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Commission des affaires économiques

Mercredi 25 novembre 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 25

Présidence Mme Frédérique Massat, Présidente

– Réunion avec une délégation de la commission de l’économie et de l’énergie du Bundestag, sur les questions énergétiques

La commission a auditionné une délégation de la commission de l’économie et de l’énergie du Bundestag, sur les questions énergétiques.

Mme la présidente Frédérique Massat. C’est avec une joie sincère que nous accueillons, dans le contexte particulier que nous connaissons ces jours-ci, nos collègues et amis du Bundestag. Chers collègues allemands, nous vous l’avons dit hier soir en cercle plus restreint, nous vous le répétons ce matin : merci d’avoir maintenu votre déplacement. Devenues traditionnelles, nos rencontres, dans chacune de nos deux assemblées, ont créé entre nous des relations de travail, mais aussi des liens d’amitié. Votre présence à nos côtés aujourd’hui nous fait d’autant plus chaud au cœur.

La délégation que nous avons le plaisir de recevoir est menée par M. Klaus Barthel, vice-président de la commission de l’économie et de l’énergie du Bundestag, et composée de Mme Herlind Gundelach et de MM. Klaus Ernst, Andreas Lämmel et Bernd Westphal. Je laisserai à M. Barthel le soin de présenter plus longuement ses collègues.

Je sais que vous n’avez pas hésité une seconde à venir malgré les événements que nous vivons, et que le Président du Bundestag a fait part au Président Bartolone, au nom des membres de votre assemblée, de sa profonde sympathie pour les familles des victimes et pour le peuple français. Votre soutien est l’expression du profond attachement et de l’amitié qui unissent nos deux nations.

Programmée par mon prédécesseur, notre rencontre précède de quelques jours l’ouverture à Paris de la COP21. Si la France et l’Allemagne connaissent des situations démographiques et énergétiques très distinctes, nous avons en commun d’ambitieux objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’Allemagne souhaite réduire celles-ci de 40 % d’ici à 2020 ; nous avons le même objectif, mais d’ici à 2030. Nous avons beaucoup à faire dans nos pays respectifs, nous le savons, pour y parvenir et pour contribuer à l’édification d’une union de l’énergie. Mais notre détermination est grande et je ne doute pas que nous y parviendrons.

Je suis heureuse de prolonger la tradition que mon prédécesseur François Brottes avait instituée avec le président de la commission de l’économie et de l’énergie du Bundestag. Nous avons souhaité maintenir un échange annuel, qui pourra se faire plus fréquent le cas échéant. Lors des précédentes rencontres, il a été convenu, en effet, que nos deux commissions se réuniraient au moins une fois par an afin de créer progressivement un groupe de travail commun chargé de discuter des problèmes énergétiques, de formuler des propositions et de dresser le bilan des solutions mises en œuvre dans chacun de nos deux pays.

Ainsi, le 28 mai 2014, nous avons eu le plaisir de recevoir ici même une délégation du Bundestag ; puis, en décembre 2014, répondant à votre invitation, une délégation de huit députés de notre commission se rendait à Berlin. C’était au moment de l’examen de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui a été adoptée il y a peu.

Notre rencontre de ce jour est l’occasion d’approfondir et d’enrichir encore nos échanges sur ce dernier sujet. Pour mémoire, la loi définit les objectifs suivants : réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, comme je l’ai rappelé ; réduire de 30 % la consommation d’énergies fossiles en 2030 par rapport à 2012 ; porter la part des énergies renouvelables à 32 % de la consommation énergétique finale et à 40 % de la production d’électricité en 2030 ; réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à 2012 ; réduire de 50 % le volume de déchets mis en décharge à l’horizon 2050 ; diversifier la production d’électricité, dans laquelle la part du nucléaire doit être ramenée à 50 % à l’horizon 2025.

Nous allons certainement évoquer aussi l’union de l’énergie à laquelle j’ai déjà fait allusion. Elle repose sur cinq piliers : la pleine intégration du marché européen de l’énergie et son corollaire, la construction du réseau gazier et électrique transfrontalier ; la décarbonisation de l’économie ; l’efficacité énergétique, moyen de modérer la demande ; la sécurité énergétique ; enfin, la recherche, l’innovation et la compétitivité. Le financement de l’union de l’énergie nécessitera un engagement significatif et la participation du secteur privé.

S’agissant de la COP21, autre sujet d’actualité, l’ensemble des États détient une lourde responsabilité : parvenir à un accord sur le climat qui soit universel et juridiquement contraignant, ayant pour but de maintenir le réchauffement climatique en deçà de deux degrés.

Je rappelle que les périmètres de nos commissions respectives ne se recoupent pas exactement. Notre compétence couvre des pans entiers de l’économie : l’industrie, l’agriculture, l’énergie, mais également le numérique, un secteur dans lequel certains de nos collègues sont particulièrement impliqués. Le domaine de compétence de nos homologues du Bundestag, étendu lui aussi, couvre, outre l’énergie, le commerce, intérieur et extérieur. Je propose que nous nous concentrions sur les questions énergétiques et sur la COP21.

M. Klaus Barthel, président de la délégation, vice-président de la commission de l’économie et de l’énergie du Bundestag, membre du groupe parlementaire SPD. Madame la présidente, mesdames et messieurs, chers collègues, nous tenons tout d’abord à vous remercier de votre aimable invitation. Le dîner d’hier soir, dont nous vous remercions également, nous a permis de nouer le dialogue. Nous avons déjà résolu presque tous les problèmes qui se posaient ! Mais nous allons approfondir ce matin notre réflexion.

Ainsi que la présidente l’a souligné, le Bundestag a observé hier une minute de silence en hommage aux victimes des attentats de Paris. Au nom du vice-chancelier et ministre Sigmar Gabriel, je tiens à vous exprimer toute notre sympathie et nos condoléances. Pour nous, il était tout à fait normal de venir, surtout dans les moments difficiles que vous traversez. L’échange entre nos deux commissions est déjà devenu une tradition, et votre invitation nous permet de vous manifester de nouveau notre solidarité.

Notre délégation est relativement réduite bien que la commission de l’économie et de l’énergie ne compte pas moins de 46 membres. Cela s’explique par le fait que, cette semaine, le Bundestag débat du budget, qui doit être adopté bientôt : nous votons aujourd’hui sur le budget de la chancellerie, avant le vote global du projet de budget, auquel nous apportons notre soutien.

Permettez-moi de vous présenter les collègues qui m’accompagnent : Mme Herlind Gundelach, de Hambourg, qui représente le groupe parlementaire CDU-CSU ; M. Klaus Ernst, vice-président du groupe Die Linke ; M. Andreas Lämmel, porte-parole adjoint du groupe parlementaire CDU-CSU au sein de notre commission ; enfin, M. Bernd Westphal, porte-parole du groupe SPD, toujours au sein de la commission. Je suis moi-même – vous l’avez dit, madame la présidente – vice-président de la commission de l’économie et de l’énergie. Nombre de nos collègues auraient aimé venir avec nous à Paris.

La commission de l’économie et de l’énergie est aujourd’hui la plus grande du Bundestag. Depuis le début de la législature, c’est le ministère de l’économie qui est responsable de la politique énergétique. Celle-ci relevait auparavant de plusieurs ministères, ce qui nous a souvent conduit dans des impasses et a provoqué des frictions, d’où cette décision. Elle a attiré de nombreux députés dans notre commission, dont le débat sur la politique énergétique est l’une des priorités.

Vous savez que nous avons décidé d’une part d’abandonner l’énergie nucléaire – la dernière centrale devrait être déconnectée du réseau en 2022 ; à ce jour, 15 % de notre production d’électricité vient des centrales nucléaires –, d’autre part de parvenir à une économie décarbonée. Le projet est ambitieux, nous en sommes conscients, mais il fait l’objet d’un très large consensus des partis politiques.

