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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Mardi 8 septembre 2015

Séance de 17 heures 55

Compte rendu n° 31

Présidence de M. Jean-René Marsac, rapporteur

Les financements et la maîtrise de la dépense des organismes extérieurs de langue française

– Audition, ouverte à la presse, de M. Didier Le Bot, secrétaire général administratif de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF)

M. Jean-René Marsac, rapporteur. Je vous propose, dans un propos liminaire, de nous exposer les relations de l’APF avec les autres organisations de la Francophonie, notamment l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), en particulier au regard des interactions et des coordinations qui peuvent s’exercer au sein des programmes d’action, ainsi que des évaluations qui peuvent en être faites. Par ailleurs, vous pourrez nous apporter un éclairage spécifique sur la nature parlementaire de l’APF, avant que nous ne concluions par un échange de questions et de réponses, portant notamment sur les ressources et les dépenses.

M. Didier Le Bot, secrétaire général administratif de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF). Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à l’Assemblée parlementaire de la Francophonie. Je commencerai par faire une présentation d’ensemble des missions et moyens, puis j’exposerai ce que la nouvelle équipe dirigeante, en place depuis deux ans, a entrepris de faire pour mieux structurer et dynamiser l’APF.

Je suis secrétaire général administratif depuis deux ans, ayant été nommé à ce poste sur proposition du secrétaire général parlementaire (SGP), M. Pascal Terrasse, et après accord du bureau de l’APF. Le poste de secrétaire général administratif est traditionnellement occupé par un membre du corps des administrateurs de l’Assemblée nationale française. Son rôle est de préparer et de mettre en œuvre les décisions prises par le secrétaire général parlementaire, selon les orientations fixées par le bureau. Je suis aujourd’hui accompagné de Mme Florence Ribard, conseillère spéciale au sein du secrétariat général, spécifiquement chargée des questions budgétaires. Nous sommes tous deux mis à disposition de l’APF par l’Assemblée nationale, ce qui constitue l’un des moyens par lesquels elle contribue au fonctionnement de l’APF.

L’APF occupe une place singulière au sein de la Francophonie, puisque l’article 2 de la Charte de la Francophonie la reconnaît comme son assemblée consultative. Elle apporte une perspective politique aux instances de la Francophonie. Ayant vocation à exprimer la voix des peuples, l’APF a une compétence générale, ce qui lui permet de se saisir de toute question qu’elle estime digne d’intérêt. Le moyen le plus important de son expression est l’Avis qu’elle rend devant les chefs d’État et de gouvernement, qui se réunissent tous les deux ans lors du sommet de la Francophonie – le dernier a eu lieu à Dakar et le prochain se tiendra l’année prochaine à Madagascar.

La France occupe également une place originale au sein de l’APF. Elle détient deux postes importants : celui de secrétaire général parlementaire, occupé actuellement par le député Pascal Terrasse, et celui de président de la commission politique, actuellement occupé par le sénateur Jacques Legendre. Il est, en revanche, impossible à un Français de devenir président de l’APF, ce poste étant attribué tous les deux ans alternativement à des personnalités issues de la région Afrique et de la région Amérique. L’actuel président de l’APF, élu en juillet dernier, est M. Aubin Minaku président de l’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo. Le premier vice-président – qui a vocation à devenir président dans deux ans – est M. Jacques Chagnon, président de l’Assemblée nationale du Québec. La place conséquente occupée par la France au sein de l’APF est à mettre en regard de ce qu’elle lui apporte en termes de financement.

L’APF compte quatre-vingt-trois sections réparties sur les cinq continents. Selon l’article 1er de son règlement, elle « émane des parlements et assemblées exerçant le pouvoir législatif ou y concourant en vertu des dispositions constitutionnelles » – ce deuxième membre de phrase permettant d’y intégrer certains États fédérés américains ou canadiens, ou encore le canton suisse du Jura ou la Vallée d’Aoste.

L’APF a essentiellement deux missions, l’une politique, l’autre de solidarité. Institution éminemment politique, l’APF a été créée en 1967 – c’est d’ailleurs sous son impulsion que naîtra, trois ans plus tard, l’ancêtre de l’OIF, sous le nom d’Agence culturelle de coopération technique (ACCT). L’entité, initialement dénommée Association internationale des parlementaires de langue française, est devenue Assemblée internationale de la Francophonie à la fin des années 80, puis Assemblée parlementaire de la Francophonie en 1998. Cette évolution de dénomination n’est pas neutre : elle montre la volonté de l’APF d’occuper un rôle politique au sein de la galaxie Francophone.

