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Commission des affaires économiques

Jeudi 12 décembre 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 40

Présidence de M. François Brottes Président

– Suite de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (n° 1548) (M. Germinal Peiro, rapporteur)

La commission a poursuivi l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (n° 1548) (M. Germinal Peiro, rapporteur).

M. le président François Brottes. Compte tenu des contraintes auxquelles l’éloignement soumet nos collègues ultramarins, et comme je m’y étais engagé auprès d’eux, nous allons procéder dès ce matin à l’examen du titre VI du projet de loi, consacré à l’outre-mer.

TITRE VI

DISPOSITIONS RELATIVES A L’OUTRE-MER

Article additionnel avant l’article 34 (article L. 180-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Finalités de la politique agricole outre-mer 

La Commission est saisie de l’amendement CE650 de Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Cet amendement, qui fait écho à l’avis exprimé par la délégation à l’outre-mer, tend à affirmer les spécificités de l’agriculture ultramarine.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Avis favorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

Article 34 (articles L. 111-2-1, L. 182-8, L. 182-9, L. 272-6, L. 272-7, L. 272-8, L. 272-9, L. 272-10, L. 272-13, L. 272-14, L. 272-15, L. 272-16 [abrogés] ; L. 180-1, L. 181-6-1, L. 181-25, L. 182-1-1, L. 182-13-1, L. 511-14 [nouveaux], L. 182-1, L. 272-11, L. 272-12, L. 372-1, L. 461-10, L. 571-1, L. 571-2, L. 681-1, L. 681-10, L. 762-6, L. 762-7 [modifiés] du code rural et de la pêche maritime ; article 6 de l’ordonnance n°2011-864 du 22 juillet 2011 relative à la protection et à la mise en valeur des terres agricoles dans les départements d’outre-mer, le Département de Mayotte et à Saint-Martin ; article 4 de la loi n°2013-453 du 3 juin 2013 visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer) : Pilotage de la politique agricole et agro-alimentaire outre-mer

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE1398 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement CE661 de Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Cet amendement a pour objet d’insérer à l’alinéa 5, après le mot : « familiale », le signe et les mots : « , à l’agriculture vivrière ».

M. le rapporteur. S’il est un lieu où la production locale a du sens, c’est bien dans les outre-mer. Avis favorable.

M. le ministre. Sans m’opposer à cet amendement, je tiens à souligner que le concept d’agriculture vivrière est quelque peu réducteur. L’enjeu est plutôt le développement de l’agriculture locale qui doit être capable de créer des surplus suffisants pour alimenter un marché local.

Mme Chantal Berthelot. Le terme d’« agriculture locale » est porteur de connotations à l’échelle européenne. Il n’est pas certain non plus qu’il soit adapté à l’échelle nationale. L’agriculture vivrière – dont le nom contient le verbe « vivre » – s’inscrit dans une tradition propre et fait partie de la réalité des outre-mer.

M. le président François Brottes. D’après le dictionnaire, une culture « vivrière » est « destinée à l’alimentation ».

M. Dominique Potier. Le groupe SRC est très attaché à cette formulation, qui a une forte portée politique.

La Commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte ensuite l’amendement de précision rédactionnelle CE662 de Mme Chantal Berthelot.

Puis elle adopte, l’amendement rédactionnel CE1402 du rapporteur.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement rédactionnel CE664 de Mme Chantal Berthelot.

Elle adopte ensuite l’amendement CE1403 du rapporteur visant à corriger une erreur matérielle.

La Commission est saisie de l’amendement CE663 de Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. L’alinéa 7 est déjà satisfait aux alinéas 14, 15 et 16 du présent article. Dans un souci de simplification et de clarté, il est proposé de le supprimer.

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE473 de Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Le texte que nous examinons est le premier dans lequel un titre consacré à l’outre-mer permet d’adapter le dispositif à la réalité de ces territoires, dans leur diversité. Cet amendement vise à permettre à chaque territoire de définir, en fonction de ses spécificités, la capacité professionnelle nécessaire pour bénéficier des aides à l’installation. Il s’agit en effet de tenir compte de l’agriculture informelle et des nombreuses installations qui ont lieu hors-système, et d’assurer une formation pertinente.

M. le rapporteur. Cette question doit être examinée avec attention. Je suggère donc le retrait de cet amendement afin que nous puissions le retravailler et le présenter à nouveau lors de l’examen du texte en séance publique. Je m’engage à maintenir l’idée d’une adaptation de la capacité professionnelle demandée à l’installation en fonction des réalités territoriales de l’outre-mer.

M. le ministre. Il est clair que l’installation des agriculteurs ne se fait pas de la même manière dans les territoires ultramarins et en métropole. Une formation professionnelle est évidemment nécessaire, mais il faut en définir les outils. Il conviendrait donc, comme le suggère le rapporteur, de retravailler cet amendement afin de formaliser les objectifs recherchés. Je rappelle à ce propos que les Assises de l’installation ont précisément développé l’idée de l’activité minimale d’assujettissement (AMA), destinée à prendre en compte toutes les activités générant un revenu parmi les critères justifiant l’installation.

Mme Chantal Berthelot. Je me range à la proposition du rapporteur. La situation particulière de l’agriculture informelle invite cependant à une formation des agriculteurs en vue d’une formalisation croissante de leur activité.

L’amendement CE473 est retiré.

M. le président François Brottes. Je précise qu’il nous reste 782 amendements à examiner.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE1405 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement CE645 de Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. L’association des différents acteurs concernés, comme les collectivités territoriales, les chambres d’agriculture ou les organisations syndicales agricoles, à l’élaboration des plans régionaux mentionnés aux alinéas 5 et 6 de l’ article 34mérite d’être précisée. Il est ainsi proposé que cette association s’exprime par un vote avec voix délibérative, et non pas simplement consultative.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à préciser les modalités de fonctionnement du Comité d’orientation stratégique et de développement agricole (COSDA). Or, il n’est pas pertinent de figer ces dispositions dans la loi, et cela d’autant moins que l’alinéa 16 de l’article 34 prévoit précisément qu’elles seront fixées par décret. Je demande donc à Mme Berthelot de retirer son amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. le ministre. Les objectifs du COSDA doivent en effet être définis par décret.

Mme Chantal Berthelot. Mieux vaut parfois que le ministre fixe, et de préférence après débat, les orientations en fonction desquelles seront rédigés ces décrets. Les professionnels craignent en effet de ne pas être entendus et il faut donc les rassurer sur le fait que la concertation sera réelle, qu’ils y seront associés et que leur voix pèsera dans les choix stratégiques qui seront arrêtés. Si vous pouvez me l’assurer, je retirerai bien évidemment mon amendement.

M. le ministre. Afin que les choses soient claires et transparentes, je m’engage à ce que la définition des objectifs du décret fasse l’objet d’une réunion que nous aurons avant l’examen du texte en séance publique.

L’amendement CE645 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE1404 du rapporteur.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE646 de Mme Chantal Berthelot.

Puis elle adopte successivement, les amendements rédactionnels CE1408, CE1406 et CE1407 du rapporteur, puis les amendements de précision juridique CE1399 et CE1400 du même auteur.

Elle adopte alors l’article 34 modifié.

Après l’article 34

La Commission est saisie de l’amendement CE642 de Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Afin de faciliter la transmission des exploitations et d’éviter les jachères souvent provoquées par des situations d’indivision, l’amendement tend à adapter le contrat de fiducie à l’agriculture ultramarine. Il s’agit là d’une proposition innovante formulée par la Délégation aux outre-mer.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je comprends bien l’intention de cet amendement, qui est de faciliter la transmission des exploitations lorsque la succession est difficile à établir, mais la question doit être retravaillée. En effet, alors que le code civil prévoit que le contrat de fiducie prend fin dès le décès du constituant et que le patrimoine fiduciaire fait alors retour de plein droit à la succession, l’amendement vise à ce que le patrimoine aille au contractant, ce qui n’est pas sans soulever des difficultés juridiques.

M. le ministre. Pour éviter, en cas d’indivision à la suite d’un décès, que les terres ne restent inexploitées – parfois pendant des années –, le recours à la fiducie ne me semble pas être la meilleure solution. L’objectif consistant à remettre le patrimoine à la disposition des installations soulève une question technique qui peut être résolue de plusieurs façons. Mieux vaudrait retravailler cet amendement avant que le Gouvernement puisse émettre un avis favorable. Je vais examiner les solutions possibles dans l’esprit de la proposition qui nous est faite.

M. Serge Letchimy. La question est centrale, en milieu urbain comme en milieu rural, car il y a aujourd’hui autant de terres non exploitées que de terres exploitées, notamment en raison des indivisions. Il faudrait donc, si cet amendement ne peut être adopté, qu’un groupe de travail aborde la question avant l’examen du texte en séance publique.

L’objet de l’amendement est d’assurer la continuité des exploitations, ce qui peut prendre plusieurs formes. Celle qui est ici proposée consiste à indemniser les héritiers si l’exploitation faisant l’objet de la fiducie passe au bénéficiaire de celle-ci. Une autre solution pourrait consister, conformément au code civil, à ce que l’exploitation se poursuive avec les héritiers.

Je saisis l’occasion pour souligner que, dans les outre-mer, l’agriculture locale n’est pas seulement vivrière. Certaines cultures présentent en effet un réel potentiel d’exploitation et on observe aujourd’hui un fort retour du cacao et du sucre de luxe – la Martinique peut ainsi voir se développer cinq produits d’excellence. La pharmacologie pourrait d’autant mieux se développer qu’un amendement adopté par notre assemblée a reconnu les plantes médicinales antillaises, bannies voilà près de 150 ans – par crainte peut-être que les esclaves n’empoisonnent les békés ! Il ne faut donc pas enfermer l’agriculture ultramarine dans une dimension purement vivrière ou locale. Cette agriculture, qui a besoin de foncier, a également besoin de désenclavement, y compris juridique.

M. le ministre. Le Gouvernement préparera un amendement sur ce sujet en vue de l’examen du texte en séance publique. Il nous faut en effet trouver le meilleur véhicule permettant d’éviter que des terres restent non exploitées à la suite d’une indivision.

Par ailleurs, je souscris pleinement à l’idée que la production agricole locale a vocation non seulement à rattraper une partie de ce qui a été perdu sur le marché local, mais aussi à exporter des produits d’une qualité reconnue et offrant un potentiel en termes de segmentation et d’origine. Cela est particulièrement vrai pour la pharmacopée et les plantes médicinales. Il convient de mettre en place des stratégies en ce sens. Je rappelle que j’ai moi-même mis en garde contre une réduction de l’agriculture d’outre-mer à une agriculture vivrière : nous devons avoir de l’ambition.

M. Serge Letchimy. Il serait en effet très périlleux de réduire l’agriculture ultramarine à une agriculture vivrière limitée à l’alimentation locale. Ainsi, le café, déjà de retour à la Réunion, revient aujourd’hui en Martinique et le fait que ce café de luxe ne pousse que sur des terres très circonscrites, dans le Nord, induit une stratégie foncière en adéquation avec la stratégie d’exploitation. Il est donc très important de soutenir cet amendement, dans la nouvelle rédaction qu’en proposera le Gouvernement.

Mme Chantal Berthelot. Je retire mon amendement.

L’amendement CE642 est retiré.

La Commission est alors saisie de l’amendement CE478 de Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Compte tenu de l’âge moyen d’installation des agriculteurs en outre-mer, qui est de 39 ans, nous avons demandé que le bénéfice du contrat de génération leur soit ouvert jusqu’à l’âge de 35 ans.

Compte tenu par ailleurs des délais d’instruction des dossiers de demande d’attribution de la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA), il est fréquent que la décision soit rendue après que les demandeurs ont atteint la limite d’âge de 40 ans. L’amendement vise donc à ce que cette limite d’âge s’applique non pas à la date d’attribution de la DJA, mais à celle du dépôt du dossier de demande d’aide à l’installation. Cette mesure ne me semble pas contraire à la rédaction du règlement européen qui s’applique en la matière.

