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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements

Mercredi 13 mai 2015

Séance de 14 heures 30

Compte rendu n° 19

Présidence de M. Olivier Carré, président

– Table ronde réunissant des représentants des chambres d’agriculture : M. Jean-Bernard BAYARD, président de la Chambre d’agriculture de région du Nord Pas de Calais, M. Claude COCHONNEAU, président de la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire, M. Maximin CHARPENTIER, président de la Chambre d’agriculture de la Marne, M. Gérard RENOUARD, président de la Chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle, M. André SERGENT, président, et M. Pascal GOURAIN, directeur, de la Chambre d’agriculture du Finistère

M. le président Olivier Carré. Dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle consacrée aux réseaux consulaires, nous avons déjà entendu M. Guy Vasseur, président de l’Assemblée permanente des chambres d'agriculture. Nous avons souhaité, comme pour les autres réseaux consulaires, entendre directement des responsables de chambres, afin de savoir comment chacune analyse, sur son territoire, l’évolution des réseaux consulaires.

Nous vous remercions de nous donner votre appréciation sur les conséquences des différentes décisions prises dans le cadre des différentes lois de finances et de nous indiquer votre regard sur l’avenir de vos chambres. Comment réagissez-vous à la baisse annoncée de vos recettes et comment envisagez-vous de la gérer ? Comment, par ailleurs, travaillez-vous avec les chambres de commerce et d’industrie (CCI) ou avec les chambres de métiers et de l’artisanat et comment les ponts entre les trois réseaux s’organisent ?

Il ressort de nos précédentes auditions que des changements sont d’autant plus nécessaires que la situation sur le territoire est hétérogène : si certains acteurs se sont déjà largement engagés dans leur réorganisation, d’autres, au contraire, semblent plutôt subir les évolutions.

M. Claude Cochonneau, président de la chambre d'agriculture des Pays de la Loire. En préalable, je précise que la chambre que je préside est une chambre régionale.

Le réseau des chambres d'agriculture s’est mis en mouvement depuis le congrès de Beaune en 2008, où chacun avait pu noter la place plus importante que les régions étaient destinées à prendre. C’est pourquoi les chambres d'agriculture ont œuvré à mieux organiser leur réseau au plan régional, non pas en ignorant le niveau départemental mais en donnant un rôle plus important à l’établissement de niveau régional. Lorsque le Gouvernement nous a imposé la réforme du réseau par le biais des mesures budgétaires, le mouvement de régionalisation et de mutualisation était donc déjà engagé mais de manière inégale, toutes les régions n’ayant pas fait preuve du même engouement à accompagner ce mouvement. De ce fait, le réseau ne se trouve pas au même niveau de restructuration.

Ce n’est jamais le bon moment d’engager une telle réforme, mais il est particulièrement mal choisi pour les chambres qui s’étaient montrées réticentes à la régionalisation, d’autant que la réforme du financement doit se faire parallèlement au redécoupage des régions. Cette double réforme n’est pas de nature à apporter de la sérénité aux débats. Cependant, si les débats et les votes à l’unanimité lors des sessions des chambres d'agriculture traduisent cette inquiétude, ils montrent aussi la volonté de se restructurer.

Le prélèvement sur les fonds de roulement a été ressenti par certaines chambres comme une punition pour la bonne gestion de leur établissement, ce qu’on peut aisément comprendre en cas de prélèvement important. Quant à la baisse des ressources fiscales, elle est source de difficultés dans la région Pays de la Loire comme dans les autres régions. Si les chambres d'agriculture comprennent qu’elles doivent participer à l’effort commun, cette baisse est mal vécue au moment où il leur est demandé de remplir de nouvelles missions auparavant dévolues à l’État, ainsi en matière d’installation des exploitants.

Les relations avec les autres réseaux consulaires sont plus que diplomatiques ou amicales dans la mesure où nous menons des actions communes. Ce serait en revanche une erreur de fusionner les différents réseaux. Nos publics et nos modes de fonctionnement sont différents et sur le plan pratique, il est impensable de remplir les missions auprès des agriculteurs dans le cadre d’un seul réseau consulaire.

