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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mardi 27 janvier 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 07

Présidence de Mme Gisèle Biémouret et de M. Pierre Morange, coprésidents

Auditions, ouvertes à la presse, sur « la dette des établissements publics de santé » (Mme Gisèle Biémouret, rapporteure) :

– M. Lamine Gharbi, président de la Fédération hospitalière privée (FHP), accompagné de M. Emmanuel Daydou, directeur de la prospective économique, médicale et juridique, et de Mme Béatrice Noëllec, responsable des relations institutionnelles et de la veille sociétale

– M. Richard Boutet, directeur du pôle Banques des particuliers et des entreprises, Affaires publiques France de la Fédération bancaire française (FBF), M. Hervé Leroux, directeur des entreprises et du secteur public, directeur de la clientèle patrimoniale au Crédit Agricole SA, et M. Philippe Barraud, responsable Grandes collectivités et ingénierie financière, M. Cédric Mignon, directeur du développement des Caisses d’Épargne du Groupe BPCE, et M. Jean-Sylvain Ruggiu, directeur du marché Secteur public et partenariats public-privé, M. Pierre Vérot, directeur de la gestion de l’encours de Dexia crédit local, et M. Jean-Pierre Rosello, directeur des marchés de l’économie publique de la Société Générale

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mardi 27 janvier 2015

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Gisèle Biémouret et M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition, ouverte à la presse, de M. Lamine Gharbi, président de la Fédération hospitalière privée (FHP), accompagné de M. Emmanuel Daydou, directeur de la prospective économique, médicale et juridique, et de Mme Béatrice Noëllec, responsable des relations institutionnelles et de la veille sociétale.

M. le coprésident Pierre Morange. La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale reprend le cours de ses travaux sur la dette des établissements publics de santé, dont le triplement en l’espace de dix ans nous a amenés à solliciter une enquête de la Cour des comptes. 

Nous avons le plaisir d’accueillir M. Lamine Gharbi, président de la Fédération hospitalière privée, Mme Béatrice Noëllec, responsable des relations institutionnelles et de la veille sociétale, et M. Emmanuel Daydou, directeur de la prospective économique, médicale et juridique.

Mme Gisèle Biémouret, coprésidente de la Mission, est également rapporteure.

Nous allons vous demander de commenter l’analyse de la Cour des comptes sur la situation hospitalière française, s’agissant notamment de l’hôpital public. Quelle analyse faites-vous monsieur Gharbi, du point de vue de l’hospitalisation privée ? Quelle est la situation des établissements de votre fédération en matière de dette hospitalière et d’emprunts structurés ?

M. Lamine Gharbi, président de la Fédération hospitalière privée. Monsieur le président, madame la présidente, je commencerai par rappeler quelques chiffres.

En 2013, la dette hospitalière représentait 29 milliards d’euros, soit 1,4 % du PIB. Elle a été multipliée par trois en dix ans. L’évolution de la dette, qui était à deux chiffres jusqu’en 2012, progresse encore, mais moins fortement, avec une augmentation de 4 % en 2013. Le taux d’endettement a augmenté de cinq points en cinq ans, porté notamment par les centres hospitaliers affichant un budget de plus de 110 millions d’euros.

La Cour des comptes rappelle, dans son rapport d’avril 2014, la situation du CHU d’Amiens, qui est significative, avec un taux d’endettement de 85 %, celle de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM), dont le taux d’endettement atteint 71 % ou encore celle du Centre hospitalier de Chalon-sur-Saône, endetté à hauteur de 132 %. Pis encore, le Centre hospitalier de Briançon a été menacé en 2012 d’une procédure d’inscription en impayés à la Banque de France. Au total, 35 % des établissements publics ont recours à un emprunt encadré, donc surveillé, en raison de leur situation financière, dont la moitié des CHU et des Centres hospitaliers ayant un budget de plus de 70 millions d’euros.

Il faut savoir que le budget d’un établissement de grande taille qui pratique les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) au sein du secteur privé dépasse rarement 50 millions d’euros. Le budget moyen est de 20 à 25 millions d’euros pour les établissements de taille médiane et de l’ordre de 10 millions pour les plus petites structures. Je ne parle pas des établissements de soins de suite ni des établissements psychiatriques, qui ont un chiffre d’affaires nettement inférieur, de 5 à 10 millions d’euros.

Selon l’enquête réalisée sur la dette des établissements, 84 % de l’encours de la dette, soit 24 milliards, correspond à des emprunts non structurés, c’est-à-dire sans risque, ce qui est assez rassurant. Parmi les prêts structurés, les plus risqués représentent tout de même un montant de 1 milliard d’euros. Les taux d’intérêt des prêts les plus complexes sont au-delà des standards actuels. Nous n’avons pas eu de dévaluation, mais les taux allaient de 5 à 10 %. Je n’aurais jamais pu imaginer la récente évolution de la parité du franc suisse. Je ne savais pas que les hôpitaux allaient de l’autre côté de la frontière, même si c’est tout à fait légal…

M. le coprésident Pierre Morange. Je me permets de rappeler, monsieur le président, que certains emprunts structurés sont indexés sur des écarts de niveaux de taux de change, notamment entre l’euro et le franc suisse ou le dollar. C’est ce différentiel accentué par un coefficient multiplicateur qui peut aboutir à des taux d’intérêt faramineux. Il est clair que le déplafonnement de la parité du franc suisse avec l’euro aboutit à une réévaluation de la monnaie helvétique qui était artificiellement maintenue en deçà de sa valeur pour des raisons stratégiques, essentiellement en matière d’exportation, mais qui étaient considérées comme relativement asymétriques, notamment vis-à-vis des travailleurs frontaliers.

M. Lamine Gharbi. Le surcoût serait évalué – selon une information imparfaite, pas une donnée statistique sourcée – à 20 millions d’euros.

J’en viens aux facteurs aggravants.

Les plans Hôpital 2007 et 2012 ont accentué la situation, car l’envolée du nombre de projets d’investissements, à enveloppe identique, a entraîné la baisse du taux d’accompagnement par l’État – 37 % en moyenne –, ce qui est un peu paradoxal. Par conséquent, des financements bancaires ont été sollicités par les établissements pour compléter les fonds de financement. Le plan Hôpital 2012 a amélioré la situation puisque 51 % des établissements ont été accompagnés. La mise en œuvre de la T2A (tarification à l’activité) a également mis sous tension les budgets des hôpitaux publics, notamment les CHU, les obligeant à trouver de nouvelles ressources.

Que dit la FHP d’une dette hospitalière de 29 milliards d’euros, après une multiplication par trois en dix ans ? Est-ce tenable ?

D’abord, on constate que les hôpitaux publics ont poursuivi la mise en œuvre de projets trop souvent surdimensionnés : je pense au Centre hospitalier sud francilien, au Centre hospitalier régional (CHR) d’Orléans ou au Centre hospitalier de Chambéry. J’ai cru comprendre qu’il y avait également un projet à Nantes, évalué à environ 1 milliard d’euros.

Je peux citer, par comparaison, l’exemple de la clinique de Courlancy, à Reims, issue de la fusion de trois cliniques de la région champenoise, qui comptera 600 lits et qui réalisera 60 à 70 % de la chirurgie, ainsi que la chirurgie lourde, car elle est détentrice de toutes les autorisations. Le coût du projet est de 130 millions d’euros.

Dans le même temps, les cliniques et hôpitaux privés ont fait des choix stratégiques très différents. Nous avons refusé de céder aux sirènes des emprunts structurés et nous avons choisi de rationaliser notre immobilier.

Deux illustrations très concrètes : le retard du public dans l’engagement à la baisse du nombre de lits et les difficultés de gestion du parc hospitalier.

De manière générale, nous réduisons nos capacités dans nos nouvelles constructions, comme Capio, à Bayonne, qui passe de 400 à 250 lits, ou l’hôpital privé de Dijon, sous l’égide de la Générale de santé, qui passe de 400 à 300 lits. En vingt ans, nous sommes passés, dans le secteur privé, de 2 000 à 1 000 établissements et d’une taille moyenne, modeste, de 70 lits à 120 lits.

Au contraire, les projets publics accroissent le plus souvent leur capacité, comme le Centre hospitalier régional d’Orléans.