M. le rapporteur. Bien que l’installation soit de toute évidence plus tardive dans les outre-mer, la limite de 40 ans est fixée par le droit communautaire. Peut-être le ministre pourra-t-il préciser à quelle étape du processus s’applique cette limite. En l’état, je propose le retrait de cet amendement.

M. le ministre. L’âge limite d’attribution de l’aide relève du domaine réglementaire.

Par ailleurs, il faut assurément tenir compte des réalités spécifiques à l’outre-mer. Des amendements que nous examinerons ultérieurement portent déjà à 30 ans la limite d’âge du dispositif du contrat de génération pour l’agriculture, alors que cette limite est fixée à 26 ans pour les autres secteurs. Je suis prêt à la repousser à 35 ans pour les outre-mer.

Pour le reste, il est compréhensible que l’Europe fixe une limite d’âge à l’attribution des aides à l’installation – même si des reconversions ont lieu à 45 ou 50 ans.

M. le rapporteur. La règle européenne dispose que l’aide prévue à l’article 20 est accordée aux personnes âgées de moins de 40 ans et s’installant pour la première fois dans une exploitation agricole comme chef d’exploitation. Peut-être peut-on néanmoins établir que cet âge est pris en compte lors du dépôt du dossier plutôt que lors de l’attribution effective de l’aide.

M. le président François Brottes. Il semble que le moment qui fait foi soit celui de l’installation, c’est-à-dire celui où l’on commence à exploiter.

Mme Chantal Berthelot. S’il ne peut être donné satisfaction à la demande très claire dont procède mon amendement, il faut doter les outre-mer des moyens administratifs suffisants pour assurer un traitement des dossiers en temps voulu. En Guyane, du fait des exigences de l’Office national des forêts (ONF), de l’intervention de petits fonctionnaires qui veulent faire la loi et de la difficulté d’obtenir des prêts bancaires, la procédure d’accès au foncier prend trois ans et il est fréquent que des dossiers déposés avant d’avoir atteint l’âge de 40 ans ne reçoivent pas de réponse en temps utile.

Monsieur le ministre, je vous remercie du sens de l’écoute dont vous faites preuve à l’endroit des outre-mer en vous faisant porteur de notre demande de repousser à 35 ans l’âge limite du bénéfice du contrat de génération.

L’amendement CE478 est retiré.

La Commission examine l’amendement CE654 de Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Cet amendement répond à une demande des structures professionnelles.

Il convient que la politique en matière d’utilisation des produits phytosanitaires tienne compte de la réalité géographique de l’outre-mer, qu’il s’agisse des processus de validation ou de la mise à disposition de produits adaptés. À l’heure actuelle, il est en effet impossible d’utiliser les produits disponibles à proximité, car ils ne sont pas conformes aux normes européennes. Or les produits autorisés ne sont en général pas assez efficaces pour répondre aux besoins du climat tropical. Cet amendement vise donc à ce que l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) puisse prendre en considération les contraintes liées à une réalité géographique.

M. le rapporteur. Il me semble pertinent de répondre à cette demande en introduisant la réduction des usages mineurs dans les grandes finalités de la loi, mais une telle disposition aurait davantage sa place soit à l’alinéa 20 de l’article 1er, soit à l’intérieur du nouveau chapitre 1er A que nous venons d’introduire dans le code rural. Avis défavorable, donc.

M. le ministre. Je suis d’accord avec le rapporteur.

Je rappelle toutefois que l’utilisation spécifique de produits phytosanitaires a pu aboutir, par le passé, à des catastrophes – notamment en ce qui concerne la banane. S’il faut bien évidemment prendre en considération les spécificités liées au climat tropical, cela ne doit pas conduire pour autant à autoriser une utilisation intensive ou sans contrôle de produits phytosanitaires.

En outre, nous avons à mettre en œuvre un processus de développement de l’industrie française du biocontrôle : il s’agit d’un enjeu majeur pour l’outre-mer, qui possède d’énormes potentialités en la matière. J’organiserai d’ici à deux mois une réunion sur le sujet – je note d’ailleurs que Monsanto a déclaré hier, juste après mon annonce selon laquelle l’industrie du biocontrôle sera un axe stratégique de l’agroécologie, qu’il allait s’intéresser à cette industrie…

Je suis donc prêt à étudier la possibilité d’introduire une telle disposition à un autre endroit du texte, à condition que cela ne vaille pas autorisation d’utiliser des produits phytosanitaires à qui mieux mieux, mais que cela soit au contraire le moyen d’associer l’outre-mer au grand projet français du biocontrôle.

M. Serge Letchimy. Je partage totalement l’analyse du ministre. Cet amendement répond à des enjeux fondamentaux, qu’il s’agisse de la mise en place de dispositifs de biocontrôle ou de l’utilisation de produits phytosanitaires adaptés. Il est bien évident qu’il ne doit en aucun cas conduire à cautionner les égarements criminels qui, du fait de l’utilisation du chlordécone et d’autres pesticides, ont provoqué une catastrophe écologique en Martinique et en Guadeloupe.

Par ailleurs, si l’on ne trouve pas de solutions adaptées aux réalités locales, le développement de certaines filières risque d’être freiné. Par exemple, l’industrie de la canne à sucre se trouve actuellement en très grande difficulté en Martinique et en Guadeloupe, la diminution en volume de la production pouvant aboutir à des fermetures d’usines produisant du sucre ou du rhum.

Se pose aussi un problème technique : les normes européennes qui sont transcrites en droit national ne correspondent à aucune réalité dans les bassins géographiques des départements et territoires d’outre mer. Il existe bien des produits phytosanitaires qui ont fait leurs preuves et qui pourraient être importés de pays voisins, comme le Brésil pour la Martinique et la Guadeloupe, ou l’Afrique du Sud pour la Réunion, mais nous ne disposons pas d’outil, à l’échelon local ou national, qui permettrait de rechercher à proximité les équivalents susceptibles de répondre aux normes européennes. On a ainsi créé de toutes pièces une dépendance technologique vis-à-vis de l’Europe.

Je soutiens donc cet amendement très important, tout en précisant que je suis opposé à ce que la prise en compte de certaines spécificités conduise à cautionner des dérives du type de celles que l’on a connues.

L’amendement CE654 est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CE485 de Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Il s’agit d’inciter les organisations professionnelles à conclure des contrats d’objectifs avec les réseaux d’innovation et de transfert agricole.

M. le rapporteur. Avis défavorable : le législateur n’a pas le droit d’imposer de tels contrats à des organismes de droit privé.

L’amendement CE485 est retiré.

Article 35 (articles L. 175-4, L. 175-6, L. 175-7, L. 175-8, L. 176-2, L. 176-3, L. 176-6, L. 177-2, L. 177-4, L. 177-3, L. 178-3, L. 178-4, L. 371-1 [nouveau], L. 373-3 [nouveau], L. 374-10 [nouveau] du code forestier) : Adaptation des dispositions du code forestier aux outre-mer et exercice des missions du Conseil national de la propriété forestière en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion

La Commission est saisie de l’amendement CE648 de Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. L’exposé des motifs du projet de loi montre une orientation politique forte, que l’on ne retrouve pas dans le corps du texte. Le présent amendement tend à garantir que la campagne de valorisation économique de la ressource bois, notamment dans le secteur de la construction, s’appliquera à l’outre-mer.

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. le ministre. Il s’agit du rappel d’une orientation déjà inscrite dans le texte… Je m’en remets à la sagesse de la Commission !

M. le président François Brottes. Ayant été à l’origine de l’extension de l’appellation d’origine contrôlée aux produits forestiers, je me permets de signaler que celle-ci est une autre solution pour mettre en valeur les spécificités d’une production végétale issue d’un terroir – qui s’applique à l’outre-mer.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Certes, mais une telle solution sera d’autant plus facile à mettre en œuvre que l’on aura commencé à défricher la question ! J’ajoute que la rédaction proposée par Mme Berthelot est très pertinente, car elle met l’accent sur les caractéristiques techniques des produits en bois locaux utilisés pour la construction. Il peut paraître paradoxal d’importer en Guyane des bois du nord de l’Europe pour faire des charpentes sans se préoccuper de leur durabilité sous un climat tropical ! L’amendement touche du doigt un problème général, mais qui prend une forme caricaturale dans l’outre mer.

M. le ministre. On importe du bois du nord de l’Europe pour faire les charpentes en Guyane ? C’est incroyable !

Mme Chantal Berthelot. C’est pourtant vrai.

M. le ministre. Existe-t-il outre-mer des unités de transformation du bois ?

M. Serge Letchimy. Oui, bien sûr – même si la filière n’est pas suffisamment développée.

Il faut quand même savoir que pour faire le boucanage, la réglementation européenne impose d’importer du hêtre ! C’est pourquoi il est si important de prévoir une adaptation des normes.

Je précise que l’amendement ne porte pas que sur la Guyane : la Martinique a également du bois à valoriser.

M. le président François Brottes. Le hêtre est certes sous-exploité sur notre continent, mais peut-être pourrait-on lui trouver d’autres utilisations…

M. le ministre. À propos, connaissez-vous le moyen mnémotechnique utilisé par les forestiers pour distinguer un hêtre d’un charme ? « Hêtre à poils, charme à dents » ! (Rires.)

Mme Chantal Berthelot. Pour revenir aux réalités, monsieur le ministre, je vous invite à venir crapahuter dans la forêt guyanaise et découvrir cette si belle région de France !

L’amendement est adopté.

La Commission en vient à l’amendement CE647 de Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Il est reconnu que la forêt remplit une mission d’intérêt général en captant le dioxyde de carbone. C’est pourquoi j’avais déposé un amendement –déclaré irrecevable au titre l’article 40 de la Constitution – visant à prévoir une compensation financière pour la participation de la forêt guyanaise au bilan carbone de la France.

M. Jean-Yves Caullet, président de l’Office national des Forêts (ONF), a rendu récemment un rapport sur les forêts et la filière bois, qui, faute d’une feuille de route en ce sens, ne porte pas sur l’outre-mer – ce qui est regrettable. L’ONF doit comprendre, d’une part que la forêt guyanaise n’est pas un sanctuaire, d’autre part qu’il n’est pas un État dans l’État !

Comme l’a souligné le Conseil économique, social et environnemental dans son excellent rapport d’octobre 2012, les connaissances sur le fonctionnement et les richesses de la forêt guyanaise font défaut ; or il est impératif que la forêt participe au développement économique du territoire. L’objet de cet amendement est donc de préciser que l’inventaire national prévu pour 2015 prendra en considération les particularités des collectivités territoriales.

M. le rapporteur. Je suis très favorable à cet amendement. La forêt ultramarine, qui représente 37 % de la forêt française, offre une biodiversité exceptionnelle. Il serait utile d’en avoir une meilleure connaissance.

J’en profite pour faire un plaidoyer en faveur de la forêt primaire, dont une partie subsiste en Guyane ; ces arbres vieux de plus de mille ans devraient être inscrits au patrimoine mondial de l’humanité. Dans beaucoup de pays, on s’attaque à la forêt primaire ; il faudrait songer à la protéger sur notre territoire.

M. le rapporteur pour avis de la Commission du développement durable. Je partage la préoccupation de Mme Berthelot.

On a l’impression que l’on est passé en Guyane du brûlis traditionnel sans contrôle à une protection quelque peu symbolique de la forêt – même si, comme vient de le rappeler le rapporteur, celle-ci peut parfois être justifiée. Au moment où l’on déclare rechercher l’indépendance énergétique, et alors que le système agroforestier traditionnel était fondé sur des cycles longs, il est difficile d’évoquer là-bas la biomasse : voilà qui est paradoxal ! Nous devrions être capables, dans le cadre d’une agroécologie moderne, de mettre en place des cycles suffisamment longs pour concilier utilisation de la biomasse, production agricole et préservation de la forêt primaire – qui n’aurait pas besoin d’être grignotée si l’on savait gérer correctement la frange forestière. Il faudrait repenser la gestion de cette forêt, que l’ONF assure d’une manière qui n’est pas toujours en prise avec la multifonctionnalité locale.

