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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements

Mercredi 6 mai 2015

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 13

Présidence de Mme Monique Rabin et de Mme Catherine Vautrin, rapporteures

– Audition de M. Guy Piolé, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes, de Mme Isabelle Gravière-Troadec, conseiller maître à la deuxième chambre, et de M. Olivier Mousson, conseiller maître à la deuxième chambre

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous recevons M. Guy Piolé, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes, ainsi que Mme Isabelle Gravière-Troadec et M. Olivier Mousson, conseillers maîtres à la deuxième chambre. Le contrôle des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat relève des chambres régionales des comptes (CRC), par délégation de la Cour des comptes qui est, quant à elle, restée compétente pour contrôler les têtes de réseau que sont CCI France et l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA). Nous souhaiterions donc que vous puissiez nous présenter, d’une part, un bilan des observations formulées lors des contrôles des CCI et des CMA effectués par les chambres régionales des comptes et, d’autre part, votre analyse de la situation de leurs têtes de réseau respectives.

M. Guy Piolé, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes. La Cour des comptes est toujours honorée de venir s’exprimer devant la Mission d’évaluation et de contrôle mais je précise qu’il nous sera difficile de vous donner une vision panoramique et synthétique de ces deux réseaux. En effet, si les CCI et CMA, établissements publics nationaux, relèvent juridiquement du domaine de compétence de la Cour des comptes, ces organismes n’étant pas dotés d’un comptable public, leur contrôle était et demeure facultatif. Ces contrôles ont été, jusqu’à la fin des années 1990, assez peu fréquents. Ce constat ainsi que la proximité des CCI et des CMA avec la vie locale ont incité la Cour des comptes à déléguer ces contrôles aux chambres régionales des comptes, ce qui est devenu possible avec la loi du 21 septembre 2001. Contrairement à ce qui s’est passé pour les chambres d’agriculture ou les universités, la Cour n’a jamais repris cette compétence, non seulement parce que ces organismes sont, par construction, davantage liés au monde local qu’à l’échelon national, mais aussi parce qu’ils ne sont pas de véritables opérateurs des politiques de l’État.

La Cour des comptes a néanmoins conservé le contrôle direct des entités fédératives nationales – l’APCMA pour les chambres de métiers et l’Assemblée française des chambres de commerce et d’industrie (ACFCI), devenue CCI France, pour les chambres de commerce – ainsi que de leur administration de tutelle, la Direction générale des entreprises (DGE). Nous vous présenterons le contrôle effectué sur l’APCMA en 2014. Le contrôle de CCI France ainsi que de la DGE est programmé pour 2015.

Les vingt-cinq chambres régionales et territoriales des comptes ont donc compétence pour contrôler quelque 260 CCI et CMA. Compte tenu du caractère organique et facultatif de ces contrôles effectués chambre par chambre, il nous est difficile de nous situer au cœur de votre démarche synthétique, dans la mesure où les constats et appréciations que nous pourrons formuler au cours de cette audition sont issus d’une collection de rapports individuels et non d’une synthèse nationale, absente du catalogue des juridictions financières.

En outre, les chambres régionales des comptes ont la maîtrise de la programmation de leurs contrôles qui sont décidés en fonction d’un certain nombre de critères, notamment les enjeux financiers de chaque compte. Or, ceux des chambres de commerce et de métiers ne sont pas les plus importants. Les chambres régionales des comptes ont ainsi tendance à procéder pour le contrôle de ces organismes un peu comme pour les contrôles d’associations subventionnées ou de sociétés d’économie mixte, c’est-à-dire des organismes qu’elles ont la capacité de contrôler mais qui ne représentent pas les enjeux les plus élevés en termes de risques. Elles se consacrent dans la limite de leurs moyens à ces contrôles, facultatifs dans la mesure où ces organismes ne déposent pas leurs comptes chaque année à leurs greffes. La production des CRC concernant les chambres de commerce et de métiers est donc ponctuelle.

