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Commission des affaires économiques

Mardi 8 décembre 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 30

Présidence Mme Frédérique Massat, Présidente

– Audition de M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique 2

– Examen en application de l’article 88 du Règlement, des amendements restant en discussion sur la proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (n° 3052) (M. Guillaume Garot, rapporteur) 32

La commission des affaires économiques a entendu M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Mme la présidente Frédérique Massat. C’est la troisième fois – hors séance budgétaire en commission élargie – que notre commission a le plaisir de vous accueillir, monsieur le ministre, pour aborder avec vous toutes les questions d’actualité qui relèvent de votre champ de compétences et du nôtre : le programme d’investissements d’avenir (PIA) et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), mais aussi votre projet de loi sur les nouvelles opportunités économiques, qui fait couler beaucoup d’encre et qui suscite des inquiétudes dans les métiers de l’artisanat et du bâtiment, notamment. Il serait utile que vous les rassuriez en expliquant comment concilier divers types d’économies et en nous présentant dans ses grandes lignes le texte qui sera débattu à l’Assemblée au début de l’année prochaine.

Nous vous interrogerons également sur la filière nucléaire, sur la sortie d’EDF du CAC 40 et sur la filière automobile – un secteur dont notre commission s’est emparée en créant une mission d’information –, en particulier l’alliance entre Renault et Nissan. Nous évoquerons également le plan France très haut débit et d’autres sujets industriels.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Permettez-moi d’emblée, madame la présidente, de rappeler brièvement les priorités économiques du Gouvernement et d’aborder quelques-uns de ces sujets d’actualité.

Le couple activité-emploi et le couple investissement-innovation : voici les deux grands défis complémentaires de notre économie. Pour lui rendre un hommage posthume, je paraphraserai le célèbre théorème du chancelier Helmut Schmidt : c’est pour préparer les emplois de demain que notre politique d’investissement et d’innovation doit être à la hauteur de notre économie. Or, les investissements macroéconomiques insuffisants dans certaines filières créent des problèmes d’emploi qu’il est ensuite difficile de résoudre.

S’agissant de l’activité et de l’emploi, nous avons commencé par réagir en priorité à la perte de compétitivité-coût – en particulier dans la filière industrielle – à laquelle il était urgent de remédier : le CICE et le pacte de responsabilité représentent plus de 40 milliards d’euros d’allégements fiscaux et sociaux sur quatre ans. Les premiers résultats sont déjà là : en Allemagne, le coût du travail a progressé en moyenne de 3,2 % par an entre 2012 et 2014, soit trois fois plus qu’en France. C’est à la fois le fruit des compensations de cotisations par le CICE et du déploiement du pacte de responsabilité, mais aussi du dynamisme salarial allemand, qui s’est renforcé avec la nouvelle coalition et en raison des pressions syndicales qui s’exercent branche par branche. La combinaison de ces deux facteurs a produit l’effet suivant : depuis la fin 2014, le coût horaire du travail industriel en France est repassé sous celui de l’Allemagne, alors qu’il s’en était éloigné pendant une décennie. J’ajoute que le coût du travail n’est pas notre seul levier d’action ; nous agissons également sur le coût de l’énergie, des services et de l’ensemble des facteurs de production.

Afin de redynamiser l’activité et l’emploi, nous nous battons aussi pour accroître l’agilité de notre économie – un élément déterminant de sa capacité à créer des emplois. C’est l’objet de la plupart des mesures prises dans la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques comme la réforme des prud’hommes, dont les textes d’application sont en cours de rédaction, et l’aménagement de l’accord de maintien dans l’emploi, qui en facilite l’usage et sécurise le cadre juridique pour donner davantage de flexibilités à notre économie en cas de difficulté. C’était également le but de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, que prolonge actuellement l’action de Mme Myriam El Khomri sur la base du rapport de M. Combrexelles.

C’est aussi dans cette perspective qu’il faut lever les barrières réglementaires qui entravent la création d’activité et qui limitent les embauches. Le déploiement progressif de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a déjà permis d’en supprimer plusieurs. Dans le secteur des autocars, par exemple, où les obstacles réglementaires contraignaient l’offre, la réforme a, selon un premier bilan, permis de créer en moyenne vingt emplois par jour. Depuis le début de l’année, 250 000 passagers ont été transportés contre 110 000 en 2014, près de 80 villes françaises sont désormais desservies et environ 275 autocars circulent chaque jour. C’est la preuve que l’ouverture de certains marchés de biens et services permet de créer de l’activité, même si l’on peut débattre – comme nous l’avons déjà fait abondamment – des conséquences de cette réforme. Nous avons poursuivi le même objectif concernant les professions réglementées et le travail dominical.

J’ai convié les anciens membres des commissions spéciales de l’Assemblée nationale et du Sénat à faire le point sur la mise en œuvre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, trois mois après sa promulgation et nous nous réunirons de nouveau au début du mois de février. D’autre part, la mission d’information commune sur l’application de cette loi m’a auditionné le 25 novembre et une nouvelle audition est prévue mardi prochain. Près des deux tiers des mesures contenues dans la loi sont déjà entrées en vigueur, sachant que 65 % des dispositions étaient d’application immédiate. Nous avançons à marche forcée pour que la quasi-totalité des mesures prévues soient entrées en vigueur dans les six mois suivant la promulgation. Une vingtaine de décrets seront donc pris d’ici la fin de l’année, et une trentaine d’autres en janvier, après examen par le Conseil d’État.

Ensuite, nous devons continuer d’agir concrètement pour soutenir les entrepreneurs et toutes celles et ceux qui prennent des risques, car c’est là un élément essentiel de la dynamisation de notre tissu productif et de sa capacité à créer des emplois. Certes, la flexibilité et l’adaptabilité du marché du travail – autrement dit, le cadre dans lequel les entreprises peuvent embaucher des salariés – constituent l’un des volets de notre action, comme je l’indiquais à l’instant en évoquant les accords de maintien dans l’emploi, la réforme des prud’hommes et la modernisation du dialogue social. Cependant, l’autre forme de création d’emploi est tout aussi structurante pour les chantiers que nous ouvrons : c’est l’entreprenariat. Dans certains secteurs, c’est une voie d’avenir. En outre, il peut correspondre à un choix personnel et à une préférence pour l’indépendance et la prise de risques, plutôt que pour la subordination et les protections qu’elle apporte. Enfin, c’est une manière très réaliste pour de nombreux jeunes d’entrer dans la vie économique – conséquence du caractère relativement fermé de notre système. En effet, le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans est de 18 % depuis trente ans. De récents travaux de l’institut Montaigne font état de discriminations persistantes à l’embauche, voire pour obtenir un entretien. Dès lors, la création d’activité peut permettre aux jeunes les moins qualifiés et les plus défavorisés de s’insérer. C’est donc ce secteur que nous devons structurer et ouvrir, car notre économie crée beaucoup moins d’activité à un niveau intermédiaire ou faible de qualification que d’autres économies comparables.

C’est pourquoi nous avons déjà pris une série de mesures en faveur des entrepreneurs comme la suppression de l’indicateur 040 de la Banque de France et la protection de la résidence principale, par exemple. Nous souhaitons poursuivre sur cette voie afin de saisir toutes les nouvelles possibilités qui se présentent, en modernisant deux domaines. Tout d’abord, le cadre statutaire, fiscal et social de l’entreprenariat individuel demeure complexe et comporte des différences qui sont perçues comme des facteurs de concurrence déloyale. Le statut de l’auto-entrepreneur a déjà fait l’objet de mesures prises dans la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises ; nous en connaissons les limites, mais il permet de créer de l’activité dans certains secteurs. Nous devons faciliter la création d’entreprises individuelles et, surtout, simplifier les parcours de croissance, tant le recrutement d’un premier salarié dans ces entreprises se heurte à des contraintes administratives dissuasives – qui valent tous les seuils sociaux.

Ensuite, nous devons moderniser les métiers et qualifications et la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat. L’idée n’est évidemment pas de supprimer ni de dévaloriser les métiers et qualifications, bien au contraire : nous devons les valoriser en améliorant les pratiques d’apprentissage. C’est pourquoi nous avons pris en avril des mesures d’aides aux entreprises de moins de dix salariés qui accueillent des apprentis âgés de moins de dix-huit ans. La loi de 1996 imposait des qualifications à l’entrée de certains métiers pour protéger la santé et la sécurité des personnes. Or, nous avons collectivement – les métiers eux-mêmes comme l’administration – dressé des barrières injustifiées à l’entrée des professions concernées qui ont empêché de créer des emplois. La reconnaissance des compétences est certes indispensable mais ne doit pas constituer un obstacle. Certains métiers imposent des niveaux de qualifications plus importants que d’autres. Le métier de coiffeur, par exemple, exige un brevet professionnel alors que seul un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) est requis pour les autres métiers. Ce n’est pas un hasard si, dans ce secteur, la création d’activité concerne principalement la coiffure à domicile, qui ne nécessite qu’un CAP.

En outre, de nombreux « petits » métiers requièrent un niveau de qualification lié : dans le secteur du bâtiment, par exemple, aucun espace n’existe entre les métiers régis par des qualifications et le « bricolage du dimanche », qui connaît un fort développement. Il doit être possible, dans cet entre-deux, de reconnaître l’existence de « petits » métiers qui ne requièrent pas le même niveau de qualification mais permettent à de nombreux jeunes d’entrer dans l’activité économique. Nous devons avoir ce débat, car la situation actuelle interdit d’exploiter certaines possibilités. On peut en effet reconnaître des compétences sans pour autant créer des barrières à l’entrée dans les métiers par la qualification. Quel plus beau métier, par exemple, que celui de restaurateur pour présenter l’excellence française ? Nul ne souhaite être empoisonné dans un restaurant. L’offre de ce secteur est différenciée, qu’il s’agisse des meilleurs ouvriers de France ou des étoiles, et les consommateurs exercent un suivi étroit de la qualité. Or, il n’existe aucune qualification à l’entrée dans ce métier ! Nous sommes donc parvenus à reconnaître les compétences, à accompagner le développement de cette profession et à encourager l’apprentissage sans pour autant faire de la qualification une barrière à l’entrée. Le débat est nécessaire mais délicat : certaines professions craignent en effet d’être déconsidérées dès lors que l’on pose la question des qualifications. Pourtant, la réalité est celle-ci : des pans entiers de notre activité ne sont pas exploités parce que nous avons parfois dressé des barrières à l’entrée qu’il nous faut revoir.

J’en viens au couple investissement-innovation, essentiel à plusieurs titres. Tout d’abord, notre économie souffre d’une insuffisance chronique d’investissements productifs. Depuis la crise de 2008, l’investissement ne repart pas assez, ce qui handicape notre économie actuelle, mais aussi celle de demain, tant il est difficile de redresser une partie du tissu productif si les investissements nécessaires n’ont pas été réalisés en temps voulu. Cela étant, même lorsqu’il était plus important, l’investissement privé était trop souvent orienté vers l’immobilier d’entreprise et d’autres secteurs non productifs. C’est ce qui nous a incités à proposer une mesure de suramortissement productif, que je vous remercie d’avoir adoptée à une large majorité au printemps dernier après un débat sur tous les bancs. Cette disposition consensuelle prévoit que les investissements productifs peuvent faire l’objet d’un suramortissement de 40 %, portant ainsi à 140 % de la valeur des biens concernés le montant total de l’amortissement possible.

Pour poursuivre la modernisation de notre économie, nous devons aussi organiser les filières productives afin d’y favoriser l’investissement. C’est le but de la Nouvelle France industrielle, qui consiste à concentrer les crédits disponibles dans le cadre du programme d’investissements d’avenir – soit 3,5 milliards d’euros environ – autour de neuf solutions industrielles dont la matrice est l’alliance pour l’industrie du futur. Codirigée par deux chefs d’entreprises et associant l’ensemble des acteurs concernés, des collectivités territoriales et des services de l’État aux partenaires sociaux et aux organisations patronales, cette alliance vise d’ici la mi-2016 à accompagner la modernisation de l’appareil productif de deux mille petites et très petites entreprises, en s’appuyant sur des financements adaptés – sous la forme d’appels à projet du programme d’investissements d’avenir mais aussi de prêts de développement de la Banque publique d’investissement, qui représentent 8 milliards d’euros et dont les garanties et les délais de décaissement correspondent tout à fait aux besoins visés. Il est prévu d’offrir aux entreprises concernées, en particulier les plus petites d’entre elles, un accompagnement personnalisé de leur montée en gamme. De même, le plan France très haut débit contribue à favoriser l’investissement privé, car l’équipement du pays en infrastructures est essentiel.

Investir dans l’innovation est une nécessité particulièrement urgente dans le contexte économique actuel. Nous ne sommes plus dans une économie dite « de rattrapage ». Les changements sont extrêmement brutaux dans plusieurs secteurs et, grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, l’économie s’est presque instantanément mondialisée. Dans ces conditions, il est crucial de pouvoir investir vite et beaucoup dans les secteurs critiques. Pour ce faire, nous devons permettre aux entreprises d’investir plus rapidement et plus facilement dans l’innovation tout en nous dotant d’une structure de financement adaptée à ce nouveau mode d’innovation. Autrement dit, nous devons étudier dans chaque secteur comment aider les acteurs économiques à innover plus vite en simplifiant les contraintes réglementaires, en explorant la notion de droit d’expérimentation et en envisageant comment ouvrir les données, notamment les données d’intérêt général, sans déstabiliser les acteurs en exercice, car l’innovation – tant en termes de technologies que d’usages – est l’un des leviers de la révolution actuelle. Si nous n’y parvenons pas, l’innovation se fera hors de nos territoires avec des acteurs étrangers. Or, elle transforme profondément des secteurs entiers tels que les biotechnologies – où les frontières disparaissent entre génomique et neurosciences – ou encore l’énergie, où l’ouverture des données permettra l’avènement d’un mode de production plus décentralisé privilégiant la solution énergétique plutôt que la simple « fourniture d’électrons ».