M. Serge Letchimy. Je regrette que le Gouvernement n’ait pas respecté son ambition originelle de présenter un projet de loi propre à l’outre-mer : le présent débat montre que la seule question de la forêt aurait pu faire l’objet de plusieurs articles, dans une perspective tout à la fois de connaissance, de protection et de valorisation.

Quand vous évoquez la forêt primaire, vous ne pensez qu’à la Guyane ; mais une partie subsiste également en Martinique, à Mayotte et à la Réunion ! Cela montre la méconnaissance généralisée – à l’exclusion de quelques ONG – de la richesse de la biodiversité forestière, terrestre, marine et sous-marine de l’outre-mer, des risques liés à une trop forte empreinte écologique, ainsi que des possibilités de valorisation existantes et de l’importante contribution de ces territoires à la lutte contre la pollution et les gaz à effet de serre.

À ce titre, je considère qu’il serait nécessaire de définir une vaste politique de développement forestier et agricole afin d’aider l’outre-mer à se propulser dans l’avenir. Comment pouvons-nous éclore et nous développer, dans le contexte de la mondialisation, avec une Europe aussi libérale ? La moindre petite étincelle est immédiatement éteinte par la concurrence, dans un système fondé sur l’importation et la consommation massives !

Sans vouloir paraphraser Arnaud Montebourg, il faudrait instaurer des clauses de sauvegarde pour protéger pendant au moins cinq ans les potentialités de développement. Or dans les secteurs de l’agriculture, de l’agro-industrie, de l’agrotransformation et de l’agrosubstitution, nous sommes soumis à des mécanismes ultralibéraux qui interdisent, sauf pour la banane, le rhum ou le sucre, toute compensation européenne pour faire face à la concurrence déloyale que nous subissons.

M. le président François Brottes. Nous avons à plusieurs reprises souligné dans cette Commission que l’apport de l’outre-mer à la France et au monde entier pouvait être considérable, mais que nous ne savions pas toujours le valoriser.

M. le ministre. L’outre-mer offre en effet des potentialités importantes, dont il faut que nous prenions conscience.

C’est à la demande de M. Victorin Lurel et des parlementaires ultramarins que j’ai décidé qu’il ferait l’objet d’un titre spécifique du projet de loi, regroupant les dispositions concernant l’agriculture. J’aurais pu procéder de la même manière s’agissant des questions forestières, mais j’ai préféré privilégier une démarche transversale. Il reste qu’il existe dans ce domaine des spécificités de l’outre-mer, soulignées par Mme Berthelot au travers de ses amendements, et que nous en tiendrons compte.

Si nous avons décidé de créer, pour l’agriculture et la forêt, une commission et un comité stratégique par département, c’est précisément pour pouvoir fédérer les dispositifs, créer des dynamiques et construire de vraies filières à cet échelon.

Les études consacrées aux énergies renouvelables montrent qu’il existe outre-mer un potentiel de quasi-autonomie énergétique via la valorisation de la biomasse et la méthanisation. La forêt tropicale, lorsqu’elle n’est pas cultivée, a en effet pour particularité de dégager du méthane, dont l’effet de serre est de quatorze fois à vingt fois supérieur au carbone – au point que les effets de la méthanisation liée au pourrissement et aux chablis peuvent parfois compenser ceux de la fixation du carbone par les arbres !

Il reste que je suis d’accord avec vos amendements et que je me rendrai outre-mer. J’ai bien pour objectif d’encourager la diversification de la production agricole et de développer le potentiel de ces territoires, notamment en valorisant la biodiversité au profit de la future industrie du biocontrôle et en organisant le marché du bois et ses débouchés. Il convient que l’ONF trouve des techniques adaptées pour valoriser la forêt guyanaise, en évitant les coupes claires, les taillis sous futaies et les futaies longues. Il y a là un énorme potentiel qui pourrait être développé grâce à des investissements.

La Commission adopte l’amendement CE647.

Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements CE159, CE160 et CE 161 de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. le rapporteur pour avis de la Commission du développement durable. Il s’agit de préciser que les compétences du Centre national de la propriété forestière (CNPF) ne sont dévolues au préfet qu’en l’absence d’un centre régional de la propriété forestière (CRPF). L’amendement CE159 s’applique la Guadeloupe, l’amendement CE160 à la Martinique et l’amendement CE161 à La Réunion.

M. le rapporteur. Avis favorable aux trois amendements.

La Commission adopte successivement les amendements CE159, CE160 et CE161.

Puis elle adopte l’article 35 modifié.

Après l’article 35

La Commission est saisie de deux amendements de Mme Chantal Berthelot portant articles additionnels après l’article 35.

Elle examine d’abord l’amendement CE474.

Mme Chantal Berthelot. Cet amendement résulte d’une demande conjointe de l’ONF et des organisations professionnelles : il vise à allonger les délais de paiement pour l’industrie du bois en Guyane.

Une mesure aurait dû être prise en ce sens dans le projet de loi relatif à la consommation. La situation reste insatisfaisante, puisque le délai de paiement ne pourra dépasser 45 ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture, alors que les professionnels demandaient son allongement à 90 jours.

M. le rapporteur. La demande a pourtant bien été satisfaite : à l’initiative de Mme Pascale Got, un article additionnel au projet de loi relatif à la consommation a été adopté, qui crée un article L. 155-2 du code forestier organisant un régime spécifique d’étalement des paiements du bois vendu en bloc et sur pied.

L’amendement CE474 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CE475.

Mme Chantal Berthelot. Cet amendement d’appel tend à la valorisation de la biomasse. Si l’on veut que les énergies renouvelables se développent, il faut impérativement prendre en considération la question du coût.

M. le rapporteur. Nous débattrons de la question lors de l’examen du projet de loi sur la transition énergétique. Pour l’heure, je vous suggère de retirer cet amendement.

M. le ministre. Même avis, bien que je partage l’objectif du développement de la biomasse.

M. le président François Brottes. Certes, mais on ne peut pas traiter ici de la contribution au service public de l’électricité !

L’amendement CE475 est retiré.

Article 36 (articles L. 181-1, L. 181-2, L. 181-3, L. 181-24, L. 181-26 [nouveau], L. 182-25, L. 274-11 [nouveau], L. 371-1, L. 371-2, L. 371-5-1 [nouveau], L. 461-2 du code rural et de la pêche maritime, article L. 150-1 du code de l’urbanisme) : Adaptation aux outre-mer des dispositions des titres Ier à IV du projet de loi d’avenir et homologation de peines

La Commission est saisie de l’amendement CE656 de Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Je propose que les membres des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers soient destinataires des études d’impact et des évaluations environnementales. Cela les aiderait à remplir leur mission.

M. le rapporteur. Avis défavorable : les membres de ces commissions ont d’ores et déjà la possibilité de consulter ces documents ; rendre leur transmission obligatoire serait trop compliqué.

M. le ministre. Je n’ai pas d’avis sur ce point : je m’en remets à la sagesse de votre commission.

Mme Chantal Berthelot. Le problème, c’est que les membres des commissions risquent de rendre des avis sans avoir eu connaissance des éléments nécessaires pour éclairer leurs décisions. De surcroît, le support numérique permet désormais une transmission aisée et économe en papier.

M. le rapporteur. Vue sous cet angle, votre demande paraît recevable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE649 de Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. La Guyane et Mayotte sont les deux seuls territoires d’outre-mer qui ne disposent pas de société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER). Or on ne peut pas fixer d’ambitions à l’agriculture s’il n’existe pas d’opérateur foncier pour jouer un rôle de régulation et servir d’intermédiaire entre les exploitants en activité qui souhaitent s’arrêter et les jeunes qui cherchent à s’installer.

J’avais déposé un autre amendement, déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, qui tendait à créer un tel opérateur dans les départements qui n’en ont pas. Il sera indispensable d’en arriver là un jour ; en attendant, l’amendement CE649 vise à ce que l’établissement public d’aménagement en Guyane (EPAG), auquel la loi transfère une partie des compétences normalement assurées par les SAFER, reprenne aussi, de manière transitoire, les missions de celles-ci.

La situation foncière en Guyane pose de nombreux problèmes. Si l’on veut dynamiser l’activité économique, il faut que le foncier se libère – l’État est propriétaire de 90 % des terres –, mais il faut aussi réguler, car, en raison de la spéculation, les prix flambent.

L’amendement CE1425, qui sera examiné ultérieurement, propose en outre que la commission consultée par l’opérateur foncier donne des avis conformes ; à l’heure actuelle l’agriculture ne dispose en effet à l’EPAG que d’un strapontin, avec une voix consultative.

M. le rapporteur. Vous abordez là un vrai sujet, celui du contrôle du foncier, notamment en Guyane. Je suis néanmoins défavorable à ces deux amendements. Je ne pense pas trahir votre pensée en disant que le premier invite à la création d’une SAFER, alors même que le texte renforce les prérogatives de l’EPAG, qui aura l’obligation de consulter une commission dont la composition sera calquée sur le dispositif existant pour les SAFER. On s’achemine donc vers la même gouvernance. Quant au second, je ferai la même réponse que pour les commissions départementales : l’exigence d’un avis conforme peut déboucher sur des blocages ; or, il y a des projets qui doivent dépasser cet obstacle.

M. le ministre. Je comprends l’esprit de ces amendements. Il y a aujourd’hui des blocages sur le foncier en Guyane – sans doute aussi ailleurs. Le marché du foncier étant insuffisant pour justifier la création d’une SAFER, on passe par un établissement public – l’EPAG – auquel le texte confère un rôle plus important. Mais la vraie question est de savoir comment libérer du foncier et éviter la spéculation sur le littoral guyanais. Il faut mettre en place rapidement le dispositif prévu par l’article 36, avant de traiter la question politique de la gestion du foncier – qui ne saurait se limiter à celle du contrôle. Les grands enjeux sont au niveau des grandes collectivités locales, qui vont avoir à définir des schémas d’aménagement. Libérer du foncier suppose donc une discussion avec elles. Bref, il est indispensable de mettre en place le dispositif prévu et de lancer un débat sur l’aménagement, le développement et le schéma d’urbanisation au niveau stratégique, pour pouvoir traiter ensuite des perspectives en matière de libération ou de mobilité du foncier.

Mme Chantal Berthelot. Je ne pense pas que l’on puisse dire qu’il n’y a pas suffisamment de foncier disponible en Guyane pour créer une SAFER, monsieur le ministre. A l’heure actuelle, les services de l’Etat y ont attribué pour près de 50 000 hectares de terrains, dont 23 000 hectares jouissent d’un titre foncier. Il y a donc un problème de régulation du foncier en Guyane. Par ailleurs, il me semble que d’autres territoires disposent d’une SAFER alors même que les surfaces qu’ils détiennent en portefeuille sont bien inférieures. Pour ce qui est de la Guyane, la projection du schéma d’aménagement régional (SAR) est de l’ordre de 80 000 hectares pour l’agriculture. A terme, et compte tenu du défi démographique que la Guyane doit relever, avec une population appelée à doubler dans les quinze prochaines années, il faudra développer l’agriculture.

Je maintiens donc qu’il est possible de créer une SAFER en Guyane, comme les professionnels le demandent depuis plus de dix ans. La loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) nous obligera d’ailleurs à clarifier la situation de l’EPAG : s’agit-il d’un établissement foncier ou d’un établissement public d’aménagement ? Actuellement, il intervient dans les deux champs.

Si je souhaite que la commission rende un avis conforme, c’est parce qu’aujourd’hui, la profession agricole n’est pas représentée au conseil d’administration de l’EPAG. La chambre d’agriculture en est membre de droit, mais dans le collège spécial, et avec une voix consultative. Or en vingt ans, j’ai trop vu d’opérations douteuses. On parle de ne pas trop accroître la taille des exploitations dans le schéma des structures dans l’Hexagone. Vous avez dit hier dans une réunion, monsieur le ministre, que vous ne connaissiez pas d’agriculteur qui possède 1 500 hectares en métropole. Veillons donc aussi à limiter l’extension des exploitations en Guyane, sans quoi nous risquerons des problèmes politiques. Rappelons que certains ont déjà ces 1 500 hectares. Or si pour le Créole, il est difficile d’accéder au foncier, cela l’est moins pour d’autres.

