à garantir un cadre national relatif au régime du groupement ». Il conviendrait de le rectifier en parlant de « régime juridique du groupement ».

M. le rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement pour le reprendre en séance. La loi définit les critères généraux – l’environnement, l’économie et le social –, précisés ensuite par un décret.

M. Philippe Le Ray. Là, nous parlons du régime du fonctionnement du GIEE – composition, forme juridique, attribution des aides d’État et de l’Union européenne – et non de critères.

M. le rapporteur. En effet, l’amendement porte sur le régime et je suis favorable à son adoption, car il prévoit qu’un décret définisse un cadre national pour le régime du groupement.

M. Antoine Herth. Le régime juridique et les objectifs du GIEE constituent deux questions distinctes. Mesdames et messieurs les députés de la majorité, vous devrez choisir entre l’établissement d’une base de données contenant des critères nationaux et la création d’une structure définie sur le terrain, c’est-à-dire décider si l’initiative doit venir du sommet ou de la base.

M. le ministre. L’objectif essentiel consiste à élaborer un cadre dans lequel les agriculteurs contractualisent avec d’autres partenaires – personnes physiques – dans un GIEE – personne morale –, afin de réaliser des projets économiques, écologiques et qui possèdent une dimension sociale du fait de leur nature collective. Restons dans cette démarche de souplesse !

M. le président François Brottes. Je mets aux voix ces amendements, le CE501 étant rectifié par l’ajout du terme « juridique » entre les mots « régime » et « du ».

La Commission adopte l’amendement CE501 ainsi rectifié.

Puis elle étudie l’amendement CE1043 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Cet amendement vise à insister sur la dimension de projet du GIEE ; ces groupements n’ont pas vocation à subsister sans conduire de projet. Néanmoins, cette précision ne s’avère plus forcément pertinente au vu des options que nous avons déjà prises.

M. le rapporteur. J’émets un avis favorable à l’adoption de cet amendement et suggère de supprimer l’expression « En tout état de cause » au début de la phrase.

M. Dominique Potier. D’accord.

M. Antoine Herth. La durée minimale d’un projet s’élève à cinq ans, puisque les GIEE pourraient devenir les vecteurs d’une contractualisation dans le cadre des futures mesures agro-environnementales (MAE) dites systèmes qui dureront cinq ans. Il s’avère nécessaire de disposer d’une structure juridique suffisamment solide pour que la contractualisation puisse s’opérer dans le cadre des MAE.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle examine les amendements identiques CE434 de M. Martial Saddier, CE669 de M. Dino Cinieri, CE1320 de M. Antoine Herth, CE1327 de M. Thierry Benoit et CE1333 de Mme Jeanine Dubié.

M. Martial Saddier. Il convient de déterminer les responsables de la capitalisation et de la diffusion des innovations des GIEE. Derrière cette question paraît celle de la répartition des moyens financiers. L’amendement vise à attribuer cette tâche aux organismes de développement agricole, le fait de s’appuyer sur des structures existantes permettant de ne pas gaspiller l’argent public.

M. Dino Cinieri. Il y a lieu de rattacher les travaux des GIEE et leurs enseignements dans les organismes de développement agricole qui possèdent cette mission.

M. le rapporteur. J’émets un avis défavorable, car il est trop tôt pour statuer sur cette question.

M. le ministre. Mon avis est également défavorable ; en effet, il est inutile de préciser le rôle de ces organismes de développement qui sont les seuls à exister.

M. Martial Saddier. D’autres organismes que les organismes agricoles reconnus pourraient-ils être mobilisés ?

M. le ministre. Les chambres d’agriculture, certaines coopératives et les CIVAM sont les acteurs du développement. Toutefois, des conseils privés pourraient intégrer ce champ – le cas s’est produit dans un GIE en Ardèche –, mais il ne leur sera pas accordé d’argent public. La diffusion et le développement restent de la compétence des organismes de développement qui existent : la précision apportée par cet amendement s’avère donc inutile.

M. le président François Brottes. Ce point de détail ressort du domaine du règlement et non de celui de la loi.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement CE862 de M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Cet amendement vise à supprimer à titre de précaution l’alinéa 9 de l’article 3, car il prévoit un champ très large pour la notion d’entraide, ce qui crée un risque fiscal pour les GIEE.

M. le rapporteur. J’émets un avis défavorable à cet amendement. L’application aux GIEE du régime d’entraide figurant dans le code rural permettra de ne pas complexifier le système. En effet, si l’on ne retient pas la forme juridique de l’entraide, un agriculteur travaillant chez un autre exploitant dans le cadre d’un GIEE devra être déclaré, devenir salarié et payer des cotisations et des impôts. Cette mesure doit servir au monde rural et faciliter le travail dans un groupement.

M. le ministre. Même avis.

M. Philippe Le Ray. Vous semblez négliger la dimension occasionnelle de l’entraide.

M. le rapporteur. L’entraide est définie par l’article L. 325-1 du code rural, comme pouvant être « réalisée entre agriculteurs par des échanges de services en travail et en moyens d’exploitation. Elle peut être occasionnelle, temporaire ou intervenir d’une manière régulière. L’entraide est un contrat à titre gratuit, même lorsque le bénéficiaire rembourse au prestataire tout ou partie des frais engagés par ce dernier. » L’entraide peut donc également être régulière. Les prestations d’entraide ne peuvent être assujetties ni à la TVA ni à la contribution économique territoriale, et elles ne peuvent donner lieu ni à prélèvement sur les salaires ni à perception de cotisations sociales.

