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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Gestion des programmes d’investissements d’avenir relevant de la mission « Recherche et enseignement supérieur »

Mardi 8 avril 2014

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 9

Présidence de M. Olivier Carré, président

– Audition, ouverte à la presse, sur le thème de la gestion des programmes d’investissements d’avenir relevant de la mission « Recherche et enseignement supérieur », de Mme Pascale Briand, directrice générale de l’Agence nationale de la recherche (ANR), accompagnée de M. Arnaud Torres, responsable du département « Investissements d’avenir et compétitivité » et de Mme Daniela Floriani, directrice administrative du même département

M. le président Olivier Carré. Nous recevons aujourd’hui Mme Pascale Briand, directrice générale de l’Agence nationale de la recherche (ANR), accompagnée de M. Arnaud Torres, responsable du département « Investissements d’avenir et compétitivité » et de Mme Daniela Floriani, directrice administrative du même département. L’ANR étant l’opérateur principal de la mise en œuvre des investissements d’avenir dans le domaine de la recherche, l’audition de sa directrice générale est essentielle pour éclairer les travaux de la MEC.

Madame la directrice générale, nous souhaitons bien sûr entendre vos réponses aux questions qui vous ont été préalablement communiquées. Nous aimerions aussi avoir votre avis sur la complémentarité entre les investissements d’avenir et les actions financées par le budget de la recherche. Enfin, pouvez-vous citer des cas concrets dans lesquels ces investissements ont permis de donner un coup d’accélérateur aux programmes en cours ?

Mme Pascale Briand, directrice générale de l’Agence nationale de la recherche. En préambule, je souhaite rappeler que si l’ANR a été désignée comme opérateur des programmes d’investissements d’avenir, c’est sans doute parce qu’elle était en mesure de garantir une mise en place compétitive du processus de sélection, eu égard à son expérience depuis 2006. Ce choix est un témoignage de reconnaissance des compétences dont l’Agence a fait preuve dans les actions de sélection, de conventionnement et de suivi en matière de financement sur projet.

L’organisation de la gestion d’une opération de l’importance du programme d’investissements d’avenir a été un enjeu majeur pour l’ANR. Un dispositif dédié à la sélection des projets présentés dans le cadre des quatorze actions définies dans le PIA 1 a été mis en place. Les jurys, internationaux et composés de pairs comme l’exigeait le programme, ont été très rapidement installés, en 2010. Cette installation a été suivie d’une phase de conventionnement au gré de la finalisation des actions.

Parmi les opérateurs en charge des investissements d’avenir, l’ANR est celui dont le champ d’action est le plus large. Son efficacité est également à souligner puisqu’elle accomplit sa mission avec une augmentation très modérée du nombre d’ETP.

Immédiatement après la phase de sélection et de conventionnement, l’ANR a construit le suivi des projets, pour lequel elle a également dû se réorganiser. Ce suivi se distingue de celui qui prévaut pour les projets classiques par sa durée – dix ans – et par l’envergure et la diversité des opérations suivies. La réorganisation a donné lieu à la création d’un département « Investissements d’avenir et compétitivité » auquel est assignée la triple mission de suivi par projet, par action et par territoire. Nous avons, en outre, élaboré des outils d’analyse thématique pour évaluer la contribution des investissements d’avenir à la consolidation du dispositif national de recherche.

La valeur ajoutée des investissements d’avenir par rapport au dispositif national en faveur de la recherche réside dans la particularité des actions mises en œuvre : l’ambition de ces investissements est d’améliorer les chances de réussite de laboratoires ou de sites dont l’excellence est déjà avérée. Il s’agit bien de renforcer leurs atouts.

Pour les Labex, les investissements d’avenir s’adressent aux laboratoires ayant fait leurs preuves ; pour les Idex, aux sites ayant fait leurs preuves et étant en capacité de présenter des projets alliant l’excellence de la recherche et de l’enseignement supérieur avec des capacités de valorisation ; pour Equipex, aux équipes qui ont besoin de nouveaux équipements ou d’équipements plus performants ; pour Santé-biotechnologies, ils permettent de doter le secteur d’éléments structurants ou de composantes manquantes – je pense notamment aux cohortes qui n’avaient jamais trouvé les financements adaptés à leurs caractéristiques.

