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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Gestion des programmes d’investissements d’avenir relevant de la mission « Recherche et enseignement supérieur »

Mercredi 19 février 2014

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 4

Présidence de M. Alain Claeys, président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Louis Gallois, commissaire général à l’investissement, accompagné de M. François Rosenfeld, directeur financier du Commissariat général à l’investissement (CGI), M. Jean-Pierre Korolitski, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche universitaire, M. Claude Girard, chargé du processus de valorisation et de la recherche technologique, et M. Jean-Régis Catta, chef de cabinet, chargé des relations avec le Parlement, sur le thème : « La gestion des programmes d’investissements d’avenir relevant de la mission “Recherche et enseignement supérieur” ».

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Nous ouvrons aujourd’hui les travaux de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des finances sur la gestion des programmes d’investissements d’avenir relevant de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Patrick Hetzel, membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et rapporteur pour avis sur les crédits de recherche, et moi-même, rapporteur des crédits de recherche pour la commission des finances, animerons cette mission. Conformément au mode de fonctionnement de la MEC, fondé sur l’élaboration d’analyses de fond débouchant sur des propositions de consensus, cette mission d’évaluation comporte donc deux rapporteurs, l’un de la majorité, l’autre de l’opposition.

Nous accueillerons également, tout au long de nos travaux, des magistrats de la Cour des comptes. Il s’agit de Mme Nadia Bouyer et de Mme Laure Fau. Je salue aujourd’hui, la présence de M. Patrick Lefas, président de la troisième chambre, qui a déjà participé à nos travaux lors de nombreuses missions consacrées à la recherche.

Monsieur Louis Gallois, vous êtes, en tant que commissaire général à l’investissement, le chef d’orchestre de la mise en œuvre des investissements d’avenir. Il était donc logique que ce soit par votre institution que la MEC débute son cycle d’auditions, et je vous remercie d’avoir répondu, avec vos collaborateurs, à notre invitation. Nous sommes évidemment désireux de recueillir le fruit de votre expérience, ainsi que vos réflexions. Je rappelle que vous avez déjà eu l’occasion de vous exprimer le 16 juillet 2013 devant la commission des finances.

La gestion des programmes d’investissements d’avenir, enjeu majeur par lui-même, comporte plusieurs sous-enjeux.

Le premier est relatif à la mise en œuvre des investissements d’avenir sur la durée. Comment sont suivis les projets en cours de réalisation ? Comment sont traités les projets prenant trop de retard ? Dans quelles conditions un projet peut-il être arrêté et, dans ce cas, selon quelles procédures les crédits peuvent-ils être redéployés ?

La mission d’évaluation et de contrôle est aussi amenée à s’interroger sur la cohérence des financements de la recherche entre programmes d’investissements d’avenir et crédits budgétaires. Comment avoir une vision d’ensemble des financements, qui permette une allocation des crédits budgétaires tenant compte des dotations versées au titre des investissements d’avenir, notamment des intérêts des dotations non consommables ?

La sortie des investissements d’avenir doit aussi être envisagée dès aujourd’hui. Quel sera le sort des dotations non consommables après la période probatoire imposée à chaque projet ? En particulier, leur attribution définitive sera-t-elle faite sous forme non consommable par le versement d’intérêts annuels, comme c’est le cas aujourd’hui, ou les dotations deviendront-elles consommables ? Cette problématique est particulièrement cruciale pour les initiatives d’excellence (IDEX).

En aval de la recherche, l’influence des investissements d’avenir sur les dispositifs de valorisation de la recherche intéresse aussi notre mission : l’émergence progressive des sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) et des consortiums de valorisation thématiques (CVT), ainsi que leur articulation avec les dispositifs déjà créés par les grands organismes de recherche, comme Inserm-Transfert, font partie de ses champs de réflexion.

Enfin, quelles modifications, par rapport à la procédure suivie dans le premier programme d’investissements d’avenir, l’expérience suggère-t-elle pour le deuxième programme ?

En juillet dernier, vous déclariez : « en ce qui concerne nos procédures, j’ai, lors de ma prise de fonctions, donné pour triple mot d’ordre : simplification, accélération et travail en commun ». Quelques mois plus tard, la simplification est-elle au rendez-vous ?

M. Louis Gallois, commissaire général à l’investissement. Je commencerai par présenter la gouvernance du Programme d’investissements d’avenir (PIA) et sa spécificité. Ce programme est guidé par plusieurs principes.

Le premier est le recours à des appels à projets sélectionnés par des jurys internationaux composés de personnalités ayant une expertise dans les domaines traités – celui des initiatives d’excellence, par exemple, compte vingt membres, dont sept Français, et est présidé par M. Jean-Marc Rapp, professeur à l’université de Lausanne.

Le deuxième est le choix des projets en fonction de critères de qualité ou d’excellence, et non pas, a priori, selon une logique d’aménagement du territoire – ce qui ne signifie pas pour autant que nous nous désintéressons de l’impact territorial.

Troisième principe : les financements accordés sont des financements additionnels aux crédits budgétaires, et non pas substitutifs. Ce principe est le plus difficile à faire respecter : nous subissons une pression très forte pour faire des investissements d’avenir la session de rattrapage des crédits sollicités par les différents ministres auprès du ministre du budget. Notre meilleure défense face à cette pression est de nous appuyer sur le Premier ministre.

Le quatrième principe est la transparence. Nous disposons à cette fin d’un comité de surveillance, au sein duquel l’Assemblée nationale est représentée, et qui est coprésidé par les deux initiateurs des investissements d’avenir, M. Alain Juppé et M. Michel Rocard. Ce comité, qui se réunit régulièrement, nous est très utile. Nous intensifions nos relations avec ce comité, en organisant avec lui, afin qu’il soit très au fait de nos activités, des réunions thématiques sur des sujets tels que la transition énergétique ou la recherche technologique.

Professant la transparence, nous informons régulièrement le Parlement – Assemblée nationale et Sénat – de nos travaux. Nous lui adressons une documentation assez abondante. Je suis auditionné plusieurs fois par an par les différentes commissions des deux assemblées. Le « jaune » relatif aux investissements d’avenir, joint au projet de loi de finances, est un document très complet, auquel nous envisageons d’adjoindre un document d’accès plus aisé.

Les avis des jurys sont transmis chacun à un comité de pilotage – présidé, pour ce qui nous intéresse aujourd’hui, par le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ou par ses représentants. C’est au sein de ces comités que s’organise la coordination entre l’action du ministère et celle au titre des investissements d’avenir. Le CGI, qui n’est pas toujours membre de ces comités, y assiste et transmet leurs décisions au Premier ministre, avec pour seul droit celui d’émettre un avis sur ces décisions.

Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et le CGI ont ainsi le rôle de maîtres d’ouvrage, et l’Agence nationale de la recherche (ANR) celui de maître d’œuvre.

Le dernier principe est celui du suivi et de l’évaluation. Le suivi, qui doit être systématique, porte sur le respect des engagements pris et des procédures. L’évaluation, qui consiste à formuler un jugement plus global sur l’impact des investissements d’avenir et leur capacité à opérer des transformations, est pour nous la tâche la plus difficile.

Après ces quelques rappels sur la gouvernance des investissements d’avenir, j’en viens à la cohérence de notre action avec la politique du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Les investissements d’avenir donnent des moyens supplémentaires aux équipes et aux organismes qui se situent à un haut niveau de qualité au sein de la compétition internationale, à travers les initiatives d’excellence (IDEX), les laboratoires d’excellence (LABEX) et les équipements d’excellence (EQUIPEX) pour ce qui concerne l’université, ainsi que, pour la recherche technologique, les instituts de recherche technologique (IRT), les instituts pour la transition énergétique (ITE) et les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT).