M. Charles de Courson. Le rapporteur nous a indiqué que les GIEE pourraient embaucher du personnel. Or non seulement l’entraide ne peut exister qu’entre des exploitants agricoles, mais leurs échanges doivent être équilibrés. Le régime du GIEE ne saurait donc s’appuyer exclusivement sur l’entraide.

M. le rapporteur. Dès lors qu’un salarié est embauché, on sort du cadre de l’entraide puisque celui-ci travaille en fonction des décisions prises par son employeur. Notre objectif consiste ici à retenir le principe de présomption d’entraide, nécessaire pour faciliter l’action collective, et de renverser la charge de la preuve.

M. Charles de Courson. Comment l’administration pourra-t-elle contrôler le respect de la règle que vous souhaitez fixer ?

M. le ministre. Pourquoi exercer un contrôle sur une entraide qui, parce qu’elle est gratuite, ne bénéficie d’aucun avantage fiscal ?

M. Charles de Courson. Elle est certes gratuite. Encore faudra-t-il contrôler que ce système de troc reste équilibré.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE290 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit simplement d’éviter la répétition du mot « groupement ».

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE291 et CE292 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement CE277 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mon amendement vise à éviter que l’instauration d’une présomption d’entraide agricole ne permette de contourner les règles d’agrément auxquelles sont soumis les prestataires de service chargés de l’application de produits phytosanitaires.

M. le rapporteur. L’article L. 254-1 du code rural précise justement que lorsque l’application de produits phytopharmaceutiques est effectuée dans le cadre de contrats d’entraide, elle ne nécessite pas d’agrément. D’autre part, un agriculteur qui se rend chez un voisin pour offrir ce type de prestation est théoriquement déjà agréé.

M. Charles de Courson. Autant l’exception à la règle d’agrément est pertinente en cas d’entraide bilatérale, autant elle posera problème lorsque l’entraide s’effectuera dans le cadre d’un groupement.

M. le ministre. L’entraide n’est pas forcément bilatérale. En outre, chaque agriculteur est agréé à titre individuel. Enfin, dès lors qu’il y a prestation de services, il n’est plus question d’entraide.

M. Charles de Courson. Mais, dans la mesure où il y a présomption d’entraide, il faudra bien que vos services aillent contrôler les GIEE afin d’empêcher toute dérive. Il convient en outre d’éviter toute distorsion de concurrence entre les sociétés prestataires de services qui sont agréées et les groupements qui, eux, ne le seront pas.

M. Dominique Potier. Ce n’est pas en modifiant la définition du GIEE que l’on résoudra l’ensemble des problèmes de contrôle du secteur agricole. Soyons pragmatiques et faisons prévaloir la présomption d’entraide qui correspond bien à l’esprit du GIEE.

M. Antoine Herth. M. de Courson soulève deux problèmes de fond. Le premier concerne l’application des produits phytosanitaires. La tendance actuelle, toutes majorités confondues, est de prendre des précautions de plus en plus importantes à l’égard des personnes habilitées à appliquer ces produits. Or la contrainte diffère selon le mode d’intervention retenu puisqu’un prestataire de services doit suivre un niveau de formation plus élevé qu’un agriculteur utilisant ces produits sur sa propre exploitation. Et le projet de loi tend à créer une troisième catégorie de personnes, échappant à la réglementation sur les agréments.

Le second problème est que le texte crée, parallèlement à l’économie réelle sous contrôle réglementaire, une forme d’économie informelle s’appuyant sur l’entraide, le troc de céréales et l’échange de semences. On a ainsi l’impression que le monde commercial est cruel et l’économie capitalistique, atroce – ce qui justifierait que l’on crée un monde parallèle dans lequel on s’entraide et l’on échange entre copains.

Mme Brigitte Allain. Si je comprends bien, M. de Courson veut mercantiliser l’entraide…

M. le rapporteur. Peut-être les entreprises de prestations de services sont-elles mécontentes de cette mesure, mais restons simples et faisons confiance aux professionnels : chaque agriculteur est responsable de la façon dont les produits sont répandus sur son exploitation.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CE86 de la commission du développement durable, et les amendements identiques CE436 de M. Martial Saddier, CE670 de M. Dino Cinieri. CE1321 de M. Antoine Herth, CE1328 de M. Thierry Benoit et CE1335 de Mme Jeanine Dubié.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. De portée quasi rédactionnelle, l’amendement CE86 vise à préciser que l’on peut instituer de nouvelles majorations et les appliquer à tout ou partie des actions prévues par un projet pluriannuel.

M. Antoine Herth. Monsieur le ministre, quelles sont les aides qui pourront être majorées ? Dans quelles proportions et selon quelles modalités ?

M. Thierry Benoit. L’amendement CE1328 a pour objet de préciser que les membres du GIEE qui ne sont pas des agriculteurs ne peuvent être éligibles aux aides spécifiquement destinées aux exploitations agricoles.

Mme Jeanine Dubié. Notre objectif est de mettre en réseau les GIEE, en cohérence avec les engagements pris dans le cadre des orientations du Programme national de développement agricole et rural.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE87 de la commission du développement durable et CE704 de Mme Brigitte Allain.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement vise à cibler l’octroi d’aides publiques aux GIEE à vocation environnementale ou territoriale sur des actions particulières, telles que la recherche d’autonomie des exploitations et les circuits courts.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est en partie satisfait puisque, pour être reconnu, un GIEE doit « répondre aux enjeux économiques et environnementaux pour le territoire auquel appartiennent les exploitations agricoles concernées, notamment ceux identifiés dans le plan régional de l’agriculture durable ». N’allons pas plus loin en subordonnant l’octroi de ces aides à certaines actions spécifiques, sans quoi l’on risque d’entraver le développement de l’innovation au lieu de l’encourager.