M. le ministre. J’entends bien. Il ne semble cependant pas souhaitable de créer une SAFER en Guyane, pour des raisons à la fois administratives et historiques. Je suis tout à fait d’accord pour que nous ayons une discussion sur le fond, mais je ne pense pas que ces amendements règlent le problème. En outre, il faut assurer une cohérence avec le développement des collectivités locales, en particulier les villes, et les schémas qui vont être mis en place. La question du foncier en Guyane doit faire l’objet d’une discussion spécifique d’ici à la discussion en séance publique ; et je regarderai moi-même ce qu’il est possible de faire. Vous l’avez dit, c’est un sujet explosif, et je ne voudrais pas que l’on puisse penser que nous le négligeons. En attendant, je souhaiterais que vous retiriez vos amendements – qui ne résolvent pas le problème posé.

M. Serge Letchimy. Votre position est sage, monsieur le ministre. Mais il nous faut trouver une solution concrète avant la discussion en séance publique, car il y a vraiment un problème de cohérence entre le texte que vous proposez, avec la mise en place d’un dispositif de concertation et de politiques de planification entre la collectivité unique de Guyane et l’Etat, et une nouvelle politique agricole. Vous territorialisez l’initiative, mais un peu comme si vous vouliez construire un bâtiment avec très peu de matériaux disponibles. L’un des outils – l’outil foncier – n’est pas mis en cohérence avec la politique que vous entendez mettre en œuvre. L’EPAG, tel qu’il existe aujourd’hui, ne répond pas à la problématique posée. La Guyane est caractérisée par une multitude d’occupations très différentes, avec des pratiques traditionnelles, une organisation spécifique et des possibilités d’accès au foncier qui sont principalement mises en œuvre par l’Etat, ce qui peut paraître contradictoire avec la réalité sociale, culturelle et économique du territoire. La demande de création d’une SAFER est donc légitime. N’oublions pas que d’ici dix ou vingt ans, la population de la Guyane aura dépassé celle de la Martinique ; elle va atteindre très rapidement les 400 000, puis les 600 000 habitants.

Peut-être faut-il être plus précis, monsieur le ministre. Pour ma part, j’ai compris que vous proposeriez vous-même un amendement qui permettrait d’atteindre l’objectif de création d’une SAFER à une certaine échéance, avec une dynamique d’appropriation et de redistribution du foncier adaptée.

M. le président François Brottes. Nous venons d’avoir un débat très intéressant sur un sujet important – que nous avions d’ailleurs déjà abordé. Les lignes doivent bouger, monsieur le ministre, et l’urgence comme les perspectives qui ont été rappelées commandent de prendre des dispositions dans ce texte.

L’amendement CE649 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE1409 du rapporteur.

L’amendement CE1425 de Mme Chantal Berthelot est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE1410 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CE655 de Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Cet amendement vise à porter à dix ans renouvelables la durée de l’arrêté préfectoral établissant un projet d’intérêt général (PIG).

M. le rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement modifie le droit commun, et pas seulement le droit applicable en outre-mer. De plus, la disposition proposée est d’ordre réglementaire. Je rappelle que la durée d’un PIG est aujourd’hui fixée à trois ans.

M. le ministre. Même avis.

M. Antoine Herth. Je voudrais rendre hommage à la contribution très intéressante de Mme Berthelot à nos débats, ainsi qu’à l’exégèse qui en est faite par M. Letchimy. Cette discussion nous a donné l’occasion de toucher du doigt des problèmes fondamentaux – et structurels – des outre-mer. Je pense en particulier au biocontrôle. J’avais rédigé un rapport sur ce sujet sous la précédente mandature, en regrettant de ne pouvoir approfondir davantage les questions liées aux particularités du développement du biocontrôle dans les outre-mer. Les thématiques y sont en effet encore plus vastes que celles que l’on peut rencontrer en métropole.

Quant au débat sur les SAFER, il pose plus généralement la question du lien entre les sociétés d’aménagement foncier et les établissements publics fonciers. Ce sujet concerne également la métropole, mais la question se pose avec encore plus d’acuité dans les outre-mer.

J’espère donc que nous pourrons trouver tous ensemble des réponses d’ici à la discussion en séance publique.

M. Dominique Potier. Nous sommes nombreux à avoir appelé de nos vœux dans la loi ALUR une logique de convention-cadre entre l’établissement public foncier (EPF), la SAFER et la région. Nous nous heurtons malheureusement au calendrier législatif, qui fait que les compétences des régions ne seront définies qu’après l’adoption de la loi d’avenir pour l’agriculture et de la loi ALUR. Cela pourrait néanmoins être l’occasion d’affirmer, une fois pour toutes, que les régions sont chefs de file en matière d’aménagement foncier, et qu’il faut dans chacune d’elles – en tenant compte des spécificités de l’outre-mer, bien entendu – un outil de maîtrise foncière qui repose sur ce trépied et permette une véritable action publique en la matière.

Mme Pascale Got. Je salue le travail de nos amis d’outre-mer, qui sont particulièrement patients. Nombre de textes les oublient en effet pour se concentrer sur la ruralité en métropole. L’outre-mer doit faire l’objet d’une mobilisation plus grande sur tous nos bancs. Je salue donc les engagements qui ont été pris ce matin ; nous veillerons à ce qu’ils se concrétisent.

M. Serge Letchimy. Faisons une loi d’avenir pour l’outre-mer, et qu’elle anticipe sur les 10 prochaines années !

L’amendement CE655 est retiré.

La Commission adopte l’article 36 modifié.

Article 37 : Habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance à la refonte de la codification des dispositions relatives aux outre-mer au sein du code rural et de la pêche maritime

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE1401 et CE1411 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 37 modifié.

M. le président François Brottes. Nous en revenons maintenant aux dispositions précédemment réservées.

TITRE II

PROTECTION DES TERRES AGRICOLES ET
RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS

Avant l’article 11 (amendement précédemment réservé)

La Commission est saisie de l’amendement CE99 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement vise à mettre l’intitulé du titre II en conformité avec son contenu, en substituant aux mots « terres agricoles » les mots « espaces naturels, agricoles et forestiers ».

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. le ministre. Même avis.

M. Martial Saddier. Je tiens à préciser que cet amendement a fait l’objet d’un vote unanime de la commission du développement durable, et que le groupe UMP le soutient.

La Commission adopte l’amendement.

Article 11 (précédemment réservé) (article L. 111-2-1 du code rural et de la pêche maritime) : Renforcement des prérogatives du conseil régional dans l’élaboration du plan régional de l’agriculture durable

La Commission examine l’amendement CE1216 de Mme Annie Genevard.

M. Antoine Herth. Cet amendement vise à supprimer l’article 11 qui instaure une cogestion à parité du Plan régional de l’agriculture durable (PRAD). En effet, l’Etat offre de meilleures garanties de neutralité et d’équité. La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010 avait d’ailleurs déjà prévu un plan régional de l’agriculture durable, qui « fixe les grandes orientations de la politique agricole, agro-alimentaire et agro-industrielle de l’Etat dans la région en tenant compte des spécificités des territoires ainsi que de l’ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux. » J’ai assisté à quelques réunions de l’Association des régions de France (ARF) : beaucoup de fantasmes circulent sur la régionalisation de la politique agricole ; les propositions qui fusent tiennent parfois de la plus pure fantaisie. L’agriculture française ne doit pas subir un « choc de régionalisation ». Elle a besoin de continuité. Oui pour que les régions jouent un rôle accru, mais attention à la façon dont nous procédons ! C’est dans cet esprit que nous avons déposé cet amendement.

M. le rapporteur. Je fais confiance aux élus régionaux. Autant il est nécessaire qu’il y ait une orientation nationale, autant il me paraît naturel que le président de la région soit associé à la préparation du PRAD. Je ne comprends donc pas que vous demandiez la suppression de cet article. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE1215 de Mme Annie Genevard.

M. Antoine Herth. J’ai déjà défendu cet amendement, qui se justifie par les mêmes arguments que le précédent.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE1353 du rapporteur.

La Commission est saisie de l’amendement CE1214 de Mme Annie Genevard.

M. Antoine Herth. Cet amendement est défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CE100 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement vise à préciser les conditions dans lesquelles le public a accès au projet de PRAD, en faisant référence à l’article L.120-1 du code de l’environnement, qui traite du débat public. Il s’agit donc d’une homogénéisation des procédures.

M. le rapporteur. La procédure de participation prévue par le code de l’environnement risque d’être trop lourde. Le PRAD n’est pas un document environnemental. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

Mme Delphine Batho. La procédure de l’article L.120-1 du code de l’environnement, qui est la procédure habituelle en termes de participation du public, n’est pas particulièrement lourde. Elle prévoit notamment une possibilité de consultation sur internet.

M. le rapporteur. Je maintiens mon avis défavorable. L’alinéa 6 prévoit une mise à disposition du public, y compris sous des formes électroniques. L’amendement est donc satisfait.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE512 de M. Antoine Herth et CE1354 du rapporteur.

M. Antoine Herth. L’amendement CE512 – dans lequel je dois rectifier une erreur de rédaction – vise à supprimer l’approbation du projet de PRAD par l’organe délibérant du conseil régional. Je m’interroge en effet sur une telle disposition. Que recouvre-t-elle exactement ? S’agit-il d’un avis simple, d’un avis conforme ?

M. le rapporteur. Il s’agit d’un avis conforme. Là encore, je m’étonne que vous ne fassiez pas confiance aux élus de la région. Il est tout de même normal qu’ils soient consultés sur le PRAD. Nous avons voté des lois de décentralisation ; je ne vois pas au nom de quoi les affaires agricoles échapperaient au regard des élus.

M. Antoine Herth. Jusque-là, les choses étaient simples. J’ai assisté à des réunions sur la gestion des fonds structurels au ministère de l’agriculture. Nous savons que la plupart des fonds structurels du deuxième pilier sont fléchés et gérés par l’Etat. J’en avais d’ailleurs fait la remarque lors de l’examen du budget, en félicitant le ministre de regagner grâce aux contributions européennes ce qu’il avait perdu sur son budget. Logiquement, la part qui est à la disposition des régions est donc minime, puisque si les chiffres sont en augmentation par rapport au passé, les fonds sont fléchés ; les régions n’ont pas de vraie possibilité d’intervention sur les fonds structurels. Par ailleurs, et de l’aveu même de M. René Souchon, président de la commission agricole de l’ARF, il faut éviter de heurter les syndicats de la fonction publique en contraignant les personnels des directions départementales des territoires (DDT) qui instruisent les dossiers à accepter un transfert au profit des régions. Il y a fort à parier que nous allons perdre une partie des fonds pour des raisons purement techniques, puisque si les dossiers ne sont pas bouclés à temps, l’argent doit être rendu à Bruxelles. Je suis donc persuadé que les régions, empêchées de mettre en œuvre une vraie politique sur le deuxième pilier, chercheront à se rattraper sur le plan régional et à renvoyer la balle à l’Etat à coups de propositions censées lui indiquer ce qu’il doit faire de l’argent qui leur est refusé. C’est la raison pour laquelle je vous ai demandé s’il s’agissait d’un avis simple ou d’un avis conforme. Dans le second cas, nous assisterons à un bras de fer entre les régions et le ministère de l’agriculture.

M. Martial Saddier. Oui à la consultation, oui au droit de regard des élus de la région – je reprends ici vos termes, monsieur le rapporteur. Mais l’avis conforme va bien plus loin. Par ailleurs, le texte prévoit à la fois que les régions interviennent en amont lors de l’élaboration du projet de PRAD, et que celui-ci est soumis à leur approbation – c’est-à-dire à leur avis conforme. Autrement dit, elles sont à la fois juge et partie. Autant leur confier l’élaboration du programme !

J’ajoute que les régions ne disposent pas toujours de majorités très claires – nous en avons moult exemples. Dans ces conditions, l’exigence d’un avis conforme est clairement une difficulté. Permettez-moi de redire que ce n’est pas une bonne chose.