Si les différentes chambres consulaires mènent déjà des actions communes sur des sujets transversaux, tels que l’impact de l’économie sur le climat ou l’aménagement du territoire, une fusion est inenvisageable.

M. Maximin Charpentier, président de la chambre d'agriculture de la Marne. Les chambres d'agriculture représentent un outil très performant et indispensable pour le développement de l’agriculture et l’organisation du territoire. En effet, l’agriculture doit accomplir une mutation sans équivalent depuis quarante ans. Dans les années 1970, le monde agricole était chargé d’une mission alimentaire ; aujourd'hui il doit remplir de nouvelles et multiples missions très importantes Les chambres doivent accompagner cette mutation. L’agriculture mondiale ne doit pas seulement nourrir quelque 9 milliards d’habitants, elle doit jouer un rôle en matière de biens de consommation non alimentaires comme en matière d’aménagement du territoire ou de carbone vert. Seule la photosynthèse étant renouvelable sur la planète, le monde agricole doit être informé du rôle qu’on lui demande de jouer. Rappelons aussi que les agriculteurs occupent la plus grande partie du territoire : ils peuvent donc avoir une grande influence sur les décisions qui seront prises en matière de protection de l’environnement. Je suis un jeune président de chambre d'agriculture : j’ai quarante ans. Tels sont les défis qui me motivent.

Toutefois, même une chambre d'agriculture de la taille de celle de la Marne ne saurait les relever seule. Elle doit inévitablement mutualiser ses moyens pour être plus efficiente. C’est ce que nous avons commencé à faire, il y a deux ans, dans le cadre de la région Champagne-Ardenne : nous avons ainsi dépensé à cette fin 200 000 euros en conseil pour une meilleure organisation. Or nos efforts engagés ces deux dernières années n’ont pas été facilités car notre périmètre n’a cessé d’évoluer, la Champagne-Ardenne s’est vue successivement rattachée à la Picardie, puis à la Lorraine, puis à la Lorraine et à l’Alsace. Nous sommes néanmoins convaincus de l’intérêt de la mutualisation comme seul moyen de rendre plus efficace notre action – cette conviction est partagée sur le terrain – et nous n’avons pas diminué nos efforts.

L’équation budgétaire a également compliqué notre tâche. Pour la chambre d'agriculture de la Marne, l’écart moyen entre la baisse de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti (TAFNB) et l’augmentation des salaires annuels s’élève à 300 000 euros par an. Sur trois ans, sur un budget annuel de 8 millions d’euros, il faut trouver presque 1 million – ce qui représente une somme importante, compte tenu de l’écrêtement des fonds de roulement et des difficultés de trésorerie liées aux avances pour la réalisation de projets.

Si nous sommes convaincus de la nécessité de participer à l’effort commun, nous avons besoin de visibilité, s’agissant en particulier du périmètre des futures régions – ce qui n’est pas encore complètement le cas. La question est majeure pour les agriculteurs qui nous sollicitent en matière de méthode de production ou pour faire face à une perte de compétitivité. Nous devons d’autant plus conserver nos moyens que ceux des directions régionales de l’agriculture et de la forêt (DRAF) ou des directions départementales des territoires (DTT) ont diminué. Dans la Marne, compte tenu de la charge de travail du seul fonctionnaire des services de l’État chargé d’expliquer aux intéressés la complexité de la politique agricole commune, la chambre d'agriculture dû prendre la main pour répondre à l’angoisse – véritable – des agriculteurs. Ce sentiment est d’ailleurs partagé par l’administration et les chambres d'agriculture qui parviennent heureusement à mener un travail commun efficace et réactif et ainsi pallient les conséquences des baisses budgétaires affectant tous les services. Il conviendrait cependant de ne pas tout déstabiliser dans cette période de mutations où chacun a besoin de visibilité.

S’agissant des relations avec les autres chambres consulaires, nous travaillons sur le terrain, sur la base de projets : chaque partenaire vient avec ses compétences, ses réseaux et sa vision, ce qui nous permet d’être complémentaires. La fusion en un seul réseau aurait pour effet de niveler les compétences par le bas.