Alors que nous sommes en plein développement de la chirurgie ambulatoire et que l’on pourrait s’attendre à des réductions de capacité, il n’en est rien. J’ai également été étonné de voir que le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) pour 2015 prévoyait des financements pour les hôtels hospitaliers. C’est un non-sens idéologique et économique. Dans une structure logique de fonctionnement, lorsque nous décidons de réduire notre activité d’hospitalisation complète, c’est très simple : il nous suffit de remplacer, dans le service concerné, le panneau sur lequel figure l’inscription « Hospitalisation de chirurgie » par un panneau indiquant la mention « Chirurgie ambulatoire ». Comme ce sont les mêmes locaux qui servent à faire de l’ambulatoire, cela permet de réduire les capacités d’accueil.

On dit que les hôpitaux publics doivent faire de la chirurgie ambulatoire, mais on va tout de même bâtir des hôtels hospitaliers, dans la mesure où il y a de la place libre. Je ne comprends pas le raisonnement. Il est vrai que le chiffre que m’ont fourni mes équipes sur le parc hospitalier public fait rêver puisqu’il s’agit de 60 millions de mètres carrés.

M. le coprésident Pierre Morange. Lors d’une précédente audition, des représentants de syndicats et autres structures représentatives des cadres hospitaliers et des directeurs d’hôpitaux ont cité le chiffre de 47 millions de mètres carrés, sachant que ce chiffre n’est pas complètement stabilisé. La Cour des comptes, quant à elle, fait état de 60 millions de mètres carrés.

M. Lamine Gharbi. Si l’on se place du point de vue du contribuable, il paraît inconcevable que le Fonds d’investissement pour la modernisation des hôpitaux soit détourné pour partie de sa mission première. Nous nous sommes aperçus que 100 millions d’euros servaient à financer les établissements publics qui ont joué avec des produits indexés sur le cours du franc suisse ou d’autres devises. Or 100 millions d’euros correspondent à une augmentation de nos tarifs de 1,5 point, du moins en MCO.

Bien entendu, si les décideurs ont été trompés sur la nature des prêts contractés, il conviendra de privilégier la voie du contentieux. Mais s’il s’agit d’erreurs notoires de gestion, l’accompagnement par un financement, même partiel, pour renégocier les contrats de prêt est un très mauvais signal envoyé aux directions d’hôpitaux. Lorsque nous nous trompons sur nos investissements, la sanction est beaucoup plus directe et beaucoup plus rapide. Une erreur de gestion dans nos établissements, c’est un appel à l’actionnaire ou une mise en sauvegarde. Malheureusement, on voit cela tous les jours.

Par ailleurs, certains contrats de prêt des établissements publics bénéficient aujourd’hui de conditions financières très favorables, avec des taux variables faibles. Mais si les taux remontent, cela pourrait aggraver encore la santé financière des hôpitaux, déjà lourdement endettés. Que se passera-t-il dans cinq, dix ou quinze ans ?

Nous n’avons pas mordu à cet « hameçon », car notre survie en dépend. Nous ne sommes donc pas concernés par la problématique des emprunts toxiques. Nous nous efforçons de prendre en considération deux grands enjeux, et d’abord, un enjeu d’efficience. Avec le développement de la professionnalisation de la fonction de directeur financier, les groupes régionaux et nationaux sont de plus en plus attentifs à cette dimension. Le deuxième enjeu est celui de la sécurité face à la complexité de ces produits, complexité qui ne permet pas d’estimer le degré de risque à moyen terme.

Enfin, la progression de la dette est une problématique partagée avec le secteur privé, avec la question du financement des investissements dans le système de tarification à l’activité. À l’heure actuelle, la T2A ne permet pas de soutenir l’investissement, compte tenu des imprécisions de l’Étude nationale de coûts. Dans le contexte tendu de la recherche de financements bancaires, il n’est pas anodin de constater que les cliniques et hôpitaux privés utilisent plus régulièrement la mécanique du crédit-bail. Mais au-delà de cette mécanique, nous nous apercevons que la rentabilité de nos investissements n’est plus confortée par le rendement de nos SCI, comme antérieurement. C’était la critique que les hôpitaux publics faisaient de notre gestion, car selon eux, si nous avions une exploitation déficitaire, nos comptes n’étaient pas le « reflet exact » de la réalité économique de l’établissement, car nous avions des SCI bénéficiaires, générant des loyers et donc des revenus pour les actionnaires.

Aujourd’hui, la suspicion qui portait sur notre fédération est levée, car nous vendons nos murs à des sociétés d’État, comme ICADE. Nous ne pouvons plus entretenir les bâtiments et le rendement sur la partie hôtelière n’est plus de mise aujourd’hui. Nous sommes donc passés à des crédits-baux souvent financés par ICADE ou un équivalent, avec un loyer qui est pour nous la garantie d’une stabilité, situé entre 7 et 8 % du montant de l’investissement.

Les récentes plus-values réalisées par des grands groupes financiers, comme la Générale de santé, proviennent pour la plupart de la vente de leurs murs parce qu’ils ne pouvaient plus pourvoir à leur entretien. Cela étant, notre vocation n’est pas la gestion des lits ou des murs, mais la gestion de l’activité médicale.

Il faut arrêter de refinancer la renégociation des emprunts structurés à risque. C’est un aléa moral évident. Il faut que les établissements publics renégocient les prêts à taux variable, aujourd’hui faibles, mais porteurs de risque demain. Aujourd’hui, les marchés financiers sont porteurs. C’est donc aujourd’hui qu’il faut investir. Nous avons tous de grandes facilités pour porter des projets avec des taux exceptionnellement bas, de l’ordre de 1 à 1,2 % sur du moyen terme – de cinq à sept ans – et de 2 % sur quinze ans.

Il faut également recenser le patrimoine immobilier du secteur public et rationaliser en vendant, notamment, les bâtiments non utilisés. C’est ce que nous avons fait pour ce qui nous concerne.

Plus de projets de reconstruction devraient connaître une baisse significative des capacités. C’est de bon sens. Les avis d’expertise de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), dans le cadre des comités interministériels de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers (COPERMO), devraient être rendus publics. En effet, les décisions se prennent parfois de manière feutrée. Des travaux sur le financement des investissements doivent être menés dans le cadre de l’évaluation de l’évolution de la tarification. Le rapport de la Cour des comptes contient certaines recommandations de bon sens visant à l’efficience et à l’amélioration des règles de gestion financière. Mais nous refusons catégoriquement que soient financées les erreurs de gestion des hôpitaux publics. C’est un message fort, nous ne pouvons plus accepter que ces erreurs soient payées par la collectivité, au détriment des autres secteurs, privé et associatif.

Voilà le message que je voulais, en guise de préambule, vous faire parvenir.

S’agissant de notre mode de financement, il est très simple. Nous sommes soutenus par des organismes bancaires, par de l’autofinancement, par des prêts à moyen ou long terme ou par des crédits-baux. Les banques sont aujourd’hui extrêmement sensibles au projet médical et au projet d’établissement, et surtout, à la pérennité de nos établissements, qui est liée aux autorisations détenues par nos sociétés, mais qui sont sous la « coupe » des ARS. Aujourd’hui, les reconstructions se font par le biais de sociétés publiques nationales, comme ICADE, qui financent la totalité. Mais le détenteur de l’autorisation n’est jamais propriétaire. Il s’agit d’une location perpétuelle, et le locataire a le statut de propriétaire, c’est-à-dire qu’il doit entretenir le bâtiment comme si c’était le sien. C’est un type de location très particulier.

Nous sommes naturellement responsables de nos investissements et, lorsqu’il y a une difficulté, nous faisons appel à l’actionnaire pour combler le déficit ou pour restructurer l’établissement.

Notre dette privée s’élève à 2 milliards d’euros et, dans la mesure où 20 % de nos établissements sont en déficit, le déficit MCO s’élève à 100 millions d’euros. Il est structuré sur une partie des établissements MCO et il n’y a pas d’établissement type qui soit fragile ou en difficulté. De petits établissements avec un chiffre d’affaires de moins de 10 millions d’euros peuvent être rentables. De gros établissements peuvent l’être également. Inversement, petits et gros établissements peuvent être dans une situation très difficile. Il n’y a pas de cas standard. Sinon, nous l’aurions dupliqué et nous ciblerions ce modèle. Cette configuration est liée à la structure de l’actionnariat ou aux compétences du capitaine. Il en va de même dans les hôpitaux publics : il y a de bons et de mauvais gestionnaires, dans le public comme dans le privé.