L’APF est d’abord une enceinte de dialogue, un lieu d’échanges et de débats entre pairs. Si elle fait de l’État de droit une valeur universelle qui ne saurait être mise en cause par des considérations sociales, culturelles ou historiques, elle ne se réfère pas pour autant à un modèle démocratique qu’elle chercherait à imposer : elle est consciente que la démocratie ne se décrète pas, ne s’importe pas, ne se réduit pas à un Meccano politique institutionnel. Elle accorde donc une place fondamentale à la confrontation des expériences et des idées, dont la synthèse est faite dans les résolutions qu’elle adopte lors de ses sessions plénières.

À titre d’exemple, à l’issue de la session de juillet dernier qui s’est tenue à Berne, une vingtaine de résolutions ont été adoptées, la plupart portant sur les alternances politiques – l’un des sujets majeurs sur lesquels nous travaillons aujourd’hui, puisque des élections vont avoir lieu dans douze États de la Francophonie l’année prochaine. D’autres concernaient le terrorisme international, l’accès à la justice, la stratégie de la francophonie numérique, l’accès universel aux services de prévention VIH, la destruction des sites patrimoniaux, l’accès à l’information parlementaire, les moyens parlementaires de contrôle de l’action gouvernementale, les enfants sans identité, les changements climatiques, l’emploi des jeunes, les violences dont sont victimes les femmes et les filles en raison des conflits armés, les discriminations des femmes en matière de statut matrimonial.

Diverses résolutions ont porté également sur la situation politique de certains pays francophones. En tant que « vigie de la démocratie », selon le surnom que lui a donné le précédent secrétaire général de l’OIF, M. Abdou Diouf, l’APF est un observateur attentif des pratiques de la démocratie et du respect de l’État de droit dans l’espace francophone. À ce titre, les parlementaires n’hésitent pas à user de la diplomatie d’influence afin d’encourager les bonnes pratiques démocratiques et, au besoin, de sanctionner tout comportement jugé contraire aux valeurs de la Francophonie. C’est ainsi que les sections de la Syrie et de la République centrafricaine sont actuellement suspendues et que celles du Burkina Faso et du Burundi font l’objet d’une « mise sous observation », démarche préventive consistant à leur porter une attention plus particulière et systématique.

M. Jean-René Marsac, rapporteur. Si l’impact des sanctions prises par l’APF est évident, quel est celui de ses résolutions, et comment est-il mesuré ?

M. Didier Le Bot. Un rapport de suivi de l’application des résolutions a été mis en place. Une fois par an, un questionnaire est adressé à l’ensemble des sections afin de leur demander où en est l’application de telle ou telle résolution. Pour plus d’efficacité, les résolutions adoptées doivent être courtes et lisibles ; le secrétaire général a donc saisi l’ensemble des commissions en ce sens et nous sensibilisons les sections à la nécessité de suivre les recommandations. Ainsi, la résolution relative aux enfants sans identité fait-elle référence à des éléments très concrets relatifs à l’inscription des enfants, ce qui implique un élargissement de la notion d’accès libre et gratuit à l’état civil. Nous demandons également aux sections d’établir un rapport relatif à la mise en place des résolutions.

À l’origine, ce suivi revenait uniquement au secrétaire général, à qui incombait la tâche d’établir un rapport annuel. Lors de la dernière session parlementaire, nous avons décidé de décentraliser ce travail aux quatre commissions, afin qu’elles se sentent plus concernées par l’application des résolutions relevant de leur compétence : les rapports d’activité des présidents des commissions doivent donc désormais comprendre une partie relative au contrôle de l’application des résolutions précédemment votées.

Au titre de sa deuxième mission, l’APF joue un rôle de solidarité. Elle est un acteur central du renforcement des capacités des parlements de l’espace francophone. En étroite collaboration avec l’OIF, nous mettons en œuvre diverses actions dans les domaines de la coopération parlementaire et du développement de la démocratie. Ces actions s’organisent autour de cinq axes spécifiques.