Par ailleurs, même si elles ont un statut d’établissement public, les CCI et les CMA sont soumises, sur le plan comptable, à des règles qui les rapprochent des entreprises privées. Ainsi, elles ne sont pas soumises à une instruction comptable de type M 9 mais aux principes du plan comptable général et leurs comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes. Dès lors, les chambres régionales des comptes apprécient les facteurs de risque en fonction des réserves émises par ces derniers. Or, il ressort du dernier rapport sur la qualité des comptes des administrations publiques d’octobre 2014, que des réserves n’ont été émises que dans 2 % des rapports des commissaires aux comptes portant sur les CCI et dans 12 des 133 rapports de certification concernant les CMA. Encore faut-il préciser, s’agissant de ces dernières, que les réserves sont liées pour l’essentiel, non pas à des irrégularités manifestes, mais au fait que les Centres de formation d’apprentis (CFA), qui doivent tenir une comptabilité spécifique, ne le font pas toujours dans les règles. Globalement, les CCI et CMA ne se signalent donc pas par une qualité comptable dégradée qui justifierait que l’on relève l’échelle de risque.

En outre, le dispositif juridique actuel ne prévoit pas, pour les CCI et les CMA, de mécanismes de signalement analogues à ceux existant pour les collectivités territoriales, dont les préfets, voire les élus, peuvent signaler la situation financière dégradée et demander le contrôle à la Chambre régionale des comptes. L’absence de telles procédures et de sinistres importants explique que les productions récentes des chambres régionales des comptes sur les CCI et les CMA soient assez peu nombreuses.

Les juridictions financières sont toutefois conscientes de l’intérêt qu’il y aurait à dépasser les approches en termes de contrôle organique, assimilables à des monographies organisme par organisme, pour produire des travaux de synthèse. Aussi la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes ont-elles convenu, pour les années à venir – l’arrêté de délégation actuel expirant fin 2015 – de renforcer leur coordination en créant un système de pilotage afin d’orienter la programmation des thèmes de contrôle et, le cas échéant, de produire des études de synthèse.

M. Olivier Mousson, conseiller maître à la deuxième chambre de la Cour des comptes. Le relevé d’observations définitives sur l’APCMA porte sur les exercices 2006 à 2012. De ce fait, il apporte un éclairage sur les effets de la réforme de 2010, notamment sur la réorganisation du réseau et les efforts de mutualisation, mais il n’analyse pas les résultats des années 2013 et 2014 et la dégradation due au plafonnement des ressources fiscales et aux prélèvements de l’État sur le fonds de roulement.

Ce relevé d’observations définitives a donné lieu à quatre recommandations principales ; les trois premières s’adressent à la fois à l’APCMA et à la tutelle, la dernière exclusivement à la tête de réseau.

En premier lieu, la Cour recommande, et ce depuis le précédent rapport datant de 2007, qu’un contrat d’objectifs et de performance (COP) soit signé rapidement entre l’APCMA et la tutelle et décliné, dans l’ensemble des régions, dans des conventions d’objectifs et de moyens (COM). Ce contrat existe et a été voté par l’APCMA, mais il n’est pas signé et fait toujours l’objet de négociations. En effet, l’APCMA ne veut pas s’engager sur des résultats précis tant qu’elle n’est pas certaine de pouvoir disposer des ressources nécessaires pour son application.

La deuxième recommandation porte sur les économies qui seraient rendues possibles par un rapprochement entre les réseaux consulaires des CCI et des CMA, rapprochement qui a été envisagé dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP). Le Premier ministre a exclu, par lettre du 4 mars 2014 adressée à chacun des présidents des têtes de réseau, toute perspective de fusion des deux réseaux. Néanmoins, la Cour considère qu’il existe des sources d’économies, sinon dans la fusion, du moins dans un rapprochement des deux réseaux en simplifiant les formalités demandées aux entreprises, notamment par la dématérialisation des procédures. Dès lors que les craintes des CMA d’être absorbées par les CCI sont apaisées, les unes et les autres pourraient collaborer et échanger des informations, et ce pour le bien des entrepreneurs puisque les artisans cumulent les formalités dans la mesure où ils sont inscrits à la fois au registre des métiers et au registre du commerce.

Les deux dernières recommandations sont directement liées à l’application de la loi du 23 juillet 2010, qui, dans le cadre du processus de réorganisation des CMA, place la chambre régionale au centre du réseau. La Cour recommande que ce processus s’accélère et qu’il soit notamment mis un terme à l’existence des chambres de région partielles. L’APCMA y est prête, incontestablement. Du reste, en 2015, les chambres de région devraient remplacer les chambres de région partielles dans six régions sur treize, mais il faut que les autres s’engagent dans le même processus.