La constitution de sociétés d’accélération du transfert technologique (SATT) apporte la concentration et la mutualisation nécessaires au développement des stratégies de valorisation de la recherche des universités ou des grands établissements de recherche.

La mise en place des instituts de recherche technologique (IRT) et des instituts pour la transition énergétique (ITE) pallie le manque de structures de cette nature. Ces instituts sont plus individualisés que les instituts Carnot par rapport aux organismes de recherche ; la propriété industrielle est partagée et mutualisée, grâce à des dispositifs ad hoc.

Dans l’organisation de la recherche, les investissements d’avenir proposent ainsi des dispositifs innovants permettant aux équipes françaises d’être mieux armées dans la compétition internationale. C’est, en tout cas, ainsi que nous les faisons vivre, notamment à travers une culture de l’évaluation et du suivi.

Lors du conventionnement, nous avons attaché beaucoup d’importance à ce que soient respectés les engagements déclarés dans le projet initial soumis au jury. De même, dans le suivi, nous sommes attentifs au respect des engagements pris lors du conventionnement. Pour ce suivi, qui peut conduire à reformater ou à arrêter certains projets, l’ANR s’appuie sur le jury ayant procédé à la sélection initiale. Ce dernier apprécie le franchissement des étapes et la conformité de celles-ci aux engagements contenus dans le conventionnement. Si des écarts sont constatés, ils doivent être justifiés, au risque, dans le cas contraire, de voir le projet arrêté.

En tant qu’opérateur de l’État, l’ANR met en œuvre les orientations fixées par le Commissariat général à l’investissement (CGI) et par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR). Dans ce cadre, des comités de pilotage se réunissent régulièrement. Ces réunions sont importantes pour ajuster le dispositif et répondre aux questions spécifiques. Chaque projet, voire chaque action peut, en effet, nécessiter des adaptations donnant lieu à des avenants.

M. Patrick Hetzel, rapporteur. L’une de nos interrogations porte sur l’articulation des différents financements. Dès l’origine, la commission Juppé-Rocard recommandait la sanctuarisation des investissements d’avenir. En d’autres termes, il ne devait pas être possible pour un ministère de substituer ces financements à ses crédits budgétaires. René Ricol et Louis Gallois ont tous deux été attentifs à cette question et y ont sensibilisé les Premiers ministres. Or on observe une réduction progressive des budgets de l’ANR, hors investissements d’avenir. La question est délicate à poser à un opérateur de l’État, mais quel serait, selon vous, l’optimum dans ce domaine ? Par ailleurs, avez-vous constaté, de la part des ministères, des velléités de redéployer les crédits dédiés aux investissements d’avenir alors même que l’étanchéité était la règle ?

Mme Pascale Briand. J’ai eu l’occasion de dire devant différentes commissions et devant la Cour des comptes combien l’ANR était préoccupée par la baisse progressive de ses budgets d’intervention, hors investissements d’avenir. Cette inquiétude demeure profonde. La recherche ne peut que pâtir de l’érosion des financements sur projet. Or cette évolution, à rebours de la pratique des autres pays, constitue la réponse du ministère aux souhaits de certains chercheurs et finalement à un vœu exprimé par la communauté scientifique, lors des assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, d’un redéploiement important du financement sur projet vers le financement récurrent. Il s’agit là de pure mécanique budgétaire.

Le choix pour certains projets du recours aux financements émanant des investissements d’avenir ou à ceux issus du financement sur projet peut être entouré d’un certain flou. On peut parfois s’interroger sur la similarité entre des projets pour lesquels l’ANR a été sollicitée, pour les uns, au titre des financements conventionnels et, pour les autres, au titre des investissements d’avenir. On pourrait voir là une tendance à reconstituer une masse financière proche du financement « pseudo-récurrent » que les chercheurs appelaient de leurs voeux. Nous sommes donc extrêmement vigilants sur d’éventuels doublons dans les flux financiers vers la recherche, mais des redondances ne sont pas exclues tant elles sont difficiles à déceler.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. L’ANR, qui porte une double casquette, rencontre-t-elle des difficultés à assurer une cohérence entre les investissements d’avenir, d’une part, et les crédits budgétaires dont elle assure l’affectation, d’autre part ?