Toutefois, le processus n’est pas achevé. Au cours de cette législature, nous avons notamment entrepris de réformer la loi sur les énergies renouvelables. Il s’agissait surtout de freiner l’augmentation des coûts afin de rapprocher les énergies renouvelables du marché et des réseaux.

En outre, nous travaillons actuellement à la conception des marchés de l’électricité afin de déterminer le parc de centrales dont nous aurons besoin et la manière de l’adapter aux énergies renouvelables. Nous voulons alimenter ces centrales en énergies renouvelables, mais, pour l’instant, la quantité d’électricité produite ne suffit pas. Nous nous interrogeons sur le rôle de la cogénération, qui est débattu au Bundestag : la production combinée d’électricité et de chaleur devrait représenter à l’avenir 25 % de notre approvisionnement énergétique, mais, pour cela, nous avons besoin de développer le secteur et de définir des règles.

Nous avons organisé lundi une audition sur la responsabilité du traitement des déchets radioactifs issus des centrales nucléaires. Comment gérer ces résidus ? Comment provisionner des réserves dans cette perspective ?

Nous travaillons aussi sur des projets d’extension des réseaux de transport. Comme vous le savez certainement, notre production d’électricité dans le Nord de notre pays est excédentaire mais nous n’arrivons pas à l’acheminer assez efficacement là où l’on en a le plus besoin. Nous nous efforçons de remédier à ce problème tout en essayant de faire accepter à la population l’idée d’être environnée de câbles et de lignes.

Plusieurs projets en cours visent enfin à améliorer l’efficacité et le rendement énergétiques, notamment dans le parc immobilier et les transports.

Le gouvernement fédéral nous a transmis la semaine dernière son rapport sur l’efficacité énergétique. Ce document, publié chaque année, permet de faire le point sur l’avancement de la transition énergétique. Il s’agit de comparer les résultats déjà obtenus aux objectifs que nous nous sommes fixés, notamment l’économie d’émissions de CO2 de 40 % d’ici à 2020. On constate ainsi qu’à cet égard, nous avons déjà beaucoup progressé s’agissant de la production d’électricité, mais qu’il nous reste beaucoup à faire dans les domaines des transports et des bâtiments.

Enfin, nous en revenons toujours à l’union énergétique et à la politique énergétique de l’Union européenne. La transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique supposent que les pays membres agissent de concert. Nous savons bien sûr que les points de vue varient considérablement d’un État membre à l’autre, ce qui rend d’autant plus importants nos échanges sur le sujet.

Mme la présidente Frédérique Massat. Merci, monsieur le président. Nous en venons aux questions des porte-parole des groupes au sein de notre commission.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Chers collègues allemands, au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, je vous remercie à mon tour d’être venus malgré le difficile contexte que nous connaissons. Cette rencontre entre nous est la troisième ; elle est particulièrement importante quelques jours avant la COP21, conférence internationale dont nous attendons tous beaucoup.

Il y a quelques semaines, nous auditionnions M. Maroš Šefčovič, vice-président de la Commission européenne en charge de l’énergie et du climat, à propos de l’union de l’énergie, qui doit permettre aux citoyens et aux entreprises de disposer d’une énergie sûre, durable, respectueuse du climat, compétitive et abordable, dans tous les pays de l’Union européenne. Ce défi stratégique est difficile à relever dès lors que les politiques énergétiques des différents États sont disparates. Comme le soulignait M. Šefčovič, une intégration plus forte est donc essentielle pour que l’Union européenne parle d’une seule voix sur la scène internationale. Mais se posent alors les questions majeures du degré de souveraineté énergétique dont dispose chaque pays et des choix énergétiques européens. Pour parvenir à une union de l’énergie, il faut donc mobiliser chacun autour d’une vision commune. Quel est votre point de vue sur ce sujet ?

S’agissant du coût de l’énergie pour nos entreprises électro-intensives, dont la compétitivité internationale est aujourd’hui en jeu, pouvez-vous nous rappeler la teneur de votre politique ? Les définitions française et européenne des activités électro-intensives méritent-elles selon vous d’être révisées ?

Quels dispositifs avez-vous instaurés concernant l’effacement industriel ainsi que l’effacement diffus, qui touche davantage les particuliers et sur lequel notre commission travaille en ce moment ?

En ce qui concerne la mise en concurrence des barrages hydroélectriques, quel est votre point de vue sur la position récemment prise à notre égard par la Commission européenne et sur l’application de l’annexe II à la directive Concessions, qui devrait selon nous permettre à la France de mettre en œuvre sa politique énergétique en la matière, mais qui n’est pas reconnue par la Commission ? Cette question est très importante pour notre pays : l’hydroélectricité est l’un des piliers de la transition énergétique et les barrages constituent des ouvrages patrimoniaux auxquels les Français sont très attachés.

M. Éric Straumann. Le groupe Les Républicains se réjouit lui aussi d’accueillir la délégation allemande en cette période très difficile pour notre pays, où les esprits, préoccupés par des événements plus graves, se tournent moins volontiers vers la transition énergétique.

En Alsace, où je suis élu, nous sommes très attentifs à ce qui se passe de l’autre côté de la frontière, et très sensibles à tous les efforts qui y ont été consentis, notamment s’agissant du photovoltaïque : en la matière, l’Allemagne est pour nous un véritable exemple.

A-t-on une idée du montant de l’argent public qui a été investi dans la transition énergétique au cours des dernières années, ce qui permettrait de comparer la France et l’Allemagne à cet égard ?

Le changement climatique – dont nous sommes chaque jour témoins, au point que je me demande s’il fait encore vraiment débat – nous conduit à soulever le problème des émissions de CO2. En Allemagne, 57 % de la production d’énergie est d’origine thermique et le pays produit 9,8 tonnes de CO2 par habitant, contre 4,8 environ en France. Comment l’Allemagne pense-t-elle atteindre le niveau français ? Lors des épisodes de pollution en région parisienne, on entend d’ailleurs dire que ce sont les vents de la Ruhr qui nous amènent des particules. On voit là les effets d’une production d’énergie largement fondée sur le charbon, qui ne coûte pas cher mais pose des problèmes environnementaux.

Enfin, c’est dans mon département que se situe la centrale nucléaire de Fessenheim, devenue un marqueur politique en France – parfois pour des raisons purement électorales : à la veille de chaque scrutin, on promet de fermer cette centrale, qui fonctionne et qui bénéficie d’une autorisation décennale de l’Autorité de sûreté nucléaire. Or 15 % de la production de cette centrale est destinée au marché allemand. Selon un rapport parlementaire, si la centrale fermait, l’opérateur aurait droit à une indemnité de 5 milliards d’euros environ puisqu’il réalise un chiffre d’affaires de 500 millions par an. Du point de vue juridique, les opérateurs allemands peuvent-ils réclamer leur part d’indemnités, puisque la fermeture serait le fait du prince et s’expliquerait par des raisons non techniques, mais politiques ?

Mme Jeanine Dubié. Au nom du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, je vous souhaite la bienvenue dans notre Assemblée. Nous apprécions particulièrement que vous ayez souhaité maintenir votre visite malgré les événements dramatiques que nous avons vécus. Je remercie M. Barthel de sa présentation éclairante.

L’Allemagne est souvent citée en exemple pour son désormais fameux « tournant énergétique », dont la décision la plus emblématique, la sortie du nucléaire à l’horizon 2022, semble avoir joué le rôle de catalyseur politique. L’objectif principal est la réduction de 80 à 95 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Quelle est l’évolution de la politique énergétique allemande au regard des objectifs fixés ? Puisque vous incarnez différentes sensibilités politiques, pouvez-vous nous dire si cette évolution est approuvée par tous les partis ou si elle suscite des appréciations divergentes – et, si oui, lesquelles ?