Ensuite, la mutualisation des fonctions support, également prévue dans la loi de 2010, a commencé à être mise en œuvre par l’APCMA au sein du réseau. La Cour recommande à cette dernière de dresser le bilan annuel, en termes d’efficience et d’économies, de la politique de mutualisation informatique, de la gestion des moyens comptables et des ressources humaines ainsi que du traitement de la paie. Nous considérons que L’APCMA est fondée à réaliser un tel bilan et a les moyens de le faire. Si elle commence à mettre en place les outils nécessaires, elle n’en est pas encore à mesurer les économies, même si elle a, dans ce domaine, des espérances, fondées sur la suppression des sections comptables locales dans le cadre d’un regroupement régional.

En ce qui concerne le réseau des CCI, la Cour dispose de moins d’éléments précis. L’ACFCI avait fait l’objet d’un référé en 2006, d’une insertion au rapport public de 2009 et d’un contrôle portant sur les exercices 2005 à 2009, qui n’a donc pu mesurer l’impact de la réforme de juillet 2010. Un nouveau contrôle de CCI France portant sur les exercices 2010 à 2014 est prévu cette année.

Dans ses observations concernant l’ACFCI, devenue CCI France, la Cour a souligné que cette dernière ne disposait pas des moyens nécessaires pour exercer ses missions de tête de réseau, en raison de son absence d’autonomie financière mais aussi du poids de la CCI Ile-de-France. Le fait que la présidence des deux organismes ne soit plus assumée par la même personne, comme cela a souvent été le cas par le passé, crée en effet un blocage et un problème d’autorité. La question du pilotage stratégique du réseau par CCI France reste d’actualité ; elle se pose moins pour l’APCMA. Cela renvoie à la question plus générale de savoir qui doit piloter le réseau et quel doit être le rôle de la tutelle.

Par ailleurs, d’autres rapports de la Cour, élaborés le plus souvent avec les chambres régionales des comptes, portent sur les missions des réseaux. Nous disposons ainsi d’un rapport sur les dispositifs de soutien à la création d’entreprise, d’une insertion au rapport public sur les écoles de commerce qui dépendent du réseau des CCI, ainsi que d’observations provisoires sur Ubifrance.

Dans son rapport sur les dispositifs de soutien à la création d’entreprise, la Cour recommande de préciser les missions des chambres consulaires, en particulier des CCI, en matière d’orientation et d’accompagnement des porteurs de projet et de déterminer des conditions financières cohérentes avec la définition du rôle des CCI par rapport aux autres acteurs. Depuis la publication du rapport, un contrat d’objectifs et de performance a été signé avec l’État, qui comporte des indicateurs de résultats de l’action du réseau en matière de création d’entreprises. Toutefois, ce contrat doit maintenant être décliné dans des conventions d’objectifs et de moyens régionales. Or, le rapport de la Cour souligne la diversité des situations selon les régions.

Dans son insertion au rapport public de 2013 sur les écoles supérieures de commerce et de gestion, la Cour souligne, comme elle l’avait fait en 2002, l’absence de cohérence et de détermination de la fonction de pilotage et de contrôle des écoles en raison de la double tutelle des ministères de l’économie et de l’enseignement supérieur. Par ailleurs, la baisse notable du financement des écoles par les CCI implique que ces écoles changent de modèle économique. Ainsi la Cour recommande-t-elle que leur statut soit adapté au nouveau contexte. Peut-être faut-il envisager la suppression, la fusion, voire le rachat par des acteurs privés, de certaines écoles. Nous sommes là au cœur du sujet de la baisse des ressources.

Enfin, dans le relevé d’observations provisoires sur Ubifrance, la Cour fait deux recommandations qui concernent directement le réseau des CCI : Ubifrance doit clarifier et organiser le travail en commun avec les CCI afin de limiter les actions concurrentes et calibrer ses modalités d’intervention à l’étranger en fonction de la place occupée par les Chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger (CCIFE). Il est vrai qu’Ubifrance ne fait guère d’efforts pour travailler avec les CCI, et la situation ne semble pas s’améliorer. Il est intéressant de noter que la continuité du réseau consulaire, entre les chambres territoriales et les CCIFE, a été renforcée, ce qui a tendance à solidifier ce réseau par rapport à celui de l’État et à celui des régions. Il faut donc qu’ils se répartissent le travail. Les forces vives se trouvent dans les territoires et nulle part ailleurs ; une liaison avec l’appui à l’international est donc nécessaire. Par ailleurs, dans les pays où il n’a pas les moyens d’être présent, l’État doit dire clairement aux CCIFE : « A vous de jouer ! » L’État est prêt à accorder une délégation de service public à des CCIFE. Encore faut-il que les coûts soient transparents, ce qui est rarement le cas. Alors qu’Ubifrance est subventionnée à 80 %, les CCIFE ne disposent d’aucune subvention.

