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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mercredi 8 octobre 2014

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 01

Présidence de Mme Gisèle Biémouret et de M. Pierre Morange, coprésidents

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Agnès Jeannet, présidente du conseil d’administration de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), et de M. Didier Charlanne, directeur, sur « la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) » (Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure)

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mercredi 8 octobre 2014

La séance est ouverte à dix-huit heures cinq.

(Présidence de Mme Gisèle Biémouret et M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Agnès Jeannet, présidente du conseil d’administration de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), et de M. Didier Charlanne, directeur, sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. Nous reprenons le cours de nos auditions sur la mise en œuvre des missions de la CNSA. Créée il y a dix ans, cette instance a joué un rôle important ces dernières années dans le champ médico-social. Plusieurs auditions nous ont permis de mieux comprendre et de mieux cerner l’évolution de ses missions.

Madame, monsieur, qui êtes ici respectivement en tant que présidente du conseil d’administration et directeur de l’ANESM, j’aimerais savoir comment vous appréciez l’évolution de la CNSA, et comment vous avez pu, au fil du temps, travailler avec celle.

Pouvez-vous nous préciser vos relations avec la CNSA, en présentant en particulier la convention qui avait été passée entre vos deux organismes en 2007, et modifiée par avenant en 2009 ?

Pouvez-vous nous présenter les travaux que vous conduisez, qui visent à promouvoir la performance dans les établissements et services médico-sociaux (ESMS) ? Où en est la construction des indicateurs visant à évaluer les ESMS ?

Les directeurs des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), que nous avons auditionnés le 22 mai dernier, nous ont fait part du manque d’outils de pilotage et d’indicateurs, concernant notamment le suivi des places en établissement. Par la suite, nous avons pris connaissance de l’excellent rapport de M. Denis Piveteau, intitulé « Zéro sans solution : le devoir collectif de permettre un parcours de vie sans rupture, pour les personnes en situation de handicap et pour leurs proches », rapport dans lequel l’auteur formule un certain nombre de solutions. Vos travaux peuvent-ils permettre de répondre à ces difficultés ?

La Cour des comptes a souligné l’inadaptation des services d’information. Ce problème, qui a été soulevé dans presque toutes les auditions, est très pénalisant. L’ANESM participe-t-elle aux différents travaux destinés à développer les systèmes d’information dans le secteur médico-social, et notamment à ce qu’il est convenu d’appeler le chantier d’urbanisation des systèmes d’information lancé par la CNSA ?

Enfin, êtes-vous amené à travailler avec le conseil scientifique de la CNSA ? Son rôle pourrait-il être accru ? Nous auditionnerons prochainement ses représentants pour mieux connaître les sujets sur lesquels la CNSA et son conseil se mobilisent, et comment.

Mme Agnès Jeannet, présidente du conseil d’administration de l’ANESM. Je suis inspectrice générale des affaires sociales et je préside l’assemblée générale, c’est-à-dire l’assemblée délibérante, de l’ANESM.

L’Agence a le statut juridique d’un groupement d’intérêt public (GIP) composé de l’État, de la CNSA et de l’ensemble des fédérations gestionnaires de l’ensemble des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS). Les conseils généraux auraient dû en faire partie, dans la mesure où ils ont compétence sur toute une partie du secteur social et que, notamment, la partie « enfance » des fédérations qui s’occupent de l’enfance relève directement de leur autorité et de leur responsabilité. Pour des raisons historiques, ce n’est pas le cas.

Le GIP n’est pas un établissement public. C’est une structure assez originale, puisque les gestionnaires siègent au conseil. L’idée était de les associer à la politique de qualité.

Je n’ai pas de fonctions exécutives. C’est le directeur, M. Didier Charlanne, qui est en charge des fonctions exécutives de l’établissement.

M. Pierre Morange, coprésident. Je précise que le capital et les voix des organes délibérants des GIP doivent être détenus à plus de 50 % par des personnes morales de droit public ou de droit privé mais chargées d’une mission de service public.

Vous avez fait allusion aux fédérations. Y a-t-il à l’ANESM des prestataires privés ? Cette question me semble avoir de l’importance, compte tenu de l’intervention toujours plus importante du privé dans le secteur médico-social.

Mme Agnès Jeannet. Parmi elles, il y a des fédérations privées comme, par exemple, le Syndicat national des établissements et résidences privées pour personnes âgées (Synerpa). Mais ce sont des fédérations gestionnaires d’établissements, quel que soit le statut de gestion de ces établissements, lucratif ou non lucratif, organisées par section (enfance, personnes âgées, personnes handicapées, exclusion) qui siègent à l’assemblée générale, aux côtés de deux représentants des usagers, et des représentants des financeurs, l’État et la CNSA. Ces derniers étant les deux seuls financeurs, ils ont la majorité des voix dans cette instance.

M. Didier Charlanne, directeur de l’ANESM. Je me propose de rappeler les missions de l’Agence et le calendrier particulier dans lequel nous nous inscrivons.

Les deux principales missions de l’Agence, prévues par le législateur, sont directement corrélées aux obligations faites aux établissements et aux services sociaux et médico-sociaux.