Pour ce faire, nous devrons adapter notre structure de financement. Aujourd’hui, le mode de financement de notre économie est très efficace lorsqu’il s’appuie sur la dette – une caractéristique des économies de rattrapage. En revanche, son financement en fonds propres connaît des lacunes bien précises. Ainsi, il se crée chaque année mille à mille cinq cents start-ups en France, mais elles ont peine à croître au-delà d’un certain niveau – un capital supérieur à 100 millions d’euros, par exemple. C’est le fruit de notre histoire : l’épargne française est abondante, mais elle est surinvestie dans le secteur immobilier et dans l’assurance-vie, que l’évolution de la législation a très largement réorientée vers le financement obligataire. Nous souhaitons donc que le financement de notre économie, et de l’innovation en particulier, s’appuie davantage sur les fonds propres, en modifiant par exemple la gestion des retraites supplémentaires et en créant un régime de régulation ad hoc afin que la part de l’épargne consacrée à l’économie productive ne relève plus de la directive européenne dite « Solvabilité II » mais de la directive « Solvabilité I », qui laisse une bien plus grande souplesse en matière d’allocation. Nous pourrons ainsi réorienter jusqu’à 130 milliards d’euros vers le financement de notre économie, en fonction des intérêts des épargnants – étant entendu que les épargnants jeunes ou en milieu de carrière ont plutôt intérêt à investir dans des fonds propres et des actions. C’est là encore un levier précieux que nous devons utiliser pour mieux financer l’innovation, qui est au cœur de la transformation majeure que nous vivons aujourd’hui.

Mme la présidente. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs des groupes, en commençant par M. Jean Grellier pour le groupe Socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean Grellier. Je me réjouis des premiers résultats que produisent les mesures adoptées – d’autant plus qu’en matière économique et industrielle, ces résultats ne se mesurent souvent qu’avec le temps. Je partage vos propos, monsieur le ministre, sur l’entreprenariat : il faut sensibiliser les jeunes aux possibilités que présente la création d’entreprise. De ce point de vue, comment renforcer les moyens d’accompagnement et veiller à ce que le droit à l’erreur ne s’applique inéluctablement ?

Je me félicite également de la manière dont vous avez restructuré les 34 plans industriels dans le cadre de la deuxième phase de la Nouvelle France industrielle, en y associant tous les acteurs déjà mobilisés. Comment progressent les investissements d’avenir ? M. Louis Schweitzer, récemment auditionné par notre mission d’information sur l’offre automobile française, indiquait que 12 milliards seulement  – sur 35 – ont été engagés. Quels sont les éventuels obstacles à lever ?

Dans quelle mesure les recommandations formulées par la commission Innovation 2030, présidée par Mme Anne Lauvergeon, sont-elles intégrées au déploiement des investissements d’avenir et au-delà ?

Lors de sa dernière réunion, le Conseil national de l’industrie a été saisi d’un rapport sur la formation générale et professionnelle, qui contient un certain nombre de propositions dont les établissements de formation doivent tenir compte. Comment convaincrez-vous vos collègues chargés de l’éducation nationale ainsi que du travail et de l’emploi de réformer de telle sorte que les compétences et les qualifications soient mises en adéquation avec les métiers créateurs d’emplois tout en préparant notre économie aux ruptures technologiques qui vont s’accélérer dans les années à venir ?

Vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, à renforcer les moyens du Conseil national de l’industrie et à faire en sorte que la diffusion de ses travaux corresponde davantage aux besoins des territoires ; qu’en est-il ?

Pouvez-vous préciser la notion de fonds de retournement que l’État actionnaire serait prêt à déployer en faveur d’entreprises en difficulté, compte tenu du fait que par leurs décisions, certains tribunaux de commerce ne font qu’accentuer ces difficultés ?

Où en est votre politique de relocalisation visant à rétablir une production française dans certains secteurs ?

J’ai récemment reçu le mouvement des entreprises de taille intermédiaire (ETI) selon lequel des mesures fiscales devraient être prises en matière de transmission des entreprises, mais aussi pour encourager les start-ups, nombreuses en France, à se muer en véritables projets industriels.

La rupture technologique s’accompagne d’une mutation profonde des secteurs industriels : comment faire pour que ce développement respecte l’équilibre des territoires, compte tenu du fait qu’il s’appuie en grande partie sur le numérique ? Comment les commissaires au redressement productif préserveront-ils leur proximité avec les territoires dans le nouveau paysage régional français ?

Est-il possible de proroger la mesure de suramortissement des investissements productifs dans certains secteurs comme la robotique, où les décisions demandent du temps ? Enfin, cette mesure est applicable aux coopératives d’utilisation de matériel agricole, les CUMA ; les coopératives agricoles souhaiteraient elles aussi en bénéficier.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le groupe Les Républicains.

M. Daniel Fasquelle. Un sondage paru cette semaine indique que 89 % des Français sont préoccupés par la situation économique du pays et qu’ils sont 81 % à juger qu’elle s’aggrave ; en outre, 96 % des Français affirment percevoir les effets de la crise dans leur vie personnelle et 73 % estiment que leur pouvoir d’achat a baissé. S’ajoute à cela le séisme électoral que nous venons de vivre dimanche. En toute franchise, votre discours me semble en décalage avec le sentiment profond des Français sur la situation économique.

Certaines de vos propositions et des mesures que vous avez prises vont sans aucun doute dans le bon sens, mais les choses ne vont ni assez vite, ni assez loin. De ce fait, les Français ont l’impression que nous attendons passivement une amélioration de la situation qui, au contraire, ne cesse de se dégrader, comme en attestent les dernières statistiques du chômage. Lorsque Mme Christine Lagarde occupait votre fonction, l’opposition d’alors avait chanté « Tout va très bien, madame la marquise » dans l’hémicycle, ce qui fut particulièrement désagréable pour elle. Je ne chanterai pas « Tout va très bien, monsieur le marquis », mais c’est tout de même l’impression que laissent vos propos. Vous ignorez l’évolution du chômage et ne tenez pas davantage compte du message que vous envoient les Français, ni de leur sentiment concernant la réalité économique de notre pays.

Hier, M. Pierre Gattaz, le président du Medef – je le cite car il faut écouter tout le monde – proposait un plan d’urgence. Pourquoi n’en parlez-vous pas ? À l’état d’urgence en matière de sécurité devrait faire écho un état d’urgence en matière économique, tant la situation est de plus en plus grave et tant le désespoir des Français s’accroît. Quelle réponse faites-vous à M. Gattaz et, surtout, que proposez-vous pour déclencher un véritable plan d’urgence contre le chômage et pour le pouvoir d’achat, de sorte que les Français aient le sentiment qu’une volonté réelle d’améliorer la situation existe au sommet de l’État ?

J’en viens à votre projet de loi sur les nouvelles opportunités économiques, qui suscite des inquiétudes. Certes, il faut lever les barrières inutiles à l’entrée dans certaines professions, mais il faut aussi se garder de mettre en cause des réglementations professionnelles qui protègent avant tout les consommateurs. De ce point de vue, quel lien établissez-vous entre votre action et les directives européennes « Services » et « Qualifications professionnelles », ainsi qu’avec la demande réitérée de la Commission européenne de procéder à un examen des statuts professionnels dans les États membres afin de faciliter la mobilité ? Est-ce là l’aiguillon qui vous incite aujourd’hui à nous proposer de telles mesures, ou est-ce pour d’autres raisons ?

Dans le secteur de la restauration, je vous proposerai – comme je l’ai déjà fait – de réglementer l’appellation de « restaurant », car j’estime qu’un restaurant est un lieu où l’on fait à manger. Or, nombreux sont les prétendus « restaurants » qui trompent les consommateurs en se contentant d’utiliser des ciseaux et des fours à micro-ondes pour réchauffer des plats préparés ailleurs. Cette mesure de bon sens permettrait non seulement de mieux informer les consommateurs, mais aussi de donner du travail aux jeunes – ceux que nous formons au lycée hôtelier du Touquet, par exemple. En effet, si l’industrialisation de la cuisine se poursuit, les cuisiniers et les pâtissiers que nous formons aujourd’hui n’auront plus de débouchés professionnels demain.

Vous évoquez l’apprentissage ; je tiens à cet égard à dénoncer le recours massif aux contrats aidés, qui représentent jusqu’à un quart des emplois des jeunes. Or, chacun sait que les emplois aidés sont des trappes à inactivité. Parallèlement, l’apprentissage a reculé de 5 % depuis un an : allez-vous enfin cesser de créer des emplois aidés pour maquiller en partie le chômage, et recourir massivement à l’apprentissage, qui est la seule solution pour que de nombreux jeunes entrent sur le marché du travail ?

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin, pour le groupe Écologiste.

M. Denis Baupin. Permettez-moi, monsieur le ministre, d’appeler votre attention sur une entreprise française quasi-publique qui vient de sortir du CAC 40. En 2015, le titre EDF a perdu 42 % de sa valeur boursière. Vous vous apprêtez à lui faire racheter une partie d’Areva, qui est une entreprise en faillite. EDF ne parvient pas à faire aboutir son projet d’EPR à Flamanville, mais voudrait dans le même temps investir dans un projet de centrale nucléaire au Royaume-Uni pour plus de 30 milliards d’euros – même si les agences de notation ont annoncé qu’elles dégraderaient sa note si cette décision était prise. Les salariés d’EDF, qui en sont actionnaires, sont eux aussi opposés à la construction de cette centrale. En outre, EDF annonce depuis des années qu’elle entend lancer un programme de « grand carénage » pour 110 milliards d’euros, selon l’évaluation de la Cour des comptes. Le président-directeur-général d’EDF lui-même a annoncé que les coûts d’entretien du parc nucléaire passeraient de 3 à 5 milliards d’euros par an. Il a également exprimé son souhait de lancer la construction de trente à quarante EPR de nouveau modèle – il m’avait échappé qu’il était le nouveau ministre de l’énergie chargé de notre politique énergétique… Un tel chantier me semble difficilement compatible avec la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qu’a adoptée le Parlement sur proposition du Gouvernement. Le même président d’EDF annonce qu’il lui manque chaque année 4 milliards de liquidités.

Ma question est donc la suivante : combien de signaux d’alarme devront se déclencher pour que l’on prenne conscience que les choix industriels de cette entreprise posent problème ? Vous connaissez mon point de vue sur ces choix : je les déplore sans jubilation aucune, tant le nombre de salariés concernés est élevé et tant l’enjeu de l’alimentation de notre pays en électricité et, plus généralement, en énergie est considérable. À la COP21, les annonces se multiplient en faveur du développement des énergies renouvelables. La France et l’Inde ont, avec une centaine d’autres États, lancé l’alliance internationale pour l’énergie solaire – même si c’est Engie, et non EDF, qui y participe pour la France. Le marché mondial des énergies renouvelables est devenu colossal : des centaines de gigawatts sont en prévision dans le secteur de l’énergie solaire et dans celui de l’énergie éolienne. De surcroît, la baisse des coûts est très significative. En clair, le moment n’est-il pas venu pour EDF de passer des vieilles énergies aux énergies nouvelles ?

Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie auquel travaillent le ministère de l’écologie et le Conseil national de la transition écologique prévoit qu’en 2023, les secteurs solaire et éolien produiront 47 gigawatts ; en 2030, soit sept ans plus tard, EDF envisage de produire cinq à six gigawatts dans ces mêmes secteurs. Ne serait-ce pas le rôle de l’entreprise nationale d’électricité que de prendre une part plus importante à la transition énergétique ? On comprend évidemment que cela lui soit difficile compte tenu de toutes ses autres dépenses liées au grand carénage, à la centrale britannique et au rachat d’Areva, notamment. J’ai pourtant entendu la ministre chargée de l’écologie déclarer qu’il serait sans doute moins onéreux de produire des énergies renouvelables que de prolonger l’exploitation de centrales nucléaires en fin de vie. Parviendra-t-on enfin à ouvrir ce débat en France, comme c’est le cas ailleurs – je pense aux entreprises E.ON et RWE en Allemagne ? Acceptera-t-on enfin d’abandonner le minitel alors que le reste du monde adopte internet ? En clair, monsieur le ministre, l’État actionnaire va-t-il rappeler à EDF que son acronyme signifie Électricité de France, et non Nucléaire de France ?

Mme la présidente. Je passe la parole à M. Thierry Benoit, pour le groupe Union des démocrates et des indépendants.

M. Thierry Benoit. Je vais m’efforcer, monsieur le ministre, de faire preuve de la même impertinence que celle à laquelle vous nous avez habitués depuis votre prise de fonctions – et qui n’est pas pour me déplaire. À propos de votre projet de loi sur les nouvelles opportunités économiques, vous êtes ainsi capable, dans la même phrase, d’expliquer qu’il faut valoriser les métiers, l’apprentissage et les qualifications, et de parler de « petits métiers » du bâtiment. J’ignore ce qu’est un « petit métier », monsieur le ministre, de même que j’ignore ce qu’est un « petit élu » ou un « grand élu » : seuls comptent les élus. Qu’est-ce donc qu’un « petit métier » du bâtiment ?

À vous écouter, j’ai le sentiment que vous voulez instaurer un nouveau statut de l’auto-entrepreneur – l’auto-entrepreneur 2, en quelque sorte. Le statut initial constituait un marchepied vers la création d’entreprise et servait à détecter de nouveaux talents et à apporter un complément de revenus à des personnes en activité ou à la retraite qui souhaitaient compléter leurs faibles revenus. Encore faudrait-il encadrer davantage ce statut pour qu’il ne concurrence pas les professionnels que sont les artisans.

Sur la question des métiers, le message du Gouvernement est contradictoire : il retarde d’une année l’âge d’ouverture des droits à l’apprentissage et, dans le même temps, instaure un arsenal contraignant qui entrave l’accueil d’apprentis dans les entreprises.

Autre impertinence de votre part : vous avez expliqué que le régime social des indépendants, le RSI, était une « erreur ». Certes, « nous avons fait des réformes d’aménagement en créant des médiations, en simplifiant les délais de paiement, en allant même expérimenter de l’autoliquidation », avez-vous poursuivi, « mais toutes ces réformes, c’est de l’aménagement d’un régime en place ». Toutefois, « il faut collectivement que nous y réfléchissions parce que le monde de demain sera un monde de plus de mobilités » – sur ce point, je suis d’accord avec vous. Or, c’est précisément ce que disait M. Bernard Tapie dans les années 1980 et 1990, en annonçant que les jeunes devaient être mobiles et avoir plusieurs métiers. Voici donc plus de deux décennies que cela dure ! Selon moi, la véritable priorité du RSI est de protéger les artisans et les commerçants. S’il y a une tâche à laquelle il faut s’atteler, c’est de lancer un plan de soutien d’urgence aux entrepreneurs indépendants, car ils se trouvent aujourd’hui dans la même situation de crise où se trouvait le monde agricole en avril et en mai. Il faut affecter les cotisations sur un compte spécial en attendant de remettre l’ensemble du dispositif à plat, puis instaurer un taux unique et simplifier l’assiette de recouvrement, car le système actuel s’apparente à un bazar sans nom. S’il est une « opportunité » nouvelle que votre projet de loi devrait saisir, c’est bien celle du RSI ! On peut très bien vouloir libérer, libéraliser, oxygéner même, mais en la matière, le problème est réel.