Mme Isabelle Gravière-Troadec, conseillère maître à la deuxième chambre de la Cour des comptes. Compte tenu du délai séparant la production des comptes et la publication du rapport et afin de vous apporter des informations utiles, nous nous sommes intéressés aux rapports des chambres régionales des comptes publiés depuis le printemps 2012 ce qui permet de prendre en compte la loi de juillet 2010. Au cours de ces trois dernières années, une trentaine de rapports ont été publiés, dont une dizaine sont consacrés aux écoles de commerce – je ne les ai pas retenus dans la mesure où la synthèse en a été faite par la Cour. Il reste donc une vingtaine de rapports, dont les deux tiers concernent les CCI, le tiers restant étant consacré aux CMA. Je me suis concentrée sur les éléments liés à vos préoccupations, laissant de côté ce qui relève de la commande publique ou des dysfonctionnements de la gestion des ressources humaines.

En ce qui concerne les CCI, il ressort des analyses approfondies réalisées par une dizaine de chambres régionales que leur situation est jugée globalement saine – même si les rapports les plus récents soulignent un début de réduction des recettes fiscales et souvent, des ressources propres. En outre, les réserves des années antérieures sont importantes, ce qui explique que le fonds de roulement peut aller jusqu’à une année de fonctionnement ; c’est notamment le cas de la CCI régionale de Lorraine.

La gestion des CCI est donc plutôt satisfaisante. Ainsi, la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire salue la « rigueur et la qualité de gestion » de la CCI Nantes-Saint-Nazaire. Cependant, dans un rapport du 3 mars 2015 concernant la CCIR d’Aquitaine, qui a fait l’objet du contrôle le plus récent, la CRC d’Aquitaine-Poitou-Charentes relève que « le solde financier – capacité d’autofinancement – a toujours été positif sur les années écoulées » mais que « le budget primitif 2014 prévoyait un résultat et une capacité d’autofinancement négatifs. » Autrement dit, la CCIR n’a pas voulu emprunter, préférant tirer sur ses réserves. On voit donc bien là les conséquences des décisions qui ont pu être prises. Il s’agit néanmoins du seul cas de ce type que j’ai identifié.

Il faut avoir conscience que l’exploitation de grosses infrastructures, surtout si la CCI n’est pas très importante, peut peser lourdement sur les comptes. Tel est le cas notamment de la CCI de Pau-Béarn, dont un premier résultat déficitaire a été constaté en 2009, entièrement imputable à l’aéroport de Pau-Pyrénées. De même, pour la CCIT de Bayonne-Pays-Basque, la CRC souligne, dans un rapport de décembre 2014, une baisse de résultat, lequel est passé de façon significative de 3,93 millions d’euros en 2009 à 622 000 euros en 2012, sous l’effet conjugué de l’importance des amortissements, des ponctions opérées par le niveau régional – la CCIR d’Aquitaine – sur la ressource fiscale et de la chute d’activité du port de Bayonne.

Par ailleurs, les chambres régionales des comptes relèvent parfois un manque de perspectives stratégiques. Mais cette situation n’est-elle pas due précisément à l’absence de perspectives financières et fiscales ? Toujours est-il qu’il n’y a pas de vision pluriannuelle des investissements et que les documents stratégiques n’ont généralement pas été adoptés. La Chambre régionale des comptes d’Aquitaine-Poitou-Charentes – dont je vais citer le rapport à plusieurs reprises, car il est le plus récent et me semble correspondre le mieux à vos préoccupations – note ainsi, après avoir rappelé qu’un tel document relève d’une obligation imposée par l’article L. 711-8 du code de commerce, que la CCIR d’Aquitaine a engagé le processus tardivement, en 2013, soit deux ans après le début de la mandature, et qu’elle n’a toujours pas, à ce jour, adopté de schéma directeur.

En ce qui concerne l’impact de la réforme de juillet de 2010, les très rares rapports qui l’évoquent soulignent tous le caractère encore timide des évolutions, qu’il s’agisse des regroupements, des mutualisations ou de l’élaboration de schémas sectoriels.

