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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

La fiscalité des hébergements touristiques

Mercredi 12 février 2014

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 3

– Audition, ouverte à la presse, de M. Michel Cazaubon, chef du bureau des destinations touristiques au ministère du redressement productif

Co-présidence
de Mme Monique Rabin, M. Éric Woerth et M. Éric Straumann, rapporteurs

M. Éric Woerth, président. Nous accueillons M. Michel Cazaubon, chef du bureau des destinations touristiques au ministère du redressement productif. Monsieur, pourriez-vous nous présenter d’abord l’action de votre direction et les points selon vous importants du sujet qui nous intéresse.

M. Michel Cazaubon, chef du bureau des destinations touristique. Je précise tout d’abord que la taxe de séjour, frappant la nuitée, est la seule imposition à peser sur l’activité touristique au sens strict. La taxe de séjour est aux mains de la direction générale des collectivités territoriales (DGCL) mais nous participons à la réflexion sur une possible réforme de cette taxe, dans la mesure où nous sommes plus au contact des professionnels du tourisme que le ministère de l’intérieur.

Les critiques de la taxe de séjour ne sont pas nouvelles et elles émanent tant des élus locaux que des professionnels. Les premiers soulignent qu’elle est d’un rendement faible et qu’elle n’est pas représentative de la réalité d’une économie touristique. Les seconds se plaignent que, n’étant pas instituée partout, elle génère des distorsions de concurrence entre les territoires. Les deux se rejoignent dans leur incompréhension de la justification de cette taxe.

D’après ce que je perçois, il n’y a pas d’effort de pédagogie suffisant pour expliquer à quoi elle sert. Des divergences existent entre élus et professionnels sur les actions menées par les offices du tourisme et financées par la taxe. Devant les protestations des professionnels, les élus ont parfois du mal à justifier son rôle. Peut-être cela tient-il au fait que, bien qu’elle soit affectée, son objet est très vaste : elle doit contribuer à « favoriser la fréquentation touristique ». Dès lors, les collectivités qui perçoivent la taxe en affectent le produit à toute dépense susceptible d’améliorer les conditions de séjour. Or, le caractère quasi universel de la ressource dilue les sommes perçues dans un ensemble de dépenses au sein desquelles n’apparaît pas la justification directe de ce prélèvement opéré sur l’activité économique touristique et dont, en principe, le produit devrait lui profiter. Il s’agit d’une recette de la section de fonctionnement mais qui contribue à l’autofinancement et donc peut contribuer à l’investissement. Force est de constater que cela n’apparaît pas toujours clairement, et ceci n’aide pas à justifier ce prélèvement auprès des professionnels. Je rappelle, d’ailleurs, que la taxe peut aussi couvrir des dépenses en faveur de la préservation et de la mise en valeur des espaces naturels, communaux et départementaux.

Avec la DGCL, nous avons essayé d’engager des réformes. Des rapports d’inspection ont été rendus, tendant à transformer la taxe de séjour en une « taxe touristique », par le biais d’un élargissement de l’assiette, notamment par le recours à d’autres critères que la nuitée. S’est alors posée la question de savoir quelles activités retenir sans frapper aussi les résidents. Définir les activités touristiques s’est révélé complexe si bien que les gouvernements successifs n’ont pas donné suite.

D’autres pistes ont été envisagées comme la réforme de l’une des « deux » taxes – on distingue le forfait pesant sur les logeurs et la taxe au réel pesant sur les personnes hébergées – avec la volonté de privilégier le premier qui, par rapport à la seconde, présente l’avantage de limiter l’évasion fiscale. Cela a été étudié dans un rapport d’inspection de 2004. Finalement, les élus ont manifesté la volonté de conserver leur liberté de choix.

De façon assez paradoxale, la taxe est critiquée pour son faible rendement mais l’on voudrait aussi frapper le moins possible les activités touristiques, notamment quand elle est recouvrée au forfait. Par ailleurs, le contrôle en est difficile. La taxe est recouvrée par le comptable municipal, au profit de la commune et du département en cas de taxe additionnelle.

Il faut prélever une somme juste sur l’économie touristique sans trop la frapper. L’équilibre ne peut être trouvé et la taxe légitimée que par le retour qu’obtiennent les professions touristiques. Le droit prévoit que l’utilisation de la taxe doit être justifiée, il suffirait de l’appliquer. En effet, l’exécutif local doit, dans le compte administratif, faire état de la somme qui a été recouvrée et de l’usage qui en a été fait. Ce reporting est destiné à ouvrir le débat au sein de l’organe délibérant de la collectivité, voire au sein de l’office de tourisme. L’important, c’est d’en discuter. La légitimité d’un prélèvement sur l’activité touristique réside dans la capacité des élus à expliquer son utilisation.