Enfin, vous souhaitez à juste titre que la France soit au rendez-vous du numérique. Quelle est concrètement la coordination des services de l’État dans ce secteur crucial ? Aujourd’hui, les territoires denses, qui font l’objet d’appels à manifestations d’intérêt, sont déjà connectés aux grandes infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires, ainsi qu’aux réseaux de téléphonie mobile et d’internet. Les territoires ruraux, en revanche, ne sont pas connectés et, au nom du redéploiement des services de l’État, ils perdent des services publics. Et voilà que nous ne sommes pas capables d’anticiper en faveur de ces territoires délaissés pour les doter en priorité d’infrastructures numériques ! Cela servirait pourtant l’intérêt des populations bien sûr, mais aussi à préserver leur lien avec les services publics qui ont physiquement disparu, malgré l’existence des maisons de services au public. Diantre ! Accélérons le déploiement du numérique dans les territoires périphériques ! En Bretagne, M. Le Drian promet le très haut débit pour tous en 2030 seulement… En 2015, le monde tourne déjà à mille à l’heure : il faut prendre en priorité des mesures concrètes pour déployer le numérique dans les territoires éloignés, que les nouvelles technologies peuvent contribuer à rapprocher des services publics.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. M. François Mitterrand aurait dit de M. Jacques Attali qu’il avait quinze idées par jour, mais qu’il ne s’en réalisait pas plus d’une par quinzaine. Je ne sais si vos idées sont aussi nombreuses, monsieur le ministre, mais elles sont si libérales qu’elles font beaucoup de dégâts ! Je pense à votre dernière idée concernant les métiers sans qualification : vous souhaitez ouvrir portes et fenêtres pour créer un courant d’air et libérer l’activité mais, avec une telle approche et sans qualification suffisante des artisans, les portes et les fenêtres tomberont toutes seules ! Quelles en seront les conséquences pour les maîtres d’apprentissage ? Pourront-ils continuer à transmettre leurs savoir-faire comme ils le font ?

D’autre part, la mesure de suramortissement des investissements productifs prévue dans la loi du 6 août 2015 ne concerne malheureusement pas les coopératives, qu’elles soient agricoles, artisanales, maritimes ou de transport. Il en résulte indiscutablement une discrimination peu acceptable, notamment pour les coopératives agricoles – hors CUMA – pour lesquelles, en cas d’extension, la mesure représenterait un coût d’environ 40 millions d’euros. Prévoyez-vous une mesure de remplacement ? Le projet de loi de finances pour 2016 contient déjà un amendement du Gouvernement visant à étendre le suramortissement aux CUMA. Qu’en sera-t-il des autres coopératives agricoles, que la Commission européenne a déjà déclarées inéligibles au CICE au motif que ce dispositif est incompatible avec leur statut fiscal ?

Ensuite, certaines organisations syndicales s’inquiètent du transfert de la gestion des garanties publiques de Coface à la Banque publique d’investissement. Si j’en crois la lettre ouverte cosignée par la CGT et la CGC, la concertation préalable n’a pas eu lieu. Leurs inquiétudes portent en premier lieu sur la défense de Coface, ancienne compagnie publique désormais privatisée et cotée en Bourse, et surtout sur l’efficacité de ce transfert. On peut en effet s’interroger, en l’état actuel des choses, sur l’absence de compétences en matière d’expertise sur les pays – le « risque pays », de BPIfrance export, qui est de création assez récente, même si vous voulez en valoriser l’expérience. En outre, il pourrait résulter de ce transfert des conséquences sociales pour le personnel de Coface, et même une forme de « régression sociale », disent les syndicats précités, à laquelle vous serez sans aucun doute très sensible. Enfin, quel sera le rôle de l’Agence française de développement en matière d’expertise, et correspondra-t-il à sa vocation historique ?

Selon le rapport du comité de suivi du CICE – dont je ne sais au juste s’il relève de votre compétence mais, comme vous touchez à tout, je tente ma chance –, la consultation des représentants du personnel se résume à un « exercice fréquemment formel et décevant ». « Après deux ans », poursuit ce rapport, « la consultation du comité d’entreprise sur le CICE prévue par la loi n’est pas systématiquement proposée par les entreprises ». Pouvez-vous apporter une esquisse de réponse à cette lacune notable afin que les comités d’entreprise aient leur mot à dire sur l’utilisation du CICE ?

Enfin, ne pensez-vous pas qu’il serait temps que les États participant à la COP21 se penchent sur le rôle des marchés financiers et sur les comportements prédateurs des grandes sociétés multinationales et autres fonds de pension, dont les intérêts sont contraires aux objectifs visés ? Êtes-vous prêt à engager un bras de fer afin que ces entreprises pensent au devenir de la planète plutôt qu’à leurs intérêts immédiats ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a été adopté il y a six mois, et le décret fixant les zones touristiques internationales (ZTI) et leurs critères d’éligibilité est paru au Journal officiel le 24 septembre. Comment se déroulent les négociations avec les syndicats de salariés sur les différents contrats de branche ? Le Conseil d’État a été saisi de plusieurs recours concernant le travail dominical qui visaient à contester la définition de la ZTI : où en sont ces procédures ?

D’autre part, le crédit interentreprises doit permettre aux entreprises de se prêter de l’argent entre elles et à court terme sans passer par une banque ou par un autre intermédiaire financier. C’est une mesure intéressante qui favorise la solidarité entre les entreprises et grâce à laquelle les TPE pourraient résoudre d’éventuelles difficultés de trésorerie. Le décret précisant les conditions d’octroi de ces prêts de moins de deux ans devait être publié en novembre 2015 pour s’appliquer à partir du 1er janvier 2016 ; où en sommes-nous ? Êtes-vous parvenu à limiter les risques potentiels liés à d’éventuels contournements de la réglementation en matière de délais de paiement ? Qu’attendez-vous de cette réforme et de ses effets sur la croissance et la compétitivité des TPE, des PME et des ETI, qui se plaignent régulièrement des contraintes d’accès au crédit ? Envisagez-vous la montée en puissance de ce type de mesures, de sorte qu’elles constituent à terme une alternative à l’offre bancaire ?

Un récent rapport d’information de nos collègues sénateurs MM. Hervé Maurey et Patrick Chaize porte un regard très sévère sur la couverture numérique des territoires et sur le déploiement actuel du très haut débit et des réseaux mobiles en France. Que pensez-vous de leur constat que le plan France très haut débit souffrirait d’un pilotage insuffisant de l’État qui, selon eux, se cantonnerait à un rôle de cofinanceur et de coordinateur technique, au détriment de son rôle pourtant nécessaire en matière d’aménagement et d’expertise pour les collectivités territoriales ? D’autre part, les auteurs de ce rapport s’inquiètent du fait que la Commission européenne, qui s’interroge sur la montée en débit d’Orange, n’a toujours pas validé le plan France très haut débit : pouvez-vous nous rassurer quant à l’avancement des négociations ?

Mme la présidente. Les orateurs des groupes s’étant exprimés, nous allons passer aux questions des députés.

M. Michel Lefait. Ma question, qui pourra paraître mineure à certains mais qui ne l’est pas pour bon nombre de nos concitoyens, porte sur l’engagement pris par les grands opérateurs de téléphonie mobile en matière de résorption des zones blanches et d’équipement en haut débit. Il existe un fort décalage – parfois du simple au triple – entre l’estimation que font les opérateurs historiques du nombre de zones à résorber et celle qu’en font les secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) et les départements.

D’autre part, il semble que le processus traîne en longueur et que la concertation avec les parlementaires, les collectivités territoriales et l’ensemble des structures concernées soit insuffisante. Quand l’État fera-t-il appliquer l’engagement des opérateurs en exigeant d’eux une plus grande transparence ?

Mme Laure de La Raudière. Qu’il est doux, monsieur le ministre, d’entendre la gauche louer l’entreprenariat, la prise de risques et le travail indépendant ! De ce point de vue, le langage a bien changé ! D’ailleurs, un nouveau statut de l’auto-entrepreneur serait une excellente nouvelle, car j’ai toujours peine à constater que certains de nos collègues de droite critiquent les auto-entrepreneurs. C’est pourtant, selon moi, la grande réforme de droite du quinquennat précédent : nous avons alors dit aux Français de se prendre en main et de créer de l’activité et de l’emploi où qu’ils se trouvent sur le territoire. Je me réjouirais donc que vous simplifiiez le statut de l’entreprise individuelle dans le sens de celui de l’auto-entrepreneur pour limiter les distorsions de concurrence qui peuvent exister entre certains statuts d’entreprise et celui d’auto-entrepreneur. Vous n’avez pas été suffisamment précis sur ce point dans la réforme.

Envisagez-vous également de simplifier la réglementation applicable à l’apprentissage pour les jeunes de moins de dix-huit ans ? Songez qu’aujourd’hui, un apprenti boucher ne peut pas se servir d’un objet tranchant sans obtenir une dérogation préalable de l’inspection du travail !

Vous avez évoqué le frein qui existe à l’embauche du premier salarié dans les entreprises mais, monsieur le ministre, le premier frein n’est pas de nature administrative ; c’est celui du chiffre d’affaires, qu’il faut doubler pour recruter un employé de manière durable. Une fois ce frein levé s’en présente un deuxième : la peur du carcan du contrat à durée indéterminée. Écoutez donc la crainte des chefs d’entreprises, en particulier de petites entreprises, qui refusent de prendre le risque d’embaucher pour ces raisons bien davantage que pour des motifs d’ordre administratif !

Mme Marie-Hélène Fabre. Ma première question a déjà été posée : elle concerne l’extension de la mesure de suramortissement des investissements aux coopératives agricoles.

Deuxième question : où en est la fusion entre EDF et Areva ? Le calendrier est-il respecté ?

Enfin, la couverture numérique du territoire français est inégale, non seulement dans les zones rurales mais aussi en zones rurbaines. Comment accompagnerez-vous les PME et les TPE françaises pour rattraper le retard de la France dans ce domaine ?

M. Jean-Claude Mathis. Pour lutter contre le chômage, vous préconisez la révision des qualifications de certains métiers afin de faire prospérer les auto-entrepreneurs et recruter des professionnels de santé dans les emplois de services aux particuliers. Il faut certes que l’économie française s’adapte à la révolution numérique et que les formations soient en phase avec les nouvelles technologies et les attentes des consommateurs, mais l’opportunité d’une baisse du niveau de qualification ne va pas de soi et il n’est pas certain qu’une telle mesure se traduise par la création d’entreprises viables. Je reprendrai l’exemple des coiffeurs, que vous avez cité : l’un d’entre eux m’a récemment proposé de signer une pétition – ce que je n’ai pas fait – car, s’il était d’accord pour embaucher un titulaire de CAP voire un apprenti, il estimait qu’en l’état, le fait de laisser des coiffeurs sans brevet professionnel exercer à domicile constituait une forme de concurrence inacceptable pour les salons, qui sont nombreux à connaître de grandes difficultés. Que lui répondez-vous ?

M. Jean-Pierre Le Roch. En mai 2015, monsieur le ministre, vous avez lancé la deuxième phase de la Nouvelle France industrielle, dont l’un des programmes cible l’alimentation intelligente recentrée autour de l’alimentation fonctionnelle, des emballages du futur, du froid durable et de la sécurité alimentaire. L’objectif est de moderniser 30 % des abattoirs industriels d’ici 2017 et de réaliser d’importants recrutements dans cette filière. Quel est le bilan des deux années d’action dans ce secteur ?

M. Éric Straumann. Le marché de la coiffure représente 6 milliards d’euros et emploie 160 000 personnes en France. Pourriez-vous éclaircir vos intentions dans ce secteur ? Quelles seront les conditions de diplôme à remplir pour créer un salon de coiffure, pour y travailler et pour exercer ce métier à domicile ?

M. Hervé Pellois. Au printemps, l’État est monté au capital de Renault, souhaitant par cet investissement peser sur les décisions stratégiques de l’entreprise. Le conseil d’administration de Renault doit se tenir le 11 décembre. Les négociations serrées que l’État conduit avec les représentants de Nissan avancent-elles ? Nissan et Renault ont-elles un avenir sans alliance ?

Outre le transfert de l’activité export de Coface à la BPI, déjà évoqué, nous avons également regroupé Business France et la Sopexa. Cette collaboration produit-elle les résultats escomptés ?

M. Michel Sordi. Je suis partisan de la simplification, monsieur le ministre, y compris dans le secteur de la restauration que vous avez évoqué. Pourtant, lorsqu’un client n’est pas satisfait d’un restaurant, il règle la note et n’y retourne plus ; c’est ainsi que les problèmes se résolvent. Il n’en va pas de même dans d’autres secteurs comme celui du bâtiment : certains s’y installent en se contentant d’une brouette et d’une truelle, et la mauvaise qualité de leurs travaux aboutit à des contentieux. Ne mettons donc pas tous les secteurs dans le même tonneau ; mieux vaut analyser avec les professionnels ce qui peut concrètement être fait.

Sur le nucléaire, je suis naturellement en désaccord avec M. Baupin. Je ne souhaite pas que la centrale de Fessenheim, qui se trouve dans ma circonscription, ferme aujourd’hui, car deux mille emplois s’en trouveraient supprimés. Que cela ne nous empêche pas d’envisager avec nos voisins allemands comment remplir nos zones d’activités : il existe ainsi à Bremgarten, de l’autre côté du Rhin, une ancienne base aérienne de l’OTAN qui a été réaménagée en zone d’activités il y a une vingtaine d’années. Aujourd’hui, cette zone cherche à s’étendre sur de nouveaux terrains ; nous avons donc proposé d’accueillir des entreprises allemandes de notre côté du fleuve, où se trouvent des terrains disponibles. Or, au fil des discussions, nos voisins allemands ont manifesté deux réticences : la première était liée à la complexité excessive de la réglementation, que nous devons simplifier, et la seconde à la lourdeur bien connue de notre code du travail. Quelles mesures comptez-vous prendre en la matière ?