Il y a par ailleurs la notion de réseau, de groupe et de filière. S’il est seul, l’établissement, quelle que soit sa taille ou son positionnement, est condamné parce qu’il est à la merci de la perte d’une autorisation ou de la perte de deux ou trois praticiens de renommée régionale. Dans ce cas, l’établissement connaîtra des difficultés à très court terme.

Il y a aujourd’hui trois types d’établissements : l’indépendant pur, qui est isolé sur un territoire et qui, à mon sens, connaîtra inéluctablement des difficultés ; les groupes régionaux, qui ont tendance à se développer fortement, et les groupes nationaux qui subissent une phase de concentration entre eux. Vous avez pu le constater dans la presse avec l’arrivée du groupe Ramsay, qui a racheté Générale de santé, mais qui existait déjà sur le territoire.

Je rappelle que, depuis cinq ans, non seulement nous n’avons pas eu de hausse tarifaire, mais nous avons à l’inverse subi une baisse, accentuée depuis deux ans par la récupération du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Aujourd’hui, on nous explique que le pacte de responsabilité va également être récupéré ! Je ne sais pas jusqu’où cela va aller, mais on nous explique que nous n’avons pas droit aux baisses de charges sociales liées au pacte de responsabilité, qu’il serait mal venu d’en bénéficier en tant qu’entreprise et que ce sera récupéré dans la campagne tarifaire, qui va s’ouvrir en même temps que l’examen du projet de loi relatif à la santé. Cela laisse augurer des débats intéressants…

M. le coprésident Pierre Morange. Vous évoquez l’emprunt de 2 milliards d’euros contracté par l’hospitalisation privée. Quel est le montant global du chiffre d’affaires ?

M. Lamine Gharbi. 10 milliards.

M. le coprésident Pierre Morange. Sur ces 2 milliards, quelle fraction pourrait être éventuellement affectée aux emprunts structurés ?

M. Lamine Gharbi. Aucune. Ce n’est absolument pas notre culture. J’ai découvert ces emprunts en entendant parler des problèmes liés au franc suisse.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Il se dit que, dans le privé, vous pouvez choisir vos patients, et donc, choisir des activités plus rémunératrices, tandis que l’hôpital public accueille souvent des patients âgés, avec de multiples pathologies exigeant des hospitalisations longues.

Avez-vous effectivement le choix de vos patients, ou plutôt des pathologies ? Est-ce la réalité ou un fantasme dans l’esprit collectif – plutôt à gauche ?

M. Lamine Gharbi. Il y a deux types d’établissements.

S’agissant de la médecine et de la chirurgie, il y a des établissements qui ont développé une hyperspécialisation, avec des praticiens hyperspécialisés sur un organe, par exemple l’épaule, qui n’auront effectivement que des patients relevant d’une chirurgie du membre supérieur. Pour ce type d’établissement, qui est minoritaire, il y aura, non pas une sélection des patients, c’est-à-dire un refus, mais une activité centrée sur des activités spécifiques.

Pour autant, la majeure partie de nos établissements, et notamment les 130 établissements qui ont des services d’urgences, accueille toutes les pathologies, jour et nuit, y compris le samedi et le dimanche. Je ne nie pas qu’il puisse y avoir des difficultés dans certains endroits. Nous devons, au sein de la fédération, identifier les difficultés que nous pouvons avoir dans la prise en charge permanente des patients des urgences.

Cela étant, l’hôpital public estime qu’il accueille des patients plus âgés, avec des pathologies plus importantes et qu’il doit donc bénéficier d’un tarif différent. Je lui donne raison, sauf que la T2A, dans sa grande logique mathématique, a prévu 2 400 tarifs. Pour une appendicite, par exemple, il y a quatre niveaux, qui partent de l’appendicite simple jusqu’à la péritonite. Il n’y a aucune différence entre un malade de niveau 3 ou 4, qu’il soit dans le public ou dans le privé, parce que, selon la classification T2A, les critères sont les mêmes. Si l’hôpital public estime qu’il a plus de malades lourds, de niveau 3 ou 4, je ne le conteste pas. Il n’y a pas lieu à débattre. Mais les tarifs intègrent cet aspect.

Vous ne pouvez pas dire, dans le secteur public, que l’hôpital accueille des pathologies plus lourdes que dans le privé et qu’il continue à assumer le fardeau de la nation. Vous continuez à le faire, comme nous, parce qu’il y a des tarifs en adéquation. L’âge moyen des patients hospitalisés pour une fracture du col du fémur est le même, qu’il s’agisse du public ou du privé. On ne peut donc pas dire qu’il y a plus de personnes âgées à l’hôpital public qu’en clinique privée. Les soins de longue durée seront plutôt assurés par l’hôpital public parce que nous n’avons pas les agréments, mais en termes d’urgences, nous voulons prendre en charge les mêmes types de patients. Ce que dit l’hôpital public est vrai pour partie, parce qu’il y a des cliniques spécialisées, mais cela ne concerne pas l’immense majorité de la profession. Ce que je prône, en tant que président de la fédération, c’est l’ouverture de nos établissements aux services d’urgences pour pouvoir assurer des missions de service public.

J’en profite pour rebondir sur la future loi de santé, qui tend à nous exclure des missions de service public et des urgences, et pour dire que le service public hospitalier doit être assuré de façon équivalente par le public et par le privé.

Mme Isabelle Le Callennec. Si j’ai bien compris, le budget des hôpitaux publics s’élève à 110 milliards et la dette à 29 milliards, tandis que les hôpitaux privés ont un chiffre d’affaires de 10 milliards et une dette de 2 milliards.

M. le coprésident Pierre Morange. Le budget de l’hospitalisation publique est de 74 milliards.

Mme Isabelle Le Callennec. Quelle est la part de marché du secteur privé, monsieur le président Gharbi ?

M. Lamine Gharbi. Nous réalisons plus de 60 % de la chirurgie et de la chirurgie ambulatoire, un tiers des accouchements, 15 % de la médecine et 50 % de la cancérologie. Nous avons des parts de marché dominantes en chirurgie curative et une faiblesse dans le secteur de la médecine, d’où la critique des hôpitaux publics. La médecine gériatrique est la plus évoquées à la télévision ou dans des reportages. Nos aînés malades, c’est une image forte. Nous avons, depuis une dizaine d’années, la volonté de nous investir dans ce domaine. La loi dite Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) nous a permis de nous investir dans le champ de la médecine, en permettant le salariat des médecins internistes et gériatres. Nous n’arrivions pas à trouver des médecins libéraux dans ces spécialités, qui sont sinistrées en termes de revenus.

Le fait de pouvoir salarier les médecins et de récupérer leurs honoraires a permis de développer l’activité de médecine. Pour nous, la filière gériatrique est une filière d’avenir, car, comme l’obstétrique, la médecine est un réel service à la population. Je ne cesse de répéter à mes adhérents que leur établissement verra renouveler ses autorisations s’il correspond à un besoin. Nous sommes tous conscients de la raréfaction des finances publiques. Si nous ne correspondons pas à un besoin ou si ce besoin est assuré par un autre acteur, en l’occurrence l’hôpital public, qui a l’éternité devant lui, nous serons, nous, toujours dans la précarité. C’est pour cette raison que nous devons investir des champs qui ne sont pas aujourd’hui majoritaires chez nous, et notamment la médecine polyvalente gériatrique.

Mme Isabelle Le Callennec. À vous écouter, j’ai le sentiment que, pour vous, big n’est pas beautiful. Vous semblez plutôt favorable aux petits établissements. Sont-ils bien implantés sur le territoire ? Car, demain, nous aurons un défi à relever. Il y a une contradiction entre l’implantation des gros établissements publics hospitaliers dans les grandes capitales régionales ou départementales et la volonté – vous parliez du vieillissement – d’avoir des établissements bien répartis pour un accès aux soins de proximité. Si l’on se dirige vers la chirurgie ambulatoire, il faudra avoir des établissements de taille modeste, mais présents sur tout le territoire. Vous faites un lien entre la taille de l’établissement et la capacité de répondre aux besoins de services médicaux. Pensez-vous que ce point fasse partie des préoccupations du Gouvernement et qu’attendez-vous de la part du législateur ?