M. le ministre. Ces questions – que nous avons déjà entendues – sont légitimes. Il y a d’abord le dilemme entre d’un côté, le refus d’une régionalisation de la politique agricole, qui répond à une demande forte des organisations professionnelles, et de l’autre, l’idée qu’il ne resterait rien pour les régions. Vous conviendrez que c’est assez contradictoire. C’est donc un faux débat.

Ce qui est vrai, c’est que le deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC) a été dévolu aux régions. Nous avons donc créé un comité État-régions, qui vient de se réunir pour la première fois. Mon ministère est d’ailleurs le seul à organiser ainsi cette décentralisation.

A l’inverse, les plans régionaux résultent d’une élaboration conjointe par la région et par l’Etat. Le comité État-régions définit les grands enjeux, qui sont ensuite déclinés sous la responsabilité de chaque président de région, mais en présence du préfet de région – donc de l’État.

Nous aurons au printemps 2014 un grand rendez-vous État-régions, qui calera l’ensemble du dispositif et des objectifs à l’échelle nationale et à l’échelle régionale afin de préparer la mise en œuvre de la nouvelle PAC en 2015. Nous ne serons pas dans la confrontation : il s’agit d’être capables de définir de grands objectifs à l’échelle nationale, en laissant aux régions le soin de les décliner à leur échelle.

Selon vous, la dévolution du deuxième pilier ne serait qu’un leurre, une grande partie de ces politiques étant définies par l’Etat. C’est exact, et cela concerne deux domaines : la politique d’installation et les indemnités compensatrices de handicaps. Or quelle région reviendrait sur ces politiques ? Prenons l’exemple des régions de montagne.

M. Martial Saddier. La montagne est minoritaire en Rhône-Alpes.

M. le ministre. Certes, mais la politique de compensation des handicaps, comme la politique d’installation, est une politique nationale. Elle est donc actée, et il n’y a pas de débat sur ce point.

Dans ces conditions, existe-t-il une latitude pour les régions ? Oui : il reste entre 20 % et 35 % des budgets disponibles pour les régions, car dans la négociation à Bruxelles, la France a obtenu un milliard d’euros supplémentaires sur le deuxième pilier de la PAC. Tous les budgets du deuxième pilier dévolus aux régions augmentent d’au moins 30 % à 35 %, voire doublent pour certains. Cela donnera aux régions la possibilité de faire – au-delà des objectifs de la politique nationale – des choix d’investissement que nous allons coordonner à l’échelle nationale. Je prendrai l’exemple des énergies renouvelables et de la méthanisation. La Bretagne signera demain, 13 décembre, son Pacte d’avenir, avec des objectifs en termes de méthanisation et de mise en œuvre de la surveillance de l’azote total. Dans le même temps, j’ai signé avec la région Midi-Pyrénées une convention qui va permettre de passer de six à 100 méthaniseurs d’ici à 2020. Chaque région a donc ses objectifs, et s’adapte en fonction de ses réalités propres. La ligne générale consiste à développer les énergies renouvelables, en particulier la méthanisation. Le plan Energie méthane autonomie azote (EMAA) fixe le cap ; chaque région dispose ensuite de moyens pour subventionner et choisir les projets. Cela me paraît d’ailleurs préférable.

Comme le rapporteur, je fais confiance aux élus. La région Alsace assume aujourd’hui très bien ses responsabilités, monsieur Herth. Elle aura désormais plus de moyens pour le faire – vous le savez, puisque vous étiez là lorsque nous avons redéfini le cadre budgétaire du deuxième pilier du FEADER.

Je tiens donc à rassurer ceux qui doutent, et à rappeler qu’un grand rendez-vous politique, le printemps des territoires et des régions, nous permettra de fixer le cap pour la période 2015-2020 dans quelques mois.

M. le président François Brottes. Les comités de massif ont été précisément créés afin que les urbains ne dictent pas la politique agricole des territoires de montagne interrégionaux.

M. André Chassaigne. Je partage les propos du rapporteur et du ministre parce que nous ne nous dirigeons pas vers le type de régionalisation évoqué par M. Herth et auquel j’étais moi aussi opposé. Si les orientations en matière agricole sont définies dans un cadre national, leur mise en œuvre implique des cofinancements. La mise en conformité des bâtiments d’élevage, par exemple, doit respecter des critères régionaux. Il en est de même des critères d’aide régionale à la méthanisation dans le cadre de laquelle la région Auvergne ne finance ni la troisième coupe ni les cultures dédiées. Il convient de respecter les particularités liées aux territoires. C’est celui qui commande la musique qui paie les pipeaux : les régions ne sauraient financer la politique agricole si elles ne sont pas associées à l’approbation du plan régional.

M. Martial Saddier. Le débat ne porte pas sur la régionalisation : il s’agit de savoir si l’avis doit être conforme. Que pèsent les élus régionaux de la montagne dans certaines régions comme Rhône-Alpes ou PACA ? Toutes tendances confondues, rien ! L’enfer étant pavé de bonnes intentions, notre crainte est que les régions ne profitent de cette nécessité d’un avis conforme pour peser extrêmement fort sur les orientations. Et cet avis reflètera le poids respectif, au sein du conseil régional, des urbains, des ruraux et des représentants de la montagne. Alors que vous avez su défendre, monsieur le ministre, les intérêts de la France dans les négociations sur le second pilier, le risque est que les mesures que vous avez obtenues au plan européen ne soient diluées au plan régional. S’agissant des seules zones de montagne, il ne serait peut-être pas inutile de prévoir un avis des comités de massif, même si cela ne réglerait en rien les autres difficultés.

M. le rapporteur. Monsieur Saddier, à l’heure actuelle le seul à avoir le pouvoir, c’est le préfet de région ; c’est lui qui tranchera au final. Aucune dilution de pouvoir n’est donc à craindre ! Nous n’avons donc pas à avoir peur d’une co-construction du projet de plan régional de l’agriculture durable.

M. le président François Brottes. Il faut clarifier un point de procédure puisque, en l’absence d’avis conforme, aucune décision ne pourra être prise. Si une procédure permet d’échapper à l’avis conforme avec un arbitrage définitif de l’État pourquoi pas, mais il faut le dire !

M. le ministre. Il est normal que le conseil régional, qui est démocratiquement élu et participera à hauteur de 25 % à 40 % au financement du développement de l’agriculture, émette un avis sur l’élaboration du projet de PRAD. Je ne vois pas comment on pourrait l’en empêcher ! De toute façon, le préfet de région aura le dernier mot : c’est dans la loi.

M. le président François Brottes. C’est une précision utile.

M. Antoine Herth. Ma position n’est en rien contradictoire, monsieur le ministre. Puisque l’amendement de suppression que j’ai déposé a été rejeté, l’amendement CE512 vise le lézard logé au creux de votre mécanique : alors que l’État, en préfléchant les aides, les frustrera de leur capacité à définir leur contribution à la politique agricole régionale, les régions auront la responsabilité politique d’instruire les dossiers sans en avoir les moyens en termes de personnels – les représentants de la région Alsace ne sont pas les seuls à le souligner. Et ce sont finalement elles qui paieront l’addition si les dossiers ne sont pas instruits dans le délai imparti. Pour l’Alsace, le risque s’élève à 25 millions d’euros, soit l’équivalent de 2,5 trains Régiolis.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je vous invite à clarifier d’abord la question de la gestion des fonds structurels : alors seulement, les régions pourront faire leur travail. Réglez le problème avant d’y être directement confronté !

M. Serge Letchimy. En tant que président de la région Martinique, l’avis de M. Herth me surprend. Les régions gèrent à l’heure actuelle directement une part des fonds européens, notamment en matière de FEADER et de FEDER. C’est pourquoi je ne crains pas de devoir construire avec l’État une dynamique de traitement des dossiers : en Martinique, le taux de programmation et de réalisation est très élevé.

Je ne peux que me réjouir que cette loi, dans la dynamique de décentralisation, offre des possibilités de contractualisation avec l’État : en matière de développement agricole, les aspects politiques de la contractualisation doivent être cohérents avec l’aspect financier.

Par ailleurs, on ne peut dire que celui qui donne l’avis conforme dispose d’une pouvoir absolu. En démocratie, il faut faire confiance à l’esprit de responsabilité de tous les acteurs. Celui qui refusera l’avis conforme pour mener une guerre stérile à l’État sera rendu responsable des conséquences du blocage des dossiers. Les responsabilités seront donc partagées et les négociations permettront de débloquer des situations conflictuelles. En matière de responsabilité locale de développement, il faut doter les collectivités régionales d’un droit accru à donner un avis conforme. Pratiquons la sagesse africaine de la discussion et de la négociation longues, où chacun écoute l’autre sans avoir la prétention de tout savoir.

La Commission rejette l’amendement CE512.

Puis elle adopte l’amendement CE1354.

La Commission adopte l’article 11 modifié.

Article additionnel après l’article 11 (amendement précédemment réservé) (article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales: Renforcer la dimension spatiale des schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire

La Commission examine l’amendement CE101 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement, adopté à l’unanimité par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, vise à accompagner les schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT) d’un « document cartographique recensant les espaces naturels, agricoles et forestiers ».

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Article 12 (précédemment réservé) (articles L. 112-1-1, L. 112-2, L. 135-3 et L. 135-5 du code rural et de la pêche maritime et articles L. 122-1-5, L. 122-3, L. 123-1-2, L. 123-6, L. 124-2, L. 143-1, L. 145-3 du code de l’urbanisme) : Préservation du foncier agricole

La Commission examine les amendements CE807 et CE806 de M. Antoine Herth ainsi que l’amendement CE102 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui peuvent être soumis à une discussion commune.

M. Antoine Herth. Les amendements CE807 et CE806 sont défendus.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. L’amendement CE102 vise à mettre l’accent sur l’importance du diagnostic des espaces agricoles dans leur environnement économique.

M. le rapporteur. Avis défavorable aux trois amendements.

Monsieur Herth, réduire le champ de l’Observatoire aux espaces à vocation agricole en y ôtant les espaces naturels et forestiers n’est pas acceptable.

M. le ministre. Même avis.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Je retire l’amendement CE102.

L’amendement CE102 est retiré.

La Commission rejette successivement les amendements CE807 et CE806.

Puis elle examine l’amendement CE675 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. L’amendement CE675 vise à créer des observatoires régionaux des espaces naturels, agricoles et forestiers, qui seront des déclinaisons locales de l’observatoire national.

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE927 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. L’amendement CE927 a pour objectif de renforcer les prérogatives de l’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers, en prévoyant notamment que celui définit des objectifs de réduction du rythme de changement d’affectation des sols.

M. le rapporteur. La définition d’objectifs, qui est une mission politique, n’est pas du ressort d’un observatoire qui, comme son nom l’indique, a pour mission d’observer.

M. André Chassaigne. Je retire l’amendement.

L’amendement CE927 est retiré.

Puis la Commission en vient aux amendements CE809 et CE808 de M. Antoine Herth, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. Martial Saddier. Les amendements d’appel CE809 et CE808 pointent le risque de dilution de la préoccupation agricole dans les CDCEA.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements pour une question de fond : il faut bien dédier une commission à l’ensemble de l’espace rural puisqu’il n’est pas possible de scinder celui-ci.

L’espace rural ne comprend pas que des terrains à vocation soit agricole, soit forestière. Certaines landes, par exemple,  peuvent avoir une vocation agricole si elles sont transformées, par exemple, en pâturages.

Limiter la compétence des commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) aux espaces agricoles serait réducteur.

M. Dominique Potier. D’autant qu’une emprise forestière peut avoir une compensation agricole et une emprise agricole une compensation forestière : dans la pratique, une vision holistique du foncier en milieu rural est nécessaire.

La Commission rejette successivement les amendements CE809 et CE808.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE1357 du rapporteur.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE273 de Mme Frédérique Massat, CE607 de M. Laurent Wauquiez et CE1284 de M. Joël Giraud.

Mme Frédérique Massat. Dans les départements dont le territoire comprend des zones de montagne, les commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers doivent comprendre au moins un représentant d’une commune ou d’un EPCI situé dans ces zones. Il faut en effet pallier le déséquilibre existant dans certains départements entre les zones urbaines et celles de montagne, faute de quoi il sera impossible d’avoir une vision globale des préoccupations du territoire. Tel est l’objet de l’amendement CE273, qui est conforme à la loi montagne.