Un seul rapport, celui de la CRC d’Aquitaine-Poitou-Charentes, évoque les regroupements, pour indiquer que le regroupement infra-départemental n’a pu avoir lieu que dans le département de la Gironde, les présidents des autres chambres de commerce et d’industrie territoriales (CCIT) ayant opposé un refus à la CCI régionale.

Les mutualisations sont très rarement évoquées. Seuls deux rapports en font état, dont celui d’octobre 2013 sur la CCI de Lorraine, qui mentionne ce point pour regretter que le groupe de travail sur les mutualisations des fonctions support, « pourtant essentiel compte tenu de la mise en œuvre de la réforme, ne se soit réuni qu’une fois, le 17 mars 2011 ». Quant à la Chambre régionale des comptes d’Aquitaine-Poitou-Charentes, qui envisage la mutualisation sous l’angle d’un regroupement des CCI et des CMA, elle précise que celles-ci n’utilisent pas les possibilités de mutualisation offertes, même s’il existe une journée commune de l’économie en Aquitaine, ce qui constitue une version minimale de ces mutualisations.

Enfin, les schémas sectoriels sont particulièrement importants puisqu’ils doivent permettre à la CCI régionale de ventiler la ressource fiscale entre les CCIT qui lui sont rattachées. Or, si la plupart des CCIR ont adopté de tels schémas, ceux-ci ne permettent pas forcément pour autant une répartition rigoureuse et incontestable de la ressource.

Pour le reste, rappelons le poids de la gestion des infrastructures portuaires et aéroportuaires. À ce sujet, la Cour cite, dans le rapport public annuel 2015, l’exemple particulièrement coûteux 32 millions d’euros – du développement parallèle des aéroports de Dijon et Dôle, distants d’une cinquantaine de kilomètres seulement mais relevant de deux différentes régions.

J’en viens maintenant aux chambres de métiers et d’artisanat. Le paysage est très différent de celui des CCI, puisque la situation des comptes des CMA est globalement dégradée, en particulier outre-mer mais pas seulement. S’agissant de la CMA de Seine-Saint-Denis, la Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France relève que le « solde budgétaire consolidé […] a été constamment déficitaire de 2010 à 2013. Ce résultat est lié au déficit structurel du centre de formation des apprentis (CFA) dont l’activité diminue lentement. » La CRC ajoute : « Les mauvais résultats du CFA en matière d’apprentissage résultent fortement du défaut de vision prospective et d’actions engagées à long terme. » Le même constat a été fait pour la CMA du Var qui, selon la Chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, « se trouve dans une situation financière dégradée, le redressement opéré en 2012 restant à confirmer. » Les CFA connaissent un déficit chronique qui pèse sur les comptes de la CMA, laquelle dispose cependant de réserves.

Quant à la situation financière des CMA de Guadeloupe et de Martinique, elles sont dégradées, à tel point qu’en Martinique, c’est la pérennité même de la structure qui est en jeu.

Les centres de formation d’apprentis sont donc le principal problème actuel des CMA. Leurs capacités étant excédentaires par rapport au nombre d’apprentis réellement formés, les recettes sont en baisse alors que les coûts fixes demeurent. Du reste, ce n’est pas un hasard si la seule CMA contrôlée récemment par les CRC qui soit dans une bonne situation financière est celle de Paris, qui ne gère pas de CFA.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Lors de la précédente audition, un président de CMA nous a indiqué que sa chambre était dans une situation financière telle qu’il ne pouvait procéder à la mise à niveau de son CFA, pourtant nécessaire pour assurer certaines formations. Dans le même temps, nous entendons, sur le terrain, des professionnels se plaindre de manquer d’apprentis formés. On constate donc, d’une part, une inadéquation de l’offre à la demande et, d’autre part, la difficulté pour les chambres d’assumer financièrement le coût des CFA. À ce propos, on peut se demander, compte tenu du coût que représentent également les lycées professionnels pour les régions, si nous ne devrions pas, un jour, envisager la question sous l’angle des finances publiques.

M. Olivier Mousson. Sur le sujet de la formation professionnelle des jeunes, un rapport de la cinquième chambre de la Cour des comptes, auquel sont associées les chambres régionales des comptes, est en cours d’élaboration.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Un autre président de CMA, qui se félicitait de ne pas avoir de CFA, a reconnu, lorsqu’on lui a posé la question, que celui-ci était géré sous forme associative par la CCI et la CMA. Il pourrait être intéressant, dans le cadre d’un contrôle, de dissocier la question des CFA, car nous devons avoir une visibilité sur les missions fondamentales des chambres, notamment le service aux entreprises, dont le coût est occulté par celui de la formation.