Le deuxième programme d’investissements d’avenir (PIA2) a ouvert une nouvelle porte en prévoyant, à côté des IDEX, des ensembles au périmètre plus limité, mais du niveau de qualité que nous visons et capables de dialoguer avec l’économie. Ce dispositif, fruit d’un travail collectif, a été défini en totale coopération avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Par ailleurs, en créant ainsi des entités dont l’impact et les méthodes sont destinés à se diffuser, nous positionnons des « balises d’excellence ». Ces balises, qui ont vocation à être dupliquées, sont en quelque sorte des instruments de référence, en termes tant de niveau de qualité que de processus, qui permettent d’aider le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche à définir sa politique, qui est beaucoup plus globale que la nôtre puisqu’elle s’applique à l’ensemble du dispositif universitaire.

Ainsi, le Commissariat général à l’investissement, s’il est le garant des principes des investissements d’avenir, ne fait pas la politique du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche : il se contente d’apporter à celui-ci les instruments que je viens d’énumérer. Le CGI soutient la politique du ministère par sa capacité à différencier et à transformer, et par les points d’application que définissent ses équipes.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Quelle est la procédure des appels à projets ?

M. Louis Gallois. Le CGI signe des conventions avec l’opérateur – l’Agence nationale de la recherche. Ces conventions ont été établies par lui en relation étroite avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, les éventuels conflits étant arbitrés au niveau du Premier ministre et la décision alors figée sous forme de « bleu » du Premier ministre – en pratique, pratiquement toutes les conventions sont « bleuies ».

M. François Rosenfeld, directeur financier du Commissariat général à l’investissement. Généralement, nous parvenons à nous mettre d’accord.

M. Louis Gallois. Certes, mais Matignon souhaite pouvoir bleuir les conventions. Le Premier ministre les signe. Le Commissariat général à l’investissement est en effet un outil du Premier ministre et n’a pas d’autonomie vis-à-vis de ce dernier.

Ce sont ces conventions qui fixent les modalités de l’appel à projets.

Pour ce qui est du suivi et de l’évaluation, le travail préalable mené par l’Agence nationale de la recherche, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et nous-mêmes lors de l’établissement de la convention permet de définir le processus d’évaluation et les documents, les indicateurs et le calendrier du suivi.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Quelle est l’articulation entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre ?

M. Louis Gallois. C’est le maître d’œuvre, l’ANR, qui fait entièrement le travail d’évaluation et de suivi. Pour les universités, nous ne disposons au CGI que de deux personnes et il est donc hors de question que nous le fassions.

M. Patrick Hetzel, rapporteur. Les suivis transversaux que vous avez instaurés et qui se superposent aux suivis par action n’induisent-ils pas un risque de déresponsabilisation des opérateurs ?

M. Jean-Pierre Korolitski, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche universitaire au Commissariat général à l’investissement. Outre un suivi par projet et une synthèse par action des suivis par projet, l’opérateur ANR assure en effet, dans une approche transversale, un suivi régional trans-actions.

M. Louis Gallois. Il s’agit là d’une dimension territoriale que j’ai entrepris de renforcer à la demande des régions, qui veulent légitimement connaître l’impact des investissements d’avenir sur leur territoire.

Nous réalisons également une synthèse des remontées des huit IDEX pour voir comment fonctionnent ces initiatives. Il ne s’agit pas d’un suivi transversal, mais d’une synthèse des suivis par projet.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Ainsi donc, les opérateurs, maîtres d’œuvre, remettent au comité de pilotage un rapport de suivi ; par ailleurs, le conseil de surveillance, sous votre responsabilité, établit annuellement un rapport. À ce double mécanisme s’ajoute une dimension territoriale.

M. Louis Gallois. C’est cela. Nous réalisons également, pour notre gouverne et celle du Premier ministre, des analyses par région ou par action. C’est ainsi que nous faisons actuellement le bilan des SATT, afin de savoir lesquelles fonctionnent et lesquelles ne fonctionnent pas, et nous en tirons des conclusions.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. M. Sarkozy, qui était alors Président de la République, s’était étonné, après avoir fait le point, que des thématiques liées au cancer n’aient pas été retenues. Comment se fait-il que, sur un tel sujet, il n’y ait pas eu d’appel à projets, ou que ces appels aient été infructueux ?

M. Louis Gallois. Il y a beaucoup de trous dans la raquette. L’un, énorme, concerne les industries agroalimentaires, domaine dans lequel nous ne finançons aucun projet. J’ai, du reste, rencontré à ce propos M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire, pour lui demander comment nous pourrions faire émerger des projets dans ce domaine au titre de nos diverses procédures. Pour ce qui est du cancer, la lacune est désormais comblée.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Comment s’expliquait cette absence ? La qualité des projets et des équipes était-elle insuffisante ?

M. Jean-Pierre Korolitski. Trois lacunes ont été repérées : il manquait des programmes consacrés à la formation, à la sûreté nucléaire et au cancer. Cette constatation a donné lieu à des actions rectificatives.

M. Louis Gallois. J’ai sur ce point un avis divergent. Les investissements d’avenir n’ont pas vocation à couvrir la totalité du champ ; c’est à l’État d’indiquer les champs sur lesquels il souhaite que porte l’action. Dans le domaine technologique, par exemple, j’ai proposé trois priorités – les technologies génériques, l’économie du vivant et la transition énergétique ; ces priorités ont été retenues, mais il s’agit d’un choix politique : le CGI ne soutient pas tout… même si les ministres s’en plaignent.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Avec le recul, avez-vous le sentiment que les investissements d’avenir bénéficient plutôt à des équipes installées, au détriment peut-être d’équipes émergentes ?

M. Louis Gallois. Il me semble que nous soutenons plutôt les émergents ; c’est notre responsabilité. Pour ce qui concerne les entreprises, nous soutenons clairement les start-ups.

M. Jean-Pierre Korolitski. En matière de soutien à la recherche universitaire, le potentiel de base a été un facteur très important pour le choix des lauréats, de telle sorte que ce sont les puissances scientifiques qui ont bénéficié des investissements d’avenir. Cependant, il leur fallait remporter des appels à projets compétitifs et, compte tenu de l’émergence de nouveaux thèmes, c’est l’innovation qui a été le facteur de différenciation.

M. Louis Gallois. De fait, l’équipe de chirurgie micro-invasive du Pr Jacques Marescaux, à Strasbourg, n’a pas attendu les investissements d’avenir pour émerger, pas plus que celle du centre de cardiologie de Bordeaux. En revanche, j’ai réuni les instituts hospitalo-universitaires pour leur demander ce que leur avaient apporté les investissements d’avenir en termes d’attractivité, de moyens nouveaux ou de rythme de publication. Mesurer la valeur ajoutée des investissements d’avenir est la partie la plus difficile de notre travail ; il est beaucoup plus facile d’assurer le suivi en fonction du respect ou non-respect des indicateurs. L’évaluation est un art beaucoup plus compliqué et elle est aussi beaucoup plus importante, car ce qu’attend le pays, c’est de savoir à quoi a servi l’argent investi dans différents domaines.

M. Patrick Hetzel, rapporteur.  Je souscris à l’idée que le rôle du Commissariat général à l’investissement n’est pas de se substituer au ministère.