Personnellement, j’estime qu’il est préférable d’avoir des établissements de petite taille ou de taille moyenne bien implantés sur le territoire, plutôt que des mastodontes. Cela étant, il faut que cela se traduise dans le bon sens en termes budgétaires et financiers.

S’agissant des taux d’emprunt, avez-vous la capacité de renégocier facilement ? Savez-vous si les hôpitaux publics ont la même capacité à renégocier leurs prêts ? Ce n’est pas toujours simple pour eux, car ils ne peuvent pas placer d’argent. Lorsqu’ils doivent faire un investissement et qu’ils ont des difficultés financières, on leur dit que ce ne sera pas possible.

En ce qui concerne la T2A, que faut-il faire pour que ce ne soit pas une charge, mais qu’au contraire, elle serve les hôpitaux ? Vous avez évoqué l’existence de 2 400 tarifs. Comment sont-ils réévalués ? Qui décide ? Est-ce toujours juste et efficace ?

M. Lamine Gharbi. Pour répondre à votre question sur la taille des établissements, la concentration a aujourd’hui des effets délétères. S’agissant de l’obstétrique privée, trente départements n’ont plus de clinique privée, du fait du regroupement et de la volonté de faire toujours plus grand et toujours plus beau. Je suis surpris de voir que le Gouvernement a introduit la notion de maisons de naissance. On nous a expliqué que les maternités qui procédaient à moins de 300 accouchements par an étaient dangereuses. Aujourd’hui, on nous parle des maisons de naissance, adossées à un hôpital ou à une clinique, mais sans médecin. Permettez-moi de m’étonner lorsqu’on dit qu’une maison de naissance sans gynécologue est plus sure qu’un établissement pratiquant moins de 300 accouchements par an !

C’est le secteur privé qui est implanté dans les zones reculées, isolées ou excentrées. C’est le secteur privé qui peut maintenir les activités de chirurgie dans des établissements de petite taille. Avec deux chirurgiens viscéraux, deux chirurgiens orthopédistes et deux anesthésistes, vous assurez une permanence vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Pour ce qui est de l’hôpital public, avec les 35 heures, il faut cinq praticiens de chaque spécialité, ce qui est impossible, sauf à faire appel à des médecins « mercenaires ».

Les établissements doivent s’adapter et être réactifs pour être capables de fonctionner dans des zones géographiques où l’hôpital public ne peut pas aller. J’en suis, avec d’autres, l’un des fervents défenseurs.

La taille optimale pour la chirurgie et la médecine se situe entre 250 et 300 lits, mais un établissement de 100 ou 150 lits arrive aussi à fonctionner. Dans la mesure où il y a un basculement total d’activité, nous faisons aujourd’hui 70 % de chirurgie ambulatoire. Nous faisons des prothèses de hanche en ambulatoire et nous ferons demain des prothèses de genou en ambulatoire. C’est un bouleversement total des structures d’hébergement et de prise en charge. Un travail fantastique est fait en amont comme en aval, et nous allons encore réduire les capacités d’hébergement.

Ceux qui se plaignent de la T2A sont peut-être ceux qui en sont les victimes, dans la mesure où elle permet une comparaison avec l’hôpital public. Avant l’instauration de la T2A, on ne pouvait pas comparer les deux secteurs. Il y avait, en 2005, 600 tarifs, soit 600 actes chirurgicaux ou techniques identifiés. On est passé à 2 400 parce qu’on a introduit quatre niveaux.

Vous allez comprendre le drame que nous vivons, le 1er mars de chaque année. Au-delà de la baisse globale des tarifs – moins 0,8 % l’an dernier –, il y a une redistribution complète de ces 2 400 tarifs. Selon une Étude nationale de coûts, les variations peuvent aller, chaque année, de 15 à 20 %. L’opération du canal carpien, l’an dernier, a représenté une baisse de 16 % de nos activités. Lorsqu’une clinique spécialisée dans la chirurgie orthopédique connaît une baisse de chiffre d’affaires arbitraire de 10 à 15 %, c’est une catastrophe. D’où la volonté de se déployer sur d’autres activités, notamment la médecine.

Nous avons donc deux difficultés, la première étant la baisse des tarifs. Il y avait, dans la loi de 2005, la notion de convergence intersectorielle…

M. le coprésident Pierre Morange. Je vous prie de m’excuser, monsieur le président. La convergence est, certes, un sujet essentiel, mais nous nous éloignons de l’objet de la Mission, à savoir la dette des hôpitaux.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Monsieur le président, quelles sont vos relations avec les agences régionales de santé ? Quelle part prenez-vous dans la stratégie et la planification de l’offre au niveau régional ? Vous nous avez fait part des difficultés de certains hôpitaux, qui sont quasiment en cessation de paiement. Dans le cas d’une fermeture, l’hospitalisation privée pourrait-elle prendre le relais ?

M. Lamine Gharbi. Nous le pourrions, et j’ai même fait la proposition que l’hospitalisation privée puisse assurer la gestion de certains hôpitaux publics. Nous nous engageons alors au maintien de l’emploi et nous proposons une baisse des tarifs de 10 %, sachant qu’il existe un écart de 25 % entre le public et le privé.

S’agissant des ARS, nous sommes outrés de servir de variable d’ajustement par rapport au service public. À Montluçon, on va fermer les urgences du privé pour que l’hôpital public récupère de l’activité. Chaque fois qu’un hôpital public est en difficulté et qu’il y a en face une activité privée, c’est cette dernière qui est sur la sellette. Je pense à Aurillac et à ses deux services de réanimation, public et privé. Je ne porte pas de jugement médical, car les deux activités sont de qualité.

Les ARS ont un très grand pouvoir de nuisance vis-à-vis du secteur privé. Nous ne pouvons plus accepter la mainmise de l’autorité de tutelle qui, insidieusement, lors des renouvellements d’autorisations, supprime prioritairement celles dont bénéficient les établissements privés. Je place de grands espoirs dans la loi sur un seul point, les groupements hospitaliers de territoire, qui vont permettre, au sein des hôpitaux publics – du moins, je l’espère –, de supprimer 100 à 150 services qui, aujourd’hui, ne sont plus en adéquation avec les qualifications médicales, et d’en finir avec le recours aux mercenaires qui, chaque jour, alourdissent les comptes de l’assurance maladie.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Vous parlez sans doute des médecins intérimaires dans le secteur public. Avez-vous, dans le secteur privé, les mêmes difficultés que l’hôpital public pour recruter ? Avez-vous également recours à l’intérim ?

M. Lamine Gharbi. L’intérim médical n’existe pas chez nous, car ce sont des médecins libéraux qui exercent. Un médecin libéral doit assurer la continuité des soins et son remplacement pendant ses congés. 

En psychiatrie, il y a également beaucoup de médecins libéraux.

Les soins de suite étant assurés par des médecins salariés, nous devons pourvoir à leur remplacement. Mais les difficultés que nous rencontrons sont plus liées au positionnement géographique des établissements qu’au statut. Pour nous, l’intérim médical n’est pas une difficulté majeure, dans la mesure où nous arrivons à être attractifs et à avoir les médecins qu’il faut aux postes qui conviennent.

Par ailleurs, la concentration du secteur fait que, dans le cas d’un regroupement de plusieurs cliniques, disposant chacune, par exemple, de deux ou trois anesthésistes, on se retrouve avec un pool conséquent d’anesthésistes, avec une réelle activité. Cette concentration nous permet d’avoir aujourd’hui une densité médicale et un renouvellement médical relativement satisfaisants. En outre, l’équivalence des diplômes européens permet de recruter, en mode libéral, des praticiens originaires des pays de l’Est.

M. Dominique Tian. Le chiffre d’affaires des hôpitaux publics s’élève à 74 milliards d’euros et la dette à 29 milliards, soit 40 % du chiffre d’affaires. Le secteur privé a un chiffre d’affaires de 10 milliards et une dette de 2 milliards. Comment expliquez-vous la différence d’endettement entre les deux structures ?

Y a-t-il également dans l’hospitalisation privée, des emprunts toxiques qui pourraient mettre les établissements en difficulté ?

M. Lamine Gharbi. Ce qui explique la différence d’endettement, c’est que, lorsque nous contractons une dette, nous savons que nous serons obligés de la rembourser. Dans ce cas, on est plus attentif à l’emprunt que l’on va contracter.