Première obligation : mettre en œuvre une évaluation interne de la qualité des prestations qu’ils délivrent, dont ils rendent compte tous les cinq ans, par un rapport qu’ils remettent à l’autorité qui les a autorisés. Ces évaluations internes sont faites au regard des recommandations de pratiques professionnelles produites par l’Agence. C’est là sa première mission : fournir des recommandations de pratiques professionnelles qui sont utilisées par les établissements pour évaluer la qualité des prestations qu’ils délivrent.

Deuxième obligation faite aux établissements et aux services : depuis 2002, la durée d’autorisation est généralement de quinze ans, en dehors de services particuliers comme les services « agréés qualité » qui ont une autorisation de cinq ans. Au bout de cette période, ils sont tenus de faire procéder à deux évaluations externes – qui apportent le regard d’un tiers sur leur système d’évaluation interne. Ces tiers sont des organismes, des opérateurs privés qui sont habilités par l’Agence. C’est là sa deuxième mission.

Je tiens tout de suite à préciser que l’habilitation est une autorisation d’exercice. Cela signifie que l’Agence exerce un double métier, à la fois de production de recommandations de pratiques professionnelles, mais aussi de régulation d’un secteur qui a été confié à des opérateurs privés. Ainsi, si elle donne une autorisation d’exercice, elle peut aussi suspendre ou retirer l’autorisation d’exercer l’évaluation externe. J’ai d’ailleurs moi-même habilité aujourd’hui plus de 1 200 organismes pour couvrir l’ensemble des besoins du territoire, et retiré plus de 120 habilitations suite à des manquements. Les obligations faites à ces opérateurs privés sont fixées par voie réglementaire : en termes de diligences à opérer, c’est l’annexe 3-10 du code de l’action sociale et des familles (CASF) ; et en termes de déontologie et d’indépendance, c’est la combinaison des articles D. 312-199 à D. 312-206 du CASF qui leur interdit, par exemple, d’avoir un intérêt dans l’établissement dont ils ont la charge d’évaluer la qualité des prestations.

Par ailleurs, si nous sommes dans un calendrier tout à fait particulier, c’est parce que les deux tiers des autorisations de fonctionnement des établissements doivent être renouvelées en 2017. La procédure de renouvellement des autorisations s’opère soit par tacite reconduction, au vu – et exclusivement au vu – des résultats de l’évaluation externe (article L. 313-1 du CASF), soit par reconduction expresse. Dans cette dernière configuration, l’autorité émet une injonction de produire un dossier de demande de renouvellement à un établissement ; celui-ci doit alors produire un rapport d’évaluation externe et l’autorité rentrera ensuite dans un processus d’examen du dossier de demande.

Les chiffres ne sont pas encore rendus publics, mais je peux vous annoncer que plus de 16 000 établissements et services auraient d’ores et déjà engagé ou réalisé l’évaluation externe – ce sont les données de rapports d’activité arrêtées au 30 septembre dernier – sur une cible qui s’élève à un peu plus de 24 000 établissements et services.

M. Pierre Morange, coprésident. Nous avons entendu des remarques dénonçant la méconnaissance des coûts de gestion de l’ensemble de ces structures. L’évaluation dont vous nous parlez est-elle adossée sur la pratique professionnelle et l’efficience thérapeutique ou sur une analyse budgétaire ?

J’ai par ailleurs bien noté que vous étiez habilités à délivrer – et à retirer – votre agrément aux établissements. Dans un autre cadre, celui du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), j’ai mené une mission sur la formation professionnelle : la complexité du système et les nombreux scandales liés à des détournements de fonds publics nous ont amenés à penser qu’il serait bon de pouvoir retirer leur accréditation à certains organismes en cas de mauvaise efficience des prestations. Or il semble que ce soit difficile à mettre en place pour des raisons juridiques. Pourriez-vous nous donner quelques informations supplémentaires sur votre façon de procéder, pour que nous puissions poursuivre notre réflexion en la matière ?

Mme la rapporteure. Travaillez-vous en collaboration avec les deux autres agences que sont l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) et l’Agence nationale d’appui à la performance (ANAP) ?

Concernant l’échéance de 2017, pouvez-vous nous préciser à quelle date les établissements et services doivent remettre leur rapport d’évaluation externe ?

M. Didier Charlanne. La procédure de tacite reconduction suppose qu’ils aient transmis leur rapport d’évaluation externe au plus tard le 3 janvier 2015. S’ils dépassent ce délai, nous ne serons plus dans la procédure de tacite reconduction – dont il est toujours possible de sortir au demeurant – mais dans une procédure expresse. Cette dernière repose sur une injonction faite par l’autorité à l’établissement, à partir du moment où il aura été constaté que le rapport n’a pas été adressé, de transmettre un dossier de demande de renouvellement d’autorisation où doivent figurer les résultats d’une évaluation externe. L’établissement dispose de six mois pour déposer ce dossier, à compter de l’injonction par l’autorité, et l’autorité a un an pour procéder à l’injonction. Cela signifie que les établissements doivent transmettre leurs dossiers au plus tard en juin 2016, de façon à laisser à l’autorité le temps de traiter le rapport d’évaluation externe et de prendre une décision éclairée.

À ce jour, 16 000 établissements et services se sont engagés dans la procédure tacite. D’autres le feront dans les derniers mois de cette année. Les suivants feront l’objet d’injonctions. Nous ne sommes donc pas au bout de la procédure.

