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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mardi 3 février 2015

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 08

Présidence de Mme Gisèle Biémouret et de M. Pierre Morange, coprésidents

Auditions, ouvertes à la presse, sur « la dette des établissements publics de santé » (Mme Gisèle Biémouret, rapporteure) :

– M. Gautier Bailly, sous-directeur à la direction du budget au ministère des finances et des comptes publics, accompagné de M. Fabrice Perrin, chef du bureau des comptes sociaux et de la santé

– M. Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Mme Carine Chevrier, directrice économique, financière, de l’investissement et du patrimoine, et M. Philippe Rouvrais, chef du service financement et trésorerie à la direction économique, financière, de l’investissement et du patrimoine

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mardi 3 février 2015

La séance est ouverte à dix heures cinq.

(Présidence de Mme Gisèle Biémouret et M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition, ouverte à la presse, de M. Gautier Bailly, sous-directeur à la direction du budget au ministère des finances et des comptes publics, accompagné de M. Fabrice Perrin, chef du bureau des comptes sociaux et de la santé.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Pouvez-vous nous présenter les missions de votre sous-direction dans le domaine qui nous intéresse ?

Pensez-vous que les établissements publics de santé disposent des financements adaptés pour mener à bien leur politique d’investissement ?

A-t-on la garantie que les hôpitaux ne pourront plus à l’avenir être à nouveau confrontés à une crise comme celle déclenchée par la souscription d’emprunts toxiques ?

M. Gautier Bailly, sous-directeur à la direction du budget au ministère des finances et des comptes publics. La sixième sous-direction de la direction du budget est compétente sur l’ensemble du champ des finances sociales : d’une part, pour les politiques de l’emploi et de la solidarité, et, d’autre part, pour les dépenses relevant du champ des administrations de sécurité sociale. Nous avons également un rôle de contre-expertise vis-à-vis des administrations sociales directement en charge de la production du PLFSS (projet e loi de financement de la sécurité sociale) et du cadrage de l’ONDAM (objectif national des dépenses d’assurance maladie).

La direction du budget est présente dans les principales instances exerçant la tutelle du secteur hospitalier, en particulier le conseil national de pilotage (CNP) des ARS et le comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers (COPERMO). Nous sommes également présents dans les conseils d’administration de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), du Centre national de gestion (CNG) et de l’École des hautes études en santé publique (EHESP).

Ces missions sont donc transversales, mais un seul ETP (équivalent temps plein) est en charge à la direction du budget de l’ensemble des questions hospitalières : cadrage financier, préparation de la campagne tarifaire, régulation, construction de l’ONDAM, préparation du COPERMO, suivi des dossiers.

Je centrerai mon propos liminaire sur la première partie de la communication de la Cour des comptes, à savoir sur la parfaite corrélation qui existe entre l’investissement hospitalier et l’accroissement de la dette. Pour nous, la question de fond est avant tout celle de l’encadrement de l’investissement et de la maîtrise des charges des hôpitaux, dans le cadre d’un ONDAM toujours plus contraint.

En matière d’investissements, on peut distinguer trois périodes. La période 1992-2001, avec un investissement de l’ordre de 2,5 milliards d’euros par an. Entre 2002 et 2011, période durant laquelle l’investissement a explosé pour passer à 6 milliards par an en moyenne, et même à 7 milliards en 2009, encouragé par les plans hôpital 2007 et hôpital 2012. Enfin, à partir de 2011, avec une décélération très progressive et un investissement ramené à moins de 5 milliards en 2013, l’objectif étant de s’acheminer vers 4,5 milliards d’euros par an.

Quant à l’endettement, il est passé de 9 milliards en 2002 à 30 milliards d’euros en 2013, rythme de croissance deux fois plus rapide que celui des collectivités locales. Or les comptes des établissements montrent très nettement que le triplement de l’endettement ne s’est en rien appuyé sur une augmentation de la capacité d’autofinancement. D’où une symétrie parfaite entre la courbe de l’endettement net et celle de l’investissement annuel.

La question a été posée de la nécessité de cet investissement. On sait que les besoins étaient extrêmement importants au regard de la vétusté de certains établissements, des mises aux normes nécessaires en matière de sécurité et d’incendie, mais aussi de la concurrence entre établissements liée à la T2A (tarification à l’activité). Pour autant, l’investissement a été concentré sur l’immobilier, l’accroissement des surfaces et des capacités hospitalières. Ainsi, l’investissement immobilier lourd est le principal contributeur à la croissance des investissements, puisqu’il est passé de 1,4 milliard en 2002 à 4,2 milliards d’euros en 2009, soit là encore un triplement.