Mme Annick Le Loch. J’ai récemment assisté à une assemblée générale de chambres des métiers : si le solde de créations d’entreprises dans le Finistère est positif à hauteur de 520, surtout grâce aux auto-entrepreneurs, des inquiétudes demeurent malgré l’entrée en vigueur du statut unique de la micro-entreprise, qui est apprécié de tous. En effet, les acteurs locaux ont besoin d’être rassurés quant à votre projet de déqualification.

D’autre part, les délais de paiement se sont allongés : un tiers seulement des entreprises règlent leur facture en temps voulu, ce qui entraîne de graves conséquences sur la trésorerie des PME. Vous avez, monsieur le ministre, annoncé le renforcement des contrôles et des sanctions et la création d’une médiation unique des entreprises. En attendez-vous des résultats rapides ?

Enfin, les négociations commerciales sont très difficiles en raison de la guerre des prix qu’orchestre un distributeur particulier, qui pense d’ailleurs pis que pendre de votre façon d’agir, monsieur le ministre – je l’ai entendu de vive voix. Les grandes enseignes se sont rapprochées davantage cependant que les filières d’élevage qui sont en crise : comment envisagez-vous les négociations commerciales qui auront lieu en 2016, dont on dit qu’elles seront encore et toujours plus tendues ?

M. Lionel Tardy. Le décret d’application de l’article 4 de la loi pour la croissance, l’activité et l’activité des chances économiques, concernant l’ouverture des données de transport, devait être pris dans les trois mois suivant la promulgation de la loi ; or, il n’est toujours pas publié. Quand le sera-t-il ? C’est un décret important qui ouvre la possibilité d’adhérer à des chartes d’open data. Il serait bon qu’il soit pris avant l’examen de la loi pour une République numérique et, surtout, que le délai d’application prévu soit respecté.

Quelle sera l’articulation du projet de loi pour une République numérique, précisément, en termes de calendrier et de contenu, avec le projet de loi sur les nouvelles opportunités économiques (NOE), puisque les sujets couverts par ces deux textes se recoupent partiellement, et ce dans un très bref laps de temps ? Au-delà du simple exercice de communication, pouvez-vous nous présenter certaines des mesures concrètes qui figureront dans le projet de loi pour une République numérique ? Confirmez-vous votre souhait de modifier les conditions de diplôme permettant d’exercer le métier de coiffeur, par exemple ? Je ne vois pas de lien entre la modernisation des métiers et leur adaptation au numérique d’une part et, de l’autre, la modification des qualifications.

Enfin, vous avez présenté une série de mesures et de décrets pour lutter contre les retards de paiement, qui sont en effet dangereux pour les PME. Ces mesures ne concernent que les entreprises, jamais l’administration ; que faire pour imposer des contraintes aux administrations qui passent des marchés publics ?

Mme Bernadette Laclais. À l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative, que nous venons d’adopter il y a tout juste une heure, j’ai constaté avec satisfaction la volonté qu’a le Gouvernement de cibler l’épargne des Français sur les besoins de financement des entreprises, en particulier les start-ups. L’article 13 de ce projet consiste à mettre les modalités de réduction de l’impôt sur la fortune des PME, l’ISF-PME, en conformité avec le droit européen. Toutefois, dans sa rédaction actuelle, l’article en question prévoit de recentrer la réduction d’impôt au profit des PME ayant moins de sept ans d’existence. La restriction du champ d’investissement des fonds liés aux réductions d’ISF et d’impôt sur le revenu exclut du financement en fonds propres les PME innovantes qui se caractérisent par un cycle long de recherche et développement et les entreprises traditionnelles, souvent familiales, qui ont plus de dix ans d’activité. Or, ces entreprises innovantes et traditionnelles n’ont pas accès à un financement alternatif sur le marché et ne sont pas prisées par les fonds d’investissement. Le marché traditionnel n’offre donc aucune solution à leurs besoins de financement. Ces entreprises ont pourtant des besoins d’investissement, et j’ajoute qu’elles ne sont pas toujours en difficulté – certaines se portent même très bien. Pour croître, elles ont néanmoins besoin de ces fonds.

Je sais que cette mesure ne relève pas directement de votre compétence, mais je tiens à l’évoquer car les entreprises concernées risquent d’être rapidement confrontées à des difficultés qui entraîneront de lourdes conséquences en termes d’emploi et d’activité. Jusqu’à présent, il nous a été répondu que le règlement européen d’exemption par catégorie, le RGEC, empêchait de remédier à ce problème ; cela mérite que l’on se penche avec détermination sur ce sujet, à propos duquel j’espère que le Gouvernement reprendra la discussion avec la Commission européenne.

Mme Jacqueline Maquet. Selon un article d’un quotidien régional daté du 8 décembre, la fusion des régions dopera le secteur agro-alimentaire, notamment dans la nouvelle région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Pensez-vous que d’autres secteurs économiques en bénéficieront de la même manière ?

M. Yves Daniel. Lors de la présentation du projet de loi sur les nouvelles opportunités économiques, monsieur le ministre, vous avez insisté sur la nécessité de mettre en œuvre « une politique de formation mieux adaptée pour permettre aux travailleurs dont les métiers pourraient disparaître de s’adapter aux métiers du numérique ». Comment comprendre une telle affirmation ? Pouvez-vous préciser votre stratégie en la matière ?

Ensuite, le journal Les Échos a récemment estimé que l’année 2015-2016 risquait d’être difficile pour les participations de l’État actionnaire, puisque les titres de sept des treize sociétés cotées en bourse dans lesquelles il détient des participations sont en baisse continue depuis le mois d’avril. Comment expliquer cette chute et, surtout, comment y remédier ?

Enfin, les nouvelles ressources sont l’un des neuf marchés prioritaires de la Nouvelle France industrielle. Il est notamment question de doubler le volume des matières premières d’origine végétale dans le secteur chimique d’ici 2020. Comment comptez-vous y parvenir en quatre années ? Le délai n’est-il pas un peu court ?

Mme Pascale Got. L’entreprise Ford a vendu puis racheté son usine de Blanquefort en concluant des conventions qui engagent fortement l’État et les collectivités territoriales afin non seulement de maintenir l’activité sur place, mais aussi de préserver les mille emplois du site. Un comité technique s’est récemment tenu avec Ford Europe, dont le projet paraissait beaucoup moins évident, y compris s’agissant du maintien des mille emplois. Je sais que vous menez des discussions avec ce groupe mais, sur le terrain, les salariés et les communes sont dans l’incertitude. Où en sont ces discussions et quelles sont les perspectives de maintien de l’emploi sur le site de Blanquefort en 2016 et au-delà ?

D’autre part, le numérique est certes un fabuleux outil pour le tourisme, mais l’activité de certaines plateformes internationales crée des problèmes d’ordre fiscal et réglementaire avec les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration, en particulier. Les lois consacrées au numérique aborderont-elles cette question ?

Mme la présidente. Une dernière question, monsieur le ministre : un quotidien du soir nous informe aujourd’hui que le groupe Bouygues aurait déposé contre l’État une réclamation pour un montant de 2,3 milliards d’euros en raison des conditions faites au contrat d’itinérance dont a bénéficié Free lors de son entrée dans le secteur – un sujet que notre commission a souvent abordé. Quelle est votre première réaction ?

M. le ministre. Permettez-moi de reprendre le fil de vos questions en commençant par le nucléaire. La sortie d’EDF du CAC 40, monsieur Baupin, ne doit pas être vécue comme un traumatisme en soi : les critères d’appartenance au CAC 40 portent sur le volume de flottant et les liquidités. Or, seule une faible partie d’EDF est cotée, ce qui lui est mécaniquement défavorable. Elle est d’ailleurs remplacée par Klépierre, qui dispose d’un flottant important. Cette sortie est donc liée pour partie aux difficultés que rencontrent les entreprises du secteur de l’énergie partout en Europe, mais aussi au faible volume de la capitalisation boursière d’EDF et, plus généralement, à sa structure actionnariale. N’y voyez donc aucune perte de statut qui serait de nature à inquiéter les salariés.

Je le répète : toutes les entreprises du secteur sont en difficulté. M. Baupin a cité l’entreprise RWE et je m’en étonne : s’il n’y avait qu’un contre-exemple en matière sociale, ce serait celui-ci ! En effet, le Gouvernement allemand a pris la décision non préparée d’abandonner brutalement le nucléaire sans solution alternative, ce qui s’est traduit par une augmentation immédiate des émissions de dioxyde de carbone, avant qu’elles ne baissent de nouveau après que l’Allemagne a massivement subventionné les énergies renouvelables. Quoi qu’il en soit, toutes les entreprises du secteur ont beaucoup souffert depuis 2012 des suites de Fukushima, de la baisse du prix du pétrole, du développement massif du gaz de schiste aux États-Unis et de toutes les autres circonstances géopolitiques et macroéconomiques qui ont profondément perturbé toutes les composantes de notre mix énergétique. La question d’EDF ne se limite donc pas à sa sortie du CAC 40.

Vous avez également abordé la question de sa politique d’investissement. EDF est au cœur d’une mutation qu’elle doit effectuer en tant qu’opérateur principal de la transition énergétique. Elle doit y parvenir en préservant la crédibilité et la force de la filière nucléaire, qui demeure une filière d’avenir parce qu’elle est au cœur du modèle productif français, parce que des marchés considérables – la Chine et la Russie, entre autres, mais aussi la Pologne, l’Afrique du Sud et certains pays du Golfe – vont s’équiper en centrales, et parce que nous aurons à renouveler des centrales si leur exploitation n’est pas prolongée. Parallèlement, EDF doit développer une offre d’énergies renouvelables. L’un ne doit toutefois pas se faire sans l’autre. En tant que ministre de l’industrie, je ne défendrai pas une stratégie consistant à demander à EDF de désinvestir massivement dans la filière nucléaire au profit des énergies renouvelables ; elle doit faire les deux à la fois de manière raisonnée – et l’État actionnaire a d’ores et déjà indiqué qu’il était prêt à faire des efforts en prélevant un dividende en titres et non pas en numéraire, pour aider l’entreprise à accomplir sa transition. Elle doit faire les deux car le parc nucléaire existe, doit continuer à produire de l’électricité et préserver ses services embarqués. C’est un acteur qui emploie et qui dispose d’une excellence technologique et industrielle à entretenir.

M. Denis Baupin. On le voit à Flamanville !

M. le ministre. En outre, il faudra peu à peu renouveler les réacteurs selon leur génération, y compris les réacteurs de nouvelle génération ASTRID à l’horizon 2040-2050.

À court terme, le défi d’EDF est celui-ci : elle doit conduire une politique d’investissement qui corresponde aux besoins de la filière – ce que l’on a coutume d’appeler le « grand carénage » qui se compose de deux catégories d’investissements. La première concerne les investissements à réaliser dans la filière indépendamment de toute prolongation d’exploitation d’une centrale – auxquels un conseil d’administration d’EDF qui s’est tenu en novembre a permis de donner davantage de visibilité. Ces investissements d’un montant global d’environ 15 milliards d’euros commenceront très prochainement et se réaliseront dans les prochaines années ; au-delà des investissements classiques, ils porteront sur la modernisation des centrales et sont nécessaires à leur entretien. Ils sont très attendus par la filière, en particulier par les sous-traitants de rang 1 et 2. C’est à propos de ce lot d’investissements que j’ai rencontré l’intersyndicale il y a une dizaine de jours et que nous réunirons avec Mme Ségolène Royal le comité stratégique de la filière nucléaire au mois de janvier.

Le deuxième volet du grand carénage concerne les prolongations et les renouvellements de centrales. EDF a en effet souhaité communiquer pour expliquer ses plans en la matière au grand public et aux investisseurs, mais M. Denis Baupin a parfaitement raison de rappeler le cadre législatif. La programmation à moyen terme doit être validée et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) doit s’exprimer pour, de deux choses l’une, autoriser la prolongation de l’exploitation des centrales au-delà de quarante ans, ou pour l’interdire en invitant à développer des modes alternatifs de production ou à envisager la construction de centrales de nouveaux modèle. On ne saurait néanmoins programmer ex ante le futur parc de centrales pour plusieurs décennies, car la mise en œuvre de cette programmation dépendra des autorisations accordées par l’ASN et des décisions qui seront prises en conséquence.

J’insiste sur le fait que les investissements dans le nucléaire sont nécessaires pour assurer la sûreté du parc, mais aussi pour préserver les compétences qui existent dans la filière et les emplois qui leur correspondent, et pour que ce secteur – sur lequel je connais, monsieur Baupin, vos légitimes interrogations, le débat devant se poursuivre en toute transparence – coexiste avec celui des énergies renouvelables, le premier ne pouvant être supprimé du jour au lendemain au bénéfice du second. J’ajoute que dans cette filière, nous investissons aussi à l’étranger. D’importants investissements sont prévus sur le marché britannique : le projet de Hinkley Point, en particulier, représente 18 milliards de livres jusqu’à la mise en service, dont deux tiers proviennent d’EDF, cette dépense étant étalée sur dix ans.

En clair, EDF a de très importantes perspectives d’investissement qu’il faut classer en trois catégories : investissements internationaux lorsque les marchés ont été remportés, investissements à long terme en fonction des autorisations de l’ASN et investissements de modernisation à court terme. Dans tous les cas, ces investissements se traduisent par plus d’activité pour les sites productifs français, en particulier les sous-traitants de rang 1 et 2, et pour l’entreprise. Ils sont donc indispensables à la vitalité économique de la filière. Convenons également que la part de l’énergie nucléaire dans notre mix énergétique nous permet de produire une énergie très décarbonée par rapport à nos principaux concurrents et nous a évité les délices de l’importation de lignite et d’autres choix qu’ils ont quant à eux dû faire.

Cependant, le défi que nous devons désormais relever est celui des énergies renouvelables – et, à cet égard, plusieurs dispositions ont déjà été prises dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. EDF doit y prendre part comme d’autres acteurs mixtes tels qu’Engie et Areva, ou encore DCNS et les coentreprises formées entre General Electric et Alstom. L’ensemble de ces acteurs et de leurs sous-traitants structurent actuellement une offre industrielle dans la filière des énergies renouvelables où, pour ne pas répéter notre échec en matière de panneaux solaires, nous devons veiller à maîtriser la production, l’innovation et l’emploi – condition sine qua non de notre réussite. Je le répète néanmoins : notre action dans ce secteur doit aller de pair avec notre stratégie dans la filière nucléaire.