Je tenais à signaler que l’ANESM, à la différence d’autres agences, est directement intégrée dans une ligne de décision administrative. Elle contribue au renouvellement d’autorisation, qui est exclusivement subordonné aux diligences à opérer, parmi lesquelles ne figurent que des questions de qualité des prestations. Le législateur n’a pas prévu qu’une décision de renouvellement d’autorisation soit subordonnée à des conditions budgétaires.

En revanche, il a prévu la possibilité, pour les autorités, de subordonner le renouvellement à des conditions particulières définies dans l’intérêt des personnes accueillies (article L. 313-6 du CASF). Ce qui veut dire, par exemple, que si un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) n’a pas organisé l’accès aux soins pendant la nuit pour ses résidents et que par un défaut d’astreinte d’infirmiers diplômés de l’État (IDE), on identifie un risque de décès ou d’hospitalisation injustifiée, l’autorité pourra définir, dans ces conditions particulières, la nécessité de mettre en œuvre une mesure d’astreinte dans tel ou tel délai.

Mme Agnès Jeannet. Avant la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, les autorisations étaient accordées ad vitam aeternam – même si ces autorisations pouvaient être retirées à la suite d’une inspection pour défauts de soins, maltraitance, etc. L’idée de cette loi est d’inciter les établissements à suivre une dynamique de qualité et de revoir leur situation tous les quinze ans, en imaginant en effet que la qualité de leurs prestations se sera progressivement améliorée.

En fait, il y a deux angles d’attaque dans la politique publique menée envers les personnes en situations de fragilité sociale et médico-sociale. Le premier est le point de vue de l’usager, puisqu’il concerne la qualité des prestations et donc le service rendu ; c’est ce que gère l’ANESM – la HAS faisant la même chose pour la partie « soins ». Le second est d’ordre financier, puisqu’il vise la performance et l’efficience : la qualité pour quel prix ? C’est le rôle de la CNSA – dans la moitié du champ de compétences de l’ANESM – et de l’ANAP – qui cherchent notamment à améliorer les systèmes d’information.

Mme Gisèle Biémouret, coprésidente. Si je comprends bien, les organismes que vous labellisez contrôlent aussi les établissements publics.

M. Didier Charlanne. Absolument, et c’est la catégorie juridique des établissements qui définit le mode d’évaluation ou de contrôle.

Cela dit, je voudrais insister sur le fait que notre travail porte sur l’ensemble des personnes et des populations qui sont concernées par les établissements et services sociaux, sur des périodes de prise en charge très longues, voire sur la totalité de la vie. À partir de là, nous sommes tenus d’intégrer des notions de qualité de vie. D’où la vision, portée par le législateur, d’un projet personnalisé, « co-construit » avec les intéressés. Notre démarche ne s’apparente donc en rien à la vérification d’actes reproductibles.

Mme la rapporteure. Je voudrais revenir sur les questions liées aux coûts de gestion. Comment travaillez-vous sur ces questions ? Des moyens vous sont-ils alloués pour aller un peu plus loin ?

Lorsque des rapports d’évaluation externe vous sont transmis, au bout de quinze ans, par tacite reconduction ou non, vous pouvez renouveler – ou non – l’habilitation. Mais entre-temps, la législation a pu changer – par exemple la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est intervenue – et les établissements et services ont été amenés à évoluer et à se réorganiser. Est-ce que, à travers ce travail d’évaluation, vous mesurez les évolutions des établissements sur les territoires ?

En effet, nous avons besoin de voir comment ces établissements s’organisent, comment les associations gestionnaires pilotent et mettent en œuvre, sur les territoires, des projets innovants. Comme vous l’avez fait remarquer, nous sommes dans une autre dynamique que précédemment. Autrefois, une fois l’habilitation accordée, le temps passait – avec ou sans contrôle – et, reconnaissons-le, l’établissement ne bougeait pas beaucoup. Aujourd’hui, on ne peut plus s’en contenter.

M. Didier Charlanne. Premièrement, nous ne recevons pas les rapports d’évaluation externe. Nous sommes une toute petite agence de 29 personnes, qui travaille sur 38 000 établissements et services.

M. Pierre Morange, coprésident. Pourquoi ne recevez-vous pas ces rapports ?

M. Didier Charlanne. Parce que la décision de renouvellement est portée soit par les autorités de l’État, les agences régionales de santé (ARS), les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), soit par les conseils généraux.

M. Pierre Morange, coprésident. Le cloisonnement du système français, dans le secteur sanitaire, social et médico-social, est tragique. Quand la base d’information n’est pas commune, comment adopter une stratégie et prendre des décisions stratégiques pertinentes, tant en termes d’investissement que de fonctionnement ?

Cela nous renvoie à l’intervention de notre rapporteure, qui s’interrogeait à propos des coûts de gestion, sur lesquels plane une immense zone d’ombre.

Cela nous renvoie également à l’audition de M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, qui a présenté ce matin le rapport de la Cour des comptes sur la dette des hôpitaux. À cette occasion, nous avons évoqué notre méconnaissance complète du patrimoine hospitalier public. C’est tout de même assez extraordinaire, quand on sait que n’importe quel particulier doit faire état du capital qu’il possède pour solliciter un emprunt ! Ce n’est pas parce l’hôpital est un acteur public qu’il doit pouvoir s’en dispenser. Comment avoir une stratégie d’investissement si l’on ne sait pas ce que l’on a à son actif comme patrimoine ?