Ensuite, nous ne construisons que les surfaces dont nous avons besoin, car au-delà des locaux qui sont, dans le public, pour une même activité, 20 à 30 % supérieurs à ceux du privé, le fonctionnement est coûteux. Lorsqu’on construit raisonnablement, l’emprunt est moins élevé. Mais avant tout, je le répète, nous remboursons.

M. le coprésident Pierre Morange. Même dans le secteur public, on rembourse !

M. Lamine Gharbi. J’avais compris qu’il y avait chaque année, 100 millions d’euros…

M. le coprésident Pierre Morange. 100 millions d’euros sont crédités pour abonder ou consolider la gestion des emprunts structurés contractés par les hôpitaux publics français. Il faut savoir que ces 100 millions d’euros sont bien faibles au vu de l’accumulation des emprunts structurés dont le dérapage – notamment lié aux évolutions du taux de change du franc suisse – a fait une hydre tentaculaire en plein développement, qui terrorise le parc hospitalier public français, ses responsables et le ministère de tutelle. Nous allons recevoir dans quelques instants les établissements bancaires pour qu’ils nous fassent part de la pertinence de leur analyse, s’agissant des taux qu’ils ont délivrés.

M. Dominique Tian. Monsieur le président Gharbi, vous venez de dire que le secteur privé était responsable et qu’il faisait attention aux emprunts qu’il contractait. Voulez-vous dire que les hôpitaux publics sont allés chercher de l’argent un peu n’importe comment parce qu’il fallait trouver des moyens de financement, quitte à prendre quelques risques ?

M. Lamine Gharbi. Je vais commencer par retirer ce que j’ai dit à propos des hôpitaux publics qui ne remboursaient par leur dette ! Cela étant, je ne répondrai pas à votre question, monsieur Tian, car je ne suis pas le porte-parole de la Fédération hospitalière de France (FHF).

S’agissant des emprunts toxiques, je vous rassure de nouveau, dans le secteur privé, nous n’en avons pas contractés.

Par ailleurs, nous renégocions nos dettes. J’ai, à titre personnel, des emprunts qui datent de 2011, avec un taux de 4 %. Même la BPI (Banque publique d’investissement) accepte de renégocier. Je suis arrivé, à titre personnel, pour mon groupe, à un taux de 2,70 %. En termes d’investissements, sur du moyen terme, à cinq ans, je suis arrivé à un taux compris entre 0,9 et 1,1 %.

Mme Isabelle Le Callennec. Les hôpitaux publics ont-ils accès à la BPI ?

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. La Société de financement locale (SFIL) aide les hôpitaux publics à se débarrasser des prêts structurés. Pour ce qui est de la BPI, je ne sais pas ce qu’il en est.

Que pensez-vous, par ailleurs, monsieur le président, de la formation des dirigeants des hôpitaux publics ? Quelle différence y a-t-il avec la formation ou le recrutement des dirigeants des hôpitaux privés ?

M. Lamine Gharbi. Aujourd’hui, le dirigeant d’un hôpital public et le dirigeant d’une clinique privée se ressemblent comme deux gouttes d’eau. La caricature n’a pas de sens. Ce sont des professionnels, d’un côté comme de l’autre.

Quant à la formation des directeurs d’hôpitaux, je crois qu’elle est assurée par l’École des hautes études de santé publique de Rennes.

Pour ce qui nous concerne, des formations de troisième cycle sont dispensées à l’ESSEC, à HEC ou à Montpellier. Je le disais lors d’une précédente table ronde, la clinique idéale ou l’hôpital idéal, ce sera lorsque l’hôpital ressemblera à la clinique et que la clinique ressemblera à l’hôpital. Outre le combat que nous menons en faveur de l’égalité, de l’équité et de la transparence, nous contribuons, vous et nous, à une même mission, et la guerre public-privé n’a plus aucun sens. Nous n’avons plus les moyens, aujourd’hui, d’avoir des structures hospitalières publiques, associatives et privées générant des clivages. Je pense que vous participez de cette prise de conscience. C’est pour cette raison que nous sommes confiants dans la complémentarité de nos offres.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. J’en viens à une autre question. De combien de mètres carrés disposez-vous ?

M. Lamine Gharbi. S’agissant du secteur privé, il y a 10 millions de mètres carrés.

M. Emmanuel Daydou, directeur de la prospective économique, médicale et juridique. D’un point de vue macro-économique, notre secteur, toutes spécialités confondues, représente 17 % des ressources de l’assurance maladie consacrées à l’hospitalisation.

Si l’on totalise en moyenne les chiffres que le président a donnés sur l’activité, nous approchons les 25 %. Il y a donc un ratio intéressant entre le financement qui nous est consacré et l’activité déployée. Il est bon d’avoir ces chiffres en tête, car ils font écho aux questions que vous nous avez posées, notamment sur les niveaux d’endettement des deux secteurs.

Le président a rappelé la rapidité avec laquelle le nombre d’établissements privés a baissé, notamment en MCO, et le fait que, concomitamment, ils ont une taille relativement modeste, mais qui leur permet de se rapprocher de ratios de gestion raisonnables, malgré les baisses tarifaires. Même si, en 2012, plus de 30 % de nos établissements MCO étaient en déficit, globalement, le secteur s’est restructuré, ce qui nous a permis de maîtriser le recours à l’endettement.

Le président l’a rappelé, nous avons été aidés. Aujourd’hui, quand une banque prête à un actionnaire indépendant, elle mesure le risque qu’elle prend. Le président a cité le recours très fréquent au crédit-bail. Cela explique aussi le fait que, globalement, dans notre secteur, nous n’avons pas de difficulté à accéder au financement. Il n’en demeure pas moins que les établissements bancaires sont très attentifs au risque. Du coup, nos établissements ont procédé à un ajustement de leur attitude par rapport à l’endettement, ce qui les place aujourd’hui dans une situation plus favorable que celle du secteur public.

C’est un faisceau de facteurs qui a permis d’arriver à cela : restructuration et gestion du risque. Tout à l’heure, on parlait de la formation. On trouve très fréquemment, dans nos établissements, des profils formés dans des écoles de commerce, qui viennent parfois d’autres secteurs économiques et qui ont une approche solide des contraintes de gestion, ce qui est un atout quand on s’attaque à des questions aussi compliquées que celles du financement et du crédit.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Vous faites-vous aider, pour la gestion financière, par des sociétés extérieures spécialisées ? Je suis présidente du conseil de surveillance d’un tout petit hôpital où il n’y a pas de plateau technique, mais des urgences. C’est une agence extérieure qui aide à la facturation de la T2A.

M. Lamine Gharbi. Historiquement, nous avons toujours produit une facture pour pouvoir être remboursés des soins prodigués. C’étaient les prix de journée. C’est pour cela que nous sommes passés en 24 heures d’un système de facturation à un autre. Nous n’avons pas besoin d’aide pour apprendre à facturer, parce que, pour nous, c’est naturel.

Dans les hôpitaux publics, cela n’est pas naturel, puisqu’ils fonctionnent à partir d’un budget global. Il y a donc un temps d’adaptation et je comprends que ce temps soit long. Cela étant, je ne cautionne pas le report perpétuel de la facturation individuelle du séjour par les hôpitaux publics.

Pour ce qui est des conseils de gestion, je vous rappelle que nous avons des comptes certifiés par des commissaires aux comptes et que ces derniers éclairent aussi le gestionnaire notamment sur les ratios d’endettement.

Les meilleurs de nos établissements ont une procédure d’analyse des écarts de budget et un reporting tous les dix jours, pour pouvoir avoir une action immédiate. Notre gestion, qui est extrêmement précise, serait possible pour les hôpitaux publics, car si les grands groupes qui génèrent un chiffre d’affaires de 2 milliards ont des reportings à dix jours, un hôpital, avec un budget de 600 ou 700 millions d’euros, devrait aussi pouvoir le faire. Il faudra peut-être un peu plus de temps, mais je suis persuadé que les hôpitaux publics y arriveront, parce qu’ils ont les capacités et les compétences. Ils en auront aussi forcément l’envie, car la recherche d’économies et d’efficience est la vocation de tout manager public ou privé. Comme je vous l’ai dit, il n’y a pas de différence entre les deux.