Le premier axe est l’appui aux élus : nous organisons des séminaires visant à informer les parlementaires francophones sur des thèmes généralement choisis en accord avec les parlements concernés. Ces thèmes vont des plus généraux, tel les droits et devoirs des parlementaires, aux plus spécialisés, comme le contrôle des forces de défense – sujet important en Afrique –, le vote de la loi de finances, ou la prise en compte du genre dans le vote de la loi budgétaire. La formation est assurée par des parlementaires provenant de l’ensemble des pays, avec une dimension Sud-Sud que nous cherchons à développer.

Le deuxième axe est celui de la formation, dispensée cette fois aux administrateurs parlementaires lors de stages et séminaires.

Un programme spécifique, dit Noria, constitue le troisième axe. Il vise à moderniser les systèmes d’information des parlements, notamment en encourageant le recours à l’informatique.

Le quatrième axe est dédié à la jeunesse, à travers la mise en place de programmes visant à développer la conscience citoyenne et politique de la jeunesse francophone. Nous organisons des simulations parlementaires nationales et internationales. Tous les deux ans, en marge de notre session plénière, nous réunissons, à raison de deux représentants par section, un parlement francophone des jeunes qui travaille pendant cinq jours sur des thèmes similaires à ceux abordés par les parlementaires eux-mêmes. Nous fournissons à ces jeunes une aide à l’expression orale, notamment en les faisant participer à des joutes oratoires. Ils rendent ensuite compte de leurs travaux devant la session. Nous mettons également en place des parlements nationaux des jeunes, qui s’adressent à des jeunes de dix-huit à vingt-trois ans désireux de renforcer leur conscience politique.

Cinquième axe, l’action en faveur des femmes. Nous organisons des séminaires pour les aider à développer leur action dans la vie politique et économique. Il est à noter que, dans certains pays où les femmes sont peu représentées au parlement, il n’est pas rare qu’elles se réunissent spontanément et demandent à bénéficier de formations spécifiques.

M. Jean-René Marsac, rapporteur. De quelle manière ces programmes se coordonnent-ils avec l’action de l’OIF ? Quel est le partage des tâches entre les deux organismes et comment faites-vous en sorte d’éviter les redondances ?

M. Didier Le Bot. Nos actions respectives peuvent être coordonnées de deux façons. Pour ce qui est des thèmes retenus, notre volonté, depuis deux ans, a consisté à se rapprocher considérablement de l’OIF afin de travailler sur des thèmes communs. Des réunions de coordination sont ainsi organisées avec l’ensemble des directions de l’OIF. Nous mettons au point conjointement des priorités relatives aux thèmes et aux pays sur lesquels l’Organisation travaille, avant d’envoyer des propositions d’action à l’ensemble de nos sections au mois de novembre. En effet, l’APF ne souhaite pas imposer des coopérations, mais répondre à une demande et susciter un désir.

Le second type de coopération se fonde sur l’idée que l’APF et l’OIF ne s’adressent pas au même public – le nôtre est et doit rester constitué de parlementaires – et que l’exécutif doit être mis au courant de nos initiatives. Nous sommes en train de préparer un séminaire, qui doit se dérouler prochainement en Côte d’Ivoire, sur l’éducation au développement durable dans le cadre scolaire. S’agissant d’un séminaire régional, sept pays sont concernés au total. Cela implique de sensibiliser non seulement les députés, mais aussi ceux qui rédigent et proposent les programmes scolaires, donc de faire en sorte qu’à la fois les parlementaires concernés et des fonctionnaires de l’éducation nationale assistent à ce séminaire. Dans ce cadre, notre coopération avec l’OIF consiste à nous partager la prise en charge des frais de transport et d’hébergement des personnes concernées : nous payons pour les parlementaires, l’OIF paie pour les fonctionnaires.

M. Jean-René Marsac, rapporteur. À l’autre extrémité de la chaîne de mobilisation, on trouve également les élus locaux. En quoi peuvent consister les initiatives des collectivités territoriales, et de quelle manière peuvent-elles s’articuler avec votre action ?