Comment s’articule la programmation classique de l’ANR – programmation qui s’appuie elle-même sur les alliances – avec son activité d’opérateur pour le compte du CGI ?

M. Jean-Pierre Korolitski. Il faut d’abord rappeler deux données de base. Tout d’abord, un projet normal de l’ANR représente 300 000 euros sur trois ans, tandis qu’un LABEX représente 10 millions d’euros sur dix ans. Ensuite, une fois le PIA2 entré en régime de croisière, en 2014 ou 2015 par exemple, les moyens de l’ANR issus du PIA représenteront probablement plus des deux tiers des moyens répartis par l’ANR une année donnée.

Lors du lancement du PIA1, ceux des grands programmes qui étaient gérés par l’ANR, comme les LABEX et EQUIPEX, s’apparentaient aux programmes blancs de celle-ci. En effet, ils n’étaient pas thématisés. À l’époque, il s’agissait de donner aux meilleures équipes françaises des moyens supplémentaires pour être à armes égales dans la compétition internationale, et donc de faire sortir ces équipes pour toutes les thématiques, sans limitation. C’est aujourd’hui que se posent des problèmes prégnants de programmation thématique.

La deuxième vague des EQUIPEX a accordé un plus grand intérêt à certaines thématiques qui n’avaient pas été assez soutenues durant la première vague. En prévision du nouvel appel à projets pour EQUIPEX qui sera lancé en 2015, la loi de finances prévoit tout au long de l’année 2014 une concertation en amont, notamment avec les alliances, afin de définir les thématiques sur lesquelles il convient désormais de mettre l’accent. Ce travail est d’autant plus important que devraient être publiées en 2014 les priorités de la stratégie nationale de recherche.

M. Patrick Hetzel, rapporteur. En quoi les nouveaux EQUIPEX, pour lesquels les appels seront lancés sur la base des informations fournies par les alliances, différeront-ils des programmes blancs de l’ANR ?

M. Jean-Pierre Korolitski. Les programmes blancs de l’ANR ne financent pas d’équipements. Alors que nous n’avons pas lancé de nouveaux LABEX dans le cadre du PIA2, nous avons constaté que le besoin en EQUIPEX perdurait. Les équipes ont encore du mal à trouver les financements nécessaires pour les projets de 1 à 20 millions d’euros.

M. Louis Gallois. L’ANR, en sa qualité d’opérateur, n’a pratiquement pas de marge de manœuvre, car c’est le ministère et nous-mêmes qui définissons la politique. Elle n’est qu’un exécutant. Elle a au contraire beaucoup plus de marge de manœuvre sur ses propres actions. C’est au ministère de l’enseignement supérieur, qui pilote l’ANR, d’assurer une cohérence entre l’ensemble des actions.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Ce pilotage existe-t-il ? L’ANR est-elle bien le bras séculier du ministère de la recherche ?

M. Louis Gallois. Il me semble. Les relations entre l’ANR et le ministère ne relèvent cependant pas de mes attributions.

Pour chaque projet, l’ANR établit un compte rendu scientifique et un compte rendu financier, après quoi est mesuré l’impact des actions. Le comité de pilotage, quant à lui, est saisi en cas de problème. Il peut alors, par exemple, décider de plans d’action correcteurs ou interrompre des actions.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Pouvez-vous donner quelques exemples ?

M. Louis Gallois. Pour l’IDEX de Toulouse, par exemple, étant donné que le programme initialement adopté ne faisait plus consensus après les changements de présidence intervenus dans l’université toulousaine, nous avons indiqué qu’il n’y aurait pas d’IDEX tant que ce consensus n’aurait pas été reconstruit sur des bases respectant les principes des investissements d’avenir. Ce processus a pris un an et nous avons dû convaincre Toulouse de mettre en place un comité d’arbitrage totalement indépendant, ce qui n’était pas prévu au départ, et d’adopter une gouvernance stable. Je ne suis pas certain que ce dernier objectif ait été rempli, car le conseil d’administration reste pléthorique, mais au moins ce conseil dispose-t-il d’un bureau à taille humaine, investi de pouvoirs de gestion. L’IDEX de Toulouse doit être suivie avec le plus grand soin, car c’est celle qui nous pose le plus de problèmes pour ce qui est du respect de nos orientations.

Quant à l’IDEX Sorbonne Universités, l’université de Paris II ayant décidé de s’en retirer, nous l’avons informée qu’elle ne pouvait plus avoir accès aux financements de l’IDEX et que nous allions procéder à un audit de Prolex, l’initiative d’excellence en formations innovantes (IDEFI) qu’elle avait constituée, pour savoir si elle méritait d’être soutenue. Nous avons parallèlement fait savoir à Sorbonne Universités que, la consistance de l’IDEX ayant été modifiée par le retrait d’une université très importante dans le domaine juridique, nous réduisions sa dotation de 100 millions d’euros. Cette dotation ne sera cependant pas réutilisée jusqu’au réexamen des IDEX auquel nous procéderons en 2016. Il reviendra alors à Sorbonne Universités de nous indiquer comment sera reconfiguré le périmètre de l’IDEX afin d’assurer sa cohérence et son équilibre. En fonction des éléments qui nous seront fournis, nous déciderons de réaffecter à l’IDEX tout ou partie de l’enveloppe de notre financement, soit de zéro à 100 millions d’euros.

À Toulouse encore, nous avons mis fin au financement de l’IDEFI FORMADIM, consacrée à la formation des maîtres, du fait d’une modification excessive de ses objectifs.

Mon prédécesseur, M. René Ricol, a acquis ses lettres de noblesse le jour où le jury a refusé le projet de Saclay. C’est à partir de ce jour qu’on a commencé à prendre au sérieux les IDEX.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Et vous, les avez-vous acquises ?

M. Louis Gallois. Pour les acquérir, il faudrait que je m’oppose à un projet très emblématique, tant il est vrai qu’une part de notre crédibilité tient à notre capacité à arrêter les opérations. Je viens ainsi, dans un autre domaine, de supprimer l’institut d’excellence des énergies décarbonées (IEED) Géodénergie, ce qui a provoqué de vifs soubresauts – et a du reste suscité chez les partenaires de ce projet des idées nouvelles.

En tout cas, le jury qui, tout en reconnaissant l’excellence de Saclay, a critiqué sa gouvernance, a montré que nous prenions cet aspect au sérieux.

La partie la plus difficile de notre travail est, je l’ai dit, l’évaluation, qui consiste à identifier les effets transformants et la valeur ajoutée des investissements d’avenir. À ce titre, j’ai notamment réuni les IDEX, les instituts hospitalo-universitaires (IHU) et les instituts de recherche technologique (IRT) pour leur demander comment ils imaginaient l’évaluation de cette valeur ajoutée. Pratiquement tous les patrons d’IHU ont répondu que cette dernière se traduisait par une notoriété internationale accrue, par une capacité à attirer des chercheurs de meilleur niveau grâce à des bourses spéciales permettant de les payer et par une accélération de la publication des recherches permettant à des chercheurs français d’accomplir des premières dans un environnement très compétitif. Les IHU ont également pu créer des plates-formes de moyens communs dans des domaines tels que l’informatique, la simulation ou les tests, pour lesquels il était auparavant très difficile de trouver des financements. Nous aurons encore à juger le nombre de brevets et l’importance des travaux interdisciplinaires, dont le développement est l’un des objectifs des IDEX et des IHU, ainsi que, pour les IDEX, l’impact sur le classement de Shanghai.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Pour ce qui concerne les IRT, quelles difficultés concrètes rencontrez-vous pour vous doter d’outils d’évaluation ?