Quel premier bilan d’étape peut-on dresser ? Quels sont les principaux défis que vous allez devoir relever ?

Nous venons de définir notre propre stratégie bas-carbone en définissant par décret des plafonds d’émissions de gaz à effet de serre pour les périodes 2015-2018, 2019-2023 et 2024-2028. Quel est votre point de vue sur nos choix en matière de politique énergétique ?

Dans le cadre de la transition énergétique, l’Allemagne s’est également donné pour objectif de satisfaire 30 % de sa consommation d’énergie finale à partir des énergies renouvelables en 2030. Mais le développement de ces énergies intermittentes confronte votre pays à d’importantes difficultés, qui touchent à l’équilibre entre production et consommation, et l’oblige à consentir de nombreux investissements pour déployer des réseaux intelligents ou de nouveaux moyens de stockage. L’Agence internationale des énergies renouvelables a estimé à 15,7 milliards de dollars par an environ le coût des investissements nécessaires pour que l’Allemagne atteigne ses objectifs en 2030.

La taxe EEG (du nom de la loi sur les énergies renouvelables, Erneuerbare-Energien-Gesetz), destinée à soutenir le développement des énergies renouvelables, s’élevait à 62,40 euros par mégawattheure en 2014, contre 16,50 euros en 2014 et 19,50 euros en 2015 pour son équivalent français, la CSPE (contribution au service public de l’électricité). Au total, en 2014, un ménage allemand payait son électricité près de 90 % plus cher qu’un ménage français. Comment les citoyens allemands vivent-ils cet écart de prix ? Un tel niveau de taxation est-il économiquement tenable ? Êtes-vous satisfaits de la réforme de la taxe EEG à laquelle vous avez procédé en 2014 afin de ralentir sa forte croissance ?

M. André Chassaigne. Je m’exprime au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

En matière de transition énergétique, l’Allemagne fait figure tantôt de modèle, tantôt d’épouvantail, tant le regard que l’on porte sur ses choix est hypothéqué par des préconceptions idéologiques. Il est d’autant plus important de soulever à ce sujet les questions de fond, comme l’ont fait les intervenants qui m’ont précédé.

Le principal enjeu est, me semble-t-il, la compatibilité entre la sortie du nucléaire, dont la date est déjà fixée, et la sortie du charbon. Pendant de longues années, en particulier de 1990 à 2005, les émissions de gaz carbonique ont très fortement baissé – essentiellement grâce à la mise aux normes des industries très polluantes de mes camarades de RDA ! Mais les émissions de gaz à effet de serre sont quasiment stabilisées depuis 2005, voire en légère hausse ces dernières années. N’y a-t-il donc pas une forme d’incompatibilité entre ces deux objectifs ?

La solution à ce problème ne pourrait-elle venir notamment de la recherche scientifique sur la capture et le stockage du gaz carbonique, et de ses applications ?

Par ailleurs, l’augmentation considérable des prix à la consommation – qui, sauf erreur, ont quasiment doublé depuis 2000 – pose inévitablement le problème de la précarité énergétique. L’électricité domestique est extrêmement chère, beaucoup plus que l’électricité à usage industriel, en particulier du fait des aides accordées à la grande industrie pour des raisons de compétitivité.

En ce qui concerne les énergies renouvelables, il faut saluer les créations d’emplois qu’elles ont permises – 400 000 si ma mémoire est bonne – et qui montrent que vous, Allemands, avez fait de leur essor un levier du développement industriel. Il semble, en revanche, que les sommes que vous avez versées, entre le revenu de la vente du kilowattheure électrique produit par les énergies renouvelables et les montants payés aux fournisseurs, soient considérables et que vous deviez amorcer une décrue. Mais, en aidant moins le photovoltaïque et l’éolien, ne risquez-vous pas de freiner le développement de ces énergies, à rebours des objectifs que vous vous êtes assignés ?

J’aimerais enfin revenir sur une question très importante, mais rarement approfondie : l’extension du réseau, qui crée indiscutablement un blocage. J’ai lu qu’il faudrait construire 1 877 kilomètres de réseau en dix ans pour satisfaire les besoins d’acheminement et de répartition de l’énergie, en particulier celle qui est produite par les éoliennes marines de grande puissance situées au Nord de l’Allemagne. Le réseau doit également être densifié. On chiffre le coût de l’extension à 60 milliards d’euros en dix ans. La part réalisée est très loin de l’objectif, avec 94 kilomètres seulement en 2013. Où en êtes-vous, et à quels moyens avez-vous recours pour aller plus loin ? Il semble que vous ayez pris, au niveau réglementaire, des décisions tendant à limiter les délais administratifs, mais les blocages sont aussi, sur le terrain, d’ordre environnemental.

M. Denis Baupin. Je m’exprimerai pour ma part au nom du groupe Écologiste.

Vous n’êtes sans doute pas surpris de constater combien l’exemple allemand en matière de transition énergétique fait aujourd’hui débat en France. Je salue à mon tour le leadership de l’Allemagne s’agissant du développement des énergies renouvelables. Celui-ci a un coût, mais il permet aussi de réaliser des économies : lesquelles ? En outre, l’absence de transition énergétique a elle aussi un coût. Ainsi, la France, empêtrée dans un nucléaire vieillissant, est appelée à dépenser beaucoup pour renflouer Areva en faillite, pour financer le grand carénage des centrales vétustes et des projets de centrales dites de troisième génération qui ne fonctionnent pas. Quelle est votre analyse comparative des coûts respectifs de la transition et de la non-transition énergétique ?

Puisque Fessenheim a été évoquée, je ne peux que vous interroger à ce sujet : souhaitez-vous que l’Allemagne soit associée à la décision de fermeture ? Car si 15 % de l’électricité produite par la centrale vous est destinée, vu les vents dominants, en cas d’accident nucléaire c’est 90 % de la radioactivité qui affecterait votre territoire, d’autant que Fessenheim est construite sur la nappe phréatique la plus importante d’Europe. Du point de vue d’un pays qui a eu l’initiative de la sortie du nucléaire, ne faudrait-il pas traiter au niveau supranational pareilles décisions, puisque leurs conséquences ne s’arrêtent pas aux frontières – comme on l’a vu au moment de Tchernobyl ?

Vous avez fait allusion aux charges futures résultant du nucléaire – déchets, démantèlement. Ces questions sont en cours de discussion en Allemagne, notamment les provisions destinées à garantir que les exploitants assument comme il se doit les coûts engendrés par les installations. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la manière dont vous sécurisez ces financements ? Cela nous intéresse, car vous êtes en avance sur nous. Même si nous sortons ultérieurement du nucléaire, nous devrons gérer les déchets à très long terme. J’ai cru comprendre que cette situation vous posait même des problèmes de constitutionnalité. Qu’en est-il ?

Comme l’a dit M. André Chassaigne, la sortie du charbon est une question essentielle. Vous avez récemment décidé de fermer les centrales à charbon les plus anciennes, ou en tout cas les plus polluantes, moyennant des mécanismes d’indemnisation des exploitants. Pouvez-vous nous éclairer sur ce dispositif, sur le rythme de fermeture prévu, et, plus généralement, sur la stratégie de votre gouvernement en la matière ?

S’agissant enfin de la maîtrise de l’énergie dans le domaine des transports, nous avons créé, à la suite du scandale Volkswagen – qui, à mon sens, n’est pas spécifiquement allemand mais concerne sans doute tous les constructeurs –, une mission parlementaire d’information sur l’avenir de la filière automobile, dont Mme Delphine Batho est la rapporteure. Dans ce cadre, nous avons auditionné hier M. Louis Schweitzer, ancien président de Renault ; à l’entendre, l’existence en Allemagne de 1 000 kilomètres d’autoroute sans limitation de vitesse aurait une influence déterminante sur la puissance des véhicules produits sur le continent, voire dans le monde. Quelques jours avant la COP21, alors que la filière automobile pose bien des problèmes et qu’il nous faut faire preuve d’efficacité énergétique dans ce secteur, ne serait-il pas temps d’adopter une limitation de vitesse qui n’a rien de liberticide et s’applique partout ailleurs en Europe ?