Suite au rapport de la MECSS et une demande du Sénat, la Cour des comptes a fait état du patrimoine colossal de l’hôpital français, mais sans en estimer précisément la valeur patrimoniale. De votre côté, avez-vous des éléments sur la valeur patrimoniale du secteur médico-social ? Quelle est, éventuellement, l’importance de la dette qui s’y rattache ? A-t-on eu recours à des produits financiers structurés, c’est-à-dire à des prêts toxiques qui, à terme, pourraient pénaliser la stabilité budgétaire de ces établissements ?

Mme Agnès Jeannet. Il y a la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), et puis il y a le corps médical et les hôpitaux. Comme vous le savez, l’idée que la qualité des soins puisse dépendre du financeur terrorise et terrorisera toujours beaucoup de monde dans notre pays. D’où la création, en 2004, de la Haute autorité de santé (HAS), autorité dite indépendante, pour sauvegarder les intérêts des financeurs.

Personnellement, en tant que fonctionnaire, je vous rejoins. Vous avez raison d’insister et de vous interroger à propos de ce cloisonnement. Mais lorsqu’il s’agit de la qualité des soins, donc des techniques utilisées, donc du bien-être des personnes, l’idée que le financeur décide est jugée inacceptable en France. C’est acceptable en Angleterre, mais pas chez nous.

On a donc choisi des moyens un peu baroques de cloisonnement, mais aussi d’articulation, pour permettre une politique de qualité, indépendante du financeur, tout en respectant les contraintes du financement. Il y a donc la CNAM et la HAS d’un côté, la CNSA et l’ANESM de l’autre ; les deux dernières sont beaucoup plus petites, tout en étant dans le même positionnement.

Il est exact qu’à l’assemblée générale de l’ANESM, on ne parle pas de coûts de gestion…

M. Pierre Morange, coprésident. Il ne s’agit pas de refaire le débat sur la création de la HAS, mais de mettre en avant sa compétence d’analyse médico-économique. Celle-ci permet une coordination, une rationalisation et une mise en cohérence des politiques et des moyens qui leur sont affectés. Elle n’est en rien défavorable aux patients et ne mérite pas d’être diabolisée.

Mme Agnès Jeannet. Il y a un triangle coopératif entre la CNSA, responsable des études médico-économiques dans le champ médico-social, l’ANESM, gardienne de la qualité des bonnes pratiques au sens scientifique, et l’ANAP, garante des outils de gestion. Cette triangulation est absolument indispensable pour que le système fonctionne. S’il ne fonctionne pas bien, il faudra modifier les institutions. Cela dit, je reconnais que c’est source de complexité.

M. Pierre Morange, coprésident. Cette triangulation est-elle réellement fonctionnelle ?

Mme Agnès Jeannet. C’était un véritable défi de confier l’affirmation d’une politique de qualité à des acteurs qui n’en avaient pas forcément envie. Il faut reconnaître qu’entre le champ sanitaire qui est tiré par la technique, et le champ médico-social qui est tiré par les hommes, il y a tout un monde. Mais il me semble que nous sommes en bonne voie.

M. Didier Charlanne. L’articulation existe entre les trois agences. Je suis moi-même vice-président du Conseil scientifique de l’ANAP. Par ailleurs, l’ANESM alimente les travaux de l’ANAP et a participé à l’élaboration du tableau de bord partagé (TBP).

Comme je l’ai déjà souligné, la complexité du travail de l’ANESM tient à la multiplicité des caractéristiques des populations accompagnées ou accueillies, auxquelles nos pratiques doivent s’adapter. C’est ainsi que l’on ne formulera pas les mêmes recommandations sur l’autisme que sur les personnes âgées ou les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. En revanche, l’ANAP a une approche globale pour tous les établissements médico-sociaux. Voilà pourquoi, lorsque nous travaillons ensemble sur les tableaux de bord, nous introduisons une dimension qualité sur le degré de maturité du système d’évaluation interne et de la démarche engagée par l’établissement, pour pouvoir couvrir toutes les catégories d’établissements.

Nous avons ainsi trouvé une complémentarité entre les travaux de l’Agence, qui portent directement sur les pratiques liées à certaines catégories de personnes, et les travaux de l’ANAP qui concernent l’ensemble des structures médico-sociales, puisqu’il y a un tableau de bord pour l’ensemble des structures.

Ensuite, nous sommes amenés à travailler ponctuellement avec l’ATIH, notamment sur les questions de coût, dans le cadre des travaux engagés sous l’égide de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS).

Enfin, nous travaillons naturellement avec la HAS. Par exemple, nous faisons des recommandations communes. Nous en avons fait une sur les interventions auprès des enfants atteints de troubles du spectre autistique, et nous allons nous engager sur une recommandation commune sur la question des adultes.

Cette articulation à trois, cette triangulation existe donc.

Je voudrais par ailleurs insister sur les résultats des évaluations internes et externes.