M. Claude Girard, chargé du processus de valorisation et de la recherche technologique au Commissariat général à l’investissement. L’évaluation des IRT ne présente pas de difficulté majeure. Elle doit cependant s’inscrire dans une perspective temporelle, car les problèmes considérés évoluent dans la durée. L’ANR assure des remontées annuelles d’information depuis le terrain et nous disposons actuellement d’un bilan pour la première année et demie de réalisations. Une grande batterie d’indicateurs a été contractualisée et les informations qui remontent sont presque trop abondantes, de sorte qu’une simplification de cette batterie d’indicateurs s’imposera afin d’en tirer l’essentiel pour la gestion et l’orientation des IRT. Nous disposons donc des outils, mais pas encore du recul suffisant pour porter un jugement pertinent : l’évaluation s’affinera progressivement.

Au-delà de ce dispositif d’évaluation stricto sensu, nous réalisons des visites sur le terrain : le succès des IRT est très lié au management et à l’affectio societatis. Nous nous rendons sur le terrain pour constater si « la mayonnaise prend » entre les industriels et le monde universitaire.

M. Jean-Pierre Korolitski. Au-delà des mesures internationales de performance que l’on peut appliquer aux IDEX, on verra également l’utilité des IDEX pour la politique visant à organiser des regroupements stables d’établissements. La question se pose tant pour les actuelles IDEX que pour les établissements qui souhaitent le devenir.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Il s’agit donc d’un levier. Le ministère partage-t-il cette opinion ?

M. Louis Gallois. Il la partage intellectuellement mais, bien que Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, souhaite des regroupements universitaires, elle doit tenir compte de la réalité et des difficultés du terrain politique. La démocratie universitaire fonctionne de telle sorte que les présidents d’université changent tous les quatre ans, non parce que certaines équipes seraient meilleures que d’autres, mais pour des raisons politiques, au sens noble du terme : tous les quatre ans s’affrontent des visions d’ensemble de ce que doit être l’université. C’est la raison pour laquelle je souhaite que l’IDEX reste en dehors de cela.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Cette question est essentielle, car la contrepartie de l’autonomie des universités est que l’État doit avoir une vision du paysage universitaire : il faut tenir les deux bouts. Or les IDEX peuvent avoir un important effet de levier sur l’organisation du paysage universitaire.

M. Louis Gallois. Les IDEX constituent en effet un levier pour le regroupement, comme le montre bien l’exemple de Saclay, où il est stupéfiant de voir l’École polytechnique travailler avec Paris-Sud. L’effet transformant de l’IDEX est évident et aurait été inimaginable du temps où cohabitaient Paris Tech et les universités. Je suis plus inquiet pour l’IDEX de Toulouse, où je n’ai pas senti de véritable affectio societatis. Il en va de même à Montpellier, où le niveau scientifique est tout à fait adapté, mais où, faute d’entente entre les universités, il sera très difficile de constituer une IDEX. En effet, nous ne pouvons pas accepter une gouvernance insuffisante.

Le fait que les présidents d’université changent tous les quatre ans, et avec eux les orientations fondamentales des universités, peut déstabiliser les communautés universitaires. Je souhaite que les IDEX soient assez solides pour ne pas être trop perturbées par ces événements. Elles ont assez bien tenu jusqu’ici, mais des difficultés sont inévitables.

M. Jean-Pierre Korolitski. Le PIA2 comportera un programme d’initiatives d’excellence plus diversifié et il nous fallait donc savoir comment articuler, ne serait-ce qu’en termes de calendrier, le lancement de ce programme avec la mise en œuvre de la nouvelle loi sur l’enseignement supérieur et la recherche. Il a finalement été décidé que l’année en cours serait consacrée à la mise en application de la loi et que les dossiers de candidature au titre des IDEX seraient constitués ultérieurement, sur la base de ce que les acteurs auraient décidé de faire ensemble. Ce calendrier permet de réguler l’un des problèmes rencontrés dans le cadre du PIA1, où l’IDEX était constituée sur la base d’une « déclaration d’amour » et était immédiatement applicable, ce qui a causé certains décalages. Dans le nouveau calendrier, il faudra donner d’abord une « preuve d’amour », c’est-à-dire définir préalablement quelles compétences les partenaires décident d’exercer en commun et quelle configuration ils adoptent à cette fin.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Il faut que cette logique soit suivie.

M. Patrick Hetzel, rapporteur.  Je voudrais évoquer les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) et leur inscription dans la continuité des investissements d’avenir. Si la France doit rester parmi les leaders mondiaux en matière de recherche, elle ne doit pas oublier pour autant le volet innovation. Mesurer le nombre de brevets déposés est nécessaire, mais insuffisant : il faut aussi savoir ce qu’il adviendra du brevet une fois qu’il aura été déposé et en quoi ce dispositif financé par les deniers publics contribue au fonctionnement de l’économie.

En tant qu’élu du Bas-Rhin, la SATT que je connais le mieux est Conectus.

M. Louis Gallois. C’est celle qui marche le mieux.

M. Patrick Hetzel, rapporteur. Je suis heureux de vous l’entendre dire.

Lorsque des brevets partent vers des territoires non européens, on se demande si on a fait le travail jusqu’au bout. C’est un point clé pour les années à venir. Ainsi, je suis toujours gêné de voir que le service du Pr Marescaux fait la promotion de Siemens, voire de General Electric : je préférerais voir sur son matériel des estampilles françaises.

M. Louis Gallois. En matière d’équipements de santé, la situation de la France est en effet dramatique, et il nous faut reconstruire intégralement une industrie dans ce domaine. Comme je l’ai dit chaque fois que j’en ai eu l’occasion, notamment à M. le ministre Arnaud Montebourg, alors que les hôpitaux achètent chaque année pour 18 milliards d’euros d’équipements, nous n’avons aucune politique industrielle ni d’achats dans ce domaine. Les contraintes communautaires ne suffisent pas à justifier que l’on ne fasse rien.

L’une des tâches essentielles des programmes d’investissements d’avenir est d’assurer le flux qui va de la recherche à la mise sur le marché et d’éviter qu’il y ait des « vallées de la mort ». En particulier, ce flux s’arrête s’il n’y a pas de valorisation après la publication.

Les SATT sont précisément destinées à assurer cette valorisation. Certes, elles n’ont pas vocation au monopole : d’autres institutions, comme Inserm Transfert, font bien leur travail. Je souhaite une coordination entre ces institutions et les SATT. Nous avons récemment rencontré M. André Syrota, président-directeur général de l’INSERM, qui nous a confirmé que cette coordination avec les SATT fonctionnait assez bien, sauf dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et avec Innov, une SATT de la région parisienne. Il semble donc bien que nous ayons amorcé un processus de convergence. La vocation essentielle des SATT est de travailler avec les universités, qui ont les plus grands problèmes de valorisation – ce qui n’est évidemment pas le cas du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) ni de l’INSERM. Les SATT comblent une lacune béante en matière de valorisation.

Dans le domaine de la recherche technologique, nous avons rencontré de grandes difficultés avec les instituts pour la transition énergétique (ITE), dont j’ignore même s’ils sont désormais tous stabilisés et que nous allons suivre de très près. Bon nombre de ces difficultés tenaient à la complexité des procédures européennes, mais aussi à l’affectio societatis : si beau que soit un projet, si chacun tire la couverture à soi, il ne marchera pas.