M. Didier Le Bot. Un grand nombre des thématiques que nous abordons sont effectivement susceptibles de concerner les collectivités locales. Je pense notamment au développement durable dans les villes, mais aussi aux enfants sans identité – car l’état civil concerne au premier chef les collectivités locales. Nos relations avec l’Association internationale des maires francophones (AIMF) sont moins fortes que celles que nous entretenons avec l’OIF, mais nous nous efforçons tout de même de l’associer à certaines de nos actions, en prenant contact avec son Secrétaire permanent lorsque nous pensons pouvoir travailler sur une thématique commune. Ainsi avons-nous proposé à l’AIMF de contribuer à l’écriture de notre rapport sur les enfants sans identité. Cela dit, notre relation avec cette association doit pouvoir encore s’approfondir.

Pour remplir ses missions, l’APF dispose d’un budget et de moyens humains. La lecture de notre budget met en évidence une double dépendance, à la fois par rapport à l’OIF et par rapport à la France. Ce budget se caractérise par une faiblesse, relative et absolue, du montant total des cotisations. Les cotisations des sections membres ne représentent que 425 000 euros en 2015, sur un budget global de 2 millions d’euros. Cette faiblesse est encore plus visible quand on compare le montant de nos cotisations avec celui perçu par des institutions similaires telles que l’Union interparlementaire (UIP), l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP OTAN) ou l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (AP OSCE). À titre d’exemple, pour 2014, la cotisation de la France à l’APF s’élevait à 27 279 euros, contre 573 804 euros pour l’UIP. En d’autres termes, la cotisation française à l’UIP représentait vingt et une fois celle à l’APF. C’est dire que l’APF est globalement une institution qui coûte très peu cher à ses membres.

Nous sommes très dépendants de l’OIF, qui nous accorde une dotation de 850 000 euros, c’est-à-dire très exactement deux fois le montant de nos cotisations. La quasi-totalité des actions de coopération parlementaire est financée par la dotation de l’OIF. Cette dépendance renverse le schéma classique législatif-exécutif : dans notre cas, ce n’est pas l’Assemblée qui détermine le montant du budget de l’exécutif, mais l’inverse. L’une de nos priorités consiste à préserver notre indépendance en termes de décision d’action, afin que l’APF conserve son statut d’assemblée consultative et ne soit pas un simple opérateur de l’OIF – mais ce n’est pas facile avec un tel rapport financier.

Notre dépendance vis-à-vis de la France est également très forte. La France est, en effet, le seul pays à apporter des ressources financières supplémentaires à l’APF. Elle le fait, d’une part, au moyen d’une subvention de 117 000 euros du gouvernement français, imputée sur le budget du ministère des affaires étrangères – cette subvention s’est élevée à 130 000 euros jusqu’en 2011 ; d’autre part, au moyen de subventions du parlement français s’élevant à 196 600 euros : 80 000 euros proviennent de l’Assemblée nationale et sont affectés au paiement du salaire et des missions de notre responsable de communication ; la même somme versée par le Sénat sert à payer le salaire et les frais de mission d’un informaticien utilisé à la fois par le programme Noria et, en interne, pour notre système informatique ; 36 600 euros sont versés par la section française pour régler le loyer des locaux que l’APF occupe à l’Assemblée nationale, au huitième étage du 233, boulevard Saint-Germain.

À côté de ces contributions financières, la France est également la section qui contribue le plus au fonctionnement du secrétariat général, avec la mise à disposition de trois fonctionnaires parlementaires – un administrateur-adjoint du Sénat en plus de Mme Ribard et de moi-même –, la mise à disposition de locaux pour un loyer largement inférieur à celui du marché et la prise en charge partielle de frais d’entretien et de fonctionnement – ménage, électricité, affranchissements.

Pour ce qui est des moyens humains, le nombre de personnes travaillant au secrétariat général de manière permanente à temps complet est de treize personnes. Six d’entre elles – soit près de la moitié – sont mises à disposition par les sections membres les plus riches ou les plus impliquées : trois par le parlement français, une par le parlement canadien, une par l’Assemblée nationale du Québec et une par le parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les autres membres sont titulaires d’un contrat à durée indéterminée.

J’ajouterai, pour être complet, que le secrétaire général administratif adjoint est actuellement le greffier du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ; il se rend environ une fois par mois à Paris, où se tiennent des réunions de coordination. Enfin, l’Assemblée nationale du Québec finance chaque année la mise à disposition d’un stagiaire académique pendant six mois.