Je reprendrai l’exemple du directeur du CHU de Montpellier, qui a toujours eu la volonté d’être un manager. Aujourd’hui, il affiche un CHU à l’équilibre, il le dit haut et fort et il explique comment il est arrivé à rétablir un équilibre par l’activité, par la maîtrise des charges et par un gel de la masse sociale. Je me réjouis que la rentabilité ne soit plus un mot banni pour le public.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, raporteure. Nous vous remercions, monsieur le président Gharbi, pour votre contribution à nos travaux.

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède ensuite à l’audition, ouverte à la presse, de M. Richard Boutet, directeur du pôle Banques des particuliers et des entreprises, Affaires publiques France de la Fédération bancaire française (FBF), de M. Hervé Leroux, directeur des entreprises et du secteur public, directeur de la clientèle patrimoniale au Crédit Agricole SA, et M. Philippe Barraud, responsable Grandes collectivités et ingénierie financière, de M. Cédric Mignon, directeur du développement des Caisses d’Épargne du Groupe BPCE, et M. Jean-Sylvain Ruggiu, directeur du marché Secteur public et partenariats public-privé, de M. Pierre Vérot, directeur de la gestion de l’encours de Dexia crédit local, et de M. Jean-Pierre Rosello, directeur des marchés de l’économie publique de la Société Générale.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous accueillons à présent les représentants de banques concernées par les prêts structurés à risque consentis aux hôpitaux publics.

M. Richard Boutet, directeur du pôle Banques des particuliers et des entreprises, Affaires publiques France de la Fédération bancaire française (FBF). La Fédération bancaire française (FBF) et les établissements bancaires ont très volontiers répondu à votre invitation, qui va nous permettre de faire le point sur le financement des hôpitaux. Tout le monde a bien conscience que la situation financière des hôpitaux dans notre pays est fragile, du moins pour une partie d’entre eux. La problématique est double : elle porte sur l’endettement et sur le financement. Dans un contexte de contrainte budgétaire forte, les hôpitaux ont besoin de financements importants.

Depuis la crise, les établissements de crédit se sont plus encore rapprochés de leurs clients, y compris ceux du secteur public, pour trouver des solutions adaptées, en prenant en compte les contraintes réglementaires nouvelles qui pèsent sur l’activité bancaire en général. Les banques estiment que les besoins de financement des hôpitaux se sont réduits, et elles confirment ne pas avoir de difficultés réelles à les financer. En effet, nous avons constaté en 2014 une baisse de leur demande de crédit de moyen et long termes.

Sur le financement des hôpitaux publics, dont la situation financière actuelle et la capacité de remboursement nourrissent des inquiétudes légitimes, je tiens à souligner une chose. Les banques peuvent continuer à prêter dans les conditions actuelles dans la mesure où l’État offre une garantie. Sans cette garantie de l’État, le paysage de l’offre de crédits serait bien différent, tant par son volume que par ses conditions. Pour les banques, un prêt à un hôpital peut donc être assimilé à un risque d’État. Le financement des hôpitaux est aussi possible grâce à l’existence de mécanismes qui traitent systématiquement les divergences de situation financière de certains d’entre eux.

Pour évaluer la situation financière des hôpitaux, il faut se référer aux travaux de la Cour des comptes, qui a établi plusieurs critères en la matière. On observe ainsi qu’un tiers d’entre eux dépassent les critères d’alerte de la Cour. Les établissements financiers prêteurs arrivent aux mêmes analyses et travaillent sur les mêmes chiffres que la juridiction financière. Il est important de rappeler que les hôpitaux peuvent également avoir recours aux financements de la Caisse des dépôts et consignations et de la Banque européenne d’investissement (BEI) comme à ceux des banques commerciales.

Les spécialistes qui m’accompagnent sont les représentants des plus grands acteurs bancaires qui financent au quotidien des hôpitaux. Ils vont répondre à vos questions.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Comment des prêts structurés aussi dangereux, c’est-à-dire avec une dimension spéculative, ont-ils pu être proposés au secteur public ?

M. Hervé Leroux, directeur des entreprises et du secteur public, directeur de la clientèle patrimoniale au Crédit Agricole SA. Les produits structurés – qui ne sont pas tous des prêts sensibles toxiques – ont pour objectif de permettre une gestion dynamique de la dette. Si de tels prêts sont proposés, c’est parce que le client recherche une gestion dynamique et une performance de sa dette supérieure à celle qu’il pourrait obtenir dans des conditions standards. Dans la plupart des cas, ces produits permettent aux clients de réduire le coût de leur dette.

Notre métier est de qualifier le risque tout en conseillant nos clients. Le Crédit Agricole a très largement respecté ce devoir de conseil, en soulignant le risque pour chaque proposition. Cela étant dit, l’évolution récente de la parité euro/franc suisse nous a pris de court, comme tous les opérateurs. Il est clair que ces produits présentent une part de risque que nous essayons de documenter.

M. Dominique Tian. La dette cumulée des hôpitaux publics s’élève à 30 milliards d’euros, pour un chiffre d’affaires de 74 milliards, soit un taux d’endettement de 40 %. D’après ce que vous venez de dire, un tiers des établissements ne devraient pas obtenir ces prêts sans la garantie de l’État. Vos prêts structurés n’ont-ils pas été davantage proposés à ces établissements en difficulté ?

M. Hervé Leroux. Ce n’était absolument pas notre volonté : nous n’avons pas cherché à orienter tel ou tel prêt structuré vers tel ou tel client. Les hôpitaux qui ont souscrit ces emprunts ont une taille très significative : ils avaient la capacité de comprendre parfaitement les produits proposés.

M. Dominique Tian. Quels sont ces directeurs qui étaient partants pour gérer la dette de leur établissement de manière dynamique ? Nous voulons comprendre pourquoi les banques en sont arrivées à financer certains établissements hospitaliers publics avec ce type de financement !

M. Hervé Leroux. Ce type de prêt structuré représente 1 % de l’encours du Crédit Agricole, contre 3 % à 3,5 % pour l’ensemble du marché. Nous sommes donc loin d’avoir diffusé massivement ce type de produit.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Le plan hôpital 2007 et le plan hôpital 2012 ont probablement amené les directeurs d’établissement à engager des investissements qui ne se sont pas toujours révélés judicieux. Les directeurs des hôpitaux sont-ils suffisamment informés en matière de montages financiers et ont-ils besoin de l’aide de structures extérieures dans ce domaine ?

M. Cédric Mignon, directeur du développement des Caisses d’Épargne du Groupe BPCE. L’endettement des hôpitaux est passé de 10 milliards d’euros en 2003 à plus de 30 milliards fin 2013. Les plans hôpital 2007 et hôpital 2012 ont, en effet, relancé l’investissement et donc le besoin de financement. Pour le Groupe BPCE, les Caisses d’épargne et le Crédit Foncier sont très présents pour le financement des hôpitaux, à hauteur de 7,2 milliards, soit un quart de nos encours de financement aux hôpitaux.

Pour notre part, nous n’avons pas proposé de crédits structurés plus spécifiquement à une catégorie d’hôpital. Pour chaque demande de financement des hôpitaux, dont des demandes de crédit structuré, nous avons proposé les deux cotations, à taux fixe et à taux variable, en crédit classique ou sous forme de crédit structuré. Ces propositions ont donc été faites à l’ensemble des hôpitaux, quelle que soit leur taille, quand ils nous l’ont demandé.

Sur ces 7,2 milliards d’encours, 247 millions d’euros concernent des crédits structurés dits hors Charte Gissler, soit moins de 3,3 % de nos encours, et surtout des hôpitaux de moyenne et grande tailles – les hôpitaux de petite taille étant au nombre de trois seulement, soit 0,01 % du montant des prêts à rembourser. Nos offres de prêts structurés n’ont donc pas été concentrées sur les petits hôpitaux. Par contre, il est beaucoup plus compliqué de retravailler ces produits avec les petits hôpitaux car leur marge de manœuvre pour sécuriser tout ou partie de leur dette est moins importante que celle des établissements plus grands.