Les instituts de recherche technologique (IRT) me semblent mieux partis, et nous avons entrepris d’établir un bilan permettant de savoir lesquels fonctionnent bien ou mal. Ainsi, nous avons invité Bioaster à avancer plus vite et l’avons menacé, dans le cas contraire, de fermer le robinet.

Plus en aval de la maturation assurée par les SATT, on trouve les fonds d’amorçage, puis le capital-risque. Je précise à ce propos que nous finançons la Banque publique d’investissement (BPI) afin qu’elle puisse financer du capital-risque et du capital-développement. Le marché doit ensuite prendre progressivement le relais. À ce propos, la faiblesse du private equity en France depuis la crise est un souci. Le problème n’est pas tant le départ des brevets à l’étranger que le rachat de start-ups par des entreprises étrangères.

Quant aux brevets, j’ai indiqué au patron de France-Brevets que la France ne devrait pas seulement vendre des grappes de brevets à l’étranger, mais aussi en acheter, car ces achats ouvrent, dans certains domaines, un raccourci. Il ne s’agit pas de transformer France-Brevets en un organisme spéculant sur les brevets, comme il en existe aux États-Unis, mais d’assurer une gestion et une valorisation des portefeuilles de brevets. Nous avons absolument besoin de cet outil, qui commence à fonctionner, mais il faut aussi, je le répète, le faire évoluer vers l’acquisition de brevets.

M. François Rosenfeld. Pour ce qui est du risque de voir les fruits du travail des SATT bénéficier à des acteurs extérieurs à nos frontières, je tiens à rappeler que le PIA a permis de mettre en place un continuum d’outils de financement qui va du stade non-économique et très fondamental jusqu’à la mise sur le marché. Or l’analyse révèle parfois que certains projets de recherche ne pourront pas être portés utilement par des entreprises françaises ou européennes. Dans le cas de Conectus, par exemple, il est avantageux pour la SATT de gérer un portefeuille assez large pour, selon les résultats de ce travail d’analyse, se ménager, sur certains projets, par le transfert de brevets ou de licences à des acteurs étrangers, un important retour purement économique lui permettant de financer son activité, et pour d’autres projets, d’accepter un moindre impact économique pour elle-même et de privilégier des effets socio-économiques plus importants en termes d’emploi aux niveaux local et national et de développement de filières. Le système de crible mis en place par Conectus pour gérer son portefeuille et analyser les dossiers selon le triple critère du niveau de risque, de l’engagement financier et des bénéfices socio-économiques est donc particulièrement intéressant.

M. Patrick Hetzel, rapporteur. Cela est d’autant plus vrai que Conectus est appuyé par Alsace Innovation, qui permet des financements. Les investisseurs privés devraient être davantage incités à financer ces projets, mais cela dépasse le cadre de notre mission d’évaluation et de contrôle. Sur ce point, nous devrons nous pencher un jour sur la question de l’assurance vie.

M. Louis Gallois. Nous dotons la BPI de 600 millions d’euros de fonds d’amorçage et finançons divers fonds sectoriels. Nous finançons aussi, à hauteur de 600 millions d’euros également, un fonds multithématique destiné à investir dans des fonds pour exercer un effet de levier sur les investissements privés.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Pouvez-vous évoquer les dotations non-consommables et leur devenir ?

M. Louis Gallois. Les dotations non-consommables ont vocation à le demeurer. Cependant, dès lors que sera franchie l’étape de 2016, elles seront acquises définitivement à l’IDEX, qui doit ainsi bénéficier d’une rente à vie.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Je souhaiterais revenir sur les alliances. L’une d’entre elles accomplit un travail remarquable sur les sciences du vivant, que vous avez présentées tout à l’heure comme l’une de vos priorités. Quelles sont les coopérations entre cette alliance et le CGI ?

M. Claude Girard. Le métier de cette alliance est de veiller, avec l’ensemble de ses membres, à la cohérence de la programmation de la recherche dans le domaine de la santé. Nous avons couplé à l’alliance un consortium de valorisation thématique (CVT) à compétence nationale, qui veille, lui, à la cohérence des politiques de valorisation des différents membres de l’alliance.

Cette orientation stratégique en matière de valorisation de la recherche dans le domaine de la santé a également des répercussions sur les SATT. Celles-ci, qui sont par définition plurithématiques, peuvent, en matière de santé, inscrire leurs brevets et les fruits de leur valorisation dans un domaine stratégique perçu au niveau national par l’alliance. C’est là une bonne articulation en termes d’orientation de la valorisation dans le domaine de la santé.

M. Louis Gallois. Les CVT m’ont paru manquer un peu de dynamisme ; une réunion a donc été organisée la semaine dernière pour les inciter à aller plus vite et plus fort, sans se limiter à être des clubs sympathiques d’échanges de vues. Dans la mesure où des financements sont engagés, des actions plus dynamiques doivent être menées.

M. Patrick Hetzel, rapporteur. Dans certains secteurs, comme le spatial et l’aéronautique, il n’existe pas de CVT.

M. Louis Gallois. Ils n’en ont pas besoin. Avec un syndicat professionnel, un Conseil pour la recherche aéronautique civile française (CORAC), qui réunit tous les acteurs et qui a l’efficacité d’un véritable bulldozer, et avec l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), l’industrie aéronautique est unie et déterminée. Elle s’est dotée de programmes et sa capacité à déposer des dossiers n’est plus à démontrer. Il me semble donc inutile d’ajouter une structure supplémentaire. L’industrie automobile, qui a d’énormes difficultés pour s’organiser et ne possède aucune tradition en la matière, suscite plus d’inquiétudes.

M. Patrick Hetzel, rapporteur. Y a-t-il encore des « trous dans la raquette » pour ce qui concerne les CVT existants ? Certaines thématiques devraient-elles encore être couvertes ?

M. Claude Girard. La couverture est déjà assez large : un CVT est adossé à chaque alliance thématique de recherche ; de plus, un CVT supplémentaire, très spécifique, a été ajouté pour la valorisation à destination des pays du Sud.

Dans le domaine de l’aéronautique, nous nous sommes, en outre, assurés que les outils que nous avons mis en place pour la valorisation de la recherche, notamment les IRT, soient en cohérence avec la politique nationale définie par le CORAC.

M. Louis Gallois. L’IRT Jules Verne, à Nantes, est dirigé par le patron de l’usine Airbus de Saint-Nazaire, ce qui laisse penser que l’aéronautique y est bien représentée. Quant à l’IRT Saint-Exupéry, à Toulouse, il est intégralement consacré à ce secteur. Le problème, je le répète, c’est l’automobile.

M. François Rosenfeld. En cumulant le PIA1 et le PIA2, 2,9 milliards d’euros ont été spécifiquement fléchés en direction de l’aéronautique, IRT non compris – et hors spatial.

M. Louis Gallois. J’en viens à la simplification. Dans le domaine qui vous intéresse, elle passe par un recours systématique à des conventions de préfinancement pour le PIA2. L’expérience a également montré que l’on pouvait supprimer des documents conventionnels et des annexes n’ayant pas de véritable valeur ajoutée. On a enfin observé que l’on pouvait supprimer certaines étapes intermédiaires de validation des conventions et accélérer le processus de ces conventions pour nos principaux projets, soit quatre ou cinq IDEX supplémentaires et quatre ou cinq initiatives structurantes innovation-territoires-économie (ISITE).