M. Jean-René Marsac, rapporteur. Quelle est l’évolution constatée au cours des dernières années en termes de personnel ?

M. Didier Le Bot. Le nombre de personnels payés par l’APF a diminué de deux unités depuis deux ans – deux unités sur treize, cela représente un effort conséquent. Un conseiller parti à la retraite n’a pas été remplacé, non plus qu’une secrétaire démissionnaire.

J’en viens à ce qui a été fait depuis deux ans afin de structurer et dynamiser l’action de l’APF. Dès son arrivée, il y a deux ans, le nouveau secrétaire général parlementaire, M. Pascal Terrasse, a eu la volonté d’« avancer avec un horizon de travail », ce qui, concrètement, a consisté à rédiger et faire adopter un cadre stratégique – une première pour l’APF – pour les années 2014 à 2018. Ce cadre fixe des objectifs, le principal étant de faire mieux avec autant, et expose les moyens de les atteindre. Il est sous-tendu par une double volonté : d’une part, desserrer la contrainte financière, d’autre part, rechercher une meilleure implication de l’APF dans les relations internationales.

Pour dégager une marge de manœuvre sur le plan financier, nous avons réalisé des économies de fonctionnement – j’ai déjà évoqué celles relatives au personnel –, mais aussi développé trois moyens plus originaux. Il s’agit, pour commencer, de la signature, en début d’année, d’un nouvel accord financier avec l’OIF. Cet accord, longuement négocié, s’est voulu gagnant-gagnant. Il présente une triple caractéristique. Tout d’abord, il confirme le maintien du montant de la dotation de l’APF à un niveau similaire à celui des années précédentes, à savoir 850 000 euros, alors même que l’OIF subissait une baisse très importante des contributions budgétaires de la part des États membres. Cela constitue une grande marque de confiance. Ensuite, cet accord garantit une fongibilité des crédits au sein d’une enveloppe globale. Jusqu’en 2015, l’APF signait chaque année cinq protocoles financiers avec l’OIF, concernant cinq programmes différents, dont le programme Noria. Avec ce nouveau protocole désormais unique, l’APF se voit accorder une souplesse de gestion permise par la fongibilité des crédits au sein d’une enveloppe globale. Le SGP a souhaité arrêter la segmentation des budgets et privilégier la transversalité. L’objectif était de casser les silos : ainsi, l’APF pourra, en cours d’année, redéployer et modifier la répartition des crédits afin de mettre en œuvre ses programmes et actions de manière performante et s’adapter à l’évolution de la situation internationale – par exemple, le redéploiement d’un programme rendu impossible par l’expansion de l’épidémie de fièvre Ebola ou la nécessité de consacrer un séminaire à une thématique revêtant un caractère prioritaire. Le programme de coopération parlementaire sera adopté par le bureau d’hiver de l’APF après concertation préalable avec l’OIF.

Le deuxième moyen de desserrer la contrainte financière a consisté à introduire une politique d’évaluation. Le contrôle exercé par l’OIF sur l’utilisation des dotations octroyées était essentiellement un contrôle a posteriori et comptable. M. Pascal Terrasse a souhaité y ajouter une évaluation qualitative : pourquoi une action est-elle réalisée, à quoi sert-elle et vaut-elle vraiment ce qu’elle coûte ? L’efficacité de cette politique d’évaluation passe par une démarche en amont, consistant à se fixer des objectifs. Les progrès se mesurent notamment à l’aide d’indicateurs divers, qualitatifs et quantitatifs, dont le choix et l’usage approprié sont bien évidemment déterminants. L’OIF est d’autant plus intéressée par cette démarche qu’elle s’efforce elle-même de mettre en place une démarche similaire, fondée sur la gestion axée sur les résultats (GAR). D’ores et déjà, le SGP a souhaité une meilleure lisibilité et transparence dans l’adoption du budget, qui incluait pour la première fois en 2015 une programmation complète et détaillée des actions.

Le troisième moyen d’obtenir une marge de manœuvre financière réside, plus classiquement, dans la recherche d’une meilleure synergie et de partenariats. Outre le partenariat avec l’OIF que j’ai déjà évoqué, nous en avons signé trois autres à Berne : un avec l’Association des secrétaires généraux des parlements francophones (ASGPF), un avec l’Association des ombudsmans et médiateurs de la francophonie (AOMF), et un avec la State University of New York (SUNY), qui est un opérateur de la United States Agency for International Development (l’USAID, Agence des États-Unis pour le développement international) – SUNY ayant pris en charge une grande partie des actions que nous avons conduites en Côte d’Ivoire. C’est une manière pour nous de mettre en valeur l’expertise francophone dans un univers que l’on pourrait croire a priori exclusivement anglophone.