Mme Isabelle Gravière-Troadec. Les CFA doivent avoir des comptes séparés mais effectivement, lorsque l’un d’entre eux est déficitaire, c’est la CMA qui abonde son budget. Cependant en principe, le coût des CFA a été pris en compte dans le calcul des prélèvements sur fonds de roulement.

De même que les commissaires aux comptes formulent davantage de réserves sur les comptes des CMA que sur ceux des CCI, de même, les observations des chambres régionales des comptes concernent davantage la gestion des CMA que celle des CCI : absence de contrôle interne effectif, non-présentation de budget séparé pour les CFA dans certains cas ou bien budgets devant être rendus exécutoires par le préfet, notamment pour retard de production.

Enfin, il est encore moins fait référence à la réforme de juillet 2010 dans les rapports des CRC sur les CMA que dans leurs rapports sur les CCI. Toutefois, la CRC d’Ile-de-France souligne, dans son rapport de septembre 2014 sur la CMA de Paris, que « la mutualisation entre les CMA de la région est bien trop lente au regard des enjeux ». En revanche, elle indique, dans le cadre de son contrôle de la CMA de Seine-Saint-Denis, que le COM pour la période 2014-2017 est en cours d’élaboration, ce qui devrait donner davantage de lisibilité à la gestion.

Mme Monique Rabin, rapporteure. CCI France a exprimé à plusieurs reprises son souhait d’une plus grande implication de la tutelle, ce qui nous a paru quelque peu contradictoire avec le souci d’indépendance des réseaux consulaires. Pensez-vous que la DGE devrait s’impliquer davantage ?

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. J’ajoute que la tutelle manque de clarté, en particulier vis-à-vis des écoles de commerce et de gestion. À cet égard, ne devrions-nous pas nous interroger sur les missions des chambres consulaires ? Qu’y a-t-il en effet de commun entre une chambre de commerce qui gère un port et un aéroport et une chambre de commerce qui ne gère aucune infrastructure ? Quant aux écoles de commerce et de gestion, nous avons vu qu’elles prennent parfois une importance telle que la CCI dont elles dépendent ne peut plus en assumer la gestion. Ne faut-il pas envisager une adaptation de la tutelle aux activités des chambres ?

M. Olivier Mousson. La tutelle a perdu beaucoup d’emplois, de sorte que le bureau de Bercy ne peut effectuer qu’un contrôle de légalité et n’a pas les moyens d’exercer une tutelle stratégique. Par ailleurs, il n’est pas étonnant que CCI France souhaite une plus grande implication de la tutelle ; l’APCMA a exprimé le même souhait allant jusqu’à demander un contrôle de légalité plus efficace. Dans ce domaine, le politique a un rôle à jouer, car les préfets de région ne peuvent pas faire appliquer des règles qui n’existent pas. En matière de réorganisation, l’APCMA a la volonté que les choses avancent, mais elle a peu de moyens : face aux élus, en l’absence d’obligation de faire, elle n’a que sa force de conviction. Si l’on peut être assez optimiste quant aux effets de la réforme de juillet 2010, les têtes de réseau ne peuvent qu’organiser et non contraindre. En revanche, la tutelle peut, si les textes existent, inciter davantage les chambres départementales à ne pas faire d’erreurs. On peut citer à titre d’exemple une situation qui nous a été rapportée par l’APCMA : alors qu’on oblige celle-ci à mutualiser les moyens informatiques, un préfet de région a validé un budget prévoyant des investissements informatiques dans une chambre départementale…

Mme Monique Rabin, rapporteure. J’ai été surprise d’apprendre que CCI France ne communiquait pas ses données comptables, ce qu’on appelle le Cube, à la tutelle. Nous avons eu accès, dans le cadre de la MEC, à quelques éléments intéressants, mais l’État n’en a pas connaissance. C’est d’autant plus choquant qu’ils demandent une plus grande implication de la tutelle qui est sous doute liée au fait qu’il leur est difficile de gérer la diversité des chambres.