Nous avons eu affaire à des gens qui avaient des compétences. Les prêts structurés ont été introduits dès 1995, notamment par des banques étrangères. Le groupe BPCE a commencé à s’y intéresser à la demande de ses clients – collectivités comme hôpitaux – à partir de 2004-2005, puis il a arrêté toute proposition de ce type de crédit dès le 1er janvier 2008. Ainsi, pendant de nombreuses années, ces produits ont correspondu à un financement usuel de certains acteurs économiques : des clients, dont certains même avaient été assistés d’un conseil, nous ont demandé de leur en proposer. La responsabilité est donc partagée.

M. le coprésident Pierre Morange. Cette coresponsabilité est indéniable. Mais il faut garder à l’esprit que les pertes colossales subies par les établissements bancaires à partir de 2008 ont amené le Gouvernement – et donc le peuple français – à soutenir ces derniers pour éviter un effondrement systémique.

Alors que la BCE a décidé de baisser ses taux d’intérêt, pour relancer l’économie, à des niveaux historiquement bas, il serait malvenu de discuter ou de tergiverser sur la question des emprunts structurés. L’heure est venue de sortir de cette crise des hôpitaux publics, qui ont au cœur de leur mission la santé du peuple français. En clair, les établissements bancaires se doivent d’intégrer cette question, à la fois éthique et morale, dans leur stratégie de renégociation de ces prêts pour revenir à des taux fixes.

Sur un sujet aussi emblématique que la santé du peuple français, les membres de la MECSS et plus généralement la représentation nationale ne comprendraient pas qu’une sortie de crise ne soit pas trouvée rapidement afin de remédier à l’asphyxie financière d’un tiers de ces hôpitaux publics. Car derrière cette crise, il y a des souffrances, il y a des vies.

Nous attendons donc de votre part des éléments extrêmement précis en termes d’agenda et de taux d’intérêt. Sur ce sujet vital – la santé des Français –, il y a urgence. Cette urgence est, à mes yeux, de même niveau que l’a été celle du sauvetage de la Grèce.

M. Cédric Mignon. Nous sommes conscients du problème depuis le départ, et la restructuration est engagée depuis de nombreuses années. Au cours des quatre dernières années, nous avons restructuré 80 millions d’euros de nos crédits structurés, soit en sortant les établissements hospitaliers de ces prêts, soit en reportant la date de mise en place de l’indexation à taux variable. Ainsi, sur les 28 crédits structurés de la Caisse d’épargne et du Crédit Foncier, un seul est encore en période active.

M. le coprésident Pierre Morange. La restructuration des emprunts toxiques vous ramène donc à un taux fixe. À combien s’élève ce taux en moyenne ?

M. Cédric Mignon. La plupart de nos crédits sont encore à taux garanti, c’est-à-dire à taux fixe. Pour les prêts hors charte Gissler, le taux moyen du groupe BPCE est de 4,80 %, contre 3,50 % pour les prêts classés dans la Charte.

M. le coprésident Pierre Morange. La représentation nationale attend de l’ensemble des établissements bancaires qu’ils s’engagent de façon claire et nette à régler ce problème des emprunts toxiques une bonne fois pour toutes. Il faut en finir avec ces emprunts « pourris » pour revenir à un taux fixe, conforme au marché, quitte à vous asseoir sur des soultes, car on sait bien que la ligne de crédits dégagés par le Gouvernement à hauteur de 100 millions d’euros par an sera insuffisante.

M. Hervé Leroux. Le Crédit Agricole partage entièrement votre préoccupation à propos du système de santé français.

Comme l’a dit M. Mignon, nos établissements bancaires mènent depuis sept ans une politique très volontariste de désensibilisation, c’est-à-dire de renégociation des prêts. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) suit cette question de près : ce que je viens de vous dire n’est donc pas une simple déclaration.

Bien entendu, nous voulons renégocier l’ensemble des prêts toxiques pour les raisons évidentes que vous venez de souligner, monsieur le coprésident. Mais encore faut-il que les établissements hospitaliers veuillent également le faire, ce qui n’est pas si simple dans certains cas. En effet, certains d’entre eux ne répondent pas positivement à nos propositions de réaménagement de prêt.

Pour ce qui concerne le Crédit Agricole, sur 4,7 milliards d’euros d’engagements sur les hôpitaux, l’encours des prêts toxiques ne s’élève qu’à 84 millions – volume certes significatif, mais pas aussi massif qu’on le dit. Je peux donc dire que nous avons alimenté très faiblement le mouvement par rapport à d’autres. L’engagement citoyen, auquel vous faites allusion, de groupes tels que le nôtre, qui paient leurs impôts sur le territoire, est aussi celui-là.

M. le coprésident Pierre Morange. J’entends parfaitement votre propos. La représentation nationale souhaiterait entendre le même discours citoyen de la part de l’ensemble des établissements bancaires français.

M. Dominique Tian. Il serait utile à la représentation nationale d’avoir des éléments chiffrés, en particulier le nombre d’hôpitaux en danger, le nombre de ceux qui ont commencé une démarche de remboursement anticipé ou de modification du taux, mais aussi celui des établissements concernés par des partenariats publics-privés (PPP), dont certains sont susceptibles de présenter un danger pour ces derniers.

M. Richard Boutet. Nous vous fournirons ces éléments statistiques une fois que nous les aurons réunis.

M. Jean-Sylvain Ruggiu, directeur du marché Secteur public et partenariats public-privé du secteur public – Groupe BPCE. Le groupe BPCE réalise 30 % des opérations en partenariat public-privé en France, essentiellement pour des projets supérieurs à 100 millions d’euros. Nous avons ainsi participé à la construction du site de Balard, de prisons, d’écoles, d’universités, etc. Côté hôpitaux, je peux vous affirmer que nous n’avons pas de problème concernant les PPP, mais je vous communiquerai ultérieurement le nombre de clients hospitaliers concernés.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Un fonds d’intervention de 100 millions d’euros a été mis en place pour les petits hôpitaux les plus endettés en emprunts toxiques. Vos banques financent-elles ce fonds et à quelle hauteur ?

M. Pierre Vérot, directeur de la gestion de l’encours de Dexia crédit local. Deux banques financent ce fonds à hauteur de 25 millions d’euros : la Société de financement local (SFIL), d’une part, et Dexia à hauteur de 8 millions, d’autre part. Autrement dit, via Dexia, le peuple belge prend en charge une partie de cette situation qui ne le concerne pas directement.

M. le coprésident Pierre Morange. Qu’on soit Belge ou Français, le sang est de la même couleur quand on parle de santé.

M. Pierre Vérot. Nous sommes tout à fait d’accord avec vous, monsieur le président : les contrats financiers structurés à risque sont appelés à sortir du système. Cependant, il faut savoir que 70 % à 75 % des hôpitaux, qui paient encore aujourd’hui des taux bas, et ce depuis le début, hésitent à passer à taux fixe. Nous souhaitons donc que l’État intervienne également pour les inciter à renégocier ces prêts, d’autant que les indemnités seront proches de celles des taux fixes, c’est-à-dire assez basses. D’ailleurs, il me semble qu’un décret de 2012 fixe à 2017 l’échéance à laquelle les hôpitaux devraient passer à taux fixe.

M. le coprésident Pierre Morange. La coresponsabilité est actée. C’est la raison pour laquelle nous adresserons à chacun d’entre vous une lettre vous demandant de nous communiquer – noir sur blanc – les informations suivantes : le montant des emprunts toxiques contractés par les hôpitaux ; vos échéanciers de sortie ; vos propositions de négociation. Nous connaîtrons ainsi ceux des directeurs d’établissement qui n’auront pas eu la sagesse de renégocier pour passer à taux fixe et nous vous réinviterons à la fin de la mission pour faire le bilan des avancées que vous aurez pu consentir.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Des contentieux ont-ils été engagés par des hôpitaux contre vos établissements bancaires ? Si oui, quels en sont les résultats ?

M. Hervé Leroux. Le groupe Crédit Agricole n’a pas de contentieux.

M. Cédric Mignon. Le groupe BPCE n’en a aucun.

M. le coprésident Pierre Morange. Des contentieux ont été déclenchés par des collectivités locales. Aucune de vos banques n’a fait l’objet d’un contentieux de la part d’un hôpital ?...