M. François Rosenfeld. Le Gouvernement avait annoncé, lors du lancement du PIA2, une revue transversale des procédures des actions destinées à être amplifiées par ce programme, afin de bénéficier du retour d’expérience.

Nous avons engagé ce travail par le haut, avec un audit du CGI et de la façon dont il fonctionnait avec ses opérateurs, mené par le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP). Cet audit a été suivi de plusieurs travaux de simplification, par opérateur, dans les domaines où les enveloppes de financement à venir seront importantes.

Dès le mois d’octobre, nous avons saisi l’ANR en tant qu’opérateur du programme, pour lui demander quelles étaient, selon elle, les pistes de simplification. À l’issue d’une première réunion de travail, nous avons pu dégager quelques pistes, que vient d’évoquer le commissaire général. Avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), qui est également un opérateur très important du deuxième PIA – comme elle l’était du reste déjà pour le premier –, nous avons engagé un travail plus lourd, avec l’appui du SGMAP et de conseils indépendants, visant à décortiquer le processus que suit un projet, de son dépôt au dernier versement, afin de voir si toutes les étapes étaient bien nécessaires à la qualité de la décision finale et si la répartition de la charge de travail était cohérente. Les projets suivis tant par l’ANR que l’ADEME, sont en effet de natures très différentes avec des financements qui peuvent aller de 2 millions d’euros à 20 millions d’euros.

Il s’agit donc, en fonction des enjeux tant financiers que scientifiques ou économiques, d’adapter le processus d’instruction afin de répondre aussi efficacement que possible aux préoccupations des porteurs de projets. En effet, tandis que les dix-huit mois qui s’écoulent entre le dépôt de leur dossier et l’attribution du financement permettent à certains de mûrir leur projet, ce délai est inacceptable pour d’autres, par exemple dans le domaine du numérique, qui progresse très vite et où l’enjeu est d’être le premier sur le marché. Nous sommes donc parvenus à un stade très avancé avec l’ADEME, avec laquelle nous avons mené de nombreux ateliers thématiques, et nous allons déboucher, d’ici à la fin du mois, sur des propositions très concrètes de simplification. Ce travail sera suivi d’un élargissement aux autres opérateurs – ANR, Caisse des dépôts et BPI.

Par ailleurs, pour les projets structurants des pôles de compétitivité (PSPC), le délai d’instruction entre le dépôt du projet et la contractualisation est passé de pratiquement vingt mois pour les premiers projets, très collaboratifs et qui pouvaient réunir jusqu’à une vingtaine de partenaires, à trois mois tout compris aujourd’hui. En contrepartie de cette réduction significative, nous affichons d’emblée des contraintes que les partenaires doivent s’engager à respecter. S’ils veulent renégocier certaines de ces conditions, ils sont prévenus que l’instruction sera plus longue.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Qu’en est-il de la dimension territoriale du processus ?

M. Louis Gallois. Notre charte ne comprend pas d’objectifs relatifs à l’aménagement du territoire, ce qui suscite des débats – j’ai eu, à ce propos, un déjeuner animé avec M. Alain Rousset, président de l’Association des régions de France. Ma mission n’est pas de mener vingt-deux programmes d’investissements d’avenir – elle y perdrait beaucoup de son intérêt. J’ai néanmoins assuré M. Rousset que nous ne nous désintéressons pas de l’impact territorial. Nous effectuons des analyses régulières des volumes financiers affectés et des synergies que les investissements d’avenir ont pu créer, et nous nous assurons que certaines régions ne sont pas passées à côté.

Lorsque nous constatons qu’une région est en retard, nous prenons contact avec les acteurs régionaux et nous voyons avec eux comment ils pourraient être candidats dans de meilleures conditions à nos financements, quels efforts ils doivent faire et quels conseils nous pouvons leur apporter à cette fin. Il ne s’agit pas de remettre en cause nos procédures, mais d’aider les régions à les remplir au mieux. Chaque fois qu’un président de région se plaint de ne pas avoir sa part, nous examinons ensemble les chiffres et, si la région s’estime très décalée par rapport aux autres, nous voyons comment elle peut les rattraper. C’est ce que je m’efforce également de faire avec les secteurs qui n’ont pas bénéficié des investissements d’avenir, comme l’agroalimentaire et même l’automobile, pour laquelle nous devrions pouvoir faire plus, compte tenu des problèmes qu’elle rencontre.

Nous tenons cette étude territoriale à jour avec les préfets de région, qui ont été mobilisés par le nouveau patron de notre pôle territorial, M. Michel Guillot, ancien préfet, et avec lesquels nous travaillons bien. Nous intensifions également nos relations avec les présidents de région, notamment dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER), auxquels nous ne sommes pas partie prenante.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Vous n’affectez pas aux CPER des crédits de substitution ?

M. Louis Gallois. Non, puisque nous n’y sommes pas partie prenante. Néanmoins, le Premier ministre ayant déclaré que les investissements d’avenir ne pouvaient pas s’abstraire de la dimension territoriale, il nous a semblé que la meilleure manière de procéder était d’entretenir un contact plus étroit avec les instances régionales afin de les aider à présenter un plus grand nombre de candidatures dans le cadre de nos procédures. Nous pouvons, en outre, aller un peu plus loin en matière de coordination dans certains domaines, comme la formation professionnelle, qui est désormais une responsabilité des régions.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Parmi les nombreux dispositifs de financement existants, investissements d’avenir, ANR ou crédits européens – auxquels nos équipes ont insuffisamment postulé ces dernières années –, que faudrait-il faire bouger, quelle meilleure coordination pourrait-on adopter au profit de la recherche ? De fait, cet empilement de sources de financement se traduit par une certaine complexité. Le manque de lisibilité ne pose-t-il pas un problème de gouvernance préjudiciable à la décision politique ?

M. Louis Gallois. La politique de l’enseignement supérieur et de la recherche a un patron : le ministre. Notre rôle se limite à lui fournir des éléments de référence et à l’aider à promouvoir les centres de recherche qui participent à la compétition mondiale. La coordination, j’y insiste, tout comme la cohérence de la politique de l’enseignement supérieur et de la recherche, relève du ministre, sous l’autorité du Premier ministre. Mes relations avec Mme Fioraso, avec son cabinet, avec M. Jean-Paul de Gaudemar, conseiller du Premier ministre pour l’éducation, et avec M. Vincent Berger, conseiller du Président de la République pour l’enseignement supérieur et la recherche, sont du reste d’excellente qualité. Le dispositif de pilotage de l’enseignement supérieur est clair.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. L’ANR, qui est votre principal opérateur, n’a-t-elle pas un problème de gouvernance ?

M. Louis Gallois. La difficulté ne tient pas à son rôle d’opérateur de nos programmes, mais à son autonomie vis-à-vis du ministère.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Le CGI ne bénéficie-t-il pas lui-même d’une très forte autonomie ?

M. Louis Gallois. J’ai presque plus de contacts avec le ministère que n’en a l’ANR. Le CGI ne mène en aucun cas sa propre politique de recherche. Cette politique relève de la ministre. Le CGI ne décide pas sans elle sur une IDEX, sur un conventionnement. Elle préside le comité de pilotage. Elle a été au jour le jour à la manœuvre pour faire face aux difficultés que nous avons rencontrées à Toulouse.

M. Jean-Pierre Korolitski. Les crédits des investissements d’avenir sont massifs, s’inscrivent dans la durée et ont un très fort effet de labellisation ou de reconnaissance. Autrement dit, ce sont des crédits particulièrement incitatifs.