J’en viens au lien entre EDF et Areva. À l’automne 2014, nous avons souhaité mettre à plat l’ensemble des sujets concernant la filière nucléaire, non seulement en raison des difficultés conjoncturelles qu’elle connaît et des erreurs de gestion commises sur de grands projets, notamment, mais aussi parce que l’État actionnaire n’a pendant longtemps pas joué son rôle en termes de pilotage de ces entreprises et de cohérence entre elles, en France et sur plusieurs sites étrangers. Aujourd’hui, nous voulons réorganiser les relations entre un premier acteur – EDF, qui maîtrisera l’ensemble de l’ingénierie des services nucléaires – et un deuxième, Areva NP, chargé de produire les réacteurs, qui sera majoritairement détenu par EDF avec une participation minoritaire d’Areva et des investisseurs tiers avec lesquels les négociations sont en cours. La production de réacteurs est en effet un métier à part qui possède ses propres spécificités et une filière sur laquelle il nous est apparu indispensable d’aligner les intérêts d’EDF, faute de quoi celle-ci ne chercherait plus à vendre les réacteurs en question, comme cela s’est déjà produit – au point d’entrer en concurrence à l’étranger contre des réacteurs français.

Areva NP, où un nouveau dirigeant a été nommé, consiste donc, disais-je, en un partenariat dominé par EDF, qui jouit du bilan le plus solide, auquel participeront également des actionnaires japonais et chinois. En effet, l’actionnariat japonais a une cohérence technologique, car nous avons noué avec le Japon un partenariat de long terme concernant les réacteurs de petite et moyenne puissances, de l’ordre de 1 000 mégawatts : c’est ainsi que le réacteur ATMEA est devenu le principal concurrent de l’AP-1000 et qu’il est désormais très prisé sur les marchés en expansion – en Turquie, par exemple. Or, si les marchés chinois et russe privilégient les réacteurs de 1 000 mégawatts, c’est parce que leurs réseaux encore fragiles n’ont pas la maturité nécessaire pour accueillir un EPR de 1 800 mégawatts. Celui-ci est en revanche prisé sur des marchés où le réseau est dense et solide comme le marché britannique, d’où le projet de Hinkley Point. Nous souhaitons préserver cette diversité de notre offre et, de ce point de vue, le partenariat technologique que nous avons noué avec le Japon est essentiel. Parallèlement, nous voulons associer des partenaires financiers présents sur les marchés-clé, en particulier le marché chinois qui sera bientôt le premier marché nucléaire. Nous avons noué avec la Chine un partenariat de trente ans qu’il serait aberrant de ne pas renforcer – car nous avons appris le nucléaire aux Chinois. Il est donc normal que nous ayons notre place sur ce marché, et j’y suis très vigilant.

Enfin, le troisième acteur d’Areva NP est l’Areva historique du cycle du combustible et des mines hors production de réacteurs. Cet acteur fera l’objet d’une augmentation de capital dans laquelle l’État actionnaire prendra toutes ses responsabilités. Il appartient en effet à l’État actionnaire de procéder à cette recapitalisation pour accompagner le développement de l’entreprise, mais elle ne se fera qu’à la lumière du plan d’affaires et de l’opération en cours de négociation avec EDF. En effet, c’est à l’aune du prix que coûtera in fine à EDF le rachat du segment de production de réacteurs que nous déterminerons les besoins de recapitalisation du segment combustible. Nous pourrons préciser ces montants financiers au début 2016, même si nous aurions souhaité le faire avant la fin de l’année, car les discussions se poursuivent sur plusieurs sujets : la valorisation et le plan d’affaires de l’activité de production de réacteurs, tout d’abord, puis le plan d’affaires du nouvel Areva, mais aussi le projet finlandais et plusieurs autres points en discussion avec l’ASN sur lesquels je souhaite avoir davantage de visibilité. Je me rendrai d’ailleurs prochainement en Finlande pour y poursuivre la discussion à la suite du déplacement qu’y ont effectué l’Agence des participations de l’État et les dirigeants d’Areva à la fin de l’été.

Telle est notre stratégie. Il faudra du temps pour redonner sa cohérence à cette filière, car elle se caractérise par des cycles longs et, de surcroît, de nombreuses erreurs ont été commises dans le passé.

Quoi qu’il en soit, les investissements réalisés dans le secteur nucléaire ne doivent rien enlever à notre action dans le domaine des énergies renouvelables : c’est tout le sens du fonds pour la transition énergétique, qui utilisera une partie des dividendes d’EDF pour financer ces nouvelles activités. C’est aussi pour cela que le PIA et la Nouvelle France industrielle comportent plusieurs solutions industrielles décisives pour la transition énergétique, qu’il s’agisse des nouvelles formes de production d’énergie ou de la modernisation des modes de mobilité, de stockage et de consommation d’énergie.

J’en viens aux questions de M. Jean Grellier. S’agissant du droit à l’erreur, j’ai évoqué plusieurs mesures déjà prises comme la suppression de l’indicateur 040 de la Banque de France et la protection de la résidence principale des entrepreneurs. Toutes les mesures qui simplifient l’accès des entrepreneurs aux financements et aux garanties bancaires doivent être favorisées ; M. Michel Sapin et moi-même avons demandé à la Fédération bancaire française d’examiner ce sujet essentiel.

Concernant les investissements d’avenir, le PIA 1 s’élevait à 35 milliards d’euros : le PIA 2 mobilise quant à lui 12 milliards, dont un tiers a déjà été engagé dans la loi de finances pour 2014, sachant que l’intégralité du PIA 2 sera engagé d’ici 2017. Pour ne pas rompre cette dynamique, nous avons donc entamé les travaux préparatoires à un PIA 3, qui fera l’objet d’un débat au printemps prochain pour pouvoir démarrer au début 2017.

La commission Innovation 2030, présidée par Mme Anne Lauvergeon, a remis un rapport en 2013 et sélectionné cent projets d’entreprises ; la phase d’amorçage a été lancée en 2014, et la phase d’accompagnement s’est poursuivie en 2015 autour de trente-six projets retenus. La phase de finalisation des investissements aura lieu en 2016-2017, l’idée étant de partir d’appels à projets mondiaux pour peu à peu filtrer les projets tout en augmentant leur financement et, in fine, sélectionner les acteurs les plus innovants. Il est prévu de consacrer 150 millions d’euros au titre du PIA 2 à cette initiative complémentaire de la Nouvelle France industrielle, laquelle porte sur des innovations plus matures qui ont vocation à être commercialisées dans les prochaines années – comme c’était déjà le cas du véhicule ne consommant que deux litres d’essence aux cent kilomètres, du dirigeable et de la nouvelle génération de satellites. C’est d’ailleurs ce qui m’a conduit à clôturer certains plans lorsque les solutions recherchées étaient arrivées à maturité.

En matière de relocalisation, nous poursuivons notre politique d’attractivité du territoire et de clarification du cadre fiscal et social, qui nous a permis d’améliorer notre rang dans la plupart des classements internationaux comme celui d’Ernst & Young et celui de la Banque mondiale, et qui a conduit de grands groupes étrangers – Cisco, Intel, Samsung, Facebook – à investir plusieurs centaines de millions d’euros dans notre écosystème de start-ups. Parallèlement, nous travaillons à la relocalisation des capacités de production par la baisse du coût du travail industriel et l’assouplissement de notre organisation. La signature, dans certaines entreprises, d’accords de compétitivité dans le cadre du CICE et du pacte de responsabilité a permis de relocaliser des forces de production. À preuve, la signature d’un tel accord dans le secteur automobile s’est traduite par la réouverture de lignes de production à Sandouville alors qu’en 2011, l’usine était donnée perdue. Avec beaucoup de courage, les salariés ont pris leurs responsabilités et les dirigeants ont tenu leurs engagements ; l’État a accompagné le projet par les systèmes d’aides adéquats. En clair, le secteur automobile est tout à fait emblématique de notre capacité à relocaliser depuis plusieurs années.

Nous avons réuni en séance plénière l’ensemble des membres du Conseil national de l’industrie (CNI) – vous y étiez, monsieur Jean Grellier – afin d’examiner le travail que je lui avais demandé au printemps dernier de conduire en matière de formation dans les filières industrielles. Mes collègues de l’éducation nationale et du travail et moi-même avons reçu les conclusions présentées par Mme Isabelle Martin ; elles seront déclinées par comité stratégique de filière en lien avec le CNI. Les premiers résultats de cette phase expérimentale sont attendus au printemps. L’objectif est de recenser dans chaque filière toutes les transformations en matière de qualifications requises, de repérer les manques – bien connus et souvent transversaux – dans certains métiers comme la chaudronnerie et la sidérurgie, par exemple, et de mettre en œuvre un plan d’urgence, comme c’est déjà le cas dans certains territoires. Parallèlement, nous voulons anticiper les transformations en termes de besoins afin d’adapter nos politiques de formation initiale, de formation professionnelle et de formation continue. C’est pour disposer d’une vue d’ensemble et parvenir à un accompagnement prospectif de toutes les filières et, in fine, des branches, que nous avons souhaité mener avec le CNI ce travail qui commence à porter ses fruits, car la cohérence s’accroît entre les filières, mais aussi entre les territoires. De ce point de vue, les organisations syndicales et patronales ont effectué un important travail que nous accompagnons.

Vous m’avez, monsieur Jean Grellier, interrogé sur les fonds de retournement. Nous voulons généraliser une initiative prise en Lorraine et en Franche-Comté, où les premiers fonds de ce type ont été créés, en déployant 75 millions d’euros au titre du PIA 2. Plusieurs fonds ont été identifiés, et leur création devrait avoir lieu au premier semestre 2016. L’opérateur choisi sera la direction des fonds de fonds de BPIfrance. En effet, nous travaillons aujourd’hui avec plusieurs opérateurs ; l’objectif est de combler une faille de marché en s’appuyant sur l’expertise existante nécessaire sans créer un nouvel acteur ex nihilo.

Nous étudions les propositions du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire en matière de transmission dans le cadre de la préparation de la loi sur les nouvelles opportunités économiques, car c’est là un sujet critique. La démographie de nos nombreuses entreprises familiales évolue ; il faut leur apporter les solutions permettant de stabiliser leur capital. Les propositions qui sont faites complètent le travail que nous avons déjà entamé concernant les structures plus petites sur la base du rapport que nous a remis Mme Fanny Dombre Coste. Plusieurs mesures ont été adoptées dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, un premier comité stratégique de la transmission s’est tenu et d’autres dispositions réglementaires ont été prises.

Plusieurs questions m’ont été posées sur la mesure de suramortissement des investissements privés productifs, qui exclut à dessein plusieurs catégories d’investissements. Sa limitation dans le temps devait servir à produire un effet d’entraînement, mais il est tout à fait envisageable de la proroger. J’insiste sur le fait que même lorsque les investissements sont longs, c’est le passage d’une commande ferme et le premier acompte qui constituent les éléments déterminants. L’instruction fiscale précise les conditions d’éligibilité de manière très détaillée : il n’est pas obligatoire d’avoir consommé la totalité de l’investissement ou de l’avoir entièrement réceptionné – ce qui aurait été insoutenable dans les cycles longs.

Les coopératives n’étaient pas bénéficiaires de cette mesure car, par définition, elles n’ont pas opté pour l’impôt sur les sociétés. Le Premier ministre a tout de même étendu le dispositif aux CUMA le 3 septembre, et leurs associés déclarant des bénéfices agricoles pourront également y prétendre au prorata de l’utilisation qu’ils font des matériels agricoles de la coopérative. Il n’est cependant pas possible de l’étendre à des structures qui n’ont pas opté pour l’impôt sur les sociétés. Je suis prêt, avec MM. Michel Sapin et Stéphane Le Foll, à continuer d’y travailler. La mesure repose en l’état sur un socle réglementaire et fiscal ; nous pourrons certes examiner les cas qui vous paraissent critiques, mais l’option que vous proposez n’a pas été retenue à ce stade, car elle n’est pas possible.

M. Daniel Fasquelle m’a interrogé sur un ton polémique, comme à son habitude, à propos du moment que nous traversons.

M. Daniel Fasquelle. Tout va bien !

M. le ministre. Ce n’est pas ce que je dis ; contrairement à vous, toutefois, je ne crois pas qu’il faille répondre à ce que nous venons de vivre en proposant tout et n’importe quoi, en particulier ce que l’on n’a pas fait soi-même quand on était aux affaires. Voilà la différence qui nous sépare !

M. Daniel Fasquelle. Vous êtes au pouvoir depuis trois ans et demi !

M. le ministre. Depuis mon arrivée à ce poste, monsieur le député, je me bats chaque jour pour que la situation progresse, en dépit des difficultés. Au fond, les deux questions que vous m’avez posées sont emblématiques de ce que vous représentez : elles alimentent le doute des Français. Vous me dites que rien ne va plus, que tout est à mettre à l’encan, que nous sommes en décalage. Pourtant, vous avez proposé une réforme concernant les qualifications – mais de grâce, nous dites-vous, ne les remettons surtout pas en cause dans votre propre jardin ! Il en sera ainsi de tout !

M. Daniel Fasquelle. Caricature !

M. le ministre. Vous qui n’avez pas fait d’économies puisque vous avez augmenté la dépense publique de cinq points de PIB me proposez aujourd’hui d’en faire deux fois plus que celles que nous réalisons déjà ! À la moindre de nos propositions d’économies, vous rechignez : pas celle-ci, dites-vous, car vous préférez les réformes qui concernent les autres.

M. Daniel Fasquelle. Je ne suis pas coiffeur…

M. le ministre. Monsieur le député, vous alimentez par vos propos et par votre dénonciation factice le système dans lequel vous vivez.

M. Daniel Fasquelle. Vous êtes dans le déni…

M. le ministre. Aucunement ! Battons-nous plutôt sur le terrain et proposez-moi des idées concrètes !

M. Daniel Fasquelle. Répondez donc à mes questions plutôt que de m’invectiver ainsi !

M. le ministre. J’y viens. Sachez néanmoins que je me bats sur le terrain des idées et sur celui des actes ; vous m’y avez toujours trouvé. Je vous ai fait de nombreuses propositions que vous avez avec grandeur refusé de voter. Aux mesures visant à ouvrir des secteurs d’activité et à améliorer la flexibilité de notre économie, vous avez dit non. Vous irez donc expliquer à vos électeurs que vous auriez préféré faire bien davantage – tout ce que vous n’avez pas fait vous-même ! Au fond, vous avez fait d’un bovarysme parlementaire votre ligne politique qui vous conduit à de telles conclusions. Continuez dans cette voie !