Mme Pascale Briand. Il n’y a pas de difficulté. Au contraire, il est très intéressant qu’un même établissement ait à gérer à la fois les investissements d’avenir et le financement sur projet. Grâce au dispositif d’analyse transversale que nous avons mis en place entre nos différents départements, ceux qui gèrent les investissements d’avenir et ceux qui gèrent les autres financements, ainsi qu’à l’infocentre dont nous nous sommes dotés, nous disposons d’une vision consolidée de l’ensemble des voies de financement. Qu’un site ayant bénéficié des investissements d’avenir rencontre plus de succès lors des appels à projets conventionnels serait un bon signe, car ce serait la preuve de l’effet structurant des investissements d’avenir.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Considérez-vous que les investissements d’avenir favorisent les équipes installées au détriment d’équipes émergentes ?

Mme Pascale Briand. Comme je l’ai déjà dit, les investissements d’avenir sont conçus pour accroître les chances d’équipes déjà reconnues.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. N’est-ce pas un inconvénient ?

Mme Pascale Briand. Je considère que la recherche doit aller vers l’excellence.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Personne ne le conteste, mais cela ne contribue-t-il pas à créer des rentes de situation dans cette recherche d’excellence ?

Mme Pascale Briand. Les investissements d’avenir ont marqué une rupture avec les dispositifs antérieurs qui tendaient à octroyer une rente aux équipes supposées d’excellence, reconnues par les grands établissements et portées par des personnalités scientifiques. Le mode de sélection, qui a parfois choqué – le cas de Saclay est souvent cité comme exemple –, a permis de retenir les projets sur d’autres critères.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Certaines disciplines n’ont jamais été éligibles lors de la première vague, je pense à la recherche sur le cancer.

Mme Pascale Briand. Le projet de pôles de recherche hospitalo-universitaire en cancérologie (PHUC) a été ajouté après le constat d’une déficience en la matière. La recherche sur le cancer a tout de même bénéficié de trois plans cancer. Depuis le premier plan en 2003, des financements ont été octroyés et un institut dédié, l’Institut national du cancer, a été créé. On ne peut pas nier que, dans ce domaine, la structuration de la recherche était déjà en œuvre.

Il est vrai que les pôles hospitalo-universitaires n’ont pas rencontré le succès dans la première vague de sélection. Mais il en va de même pour Saclay, en dépit de la force mobilisée.

Il me semble plutôt sain que les sites n’ayant pas fait l’effort de s’inscrire dans une logique de projet structurant n’aient pas été sélectionnés, en dépit de leurs qualités indéniables. Cela atteste de la valeur ajoutée des investissements d’avenir. Ils portent sur des projets de plus grande envergure que ceux financés par la voie conventionnelle, et leur sélection est soumise aux mêmes exigences de compétitivité et d’impartialité. Le constat de secteurs non financés ne me choque pas.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Regrettez-vous le choix qui a été fait de privilégier le financement récurrent au détriment du financement sur projet ?

Mme Pascale Briand. En effet, cette décision est contraire à la logique du financement de la recherche. Elle place la France en décalage par rapport à la pratique européenne et internationale.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Le financement sur projet ne devrait-il pas porter sur une durée plus longue que trois ans, comme le demandent les chercheurs ? N’y a-t-il pas une voie médiane à trouver entre crédits récurrents et financement sur projet ?