Pourquoi a-t-on besoin de crédits incitatifs ? La réponse apportée par les pouvoirs publics, avant et après l’alternance, est que le système n’est pas dans l’état où il devrait être et que certains problèmes ne sont pas encore résolus, ce qui suppose de faire bouger certaines lignes. Autrement dit, si nos universités étaient plus stables, à l’instar du modèle international, peut-être n’aurions-nous pas besoin de ce dispositif.

L’un des points sur lesquels les crédits incitatifs peuvent faire bouger les lignes est la fameuse coupure entre universités et grandes écoles, d’une part, et entre enseignement supérieur et organismes de recherche, d’autre part.

Un autre est la diversification du système. Nous n’avons pas d’intérêts propres en la matière, mais on voit très bien qu’il est difficile pour le ministère, qui a la charge de tout l’ensemble, de faire progresser la diversification, par exemple, et que nous pouvons l’aider, de l’extérieur, au moyen de crédits incitatifs.

M. Louis Gallois. C’est là le point essentiel : nous pouvons faire des choses que la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, bien qu’elle soit sur la même longueur d’ondes que nous, ne pourrait guère faire seule, comme de dire que certaines universités ou certains laboratoires sont meilleurs que d’autres et que, de ce fait, ils doivent recevoir les moyens de se battre dans la compétition mondiale. C’est un domaine où nous l’aidons vraiment, et elle le reconnaît.

M. Patrick Lefas, président de la troisième chambre de la Cour des comptes. La Cour des comptes est intervenue plus en amont, lors de la mise en œuvre du processus, et le relevé d’observations définitives que nous avons adressé au CGI l’été dernier, s’il soulignait un certain nombre de risques, était moins critique que bon nombre de nos écrits et reflétait une image globalement assez positive de la mise en œuvre du programme. Le président de la commission des finances a demandé au premier président de la Cour des comptes la communication de ce relevé d’observations définitives, qui est, depuis hier, entre les mains des deux commissaires de la mission d’évaluation et de contrôle et dont la publication est désormais à la discrétion de la MEC – nous le mettrons en ligne si elle en décide ainsi. Il me semble, à vous entendre, que vous avez déjà pris en compte les difficultés mises en lumière dans ce document et que certains éléments correcteurs sont déjà à l’œuvre, ce qui est très rassurant, même si beaucoup reste à faire.

Je soulignerai essentiellement trois points. Le premier est qu’il ne faut pas définir d’une manière trop simpliste les rôles respectifs du ministère, du Commissariat général à l’investissement et de l’opérateur chargé de la mise en œuvre des investissements d’avenir. Par comparaison avec d’autres opérateurs, il n’est pas certain que l’ANR soit celui qui ait le moins bien rempli sa fonction. Sa directrice générale a accompli un travail très important, avec des moyens renforcés – nous avions souligné le retard pris par la phase du conventionnement et les équipes ont été étoffées.

L’ANR a cependant une autre mission : les appels à projets. Il ne faut pas trop prêter attention aux affirmations du ministère selon lesquelles il va définir la stratégie, car celle-ci est à l’œuvre dans les alliances et, au niveau des projets, ce n’est plus le ministère qui intervient.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. L’alliance permet toutefois au ministère une meilleure coordination.

M. Patrick Lefas. Certes. Le plus important reste cependant la définition des enveloppes – vous avez justement évoqué notre retard dans le domaine des sciences du vivant, particulièrement sensible par comparaison avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne, qui ont fait des efforts considérables dans ce domaine.

Au-delà de la stratégie, dans le détail des procédures qui conduiront aux appels à projets, il faut donner sa chance à l’ANR, qui n’a pas démérité.

En matière de soutien aux filières industrielles, l’ANR intervient essentiellement sur le multithématique, tandis que les autres opérateurs, qu’il s’agisse de l’ONERA, du Centre national d’études spatiales (CNES), du CEA ou de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), sont davantage positionnés sur des thèmes précis.

En deuxième lieu, le rejet de la première proposition pour le plateau de Saclay, sur laquelle nous avions appelé votre attention, a eu un effet considérable et salutaire, et vous avez à juste titre souligné que, lorsqu’un projet ne marche pas, il faut en tirer les conséquences. Néanmoins, les universités qui ont concouru au titre des IDEX étaient confrontées à une opération complexe. C’était notamment la première fois qu’il leur fallait s’exprimer en anglais. Il leur a aussi fallu monter leurs dossiers dans des délais records, en passant par-dessus les structures de gouvernance et de consultation, ce qui n’a pas été sans conséquences : ainsi, le président Louis Vogel, héraut de l’IDEX Sorbonne-Universités, n’a pas été suivi par sa propre université et a même été remplacé par un autre président.

Les délais prescrits étaient très contraints ; sans doute faut-il laisser un peu plus de temps, tout en exerçant un suivi très vigilant. Enfin, le retrait d’un participant, par exemple, appelle évidemment des conséquences financières, mais d’autres mesures de sanction que l’arrêt sont possibles, et il convient de réfléchir à une gradation de ces sanctions.

En troisième lieu, les assises de l’enseignement supérieur et de la recherche ont largement évoqué, comme l’a mis en évidence le rapport Berger, une structuration institutionnelle qui n’a d’égale que celle du bloc communal. Il convient, dans la structuration que vous avez poussé à mettre en place, d’éviter soigneusement les doublons, qui sont source de dysfonctionnements et alourdissent les charges de fonctionnement. Cette remarque vaut pour la problématique de la valorisation, évoquée à juste titre tout à l’heure. Des frottements demeurent entre Inserm Transfert et la SATT Innov. Le contrôle que nous avons effectué sur le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en est à la phase de la contradiction, de telle sorte que nous ne pouvons pas en tirer les enseignements avant d’avoir reçu les réponses du CNRS et du ministère. Le risque existe d’une mauvaise articulation entre ces structures de valorisation régionale, celles des organismes de recherche et les nouvelles structures créées au niveau national : la multiplication de ces structures est incontestablement un problème.

Le dernier point que j’évoquerai est très positif : la dimension d’évaluation a été prise en compte très tôt, ce qui est d’autant plus essentiel compte tenu de la fonction d’évaluation des politiques publiques qui incombe au Parlement et à laquelle la Constitution prescrit à la Cour des comptes de contribuer. Cependant, on observe très souvent que les objectifs ne sont pas définis et que les structures chargées de cette évaluation ne sont pas mises en place. Les investissements d’avenir ont réglé ces deux problèmes. Il reste à nous donner le temps nécessaire, et le rendez-vous fixé dans quatre ans devrait permettre, à cet égard, d’y voir plus clair.

Chemin faisant, les activités des investissements d’avenir dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche n’en présentent pas moins des risques réels, qui appellent une grande attention dans la procédure de suivi.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Pourrions-nous avoir copie de l’audit réalisé sur le CGI ?