Madame la rapporteure a parlé de l’évolution des pratiques au sein de la structure et de la capacité de faire évoluer la structure elle-même au vu des pratiques innovantes. Je lui indiquerai que nous avons une mission sur l’évaluation expérimentale des établissements, et que nous avons participé, avec la CNSA, à l’évaluation des centres de ressources pour maladies rares.

Je précise que les résultats de l’évaluation interne sont à fournir tous les cinq ans. Cela correspond au rythme de révision des projets d’établissement. Le lien est ainsi opéré entre le résultat de l’évaluation interne et la révision du projet d’établissement. De même est-il opéré par les textes, avec les conventions tripartites et les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM). La dimension de gestion intervient donc à ce stade.

Si elle intervient à ce stade, c’est qu’il ne faut pas oublier qu’il y a plusieurs financeurs : l’assurance-maladie, bien sûr, mais aussi les conseils généraux. Donc, les priorités qui seront fixées, au sens politique du terme, par le conseil général, vont se retrouver dans la priorisation des objectifs d’amélioration, établie au regard des moyens qui peuvent effectivement être injectés dans la structure. C’est cette transparence qu’assure l’évaluation externe, et le dialogue de gestion qui en résulte.

Mme Joëlle Huillier. Pourriez-vous m’expliquer les raisons de la création des trois structures que sont l’ANESM, l’ATIH et l’ANAP ?

Mme Agnès Jeannet. C’est M. Philippe Bas qui a pris l’initiative de créer l’ANESM. J’ai cru comprendre qu’avant d’en arriver à la création d’une agence, il avait envisagé et négocié avec les deux structures qui existaient à l’époque, à savoir la CNSA et la HAS, la prise en compte de cette nouvelle mission, justifiée par la nécessité d’avoir une politique de qualité.

Tout le monde était d’accord sur l’idée qu’il fallait lancer cette politique. Le problème ne venait donc pas de l’idée, mais des champs couverts par ces deux agences, qui étaient encore très récentes : elles avaient été créées en 2004. La CNSA s’est trouvée en porte-à-faux parce qu’elle n’intervient que sur deux champs sur quatre, dans la mesure où elle ne s’occupe ni de l’enfance ni de l’exclusion. La HAS, quant à elle, est cantonnée dans le champ sanitaire.

Après des négociations assez compliquées – mais peut-être devrait-on demander à M. Philippe Bas d’en parler – il ne lui est resté que le choix de créer une agence nouvelle. C’était un choix par défaut, ce qui explique que l’ANESM soit toute petite, qu’elle n’emploie que 29 personnes et qu’elle ne soit sans doute pas à la mesure de l’enjeu de cette politique de qualité – si l’on se réfère au nombre de personnes accueillies et de personnels concernés.

La situation s’explique donc par l’histoire. Reste que la question revient périodiquement depuis 2007. Faut-il une politique transversale de la qualité, qui couvre l’ensemble des champs ? Sans une telle politique, chaque champ recréera ses propres outils et ses propres structures.

Bien sûr, on pourrait tout découper et décider que les conseils généraux s’occuperont de la qualité de ce qui est de leur ressort, que la CNSA s’occupera des personnes âgées et du handicap, et l’État du sanitaire dans la mesure où les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) relèvent de l’État. Mais cela va multiplier les coûts par quatre.

M. Pierre Morange, coprésident. On peut s’interroger également sur les logiques de frontières générationnelles. Les différents types de prise en charge, selon les tranches d’âge, aboutissent à des interruptions de parcours. Personne n’en connaît, d’ailleurs, à terme, l’impact financier.

De la même façon, on peut s’interroger sur la territorialisation de la prise en charge médico-sociale. La question a récemment donné lieu à quelques débats, dans l’hypothèse de la disparition des départements, évoquée par M. le Premier ministre. Les départements seraient intégrés, soit dans les métropoles, soit dans la ruralité, soit dans l’espace interstitiel assumé par des représentants d’intercommunalités. Le sujet est assez complexe et mouvant.

Les structures qui ont été créées ont eu pour objet de se substituer à ce découpage territorial. Elles ont l’avantage d’être constituées d’entités de professionnels qui pourraient être réutilisées, voire rassemblées dans une structure homogène, une agence centrale chargée de faire des audits et des évaluations dans le secteur sanitaire, médico-social, etc. De toute façon, la frontière est floue entre les différents secteurs chargés d’accompagner les personnes malades, dépendantes ou handicapées.

Cela aurait du sens. Mais au moins faut-il structurer et identifier les compétences, collecter les informations. Voilà pourquoi la grande tâche qui nous incombe est de faire en sorte que ces informations circulent et que les données soient partagées afin d’être exploitées de la façon la plus pertinente par les décideurs.

M. Didier Charlanne. L’unité des secteurs sociaux et médico-sociaux est importante. Les problématiques que nous retrouvons dans le champ de l’enfance sont en partie liées à celles de repérage et de diagnostic de handicap. Aujourd’hui, certains magistrats s’interrogent sur la situation des enfants qu’ils ont en face d’eux. En effet, un certain nombre de ces enfants souffrent de troubles du comportement. 30 % d’entre eux sont même suivis dans une MDPH, dans le secteur de la protection de l’enfance.

La transversalité et l’unicité du secteur social et du secteur médico-social nous permettent de faire le lien entre les différentes structures, dans les pratiques qui sont recommandées. L’un des items de l’évaluation externe – le quinzième item spécifique de l’annexe 3-10 précitée – porte justement sur l’évaluation de l’inscription de l’établissement sur son territoire.