M. Daniel Fasquelle. Et vous dans la vôtre !

M. le ministre. Depuis ma prise de fonctions, monsieur le député, je n’ai cessé de proposer et de faire. Jamais je ne me suis contenté de lire des sondages – qu’il est naturellement de votre droit de citer. Je ne m’estime pas en décalage – ou en tout cas bien moins que vous. Le constat que vous faites est celui que l’on dresse depuis une trentaine d’années, et l’attitude que vous avez est partagée – de part et d’autre, d’ailleurs – depuis aussi longtemps. Proposez, monsieur le député ! Enrichissez le débat et cessez de nous accuser de ne pas agir, car je n’ai cessé d’agir et je continue de proposer ! Je vous traite avec respect, monsieur le député ; ne me traitez donc pas comme on ne traite pas un vaguemestre lorsqu’on est bien élevé.

M. Daniel Fasquelle. Nous sommes à l’Assemblée nationale ! Jamais un ministre n’a traité un député de la sorte ! Répondez plutôt aux questions !

M. le ministre. Je vous confirme que je suis ministre, que vous êtes député et que je vous traite avec beaucoup de respect. Je réponds simplement à votre interpellation avec la même vigueur.

M. Daniel Fasquelle. Vous ne supportez pas les critiques !

M. le ministre. Je les supporte parfaitement, mais je les souhaite constructives. S’agissant d’un plan d’urgence pour notre économie, par exemple, vous me trouverez toujours présent, car je souhaite précisément aller plus vite et plus fort. On ne sort pourtant pas un plan d’urgence le mardi quand les résultats électoraux sont ce qu’ils ont été le dimanche – résultats que je vis comme vous, monsieur le député, avec la même gravité. Les mesures économiques se préparent. S’il faut se contenter de réduire les charges et les impôts et de régler les problèmes de l’autre, nous nous heurterons rapidement à une limite simple que nous connaissons tous : celle de nos finances publiques. Depuis trois ans, nous avons redéployé plus de 40 milliards d’euros. Pouvons-nous faire beaucoup plus en termes d’allégements fiscaux ? Ce ne serait pas raisonnable – sauf à changer le cadre européen.

Nous pouvons néanmoins accélérer la mise en œuvre de certaines mesures : j’y suis favorable et ferai des propositions en ce sens. Nous pouvons par exemple accélérer les mesures de simplification et de flexibilisation, pourvu qu’elles soient accompagnées de protections qui conviennent. C’est le sens de mes propositions concernant les qualifications. Je veux vous rassurer à cet égard, monsieur le député : mon objectif n’est pas de me conformer à des directives bruxelloises car, comme vous le savez, la directive en question est bien antérieure à notre initiative. Vous citez le Medef en expliquant qu’il faut écouter tous les points de vue ; cela vaut aussi pour Bruxelles. La Commission européenne a noté que notre réglementation concernant de nombreuses professions est nettement plus stricte que celle de certains de nos voisins. Est-ce bon pour notre économie ? Pas toujours. Nous avons donc le droit de nous interroger sur les qualifications. Certes, il existe des qualifications critiques car elles engagent des garanties décennales ; c’est le cas dans certains secteurs – le bâtiment, par exemple – où des ouvertures hors qualification n’engagent pas lesdites garanties, comme en atteste le développement d’entreprises offrant « tout service et entretien » sans se conformer au droit en vigueur, ou celui du bricolage du dimanche. M. Michel Sordi nous expliquait que la régulation de la qualité dans le secteur de la restauration, au fond, se fait par le consommateur lui-même, puisqu’il n’existe pas de garanties liées. Pourtant, de nombreux métiers sont assortis de qualifications à l’entrée alors même que la régulation pourrait ne reposer que sur l’appréciation du consommateur final, c’est-à-dire la valorisation de la compétence qui ne requiert pas forcément une qualification ex ante.

Voilà ce qu’il nous faut ouvrir en toute bonne foi. Il existe 600 000 entreprises soumises à des règles de qualifications, dont certaines sont à reconsidérer. Nous devons donc poursuivre dans cette voie pour dynamiser notre économie, sans pour autant déstabiliser les professionnels installés et nuire à la qualité de l’offre. En matière de restauration, monsieur Fasquelle, la belle loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques – que vous n’avez hélas pas votée – crée précisément le label de maître-restaurateur.

M. Daniel Fasquelle. Cette loi ne fonctionne pas !

M. le ministre. Elle n’est promulguée que depuis le 6 août : faites-la donc connaître et essayer avant de proposer une modification déjà prévue ! Le label de maître-restaurateur est accordé sur la base d’un cahier des charges contrôlé par un organisme indépendant sous l’autorité de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF.

Dans certains secteurs, la qualification est importante et pleinement reconnue, mais on ne sait pas la mettre en place. Je prendrai un exemple simple : celui de la cordonnerie. Voilà un métier qui suppose des qualifications importantes ; or, il n’existe plus de véritable centre de formation dans ce secteur. Ce sont donc des opérateurs privés d’excellence qui forment les cordonniers afin qu’ils puissent s’installer. J’ai indiqué ce matin même aux chambres des métiers et de l’artisanat que j’étais pleinement disposé à les accompagner afin de mieux structurer la formation des cordonniers. En somme, nous devons tenir un discours proportionné. Il faut d’une part valoriser les qualifications et les métiers – et, de ce point de vue, M. Thierry Benoit a raison – mais aussi, et sans contradiction aucune, envisager les tâches attenantes à un métier qui ne relèvent pas de la qualification correspondante. Il faut alors envisager comment la simplifier et, de manière très pragmatique, comment lever certaines contraintes réglementaires indues.

Telle est la remise à plat que j’ai souhaitée, tout en faisant plusieurs distinctions. Il faut tout d’abord distinguer entre les qualifications et métiers d’une part et, de l’autre, les contraintes administratives. Plusieurs professions se heurtent à des contraintes qui ne sont pas dues aux chambres des métiers et de l’artisanat, mais à l’administration. Certaines professions de services à domicile, par exemple, supposent des qualifications très précises sur lesquelles il est hors de question de revenir, mais auxquelles nous imposons des contraintes apparemment disproportionnées. Je pense à l’exemple récent de personnes exerçant la garde à domicile de personnes âgées en situation de dépendance à qui l’on demande de disposer d’un local pour recevoir le public : c’est une barrière à l’entrée, puisque quiconque a obtenu la qualification est en mesure de se déplacer à domicile, et lui demander de recevoir le public – ce qui n’est pas sa fonction première – dans un local dédié revient en quelque sorte à l’empêcher d’entreprendre.

Nous devons aussi vérifier si les qualifications d’entrée attenantes à plusieurs métiers se justifient. À cet égard, plusieurs orateurs ont soulevé à juste titre la question des coiffeurs, dont je connais les préoccupations. De tous les métiers régis par les textes adoptés en vertu de la loi du 5 juillet 1996, celui de coiffeur est le seul pour lequel l’installation d’un salon requiert un brevet professionnel, et non pas seulement un CAP. On peut donc légitimement se demander si le brevet professionnel se justifie pleinement. Je n’ai pas seul la réponse, mais je constate qu’il se crée deux fois plus d’emplois de coiffeur à domicile – qui ne requièrent qu’un CAP – qu’en salon. Autrement dit, il existe dans ce secteur une dynamique entrepreneuriale fondée non pas sur la loi de la jungle, mais sur la détention d’un CAP, comme dans les autres métiers régis par ces dispositions. En outre, nous ne disposons pas des mécanismes adéquats de valorisation des acquis de l’expérience. Ainsi, certains coiffeurs et coiffeuses titulaires d’un CAP et forts de dix ans d’expérience seraient parfaitement capables de créer leur propre salon, mais y renoncent faute de posséder un brevet professionnel – qu’il est rare de chercher à obtenir à ce stade d’une carrière. Voilà donc un cas typique de métier que nous devons examiner en toute bonne foi pour l’aménager sans le déstabiliser.

Autre exemple : la création de salons de coiffure en milieu urbain et dans certaines autres zones requiert parfois des qualifications qui ne sont pas couvertes par le brevet professionnel. Je pense à la demande liée aux cheveux crépus et frisés – la coiffure dite « afro ». À Paris, à Rennes et ailleurs, comme j’ai pu le constater, des jeunes possèdent toute l’expertise nécessaire pour répondre à cette demande et, ce faisant, contournent la loi, les uns en ouvrant des « salons spécialisés » qui sont en infraction totale à la loi et qu’un redressement peut mettre instantanément en défaut, les autres – plus grave encore – en se faisant sous-traitants dans un salon licite.

En clair, il faut examiner précisément l’évolution des qualifications et s’assurer qu’elles soient proportionnées : c’est un travail de dentelière. J’ai mandaté il y a deux mois Mme Catherine Barbaroux, ancienne déléguée générale à l’emploi puis directrice générale des services de la région Île-de-France avant de devenir présidente du Fonds Adie, une entreprise de microcrédit qui a à connaître de tels cas. L’an dernier, l’Adie a accordé 18 000 microcrédits, dont un tiers a été octroyé à des citoyens ne détenant qu’un CAP ou moins – et qui, autrement dit, n’avaient pas les qualifications suffisantes pour créer leur propre activité. Nous devons collectivement nous livrer à un travail culturel : examiner les barrières à l’entrée ne signifie pas dévaloriser une qualification. Il est possible, en effet, de valoriser un métier autrement qu’en dressant des barrières à l’entrée. Les nouvelles technologies permettent désormais de mieux évaluer les professionnels en toute transparence et en permanence, que ce soit dans la restauration ou dans le bâtiment. C’est la meilleure des sélections possibles. Nous pouvons dès lors proportionner les facteurs de rigidité à l’entrée. À entendre certains professionnels, en effet, on a parfois le sentiment qu’il faudrait non seulement détenir toutes les qualifications requises mais aussi savoir conduire une entreprise avant même de pouvoir l’ouvrir. Laissons donc les gens prendre des risques. Les entrepreneurs savent que l’échec est possible – et les protections prévues dans le droit visent à le rendre moins pénible. Pour permettre la prise de risques, il faut éviter d’imposer des barrières excessives.

J’en viens à la question distincte du statut juridique, qu’il faut simplifier. Il existe actuellement une multitude de statuts : l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) et bien d’autres encore. La complexité de ce maquis est un facteur de déséquilibre entre les entrepreneurs individuels, car ils ne sont pas assortis des mêmes garanties et des mêmes protections et entraînent parfois des conséquences fiscales et sociales différentes. Ainsi, les EIRL et les EURL relèvent – sauf refus de leur part – du RSI, tandis que les SASU dont le fondateur est aussi le mandataire social relèvent du régime général. Surtout, les EIRL et EURL qui souhaitent embaucher un premier salarié se heurtent à des contraintes administratives liées au fait qu’il faut changer de statut juridique. Les démarches administratives entraînent des conséquences fiscales – puisque les plus-values sont constatées – et ont un coût réel. Nous devons donc faciliter le parcours de croissance des entrepreneurs individuels.

Enfin, il existe des différences fiscales et sociales entre ces professionnels : les auto-entrepreneurs sont en quelque sorte contre le reste du monde. La création du statut d’auto-entrepreneur date de 2008 ; ce statut a permis depuis de créer environ un million de nouvelles entreprises, dont 10 % correspondent à la substitution d’artisans en exercice, et 90 % à de nouvelles créations. Il est vraisemblable que l’on a ainsi légalisé du travail illicite. Or, près de la moitié de ces auto-entrepreneurs ne déclarent quasiment pas de chiffre d’affaires. Nous devons être collectivement vigilants sur ce point, et nous travaillons à clarifier ce statut qui sert manifestement aux intéressés à bénéficier d’une couverture sociale et de facilités pour entreprendre de manière limitée, mais dont une partie de l’activité reste en marge de la légalité. De surcroît, le régime de l’auto-entrepreneur crée une concurrence déloyale pour certains types d’artisans, en particulier dans des métiers de service et en début d’activité. En effet, dès que les charges, qui ne sont pas déductibles, commencent à s’appliquer, le régime de l’auto-entrepreneur cesse d’être compétitif. Les chauffeurs de taxi, par exemple, constatent rapidement qu’ils ont plutôt intérêt à exercer dans le cadre d’une EIRL, d’une EURL ou d’une SASU en déclarant des bénéfices non commerciaux ou en payant l’impôt sur les sociétés qu’à demeurer auto-entrepreneurs. En revanche, ce statut est intéressant dans les métiers de prestation de services, car il offre un avantage sur la TVA et sur la cotisation foncière des entreprises (CFE). Dans certains métiers du bâtiment, par exemple, en particulier dans le domaine du « tout service », il arrive que les entrepreneurs demandent aux clients d’acheter eux-mêmes les pièces nécessaires aux travaux. Dans la mesure où ils ne tarifent plus que la prestation elle-même, et non le matériel, le statut d’auto-entrepreneur les intéresse davantage. Nous devons là encore être vigilants.

En tout état de cause, je crois qu’il faut déconstruire le statut d’auto-entrepreneur pour le démystifier, car il a parallèlement apporté des facilités déclaratives qu’il conviendrait de généraliser à l’ensemble des professionnels. Je me suis donc engagé à lancer une simplification en matière déclarative et concernant les contraintes de formation qui pèsent sur les salariés des professionnels. Les peintres en bâtiment, par exemple, doivent posséder une qualification en électricité pour les cas où ils s’approchent de prises de terre : sans doute pouvons-nous simplifier cette situation. De même, il convient d’alléger les formations annuelles imposées aux salariés de certaines entreprises, car elles ont trait à des compétences qu’ils n’utilisent jamais. Telle est la double action que nous conduisons en concertation avec l’ensemble des professionnels.