Les zones de montagne comprennent 6 313 communes, ni plus ni moins : leur périmètre est donc bien délimité.

M. Martial Saddier. La montagne représente un quart du territoire national : or ses représentants ne font pas 25 % du collège électoral et du collège des élus. C’est pourquoi la vigilance s’impose.

L’amendement CE607 vise donc, conformément à l’esprit et à la lettre de la loi montagne, à assurer une représentation minimale d’élus de la montagne dans les CDPENAF comprenant des zones de montagne.

Mme Jeanine Dubié. Comme ces amendements sont identiques, l’argumentation de Mme Massat vaut également pour l’amendement CE1284. Les problématiques des territoires soumis à des handicaps naturels permanents doivent être prises en considération.

M. le rapporteur. Après avoir pensé que la disposition était d’ordre réglementaire, compte tenu des arguments avancés, j’émets un avis favorable à ces amendements identiques.

M. le ministre. J’ai considéré également dans un premier temps que la disposition était d’ordre réglementaire. Mais compte tenu du poids de la montagne à la Commission des affaires économiques ce matin, je me range à l’avis du rapporteur.

La Commission adopte ces amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE705 de Mme Brigitte Allain, CE1234 de M. Hervé Pellois, et les amendements identiques CE272 de Mme Frédérique Massat, CE459 de M. Serge Bardy, CE 606 de M. Laurent Wauquiez et CE1285 de M. Joël Giraud.

Mme Brigitte Allain. L’amendement CE705 vise à rendre conforme l’avis de la CDPENAF, quelle que soit la nature de l’espace, afin d’atteindre l’objectif de réduction du rythme d’artificialisation des terres agricoles et de lutter contre la consommation des espaces agricoles, naturels et forestiers.

M. Hervé Pellois. En associant les chambres d’agriculture à la consultation des CDPENAF, l’amendement CE1234 vise à préserver la viabilité des exploitations dans le respect des principes de l’agro-écologie.

Mme Frédérique Massat. L’amendement CE272 vise à améliorer le fonctionnement des CDPENAF en rendant obligatoire leur consultation sur les questions relatives à la régression des espaces naturels.

M. Dominique Potier. L’amendement CE459 est défendu.

M. Martial Saddier. L’amendement CE606 vise à transformer la simple possibilité de consultation des CDPENAF en obligation.

Mme Jeanine Dubié. L’amendement CE1285 est défendu.

M. le rapporteur. À l’obligation je préfère la possibilité de consulter les CDPENAF sur les questions relatives à la régression des espaces naturels en raison de l’encombrement de la commission qu’une telle obligation engendrerait. Chaque mouvement de terrain ne saurait provoquer la consultation de la commission départementale ! La simplification administrative doit nous guider.

Par ailleurs, s’agissant de l’avis conforme, il existe des projets dont l’intérêt général ou supérieur s’impose à l’avis d’une commission départementale.

Avis défavorable à tous ces amendements.

M. le ministre. Évitons de nous mettre dans la situation de ne pas appliquer ce que nous aurons nous-même inscrit dans la loi ! Tel serait le cas si la consultation des commissions départementales était rendue obligatoire.

Par ailleurs, l’avis conforme de la commission départementale risque de devenir une cause de blocage. Il convient de réserver les avis conformes aux territoires placés sous AOC, où les enjeux sont particulièrement importants.

M. Dominique Potier. Le risque de thrombose étant manifeste et l’intérêt général devant prévaloir, je retire l’amendement CE459.

Il convient en revanche d’affiner les critères de saisie de la commission : nous déposerons un amendement en ce sens.

Mme Frédérique Massat. Je retire l’amendement CE272.

Mme Brigitte Allain. Je retire l’amendement CE705.

Mme Jeanine Dubié. Je retire l’amendement CE1285.

M. Martial Saddier. Je suis heureux de constater que le rapporteur et le ministre se rapprochent progressivement de notre position : l’avis conforme n’est pas toujours pertinent !

Je retire l’amendement CE606 en signe de bonne volonté.

Les amendements CE705, CE1234, CE272, CE459, CE606 et CE1285 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement de coordination CE1358 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CE1446 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement donne en partie satisfaction aux amendements précédents puisqu’il vise à élargir, des surfaces « agricoles » aux surfaces « à vocation ou à usage agricole », les compétences de la commission départementale.

La commission pourra ainsi être consultée sur des friches industrielles ou sur des landes, qui ne sont pas « agricoles » mais « à vocation agricole ».

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques CE407 de M. Martial Saddier, CE559 de M. Dino Cinieri, CE1047 de M. Dominique Potier, CE 1213 de Mme Annie Genevard et CE 1334 de Mme Jeanine Dubié.

M. Martial Saddier. L’amendement CE407 est défendu.

M. Dino Cinieri. L’amendement CE559 est défendu.

M. Dominique Potier. L’amendement CE1047 tend à donner aux commissions départementales la capacité d’émettre un avis sur les mesures relatives à la mise en œuvre de la compensation écologique, pour éviter ces créations de nature somme toute artificielles telles que les imaginent trop souvent les bureaux d’études environnementalistes.

Les commissions départementales doivent pouvoir proposer, en accord avec le monde agricole, des alternatives moins coûteuses et qui profitent à l’agriculture.

M. Antoine Herth. La question de fond est la suivante : trop souvent la compensation environnementale se fait aux dépens des terres agricoles – telle est la logique d’une certaine pensée unique en la matière. Ne serait-il pas possible d’imaginer un mieux-disant environnemental au cœur de la forêt ou sur des espaces dits naturels en compensation de la perte d’espaces agricoles ? Ne serait-il pas possible de préférer le qualitatif au quantitatif ? Tel est l’objet de l’amendement CE1213

Mme Jeanine Dubié. La compensation écologique ne doit pas consommer quasi systématiquement des terres agricoles. Aussi les commissions départementales doivent-elles pouvoir émettre un avis sur le sujet. Tel est l’objet de l’amendement CE1334.

M. le rapporteur. Sur le fond, je suis d’accord pour regretter que la double peine s’exerce aux dépens des terres agricoles. Trop souvent la compensation écologique se fait au détriment des terres agricoles, ce qui n’est pas cohérent.

Cela dit, les amendements sont inopérants : les CDPENAF ne pourront pas résoudre ce problème. Un travail doit être conduit au plan législatif en liaison avec le ministère chargé de l’écologie afin de redéfinir la compensation écologique : vous avez tous raison, il faut trouver d’autres moyens de l’exercer. C’est pourquoi je vous propose de retirer ces amendements tout en demandant à M. le ministre d’engager une réflexion sur la question.

M. le ministre. C’est un vrai sujet. Je prends l’exemple de la LGV Le Mans-Rennes : toutes les compensations sur les zones humides se font au détriment des terres agricoles. Il faut toutefois savoir que les compensations écologiques sur les infrastructures font partie du droit de l’environnement et s’inscrivent dans un cadre européen : pour le changer, il est nécessaire de réviser les conditions d’application des compensations écologiques.

Je suis prêt à mener une réflexion politique visant notamment à définir des critères qualitatifs de compensation liés à la biodiversité ou à la préservation d’espaces particuliers, mais, en l’état actuel du droit, ces amendements ne seraient pas opérants.

Les amendements CE407, CE559, CE1047, CE1213 et CE1334 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE1359 du rapporteur.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE343 de Mme Frédérique Massat et CE1423 de M. Joël Giraud.  

Mme Frédérique Massat. Tout en admettant que les dispositions proposées sont peut-être d’ordre réglementaire, j’aimerais connaître l’avis du rapporteur et du ministre sur l’amendement CE343 qui tend à améliorer le fonctionnement des commissions départementales.

Mme Jeanine Dubié. L’amendement CE1423 est défendu.

M. le rapporteur. De fait, la disposition proposée n’est pas d’ordre législatif. Avis défavorable.

Les amendements identiques CE343 et CE1423 sont retirés.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement CE433 de Mme Fanny Dombre Coste. 

Mme Fanny Dombre Coste. Il s’agit, par cet amendement, de valoriser la planification et d’inciter les territoires à s’engager dans une politique vertueuse en la matière. À cette fin, nous proposons que la commission départementale soit obligatoirement consultée pour avis conforme dans les cas où il n’y a pas de planification. A contrario, quand existe un schéma de cohérence territorial (SCOT) ou un plan local d’urbanisme (PLU), l’avis simple suffit.

M. le rapporteur. Avis défavorable. L’amendement est satisfait par le règlement national d’urbanisme, qui interdit les constructions hors les parties urbanisées des communes.

Mme Fanny Dombre Coste. Je retire l’amendement.

L’amendement CE433 est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CE1046 de M. Dominique Potier, les amendements identiques CE676 de M. Dino Cinieri et CE1276 de Mme Jeanine Dubié, et l’amendement CE810 de M. Antoine Herth. 

M. Dominique Potier. L’amendement CE1046 tend à ce que, lorsqu’un projet ou un document d’aménagement ou d’urbanisme a pour conséquence une réduction des surfaces agricoles, son approbation soit subordonnée à l’obtention d’un avis favorable de la commission. Nous souhaitons élargir les critères appelant un avis de la commission.

M. Dino Cinieri.  Pour garantir que les commissions travaillent utilement, les avis qu’elles rendent doivent être suivies d’effet en matière de documents d’urbanisme, le préfet s’y conformant. Tel est le sens de l’amendement CE676

Mme Jeanine Dubié. L’amendement CE1276 tend également à renforcer l’efficacité des commissions départementales en permettant que leurs avis soient effectivement suivis.

M. Antoine Herth. Subordonner l’approbation d’un projet de réduction de surfaces agricoles à l’obtention d’un avis conforme de la commission est une disposition déjà en vigueur dans les départements d’outre-mer, mais pas en métropole. L’amendement CE810 tend à mettre fin à cette curiosité.

M. le rapporteur. Avis défavorable à tous les amendements, pour les raisons déjà dites. Outre les contraintes qu’impose l’avis conforme, les commissions départementales sont des commissions techniques consultatives qui n’ont pas à prendre de décisions. Leur faire prendre des avis conformes serait les faire décider à la place du politique.

M. le ministre. Ces commissions doivent bien sûr être vigilantes pour éviter de nouveaux abus commis au détriment des espaces agricoles et naturels, mais c’est aux instances politiques qu’il revient d’arbitrer la gestion des projets de territoire. Je partage donc l’avis défavorable du rapporteur.

M. le président François Brottes. Des compensations obligatoires ne sont-elles pas déjà prévues lorsque l’on grignote des zones protégées, telles les zones Natura 2000 ?

M. le ministre. Pas pour l’instant, et c’est pourquoi nous avons souhaité faire un pas supplémentaires pour les appellations d’origine contrôlée. L’enjeu est très fort en termes de valeur ajoutée et d’image.

M. Dominique Potier. Je retire l’amendement CE1046.

Mme Jeanine Dubié. Et moi l’amendement CE1276.

M. Antoine Herth. Je retire l’amendement CE810, que je retravaillerai d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Les amendements CE1046, CE1276 et CE810 sont retirés.

La Commission rejette l’amendement CE676.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE1361 du rapporteur.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement CE707 de Mme Brigitte Allain. 

Mme Brigitte Allain. Lorsqu’une zone d’appellation d’origine protégée est concernée, les professionnels doivent être consultés. C’est pourquoi un représentant des producteurs doit siéger au sein de la commission. Tel est l’objet de l’amendement.

M. le rapporteur. Ce sera bien un professionnel qui siègera à la commission : si cela devait être le directeur de l’Institut national de l’origine et de la qualité, cela aurait été précisé. L’amendement est donc satisfait. Avis défavorable.

Mme Brigitte Allain.  Je retire l’amendement.

L’amendement CE707 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE1360 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement CE955 de Mme Catherine Vautrin. 