Le rapport de M. Denis Piveteau visait à éviter les ruptures du parcours de vie. De notre côté, nous avons recommandé que la procédure d’admission dans les centres d’action médico-sociale précoce (CAMPS) fasse l’objet d’une formalisation et qu’elle soit négociée avec les autorités dans le cadre du dispositif gradué prévu par le projet régional de santé (PRS), alors qu’aujourd’hui elle passe directement par l’orientation d’une MDPH et la décision d’un directeur de structure. Par cette recommandation, nous entendons que soient rendues plus transparentes les capacités de la structure elle-même – les personnes qui sont susceptibles d’y être accueillies – de façon à ce que la MDPH puisse valablement orienter une personne qui s’adresse à elle.

J’aimerais également insister sur un véritable changement, perceptible dans le secteur social et médico-social. Au moment de la création de l’Agence, en 2007, j’avais mesuré que l’engagement des établissements dans l’évaluation de la qualité des prestations était inférieur à 20 %. Aujourd’hui, 93 % d’entre eux se sont engagés dans l’évaluation interne. Je vous donnerai ultérieurement les chiffres de l’évaluation externe. Quoi qu’il en soit, personne, en 2007, n’aurait parié sur un tel résultat.

Mme la rapporteure. On voit bien l’importance et l’intérêt de cette approche transversale. Aujourd’hui, on ne peut que reconnaître qu’il faut poursuivre dans ce sens.

Par ailleurs, ce que vous venez de nous dire de l’engagement des établissements est positif. Mais quelles améliorations appelez-vous de vos vœux ? Sur quels sujets faudrait-il progresser ?

M. Didier Charlanne. J’observe tout d’abord que c’est le statut de GIP, où sont associées l’ensemble des parties prenantes, qui a permis d’atteindre ces résultats. Nous ne sommes pas seuls pour produire les recommandations, puisque nous avons une instance de travail, une instance de consultation et un conseil scientifique.

L’instance de consultation, le Comité d’orientation stratégique (COS), associe 70 membres : les représentants des fédérations d’établissements, des associations et fédérations de directeurs, les syndicats d’employés et d’employeurs, les autres grandes institutions du secteur – dont la HAS – ainsi que les représentants des associations d’usagers.

Les professionnels et les représentants des usagers nous alertent sur l’importance d’une question et sur la nécessité de formuler, sur cette question, des recommandations de pratiques professionnelles. Ils alimentent ainsi, en amont, notre programme de travail.

En aval, avant d’adopter un projet de recommandation, je consulte le COS qui me garantit que l’on a bien répondu à la problématique qui a été identifiée, que cette réponse est opérationnelle, c’est-à-dire qu’elle pourra être déployée dans les structures et constituer une base pour l’évaluation.

Ce n’est donc pas uniquement l’Agence en tant que telle, mais également sa structuration et son mode de fonctionnement qui ont permis d’entraîner l’ensemble du secteur.

Ensuite, l’Agence ne produit pas uniquement des recommandations. Elle produit également des études : sur les maisons d’accueil spécialisées-foyers d’accueil médicalisés (MAS-FAM), les EHPAD ou les services à domicile, etc. Je vous ai apporté un exemplaire d’une étude portant sur le degré de déploiement des pratiques concourant à l’amélioration de la qualité de vie en MAS-FAM.

Nous avons mené ces études sur l’ensemble des structures. Cela nous a permis d’apprécier, au niveau national, le degré de déploiement de chacune des pratiques que nous avions recommandées, mais aussi de comparer la situation, pour chacune des autorités, sur son territoire, aux données nationales.

Par ailleurs, nous nous sommes demandé si nos recommandations étaient valables. Pour le savoir, nous avons recherché les corrélations entre la perception de la qualité de vie dans la structure, en questionnant le président du conseil de vie sociale (CVS), et le degré de déploiement des pratiques que nous avions recommandées.

Ensuite, et pour répondre à votre question sur les évolutions qui seraient nécessaires, nous avons prévu dans notre programme de travail de l’année prochaine de conduire un bilan synthétique des résultats des évaluations externes, pour fournir à l’ensemble des autorités des données moyennes nationales et des situations nationales sur les points les plus sensibles.

Enfin, à partir des données que nous récoltons, nous renseignons les autorités qui sont en charge de la définition des politiques et de leur mise en œuvre.

M. Pierre Morange, coprésident. Vous n’avez pas répondu à ma question sur le patrimoine des hôpitaux et du secteur médico-social, sa valorisation et l’éventualité d’une dette qui pourrait être en partie composée de prêts toxiques. En avez-vous, ou non, connaissance ?

M. Didier Charlanne. Non. Sauf si je sors du champ de l’ANESM, et que je change de casquette pour prendre celle de membre du Conseil scientifique de l’ANAP.

L’ANAP a travaillé sur la question. Avec M. Christian Anastasy, son directeur, nous avons engagé des chantiers sur la valorisation et la cession des patrimoines inexploités dans le domaine hospitalier public. Il a donc été procédé à une évaluation du nombre de mètres carrés des établissements hospitaliers, et à une aide à la valorisation et à la réalisation de cessions qui subordonnent pour partie l’équilibre financier de la partie du tableau de financement et des financements d’investissement, mais aussi, pour certains de ces établissements, leur capacité de désendettement.