D’autres partenariats sont en cours de négociation, par exemple avec le parlement panafricain ou le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). L’idée est de trouver des financements extérieurs ou d’agir en synergie. Nous le faisons déjà avec l’université Senghor d’Alexandrie pour des séminaires de formation organisés chaque année au bénéfice de fonctionnaires parlementaires : nous fournissons des intervenants parlementaires ou fonctionnaires, tandis que l’université fournit des intervenants universitaires.

L’APF ne souhaite pas renoncer au renforcement de sa présence sur la scène internationale, et s’est pour cela fixé trois objectifs. Le premier consiste à assumer une solidarité avec les pays en sortie de crise : l’APF a, au cours de ces dernières années, développé des programmes multilatéraux de développement, considérant que lorsqu’un pays revient vers la démocratie, c’est le moment de l’aider. Les besoins en la matière sont tellement importants que l’APF ne peut agir seule : elle va donc s’efforcer de jouer un rôle de coordination entre ce qu’elle peut elle-même apporter, et ce que ses membres peuvent apporter.

Le processus est le suivant : lorsqu’un pays sortant de crise souhaite être aidé et s’adresse pour cela à l’APF, nous mettons sur pied, conjointement avec l’Association des secrétaires généraux des parlements francophones, une mission d’évaluation dont nous tirons un rapport d’évaluation, mais aussi et surtout des propositions d’action très concrètes – généralement une trentaine. Lors de la session suivante, nous exposons le rapport à nos membres en précisant la part que nous allons assumer et en leur demandant ce qu’ils peuvent faire de leur côté. De tels plans de développement ont été réalisés au profit de la Côte d’Ivoire ; le Mali et Madagascar en bénéficient actuellement et, demain, Haïti, le Burundi, le Burkina Faso pourraient également en profiter.

Le deuxième objectif consiste à renforcer notre action politique dans la gestion de crise et l’accompagnement des transitions. Là encore, nous devons nous appuyer considérablement sur l’OIF, en lui faisant comprendre qu’en cas de crise, toute mission de contact doit automatiquement comprendre un parlementaire – pour cela, le SGP est très attentif à une collaboration optimale avec la nouvelle secrétaire générale de l’OIF, Mme Michaëlle Jean. Nous avons ainsi obtenu qu’un parlementaire soit intégré à la mission de contact envoyée au moment où a éclaté la crise du Burkina Faso – qui symboliquement, avait commencé par l’incendie de son assemblée nationale.

Nous demandons également à être associés aux missions d’observation électorale initiées par l’OIF. Nous n’avons pas les moyens de mettre sur pied nos propres missions d’observation, mais l’APF souhaite jouer un rôle grandissant au sein de ces missions, notamment en réclamant d’en assumer plus fréquemment les présidences. Là encore, l’idée est d’insuffler le réflexe d’une présence parlementaire au sein des missions de l’OIF.

Le troisième objectif de l’APF consiste à faire davantage entendre sa voix dans les grands débats internationaux. Nous nous efforçons de calquer nos travaux sur l’agenda international. Ainsi, dans la perspective de la COP21, nous avons suscité l’adoption d’une déclaration des parlements francophones ; d’une manière générale, nous nous efforçons régulièrement de susciter des prises de position communes sur des sujets d’actualité, telle l’abolition de la peine de mort. Afin d’être plus présente dans les grandes réunions internationales, l’APF prend en charge, lorsque le secrétaire général parlementaire ne s’y rend pas, 50 % des frais liés au déplacement et à l’hébergement de son représentant auxdites réunions, le solde étant laissé à la charge de la section concernée.

Vous le voyez, l’APF dispose de moyens limités. La possibilité d’augmenter ses ressources propres semblant aujourd’hui difficile, nous devons faire preuve d’imagination et d’ouverture pour agir plus efficacement. C’est ce à quoi l’équipe dirigeante, au premier chef le secrétaire général parlementaire Pascal Terrasse, s’efforce de répondre en mettant en avant les notions de transversalité, de responsabilité et de synergie.