M. Klaus Barthel. Nous pourrions passer une semaine à répondre à toutes ces questions ! Mais nous allons tenter de le faire au moins en partie, en nous exprimant les uns après les autres. Vous verrez que, si nous sommes d’accord sur le fond, il existe des différences politiques entre nous concernant la mise en œuvre du tournant énergétique.

M. Bernd Westphal, membre du groupe parlementaire SPD. Merci beaucoup de me permettre de prendre part à ce débat essentiel. Je suis très heureux de ce dialogue approfondi avec nos collègues français, auxquels nous unissent des liens d’amitié d’ordre politique, mais aussi personnel.

La visée de notre politique énergétique est triple : l’énergie doit être sûre, propre et abordable. Ce qui suppose que nous déterminions nos objectifs, puis que nous commencions de les mettre en œuvre.

Dans le monde, on s’intéresse beaucoup à ce qui se fait en Allemagne ; des délégations étrangères viennent nous poser des questions à ce sujet. On nous demande s’il n’est pas dangereux de sortir du nucléaire pour un pays très industrialisé comme le nôtre et compte tenu de nos objectifs très ambitieux en matière de réduction des émissions de CO2. On nous interroge aussi sur le rôle des énergies renouvelables.

À nos yeux, pour les générations futures, il est important que la production énergétique ne dépende ni du nucléaire, ni des énergies fossiles. Notre décision d’abandonner l’énergie nucléaire d’ici à 2022 est irréversible. Elle a suscité un très large consensus au sein des partis politiques représentés au Bundestag.

Vous nous interrogez sur le charbon. Il est vrai que nous avons encore besoin jusqu’en 2040 ou 2050 d’un système permettant d’assurer la transition vers une énergie entièrement renouvelable. Nous continuons donc d’utiliser le charbon et le gaz.

Le problème est que notre industrie paie très cher son électricité : le prix du kilowattheure est de 15 centimes d’euro pour les clients industriels, contre 10 centimes seulement en France, et de 34 centimes pour les ménages, contre 20 centimes chez vous. C’est un problème pour la compétitivité allemande et pour les investissements. Ainsi, les investissements dans l’industrie chimique s’orientent vers l’Amérique du Nord où l’on exploite facilement le gaz de schiste.

Quant aux coûts environnementaux, nous ne savons pas encore combien coûtera le retraitement des déchets nucléaires, et cela posera un problème tant que cet élément ne sera pas chiffré ni intégré dans nos calculs. L’on ne tient pas compte de cet aspect quand on dit que l’énergie nucléaire est propre. De même, le charbon est une énergie bon marché, la moins chère sur le marché international, mais n’oublions pas le coût réel des émissions de CO2. Le marché des émissions en Europe ne fonctionne pas vraiment ; on autorise trop facilement ses acteurs à adapter les règles.

Nous espérons vraiment que la COP21, qui débute la semaine prochaine à Paris, permettra d’envoyer un signal en ce sens et facilitera l’adoption d’objectifs globaux et contraignants. Il serait très problématique pour les pays européens, notamment pour leur compétitivité, que la Chine ou les États-Unis n’adhèrent pas aux objectifs de protection du climat.

Quant à l’influence des vents de la Ruhr sur la pollution à Paris, tout dépend du sens du vent ! Sérieusement, je vous conseille de visiter la Ruhr : vous verrez que la région a bien changé depuis quarante ans, depuis l’époque où l’air y était pollué par le charbon et le gaz. Évidemment, nous avons encore beaucoup à faire, et nous devrons adopter des technologies innovantes pour réduire les émissions. Mais cela ne peut pas être la production industrielle dans la Ruhr qui explique la pollution à Paris. Vous êtes sûr que ce n’est pas plutôt Volkswagen ? (Sourires.)

M. Andreas Lämmel, membre du groupe parlementaire CDU-CSU. Je me réjouis moi aussi d’être parmi vous aujourd’hui.

En ce qui concerne les industries qui consomment beaucoup d’énergie, nous sommes confrontés à un véritable problème. Nous sommes plutôt fiers que la chaîne de valeur ajoutée, des matières premières à l’industrie manufacturière, soit restée en Allemagne. Voilà pourquoi nous avons adopté une loi qui exonère ces industries électro-intensives de la taxe EEG pour les énergies renouvelables. Bruxelles a validé cette dérogation, mais le débat s’est quelque peu déplacé : on nous demande aujourd’hui si cette exemption ne constitue pas une subvention. Nous sommes préoccupés par cette interprétation.

Ensuite, notre système de rémunération de l’injection dans le réseau est aujourd’hui le plus cher au monde. Si les électro-intensifs sont moins taxés, ce sont les petites et moyennes entreprises et les artisans qui devront payer plus pour compenser cette perte de recettes. En d’autres termes, nous nous contenterons de transférer la charge fiscale, ce qui inquiète beaucoup d’entreprises, notamment les PME.

Mais nous allons nous battre pour résoudre ce problème, car nous tenons à ce que les industries électro-intensives restent en Allemagne.

Quant à la production d’électricité à partir du charbon, la question suscite de vifs débats, mais, en réalité, le fait que l’on débranche cinq centrales à charbon en Allemagne n'aura guère de conséquences au niveau mondial : même si nous réduisons de 30 % nos émissions de CO2, cela représentera moins de 0,5 % à l’échelle du monde.

Tout cela est payé par les consommateurs. Or, quatre lois déjà présentées vont rendre la transition énergétique encore plus coûteuse. Premièrement, la loi sur l’accélération du développement des réseaux : comme les lignes électriques ne peuvent plus être aériennes en Allemagne, nous allons devoir les enfouir, ce qui coûte quatre à huit fois plus cher. Deuxièmement, la loi sur la cogénération : pour développer ce secteur, il faudra le subventionner, car il ne peut pas encore être rentable. Troisièmement, l’informatisation des réseaux électriques, qui sera elle aussi financée par les consommateurs. Enfin, la fermeture de plusieurs centrales à charbon.

J’en viens à l’indemnisation des exploitants de centrales nucléaires. Nous avons réglé par la voie contractuelle l’arrêt de ces centrales ; aux termes du contrat qui les lie à la République fédérale, les exploitants n’ont pas droit à une indemnisation. Toutefois, en réaction à la politique que nous avons menée après Fukushima, un exploitant a porté plainte contre la République fédérale, à laquelle il demande quelque quatre milliards d’euros pour perte de recettes. Pour l’instant, aucune décision n’a été rendue ; l’affaire n’a même pas encore été vraiment traitée par le tribunal.

Enfin, je ne me prononcerai pas en faveur d’une limitation de vitesse sur les autoroutes allemandes et j’estime d’ailleurs actuellement impossible de dégager une majorité pour cela.

M. Klaus Barthel. De toute façon, la limitation de vitesse se fait spontanément, tant il y a de monde sur les routes !

Mme Herlind Gundelach, membre du groupe parlementaire CDU-CSU. Je tiens moi aussi à vous remercier de nous avoir invités. C’est très volontiers que nous sommes venus, surtout dans les circonstances présentes.

L’union de l’énergie est un projet récent : il ne date que de 2014. La Commission européenne n’est pas seule compétente en matière énergétique : le mix énergétique reste déterminé par chaque pays pris individuellement. C’est l’un des problèmes que pose la définition d’une politique énergétique au niveau de l’Union européenne.