M. Pierre Morange, coprésident. Y a-t-il eu une démarche similaire, dans le secteur médico-social ?

M. Didier Charlanne. La DGCS, de son côté, a engagé avec l’ATIH une étude sur les coûts, notamment des EHPAD. Mais la question du patrimoine et du mode de financement du patrimoine est assez largement différente dans ce secteur.

M. Pierre Morange, coprésident. À partir du moment où la structure associative bénéficie de financements publics, il serait assez légitime que la connaissance patrimoniale s’intègre dans les demandes de subventions correspondantes.

M. Didier Charlanne. Lorsque vous avez auditionné Mme Sabine Fourcade, j’imagine que vous l’avez questionnée sur ce point.

M. Pierre Morange, coprésident. Non, mais peut-on espérer de votre part des éléments d’information et de réflexion sur le sujet ?

M. Didier Charlanne. Pas au titre de l’ANESM. Ce sujet concerne la DGCS.

Mme la rapporteure. Que pensez-vous du rôle du Conseil scientifique de la CNSA ? Comment verriez-vous évoluer les missions de la CNSA ? Au bout de dix ans, tout le monde s’accorde à reconnaître qu’elle joue désormais un rôle essentiel.

M. Didier Charlanne. En premier lieu, pour en avoir discuté avec sa nouvelle directrice, Mme Geneviève Gueydan, il me semble qu’il va nous falloir accroître le lien entre les études financées au titre de la section V de son budget et les travaux de l’Agence qui pourraient en être issus. Je pense en particulier aux expérimentations qui peuvent alimenter les travaux de l’Agence et aboutir à des recommandations de pratiques professionnelles, pour se retrouver ensuite dans le dispositif de réévaluation des projets d’établissements et intégrer le dialogue de gestion au niveau des autorités, ARS ou conseils généraux.

En second lieu, je vous parlerai de la mission à venir de la CNSA en matière d’information du grand public. Je suis persuadé que nous avons une étape supplémentaire à franchir dans la mise en œuvre de la loi du 2 janvier 2002 : faire en sorte que les usagers connaissent leurs droits et les pratiques recommandées. On ne peut valablement faire valoir ses droits que si on les connaît. Or cette information n’a pas été prévue jusqu’à maintenant. Il faut absolument que les associations de parents, d’usagers, connaissent les recommandations que nous formulons pour pouvoir réclamer leur application aux professionnels.

M. Pierre Morange, coprésident. On pourrait même envisager qu’elles conditionnent les attributions de dotations et de subventions.

Mme la rapporteure. Je peux vous dire, pour en avoir parlé avec sa présidente, Mme Paulette Guinchard, que la CNSA travaille en ce sens. Et je vous précise que nous allons auditionner prochainement Mme Geneviève Gueydan.

Vous avez raison d’insister, car la question est partout posée. Comment les personnes sont-elles informées de leurs droits ? Sont-elles associées à leur projet, à leur parcours ? Peuvent-elles connaître la réalité des établissements et des services qui les accompagnent ? Personnellement, je souhaiterais qu’on aille beaucoup plus loin dans cette direction, dans le prolongement des lois du 2 janvier 2002 et du 11 février 2005, qui s’inspirent elles-mêmes des conventions internationales auxquelles nous devons nous référer.

M. Didier Charlanne. Je vous ai apporté une recommandation que nous avions faite sur l’évaluation interne dans les EHPAD. Nous avons formulé des recommandations sur l’utilisation d’indicateurs sur chaque axe recommandé, au vu de problèmes d’une acuité particulière comme, par exemple, la question de l’hospitalisation.

Nous recommandons l’utilisation d’indicateurs de suivi d’un certain nombre de points au niveau de chaque établissement, pour que celui-ci puisse engager des évaluations de pratiques qui aboutissent au résultat donné sur l’indicateur.

Je voudrais néanmoins insister sur un point, qui est à mon sens important lorsque l’on utilise des indicateurs : si l’on sort du dispositif de suivi et d’évaluation, il devient très difficile de comparer les établissements. On risque d’enclencher des effets pervers et on se prive d’éléments de contexte permettant d’éclairer un résultat.

Par exemple, aux États-Unis, où l’on utilise des indicateurs, il a été décidé de suivre la contention dans toutes les structures. Mais on a vu baisser la contention, augmenter les prescriptions de psychotropes, et s’accroître le nombre de personnes en chaise roulante pour cause de chutes.

Les effets pervers, qui peuvent être générés par un dispositif qui enfermerait trop les pratiques là où nous ne sommes pas sûrs des actes, doivent être appréciés avant de vouloir comparer les établissements entre eux à partir de résultats bruts. Voilà pourquoi nous tenons à promouvoir l’évaluation des pratiques elles-mêmes, c’est-à-dire la transparence sur les pratiques qui sont mises en œuvre et la priorisation de ces pratiques et des axes d’amélioration qui doivent être négociés dans le cadre du dialogue de gestion.

Mme la rapporteure. Je vous rejoins tout à fait.