Pour les CHU, qui représentent un quart du patrimoine immobilier hospitalier, la part du bâti neuf ou réhabilité a augmenté de 70 % et les surfaces globales de 30 % durant la même période, alors que le nombre de mètres carrés obsolètes ou vétustes, lui, n’a pas toujours diminué. Ainsi, les opérations ont été réalisées sans réel effort de densification et dans le sens d’une extension globale des surfaces.

En outre, la capacité hospitalière a augmenté de 5 % entre 2010 et 2011, alors que l’activité était stable, voire en léger recul, que la durée moyenne de séjour a baissé et que le recours à la chirurgie ambulatoire a progressé. Des exemples de projets surdimensionnés ou mal adaptés à cette évolution des pratiques médicales sont mentionnés dans le rapport de la Cour des comptes sur le plan hôpital 2007.

Au total, les taux d’occupation des structures hospitalières restent relativement faibles, à environ 75 % en MCO (médecine, chirurgie, obstétrique), et 10 000 à 11 000 lits ont un taux d’occupation de moins de 50 %.

En définitive, cet investissement, présenté comme nécessaire, voire indispensable, s’est appuyé sur l’encouragement à l’emprunt, conduisant parfois à une sélection trop rapide des projets, ainsi que sur des sous-jacents médico-économiques parfois trop ambitieux.

Les leçons tirées de cette situation ont conduit à la création du COPERMO, accompagnée de la mise en place d’une doctrine d’investissement qui présente plusieurs caractéristiques.

La première est l’abandon d’une logique de plan d’investissement au profit d’un processus annuel de sélection. La procédure de sélection du plan hôpital 2007 avait en effet provoqué une inflation des projets, alors même que les financements publics étaient stables.

La deuxième caractéristique est la sélection plus rigoureuse des projets, qui s’appuie sur les priorités définies par les ARS dans le cadre des schémas régionaux d’investissement en santé (SRIS). Cette procédure intègre une phase d’examen de l’éligibilité qui permet d’engager un dialogue avec l’ARS et l’établissement sur les sous-jacents financiers, les ratios d’indépendance financière notamment.

La troisième caractéristique est la mise en place d’une doctrine en matière d’accompagnement financier. Le taux d’accompagnement, entre 10 % et 50 %, est corrélé au poids de l’endettement des établissements.

Quatrièmement, l’effort budgétaire est très largement réorienté vers les aides en capital, et non vers les aides à la contractualisation ou à l’exploitation. On se rappelle que le plan hôpital 2007 prévoyait, sur 6 milliards d’aides publiques, 5 milliards d’aides à l’investissement qui étaient en réalité autant d’encouragements à l’emprunt.

En outre, le lien est maintenant systématiquement fait entre la performance de l’établissement et les projets d’investissement. Le COPERMO comporte un volet performance, pour les établissements en situation financière très dégradée, et un volet investissement, pour les hôpitaux qui portent des projets d’investissement. Dans les deux cas, nous veillons à la fixation d’un taux de marge brute de 8 % – certes, contesté par des hôpitaux, mais préconisé par la Cour des comptes et par l’IGF. Il ne s’agit pas d’une référence absolue, mais nous la mettons systématiquement en avant car elle peut être adaptée et être appréciée sur plusieurs années. En tout cas, quelques règles transversales simples peuvent constituer une boussole utile aux établissements pour les conduire vers l’efficience. Nous ne sommes pas allés aussi loin que l’IGF (Inspection générale des finances) ou l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales), qui proposaient d’en faire une condition juridique d’accès à l’emprunt.

Une attention particulière est également apportée, dans les plans de redressement, comme dans les projets d’investissement, à la crédibilité des hypothèses d’activité. Ce point fait l’objet d’une contre-expertise par les administrations, ou par le CGI (commissariat général à l’investissement) avec une contre-expertise indépendante. Nous nous référons à des indicateurs simples, notamment les indicateurs démographiques de l’INSEE, afin de limiter les perspectives, parfois trop optimistes, de certains établissements.

Le dernier point d’attention porte sur la restructuration hospitalière. Pour quasiment tous les projets d’investissement que nous choisissons de financer, un effort d’efficience est demandé en termes de réductions du nombre de lits, de densification des surfaces, de coopérations entre établissements d’un même territoire, voire de mutualisations. Dans tous les cas, un effort est attendu sur la maîtrise des charges, ce qui est généralement nécessaire pour atteindre le taux de marge brute de 8 %, actuellement en moyenne plutôt de 5 %.