L’Allemagne, quant à elle, a décidé très tôt d’abandonner l’énergie nucléaire et cette décision a été accueillie très favorablement par l’ensemble de la population. Reste le problème des coûts de la transition énergétique : il ne faudrait pas remettre en cause l’acceptation de cette politique par la population. Car nous allons devoir investir encore beaucoup.

En Allemagne, l’approvisionnement en énergie dépend surtout du privé. Les gros exploitants d’autrefois ont cédé la place à de nombreuses coopératives ou à des particuliers qui produisent de l’électricité et bénéficient à ce titre de subventions. En France, en revanche, l’approvisionnement énergétique est essentiellement aux mains des pouvoirs publics. Dès lors, la manière de procéder à l’avenir ne saurait être la même.

Je le répète, nous avons pris la décision de sortir du nucléaire ; reste à savoir si les entreprises qui produisaient de l’énergie nucléaire vont être capables de démanteler leurs centrales et si elles ont suffisamment provisionné.

Qui est responsable du traitement et du stockage des déchets ? Cette question fait encore débat. Pour nous, cette responsabilité appartient aux exploitants, mais aussi à la société : elle est globale, puisque nous avons décidé dans les années soixante de miser sur l’énergie nucléaire. En outre, nous ne pouvons pas encore chiffrer le coût des opérations de retraitement et de stockage : il est exact que nous avons pris des décisions sans en maîtriser totalement les conséquences financières. Les coûts devraient donc être partagés entre les exploitants et la société – c’est-à-dire, bien sûr, les contribuables.

M. Klaus Ernst, membre du groupe parlementaire Die Linke. La question du retraitement et du stockage définitif des déchets montre que l’énergie nucléaire n’est pas particulièrement bon marché, puisqu’on ne peut même pas en chiffrer le coût final, du moins pas avant d’avoir chiffré le coût de ce retraitement et de ce stockage.

Vous nous avez demandé combien coûte la transition énergétique et qui paie. Tous les partis politiques allemands, y compris Die Linke, assument la sortie de l’énergie nucléaire. Nous avons conclu un accord avec les entreprises productrices d’électricité pour sortir du nucléaire. À vrai dire, cette sortie de l’énergie nucléaire fut suivie d’une sortie de cette sortie puis, à la suite de l’accident de Fukushima, de la vraie sortie définitive. Pour moi, cette décision était nécessaire et cela fonctionne parfaitement. Depuis que les centrales nucléaires ne sont plus connectées au réseau, nous n’avons eu à souffrir à aucun moment du moindre manque d’électricité. Nous en sommes même exportateurs.

Certes, la part d’électricité issue du nucléaire est plus importante en France. Mais la sortie du nucléaire est faisable, à partir du moment où il y a une volonté politique. Si elle est là, ça marche !

Qui va payer ? Pour l’instant, nos grandes entreprises industrielles bénéficient d’exemption de taxes, pour pouvoir rester compétitives à l’échelle internationale. Les membres du groupe parlementaire Die Linke ne rejettent pas le principe d’une compensation des coûts, mais certains semblent s’être engouffrés dans la brèche et profiter de ces règles dérogatoires, alors qu’elles ne sont pas nécessaires pour eux. C’est pour cette raison, et pour cette raison seulement, que nous avons marqué notre désaccord au Parlement lorsqu’y furent adoptées les exemptions. Car, en définitive, c’est alors le citoyen et consommateur final qui paie la transition énergétique.

Tout le monde peut-il se le permettre ? Avec la hausse du prix de l’électricité, certains ménages n’ont pas pu payer leurs factures et l’électricité leur a été coupée. Franchement, cela ne devrait plus exister à notre époque en Europe. En outre, ce sont précisément ceux qui ont les moyens les plus modestes qui achètent les appareils consommant le plus d’électricité, car ils n’ont pas les moyens d’acquérir les appareils les plus modernes et les moins gourmands en électricité. Nous devrions, je pense, leur apporter des aides.

J’en viens au dédommagement réclamé par les entreprises. C’est l’entreprise Vattenfall qui intente un procès à la République fédérale d’Allemagne devant un tribunal d’arbitrage international. Elle lui réclame 4,7 milliards d’euros ! Encore cette procédure arbitrale se déroule-t-elle, comme telle, en secret. Il m’a fallu me rendre à la cellule spécialisée du Bundestag pour obtenir cette information confidentielle.

M. le président Klaus Barthel. Vous feriez mieux alors de ne pas la livrer !

M. Klaus Ernst, membre du groupe parlementaire La Gauche. Si, si, car elle a échappé depuis lors à notre ministre de l’économie, au cours de l’une de ses déclarations ! Cela devrait nous faire dresser l’oreille quand nous entendons parler des négociations autour du partenariat transatlantique ou de l’accord commercial avec le Canada. C’est un énorme problème que des députés nationaux puissent prendre une décision politique et que nos concitoyens doivent payer à cause de cela, sans recours possible car il n’existe pas de deuxième instance. Cela pose un problème, notamment dans le cadre de notre politique de l’énergie.

M. le président Klaus Barthel. Les estimations varient, mais il semble que la politique nucléaire a coûté jusqu’à présent entre 200 et 250 milliards d’euros à l’Allemagne. Ce montant paraît déconnecté de la réalité du marché et des coûts. Il s’agissait bien d’un choix politique.

Les coûts de retraitement et de stockage des déchets nucléaires seront supportés à hauteur de 38 milliards d’euros par les entreprises, bien que nous ne sachions pas ce qu’il adviendra du contribuable si les sommes ne sont pas disponibles ou qu’elles ne couvrent pas l’ensemble des coûts. Le financement n’est donc pas encore assuré.

Chaque année, les entreprises productrices d’énergies renouvelables reçoivent 24 milliards d’euros provenant de la taxe EEG. Les consommateurs financent ce dispositif par un surcoût de 6,3 centimes d’euro par kilowattheure. Encore est-ce seulement un quart des recettes qui est versé au titre de l’alimentation du réseau. Le reste compense la différence entre le coût de production et le prix du marché. Ainsi, moins le courant est cher, plus la taxe augmente.

Cela dit, nous avons tout de même un peu freiné ce mouvement. Le niveau de la taxe a baissé en 2014. Certes, elle a augmenté de 3,1 % en 2015, mais cette hausse ne devrait pas se poursuivre. Le problème que nous rencontrons aujourd’hui est que les entreprises d’électricité n’ont pas répercuté la baisse du prix de l’électricité.

Nous nous sommes fixé pour objectif de tirer 35 % de notre électricité des énergies renouvelables d’ici à 2020. Aujourd’hui, cette part s’établit déjà à 33 % ; nous le devons à la taxe EEG. Nous nous épargnons de cette manière l’émission de plusieurs centaines de millions de tonnes de carbone, ainsi que l’importation d’énergies fossiles pour un montant avoisinant les dix milliards d’euros.

Au cours des quinze dernières années, les coûts de production des énergies renouvelables ont d’ores et déjà massivement baissé, d’un cinquième pour l’énergie photovoltaïque, et plus encore pour l’énergie éolienne. Nos économies seront supérieures à celles réalisées à la centrale de Hinkley Point au Royaume-Uni, qui bénéficie d’une exemption de la Commission européenne.

Il est normal que des tensions existent entre les stratégies nationales et un plan européen de l’énergie. Nous avons cependant peu apprécié que la Commission européenne s’invite dans notre débat sur la transition énergétique. Nous-mêmes n’entendons pas prescrire la transition énergétique, ni l’imposer à qui que ce soit. La meilleure solution est de réfléchir ensemble au chemin que nous pouvons emprunter en commun.