Je souhaite revenir sur les CPOM qui ont été rapidement évoqués tout à l’heure. Nous allons passer aux CPOM de deuxième génération. Les CPOM ont permis le dialogue de gestion dont vous venez de parler. Ils ont permis également aux établissements et services d’anticiper et de programmer sur des plans pluriannuels. Quelles améliorations souhaiteriez-vous leur voir apporter ?

M. Didier Charlanne. Les CPOM associent plusieurs types d’autorités. Pour ce qui concerne les autorités de l’État, je pense que le Comité de pilotage des ARS aurait vocation à jouer un rôle plus important dans la définition des critères qui doivent être pris en compte sur l’ensemble du territoire.

Il serait probablement judicieux de se poser la question de l’intérêt d’une unité de position, s’agissant d’un certain nombre de points. Je pense en particulier à l’autisme.

M. Pierre Morange, coprésident. En l’occurrence, le secteur psychiatrique et les psychanalystes avaient accaparé la gestion de l’autisme, écartant les techniques comportementales. À partir du moment où la HAS s’est positionnée de façon claire et a rappelé la pertinence et la performance des techniques comportementales, il est totalement anormal que celles-ci ne soient pas généralisées sur l’ensemble du territoire, et que les techniques de carcéralisation chimique à base de psychotropes et de neuroleptiques continuent à s’appliquer dans de nombreux instituts médico-éducatifs (IME).

Que ce soit dans le secteur hospitalier ou médico-social, l’État doit user de son pouvoir régalien pour faire en sorte que les bonnes pratiques, une fois identifiées et expérimentées, s’appliquent sur l’ensemble du territoire. Il ne doit pas se contenter d’expériences réussies, mais se donner pour objectif d’en faire profiter chacun.

M. Didier Charlanne. Les autorités, en particulier les autorités de l’État, sont très actives sur cette question des recommandations de pratiques professionnelles. Simplement, au niveau national, dans certains secteurs, il serait pertinent de définir des positions identiques.

Mme Gisèle Biémouret, coprésidente. Dans ce dispositif, les ARS sont-elles efficientes ?

Je suis élue du département du Gers, et il se trouve que depuis quelques années, j’ai de nombreux soucis avec un établissement, devenu aujourd’hui un EHPAD. Je me disais que nous n’étions tout de même pas au fin fond de la France. Mais en vous écoutant, j’ai l’impression que si ! On peut en effet se demander, s’agissant de cet EHPAD, quels contrôles ont fait – ou n’ont pas fait – les ARS.

M. Didier Charlanne. Madame, vous soulevez un point important : la capacité de contrôle de l’État sur l’ensemble des structures.

Je voudrais faire état de ce qui est arrivé il y a quelques semaines dans le cadre de l’évaluation externe. Nous entretenons une relation quasi constante avec les organismes que nous habilitons au titre de l’évaluation externe. Un des évaluateurs m’a signalé des faits de maltraitance dans une structure. Vous imaginez bien que je les ai immédiatement répercutés à l’autorité concernée, même si l’évaluateur n’est pas dans une posture d’inspection et de contrôle mais d’évaluation de la qualité des prestations délivrées. L’objectif est, entre autres, de permettre à l’établissement de progresser.

En fin de compte, ce dispositif d’évaluation externe a un deuxième effet : permettre éventuellement à un tiers extérieur, lorsqu’il se rend dans certaines structures, de tirer la sonnette d’alarme en se déportant de sa mission. C’est d’ailleurs le conseil que nous lui avons donné : se déporter de sa mission d’évaluateur externe, de façon à ce que l’autorité prenne le relais en envoyant une mission d’inspection. Mais j’insiste : le rôle de l’évaluateur externe n’est pas de se substituer aux autorités, conseils généraux ou État, en matière d’inspection.

Cela nous amène à nous interroger sur le régime des autorisations et la capacité qu’a une autorité de retirer une autorisation sans mettre en cause la santé, au sens large du terme, des résidents d’une structure. On sait que lorsqu’ils sont amenés à déménager, certains résidents voient leur état se dégrader. C’est un aspect que nous avons d’ailleurs abordé avec l’ARS concernée par le signalement que j’ai opéré.

En l’état actuel des textes, lorsqu’il s’agit d’un établissement privé, nous n’avons qu’un seul recours pour éviter la fermeture : la cession de l’autorisation, prévue par l’article L. 313-1 du CASF. En effet, dans la mesure où il y a un patrimoine privé derrière la structure, il faut organiser un dispositif de cession avec celle-ci. Si vous deviez à nouveau entendre Mme Sabine Fourcade sur la question de la gestion des autorisations, vous pourriez évoquer la question avec elle.

M. Pierre Morange, coprésident. Les questions du contrôle, de l’évaluation et de l’application d’éventuelles sanctions se posent non seulement dans le secteur médico-social, mais aussi dans celui du transport de patients. Il se trouve qu’au nom de la MECSS, je suis le rapporteur d’une mission qui travaille sur le sujet. J’ai donc pu observer, au travers des différents cas qui nous sont parvenus, que les surfacturations ou les détournements de fonds publics n’entraînaient ni déconventionnements ni retraits d’agrément. Mais je suis convaincu que nous saurons y mettre bon ordre.

Madame la présidente, monsieur le directeur, je vous remercie.

La séance est levée à dix-neuf heures vingt.