M. le ministre. Pour répondre à Antoine Herth, il n’est pas question de revenir sur les aides du premier pilier qui sont attribuées à l’hectare d’exploitation ni sur leur verdissement, leur couplage ou leur convergence. Reste donc le deuxième pilier qui recouvre des politiques nationales clairement identifiées telles que l’indemnité compensatoire de handicap naturel, mais qui permettra aussi d’aider les régions dans des domaines tels que l’agroécologie, l’organisation territoriale des agriculteurs et le développement de la méthanisation. Ces aides étant disponibles, ne nous privons pas de la possibilité d’y recourir.

Les amendements sont retirés.

La Commission aborde l’amendement CE702 de Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Cet amendement a pour objet de limiter l’octroi d’aides publiques à la méthanisation aux seuls méthaniseurs collectifs constitués dans le cadre de GIEE. Cela permettra ainsi une utilisation plus rationnelle des deniers publics tout en assurant la pérennité des méthaniseurs.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La méthanisation ne présente que des avantages, puisqu’elle permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de produire une énergie renouvelable, et que ses digestats peuvent être réutilisés pour amender les terres agricoles. Il serait donc regrettable que la loi exclue du champ des aides publiques les projets d’implantation de méthaniseurs individuels qui, tout autant que les méthaniseurs collectifs, peuvent s’avérer d’intérêt national.

M. le ministre. S’il se peut fort bien qu’une grosse exploitation assume seule l’implantation d’un méthaniseur, songez aux exploitations isolées, notamment en zone de montagne. Pour que fonctionne le méthaniseur, il vaut mieux ne pas transporter la matière organique sur des distances trop importantes. Il faut donc maintenir la possibilité d’implanter de petits méthaniseurs individuels.

Mme Brigitte Allain. Notre amendement vise à ce que les aides publiques soient accordées en priorité aux méthaniseurs collectifs implantés dans le cadre d’un GIEE, afin de ne pas limiter la taille des ateliers à celle des méthaniseurs.

Par ailleurs, lorsqu’un éleveur, ayant installé sur sa ferme un méthaniseur, se retrouve en cessation d’activité ou en cessation de paiement, son méthaniseur s’arrête en même temps que son exploitation, et les aides publiques investies sont ainsi perdues.

Mme Delphine Batho. Je comprends l’objectif poursuivi, mais l’amendement ne résout pas le problème posé, car les aides publiques attribuées dans le cadre du plan Énergie Méthanisation Autonomie Azote (EMAA) ne relèvent pas de ce projet de loi, mais du tarif d’achat des énergies renouvelables ainsi que du fonds déchets de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Or, pour des raisons constitutionnelles, ce tarif d’achat ne peut être modulé selon la nature des porteurs de projet. Quant au fonds déchets, il relève encore d’une autre logique.

Mme Brigitte Allain. Je ne parle pas du tarif d’achat, mais des aides publiques à l’investissement.

M. Charles de Courson. Non seulement le tarif d’achat n’est pas une aide publique, mais, en outre, les aides à la méthanisation sont le plus souvent des aides locales et non des aides de l’État. Par conséquent, on voit mal à quelles « aides publiques » fait référence cet amendement – par ailleurs mal rédigé.

M. Martial Saddier. L’adoption de cet amendement conduirait à exclure du champ des aides toute une partie des territoires agricoles français, au détriment de l’aménagement du territoire.

Il conviendrait d’autre part de faire figurer parmi les objectifs de cette loi que l’agriculture contribue à répondre au défi de la pollution de l’air – la Commission européenne ayant commencé à s’intéresser au secteur agricole dans le cadre du contentieux en cours sur la pollution de l’air et les particules fines.

M. le ministre. L’émission de monoxyde et de dioxyde d’azote liée au travail des sols, de même que la présence de carbone dans les sols, engendre effectivement une pollution de l’air. Quant au méthane, à moins d’être transformé en énergie, il entraîne un effet de serre quinze fois supérieur à celui du carbone. Je reconnais donc que l’agroécologie contribue à la lutte contre le réchauffement climatique et à la limitation de la pollution de l’air.

M. le président François Brottes. Cet amendement « martyr » m’inspire deux observations. Sur le plan de la rédaction, la loi doit être écrite au présent. D’autre part, moins elle comporte de détails, mieux elle pourra s’ajuster à la situation des filières ; c’est pourquoi il faut laisser une certaine latitude au pouvoir réglementaire : le photovoltaïque en a offert un malheureux contre-exemple. Retirez-vous votre amendement ?

Mme Brigitte Allain. Oui : non pas au bénéfice de vos leçons, monsieur le président, mais pour en revoir la rédaction.

M. le président François Brottes. Ce n’était pas une leçon, madame Allain ; mais la loi doit être claire.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CE668 de M. Hervé Pellois.

M. Hervé Pellois. Il s’agit d’étendre l’entraide agricole aux échanges de travail et de moyens dans la commercialisation des produits fermiers ou sous signe de qualité.

M. le rapporteur. Avis défavorable. L’article vise à faciliter l’entraide au sein des GIEE, non à élargir le champ de l’entraide.

M. le ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE89 de la commission du développement durable, CE703 de Mme Brigitte Allain et CE1240 de M. Hervé Pellois, et l’amendement CE1435 du rapporteur.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Je retire mon amendement pour me rallier au CE1435, dont la rédaction me semble meilleure.

Mme Brigitte Allain. Je retire également mon amendement, pour la même raison.