M. Antoine Herth. L’amendement tend à ce que, lorsque sont concernées des terres à vignes classées en appellation d’origine contrôlée, le représentant de l’Institut national de l’origine et de la qualité désigné soit un viticulteur. Mais sans doute la disposition est-elle d’ordre réglementaire.

M. le rapporteur. Je le confirme. Avis, pour cette raison, défavorable.

M. Antoine Herth.  Je retire l’amendement.

L’amendement CE955 est retiré.

La Commission est saisie des amendements identiques CE709 de Mme Brigitte Allain et CE926 de M. André Chassaigne. 

Mme Brigitte Allain. L’amendement CE709 est défendu.

M. André Chassaigne. Tout comme l’amendement CE926.

M. le rapporteur. Avis défavorable : les amendements sont satisfaits par l’alinéa 7 de l’article 12.

Les amendements CE709 et CE926 sont retirés.

La Commission examine l’amendement CE708 de Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain.  Pour garantir une meilleure cohérence territoriale, un représentant de la région, nommé par le préfet de région, devrait participer au contrôle de la consommation de l’espace agricole. Cela paraît d’autant plus légitime que, si la Région a peu de compétences en matière d’urbanisme, elle en a une en matière d’aménagement du territoire

M. le rapporteur. Les commissions sont compétentes pour un département, et le souci de simplification doit faire préférer de ne pas leur adjoindre d’autres membres que ceux qui sont prévus dans le texte. Cela n’empêche pas que l’on puisse, sans que cela soit inscrit dans la loi, associer, le cas échéant, un collègue de la région ou d’un département limitrophe aux réunions de la commission, afin qu’il puisse donner son avis. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis. Rien ne sert de compliquer les choses.

Mme Brigitte Allain. Bien qu’« associer » ne soit pas donner une voix consultative, je retire l’amendement.

L’amendement CE708 est retiré.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement CE1016 de M. Frédéric Roig.

Mme Fanny Dombre Coste. L’amendement tend à renforcer le dispositif en mentionnant le SCOT.

M. le rapporteur. Avis défavorable, non sur le fond mais parce que les documents opérationnels sont les plans locaux d’urbanisme – et, demain, les plans locaux d’urbanisme intercommunaux. C’est donc à ce niveau que l’on doit intervenir et non à celui des SCOT qui fixent les orientations sans entrer dans le détail.

Mme Fanny Dombre Coste. Je retire l’amendement.

L’amendement CE1016 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CE710 de Mme Brigitte Allain. 

Mme Brigitte Allain. L’amendement vise à étendre la sécurité apportée par l’avis conforme de la commission départementale aux terres exploitées en agriculture biologique qui risquent d’être supprimées par l’urbanisation.

M. le rapporteur. La rédaction actuelle me paraît suffire. On peut faire confiance à l’État pour apprécier si un document d’urbanisme aura pour conséquence une réduction « substantielle ». La disposition concernant toutes les appellations d’origine, elle concerne nécessairement l’agriculture biologique. Avis défavorable.

Mme Brigitte Allain. J’ose espérer que votre interprétation rassurante se vérifiera, monsieur le rapporteur.

M. le rapporteur. En additionnant l’agriculture biologique, les labels et les appellations d’origine contrôlée, on couvre les trois quarts de la surface du territoire national ; c’est beaucoup.

Mme Brigitte Allain.  Ce qui renforce l’idée qu’il convient de refuser toute artificialisation.

M. le ministre. Une clarification s’impose. L’agriculture biologique est un mode de production ; or nous cherchons à préserver non pas des modes de productions spécifiques, mais les productions qui ont une marque de qualité. On peut considérer que l’agriculture biologique est en soi une marque de qualité, mais en choisissant cette interprétation, on dévie de l’objectif premier du texte, et il faudrait ajouter d’autres modes de production. Restons-en à l’idée première, qui est qu’un avis conforme s’impose quand on touche à des signes de qualité.

Mme Brigitte Allain. Lorsque nous avons débattu, hier, des fermages environnementaux, vous avez fait valoir, monsieur le ministre, que certaines pratiques enrichissent les sols et les sous-sols, et leur donnent une plus grande valeur agronomique. Cela vaut pour les terres travaillées en agriculture biologique, et il serait infiniment regrettable que des terres travaillées de la sorte pendant des décennies soient artificialisées ; la compensation sera bien difficile à trouver. C’est pourquoi il importe d’inclure l’agriculture biologique dans le dispositif.

M. le président François Brottes. Lors de l’examen du texte dont M. Michel Raison était le rapporteur, j’avais proposé un amendement tendant à ce que les exploitations converties à l’agriculture biologique ne puissent jamais retourner à un autre mode de production, mais l’on m’avait opposé le principe de la liberté d’installation. Il y a là un vrai sujet : quand on a fait l’effort de passer à l’agriculture biologique, il faut pouvoir préserver l’exploitation de toute autre contamination. Cela ne signifie pas qu’une disposition en se sens passe par cet amendement, mais je vous en proposerai un autre au titre de l’article 88.

M. le rapporteur. Si un avis conforme devait être rendu pour tout projet concernant une exploitation en agriculture biologique et s’il y avait une exploitation de ce type dans chacune de nos 36 500 communes, le mécanisme serait impraticable. Je vous invite donc à bien vouloir retirer l’amendement.

Mme Michèle Bonneton.  Je tiens à préciser que la surface cultivée en agriculture biologique en France correspond à 4 % environ de la surface cultivable totale – et il y a peu de chances que cette surface s’accroisse notablement dans les années à venir.

M. Dominique Potier. Cet amendement nous sensibilise au fait que des fonds publics ont été investis dans la conversion de terres à l’agriculture biologique et que nous devons privilégier ces terres-là. Il en va de même pour d’autres mesures agro-environnementales lourdes : il n’y a aucune raison de gaspiller de l’argent public.

M. le rapporteur. Trois pour cent des terres de notre pays sont cultivées en agriculture biologique, mais elles sont tellement éparpillées qu’il s’en trouve pratiquement dans toutes les communes, ce qui rend l’avis conforme impossible. Je vous soumettrai dans quelques instants un amendement tendant à protéger l’agriculture biologique en prévoyant que, dans les cas où les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural interviennent, priorité soit donnée, quand il s’agit de terres exploitées en agriculture biologique, à celui ou à celle qui s’engagera à continuer le même type de culture pendant dix ans.

M. le ministre. L’idée que les sols sont un patrimoine s’est traduite par le bail environnemental. Cela ne concerne pas que l’agriculture biologique. Il est prouvé que si l’on choisit l’agro-écologie, on renforce la biodiversité des sols. Nous devons nous engager, par le biais du bail environnemental, dans cet enrichissement de notre pays par ses sols. C’est une ambition globale pour toutes nos terres agricoles – et, bien sûr, l’agriculture biologique a été un précurseur de ce processus. Un avis conforme est nécessaire quand on touche à des appellations d’origine contrôlée, en particulier viticoles, car elles apportent une valeur ajoutée aux territoires et contribuent à nos capacités d’exportation. Il y a donc un intérêt général à préserver toutes les zones en appellation d’origine contrôlée et en appellation d’origine protégée ; là est l’enjeu.

Mme Brigitte Allain. Je retire l’amendement.

L’amendement CE710 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE1362 du rapporteur.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE444 de M. Jean-Charles Taugourdeau, CE528 de M. Yves Foulon, CE713 de Mme Brigitte Allain et CE954 de Mme Catherine Vautrin.  

M. Dino Cinieri. Les amendements CE444 et CE 528 sont défendus.

Mme Brigitte Allain. L’amendement CE713 l’est également.

M. Antoine Herth.  De même que l’amendement CE954.

M. le rapporteur. Avis défavorable ; il n’y a aucune raison que l’autorité administrative ne motive pas ses décisions.

M. le ministre. Avis également défavorable, pour la même raison.

Les amendements CE713 et CE954 sont retirés.

La Commission rejette les amendements identiques CE444 et CE528.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CE437 de Mme Fanny Dombre Coste. 

Mme Fanny Dombre Coste. Le ministre ayant indiqué que l’on va revoir la question de la compensation, et ainsi privilégier la qualité et non plus la surface, je retire l’amendement, en attendant cette réflexion avec beaucoup d’intérêt.

M. le ministre. Vos contributions seront bienvenues.

L’amendement CE437 est retiré.

La Commission examine l’amendement CE461 de Mme Geneviève Gaillard.

M. Dominique Potier.  Il est nécessaire de compléter le texte en mentionnant aussi la qualité agronomique des sols.

M. le rapporteur. Avis défavorable, même si je comprends l’esprit de la proposition, qui est de protéger les bonnes terres agricoles. On construit dans les vallées au lieu de construire sur les coteaux, ce qui aurait un impact beaucoup plus faible sur l’agriculture. Cependant, la question est complexe : quelle est la différence agronomique entre les Causses du Lot où l’on produit du vin de Cahors et les terres de la vallée où l’on produit du maïs « de base » ? Il faut tenir compte de la richesse des sols, et l’on enrage de constater que, souvent, des autorisations de construire sont accordées sur des terres labourables et refusées là où prospèrent de mauvais taillis. La forêt française est extraordinairement protégée, alors même que sa surface a doublé au cours des cent dernières années, et triplé depuis 1847.

M. Dominique Potier. Vous semblez justifier l’amendement, monsieur le rapporteur. Ajouter la qualité agronomique n’est pas en faire un critère absolu : elle est seulement soumise à l’appréciation de la commission.

M. le président François Brottes. Lors de l’examen de la loi pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, j’ai proposé un amendement qui, de mémoire, a été adopté, et qui tend à neutraliser une partie des zones de déprise agricole pour les destiner à l’implantation éventuelle de hameaux afin que l’on cesse d’empiéter sur les terres mécanisables pour renouveler l’habitat dans les villages. Par ailleurs, je suis scandalisé que des zones de plaines fertiles soient désormais consacrées à la pension de chevaux – parce que c’est d’un meilleur rapport que l’agriculture –, quand on a tant de peine à trouver des espaces propres à la culture en montagne.

M. le ministre. Je suis conscient de l’enjeu. Ainsi, la région parisienne, qui compte actuellement 12 millions d’habitants, a un potentiel agronomique considérable. Mais qu’en sera-t-il dans vingt à trente ans, quand la population de la France aura augmenté de dix millions de personnes ? La conservation des terres agricoles pose un problème réel. Pour ce qui est de la pension des chevaux, un autre problème se pose : chacun a la liberté constitutionnelle de décider ce qu’il souhaite faire de son bien.

Le Printemps des territoires nous donnera l’occasion de travailler aux modèles que l’on peut opposer au « rurbanisme » qui sévit depuis trente ou quarante ans. À l’exode rural s’est en effet substitué un exode urbain, souvent subi, pour accéder à la propriété. Le lotissement est devenu le Graal.

On ne changera pas les choses du jour au lendemain. Autour de la question des centres bourg, nous devons penser une urbanisation du futur moins consommatrice d’espace. Non seulement les lotissements utilisent une surface plus importante que d’autres types d’habitat, mais ils s’accompagnent d’infrastructures envahissantes – routes et ronds-points notamment.

La prise en compte de la valeur agronomique ne me dérange pas. Cela dit, la réflexion doit aller bien au-delà des questions relevant des commissions départementales de la consommation des espaces naturels agricoles et forestiers.

M. Dominique Potier. Carole Delga et moi-même avons publié cet été une tribune qui rejoint votre analyse. Je tiens néanmoins à ce que l’on prenne en compte le critère de la valeur agronomique, ne serait-ce que de manière facultative.

M. le rapporteur. D’une certaine manière, votre amendement est satisfait : les élus ont déjà la possibilité, au moment de la mise en place des SCOT et des PLU, de déterminer des zones agricoles protégées en raison de leur situation géographique ou de la qualité des productions qui s’y effectuent, ce qui inclut, le cas échéant, leur valeur agronomique. Mais il peut y avoir d’excellentes productions sur des sols de très faible valeur agronomique. C’est le cas du cahors, qui est produit sur le causse.