Ce point me conduit à la question du RSI. Comme je l’ai dit ce matin même aux représentants des chambres de métiers et de l’artisanat, de même que l’auto-entrepreneur était une bonne réforme, le RSI était une réforme mal inspirée de la majorité précédente mais, à sa décharge, à la demande des professionnels eux-mêmes ! Ils souhaitaient bénéficier d’un régime dans lequel ils auraient leurs propres interlocuteurs. Cette forme – fréquente – de fétichisme administratif a débouché sur un régime de taille trop modeste dont les coûts de gestion sont trop importants qui est responsable des dysfonctionnements que nous connaissons en terme d’information. Le remarquable rapport des députés Fabrice Verdier et Sylviane Bulteau a conduit à plusieurs réformes : médiation, simplification des règles de liquidation, expérimentation de l’auto-liquidation. Cependant, j’ai dit aux artisans qu’in fine, la solution la plus simple consistait à migrer vers le régime général puisque contrairement à l’idée reçue, il contribue à la solidarité compte tenu de la pyramide des âges des indépendants.

Si le débat sur le RSI est nourri par la haine ou le rejet des charges sociales, alors il est voué à s’interrompre rapidement, car les cotisations servent à couvrir des risques. Or, la population des indépendants étant vieillissante, ce régime est subventionné par l’équilibre général. Pour réduire les coûts de gestion, simplifier les mécanismes et professionnaliser les missions, les indépendants ont donc tout intérêt à se tourner vers le régime général, quitte à créer un guichet spécifique pour, le cas échéant, traiter les problématiques qui leur sont propres. Cela me semble beaucoup plus simple que de nous imposer à tous les contraintes d’un régime qu’ils ont souhaité.

S’agissant des indépendants, précisément, certains secteurs sont en crise et nous avons créé une cellule de vigilance sur ce point. Je suis pleinement à l’écoute de leurs préoccupations, en matière de trésorerie et de délais de paiement, notamment.

M. Thierry Benoit m’a également interrogé sur le numérique, et plus particulièrement sur les réseaux d’initiative publique (RIP), au sujet desquels je conviens que nous avons tardé. Nous avons donc décidé d’instaurer un encadrement tarifaire et demandé à l’ARCEP d’élaborer des lignes directrices, qui font actuellement l’objet d’une concertation, pour éviter tout dumping ou surtarification. C’est un facteur de justice et de transparence pour l’ensemble des acteurs et des collectivités territoriales. Ensuite, nous avons créé un cahier des charges permettant de grouper les offres, qui arrivaient parfois de manière émiettée. Je l’ai présenté en juin dernier dans le cadre du plan France très haut débit. Nous devons désormais traiter les 89 dossiers qui sont remontés, presque tous les départements étant couverts. Si besoin est, nous accroîtrons les capacités de l’agence chargée de la mission Très haut débit, dont les agents remarquables ont consacré beaucoup de temps à aider les collectivités à finaliser et améliorer leurs dossiers, parce qu’il est temps qu’elle se concentre sur le traitement desdits dossiers. Les crédits qui ont été votés et qui correspondent aux besoins doivent être délivrés. Je retiens votre argument, monsieur le député, selon lequel il convient de privilégier les territoires qui sont déjà les plus éloignés des services publics, et je m’engage à ce que les dossiers les concernant soient traités en priorité.

Nous avons dès l’origine notifié le plan France très haut débit à la Commission européenne, et la procédure d’interrogation est en passe de s’achever. Mme Margrethe Vesthager, commissaire à la concurrence, m’a fait part lundi dernier de la préoccupation de la Commission. Elle est simple : elle a trait à la montée en débit du réseau compte tenu du fait que cette structure est propre à l’opérateur historique, Orange. La Commission a compris la nécessité de la montée en débit, puisque Orange agit pour le compte des collectivités territoriales et non comme prestataire commercial – ce faisant, cette entreprise est d’ailleurs soutenue par les autres opérateurs. La Fédération française des télécoms a pris attache avec les services de la Commission pour les en convaincre, ce qui plaidera en faveur de notre dossier. La Commission souhaite afficher le caractère exceptionnel de ce dossier compte tenu de la situation de l’opérateur historique français, afin de ne pas créer de précédent dans les autres États. Tout en restant prudent et en respectant pleinement le travail de la Commission, je suis donc confiant, car le travail de persuasion a été conduit et nous avons présenté des arguments objectifs afin que ce dispositif soit validé.

Plusieurs députés m’ont interrogé sur l’apprentissage. L’ambition de revisiter l’ensemble des qualifications n’est en rien contraire à notre objectif de développement de l’apprentissage. Si nous croulions sous la demande et la pression de l’offre, la question serait légitime, mais ce n’est pas le cas. Au contraire, les deux éléments sont complémentaires, d’autant plus que les mesures de simplification que j’ai évoquées tout à l’heure concernent principalement des catégories qui n’entrent pas dans l’activité par l’apprentissage. Chaque année, 150 000 jeunes sortent du système scolaire et ne s’insèrent pas davantage par l’apprentissage ; en revanche, ils s’insèrent plus aisément par le biais de l’entreprenariat individuel et bénéficient souvent de microcrédits. Je n’ai pas la naïveté de croire que cette voie d’insertion constitue une panacée mais, loin de fragiliser la voie de l’apprentissage, elle en est complémentaire.

Pour poursuivre le développement de l’apprentissage, nous avons pris plusieurs mesures au printemps dernier. Mme Myriam El Khomri travaille avec l’ensemble des métiers pour adapter les contenus des apprentissages afin de les adapter aux besoins professionnels, car il apparaît que les qualifications en sont trop éloignées dans plusieurs métiers.

M. André Chassaigne m’a interrogé sur Coface en prenant un contrepied politique auquel je ne m’attendais pas de sa part, puisque nous avons rétabli dans le giron public une part de l’activité d’une entreprise récemment cotée.

M. André Chassaigne. J’en conviens, mais je ne faisais que demander des explications pour lever des inquiétudes.

M. le ministre. Il est parfois bon de faire vibrer certaines cordes… Quoi qu’il en soit, le transfert de l’activité de garanties publiques de Coface à BPIfrance constitue un élément de visibilité pour les entreprises car il permet de simplifier le dispositif en créant un guichet unique et de proposer aux PME une offre complète comprenant un financement, des garanties et des fonds propres. C’est aussi un facteur d’accompagnement beaucoup plus efficace, sachant qu’un coordination étroite se fera avec Business France. Il n’y aura aucune conséquence sociale. La conséquence la plus complexe concernera les systèmes d’information en transition. Tous les contrats seront transférés à BPIfrance, et les procédures de consultation de l’ensemble des organes compétents ont eu lieu en temps voulu. L’action de Coface pour le compte de l’État pourra désormais se déployer dans une institution pérenne dotée d’un actionnariat stable. Que tout malentendu sur cette opération soit donc levé.

En revanche, elle n’a aucun lien avec l’AFD, dont le rapprochement avec les établissements concernés de la Caisse des dépôts et consignations est actuellement en cours afin d’améliorer notre capacité d’intervention sur les marchés en développement, tout en préservant l’offre publique et privée qui existe à travers Proparco.

Le CICE poursuit son déploiement : il représente 17,5 milliards en 2015, 18,5 milliards en 2016 et 20 milliards sont prévus en 2017. J’entends les critiques formulées en matière de concertation, mais le comité d’entreprise est systématiquement informé et consulté au sujet de l’utilisation du CICE par l’entreprise – qu’elle se traduise par des recrutements, des investissements ou un comportement purement défensif – et il peut demander des explications supplémentaires. Un comité national de suivi se réunit avec les partenaires sociaux et publie un rapport annuel.

M. André Chassaigne. Permettez-moi justement de le citer : « Après deux ans, la consultation du comité d’entreprise sur le CICE prévue par la loi n’est pas systématiquement proposée par les entreprises ».

M. le ministre. Le comité de suivi, monsieur le député, rend une évaluation annuelle par France Stratégie qui nous a conduit à prendre deux mesures simultanées : la première a consisté à rappeler à l’ordre toutes les fédérations pour que la règle s’applique dans chaque entreprise de sorte que l’utilisation du CICE soit présentée au comité d’entreprise, puisque le rapport du comité de suivi a en effet noté que ce n’était pas systématique, et la seconde a consisté à demander aux branches de continuer à signer des accords, qui donnent plus de visibilité et de lisibilité. Treize des cinquante branches suivies par la direction générale du travail ont signé un accord, soit 4,4 millions de salariés sur les 11 millions qu’elles emploient ; c’est encore insuffisant.

Enfin, monsieur André Chassaigne, vous m’avez interpellé sur un ton plus politique au sujet de la moralisation de l’économie, et je vous ferai une réponse du même ordre. Cette moralisation a deux volets. Le premier doit prendre la forme d’un appel à la responsabilisation des grands groupes, comme je l’ai fait après le 13 novembre. Plus encore que les autres acteurs économiques, les grands groupes ont une responsabilité qui ne se décrète pas, mais qui correspond simplement à la place que leurs dirigeants estiment tenir dans notre économie. C’est fondamental. La Fédération des entreprises de propreté a lancé un appel la semaine dernière ; plus largement, je continuerai de travailler avec les grands groupes français pour les inciter à se mobiliser en termes d’investissement, d’apprentissage et de recrutement des jeunes, à faire, à dire, à expliquer. Dans le contexte actuel, les dirigeants d’entreprises jouent un rôle moral et citoyen, dont les responsables politiques n’ont pas l’exclusivité. Le cynisme d’autrefois est désormais interdit. Certes, on ne peut satisfaire tout le monde : l’intérêt général n’est jamais à la hauteur de la somme des intérêts particuliers. Les dirigeants des grands groupes doivent néanmoins assumer cette responsabilité ; c’est le premier levier de la moralisation économique. La véritable morale, en effet, vient des acteurs eux-mêmes.

Le deuxième volet de cette moralisation passe par le durcissement de certaines règles en matière environnementale et sociale, mais aussi en matière de responsabilité des entreprises. Plusieurs initiatives importantes ont déjà été prises en ce sens, et il faut poursuivre dans cette voie. Cependant, tout comme le socialisme dans un seul pays n’a pas pleinement réussi en d’autres temps, la moralisation de l’économie dans un seul pays peut se traduire par des sinistres industriels. Il faut donc conduire cette moralisation avec l’ensemble des pays développés ; c’est un gage d’efficacité. La moralisation fiscale, en effet, ne peut se faire seul – quoique nous procédions naturellement à des redressements individuels, quels que soient les groupes. Il faut néanmoins constater que le cadre adapté pour appliquer le projet de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices – dit BEPS – de l’OCDE, ce sont le G20 et l’Union européenne qui sont le niveau adéquat d’intervention. De même, la moralisation sociale doit se faire au niveau européen. Nous pouvons certes prendre de l’avance mais gardons-nous de faire peser sur nos propres acteurs des contraintes qui pourraient menacer jusqu’à leur capacité à produire. Sur bon nombre de ces sujets, la France doit endosser un rôle de chef de file comme elle le fait en matière environnementale, mais à chaque fois au niveau le plus indiqué, à savoir le niveau européen, tout en traitant au niveau national tous les sujets qui peuvent l’être.

Nous avons pris un arrêté autorisant dans les zones touristiques internationales l’ouverture des commerces jusqu’à minuit et le dimanche, sous réserve d’un accord d’entreprise, de territoire, de branche ou de groupe. Aucun accord de branche n’a été obtenu à ce jour, mais plusieurs accords d’entreprise ont été conclus et ont permis à plusieurs enseignes d’ouvrir en plusieurs lieux ; c’est une première avancée. Une négociation de branche est en cours sur les compensations, qui ont été significativement améliorées. C’était l’objectif que nous recherchions : permettre aux commerces d’ouvrir tout en améliorant les garanties et les compensations. La branche envisage le doublement des compensations, ainsi que des garanties de reconduite au domicile, dans l’esprit de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques qui a fixé des garanties rigides concernant le travail en soirée dans les ZTI. Il devrait être possible d’aboutir à un accord de branche en début d’année prochaine ; il a ma préférence, car il améliorerait l’homogénéité du dispositif et éviterait toute bataille entre enseignes, certaines décidant d’ouvrir et d’autres non, au motif qu’elles n’auraient pas obtenu les mêmes compensations.

Le décret relatif au crédit interentreprises sera soumis à la concertation des acteurs dans les prochains jours et sera publié au premier trimestre 2016. Ce dispositif créé par la loi permet aux entreprises de s’accorder des prêts entre elles, le décret devant préciser les limites prévues en termes de durée et de filière. S’agissant des délais de paiement, la loi précise que l’octroi d’un prêt interentreprises ne peut conduire à déroger aux plafonds légaux. La DGCCRF pourra s’appuyer sur cette disposition pour contrôler et sanctionner d’éventuels contournements ; nous continuons d’ailleurs de renforcer les sanctions.

M. Michel Lefait m’a interrogé sur les engagements pris par les opérateurs de téléphonie mobile en matière de résorption des zones blanches. La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a prévu que soit fixée la liste des centres-bourgs qui doivent être intégralement couverts en 2G d’ici fin 2016 et en 3G d’ici le printemps 2017. Un arrêté pris le 6 novembre a établi cette liste à la suite d’un travail conduit à ma demande par l’ensemble des préfets de région, afin de déterminer quelles étaient les communes dont les centres-bourgs n’étaient pas couverts par les opérateurs. Il existe cependant un conflit d’interprétation : il arrive en effet que certaines communes estiment ne pas être couvertes alors que leur centre-bourg l’est mais que la couverture devient défaillante dès que l’on s’en éloigne de quelques centaines de mètres. Les opérateurs, qui s’en sont plaints, ont vérifié la couverture réelle sur place. Une première liste a donc été arrêtée et je suis prêt à la compléter le cas échéant, même s’il faut d’abord lever les malentendus liés à la non-couverture de certaines parties des bourgs tandis que leur centre est couvert.

Nous avons accordé à l’ARCEP une capacité de sanction en cas de non-respect du déploiement. Parallèlement, le législateur a souhaité définir huit cents zones prioritaires en fonction de critères d’attractivité commerciale, touristique ou économique. Nous lancerons dans les prochains jours ce travail d’identification des zones proposées par les collectivités territoriales, afin qu’elles soient filtrées et identifiées au moyen de critères objectifs que nous définissons actuellement avec l’ensemble des parties prenantes, puis qu’y soient installées des antennes-relais entre 2016 et 2018. Le financement de ce déploiement incombe aux opérateurs de téléphonie mobile, qui ont signé en juin dernier, conformément à la loi, une convention par laquelle ils s’engagent à respecter le calendrier du déploiement et à la financer – l’investissement nécessaire étant de l’ordre de 800 millions à 1 milliard d’euros.