Mme Pascale Briand. Le conventionnement sur trois ans que propose l’ANR fait très souvent l’objet d’avenants portant la durée à quatre ans. Nous en avons tiré les conséquences en proposant d’emblée un financement sur quatre ans. Néanmoins, nous restons attentifs à ce que, sur une telle durée un peu plus longue, de quatre voire cinq ans, la logique de sélection compétitive des projets soit maintenue. Cette voie d’un financement sur projet de plus longue durée est intéressante et certainement préférable à celle du financement récurrent.

M. le président Olivier Carré. Comment s’effectue le contrôle au fil de l’eau par le Commissariat général à l’investissement du suivi des projets ? Celui-ci accepte-t-il de donner du temps au temps lorsque l’évolution du projet le justifie, quitte à reculer les dates butoir initialement fixées ?

Mme Pascale Briand. Nous partageons avec le CGI le souci du respect de la logique de projet, quelle qu’en soit la durée. Il est essentiel, car, au fil du temps, cette logique a tendance à se perdre. Mais il ne faut pas non plus brider la possibilité de développement de la recherche en étant tatillon. C’est dans cet esprit qu’il nous a été demandé de travailler. Nous effectuons donc un suivi rigoureux des engagements, qui se traduit par un point d’étape au bout d’un an, avec un retour d’information sur l’évolution du projet et ses aspects financiers. Toutefois, ce suivi laisse le projet se dérouler, au rythme de ses échéances internes.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Il n’y a pas de remise en cause du versement des intérêts ?

Mme Pascale Briand. La remise en cause du versement des intérêts est prévue dans certaines actions, si, au bout de quatre ans, le jury qui a sélectionné le projet estime que l’écart constaté par rapport aux engagements initiaux ne peut être imputé à une réorientation logique du programme de recherche. Nous avons ainsi eu un cas de non-conventionnement d’un institut pour la transition énergétique et, dernièrement, l’arrêt d’un projet de nanobiotechnologie.

M. Arnaud Torres, responsable du département « Investissements d’avenir et compétitivité » de l’ANR. Dans ce dernier cas, il ne s’agit pas d’une décision unilatérale de l’ANR ou du CGI, même si nous avons le pouvoir de stopper les projets en cas de faute grave. Nous avons suivi la recommandation des pairs qui, lors de la phase de sélection, avaient inscrit dans les annexes à la convention une procédure de go-no go au bout de deux ans. Nous avons de nouveau contacté les membres du jury, un rapport a été demandé aux bénéficiaires et soumis, il y a huit jours environ, au comité de pilotage impliquant les différents ministères concernés.

Ces jalons, prévus dès l’origine, permettent d’évaluer si le projet conserve son intérêt et sa valeur ajoutée. Ils pourront s’appliquer, au bout de trois ans, aux SATT comme aux IRT pour évaluer s’ils doivent être maintenus ou réorientés, si leurs dotations doivent être diminuées, ou au contraire – sous réserve de crédits disponibles – augmentées dans le cas où l’effet de levier s’avérerait important.

J’insiste sur le fait que si la concertation implique l’ensemble des instances de copilotage, la décision finale revient au Premier ministre, et sur l’idée que l’application d’une procédure de go-no go au bout de trois ans constitue une précaution élémentaire compte tenu de l’ampleur des budgets en jeu et de la durée des projets.

Mme Pascale Briand. Il faut également souligner la valeur d’exemplarité d’une telle procédure. Il n’est pas neutre que nous soyons en mesure d’arrêter des projets.

M. Arnaud Torres. Je tiens d’ailleurs à préciser que le récent comité de pilotage auquel j’ai fait allusion avait à statuer sur deux projets et qu’il a, dans un cas, fait une proposition de go et, dans l’autre, de no go.

M. Patrick Hetzel, rapporteur. Considérez-vous que l’ANR dispose aujourd’hui des outils et des moyens lui permettant d’assurer le suivi des actions menées au titre du PIA ?

Parallèlement au suivi par action, des suivis régionaux transversaux ont été mis en place. Quel est leur intérêt et comment s’articulent-ils avec le suivi par action ?