M. Pierre Vérot. Il reste à Dexia environ 60 millions d’encours susceptibles de présenter des taux dégradés aujourd’hui, c’est-à-dire indexés sur la parité euro/franc suisse ou sur la parité euro/dollar. Pour l’heure, un seul établissement a engagé un contentieux, et ce pour une raison simple. C’est que, comme nous l’a demandé un gouvernement précédent, nous avons dit aux établissements que nous les accompagnerions, en évaluant année après année leur capacité à régler leurs échéances. Ainsi, tous nos clients – sauf un – ne paient pas de taux dégradés.

Certes, les indemnités de sortie de ces taux sont élevées, mais nous avons réussi à dénouer un grand nombre de situations, comme l’ont fait plusieurs de nos confrères. Dans certains cas, cela n’a malheureusement pas été possible.

Dans l’attente de la mise en place du fonds, auquel nous contribuerons, nous avons fait en sorte que nos huit clients sur les neuf concernés ne paient pas plus de 8 %. Nous maintenons cette orientation en 2015, la différence entre ce taux de 8 % et ce qu’ils pourraient payer étant à notre charge.

Notre stratégie a été simple. Nous avons proposé aux établissements, s’ils ne souhaitaient pas que le juge tranche le problème, de gérer avec nous cette difficulté, soit de manière transitoire – c’est ce que nous avons fait et continuons de faire –, soit dans le cadre d’une sortie pérenne organisée par les pouvoirs publics, initiative prise par le Gouvernement en avril 2014.

Une grande partie des clients n’a jamais payé de taux dégradé parce que le contrat n’en a jamais appelé. Pour les autres – soit une minorité –, nous avons réussi à trouver des solutions de passage à taux fixe, mais sans y parvenir pour une partie résiduelle de cette minorité. Je crois pouvoir dire que la profession a essayé de gérer ces difficultés de manière responsable, en acceptant quelques pertes, et en travaillant avec la DGOS (direction générale de l’offre de soins) au calibrage d’une solution pérenne.

Certes, les choses sont plus compliquées aujourd’hui puisqu’un nouveau paramètre est intervenu le 15 janvier dernier. Néanmoins, un dispositif existe, et nous sommes confiants. Le fonds de soutien, dont l’instruction qui le régit est sortie au mois de décembre, va être mis en place. Sous l’impulsion des ARS, il permettra la rencontre dans chaque région des prêteurs, des emprunteurs et des pouvoirs publics. À l’instar de nos confrères, nous pensons que les difficultés seront dénouées rapidement.

Je pense que ce dispositif s’adresse à tous les établissements, et que tous cherchent à être traités par ce biais. Nous souhaitons nous orienter vers une résolution du problème, et pensons qu’elle sera possible grâce à un effort organisé par les ARS, de la même manière que le fonds de soutien aux collectivités locales contribue d’ores et déjà à résoudre des situations, y compris pour celles ayant choisi la voie du contentieux.

En définitive, je crois que tout le monde, y compris la plupart de ceux ayant choisi le contentieux, préférerait une résolution collective raisonnable, ce que les instruments mis en place par l’État devraient permettre.

M. le coprésident Pierre Morange. La voie raisonnable est toujours préférable. Dans la mesure où le peuple français a consenti des efforts pour assurer la stabilité du système bancaire, il serait juste que ce dernier fasse lui-même un effort pour stabiliser une bonne fois pour toutes ces situations et contribuer à cette sortie de crise que la représentation nationale appelle de ses vœux.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Les hôpitaux publics ont-ils accès aux ressources leur permettant de financer leurs investissements ?

M. Cédric Mignon. Comme banques responsables, le groupe BPCE et quelques autres ont compensé la défaillance de certains établissements, en restant présents, voire en augmentant leur part de marché tant pour les collectivités que pour les hôpitaux publics, avec des crédits simples et basiques. Les Caisses d’épargne sont ainsi restées très présentes durant la période la plus tendue, c’est-à-dire entre 2011 et 2013.

Depuis, la situation s’est nettement détendue, si bien que les Caisses d’épargne n’ont prêté que 400 millions d’euros aux établissements publics de santé en 2014, contre 800 millions en 2013, non que nous ayons réduit notre capacité à produire des crédits, mais parce que d’autres sources de financement sont apparues entre-temps. Ainsi, les établissements publics de santé trouvent des ressources financières, et certainement plus facilement qu’il y a trois ans.

M. Hervé Leroux. Le Crédit Agricole fait le même constat. D’une part, nous avons largement compensé la défaillance de certains établissements pendant la période difficile. D’autre part, depuis deux à trois ans, nous constatons une diminution de nos encours, puisque de nouveaux opérateurs sont apparus.

Nous avons en outre proposé aux hôpitaux des émissions obligataires. Ce mode de financement alternatif – non risqué – intéresse plus particulièrement les établissements de grande taille.

M. le coprésident Pierre Morange. Quel est le volume financier de ces émissions obligataires ?

M. Hervé Leroux. S’agissant du Crédit Agricole, les émissions obligataires représentent 40 millions d’euros pour les hôpitaux en 2013, et 400 à 600 millions pour l’ensemble du secteur public.

M. Cédric Mignon. Pour le groupe BPCE, les émissions obligatoires sont de 70 millions avec l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) au 1er décembre 2014.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Selon la Cour des comptes, certains établissements dépassent le taux d’endettement admissible et rencontrent parfois des difficultés même pour faire face à leurs dépenses de personnel. Y a-t-il eu des restrictions sur les lignes de trésorerie qui permettent aux établissements de payer leurs dépenses courantes ?

M. Cédric Mignon. Au groupe BPCE, les engagements en lignes de trésorerie aux établissements publics de santé n’ont quasiment pas bougé : ils s’élèvent à 520 millions d’euros fin décembre 2014, un tiers seulement étant utilisées. Depuis la mise en place de solutions d’État, les choses sont moins compliquées pour nous qu’il y a trois ans.

M. le coprésident Pierre Morange. Qu’en est-il des frais de gestion pour les émissions obligataires ?

M. Philippe Barraud, responsable Grandes collectivités et ingénierie financière au Crédit Agricole SA. Ce sont les frais d’arrangement d’opération, liés au coût de courtage pris par les arrangeurs d’opération puisque les banques assistent les établissements hospitaliers pour émettre les obligations et les distribuer aux investisseurs institutionnels. Les frais annexes payés par les hôpitaux sont les frais des agences de notation et les frais d’avocat. S’agissant des frais de notation, par exemple, les coûts globaux sont inférieurs à 100 000 euros pour une émission obligataire d’une centaine de millions d’euros. L’AP-HP a payé ses frais juridiques en une seule fois, ce qui lui permet d’aller régulièrement sur le marché sans surcoût. Les émissions groupées des CHU, qui ne sont pas solidaires, ont en revanche donné lieu à un nouveau contrat juridique à chaque émission.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. J’ai l’impression, et j’aimerais que vous me la confirmiez, que vous accompagnez les établissements publics hospitaliers avec la volonté de ne pas les laisser dans une situation impossible.

M. Hervé Leroux. Je vous le confirme. Un des domaines d’excellence du groupe Crédit Agricole est la santé. Même aux périodes les plus difficiles, nous avons toujours été là pour accompagner le secteur public, nous avons même augmenté nos lignes d’encours, y compris pour les hôpitaux.

M. Cédric Mignon. Le groupe BPCE réunit des banques de territoire : la proximité est notre ADN. Dans les petites et moyennes collectivités, le premier employeur est souvent l’hôpital. Nous n’avons pas eu besoin de recommandation pour nous atteler à la problématique des crédits structurés, même si nous aimerions que les choses avancent plus vite. Nous souhaitons continuer à prêter au secteur public, ce que nous faisons : nous sommes toujours présents dans les territoires, et je rends hommage à nos 120 conseillers « secteur public » qui proposent régulièrement aux hôpitaux et aux collectivités une sécurisation de leur dette. Notre image est restée très propre auprès des hôpitaux et des collectivités territoriales. Ainsi, les banques de proximité font leur travail, pas aussi vite que vous le souhaiteriez, mais elles le font avec cœur, avec engagement, en continuant à accompagner leurs clients.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Je suppose que les prêts toxiques n’existent plus.

M. Cédric Mignon. Ils n’existent plus pour la BPCE depuis janvier 2008.

M. Hervé Leroux. Même chose pour le Crédit Agricole, qui est aussi une banque de territoire. Le territoire est notre code génétique.

M. le coprésident Pierre Morange. Merci, messieurs.

La séance est levée à onze heures quarante-cinq.