Au-delà du COPERMO, il convient de rappeler la mise en place du mécanisme d’encadrement du recours à l’emprunt par le décret du 14 décembre 2011 à cet effet. Ce sujet a été porté en son temps par le ministère du Budget, puisque la disposition a été inscrite dans la loi de programmation des finances publiques – par référence à la règle d’interdiction d’endettement des ODAC (organismes divers d’administration centrale) à plus de douze mois. Nous avons cherché à étendre cette règle aux hôpitaux, mais elle reste beaucoup plus souple puisqu’il ne s’agit pas d’une interdiction générale.

Ces orientations, conjuguées à la décision d’abandonner la deuxième tranche du plan hôpital 2012, ont conduit à une légère amélioration des indicateurs financiers. En effet, entre 2009 et 2013, les investissements sont revenus à un niveau plus raisonnable, passant de 6,7 milliards à 4,9 milliards ; les emprunts nouveaux sont passés de 5 milliards à 3 milliards ; et l’endettement net n’a progressé que de 0,9 milliard d’euros, puisqu’il n’est passé que de 28 à 29 milliards d’euros en 2013. La phase de désendettement n’est pas encore amorcée, mais elle le sera sans doute vers 2016-2017 si les perspectives fixées par le gouvernement sont respectées.

Ainsi, la première réponse au problème d’endettement des hôpitaux consiste à encadrer les nouveaux projets d’investissement.

Le deuxième chantier primordial à nos yeux est la maîtrise des charges des hôpitaux dans le cadre de l’ONDAM, qui doit contribuer à hauteur de 20 % à l’effort d’économies de 50 milliards sur l’ensemble du champ des administrations publiques. C’est notre point d’attention majeur car, dans le cadre d’un ONDAM dont la croissance sera en moyenne de 2 %, l’effort d’économies demandé à l’hôpital sera sensiblement plus élevé à l’avenir, du fait notamment de la contrainte pesant sur les soins de ville et de la moindre mise à contribution de l’hôpital au cours des années précédentes.

Cela suppose d’agir sur plusieurs leviers que sont le développement de la chirurgie ambulatoire, la baisse de la durée moyenne de séjour, la poursuite des économies sur les achats dans le cadre du programme PHARE (performance hospitalière par des achats responsables), la mutualisation dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Ces réformes ne pourront pas passer par un simple ajustement des tarifs : elles devront se traduire par une diminution des charges des hôpitaux, donc des réductions capacitaires, et par une maîtrise accrue des charges de personnel. Sans ces mesures, la réduction de l’ONDAM risquerait de se traduire uniquement par des baisses de tarif et un déficit accru du secteur hospitalier, la situation financière des hôpitaux n’étant pas votée en PLFSS.

Tels sont les aspects structurels auxquels la direction du budget porte une grande attention.

Les pouvoirs publics ont pris la mesure des graves difficultés financières liées à la crise financière de 2008 et à la crise de liquidité de 2011-2012, en autorisant une offre de crédits dédiés de la Banque postale refinancés par la SFIL, ainsi que le déblocage des enveloppes sur fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations, qui a permis en 2012 un financement de l’hôpital à hauteur de 40 % par la sphère publique.

S’y ajoutent les aides en trésorerie de l’État, de 400 millions d’euros en crédits AC (aides à la contractualisation) en 2012 et 300 millions en 2013. Ce soutien, particulièrement ciblé sur des établissements en très grande difficulté, notamment en outre-mer, constitue l’une des réponses immédiates que les pouvoirs publics ont apportées au problème d’accès au financement et au crédit.

Il faut également noter l’anticipation du versement de la T2A en 2012, ainsi que la mise en place récente du fonds de désensibilisation pour les emprunts structurés.

Pour conclure, le traitement de situations parfois très difficiles en matière de trésorerie a conduit à des réponses ponctuelles et adaptées. Pour autant, l’enjeu me semble être, non pas la multiplication des instruments de financement alternatif, mais bien l’efficience et la maîtrise des charges des établissements publics de santé.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Que retirez-vous des recommandations de la Cour des comptes ?

Ne pensez-vous pas que les hôpitaux ont bénéficié d’un traitement beaucoup moins favorable que les collectivités en matière d’emprunts structurés ?