Une étude de Prognos estime qu’un accord entre seulement quinze États membres de l’Union européenne suffirait à faire économiser une capacité de production égale à 50 gigawatts. Pour cela, nous devons trouver une voie commune pour arriver à un marché commun de l’électricité, qui soit unifié sur le plan technique et non seulement libéralisé sur le plan juridique. Comme l’a montré le comité d’experts du Bundestag à l’occasion de son examen du quatrième rapport de suivi du gouvernement, la productivité s’est substantiellement améliorée dans le secteur de l’énergie depuis 2008, alors qu’elle baissait dans les pays voisins dans la même période. Ces données économiques prouvent que nous sommes dans le vrai.

M. Hervé Pellois. Je crois qu’il est particulièrement utile que nous tenions cette rencontre au moment où la COP21 approche. Je pense également que nous pouvons profiter de votre expérience en matière de transition énergétique.

Vous nous avez parlé du démantèlement des centrales nucléaires. Y en a-t-il une pour laquelle il a été complètement mené à bien en Allemagne ? Car nous nous posons au sujet du coût les mêmes questions que vous. Qu’en est-il du stockage des déchets ? Je crois que certains seraient partis d’Allemagne en France pour revenir ensuite. Comment réussissez-vous à trouver des lieux de stockage ?

J’en viens à la production de chaleur et à la consommation énergétique dans les transports. Si les énergies renouvelables ont rapidement permis de produire de l’électricité, il est plus difficile d’y avoir recours dans les transports et vous n’avez pas atteint vos objectifs en matière de véhicules électriques. De même, qu’en est-il du chauffage urbain de ce point de vue ? Quelles mesures prenez-vous pour rendre les bâtiments plus économes en énergie ?

Mme Laure de la Raudière. Je voudrais évoquer avec vous le déploiement des compteurs électriques intelligents par notre entreprise nationale ERDF. La généralisation de cet outil va en effet commencer en France. Il s’agit d’un enjeu de souveraineté électrique et numérique dans le secteur de l’énergie. Car il ne faut pas exclure que des intermédiaires américains puissent intervenir entre les fournisseurs d’énergie et les maisons intelligentes pour capter les données de ces dernières.

Y a-t-il en Allemagne une politique qui concerne les compteurs intelligents et les réseaux intelligents (smart grids) ? Ne pensez-vous pas que nous avons intérêt à bâtir ensemble une norme européenne ?

Mme Michèle Bonneton. L’Europe de l’énergie pourrait être une prochaine étape dans la construction européenne. Comment pensez-vous qu’il soit possible de mettre en commun les efforts de recherche et d’innovation, ainsi que les réalisations technologiques et les équipements en Europe ?

Au sujet de la participation des citoyens au débat sur les énergies renouvelables, je crois que vous disposez d’une expérience tirée d’une longue pratique. Comment les citoyens interviennent-ils dans le financement de ces énergies ? Quelle forme d’organisation sert de cadre de ce débat ? S’agissant de l’acceptabilité de l’énergie éolienne, nous confirmez-vous qu’un tourisme des éoliennes off-shore s’est développé dans le nord de l’Allemagne ?

S’agissant des émissions de carbone, vous vous êtes engagés à en réduire le volume de 50 % d’ici à 2020. Mais quelle est la période de référence exacte ? Quelles mesures prenez-vous pour atteindre cet objectif dans les transports et dans le bâtiment ? En tout état de cause, je salue le chemin novateur, et non dénué de risques, que l’Allemagne emprunte dans le secteur de l’énergie.

Mme Marie-Hélène Fabre. Le conflit géopolitique à l’Est a révélé la dépendance énergétique de l’Europe, en l’occurrence vis-à-vis du gaz russe. La COP21 devrait permettre de définir un cadre pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les prochaines décennies. En ce domaine, l’Union européenne veut montrer la voie pour mieux exporter son modèle de production d’énergie verte.

Que penseriez-vous de la mise en place d’une plateforme parlementaire européenne qui permettrait aux parlementaires nationaux de s’impliquer davantage dans la définition d’une politique européenne de l’énergie ? Envisageriez-vous également une planification conjointe des investissements européens, incluant une évaluation des impacts transfrontaliers ? Quel est, enfin, votre sentiment sur un marché électrique européen qui pourrait s’appuyer sur des contrats de long terme favorisant l’émergence de nouvelles capacités d’énergie renouvelable, en stockage ou en équilibrage des réseaux ?

M. Alain Suguenot. Pouvez-vous continuer à garantir un prix d’achat au producteur d’énergie renouvelable, alors que la compensation croît quand le prix de l’énergie baisse ? Cela pose un problème social dans la mesure où les foyers pauvres financent cette compensation autant, c’est-à-dire plus, que les foyers aisés.

D’autres questions se posent. L’on s’inquiète de l’avenir des centrales à gaz, notamment de la centrale à gaz d’Ingolstadt, détenue par le groupe E.ON, qui ne fonctionne qu’à 20 % de ses capacités. Quelle est par ailleurs l’acceptabilité des lignes à haute tension qui doivent relier, sur des milliers de kilomètres, les éoliennes maritimes aux consommateurs du Centre et du Sud de l’Allemagne ? J’ai entendu que 150 000 plaintes seraient en cours d’examen.

M. Jean Grellier. Je souhaiterais vous interroger sur la méthanisation agricole comme source d’énergie renouvelable en Allemagne. Votre pays jouit d’une avance certaine en ce domaine, tant par le nombre de ses méthaniseurs et par l’énergie produite que par le développement de capacités industrielles adaptées.

Par ailleurs, vous avez fait le choix de réserver certaines surfaces à cet usage, alors que la France, qui vient seulement de s’engager dans cette démarche de développement de la méthanisation, mise plutôt sur les effluents d’élevage et ne retient l’apport des surfaces agricoles que pour les cultures dites intermédiaires. Pouvez-vous nous préciser les grandes lignes de votre politique de développement de la méthanisation comme source d’énergie renouvelable et le choix que vous avez fait entre l’injection de gaz dans les réseaux et la cogénération de production d’électricité et de chaleur ?

Enfin, quelles seraient selon vous les conditions d’une véritable politique de l’énergie au niveau européen, en termes de coopération, de complémentarité et d’harmonisation des différents systèmes existants ?

M. Lionel Tardy. En 2009, vous avez annoncé un objectif d’un million de véhicules électriques en 2020. Aucun objectif de ce genre n’est fixé en France. En tout état de cause, il faut que soient déployées des bornes de rechargement. Est-ce pour vous une priorité, contrairement à ce qui se passe en France ?

Lors des débats sur le projet de loi relatif à la transition énergétique, vous avez souvent été cités en modèle. Considérez-vous vraiment que vous en soyez un ?

M. Andreas Lämmel. Nous ne saurons que dans trente ans si nous étions un modèle. Il était initialement question d’atteindre nos objectifs en trois ans, mais cet espoir fut vite abandonné. Il faut donc désormais attendre de voir. Et si nous ne rencontrons pas le succès escompté, eh bien, ce ne sera pas de chance !

Nous connaissons en ce moment une situation critique, parce que toutes les lois que nous adoptons nous coûtent en subventions. Quand l’État se fait fort d’intervenir dans l’économie et prétend faire mieux que le marché, cela a un coût. Il est estimé à 30 milliards d’euros par an en 2017. Cela veut dire moins de pouvoir d’achat pour les consommateurs et une moindre compétitivité pour notre industrie. Il faut donc que l’économie nationale puisse financer tous ces efforts.

Oui, je crois que la taxe EEG et les primes à la production qu’elle finance n’ont plus de raison d’être et doivent disparaître. Certes, à l’occasion de la révision de la loi EEG, nous avons déjà limité son montant. Mais il n’est pas étonnant que nous ayons eu peu d’imitateurs. L’énergie photovoltaïque est l’une des plus inefficientes qui soit. En Allemagne, les installations photovoltaïques ne peuvent tourner que huit cents heures par an. C’est un gâchis sans exemple, résultat du soutien énorme apporté à leur construction au début des années 1990.