M. Éric Woerth, président. Dans ma collectivité, ce sont les hébergeurs qui proposent ; ensuite, elle dispose.

M. Michel Cazaubon. Votre exemple illustre l’intérêt du débat. Il faut montrer que la taxe est investie au profit de l’économie touristique, pour améliorer l’attractivité ou l’efficience du territoire, surtout quand il s’agit d’un secteur déterminant. Plus le territoire est touristique, plus la question du niveau et de l’affectation de la taxe est légitime et importante. Nous militons pour que la discussion se tienne déjà au sein de l’office de tourisme, qui constitue une enceinte privilégiée puisqu’il coordonne l’activité des professionnels.

Les limites de la taxe, fixées par le législateur entre 0,20 et 1,50 euro, sont déjà anciennes. Peut-être faut-il y voir l’une des raisons de son faible rendement. On pourrait imaginer une formule d’indexation, par exemple sur le coût de la vie.

On pourrait aussi s’interroger sur l’assiette et étendre la taxe à des formules d’hébergement au-delà de celles qui le sont déjà. Je pense en particulier aux camping-cars et aux bateaux de croisière, en particulier aux megaships. Les enjeux ne sont pas minces, pour des ports tels que Le Havre ou Marseille où les installations portuaires servent aux très nombreux de vacanciers qui s’y déversent. On pourrait légitimement et facilement frapper les croisiéristes puisque les armateurs ont la liste nominative des passagers. Comme les bateaux se déplacent la nuit, le fait générateur serait l’amarrage à quai. On pourrait aussi envisager de taxer certains parkings dédiés, comme ceux construits le long de certaines plages. Les lieux seraient désignés par les collectivités, selon une procédure particulière à fixer. Un tel système ne peut cependant fonctionner qu’avec un tarif déterminé, c'est-à-dire de façon censitaire. En ce qui concerne les camping-cars, il s’agirait d’une sorte de compensation à la taxe de séjour qu’ils n’acquittent pas et qui pourrait servir à financer l’aménagement d’espaces à leur profit.

M. Éric Woerth, président. Avez-vous, avec vos collègues de la DGFiP, réfléchi à la question de la collecte ?

M. Michel Cazaubon. Il n’y a pas de difficulté particulière même s’il n’est pas simple d’aller chercher le produit quand il ne vient pas. Nos collègues de la législation fiscale nous ont souvent dit qu’il n’était pas possible, en l’état des textes, de prévoir la taxation d’office. Il serait sans doute intéressant que ce soit le fisc qui liquide et recouvre la taxe, et non plus le comptable municipal.

Dans ce cadre, peut-être pourrait-on réfléchir à une taxe nationale dont le produit serait ventilé entre plusieurs organismes tels qu’Atout France qui promeut l’image du pays à l’international.

M. Éric Woerth, président. Je suis sceptique… Il faut laisser des initiatives aux collectivités et la taxe relèverait alors du niveau national. Cela dit, la collectivité n’a pas les moyens d’aller vérifier elle-même si ce qui lui a été versé est conforme à ce qui lui est dû.

M. Michel Cazaubon. Cela dépend, certaines communes du sud de la France s’en donnent les moyens. J’ai en tête l’exemple d’une commune, entre 20 000 et 40 000 habitants, qui vérifie le produit fiscal. Mais cela suppose du personnel et toutes les communes ne sont pas en mesure de le faire, d’autant plus que les communes touristiques sont souvent petites. Elles comptent souvent entre 3 000 et 5 000 habitants.

M. Éric Woerth, président. Quelle est la procédure, exactement ?

M. Michel Cazaubon. Le logeur qui collecte la taxe doit en verser spontanément le produit aux dates fixées par une délibération du conseil municipal. Il doit également établir une déclaration s’appuyant sur son registre, avec la durée de séjour et le nombre de personnes concernées. Les déclarations et les règlements ne sont pas forcément concomitants. Si le logeur ne paie pas, le comptable peut intervenir. Dans le système au réel, l’ordonnateur, en début de période, émet le titre de recettes que le comptable recouvre aux dates fixées par le conseil municipal, si bien qu’il est plus garant de régularité que le forfait.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Comment les autres pays européens financent-ils le tourisme ?

M. Michel Cazaubon. Sans pouvoir être très précis, je pense à la Tunisie qui a instauré une taxe nationale sur le chiffre d’affaires des compagnies aériennes pour financer la promotion. Il y a deux ans, la Catalogne a institué une taxe sur les nuitées, dans la limite de sept jours. Elle est modulée mais son niveau est trois à quatre fois supérieur au nôtre. Un système similaire existe au Cap Vert, je crois. À Amsterdam, la taxe est calculée en pourcentage, 4 ou 5 %, de la facture d’hébergement. On trouve à la fois des approches locales et nationales. Dans ce cas, il s’agit de promouvoir pays à l’international et cela a son importance.

M. Éric Woerth, président. Que savez-vous des travaux de l’OCDE sur cette question ?

M. Michel Cazaubon. L’OCDE mène une enquête dans le but de déterminer les systèmes les plus efficaces au plan économique, pour savoir si une taxe sur le tourisme stimule ou freine l’investissement, et si elle rend les entreprises plus innovantes. Autant de questions dont nous attendons impatiemment les réponses.

M. Éric Woerth, président. Monsieur, il ne me reste plus qu’à vous remercier.