M. Gautier Bailly. Nous partageons la plupart des constats de la Cour des comptes, dont certaines des recommandations ont connu une traduction concrète. L’encadrement du recours à l’emprunt est ancien. Je viens de parler de l’encadrement du recours à l’investissement dans le cadre du COPERMO. S’agissant de la stratégie de suivi des établissements en difficulté financière avec la fixation de critère objectifs, le taux de marge brute de 8 % préconisé par la Cour a été repris par les administrations. La Cour des comptes et l’Inspection générale des finances débattent actuellement de la nécessité d’inclure ou non dans ce taux les aides, sachant que l’investissement n’est pas directement intégré dans les tarifs. Nous plaidons pour un taux de marge brute hors aides, mais rien n’empêche de le moduler en fonction de la situation de chaque établissement.

Par ailleurs, la Cour des comptes avait préconisé l’accès des hôpitaux au fonds de désensibilisation des collectivités locales. Le choix fait a été différent, avec la distinction des deux instruments, sans doute en raison de la nature des financements – il n’y a pas de raison que l’État supporte un transfert de charges de la part de la sphère sociale.

Le recours aux crédits de trésorerie est également un thème mis en avant par la Cour des comptes, l’Inspection générale des finances ayant recommandé une interdiction pure et simple de l’accès aux lignes de trésorerie. Je ne suis pas persuadé qu’il faille aller aussi loin et vite, d’autant que l’Inspection des finances elle-même avait évoqué comme contrepartie la mise en place de plans de trésorerie structurés dans un délai évalué à trois ans dans son rapport, mais qui se révélera sans doute un peu plus long. Ainsi, il sera difficile à très court terme de mettre en place une telle interdiction.

L’émission de billets de trésorerie est un sujet sur lequel la direction du Budget a été amenée à travailler récemment avec les administrations sociales. Le législateur a souhaité diversifier les sources de financement dans le cadre de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires de 2013. Le décret est en cours de préparation. L’évaluation préalable a montré que ce type de financement peut présenter des avantages : un gain de 200 points de base par rapport aux lignes de trésorerie ou aux autres crédits de court terme accordés par les banques, une certaine flexibilité dans le choix des échéances (entre un jour et un an), une flexibilité du montant. Comme pour les émissions obligataires, ce type d’outil présente néanmoins de nombreuses contraintes : un montant minimum de 150 000 euros, la nécessité d’établir une documentation financière précise sur l’activité de l’établissement, sa situation économique et financière et son programme d’émission, l’obligation de recourir à une notation par une agence agréée.

Ce mécanisme ciblé a été évoqué par l’Inspection des finances pour les trois plus grands CHRU. La direction du Budget, dans le cadre des arbitrages en cours, plaide pour une limitation de l’émission des billets de trésorerie aux établissements ayant une surface financière suffisante, un compte de résultat principal à l’équilibre et une capacité d’autofinancement satisfaisante. Nous souhaitons ajouter le critère selon lequel la dette n’est pas constituée d’emprunts structurés, ce qui me paraît une évidence... En définitive, ce genre de produit ne peut concerner qu’un nombre très limité de très grands CHU.

M. le coprésident Pierre Morange. À ces critères de bon sens, en ajouteriez-vous d’autres en matière de masse salariale, de mètres carrés, de bonnes pratiques préconisées par l’ANAP, etc. ?

M. Gautier Bailly. Il est très tentant d’ajouter des critères ! La maîtrise de la masse salariale, la perspective à cinq ans, etc., sont cependant des critères structurels : ils trouveraient à s’appliquer davantage dans le cadre d’emprunts de long terme que dans le cadre d’émissions de billets de trésorerie qui répondent plutôt à une logique de cycle d’exploitation.

En tout état de cause, nous veillons à préserver le principe de l’autonomie de gestion et de responsabilité des établissements. C’est une des raisons pour lesquelles nous sommes défavorables aux mécanismes de mutualisation de trésorerie ou de recours à des prêteurs en dernier ressort. L’Inspection des finances a clairement mis en lumière les risques liés à un crédit trop facile et à la déresponsabilisation des établissements dans l’accès à une ressource moins chère.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Il est demandé aux directeurs financiers des hôpitaux de faire des choix judicieux, mais je m’interroge sur le rôle des banques qui leur ont conseillé des emprunts structurés en vue d’une « gestion dynamique de la dette ». À cet égard, la mutualisation des compétences n’est-elle pas une piste intéressante ?

Nous savons aussi que les hôpitaux recourent à l’intérim. En définitive, les choses ne sont pas si simples.

M. Gautier Bailly. Je ne me prononcerai pas sur la responsabilité en ce qui concerne les emprunts structurés : il est clair qu’elle est partagée entre les directeurs d’établissement, la tutelle – les ex ARH – et le secteur bancaire. Une leçon a été tirée, le marché du prêt structuré ne devrait pas rebondir avant quelques années. Le fonds de désensibilisation mis en place doit permettre d’en sortir.