M. Guy Piolé. Le mot « tutelle » est ambigu ; il faudrait savoir ce que recouvre exactement la demande des têtes de réseau. La véritable tutelle consisterait à considérer les organismes consulaires comme des opérateurs des politiques de l’État ; je serais très surpris que ce soit ce qu’elles souhaitent. Mais je ne suis non plus certain qu’elles souhaitent cette tutelle « paternelle » qu’exerçaient les préfets sur les collectivités locales et dont celles-ci n’ont plus voulu. S’il s’agit d’une tutelle partenariale, dont le rôle se limite au contrat d’objectifs et de moyens, qui est un cadre relativement bienveillant, je partage un peu le scepticisme de mon collègue.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Je souhaiterais revenir sur les CMA dont vous avez indiqué que la situation financière était nettement dégradée. Sait-on dans quelle mesure cette situation est due à la baisse des recettes et à l’augmentation des charges ? Le plafonnement décidé en loi de finances semble trop récent pour que l’on puisse en mesurer les incidences, mais ne faut-il pas s’interroger sur le rôle de ce qu’un président de chambre a pudiquement appelé, lors de la précédente audition, la micro-entreprise, c’est-à-dire, en clair, les auto-entrepreneurs ?

Mme Isabelle Gravière-Troadec. Les ressources fiscales représentent 20 % à 25 % des ressources d’une CMA. Pour le reste, les études dont nous disposons sont trop ponctuelles pour que nous puissions en tirer des généralités. Quant à la question des auto-entrepreneurs, elle n’est évoquée que dans un seul rapport. Mais il faut savoir qu’un mécanisme permet aux entrepreneurs de s’inscrire directement au greffe et d’être ainsi dispensés de l’inscription automatique à la CMA et du paiement de la redevance.

M. Olivier Mousson. Outre qu’ils bénéficient de l’immatriculation gratuite, les auto-entrepreneurs ne sont pas soumis à l’obligation de suivre un stage préalable à l’installation et sont exonérés du paiement de la taxe pour frais de chambre pendant deux ans. L’APCMA est donc en mesure de calculer, à partir du nombre d’auto-entrepreneurs immatriculés, le manque à gagner représenté pour le budget des chambres, manque à gagner auquel il faut ajouter une augmentation des charges liée à l’obligation qu’elles ont de les recevoir. Toutefois, la Cour n’est pas allée dans le sens de l’APCMA, qui souhaite la suppression de ce statut. Elle estime que c’est à cette dernière de s’adapter, mais, de fait, ce statut contribue à la baisse des ressources des chambres.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Curieusement, les CMA critiquent moins que les CCI les dernières décisions budgétaires et elles évoquent beaucoup moins souvent leurs difficultés financières que les CCI.

Mme Isabelle Gravière-Troadec. Les prélèvements sont bien moindres.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Certes. Par ailleurs, ainsi que l’a indiqué Mme Vautrin, nous sommes conduits à nous interroger sur les missions des chambres consulaires. À ce sujet, vous avez évoqué, à propos d’Ubifrance, les doublons qui peuvent exister dans le domaine de l’action internationale. Peut-on évaluer la part de celle-ci dans le budget des chambres ?

M. Olivier Mousson. Cette part est identifiable, en tout cas pour l’APCMA. Encore faut-il s’accorder sur ce que recouvre l’action internationale. Dans son rapport, la Cour estime qu’il n’est pas forcément pertinent que l’APCMA développe des actions à l’international. Puisque nous parlons des missions, mieux vaut que ces actions internationales soient limitées à CCI France, en relais des CCIFE.

En ce qui concerne les CCI, il nous est plus difficile de vous répondre, dans la mesure où nous ne disposons pas d’un rapport récent sur le sujet. Néanmoins, le budget de la chambre de commerce de Paris, par exemple – à qui l’on a pris beaucoup d’argent, parce qu’elle dispose de ressources importantes –, est consacré pour moitié aux écoles. Les écoles, les plus prestigieuses, notamment HEC, l’ESCP et l’ESSEC, figurent dans les meilleurs classements mondiaux. Faut-il casser un outil qui, a priori, fonctionne bien ? Mais ce qui est certain, c’est que, dans le contexte de la mondialisation, les écoles doivent être concurrentielles au plan international ce qui suppose des investissements. Dès lors, faut-il faire appel aux alumni, aux entreprises et aux fondations et en faire des institutions totalement privées ? La question du rôle des CCI se pose dans ce domaine, comme elle se pose pour les infrastructures, si les ressources financières ne suivent pas.