M. Hervé Pellois. Moi aussi.

M. le rapporteur. L’amendement CE1435 crée – c’est là son avantage – un nouvel article dans le code rural et de la pêche maritime.

M. le ministre. Je suis favorable à cet amendement. La question de la multiplication des semences de ferme et de leur triage est un vieux débat. Le Gouvernement considère que le système français d’obtentions végétales est un outil majeur pour lutter contre le brevetage du vivant à l’échelle mondiale ; cependant, une fois que les semences issues de la recherche scientifique tombent dans le domaine public, il n’y a aucune raison d’interdire leur triage ou leur échange.

M. le président François Brottes. Je rappelle que, lors de la précédente législature, le groupe SRC ne s’était pas opposé à la création du certificat d’obtention végétale.

M. Charles de Courson. Quel type de semences ou de plants reste-t-il, en dehors de ceux qui, pour citer l’amendement CE1435, n’appartiennent pas « à une variété protégée par un certificat d’obtention végétale » ?

M. le ministre. La discussion avec les obtenteurs porte sur la part de semences libres de droits qui seront ouvertes à l’échange ou à la multiplication, étant entendu que cette part, que nous voulons augmenter, pourra évoluer.

M. Charles de Courson. Ma question concernait plutôt la portée de l’amendement.

M. le ministre. Elle est évidemment limitée. Les semences certifiées ont un prix, car elles sont plus performantes : les agriculteurs font donc leur choix, mais beaucoup d’entre eux optent pour les semences libres de droits, qui pourront être échangées.

M. Charles de Courson. Pour assurer l’entraide, encore faudrait-il, par ailleurs, que les échanges soient équilibrés ; faute de quoi l’amendement est largement vidé de son contenu.

M. Antoine Herth. M. de Courson soulève une vraie question. L’entraide, en principe, relève de l’échange de services, non de biens.

M. le ministre a anticipé la question que je souhaitais lui poser sur la défense du secteur semencier français, dont la contribution est essentielle pour le rétablissement de notre solde commercial. Le système d’obtentions végétales est en outre une juste alternative aux brevets, qui ne correspondent pas aux traditions européennes.

Enfin, la mention « sans préjudice de la réglementation qui leur est applicable » recouvre-t-elle aussi les aspects sanitaires ?

M. le rapporteur. Vos préoccupations me semblent effectivement satisfaites, monsieur Herth.

S’agissant des échanges, monsieur de Courson, faisons confiance aux agriculteurs.

Les amendements CE89, CE703 et CE1240 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CE1435.

Puis elle examine les amendements identiques CE502 de M. Antoine Herth, CE545 de M. Dino Cinieri, CE963 de M. Jean-Michel Clément, CE993 de M. Dominique Potier et CE1148 de M. Thierry Benoit.

M. Dino Cinieri. Aux termes de l’article 3, les producteurs de céréales associés dans un GIEE seront dispensés de passer par un organisme stockeur, ce qui risque de désorganiser le marché des céréales. Cette disposition n’est de surcroît pas cohérente avec l’article 2. Aussi proposons-nous de supprimer les alinéas 11 et 12.

M. Jean-Michel Clément. Peut-être entend-on, à travers cette dérogation, favoriser le développement des GIEE, mais cela se fera aux dépens de la traçabilité des opérations par le collecteur agréé. La mesure va donc à l’inverse de ce qui a toujours été considéré, jusqu’alors, comme un progrès pour le marché des céréales.

M. Dominique Potier. Nous sommes également attachés au maintien des règles communes, même si l’on peut éventuellement relever, par exemple, la limite de cinq quintaux de céréales par transport. Quoi qu’il en soit, il serait dommage que, à travers ces deux alinéas, certains agriculteurs regardent les GIEE de façon un peu opportuniste, alors que ces derniers sont conçus pour devenir des laboratoires de l’agroécologie.

M. Charles de Courson. L’obligation de passer par des organismes stockeurs, à des fins de régulation, résulte des drames survenus sur le marché des céréales dans les années 1930. Depuis quelques années, les règles ont néanmoins été assouplies. Depuis 2007, un agriculteur peut ainsi bénéficier du statut de collecteur, sous réserve de satisfaire à un certain nombre d’exigences techniques…

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CE307, CE308 et CE309 tombent.

Elle examine ensuite l’amendement CE500 de M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Nous proposons que les dispositions relatives aux GIEE fassent l’objet d’une expérimentation préalable. L’étude d’impact ne comportant aucune donnée fiable, cet amendement éviterait la rédaction d’un rapport, lequel pourrait conduire l’Assemblée à reconsidérer la question.

M. le rapporteur. Nous avons déjà beaucoup débattu des GIEE. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Article 4 (articles L. 255-2-1 [nouveau], L. 411-27, L. 820-1 du code rural et de la pêche maritime) : Déclaration de l’azote commercialisé et extension du bail environnemental

La Commission est saisie de l’amendement CE503 de M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Nous avons heureusement supprimé, à l’article 3, la disposition relative au troc de céréales. L’article 4, lui, tend à généraliser l’obligation de déclaration pour les matières azotées, selon le souhait exprimé, à en croire l’étude d’impact, par les seuls éleveurs bretons. Une telle généralisation me semble abusive.

M. le rapporteur. Actuellement, monsieur Herth, 70 % des masses d’eau en France sont polluées par les nitrates – lesquels proviennent des matières azotées –, alors même que l’objectif fixé par une directive européenne était d’atteindre 70 % de masses d’eau saines d’ici à 2015. Votre position n’est donc pas tenable au regard de nos responsabilités environnementales. Avis défavorable.