Mme Pascale Briand. Nous nous sommes progressivement dotés des outils nous permettant d’effectuer un suivi satisfaisant et de produire les synthèses en temps voulu. Nous avons mis au point un cadre pour la remontée systématique des informations et leur traitement annuel. Au sein de ce cadre, nous mettons en œuvre, au cas par cas, une multiplicité d’actions permettant d’affiner ce suivi, notamment grâce à des visites de site. La situation est beaucoup plus tendue, en revanche, sur le plan des moyens humains, et ce d’autant plus que nous sommes à la veille du PIA 2. Quant aux budgets de gestion, nous les estimons suffisants.

Les suivis régionaux nous semblent très importants à divers titres. Si l’ambition des investissements d’avenir est bien de doper l’excellence, cela doit se faire avant tout au profit de notre compétitivité et de nos emplois. Le transfert et la valorisation sont donc essentiels, y compris pour des actions telles que les Labex ou les Idex. À ce titre, les bilans régionaux permettent de mieux évaluer comment les investissements d’avenir s’inscrivent dans l’écosystème de la recherche territoriale, en perspective cohérente avec l’autonomie croissante des pôles universitaires, ainsi que dans l’écosystème des entreprises.

En parallèle des synthèses nationales qui fournissent aux ministères, au CGI et aux organismes de recherche des évaluations par secteur, l’analyse régionale du point de vue de l’enrichissement des écosystèmes nous paraît essentielle.

M. le président Alain Claeys, rapporteur. Pour un homme politique, la question est : comment concilier cette nécessité d’excellence et l’harmonisation territoriale ?

Mme Pascale Briand. À l’origine, la logique des investissements d’avenir n’est pas celle de l’équilibre territorial. L’émergence d’équipes ou de sites s’insérant dans un « maillage de l’excellence » doit cependant pouvoir être recherchée, mais par d’autres mécanismes. La question de l’émergence des équipes me semble pouvoir être posée aux organismes de recherche et aux universités, l’émergence de sites pouvant être envisagée à partir de sites d’excellence, capables d’établir des maillages en réseau avec des sites plus isolés.

Nous mettons à disposition des synthèses annuelles apportant le même type d’informations région par région.

M. Arnaud Torres. Le suivi territorial permet également de faire apparaître la synergie entre les projets – les montages associant Equipex et Labex par exemple. À terme, il devrait éclairer, en aval de la chaîne de l’innovation, les projets relevant de la valorisation, comme les IRT voire les SATT. Avoir des interlocuteurs disposant d’une visibilité sur le territoire nous permet de mieux percevoir l’impact du PIA.

Dans les dix ans à venir, même les actions amont, plus académiques et tournées vers la recherche – comme les Idex et les Labex –, seront dans la nécessité absolue de rechercher un retour sur investissement non plus seulement par la création de connaissances mais par la création de valeur. Disposer d’indicateurs d’impact est donc nécessaire.

M. Patrick Hetzel, rapporteur. En observant Conectus, la SATT installée sur le territoire dont je suis l’élu, je constate que ces sociétés, dont l’un des objectifs est, à terme, de parvenir à équilibrer leurs comptes, peuvent être confrontées au dilemme suivant : privilégier le travail territorial ou valoriser à tout prix les brevets disponibles. Dans ces conditions, la logique des investissements d’avenir peut les conduire à stimuler la compétitivité d’industries, et donc d’économies, étrangères. L’ANR, le CGI et les ministères concernés ont-ils une doctrine en la matière ?

Mme Pascale Briand. Si la France a légèrement rattrapé son retard en matière de prise de brevets, ce n’est pas le cas pour ce qui concerne l’utilisation de ces brevets, les licences d’exploitation ou les achats, donc l’utilisation par des entreprises françaises de brevets nationaux ou étrangers permettant la création de richesses. Les SATT ne résoudront pas le problème à elles seules, mais ce sont des structures intéressantes, qui apportent une réelle valeur ajoutée aux pôles de compétitivité.

M. Arnaud Torres. Conectus est un bon exemple de SATT parfaitement intégrée dans son écosystème, notamment parce qu’elle est parvenue à nouer des partenariats très forts avec les pôles de compétitivité et à fonctionner en harmonie avec l’Unistra, l’Université de Strasbourg.