S’agissant des freins à l’embauche du premier salarié, madame Laure de La Raudière, il existe aujourd’hui une forte rigidité statutaire que nous devons résoudre. Concernant le CDI, nous avons procédé à une modernisation de la justice prud’homale qui est de nature à lever votre préoccupation, compte tenu des pratiques en vigueur chez certains de nos voisins européens. J’avais proposé en juillet dernier d’instaurer un plafond d’indemnités hors indemnités pour nullité du licenciement individuel, mais le législateur ne l’a pas acceptée. C’est une bonne mesure qui permet de tenir compte de la contrainte imposée par le juge constitutionnel, et qui sera de nouveau présentée dans le cadre du projet de loi sur les nouvelles opportunités économiques.

La solution industrielle consacrée à l’alimentation intelligente comprenait plusieurs plans que nous avons regroupés dans le cadre de la Nouvelle France industrielle pour en exploiter toutes les synergies. Une soixantaine d’actions sont conduites dans cette filière pilotée par le président de l’Association nationale des industries alimentaires, l’ANIA, qui joue un rôle important. Nous voulons développer la capacité à investir et à moderniser l’appareil productif en amont et en aval. En effet, nos difficultés agricoles et agro-alimentaires sont souvent dues au fait que nous n’avons pas suffisamment investi il y a quelques années, et que nous avons mal anticipé la fin de certaines aides et de certains modes de tarification. Or, il est indispensable de continuer à investir dans ces filières pour moderniser l’outil productif et l’outil de transformation. MM. Stéphane Le Foll et Guillaume Garot s’y étaient attelés dès 2013 ; la phase de mise en œuvre des appels à projets d’abattoir du futur, conçus lors de la crise agricole du début de cette législature, est un élément-clé du développement de la filière.

Plus largement, nous voulons structurer les filières en amont, renforcer la capacité du secteur à produire de la qualité et à se différencier par la valeur ajoutée, tant sur le marché français qu’à l’exportation, et contribuer à la transformation de l’appareil productif en améliorant les investissements nécessaires. Plusieurs mesures de modernisation sont prises dans des filières qui sont en train de se structurer – je pense à la filière bois, qui contribue à la solution industrielle consacrée aux villes durables, et à la filière des oléoprotéagineux. Nous voulons désormais accélérer ce travail de structuration des filières dans le secteur de l’élevage et ailleurs.

M. Hervé Pellois m’a interrogé sur Renault. L’État actionnaire depuis 1945 dans cette entreprise a souhaité l’application de la loi dite Florange afin qu’il puisse bénéficier de droits de vote double. Cette mesure n’a aucun impact sur les équilibres de l’alliance entre Renault et Nissan qui a été conclue lorsque l’État détenait 40 % du capital de Renault. Le conseil d’administration de Renault a formulé une résolution visant à s’écarter de l’application du droit de vote double, cette résolution devant être adoptée aux deux tiers des voix des actionnaires présents lors de l’assemblée générale. Pour préserver nos droits, nous avons momentanément acquis des titres pour passer de 15,01 % à un peu plus de 19 % et nous assurer une minorité de blocage, ce qui a été fait et qui nous a permis de bénéficier du droit de vote double. Je l’ai dit d’emblée : nous céderons les titres ainsi acquis et rétablirons notre participation à hauteur de 15,01 % dès que ce sera possible en termes réglementaires, puisque l’État, en tant qu’acteur initié, ne peut pas intervenir sur le marché dans le cadre des nombreuses discussions qui se déroulent entre Renault et Nissan, et lorsque la valorisation des titres permettra de les céder sans léser le contribuable. Nissan estime que nous remettons en cause les équilibres de l’alliance ; ce n’est pas notre point de vue. Notre priorité consiste à conserver une minorité de blocage en assemblée générale afin de sanctuariser la capacité d’intervention de l’État sur des décisions structurantes. Il va de soi que l’État ne s’immisce en rien dans le quotidien opérationnel de Renault ni dans celui de Nissan, et qu’il n’a aucune intention de revenir sur les équilibres de l’alliance, qui ont prouvé leur efficacité. Nous nous en tiendrons à cela.

Il est encore trop tôt pour tirer toutes les leçons des fusions entre acteurs économiques de l’État, mais il est certain que le rapprochement de la Sopexa avec Expertise France et la création de Business France ont permis de simplifier le paysage de ces acteurs. Nous disposons désormais de guichets uniques. Outre la gestion de la fusion des deux opérateurs antérieurs, Business France a également achevé la réalisation de leurs objectifs et s’est fixé de nouveaux objectifs plus ambitieux encore. Cette simplification est donc utile pour l’économie et pour les acteurs eux-mêmes.

Les négociations commerciales pour 2016, madame Annick Le Loch, ont démarré. Il s’agit toujours d’un moment de grande tension. Je me suis exprimé devant les professions – créant parfois un certain émoi – pour confirmer que nous procéderons à tous les contrôles nécessaires, car la structure du marché est telle qu’elle crée des déséquilibres. Aux milliers de producteurs font face une poignée d’acheteurs qui, de surcroît, se sont regroupés en centrales d’achats, et des millions de consommateurs. Ainsi, le rapport de force est plutôt favorable aux distributeurs – que je ne stigmatise pas ; je ne fais que constater. J’ai donc souhaité que toute la transparence soit faite grâce aux contrôles.

Cette négociation doit privilégier l’apaisement et la responsabilité de tous les acteurs pour qu’ils changent d’état d’esprit et qu’ils développent la culture du partenariat que connaissent certaines filières. L’apaisement passe par la fin de la guerre des prix et par un travail de pédagogie à l’égard du consommateur : les choses ont une valeur et, à considérer que tout vaut toujours moins, on ne peut plus innover, voire produire. C’est tout l’amont de la filière qui peut s’en trouver détricoté. Pédagogie, transparence et labellisation de certains producteurs : voilà la logique qui fonde l’apaisement, que certains distributeurs ont acceptée.

Il faut ensuite équilibrer les relations entre acteurs. Mme Martine Pinville, M. Stéphane Le Foll et moi-même avons vivement incité l’adoption de guides de bonnes pratiques, mais il appartient aussi à l’État de prendre des sanctions quand c’est nécessaire. C’est pour ce faire que la DGCCRF procédera à davantage de contrôles et aura la possibilité de prendre des sanctions plus sévères. La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques en effet, a augmenté les sanctions qui peuvent désormais atteindre 5 % du chiffre d’affaires parallèlement au montant autorisé de 2 millions d’euros.

Le marché évolue, et il faut scruter les équilibres entre secteurs avec une grande vigilance. Saisie par le Gouvernement et par le Sénat, l’Autorité de la concurrence a rendu son avis : les centrales d’achats ne sont pas des alliances capitalistiques qui relèvent de son contrôle, mais nous devons suivre leur activité pour en constater, le cas échéant, les effets pervers.

La concertation concernant l’article 4 de la loi précitée s’achèvera bientôt, monsieur Lionel Tardy. Le sujet était particulièrement complexe. Le décret sera pris d’ici fin janvier – avec un léger décalage, j’en conviens – et permettra donc d’ouvrir les données de transport.

Le découpage entre le projet de loi pour une République numérique et le projet de loi NOE est simple : le premier concerne principalement les libertés numériques et l’ouverture des données publiques tandis que le second, plus large, comporte de nombreuses mesures de déverrouillage de l’économie afin de l’adapter à la grande transformation numérique et aborde les questions des données d’intérêt général, de l’accélération de l’innovation et de l’adaptation de son financement.

S’agissant des délais de paiement dans l’administration, monsieur Lionel Tardy, la loi précitée a intégré les entreprises publiques dans le champ de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dont elles étaient absentes jusque là. Ainsi, elles sont désormais soumises au pouvoir de contrôle et de sanction de la DGCCRF. D’autre part, il faut distinguer entre deux catégories de pouvoirs publics : les ministères se sont imposés de leur initiative des délais de paiement réduits – trente jours contre soixante, et même vingt jours d’ici 2017 – et dépassent de moins en moins ces délais ; quant aux hôpitaux et collectivités territoriales, que je n’ai pas le pouvoir de réguler en la matière, j’ai lancé un travail partenarial en saisissant l’ensemble des associations compétentes afin qu’au premier trimestre 2016, ces collectivités puissent prendre un engagement proactif visant à réduire leurs délais de paiement.

Quoi qu’il en soit, l’ensemble des acteurs privés et publics est désormais soumis aux travaux de surveillance et de transparence que conduit l’observatoire des délais de paiement, qui rendra une analyse complète au début 2016 grâce à laquelle nous pourrons progresser davantage.

Mme Bernadette Laclais m’a interrogé sur la modernisation du dispositif de l’ISF-PME. Je reconnais votre constance et votre volonté d’améliorer les mécanismes de financement de notre activité. Nous sommes néanmoins obligés de modifier ce dispositif qui n’avait pas été notifié à la Commission européenne en son temps et qui doit se conformer au RGEC, dont je rappelle les conditions : pour être éligible, l’entreprise ne doit pas exercer d’activité sur un marché ou, si elle exerce, le faire depuis moins de sept ans à partir de sa première vente commerciale, ou encore requérir un investissement en faveur du financement des risques qui, sur la base du plan d’entreprise, est supérieur à 50 % de son chiffre d’affaires annuel. Cela permet à certaines entreprises qui ont déjà commencé à innover de demeurer éligibles au mécanisme pendant sept ans. Vous souhaitez l’élargir, madame la députée, à d’autres secteurs qui, il est vrai, peuvent en éprouver le besoin. Toutefois, si nous relevons ce délai de sept ans à dix ans, le dispositif ne sera plus conforme au RGEC. La négociation a d’ores et déjà eu lieu à Bruxelles, et cette proposition n’a pas été retenue. L’adopter dans le PLFR obérerait notre capacité à faire adopter une texte conforme au RGEC. Je vous propose donc une action en deux temps : adoptez d’abord la réforme telle qu’elle a été négociée avec la Commission européenne qui nous permet de structurer un dispositif visible et utile répondant à des besoins, mais poursuivons dans le même temps la négociation concernant toutes les améliorations que nous pourrons effectuer afin de répondre à des cas précis dans le cadre du projet de loi NOE.

Sept des treize participations de l’État sont en baisse, monsieur Yves Daniel, car notre patrimoine d’un peu plus de 100 milliards d’euros d’actifs est surexposé aux secteurs des transports et de l’énergie, qui traversent une crise profonde. Dans le secteur des transports, la compétition mondiale s’est renforcée et la capacité d’investissement public s’est réduite, même si nos titres ont moins souffert que d’autres. Surtout, le secteur énergétique explique les trois quarts de cette baisse pour les raisons que j’ai expliquées plus tôt. Cela étant, l’État est un actionnaire de long terme ; cette baisse ne me traumatise donc pas, même si elle suscite plusieurs réflexions. Tout d’abord, en tant qu’actionnaire de long terme, précisément, l’État ne saurait se désinvestir au motif qu’un secteur traverse de graves difficultés, bien au contraire. Nous devons néanmoins renforcer notre vigilance pour restructurer la filière énergétique afin qu’elle puisse répondre aux défis actuels et à venir. Ensuite, nous devons envisager la diversification de ce patrimoine et à la participation de l’État actionnaire dans de nouveaux secteurs, car il a sans doute trop investi dans des secteurs historiques. Ce sera l’un des objets du projet de loi NOE, afin de mobiliser davantage d’actifs de l’État en direction du financement de l’innovation et de certains secteurs en rupture qui sont complémentaires de son portefeuille actuel.

Vous savez, madame Pascale Got, que mon cabinet est pleinement impliqué dans l’avenir de l’usine Ford de Blanquefort, afin que le site conduise de nouveaux projets et crée de l’activité pour ses salariés. Les discussions se poursuivent pour réallouer du volume d’activité, et toutes les parties prenantes – collectivités et salariés – ont consenti d’importants efforts. Il va de soi que je vous tiendrai informée de l’évolution de la situation ; si la discussion n’est pas spontanée, elle est volontaire. Le groupe Ford Europe a, me semble-t-il, pris conscience de la nécessité de pérenniser l’activité sur ce site. Je serai sur ce dossier tout aussi vigilant que vous.

Enfin, madame la présidente, Bouygues critique depuis longtemps – sans doute même depuis l’octroi de la quatrième licence – le fait qu’un contrat d’itinérance ait été accordé au quatrième opérateur, Free Iliad. Comme je l’ai déjà répété à plusieurs reprises, il est normal, lorsqu’un nouvel acteur arrive sur le marché, de ne pas organiser son éviction par les infrastructures. Il était donc légitime de lui accorder l’itinérance ; cela doit néanmoins se faire sans pénaliser les opérateurs qui ont investi dans le réseau historique.

Convenons d’emblée que tous les opérateurs ont pris leurs responsabilités lors de l’octroi de la bande des fréquences de 700 mégahertz, y compris le groupe Free. Si d’aucuns doutaient de sa volonté d’investir durablement dans le secteur, il leur a répondu en présentant une offre et en investissant. Le groupe Bouygues s’adresse désormais à l’État au motif que l’ARCEP, qui n’a pas de personnalité morale, aurait commis une faute en ne régulant pas assez tôt la sortie de l’itinérance. Je rappelle que les dispositions de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques permettent à l’ARCEP de disposer de tous les outils lui permettant d’avancer en la matière, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors. Elle va donc pouvoir accélérer les mesures de sortie. D’autre part, elle a annoncé d’ici la fin de l’année la publication de lignes directrices qui guideront son action en vue de consulter l’ensemble des acteurs. Je ne doute pas qu’elle apporte au groupe Bouygues une réponse sur le fond dans les prochains jours. Ce n’est pas le premier recours que ce groupe dépose sur le même sujet, ce qui atteste de sa constance et de sa cohérence. Le cadre que nous avons établi me semble toutefois stable.

Mme la présidente. Nous vous remercions, monsieur le ministre, pour ces réponses très complètes.

*

Puis la commission a enfin examiné, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements restant en discussion sur la proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (n° 3052) (M. Guillaume Garot, rapporteur). Elle a émis un avis défavorable sur les trois amendements qui lui étaient soumis.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 8 décembre 2015 à 17 heures

Présents. - Mme Brigitte Allain, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, M. André Chassaigne, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy

Excusés. - Mme Corinne Erhel, M. Thierry Lazaro, M. Kléber Mesquida, M. Bernard Reynès, Mme Catherine Troallic

Assistaient également à la réunion. – M. Guillaume Garot, Mme Bernadette Laclais