M. le ministre. En Bretagne coexistent, à quelques kilomètres de distance, des zones excédentaires pour l’épandage d’azote organique et d’autres où l’on épand de l’azote minéral, lequel n’est soumis à aucune réglementation. Aucun échange n’est possible. La logique de l’azote total, dans ces conditions, est de permettre au préfet de décider le remplacement de l’azote minéral par l’azote organique excédentaire. Ce système sera prochainement mis en œuvre par le préfet de Bretagne dans le cadre du plan d’avenir pour la région, mais il pourra bien entendu l’être ailleurs.

M. Thierry Benoit. La prise en compte de l’azote total est la bonne approche. Je m’interroge seulement sur la mise en œuvre concrète de ce principe : a-t-on choisi la méthode la plus simple ?

M. Philippe Le Ray. Je partage également l’avis du ministre sur cette question. Pourquoi, cependant, obliger toutes les exploitations à déclarer la quantité de leurs flux d’azote ? Ne pourrait-on se contenter d’une déclaration des seuls échanges ?

M. le ministre. L’épandage d’azote organique est aujourd’hui limité à 170 kilos par hectare, l’éventuel excédent étant traité sur le lieu de production, selon la règle du plan d’épandage. Cependant, qui peut garantir que l’épandage s’effectue réellement sur la zone concernée ?

Le texte vise seulement à permettre aux préfets de rendre obligatoire, en plus de la déclaration relative à l’azote organique, une autre relative à l’azote minéral. Les contraintes européennes nous imposent en effet d’apporter une réponse.

Par ailleurs, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) devrait, dans les prochains jours, fixer une norme d’épandage pour le digestat, résidu de la méthanisation. L’excédent d’azote organique, substitué à l’azote minéral, pourrait ainsi être utilisé à des fins de fertilisation. Ce système, qui renforcerait l’autonomie des exploitations, serait particulièrement judicieux en Bretagne, où l’on importe à la fois des protéines végétales pour nourrir les animaux et du gaz pour produire de l’azote minéral ; mais il pourra s’appliquer dans bien d’autres régions : les préfets en décideront.

En février 2013, Mme Batho et moi avions présenté, dans le même esprit, le plan EMAA. La consommation d’azote minéral pendant l’année de référence retenue pour le pacte d’avenir pour la Bretagne – de septembre 2013 à septembre 2014 – permettra de mesurer le niveau de remplacement par l’azote organique.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE613 de M. Paul Molac.

Mme Brigitte Allain. Il s’agit de permettre à l’autorité administrative de fixer un plafond d’épandage d’azote minéral et organique par hectare, en fonction des situations locales et de leur évolution.

Aujourd’hui, les seules limites existantes concernent la quantité maximale d’azote contenu dans les effluents d’élevage, en d’autres termes l’azote organique. Cette mesure, à l’origine d’excédents de matières azotées, va donc à l’encontre des objectifs environnementaux.

M. le rapporteur. Avis défavorable, compte tenu de la limite de 170 kilos d’azote par hectare.

M. le ministre. Cette limitation concerne bien l’azote organique, mais le sujet n’est pas là. Il ne s’agit pas de modifier ce plafond, mais, le cas échéant, de substituer l’azote organique excédentaire à l’azote minéral.

Mme Delphine Batho. J’adhère au principe de l’azote total, mais cela ne nous dispensera pas de réduire la quantité globale d’azote épandu. Je soutiens donc l’amendement.

Mme Brigitte Allain. Dès lors que les échanges sont enregistrés, pourquoi le contrôle ne serait-il pas possible ? La quantité d’azote total par hectare est l’addition de la quantité d’azote organique et d’azote minéral.

Mme Laure de La Raudière. Une fois qu’une nappe phréatique a été polluée par l’azote, il est très long de lui faire retrouver des niveaux conformes aux normes européennes. Cette pollution résulte de pratiques agricoles vieilles de vingt-cinq ans. Quel niveau fixer pour un éventuel plafond, sachant que les doses désormais utilisées par les agriculteurs sont très inférieures à ce qu’elles étaient alors ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, tout l’azote introduit dans le sol n’est pas lié aux activités agricoles : il provient en partie d’autres activités humaines. Savons-nous dans quelles proportions ? De nombreux maires de communes périurbaines dont la population a considérablement crû ont constaté une forte pollution des nappes phréatiques. Si l’agriculture n’est pas très majoritairement à l’origine des problèmes, il est inutile de lui imposer des plafonds. Je n’ai pas de position préétablie, mais, pour voter, je souhaite être éclairée.

M. le ministre. Madame la députée, la question des plafonds et des conditions de calcul est hors sujet, d’autant que tout dépend de la situation des terres, des conditions pédoclimatiques ou des méthodes d’épandages. Nous discutons seulement d’un principe selon lequel, dans une zone donnée, sur décision du préfet et dans le cadre d’un GIEE, un excédent d’azote organique peut être utilisé en substitution de l’azote minéral. Pour le reste, des mesures réglementaires prendront le relais.

Je précise que l’azote liquide est beaucoup plus sensible à l’érosion hydraulique que le fertilisant issu du digestat.

M. le rapporteur. Les objectifs visés par l’amendement de Mme Allain sont déjà pris en compte. Quant aux détails, ils relèvent du règlement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CE614 de Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. La possibilité ouverte à l’alinéa 4 doit se transformer en obligation.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Nos collègues sont unanimes pour réclamer des simplifications, mais il faudrait généraliser une mesure qui n’est pourtant pas partout nécessaire. Laissons le préfet imposer les choses quand c’est utile !