M. Gérard Renouard, président de la chambre d'agriculture de Meurthe-et-Moselle. Ce n’était effectivement pas le moment de diminuer les moyens des chambres d'agriculture, alors que l’agriculture française doit prendre un virage très serré et ne doit pas sortir de la route. Elle est capable, si on lui en donne les moyens, de relever un grand nombre des défis auxquels lui demande de répondre la société civile, qu’il s’agisse de l’alimentation – en termes de suffisance ou de qualité –, de la question énergétique, de l’aménagement du territoire ou de la gestion de la biodiversité. C’est pourquoi, plutôt que de diminuer les moyens des chambres, il aurait été préférable de leur en donner davantage.

Je suis également président d’une organisation non gouvernementale consacrée au développement international : dans ce cadre, je promeus le modèle français de développement au moment même où c’est un gouvernement socialiste qui le remet en cause sur le territoire français. Notre modèle a en effet pour caractéristique de permettre à l’ensemble du monde paysan, sans exclusive, d’accéder aux schémas de développement dans le cadre d’un système mutualisé dont les bases sont le compte d’affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR), les chambres d'agriculture et le financement par l’impôt. Or l’effort qui nous est demandé – remplir les mêmes missions avec moins de recettes – nous conduit non seulement à réduire nos charges mais surtout à passer d’un système mutualisé à un système facturé, qui ne sera accessible qu’aux plus fortunés et laissera sur le bord du chemin de nombreux paysans exclus des schémas de développement et de tous les dispositifs permettant à chacun de s’engager dans des voies de progrès. Cette privatisation de nos services sera préjudiciable à un modèle que j’étais fier de défendre au-delà de nos frontières.

Par ailleurs, est-il normal que notre participation à la résorption du déficit budgétaire national se traduise par la mise au chômage de nos collaborateurs ? L’ambiance au sein des chambres d'agriculture est délétère, chacun d’entre eux se demandant s’il sera le prochain sur la liste. Pour trouver 100 000 à 150 000 euros supplémentaires d’une année sur l’autre, chercher de nouvelles recettes ou resserrer encore les charges ne sont plus des moyens suffisants : il nous faudra mettre en œuvre à des plans sociaux, ce qui est dommageable dans un pays qui additionne les mauvais chiffres du chômage. C’est une idée d’autant plus mauvaise que nous manquons déjà de collaborateurs pour rendre les services découlant des réglementations de la politique agricole commune. Comment faire comprendre à des salariés qui dépassent déjà l’horaire légal que nous devrons nous séparer de certains d’entre eux ?

Une partie de la solution passe par la mutualisation, dans laquelle nous étions déjà très engagés dans le cadre des précédentes régions. Or avant même que ce chantier ne soit achevé, nous devons changer le périmètre de nos régions, ce qui engendrera des surcoûts dont nous n’avons plus les moyens – il faut savoir en effet que la mutualisation ne permet de réaliser des économies que dans un second temps. Notre légalisme nous conduira évidemment à fournir tous les efforts qui seront exigés de nous. Soulignons que les nouvelles régions rassemblent des territoires très différents, notamment au plan culturel – un Champenois ou un Ardennais n’est ni un Lorrain ni un Alsacien.

M. le président Olivier Carré. Nous sommes tous français !

M. Gérard Renouard. Nous y arriverons néanmoins. Il existe de nombreuses occasions et lieux de rencontre et de travail pour les représentants des différentes chambres consulaires, que ce soit à l’initiative de la puissance publique ou des collectivités territoriales. Toutefois, les chambres n’organisent pas vraiment un travail d’ensemble construit. On est plus dans les relations personnelles et il y a encore des marges de progrès.

M. le président Olivier Carré. Les chambres consulaires sont complémentaires…

M. Gérard Renouard. En Meurthe-et-Moselle, c’est surtout vrai s’agissant de la chambre d'agriculture et de la chambre des métiers et de l’artisanat – nous entretenons moins de relations avec les chambres de commerce et d’industrie car nos dimensions ne sont pas les mêmes. La chambre de métiers et de l’artisanat a même pris l’habitude de nous solliciter car elle estime que notre système de développement peut servir de modèle.