Il est certain que les plus petits établissements ont été davantage confrontés à une asymétrie d’information que les plus grands en matière d’offres commerciales bancaires. Nous sommes favorables à la mutualisation des fonctions supports entre les hôpitaux. Les groupements hospitaliers de territoire (GHT), portés par la loi santé, pourraient constituer le cadre d’exercice de compétences financières, mais le projet de loi en préparation ne prévoit pas qu’il s’agit d’une compétence obligatoire des GHT. Les compétences obligatoires des GHT sont le système d’information, le département d’information médicale, la politique d’achat, la formation paramédicale. Cela étant dit, si l’on arrive à créer cette dynamique de coopération, l’expertise financière gagnerait à être mutualisée.

Le calibrage du fonds de désensibilisation est une question essentielle du fait de l’évolution de la devise suisse. Le secrétaire d’État chargé du budget, M. Christian Eckert, a récemment apporté des réponses en séance publique au Parlement, en expliquant que le point principal est le recensement précis des encours, extraordinairement complexe, et le volume des annuités de remboursement anticipé, non arrêté à ce jour.

La stratégie a été clairement affichée par le gouvernement. Il s’agit d’aider prioritairement les plus petits établissements, ceux qui sont asphyxiés par des taux d’intérêt de 20 % ou 25 % et pour lesquels l’IRA (indemnité de remboursement anticipé) dépasse très largement les capacités d’autofinancement. L’objectif n’est donc pas de se substituer à tous les établissements qui ont souscrit des emprunts structurés toxiques – les 100 millions d’euros n’y suffiraient pas.

Un deuxième volet de la stratégie de désensibilisation doit être la renégociation des emprunts, assise sur la très forte baisse des taux permise par le marché. J’y vois la solution principale pour les établissements de taille moyenne ou importante qui ont des emprunts toxiques dans leur bilan.

M. le coprésident Pierre Morange. Lors d’auditions précédentes, nous avons évoqué la valorisation foncière du patrimoine public et privé des hôpitaux publics ; certains représentants des établissements nous ont dit connaître parfaitement leur patrimoine, d’autres en avoir une connaissance imparfaite. Au total, il en est ressorti que cette valorisation foncière n’était pas évaluée. Pensez-vous que le logiciel OPHELIE et la date butoir de 2016 contribueront à une connaissance complète de cette valorisation foncière ?

M. Gautier Bailly. Nous sommes moins bien placés que nos collègues de France Domaine pour répondre à cette question. Je crois que les directeurs d’hôpitaux que vous avez auditionnés ont mis en avant les raisons pour lesquelles ce patrimoine est mal connu, ce qui est effectivement un problème.

D’abord, il est difficile de l’évaluer, notamment dans le cadre du patrimoine historique. Surtout, ce n’est pas un exercice obligé, ni dans le cadre de la construction budgétaire ni dans le cadre du recours à l’emprunt, dès lors que ce patrimoine affecté est d’une nature assez particulière et que ce n’est pas le critère…

M. le coprésident Pierre Morange. Ce sujet n’est nullement polémique : il a été évoqué par la MECSS sous la mandature précédente. Lors d’une audition, un directeur d’établissement a même récemment évoqué la nécessité de mener une mission de « spéléologie foncière » !

M. Gautier Bailly. Le logiciel OPHELIE, en cours d’élaboration, constitue une avancée significative. Néanmoins, il présentera des fragilités car il reposera toujours sur des bases déclaratives – je ne suis pas sûr que l’on puisse faire autrement. En outre, son déploiement prendra du temps : je ne suis donc pas certain que nous aurons en 2016 une image fidèle de l’ensemble des sites, notamment des sites très spécifiques, grevés d’obligations ou légués à des fins d’exploitation strictement médicale. Et, je le redis, cette donnée n’est pas une obligation et ne le sera pas non plus dans le cadre de la certification des comptes. Aussi la valorisation financière prendra-t-elle du temps.

D’autres initiatives présentent un intérêt, notamment la mise à disposition par l’ANAP du logiciel d’aide à la gestion ELLIPSE, qui vise à diffuser de nouveaux standards aux hôpitaux en matière de dimensionnement capacitaire. OPHELIE s’appuie sur une logique de recensement du stock, ELLIPSE plutôt sur les flux sur la base des projets d’investissement et sur la démarche des établissements.