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE278 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’épandage peut être effectué par des entreprises spécialisées pour le compte des exploitants. Il convient de modifier l’alinéa 5 pour qu’il en soit tenu compte.

M. le ministre. Avis défavorable. Le cas est déjà prévu dans le règlement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE902 de M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Je propose d’ajouter après l’alinéa 6 que « la déclaration annuelle relative aux quantités d’azote mentionnées aux deux alinéas précédents ne peut en aucun cas être utilisée aux fins d’établissement d’une taxe ou de tout autre prélèvement fiscal, parafiscal ou social, de quelque nature qu’il soit, sur les matières fertilisantes ». Je me félicite que cet amendement n’ait pas été déclaré contraire à l’article 40 de la Constitution bien que je propose de priver l’État d’éventuelles recettes futures.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La mesure proposée par le projet de loi n’a pas pour objet une utilisation fiscale.

M. le ministre. Le principe de « l’azote total » a précisément pour but de traiter le problème autrement que par le coût. La question ne se pose donc pas, et nous sommes défavorable à l’amendement.

M. Martial Saddier. Puisque, d’après le rapporteur et le ministre, il n’y a aucun risque fiscal, il n’y en a non plus aucun à adopter l’amendement !

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CE84 de M. Michel Piron, CE504 de M. Antoine Herth, CE 547 de M. Dino Cinieri et CE1149 de M. Thierry Benoit, l’amendement CE256 de M. Martial Saddier, et les amendements identiques CE548 de M. Dino Cinieri, CE867 de M. Antoine Herth et CE1150 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Il ne doit être possible d’inclure des clauses environnementales dans les baux ruraux que dans des zones circonscrites spécifiques. Leur généralisation serait source de contentieux.

M. Antoine Herth. La sécurisation des exploitants agricoles sur leurs terres a constitué l’un des grands acquis des lendemains de la Seconde Guerre mondiale, renforcé par l’évolution du code rural. En donnant la possibilité aux propriétaires d’inscrire dans les baux des clauses environnementales sans préciser aucune limite, vous recréez une situation d’insécurité pour les exploitants. Vous favorisez également le mitage, car ces derniers ont généralement plusieurs propriétaires et l’un ou l’autre pourrait soumettre une parcelle isolée à des conditions environnementales particulières.

Ces clauses ont leur raison d’être dans certaines zones, mais il me semble particulièrement maladroit d’élargir, sans les encadrer, les dispositions prévues dans la loi d’orientation de 2006.

M. Dino Cinieri. Le projet de loi étend la possibilité d’introduire des clauses environnementales dans les baux ruraux soumis au statut du fermage à toutes les parcelles louées et à tous les bailleurs, alors que cette possibilité n’était jusque-là réservée qu’aux personnes morales de droit public ayant un objet environnemental ou aux bailleurs de terres situées dans des zones à enjeux environnementaux délimitées dans le cadre de procédures spécifiques. Cette extension risque de conduire à des dérives qui déboucheront immanquablement sur une augmentation des conflits entre bailleurs et preneurs.

M. Charles de Courson. La généralisation proposée ne répond pas à un besoin particulier de protection environnementale. Pourquoi dégrader les relations entre bailleurs et exploitants alors que les MAE permettent d’inciter ces derniers à adopter un comportement donné ?

M. le rapporteur. Avis défavorable. Ce projet de loi répond à un impératif d’intérêt général : l’évolution de l’agriculture française vers l’agroécologie. Dans ce cadre, la mise en œuvre de pratiques plus respectueuses de l’environnement doit être poursuivie et il est cohérent d’élargir la possibilité de recours à des « baux environnementaux ».

La mesure proposée ne contrevient pas au statut du fermage, qui s’appuie sur un contrat et nécessite l’accord de deux parties, le bailleur et le preneur. Depuis la création de ce statut, des clauses peuvent être imposées par le bailleur. L’un des représentants des grandes structures agricoles nous indiquait ainsi, lors de son audition, que son bailleur lui imposait depuis deux générations de s’assurer contre la grêle.

J’ajoute que ce statut est tellement restrictif qu’il se retourne parfois contre les agriculteurs, en particulier dans les régions de polycultures et de petites parcelles où les propriétaires ne veulent plus louer à des agriculteurs, car ils savent qu’ils ne pourront pas récupérer leurs terrains. C’est également le cas pour des domaines plus vastes comme nous l’a indiqué lors de son audition M. Guy Vasseur, président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA). Selon lui, la rémunération du fermage est aujourd’hui tellement faible que des propriétaires préfèrent s’installer eux-mêmes.

M. Philippe Le Ray. Votre proposition ne réglera pas ce problème !

M. le rapporteur. Il est en tout cas préférable de ne pas trop charger la barque du bailleur.

M. le ministre. Avis défavorable. Nous avons pour objectif d’améliorer l’ensemble du patrimoine agronomique et agroécologique de notre pays. Au-delà du fermage et de l’activité d’une exploitation, le bail environnemental prend en compte une logique patrimoniale d’intérêt général. En raisonnant en termes d’agroécologie, plus la matière organique des sols est élevée, plus les potentiels de rendement le sont, et plus la biodiversité est forte. Ces qualités environnementales doivent se transmettre comme des qualités patrimoniales d’intérêt général. Il faut éviter tout retour en arrière. J’ajoute que, si nous réussissons, les terres concernées seront mieux valorisées que les autres.