Nous poursuivons nos réflexions relatives à notre mode de fonctionnement. Nous sommes en effet entourés d’organisations professionnelles toutes très performantes. Dans un climat de plus en plus concurrentiel, nous nous disputons un même public, le public paysan. Il serait dommage que la diminution des moyens des chambres d'agriculture conduise à instaurer un système à ce point marchand que nous en arrivions à ne voir dans nos partenaires que des concurrents, voire des ennemis, alors que l’organisation professionnelle est exemplaire lorsqu’elle repose sur la solidarité et promeut un modèle mutualisé. La profession agricole ne gagnera rien à ce que les différents partenaires – coopératives, organisations de services – deviennent des compétiteurs.

M. Claude Cochonneau. Les tableaux de bord des comptes consolidés des Pays de la Loire depuis 2008 – ils sont à votre disposition – confirment que la mutualisation exige d’abord une phase d’investissement avant de se traduire par des économies – s’il est du moins possible de comparer des années dont les périmètres ne sont pas identiques. De la même façon, la construction du nouveau cadre régional ne permettra pas, dans un premier temps, de réaliser des économies.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. M. Charpentier a évoqué la chimie verte et plus généralement les nouveaux modes de production. Quels coûts ces évolutions représentent-elles ? Les prélèvements que vous avez subis vous empêcheront-ils de procéder à certains investissements ?

M. Maximin Charpentier. Le département de la Marne et la région Champagne-Ardenne accompagnent depuis dix ans le pôle de compétitivité agro-ressources : c’est du reste la chambre d'agriculture qui a été à l’initiative de sa création. C’est la preuve du rôle d’interface que jouent les chambres d'agriculture en matière d’innovation. Nous avons dépensé 200 000 euros dans un rapport sur l’organisation de la recherche, en relation avec l’avenir de la base aérienne 112 située à côté de Reims. Il convient d’autant plus d’organiser la recherche pour promouvoir l’innovation en agriculture qu’aucun organisme, qu’il s’agisse de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), des différents instituts ou des chambres d'agriculture, ne peut rien tout seul. Tous les acteurs doivent travailler ensemble car l’innovation dépend de leur complémentarité. Le rôle d’interface des chambres d'agriculture vise à associer au mieux les organismes de recherche à la production agricole. Je suis en relation avec le président de l’université de Champagne-Ardenne qui a pour projet d’orienter son université vers la bio-économie. Sans le relais très performant que sont les chambres d'agriculture, il ne pourra pas développer son projet. Le rapport que nous avons commandé révèle en effet que les chercheurs de l’INRA se spécialisent dans leur domaine, leurs publications leur permettant d’être reconnus au plan international et d’obtenir les budgets nécessaires à la poursuite de leurs recherches. De ce fait, ils délaissent tout un pan de leur activité en termes de transferts de connaissances ou d’essais monofactoriels, que l’INRA – qui n’en a plus les moyens – nous demande d’assumer à sa place. Si les chambres d'agriculture et l’organisation agricole ne constituent pas un relais performant entre le monde de la recherche et celui de la production agricole, alors nombreuses seront les innovations qui ne seront pas appliquées ou qui auront été développées en vain car elles ne sont pas transposables. Tel est le sujet du cluster que nous réalisons actuellement sur le pôle de compétitivité.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Dans quelle mesure les prélèvements sur fonds de roulement et les baisses de recettes que vous avez déjà subis ou qui sont à venir affectent-ils vos investissements ? Nos précédentes auditions nous conduisent à penser que les chambres d'agriculture sont moins affectées par leurs baisses de recettes que les CCI ou les CMA qui doivent notamment gérer des centres d’apprentissage.

M. André Sergent, président de la chambre d'agriculture du Finistère. Le chiffre d’affaires de la chambre d'agriculture du Finistère s’élève à 15 millions d’euros, dont la moitié provient de la TAFNB. Une baisse de 2 % de celle-ci se traduit donc par une perte de 150 000 euros.