M. le coprésident Pierre Morange. L’amélioration de la logique du flux et l’application des prescriptions de l’ANAP permettraient de rationaliser le stock et, ainsi, de libérer des espaces dont la valorisation contribuerait au rééquilibrage budgétaire.

M. Gautier Bailly. Cela contribuerait également au désendettement. Car outre le défaut de connaissance, la valorisation foncière actuelle est relativement faible. Nous examinons ce sujet dans le cadre du COPERMO, dans une logique de flux, dossier par dossier, projet par projet. Ainsi, nous ne traitons pas l’ensemble du patrimoine, mais étudions la possibilité de valoriser même un petit bloc, un bout de terrain, pour contribuer à l’équilibre financier du projet.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Pouvez-vous nous décrire la procédure suivie par le COPERMO ? Quel premier bilan peut-on tirer de cette nouvelle instruction des dossiers d’investissement ? Est-il envisagé de rendre publics les enseignements qui se dégagent de ces premiers dossiers en termes d’amélioration du financement des investissements ?

Les dossiers d’investissement qui passent devant le COPERMO sont d’une certaine ampleur. Pour les investissements moins importants, je suppose que c’est l’ARS qui prend la décision ?

M. Gautier Bailly. Les projets qui passent en COPERMO sont ceux dont le montant est supérieur à 50 millions d’euros. Il s’agit soit de projets de restructuration lourde ou de modernisation, soit de dossiers de remise aux normes (désamiantage, risque sismique, « vétusté profonde »). Les autres continuent d’être instruits par l’ARS, choix qui a été fait dès l’origine. Une quarantaine de dossiers passeront en COPERMO pour l’investissement.

M. le coprésident Pierre Morange. Qu’entendez-vous par « vétusté profonde » ?

M. Gautier Bailly. J’atteins les limites de ma compétence, mais je pense à des images présentées en COPERMO qui montrent des états de délabrement très avancés, souvent faute d’investissements courants.

M. le coprésident Pierre Morange. S’agissant de la rénovation des bâtiments amiantés, la situation est impossible car il faut vider ces bâtiments. On risque de se retrouver face à de véritables « Jussieu sanitaires » !

M. Gautier Bailly. Le COPERMO, dans une première étape, est centré sur ce type d’opération. L’hôpital de Caen, concerné par cette problématique, a été immédiatement intégré comme établissement prioritaire.

Le COPERMO sélectionne les projets au regard, d’abord, du caractère d’urgence (mises aux normes, désamiantage, risque sismique), et, ensuite, de l’inscription dans le cadre d’un SRIS. Au vu de l’enveloppe contrainte allouée au plan de financement de l’investissement, les premières instructions portaient toutes sur de gros établissements dans l’incapacité de faire face à un investissement non rentable, ce qui est le cas pour les bâtiments amiantés où l’activité devra être stoppée progressivement, ce qui engendrera des pertes importantes de recettes.

Les dossiers dont le montant est supérieur à 50 millions d’euros examinés par le COPERMO sont en phase de préprogramme – il ne s’agit pas de projets déjà lancés pour lesquels un effet d’aubaine pourrait être recherché en termes de financements publics.

La procédure se décline en plusieurs étapes. D’abord, une phase d’éligibilité, au cours de laquelle nous regardons si les critères standards – dimensionnement du projet, inscription dans un schéma territorial d’offre de soins pertinent, soutenabilité financière – sont respectés. Si les premiers éléments apportés ne satisfont pas à ces critères, nous déclarons le dossier non éligible, nous l’avons fait à plusieurs reprises, ou bien nous reportons la décision d’éligibilité en demandant à l’hôpital de revoir sa copie sur la base de recommandations précises.

Deuxième étape : pour les projets les plus importants – à partir de 100 millions d’euros – une contre-expertise indépendante du Commissariat général à l’investissement (CGI) est prévue.

M. le coprésident Pierre Morange. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette expertise indépendante ?

M. Gautier Bailly. Le recours au CGI vise précisément à garantir l’indépendance par la procédure qu’il met en place : c’est lui qui définit sa procédure. En pratique, après avoir constaté que l’investissement est supérieur à 100 millions d’euros, nous transférons le dossier au CGI qui organise la contre-expertise indépendante. Sans connaître leurs noms, nous nous doutons que les experts sont probablement issus de l’ANAP et de l’IGAS.