M. Dominique Potier. Le groupe SRC, qui a déposé un amendement d’appel CE1040, considère qu’en aucun cas le bail environnemental ne doit « remettre en cause les principes qui régissent le statut du fermage » auxquels il est fermement attaché. Patrimoine social et naturel, ce statut ne relève pas de la volonté, voire du caprice, des propriétaires, mais d’une politique de la nation qui doit créer un équilibre entre droit du travail et prix du foncier. Il ne doit pas être remis en cause ; nous ne voulons pas d’un retour au métayage !

Il reste toutefois des progrès à faire et nous convenons qu’il est possible de travailler à encadrer ce bail environnemental. Dans ces conditions, nous accepterons de retirer nos amendements afin de trouver d’ici à la séance publique une solution de compromis entre propriétaires et exploitants.

M. Jean-Michel Clément. L’article L. 411-27 du code rural, qui fait état des clauses environnementales, renvoie à un texte réglementaire faisant référence aux sites Natura 2000. Or, du fait de la rareté de l’approbation d’un document d’objectifs (DOCOB) pourtant nécessaire, la portée de cette disposition est beaucoup plus limitée qu’on ne le pense.

La liberté contractuelle doit prédominer en toutes circonstances.

Je connais le cas d’un bailleur ayant attaqué un exploitant pour mauvaise exploitation du fonds au motif que de l’herbe poussait dans ses rangs de vignes. Deux pratiques agricoles s’opposaient en fait, le preneur confortant la vie biologique de la vigne.

Les mesures proposées me paraissent équilibrées, et il faudrait à mon sens que des clauses environnementales puissent être introduites à tout moment dans le bail.

M. Philippe Le Ray. Vos intentions sont bonnes, mais on rencontre aujourd’hui des propriétaires extrêmement exigeants, capables d’imposer des conditions farfelues dans les baux. Un propriétaire m’a un jour imposé sa volonté de ne pas avoir de fientes sur ses terres ; j’ai dû accepter.

Il faut faire confiance aux agriculteurs et ne pas les rendre dépendants de propriétaires qui, parfois, peuvent faire preuve de comportements abusifs.

M. Charles de Courson. Cette mesure confie aux propriétaires le soin de définir l’intérêt général. Cela peut conduire à des dérives. Ils seraient aussi en mesure d’imposer aux exploitants des conditions telles que ceux-ci ne pourraient plus gagner leur vie et seraient obligés de rendre les terres. Il me semble par ailleurs difficile, au nom de la continuité du bail, que de nouvelles clauses puissent être imposées en cas de renouvellement. Enfin, si l’on doit imposer des règles environnementales, il faut qu’elles s’appliquent à tous et qu’elles concernent tous les baux.

En poussant la logique qu’ils défendent jusqu’au bout, le Gouvernement et le rapporteur inversent en quelque sorte les relations entre propriétaires et exploitants. Je suggère plutôt d’en revenir à la notion d’une gestion « en bon père de famille » que nous pourrions sans doute faire évoluer.

M. Antoine Herth. La gestion « en bon père de famille » est en effet citée dans le code rural. L’expression est peut-être désuète, mais elle correspond aux arguments du ministre qui pourrait la reformuler en termes plus modernes.

La mesure proposée mérite à tout le moins d’être encadrée par un décret.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté un amendement d’appel CE95 afin d’encadrer les clauses environnementales susceptibles d’être incluses dans les baux.

Mme Michèle Bonneton. L’introduction des clauses environnementales n’est pas obligatoire. Elle fait l’objet d’un contrat entre deux parties et peut toujours être refusée par l’une ou l’autre. Le preneur peut, par exemple, aller chercher des terres ailleurs. Le propriétaire ne définit pas l’intérêt général, comme cela a été dit ; ce sont plutôt les intérêts écologiques qui sont à l’œuvre – à ce titre, monsieur Le Ray, il ne peut vous interdire d’utiliser des fientes.

Monsieur le ministre, une définition de l’intérêt écologique ou environnemental manque dans le projet de loi. J’avais rédigé un amendement en ce sens à l’alinéa 5 de l’article 1er, et je plaiderai à nouveau, en séance, pour l’adoption d’un tel dispositif.

Mme Laure de La Raudière. Les dispositions proposées peuvent donner lieu à des dérives. Les clauses visant « y compris des obligations de maintien d’un taux minimal d’infrastructures d’intérêt écologique » pourraient être retirées et renvoyées au décret, d’autant qu’elles peuvent mettre à mal, si ce taux est élevé, la rentabilité de l’exploitation.

M. Martial Saddier. Sur le fond, nous ne sommes pas en désaccord avec le ministre. Les agriculteurs ont commencé à prendre le virage environnemental : nous souhaitons tous que ce mouvement se poursuive. Mais la généralisation proposée ne laisse aucune marge de manœuvre. L’amendement CE867 d’Antoine Herth me semble au contraire introduire une souplesse indispensable.

Les écologistes nous rappellent souvent qu’il faut respecter les droits du locataire. Dans cet esprit, il conviendrait que la loi préserve certaines marges de manœuvre pour ce dernier, en l’espèce l’exploitant agricole, et qu’elle évite une généralisation brutale des baux environnementaux.

M. Dino Cinieri. L’amendement CE548 restreint la possibilité d’introduire des clauses environnementales dans les baux ruraux soumis au statut du fermage, aux terres situées dans des espaces délimités dans le cadre de procédures spécifiques.

M. Antoine Herth. L’amendement CE867 est défendu.

M. Charles de Courson. L’amendement CE1150 est défendu.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à tous ces amendements. En vertu de l’alinéa 11 de l’article 4, un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application de l’alinéa qui fait référence à l’intérêt écologique, « notamment la nature des clauses qui peuvent être insérées dans les baux ». Le bailleur ne pourra donc pas imposer des clauses farfelues.