En 2001, la chambre d'agriculture du Finistère employait 220 équivalents temps plein (ETP) : elle n’en emploie plus que 130, sans que nous ayons eu à procéder pour autant à un plan social. En effet, lorsque nous sommes arrivés, nous avons décidé de diminuer la charge en personnels, qui représentait entre 60 % et 70 % de notre budget. La régionalisation des chambres d'agriculture de Bretagne a permis de réduire le personnel sur l’ensemble de la région, au bénéfice de la chambre régionale qui emploie aujourd'hui quelque 150 ETP. Or, dans le même temps, les collectivités territoriales ont procédé à des embauches, par exemple d’ingénieurs des chambres d'agriculture, afin de promouvoir sur le terrain un certain type d’agriculture. Cela s’est fait avec l’argent public et je ne comprends pas la logique de cette démarche.

Le président d’une chambre d'agriculture doit d’abord se poser la question des réformes qu’il convient de mettre en œuvre pour accroître l’utilité de la chambre sur le terrain. En Bretagne, la régionalisation s’est effectuée dans une logique de mutualisation des ressources et des travaux, en matière notamment d’expertise et de recherche, les économies réalisées devant nous permettre d’accroître notre présence dans les territoires. Si les restrictions budgétaires ne nous permettent plus d’y être suffisamment présents, le risque est que nous disparaissions, ce qui serait très grave pour l’agriculture et les agriculteurs. Si nous avons toujours pour objectif de réaliser de nouvelles économies, vous devez toutefois nous donner les moyens de rester présents dans les territoires.

Ainsi, la chambre d'agriculture de Bretagne est très impliquée dans la recherche appliquée, alors que l’INRA est dans une logique de recherche fondamentale. Or nous avons déjà dû renoncer à certains outils et nous allons devoir le faire encore. Je tiens à tirer le signal d’alarme. Mes fonctions me donnent l’occasion de voyager et je constate que nos voisins ne diminuent pas leur effort de recherche. Il ne faudrait pas qu’en pleine période de mutation la recherche devienne le parent pauvre de l’agriculture. La recherche appliquée exige des investissements que la profession seule ne peut financer. Nous avions le soutien des conseils régionaux et les conseils départementaux : que vont devenir ces derniers ? Sachez que le budget de la recherche s’élève en Bretagne à 10 millions d’euros, 3 millions provenant des ressources fiscales.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Lors de son audition devant notre mission, la Cour des comptes a pointé le fait que vous manquiez de recettes : ne conviendrait-il pas de rendre le système plus juste, en l’appuyant peut-être sur le chiffre d’affaires ou en recherchant d’autres recettes que la TAFNB.

M. André Sergent. Le système actuel, qui est ancien, prend pour base l’hectare, ce que certains trouvent injuste, car le chiffre d’affaires à l’hectare dépend de l’activité agricole qui y est pratiquée.

Je voudrais rappeler que les économies découlant d’une baisse de la fiscalité sont infimes pour les exploitants agricoles propriétaires alors qu’une telle baisse peut avoir de graves conséquences sur le réseau – entendez-moi bien : je ne plaide pas non plus pour une augmentation des taxes.

Faut-il regarder du côté de la vente de nos prestations ? Nous sommes dans un monde qui exige toujours plus de compétitivité. Peut-être les chambres d'agriculture ne sont-elles pas suffisamment compétitives par manque d’organisation. Le problème est complexe.

M. Gérard Renouard. Mon principal sujet de préoccupation est le service du grand nombre sans exclusive ni sélection. Servir chacun engendre nécessairement des surcoûts. Il est impossible de demander à une chambre d'agriculture d’être compétitive dans le service qu’elle apporte à l’ensemble des paysans par rapport à des acteurs qui, eux, sélectionnent leur clientèle. Les chambres d'agriculture doivent conserver cette dimension sociale, qu’on ne saurait exiger d’une organisation à caractère commercial. Quelle part, dans l’activité des chambres d'agriculture, doit être réservée à la solidarité ? Comment prendre en compte les considérations budgétaires ?

Je rappelle que le financement du compte d’affectation spéciale du développement agricole et rural repose sur le chiffre d’affaires – l’imposition s’élève à 0,39 % de celui-ci.

Il n’est pas aisé d’imaginer de nouvelles ressources pour les chambres, en dehors du développement de la facturation des services. Il serait également possible d’entrer dans une logique patrimoniale, laquelle est pour l’instant totalement étrangère aux chambres d'agriculture, alors que les CCI possèdent déjà un patrimoine immobilier.