M. le coprésident Pierre Morange. Ce sont donc des experts publics, et non des sociétés prestataires ?

M. Gautier Bailly. J’ignore si le CGI recourt à des prestataires privés.

Lors de l’étape de l’éligibilité, nous ne discutons pas avec l’établissement du montant des aides qui vont lui être accordées, nous étudions seulement le fond du dossier, sa qualité intrinsèque, sa logique médico-économique, sa rentabilité. La contre-expertise est soit une contre-expertise indépendante par le CGI, soit, pour les projets dont le montant est inférieur au seuil, une contre-expertise administrative réalisée par le groupe technique du COPERMO. Cette seconde expertise est plus classique, mais elle n’en est pas moins utile puisqu’elle permet de nouer la discussion, notamment autour de l’atteinte des objectifs standards appuyés par l’ANAP.

Dernière étape : la décision finale est prise par le COPERMO. Les décisions les plus importantes sont validées au niveau ministériel, voire – mais j’ignore s’il y a eu des cas – soumises à l’arbitrage du Premier ministre.

Sans doute cette procédure souffre-t-elle de défauts liés à sa jeunesse. Elle constitue néanmoins une vraie rupture. Les établissements se plaignent souvent qu’elle retarde les projets, ce qui est probablement vrai, mais c’est que nous nous laissons le temps d’instruire au fond les dossiers. En deux ans, 29 projets ont ainsi été validés. Ce nombre n’est certes pas très élevé, mais ces projets sont particulièrement structurants pour l’organisation de l’offre de soins, en représentant plus de 3,3 milliards d’euros et 1,2 milliard d’aides. Nous sommes donc clairement dans une logique de concentration de l’effort de la tutelle sur les projets prioritaires.

Cette procédure offre à la direction du Budget une visibilité bien plus importante que celle permise par les plans hôpital 2007 et hôpital 2012 lorsque nous ne faisions que constater, année après année, le montant des investissements. Ainsi, la concertation interministérielle, le recours à l’expertise indépendante le cas échéant, et le temps laissé à l’instruction, constituent un gage de sécurité dans la mesure où les projets peu cohérents ou non pertinents ne seront pas financés par l’argent public.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Quel constat dressez-vous de la dette à court terme ? Quelles actions sont envisagées par l’État pour aider les établissements à y faire face ?

M. Gautier Bailly. La dette sociale, qui s’élève à 3 milliards d’euros, est un des combats de la Direction de la sécurité sociale (DSS). Elle est liée à des difficultés de liquidité, puisqu’il s’agit de retards de paiement et non d’impayés. Cette situation, certes moins médiatisée que celle des emprunts structurés, ne peut perdurer car il est invraisemblable que l’hôpital public ne paie pas ses cotisations sociales dont le produit contribue à la financer.

Cette dette est devenue un des critères mis en avant dans le cadre des plans d’accompagnement et des programmes de performance pour éviter que des établissements en difficulté n’utilisent cette facilité au détriment du renforcement de l’efficience. Elle est un point d’attention très important, principalement porté par la DSS.

La communication de la Cour des comptes met en lumière une extrême hétérogénéité des situations. En effet, on observe une augmentation des dépôts sur le compte du Trésor, qui ne traduit évidemment pas une difficulté d’accès aux ressources de trésorerie. Ce gonflement résulte notamment de la constitution de réserves de précaution par certains établissements, qui ont accès au crédit moyen terme avec des lignes de trésorerie associées, afin de se prémunir contre d’autres crises de liquidité.

Sur le très court terme, la contrainte a été globalement assouplie par rapport à 2011-2012. Aujourd’hui, même si elles sont soumises à des contraintes de liquidité et de ratios prudentiels plus importantes, les banques abaissent les plafonds des lignes de trésorerie, mais les établissements les utilisent moins également. J’ai donc le sentiment qu’il n’y a pas de crise de liquidité sur le court terme et que l’on a passé le cap des années noires, grâce à une intervention publique très importante.

Je rappelle que les aides en trésorerie accordées par la voie budgétaire, c’est-à-dire via les missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation (MIGAC), représentent encore des sommes extrêmement importantes. Or ces aides aux MIGAC n’ont pas vocation à constituer la trésorerie des établissements. Aussi souhaitons-nous, dans le cadre de la construction des futurs ONDAM, limiter progressivement le montant de ces aides en trésorerie.

M. le coprésident Pierre Morange. Pouvez-vous nous donner le cas type d’un dossier crédible ?

M. Gautier Bailly. Un cas type est un établissement dont le taux d’endettement s’établit à 50 %. Dans ce cas, le rapport entre les aides en capital du FMESPP (fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés) et les aides à la contractualisation pourra aller de 80 %/20 % à 50 %/50 %.