Le soutien de la France est primordial. Une diminution de ce soutien déséquilibrerait fortement le fonctionnement de l’APF et aurait des conséquences très négatives sur sa capacité à remplir ses missions. Le président Abdou Diouf aimait à répéter que les Français ne savaient pas encore tout ce qu’ils pouvaient offrir à la francophonie, ni surtout tout ce que la francophonie pouvait leur offrir. Il espérait que viendrait un jour où il serait évident pour un Français de déclarer son amour pour celle-ci « sans crainte de paraître réac ou ringard ». Force est en effet de constater que la francophonie n’est pas un thème très populaire en France. Mon dernier message sera donc le suivant : il faut continuer à nous aider. Cela ne coûte pas très cher, car nous sommes une petite structure, mais ce que l’APF apporte à la démocratie parlementaire est irremplaçable.

M. Jean-René Marsac, rapporteur. Voilà un brillant plaidoyer pro domo !

Pouvez-vous nous préciser comment fonctionne le fonds d’aide aux activités associatives francophones ?

Sur le plan budgétaire, il semble que votre budget prévisionnel 2015 prévoie une nouvelle répartition entre programmes spécifiques et frais de gestion, qui vont passer respectivement de 50-50 à 70-30 – un renversement de tendance qui, à première vue, ne semble pas évident à mettre en œuvre. Cela s’explique-t-il par le contenu des programmes d’action et des frais de gestion, notamment les missions et déplacements ? Vous avez évoqué l’évolution des dépenses de personnel, mais je pense que le budget Missions et déplacements est forcément important. Bref, quel est votre regard sur cette évolution budgétaire ?

M. Didier Le Bot. L’idée qui a présidé à la création, en 2003, du fonds d’aide aux activités associatives francophones était de faire financer par des contributions volontaires des associations ayant des objectifs francophones. Or, on s’est aperçu à l’usage que seule la section belge alimentait ce fonds, et qu’elle prenait donc la main sur sa répartition. Au vu de cet échec, nous avons estimé que le plus simple était de supprimer ce fonds. La décision en a été annoncée lors de la dernière session et il n’y aura donc pas de mouvement sur cette ligne en 2015. Quant au fonds, il sera officiellement supprimé lors du bureau de février 2016, et acte sera pris de l’échec de la tentative de mise en place d’une solidarité associative francophone.

M. Jean-René Marsac, rapporteur. Était-ce la seule manière de faire participer des associations à vos travaux ? N’y a-t-il pas aujourd’hui d’autre opérateur associatif ?

M. Didier Le Bot. Nous n’en avons pas pour le moment, et nos moyens budgétaires ne nous permettent pas de répondre sur nos fonds propres à des demandes émanant d’associations.

Pour ce qui est de la nouvelle répartition des frais de gestion, le passage de 50-50 à 70-30 va se faire grâce à la réduction d’effectifs de deux unités : l’économie ainsi réalisée va nous permettre d’augmenter les dépenses consacrées à nos actions.

Enfin, en ce qui concerne la maîtrise de nos déplacements, nous sommes en grande partie tributaires des destinations de nos déplacements. Ainsi, en 2015, lorsque la session se tenait à Berne et le bureau à Clermont-Ferrand, nous avons été en mesure d’augmenter très sensiblement nos actions de coopération, le coût des déplacements étant très faible. Ce sera le contraire l’année prochaine, avec une session à Madagascar – où se tiendra également le sommet de la Francophonie – et un Bureau au Cambodge : dans ces conditions, nos frais de déplacement vont atteindre des sommes plus conséquentes, et nous devrons réduire d’autant le montant d’autres postes.

Toutefois, il est à noter que nous nous efforçons systématiquement de réduire les coûts, notamment en réduisant le nombre de membres du secrétariat général présents à nos séminaires et réunions institutionnelles. Alors que trois membres du secrétariat général parlementaire étaient jusqu’alors présents à la commission des affaires parlementaires, il n’y en a plus qu’un désormais. De même, pour limiter les frais de déplacement, nous nous efforçons de regrouper deux activités attribuées à un même conseiller : ainsi peut-il être demandé à celui-ci d’assurer conjointement en un lieu donné la formation des députés et l’organisation d’une réunion de commission.

M. Jean-René Marsac, rapporteur. Je vous remercie pour votre intervention.

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