M. le président Olivier Carré. Certaines chambres d'agriculture sont déjà entrées dans une telle démarche.

Il est vrai, toutefois, que l’état d’esprit du monde agricole français a pour spécificité de reposer sur la coopération, le partage et la confiance mutuelle : cette culture vous permet de dépasser la simple logique marchande.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Le phénomène coopératif est aussi un spécificité du modèle français et influe sur le modèle industriel comme le montrent, par exemple en Champagne, la constitution de groupes coopératifs comme Agri-industriels Vivescia – ex-Champagne-Céréales – ou Cristal Union. Nous avons à mener une réflexion sur l’émergence d’un tel modèle industriel qui va plus loin que le simple modèle coopératif.

M. Claude Cochonneau. Si le système de financement actuel des chambres d'agriculture reposant sur l’hectare n’est pas parfait, il n’est pas non plus injuste : il convient de considérer les missions transversales d’aménagement et d’installation qui peuvent s’évaluer à l’hectare. Les entreprises qui réalisent un fort chiffre d’affaires à l’hectare font également appel à davantage de services techniques payants des chambres d'agriculture. Par exemple, le maraîcher achète, à l’hectare, plus de services à la chambre d'agriculture que le polyculteur éleveur. De plus, la part de l’impôt représente entre un quart et la moitié du budget de la chambre – un tiers en moyenne. Qu’un tiers du budget soit consacré aux missions transversales n’a rien de choquant.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Est-il possible d’évaluer les charges générées par les nouvelles missions qui vous incombent ? Certaines sont plus consommatrices que d’autres, notamment en temps ou en matière grise…

M. Claude Cochonneau. Il est facile de chiffrer, par exemple, la reprise des missions et des personnels ADASEA (Association départementale pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles). Nous pourrions également évaluer d’autres missions.

M. Maximin Charpentier. On nous charge de certaines missions du jour au lendemain, comme celle d’accompagner les agriculteurs en difficulté. Toutes cultures confondues, l’année 2014 a été catastrophique en termes de cours, si bien qu’un très grand nombre d’agriculteurs sont à l’heure actuelle en difficulté. Or plus nous les aidons en amont, plus grande est notre chance de les sauver : à l’heure actuelle, 10 % des agriculteurs des deux centres de gestion de la Marne étant en « zone orange » – il faut savoir qu’un centre de gestion regroupe 300 exploitants –, on nous demande de trouver 150 000 euros pour les accompagner, alors que nos moyens diminuent. Comment allons-nous faire ?

M. le président Olivier Carré. Nous entendons votre message.

M. André Sergent. En Bretagne, le nombre des salariés agricoles est devenu plus important que le nombre des exploitants, qui baisse régulièrement. Dans ce contexte, pour conserver notre production, nous devons former un grand nombre de jeunes aux nouvelles technologies. La formation est devenue une de nos missions majeures : comment l’assumer si nous n’en avons plus les moyens ?

M. Gérard Renouard. La formation est un domaine où les chambres consulaires ont intérêt à construire une collaboration efficace. D’ailleurs, lorsqu’elles entrent en concurrence, le conseil régional, qui pilote l’ensemble du dispositif de formation continue, leur demande de se mettre d’accord et arbitre.

M. Maximin Charpentier. Le monde agricole a intérêt à utiliser les leviers que constituent les programmes qui, comme les programmes d’investissement d’avenir (PIA), reposent sur des cofinancements. Cette démarche exigeant d’entrer dans une logique de projets répondant à des besoins de terrain, les chambres d'agriculture devraient pouvoir être associées à la rédaction des cahiers des charges. Cela permettrait d’aider au financement de projets dans les territoires.

M. Gérard Renouard. La question de l’imposition du foncier non bâti a été évoquée : il est bon de rappeler aux propriétaires que le bon état de l’agriculture, qui dépend lui-même du bon travail des chambres d'agriculture, se manifeste pour eux par l’augmentation du prix de la terre. Ils ne sont donc pas totalement perdants !

M. le président Olivier Carré. Je vous remercie, messieurs.

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