M. François Rosenfeld. Ce rapport a été transmis aux membres des deux assemblées siégeant au Conseil de surveillance.

M. Louis Gallois. Je précise qu’il s’agit bien d’un audit du CGI, et non pas des procédures que nous mettons en œuvre. Nous avons, en effet, considéré qu’il fallait commencer les audits par nous-mêmes, ce qui nous rendrait plus légitimes pour demander des audits aux autres. J’ai ensuite demandé à l’ADEME un audit des procédures engagées entre elle et nous, car la multitude des projets lancés embouteille l’ADEME et il nous faut améliorer cette situation. Parallèlement à ce processus – qui n’a pas été sans difficulté, car l’ADEME a d’abord pensé que nous avions l’intention de l’auditer, ce qui n’est pas notre rôle –, nous avons engagé la même démarche avec l’ANR. L’exercice est plus difficile avec la Caisse des dépôts, grande maison qui a ses traditions et qui, compte tenu de sa propre envergure, s’interroge sur notre légitimité à lui demander quoi que ce soit – il n’empêche que nous avons tout de même quelques questions à lui poser.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Pourriez-vous également nous communiquer vos bilans territoriaux ?

M. Louis Gallois. Nous en avons reçu jusqu’à présent une quinzaine. Il faudra veiller à ce que ces documents ne reviennent pas dans les régions ; ils y susciteraient des débats sans fin avec les régions.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Nous partageons pleinement votre opinion. Nous serons très prudents. Nous en prenons l’engagement.

M. Louis Gallois. Pour ce qui concerne l’ANR, je n’ai pas de critiques à formuler, et Mme Pascale Briand fait un excellent travail. La relation avec elle est fluide et agréable, et nous évoquons aisément avec elle la simplification.

Que Saclay ait été un choc, c’est un fait : il faut parfois faire des exemples. Il faut bien sûr établir une hiérarchie des réactions à des manquements ou à des difficultés. Notre mission n’est pas d’arrêter les opérations, mais d’abord de les remettre dans le droit chemin – c’est à cette fin que nous sommes en discussion avec plusieurs institutions, et ce n’est que si nous constatons que ce n’est pas possible qu’il faudra arrêter.

Pour ce qui est de la structuration des blocs universitaires, je m’interroge quant à la possibilité d’avoir à la fois des communautés d’universités et des IDEX. L’IDEX est un périmètre d’excellence qui ne doit pas perdre sa spécificité et qui fait précisément l’objet d’un suivi sur ce point de l’excellence et sur sa gouvernance. Or on observe dans le milieu universitaire une tendance à penser que l’existence des communautés d’universités rendrait caduc le modèle de l’institution IDEX en tant que tel.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. C’est fondamental. L’IDEX peut avoir un caractère incitatif pour la restructuration, mais il ne s’agit pas d’en faire un copier-coller.

M. Louis Gallois. C’est tout à fait notre point de vue.

M. Patrick Hetzel, rapporteur. Je souscris pleinement à cette analyse. Lorsque vous avez évoqué la situation de Toulouse, vous avez préconisé le recours à un comité d’arbitrage indépendant. Ce dispositif mis en place en situation de crise pose la question de savoir ce qui relève du périmètre d’excellence. Si ce périmètre est dilué, on tue le principe même des investissements d’avenir.

M. Louis Gallois. Nous résistons à cette tendance. Le comité d’arbitrage a été plus difficile à mettre en place à Toulouse qu’ailleurs, car une université y était très opposée. Il a donc fallu de la persuasion, fondée notamment sur l’argument que, si les choses continuaient ainsi, il n’y aurait pas d’IDEX. Cela signifie en tout cas que cette opération doit être suivie de très près, car nous pourrions revenir en arrière et noyer les spécificités de l’IDEX dans la communauté d’universités, où il n’y aurait plus qu’à procéder à une équirépartition de l’enveloppe entre les différentes universités.

M. Patrick Hetzel, rapporteur. Les bonus qualité recherche (BQR) attribués dans les universités se sont, en effet, achevés par l’équirépartition, au point que les patrons de laboratoires quelque peu dynamiques refusaient de candidater, sachant qu’il n’y avait plus de bonus à attendre au-delà de l’équirépartition.

M. Louis Gallois. Le bonus venant du CGI est attribué en fonction d’une excellence et d’une compétition.

Je reviens aux SATT : s’il faudra progressivement réduire l’effervescence des nombreuses structures existantes dans le domaine de la valorisation, les SATT ne doivent pas pour autant être celles qui feront table rase du passé et élimineront les autres. Très souvent, en effet, la SATT se met dans les pas d’une structure existante. C’est notamment le cas dans la région PACA, où la SATT a suivi la trace du dispositif mutualisé de transfert technologique PACA Innovation, qui lui a donné au départ une impulsion très forte. La nature fera ensuite son œuvre et un certain nombre de structures de valorisation se regrouperont autour de la SATT ou dans celle-ci. Dans certaines régions, l’INSERM a même complètement délégué à la SATT la valorisation de sa recherche.

Je ne souhaite pas me battre avec les autres structures dans l’espoir de dessiner un jardin à la française. Il s’agit seulement de mettre un peu d’ordre dans la petite effervescence que nous observons et de laisser vivre les écosystèmes régionaux.

Par ailleurs, le CGI est en train de mettre en place le « management des risques », qui n’est pas une démarche de suivi, mais une évaluation des risques que certaines opérations pourraient faire courir à nos dotations. L’innovation est un domaine risqué et s’il faut certes accepter une certaine part de risque, il existe des dangers qui tiennent à un défaut de management ou au fait que les acteurs ne s’entendent plus, auxquels il faut pouvoir parer assez tôt. J’ai donc demandé que les opérations qui nous sont présentées par les préfets comme étant en difficulté fassent l’objet d’un suivi individuel afin que nous puissions traiter le problème dès le début du processus. Il n’y a pas de raison pour que le CGI ne puisse pas mettre en œuvre cette démarche, pratiquée par les entreprises.

M. Patrick Lefas. Que prévoyez-vous de faire au vu de l’échec des instituts Carnot ?

Par ailleurs, les EQUIPEX, qui ont comblé un vide entre les très grandes infrastructures scientifiques et les équipements qui peuvent être financés sur le budget normal du laboratoire, ont eu un succès considérable malgré quelques difficultés. La lourdeur de l’investissement nécessaire pour financer les équipements d’une recherche performante suscite cependant des inquiétudes, et il faut donc penser soit à lancer une deuxième vague d’EQUIPEX dans le cadre des arbitrages du PIA2, soit à assurer dans la durée des règles d’amortissement et des conditions garantissant des crédits suffisants aux laboratoires pour assurer ce financement.

M. Louis Gallois. C’est une question centrale.

M. Claude Girard. Nous avions lancé deux appels à projets pour les instituts Carnot : l’un à l’international et l’autre pour favoriser la relation entre les instituts Carnot et les petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI). Un bilan dressé après cinq ans d’existence faisait apparaître une faiblesse des instituts Carnot sur ces deux plans. Peut-être avons-nous été trop ambitieux en lançant l’appel à projet trop tôt, confirmant ainsi la faiblesse des instituts dans leurs relations avec les PME et ETI.

Nous avons cependant reçu des réponses, et trois projets ont été financés, pour lesquels l’articulation avec les PME fonctionne bien. Nous sommes cependant loin d’avoir consommé la totalité de l’enveloppe disponible.

Depuis lors, les instituts ont travaillé sous la direction de l’Association des instituts Carnot et vont se constituer en filières industrielles pour cibler les PME et ETI. Un nouvel appel à projets sera lancé cette année pour permettre aux instituts Carnot, organisés cette fois par filière industrielle, de répondre aux PME et ETI. Nous espérons qu’ils seront désormais mieux organisés et plus à même de reprendre la balle au bond.

M. Louis Gallois. Associer davantage de PME et d’ETI à nos programmes est pour nous un axe de travail.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Messieurs, je vous remercie.