M. le ministre. C’est celui de la vigne en général.

M. Jean-Yves Caullet. Des truffes également.

M. Dominique Potier. Et des poireaux.

M. le ministre. Il serait bon de prendre aussi en compte le critère de la valeur agronomique.

M. le rapporteur. M. Potier a raison sur le fond. En définitive, mon avis sera donc favorable.

La Commission adopte l’amendement CE461.

Elle adopte également l’amendement rédactionnel CE1363 du rapporteur.

Puis elle en vient aux amendements identiques CE588 de M. Dino Cinieri, CE821 de M. Antoine Herth, CE951 de M. Paul Molac et CE1235 de M. Hervé Pellois.

M. Dino Cinieri. L’article L. 112-3 du code rural et de la pêche soumet à l’avis de plusieurs organisations agricoles un certain nombre de documents d’urbanisme ou d’aménagement. Le délai de consultation qu’il prévoit à cet effet est de deux mois, alors que le code de l’urbanisme le fixe à trois mois pour les documents d’urbanisme. L’amendement vise à harmoniser ces délais pour faciliter l’expression des avis.

M. Antoine Herth. Mes arguments sont les mêmes.

Mme Michèle Bonneton. L’amendement CE951 est défendu.

M. Hervé Pellois. L’amendement CE1235 également.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte ces amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE560 de M. Dino Cinieri, CE822 de M. Antoine Herth, CE1048 de M. Dominique Potier et CE1336 de Mme Jeanine Dubié.

M. Dino Cinieri. Il est proposé d’instaurer une compensation agricole qui indemniserait les pertes collectives induites pour l’économie agricole des territoires subissant l’impact de projets d’ouvrages, d’aménagements ou de documents de planification sur les outils de transformation, de commercialisation et plus généralement sur les filières agricoles lorsque l’évitement est impossible à réaliser.

M. Antoine Herth. L’amendement CE822 est défendu.

M. Dominique Potier. Dans les cas évoqués par M. Cinieri, une compensation est prévue pour le propriétaire et pour l’exploitant, mais pas pour la filière agricole, qui subit pourtant des pertes en termes de charges sociales, de valeur ajoutée et d’emploi. Il est donc proposé que le maître d’ouvrage contribue, pour un pourcentage faible, à la revitalisation de la filière agricole touchée. Le fonds ainsi créé pourrait faire l’objet d’une cogestion de la collectivité territoriale et de la profession agricole. Il servirait à des mesures de soutien à la valeur ajoutée, à l’installation, etc. L’idée nous paraît cohérente lorsque l’artificialisation des terres est inévitable.

Mme Jeanine Dubié. Je partage ces arguments.

M. le rapporteur. Puisqu’il existe une compensation forestière et une compensation écologique, pourquoi ne pas avoir une compensation agricole ?

Il semble difficile que cette compensation se fasse par l’attribution d’autres terres agricoles. Il s’agirait donc d’une compensation financière. Je rappelle à cet égard que la loi de modernisation de l’agriculture de 2010 avait instauré une taxe sur le changement d’affectation des terres. Le produit de cette taxe, qui correspond à un pourcentage assez faible de la plus-value réalisée sur les terrains rendus constructibles, pourrait être réutilisé pour soutenir l’agriculture. Par ces amendements, vous proposez par exemple que les promoteurs d’infrastructures routières, autoroutières, ferroviaires, compensent les pertes non seulement de terres agricoles, mais aussi de revenus, cotisations et autres pour la filière. Je suis d’accord quant à l’esprit, mais je ne suis pas sûr que la rédaction proposée soit vraiment adéquate. Je préfère m’en remettre à la sagesse du ministre.

M. le ministre. On peut s’interroger sur la compatibilité des amendements avec l’article 40 de la Constitution. Certes, je comprends l’intérêt du dispositif proposé, qui instituerait, à côté de la taxe évoquée par le rapporteur, une compensation financière des pertes qu’un changement de destination peut occasionner à l’agriculture. Il faut cependant pousser la réflexion plus loin. Dans le cas de la construction d’une ligne à grande vitesse, le coût d’une telle compensation sera répercuté, au bout du compte, sur les collectivités qui investissent dans l’infrastructure. Dans le cas d’une opération de construction menée par un promoteur privé, c’est en définitive le consommateur qui supportera le coût.

En tout état de cause, ces amendements ont une portée fiscale considérable. Leur adoption conduirait à une augmentation ou à une transformation de la taxe existante et emporterait des conséquences en matière d’urbanisme, d’égalité des territoires, de transports. Nous ne pouvons les accepter en l’état.

M. le président François Brottes. Comme vous, je ne comprends pas que les amendements aient passé le filtre de l’article 40. Cela dit, la collectivité à laquelle j’appartiens pratique depuis quinze ans l’indemnisation de la perte d’exploitation agricole, sur la base d’un accord volontaire avec la chambre d’agriculture. Il n’est donc pas impossible de mettre en place de tels dispositifs de manière contractuelle.

M. Dominique Potier. Sans doute s’agit-il d’amendements d’appel. Néanmoins, ne pourrions-nous pas trouver, d’ici à l’examen en séance publique, une solution compatible avec l’article 40 ? L’attente est très forte et, à mon avis, très justifiée. Les taxes existantes ne permettent pas de compenser l’impact sur l’économie locale. Le coût pour le contribuable ou pour le consommateur correspond de toute façon une perte de valeur ajoutée pour le territoire et la filière concernés. C’est simplement justice de permettre de regagner cette valeur ajoutée par le biais d’une compensation.

M. le ministre. Le fil est intéressant mais, lorsqu’on le déroule, on s’aperçoit que les conséquences sont colossales. Le sujet ne peut être tranché d’ici à la séance publique. Il faut prendre le temps de le travailler.

M. le rapporteur. Toutes les procédures actuelles, notamment les procédures d’expropriation, prévoient des compensations spécifiques pour ceux qui perdent leurs fonds.

Par ailleurs, si la création d’un équipement public occasionne des pertes pour la filière agricole, elle peut aussi constituer un gain pour la région. Les territoires ruraux qui ont été désenclavés par des équipements routiers ne s’en plaignent pas. Veillons à l’intérêt général et à l’équilibre des projets !

M. Dino Cinieri. Je retire mon amendement.

M. Antoine Herth. Je retire le mien également.

M. Dominique Potier. Nous visions non pas les lignes à grande vitesse, mais l’étalement urbain inconsidéré mené par les investisseurs privés. Nous continuerons à dérouler le fil mais, pour l’heure, je retire mon amendement.

Mme Jeanine Dubié. Je fais de même. Nous devons néanmoins poursuivre le débat : cette compensation est importante pour la protection des terres.

Les amendements CE560, CE822, CE1048 et CE1336 sont retirés.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE1006 de M. Dominique Potier et CE678 de M. Dino Cinieri.

M. Dominique Potier. L’amendement CE1006 invite les planificateurs à déterminer, par secteur géographique, des objectifs chiffrés en matière d’économie de foncier. C’est ce qui se pratique dans les SCOT les plus vertueux, avec de très bons résultats.

M. Dino Cinieri. L’amendement CE678 tend à supprimer le VII de l’article L. 122-1-5 du code de l’urbanisme, qui dispose que le document d’orientation et d’objectifs d’un schéma de cohérence territoriale « peut également définir des objectifs à atteindre en matière de maintien ou de création d’espaces verts dans les zones faisant l’objet d’une ouverture à l’urbanisation ».

M. le rapporteur. Cette disposition me paraît pourtant utile. Nous ne pouvons faire vivre nos concitoyens uniquement dans du béton ! Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Je retire mon amendement.

L’amendement CE1006 est retiré.

M. Dino Cinieri. Je maintiens le mien.

La Commission rejette l’amendement CE678.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE1449 du rapporteur et CE586 de M. Dino Cinieri.

M. le rapporteur. L’amendement CE1449 vise à renforcer l’information de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers lorsqu’elle est saisie d’un plan local d’urbanisme prévoyant une réduction des surfaces agricoles. Une analyse préalable de la fonctionnalité des zones agricoles qu’il est envisagé de réduire doit permettre d’anticiper les conséquences d’une telle réduction sur l’organisation de la filière agricole locale.

M. Dino Cinieri. Il importe que les commissions départementales de la consommation des espaces agricoles soient saisies de l’ensemble des PLU opérant réduction des espaces agricoles, d’autant que nombre de SCOT n’ont pas encore intégré les nouvelles exigences du code de l’urbanisme consécutives aux lois Grenelle.

M. le ministre. Avis favorable à l’amendement CE1449, défavorable à l’amendement CE586.

La Commission adopte l’amendement CE1449.

En conséquence, l’amendement CE586 tombe.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE677 de M. Dino Cinieri et CE1364 du rapporteur.

M. Dino Cinieri. Il s’agit de simplifier la rédaction du texte en ne conservant que le changement de nom de la commission prévue à l’alinéa 17.

M. le rapporteur. L’amendement CE1364 est rédactionnel. Avis défavorable à l’amendement CE677.

M. le ministre. Avis défavorable à l’amendement CE677, favorable à l’amendement CE1364.

La Commission rejette l’amendement CE677.

Puis elle adopte l’amendement CE1364.

Elle en vient à l’amendement CE714 de Mme Brigitte Allain.

Mme Michèle Bonneton. Une commune seule ne devrait pas pouvoir émettre de veto à la constitution d’un périmètre de protection des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN).

M. le rapporteur. Il n’est pas de bonne politique d’imposer par la force des mesures aux communes. Je préfère que l’on essaie de recueillir leur adhésion. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

Mme Michèle Bonneton. Considérons qu’il s’agit d’un amendement d’appel. Il est tout de même gênant qu’une commune puisse opposer un veto à un projet qui en concerne plusieurs ! Ne pourrait-on prévoir, par exemple, une minorité de blocage ? Je retire l’amendement pour le réécrire en ce sens avant l’examen en séance publique.

L’amendement CE714 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CE587 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. L’extension aux intercommunalités de la faculté d’élaborer des périmètres de protection des espaces naturels et agricoles périurbains peut certes favoriser la mise en œuvre de cet outil, mais doit également permettre une véritable implication des chambres d’agriculture. L’avis de la chambre départementale d’agriculture sur le périmètre ne saurait suffire : il convient de prévoir une concertation avec ces structures consulaires tout au long de la démarche conduisant au choix du périmètre et à la définition des programmes d’action.

M. le rapporteur. L’amendement est satisfait : il n’y a pas de PAEN sans concertation avec la chambre d’agriculture.

M. Dino Cinieri. Dans ce cas, je le retire.

L’amendement CE587 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CE716 de Mme Brigitte Allain.

Mme Michèle Bonneton. Défendu.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE718 de Mme Brigitte Allain.

Mme Michèle Bonneton. Défendu.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE445 de M. Jean-Charles Taugourdeau, CE531 de M. Yves Foulon et CE721 de Mme Brigitte Allain.

M. Dino Cinieri. À l’heure où la protection de l’environnement est devenue un enjeu majeur, notamment dans le secteur de l’agriculture, il est essentiel que les appellations d’origine, dans leur démarche de qualité, puissent participer à la protection des ressources naturelles et des paysages.

Mme Michèle Bonneton. Même argument.

M. le rapporteur. Comme tous les professionnels que j’ai rencontrés, je suis favorable à l’introduction de mesures opposables de protection des terroirs – donc des paysages – dans les critères des appellations d’origine contrôlée (AOC). Je me propose néanmoins de rectifier ces amendements en séance publique pour ne pas restreindre leur portée aux seules AOC viticoles.

Mme Michèle Bonneton. Je suis d’accord.

M. le ministre. Moi aussi.

M. Dino Cinieri. Je fais confiance au rapporteur.

La Commission adopte ces amendements.

Puis elle adopte l’article 12 modifié.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du jeudi 12 décembre 2013 à 9 h 30

Présents. – Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Chantal Berthelot, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Pascale Got, M. Antoine Herth, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Serge Letchimy, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, Mme Clotilde Valter

Excusés. – M. Jean-Claude Bouchet, M. Franck Gilard, M. Daniel Goldberg, M. Thierry Lazaro, Mme Audrey Linkenheld, M. Bernard Reynès, M. Fabrice Verdier

Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Michel Clément, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Martial Saddier