M. le ministre. Je partage l’avis du rapporteur.

La Commission rejette successivement les amendements.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE997 de M. Dominique Potier, CE617 de Mme Brigitte Allain et CE966 de M. Jean-Michel Clément.

M. Dominique Potier. Cet amendement fait partie des amendements d’appel que j’ai défendus précédemment et dont j’ai annoncé le retrait.

Mme Brigitte Allain. À la différence des amendements précédents, il ne s’agit pas ici de remettre en cause le bail environnemental. Cet amendement substitue au mot « infrastructures », celui de « surfaces », afin d’aligner la terminologie de la législation française sur celle de la législation européenne.

M. Jean-Michel Clément. Cet amendement vise à renforcer la sécurité juridique du contrat de bail. Le texte laisse penser que les clauses peuvent être introduites lors de la conclusion ou du renouvellement du bail. Afin d’éviter tout risque contentieux, il est plus simple de supprimer cette limite. En tout état de cause, les règles qui auront été définies dans ces clauses ne seront applicables qu’à compter du renouvellement.

M. le président François Brottes. Bon argument de juriste, monsieur Clément.

M. le ministre. Le terme d’« infrastructures » prend en compte, outre la surface, des éléments intéressants sur le plan écologique, comme les haies et les arbres. Les écologistes européens ont d’ailleurs exprimé leur préférence pour ce terme.

Mme Brigitte Allain. Je retire l’amendement.

M. le rapporteur. Je suis favorable à l’amendement présenté par M. Clément.

Les amendements CE997 et CE617 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CE966.

Les amendements CE1040 de M. Dominique Potier, CE95 de la commission du développement durable et CE972 de Mme Pascale Got sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement CE622 de Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Afin de tenir compte des nouvelles formes de regroupement agricole, cet amendement ouvre à d’autres personnes morales que les sociétés à objet principalement agricole la possibilité de bénéficier d’une mise à disposition de bail rural.

M. le rapporteur. D’autres personnes morales peuvent en effet souhaiter être titulaires d’un bail. Ainsi, désireuses de s’impliquer dans l’installation des agriculteurs, les collectivités territoriales achètent des terres et il faut les autoriser à les louer. Je suis favorable à cet amendement.

M. le ministre. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission examine l’amendement CE624 de Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Cet amendement a pour objectif de garantir les intérêts des parties en calculant une indemnité plus juste à la sortie de bail, qui serait déterminée en fonction d’une valeur d’usage et non d’une valeur comptable. Avec le mode de calcul comptable, les investissements réalisés par le fermier ne sont pas valorisés comme ils le seraient s’il était propriétaire.

M. le rapporteur. Je comprends l’objectif que vous poursuivez, mais sa mise en œuvre me paraît très compliquée. Je vous rappelle que le bail est un contrat dans lequel les deux parties peuvent s’entendre sur les conditions de la sortie. Si cela n’a pas été prévu dans le contrat, comment négocier à la fin du bail ? J’émets un avis défavorable.

M. le ministre. Même avis. Je ne vois pas comment votre amendement peut fonctionner.

Mme Brigitte Allain. Il faut peut-être revoir la rédaction et prévoir un état des lieux très précis lors de la conclusion du contrat. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CE98 de la commission du développement durable.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement fait du respect du bien-être animal un nouvel objectif du développement agricole.

M. le rapporteur. Le respect du bien-être animal est une notion européenne qui s’impose sans qu’il soit besoin de l’inscrire dans la loi.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE342 du rapporteur.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CE895 de M. Antoine Herth.

Elle est saisie de l’amendement CE1039 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Cet amendement prévoit que « toutes les organisations bénéficiant de crédits publics ont l’obligation de transmettre les résultats de leurs travaux de recherche fondamentale ou appliquée à un organisme désigné par décret ». Il encourage une mutualisation de la recherche et développement qui fait aujourd’hui défaut.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Si vous imposez aux chercheurs de transmettre les résultats de leurs travaux, vous condamnez la recherche en France. Il faut préserver le secret des recherches et protéger le travail des chercheurs. N’oubliez pas les brevets qui peuvent être déposés.

M. Dominique Potier. Vous m’avez mal compris. Je ne parle pas de la recherche privée, mais des organismes publics ou parapublics qui sont souvent le chaînon manquant dans la diffusion de la recherche et développement. Favoriser la transmission constitue un grand progrès qui ne coûte rien.

M. le ministre. La recherche publique est soumise à des obligations de publication, mais ce sont les chercheurs qui ont la responsabilité de choisir les éléments à divulguer. Avec cet amendement, vous mettez les chercheurs en difficulté.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CE1032 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Cet amendement vise à reconnaître les associations de développement agricole et rural comme opérateurs de l’accompagnement du développement agricole et rural.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait puisque les associations sont déjà reconnues. Elles ne peuvent néanmoins pas siéger en tant que telles dans tous les organismes. Elles sont déjà prises en compte dans le compte d’affectation spéciale « développement agricole et rural ».

M. le ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement de conséquence CE344 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 11 décembre 2013 à 17 heures

Présents. - M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, Mme Chantal Berthelot, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Clément, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, Mme Laure de La Raudière, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. François Pupponi, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais

Excusés. - M. Jean-Claude Bouchet, M. Franck Gilard, M. Daniel Goldberg, Mme Audrey Linkenheld, M. Bernard Reynès, M. Fabrice Verdier

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Yves Caullet, M. Charles de Courson, M. Yves Daniel, M. Martial Saddier