J’en viens à la production de chaleur. Les centrales de cogénération, qui produisent à la fois de l’électricité et de la chaleur, sont très efficaces dans les villes. Mais la baisse du prix de l’électricité sur les marchés boursiers nous oblige à verser des subventions pour que les centrales existantes puissent continuer à fonctionner. Il n’en est plus construit de nouvelles. Même les installations industrielles ne sont plus rentables.

S’agissant de l’efficacité énergétique des bâtiments, nous en parlons comme d’un géant endormi. Au moment où nous devons régler le problème des réfugiés, nous arrivons à un point où la construction est devenue si chère et si complexe du point de vue des autorisations qu’il n’est plus possible de construire un grand nombre de logements en peu de temps. Même dans le secteur coopératif, le surcoût de la construction s’établit à 8,5 euros du mètre carré. C’est totalement inacceptable. La pénurie de logement dans les grandes villes ne sera pas résolue ainsi, non plus que la question de l’hébergement des réfugiés. Pourtant, des spécifications techniques plus strictes encore sont déjà adoptées, qui entreront en vigueur l’an prochain.

Pour ce qui est des logements existants, leur rénovation coûte très cher. Et qui doit payer, du locataire ou du propriétaire ? En définitive, c’est toujours le consommateur qui doit payer la facture de ces mesures. La transition énergétique a un coût et la question de sa répercussion est loin d’être réglée.

Notre collègue Laure de la Raudière du groupe Les Républicains a posé une question sur les compteurs intelligents et la protection des données personnelles dans le domaine de l’énergie. Cela fonctionne bien chez nous. Pour chaque compteur intelligent vendu, un certificat de protection des données est délivré. Cela fait l’objet d’une réglementation en préparation au ministère de l’économie. Les réseaux intelligents deviendront obligatoires à partir de 2017 pour toute consommation supérieure à 10 000 kilowattheures ; ce seuil pourrait être abaissé à 6 000 kilowattheures ou 3 500 kilowattheures.

Mais cela fera naître de nouveaux coûts à la charge du consommateur. Il n’est pas possible de demander à un ménage d’investir plusieurs centaines d’euros dans un compteur intelligent sans que cela lui apporte rien d’autre que des informations sur le moment où sa machine à laver ou son réfrigérateur fonctionne. Je pense que la réglementation en préparation devrait être adoptée. Mais il n’est pas certain qu’on arrive au déploiement prévu à grande échelle. La loi doit en tout état de cause créer d’abord les conditions nécessaires pour cela.

Mme Herlind Gundelach. S’agissant de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous nous sommes engagés sur une diminution de 40 % d’ici à 2020. Les programmes correspondants ont été lancés et nous devrions atteindre nos objectifs.

Nous aurons sans doute moins de succès en ce qui concerne notre objectif d’un million de véhicules électriques. Puisse le scandale de Volkswagen inciter cette entreprise à se détourner plus vite des moteurs à essence au profit des moteurs électriques. Cette crise peut en effet être une source d’innovations et d’avancées.

Quant au démantèlement des centrales nucléaires, nous n’avons pas d’expérience complète sur une centrale. Des demandes d’autorisation ont été déposées pour les centrales qui ne sont déjà plus connectées au réseau. Mais il ne s’agit pas d’une simple destruction ; le démantèlement est un processus long et coûteux, qui prendra certainement plus de temps que la construction elle-même. Seule la centrale de Mühlheim-Kärlich a été démantélée, mais elle n’avait jamais été connectée au réseau parce qu’elle n’avait pas été construite selon les plans prévus.

Pour ce qui est de l’efficience énergétique, il y a un accord de fond en Allemagne sur le fait qu’elle doit être le troisième pilier de la transition énergétique, en particulier si nous voulons atteindre nos objectifs de réduction d’émission de dioxyde de carbone. Un plan d’action national pour l’efficacité énergétique recense différentes mesures, qui varient également selon leur mise en œuvre : lois, mais aussi, plus souvent, mesures de soutien passant par des primes ou par des prêts bonifiés distribués par notre Kreditanstalt für Wiederaufbau. Sur ce chapitre, nous attendons encore davantage de progrès. S’agissant des prêts bonifiés, la demande n’est pas très forte, car les taux d’intérêt du marché sont eux-mêmes déjà très bas et ces prêts bonifiés ne sont pas nécessairement plus favorables. Aussi les entreprises préfèrent-elles souvent des prêts classiques, qui ne leur imposent pas de conditions particulières. Pour surmonter la difficulté, nous réfléchissons en ce moment à proposer des facilités de remboursement.

S’agissant de la participation des citoyens à la transition énergétique, nous sommes déjà bien avancés. Parfois, des villages entiers se rassemblent et s’organisent de manière coopérative pour financer leurs propres installations éoliennes. Dans les modifications que nous comptons apporter à la loi EEG, la prime à l’injection dans le réseau, financée par la taxe EEG, serait modulée ; ce type d’installations coopératives pourraient recevoir une sorte de bonus.

Quant aux réseaux intelligents, le temps que nous avons mis à adopter notre législation sur la protection des données personnelles explique notre retard en ce domaine par rapport aux pays voisins.

M. Bernd Westphal. Vous nous avez interrogés sur les coûts de la transition énergétique. Mais je crois que nous devons plutôt nous demander ce qu’il se passerait si nous ne faisions rien. Les réserves d’énergies fossiles continueraient de baisser, tandis que la population mondiale ne cesse de croître. Il faudra de toute façon s’en sortir avec les ressources disponibles sur la planète. Nous n’arriverons pas à assurer la prospérité, l’emploi et l’activité industrielle si nous continuons nous appuyer sur le pétrole, sur le gaz et sur le charbon.

La situation n’est pas si différente en France et en Allemagne. Nous importons 98 % de notre pétrole, 2 % seulement étant produit sur le territoire ; c’est pourtant la première source d’énergie primaire. De même, nous importons 90 % de notre gaz naturel, deuxième source d’énergie primaire. Personne ne peut dire à quel prix nous l’importerons dans vingt ans et quelles quantités seront nécessaires. C’est pourquoi la transition énergétique est la solution la plus favorable, du point de vue économique, à long terme.

D’ores et déjà, les installations photovoltaïques ne coûtent qu’un dixième de ce qu’elles coûtaient il y a dix ans. On peut désormais construire des éoliennes qui ont le même prix de revient que des centrales à charbon. Nous devons également trouver des solutions pour que la production intermittente d’énergies renouvelables puisse répondre aux besoins des consommateurs.

Comme membre du parti social-démocrate, je pense que nous avons fait le bon choix, qu’il s’agisse de la protection de l’environnement ou de la protection de l’emploi. Nous étions la semaine dernière à Jérusalem, où se tenait le plus grand salon mondial de l’énergie éolienne : les visiteurs s’étaient déplacés en grand nombre, car tout le monde sait que les autres types d’énergie tirent à leur fin.

Vous avez évoqué la création d’une plateforme parlementaire européenne pour discuter des questions de politique énergétique. Je pense en effet qu’il est important de ne pas laisser l’initiative aux seuls gouvernements et que nous devons faire avancer les choses dans nos parlements respectifs.

S’agissant enfin des primes d’injection dans le réseau prévues par la loi EEG, elles sont établies pour l’instant à un niveau fixe. Mais d’autres instruments existent pour favoriser la production d’énergies renouvelables, tels que des appels d’offres qui permettent de donner la préférence à ceux qui proposent la solution la plus avantageuse. Cet instrument de marché existe déjà pour l’énergie solaire ; nous voudrions le développer pour l’énergie éolienne.

M. Klaus Ernst. S’agissant des réseaux intelligents, j’estime que le problème juridique n’est pas encore résolu, sur le plan de la protection des données. Car qui doit recevoir les données collectées par les compteurs intelligents et comment peuvent-elles être utilisées ? Ces questions attendent encore une réponse.