Cette société peut bien parvenir à l’équilibre financier en 2020, une fois épuisés les financements liés au PIA, et rapporter alors des dividendes à l’État actionnaire ; mais, s’il s’avère que 90 % de ses clients sont implantés hors de France et que notre appareil productif n’a pas bénéficié du transfert de connaissances de la recherche publique, l’opération aura été un échec. D’où l’importance de parvenir à un équilibre entre les indicateurs de production et de performance de la SATT – autrement dit, son chiffre d’affaires et son taux de retour sur investissement – et l’indicateur d’impact fourni par son portefeuille de clients. L’évaluation triennale des SATT, sur laquelle nous travaillons actuellement avec le CGI, le ministère de la recherche et la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS), tiendra ainsi compte de l’impact de leur action sur les PME et les ETI de l’écosystème. Pour ce qui est de Conectus, j’ai bon espoir.

L’idée de l’État n’est pas de faire des SATT des machines à cash. Reste que, si certains brevets ne peuvent trouver à être exploités dans son écosystème, une SATT doit conserver la possibilité de les valoriser sur des marchés extérieurs.

Mme Laure Fau, rapporteure à la Cour des comptes. À quelle logique va obéir la deuxième génération d’Idex ? Va-t-elle servir de rattrapage pour des projets comme les PRES Lyon et HESAM qui n’avaient pas obtenu de financement sur dix ans ou vise-t-elle le financement d’un autre type de sites ?

Mme Pascale Briand. Selon les dernières orientations fournies par le CGI et le MESR, le second appel à candidatures pour les Idex comportera les mêmes exigences d’excellence que celles formulées pour les Idex de première génération.

M. Arnaud Torres. Le texte d’orientation publié conjointement par la ministre de l’enseignement et de la recherche et le commissaire général à l’investissement, M. Louis Gallois, le 28 mars dernier est parfaitement clair sur ce point : les projets Programme d’avenir Lyon Saint-Étienne (PALSE) et Hautes Etudes-Sorbonne-Arts et Métiers (HESAM) devront faire acte de candidature. Ils devront fournir, en 2015, une pré-proposition – dont tiendra lieu leur dossier de fin de période d’évaluation – puis une proposition en 2016.

Quant aux Idex retenus dans le cadre du PIA 1, ils pourront, à l’issue de la sélection, soit se voir attribuer définitivement leur dotation, soit voir celle-ci réduite, sachant que, dans un souci de cohérence et de visibilité, c’est le même jury qui statuera sur les Idex de première génération en fin de période probatoire et sur les projets d’Idex liés au PIA 2.

M. Patrick Hetzel, rapporteur. Alors que les procédures d’évaluation du PIA 1 sont en place, quelles premières leçons pouvez-vous tirer, qui pourraient vous conduire à modifier certains dispositifs ?

Mme Pascale Briand. À la demande du CGI, nous avons analysé la mise en place du PIA 1 pour faire plusieurs propositions.

Il nous a semblé que le dispositif d’appel à projets confiant la sélection à des jurys internationaux et le suivi à des comités de pilotage devait être maintenu, car il avait donné satisfaction.

Nous estimons qu’il serait intéressant de recourir plus systématiquement à des conventions de préfinancement permettant d’accélérer le démarrage des projets.

Il faut simplifier le contenu des conventions et de leurs annexes, et supprimer certaines étapes de validation des documents.

Il importe également d’étendre à toutes les actions le recours aux jalons permettant de rediriger ou d’arrêter certains projets.

Enfin, nous militons pour une conception simplifiée du suivi, reposant sur la responsabilisation des acteurs, dont nous souhaitons qu’ils soient eux-mêmes porteurs des alertes, afin de diminuer les contrôles a priori au profit d’un contrôle a posteriori. Cette position vaut aussi pour les appels à projets gérés par l’ANR sur crédits budgétaires.

M. le président Olivier Carré. Nous vous remercions pour ces informations et ces analyses.