Pour le reste, il me semble qu’une représentation des artisans et des entreprises est nécessaire et qu’il s’agit de deux fonctions distinctes. Faut-il les fusionner au motif que la mission serait identique ? Je n’en suis pas certain. En revanche, nous sommes persuadés que des économies sont possibles dans le domaine des formalités.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Nous savons tous qu’il y a eu, dans ce domaine, au cours des quinze dernières années, des non-choix. Quant à la question de la double affiliation, et donc de la double cotisation, elle est souvent évoquée mais n’est jamais résolue.

Par ailleurs, nombre de chambres de commerce considèrent que la contribution à l’éducation fait partie des missions des entreprises, et je ne suis pas certaine que ces dernières souhaitent voir les CCI renoncer à la formation dans la mesure où leurs écoles forment des personnes dont les qualifications correspondent aux besoins des entreprises. De la même façon, nous savons que les artisans restent attachés à leur CFA. Il s’agit d’un sujet de fond. Si les chambres abandonnent la formation initiale et ne conservent que la formation continue, on change de paradigme…

M. Guy Piolé. J’hésite à m’engager sur un terrain qui n’a pas fait l’objet d’une expression collégiale de la Cour, mais nous avons tous en tête des départements qui comptent deux chambres de commerce et d’industrie distantes de seulement trente kilomètres. Je pense donc que le regroupement de ces structures, ainsi que des corps électoraux – car, dans certains ressorts, on peut s’interroger sur la réelle représentativité des élus – représente un gisement d’économies.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. J’ajoute qu’il faut prendre en compte la nouvelle carte des régions. Du reste, les CCI et les CMA ne nous ont pas attendus pour travailler sur le sujet. Mais il n’existe pas d’unanimité sur les choix à faire : certains privilégient une approche régionale avec une seule chambre départementale, d’autres préfèrent conserver les structures liées aux anciennes régions. Tout cela n’est pas encore tranché, mais vous avez parfaitement raison : il est nécessaire de rationaliser et de mutualiser, ne serait-ce que pour améliorer la lisibilité de l’organisation des réseaux.

Mme Isabelle Gravière-Troadec. Je me permets de revenir sur un point évoqué tout à l’heure pour vous apporter quelques précisions. Il s’agit du rapport sur la CMA de Seine-Saint-Denis, dans lequel la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France indique qu’en pratique, les chefs d’entreprise peuvent effectuer directement leurs formalités au greffe afin d’obtenir un extrait d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés plus rapidement qu’en passant par le centre de formalités des entreprises de la CMA de Seine-Saint-Denis. Cette procédure accélérée leur permet surtout de ne pas acquitter de frais d’inscription au CFE – 125 euros – et de ne pas suivre le stage de préparation à l’installation. La chambre relève du reste que le nombre des stagiaires a chuté de plus de 32 % entre 2009 et 2013. Par ailleurs, la CRC a pris acte du fait que, dans la perspective du recouvrement de ressources complémentaires pour améliorer sa situation, la CMA avait entrepris trois actions : sensibiliser les entrepreneurs à la nécessité de créer administrativement leur entreprise une fois celle-ci immatriculée au greffe et se rapprocher du greffe du tribunal de commerce de Bobigny pour limiter les cas de saisine directe de ce dernier, compte tenu du manque à gagner qui en résulte pour la CMA ; la dernière action concerne la question de la radiation des entreprises immatriculées.

Enfin, et c’est le seul rapport dans lequel il est fait mention de cette question, la CRC note que le statut d’auto-entrepreneur connaît des fluctuations importantes, sans plus de précisions.

M. Guy Piolé. Si la gestion des ressources humaines n’est pas un sujet qui vous intéresse directement, j’appelle néanmoins votre attention sur le fait que, dans bon nombre de cas, des indemnités de départ sont versées à des personnels et que les contentieux sont abondants. Il y a donc peut-être, là aussi, des sources d’économies importantes.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Vous avez raison. Du reste, il nous a été expliqué tout à l’heure que le solde net des mutualisations était, sinon nul, du moins peu important dans la mesure où des personnels avaient été refléchés et d’anciens cadres dirigeants avaient retrouvé des fonctions opérationnelles. Il serait donc intéressant, en effet, que nous prenions connaissance des éléments les plus saillants des rapports des CRC en ce qui concerne la gestion des ressources humaines. Le coût, pour les budgets de fonctionnement, de ruptures transactionnelles, par exemple, peut avoir des conséquences non négligeables sur l’augmentation des charges.

Nous vous remercions pour cette audition particulièrement intéressante.

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