Bien que les coûts de la transition énergétique soient supportés par les citoyens, le niveau d’acceptation de cette politique est très élevé. Car chacun a conscience qu’il n’y a pas d’alternative. Notre collègue Andreas Lämmel fait partie des pessimistes et n’est d’ailleurs pas majoritaire dans son groupe politique. Je dois le contredire et je me trouve ainsi dans la position délicate d’avoir à défendre la position du Gouvernement, moi, un membre de l’opposition ! (Sourires.)

En tout état de cause, ce n’est pas le marché qui réglera la question. La plus forte consommation d’énergie primaire provient des transports. Or aucune solution viable et raisonnable n’apparaît encore dans ce domaine. Sur les courtes distances, il serait pourtant possible d’utiliser des véhicules électriques. Mais il faut pour cela un cadre législatif. Cela reviendrait bien sûr à intervenir sur le marché. Cependant, il faudrait sinon attendre que le problème se règle de lui-même, avec l’épuisement des énergies fossiles. La sortie se ferait en désordre, sans planification. C’est donc un commandement de l’heure de réfléchir dès aujourd’hui à des solutions.

Quant au charbon, le niveau des rejets est encore trop élevé. Notre ministre de l’économie avait proposé de renchérir le prix du charbon, ce qui aurait entraîné une fermeture des centrales. Mais sa proposition n’a malheureusement pas été acceptée. Nous nous orientons aujourd’hui vers le versement d’importants dommages-intérêts aux centrales à charbon qui se déconnecteraient du réseau. Cela va dans la bonne direction, mais le chemin est long et sera à mon sens plus coûteux. En tout état de cause, il s’agit aussi d’une intervention sur le marché, car des mesures législatives et réglementaires sont de toute façon nécessaires.

Contrairement à notre collègue Andreas Lämmel, je pense qu’il faut voir dans la transition énergétique une chance pour notre pays. Nous devons saisir cette occasion de développer des innovations et de nouvelles technologies. Parce que nous serons ensuite les premiers à les vendre, nous soutiendrons l’emploi et les exportations. La transition énergétique est donc un vecteur de croissance, de surcroît d’une croissance durable. Car la multiplication des accidents automobiles et des réparations qu’ils rendent nécessaires conduit aussi à une croissance chiffrée du produit intérieur brut. Mais cela ne correspond pas à des avancées.

S’agissant de Volkswagen, l’acte commis était un acte criminel. Nous devons intervenir de nouveau en créant les conditions législatives pour qu’un tel acte ne se reproduise pas. L’autocontrôle des émissions toxiques par les entreprises ne doit plus être permis. Les tests ne doivent plus être organisés sous forme de bancs d’essai, mais se dérouler dans les conditions réelles. L’entreprise n’est pas la seule défaillante ; le contrôle public a échoué à faire respecter les spécifications européennes et nationales.

M. le président Klaus Barthel. Nous ne sommes qu’au début des discussions sur une Europe de l’énergie. Quand on recueille les opinions à travers l’Europe, l’on se rend compte que cette appellation ne veut pas dire la même chose pour tout le monde. Dimanche, je me suis entretenu avec des collègues des pays de l’Est, qui n’y voient qu’un moyen de s’approvisionner en gaz naturel ailleurs qu’en Russie. Ils n’abordent pas du tout la question de l’action climatique, de l’abandon du charbon ou du démantèlement des centrales nucléaires. Entre la France et l’Allemagne aussi, il y a des différences d’approche. Mais je pense que cela nous aidera tous d’entamer ces discussions. Il faut que nous abordions les questions de l’efficacité, des instruments et des objectifs communs en matière de recherche.

Si nous nous engagions en faveur de l’électromobilité, nous pourrions ainsi soutenir ensemble le développement de véhicules électriques, de batteries et des infrastructures correspondantes. Nous nous sommes trop longtemps concentrés sur l’aspect technique de la question du type de véhicule, mais il faut développer les bornes indispensables à son utilisation. Le prix de l’électricité entre aussi en jeu, ainsi que celle de la fiscalité, qui doit garantir des tarifs préférentiels.

Mais tout cela coûte de l’argent et d’autres solutions sont envisageables en parallèle. Il faut notamment, je pense, abandonner l’idée que chacun doit avoir sa propre voiture. Peu à peu, l’autopartage se développe. Pour les jeunes gens, la voiture individuelle n’est plus une évidence. Nous avons donc développé en Allemagne la recherche sur l’énergie, mais il y aurait à n’en pas douter place pour des projets européens.

J’en viens à la question du biogaz. Il est l’un des plus grands vecteurs de développement des énergies renouvelables en Allemagne. Mais son exploitation a conduit au développement de monocultures de maïs et son efficacité était en cause. Nous avons donc apporté une modification très nette à la loi EEG pour ne plus subventionner que les installations qui sont alimentées par des déchets secondaires.

S’agissant des centrales à gaz, comme à Ingolstadt, ce sont de grosses unités performantes, du moins lorsqu’elles fonctionnent. Mais elles ne sont plus adaptées au marché de l’électricité. Nous pensons qu’elles seront donc plutôt utilisées à l’avenir comme des unités décentralisées qui viendront en soutien des centrales à cogénération. Si le prix de l’électricité est de nouveau fixé par le marché seulement, peut-être qu’il remontera et que l’exploitation des centrales à gaz, ou de certaines d’entre elles, redeviendra rentable.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je partage vos conclusions. La transition énergétique ne peut advenir par un coup de baguette magique. Au-delà de la volonté politique, il faut des mesures efficaces. Mais afficher cette volonté est déjà un grand pas. Je crois qu’il ne faut pas hésiter à s’entraider et se nourrir de nos réussites respectives, mais aussi de nos constats d’échec.

En matière de transition énergétique, il convient de fixer des objectifs à plusieurs niveaux. Il ne suffit pas de viser un nombre de véhicules électriques ; il faut prévoir des bornes de rechargement, en permettant leur installation sous la forme de partenariats public-privé. Les communes doivent également pouvoir s’en charger tout autant que l’État. Des corridors de bornes sont déjà en construction sur les autoroutes. Mais ce n’est pas la panacée.

Il convient encore de faire les choix fiscaux à même d’inciter à utiliser ces véhicules. Le succès des véhicules diesel en France est dû en partie à des raisons fiscales. C’est par des actes politiques que nous devons réorienter les filières industrielles.

J’en viens à l’autopartage et aux transports en commun. Malheureusement, les transports ne sont pas dans le champ de compétences de notre commission, mais nous devons envisager les questions d’énergie dans une perspective globale. C’est d’ailleurs l’un des avantages que vous avez sur nous : l’énergie et les transports sont gérés chez vous par un seul ministère. Il serait sans doute bon que l’aspect environnemental et l’aspect économique soit chez nous aussi traités sous l’égide d’un seul ministère.

Par nos échanges, nous créons une base pour évoluer. Nous pourrons ainsi stimuler la politique européenne de l’énergie et la recherche. Car, comme chez vous, l’efficacité énergétique est chez nous un pilier de la transition énergétique.

J’espère que nous pourrons tirer, au cours de l’une de nos prochaines rencontres, les enseignements de la COP21. L’accord envisagé ne doit pas nécessairement exclure des sanctions. Sur le sujet de l’action climatique, vous pouvez en tout état de cause compter sur notre détermination.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 25 novembre 2015 à 9 h 30

Présents. – M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Marcel Bonnot, M. Christophe Borgel, M. André Chassaigne, M. Jean-Michel Couve, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Yves Jégo, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. François de Mazières, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Marie Tetart

Excusés. – M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Philippe Bies, M. Jean-Claude Bouchet, M. Antoine Herth, M. Serge Letchimy, M. Germinal Peiro, M. Thierry Robert, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. – M. Mathieu Hanotin, M. François Vannson