Le critère est le taux d’endettement : c’est lui qui va déterminer la part apportée en aide en capital. Avec un taux d’endettement supérieur à 60 %, au moins 80 % d’aides en capital seront apportées. Si l’établissement est très peu endetté, le recours aux aides à la contractualisation peut s’avérer pertinent.

En résumé, je dirais deux tiers d’aides en capital et un tiers d’aides à l’investissement pour la partie qui sera financée par l’État, à laquelle peuvent s’ajouter des aides de l’ARS puisque, depuis 2013, la marge régionale est intégrée au FIR (fonds d’intervention régional) pour 1 milliard d’euros en aides à la contractualisation (AC). D’ailleurs, lorsqu’une ARS soutient un dossier, nous lui demandons aussi de consentir un effort financier.

M. le coprésident Pierre Morange. Quelle serait la répartition totale ?

M. Gautier Bailly. Il n’y a pas de participation publique au-delà de 50 %, sauf cas exceptionnels, comme la présence d’amiante, pour lesquels l’investissement est impératif et financièrement insupportable pour les établissements. Dans la très grande majorité des cas, je pense que nous sommes autour d’un tiers de financement public réparti en deux tiers d’aides en capital et un tiers d’aides à l’emprunt.

M. le coprésident Pierre Morange. Avec une répartition entre l’État et l’ARS ?

M. Gautier Bailly. Je ne peux vous répondre précisément sur la part des ARS, mais elle est à l’intérieur de ce tiers.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Merci. Nous vous enverrons éventuellement des questions supplémentaires écrites.

M. le coprésident Pierre Morange. Merci beaucoup de cette présentation.

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède ensuite à l’audition, ouverte à la presse, de M. Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), de Mme Carine Chevrier, directrice des affaires économiques et financières, de l’investissement et du patrimoine, et de M. Philippe Rouvrais, chef du service Financement et trésorerie à la direction économique, financière, de l’investissement et du patrimoine.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation, monsieur le directeur général. Vous avez été nommé à ce poste récemment, mais vous connaissez parfaitement le milieu hospitalier et le problème de la dette hospitalière. Au-delà de ce sujet technique, que nous appréhendons mieux désormais grâce à nos premières auditions, je suis avant tout préoccupée par la question – primordiale – de la place de l’hôpital public au sein de notre système de santé.

Nous souhaitons mieux connaître la situation de l’AP-HP et recueillir votre sentiment, notamment en ce qui concerne les perspectives pour l’avenir : comment réorganiser l’hôpital et comment sortir de l’endettement actuel, qu’il va nous falloir de toute façon assumer ? Les problèmes financiers pèsent très fortement sur certains établissements de santé, à tel point que l’on se pose parfois la question de leur fermeture.

M. Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Je commencerai par rappeler le contexte : si l’hôpital public est endetté, c’est parce qu’il est vital pour lui d’investir. S’il n’investissait pas, il serait condamné à disparaître.

Pour un groupe hospitalier de la taille de l’AP-HP, il est d’abord nécessaire d’investir pour améliorer le confort de patients et pour humaniser l’hôpital. N’oublions pas qu’il existe encore des chambres à trois ou quatre lits dans certains établissements, ce qui n’est ni conforme aux normes fixées par la Haute autorité de santé (HAS), ni respectueux de la dignité des patients.

Notre politique d’investissement vise aussi à tenir compte des nouvelles normes énergétiques et à combattre la vétusté, ce qui essentiel dans nos établissements historiques, qui datent, pour la plupart, du XIXe siècle et, pour un petit nombre d’entre eux, du XVIIIe.

Nous avons également besoin d’investir pour adapter notre réponse médicale, par exemple pour basculer vers la chirurgie ambulatoire ou pour prendre en compte les nouvelles technologies en matière de traitement du cancer. L’AP-HP est en retard par rapport à certains établissements privés en ce qui concerne le remplacement des appareils de radiothérapie, car nous sommes amenés à faire des arbitrages entre les investissements patrimoniaux et les investissements dans les équipements.

Il nous faut investir, enfin, pour acquérir le petit matériel médical, élément essentiel et coûteux, auquel nous consacrons plus de 100 millions d’euros par an. C’est indispensable tant du point de vue des patients que de celui des médecins : nous veillons à ce que ces derniers disposent d’un matériel qui ne soit pas moins avancé ni de moindre qualité que dans les établissements privés.

Pour toutes ces raisons, l’AP-HP est un gros investisseur : nos investissements sont supérieurs à 400 millions d’euros par an. Ils comprennent notamment quelques très grosses opérations, que nous avons programmées afin de rééquilibrer notre offre au profit du nord de Paris, lequel a plutôt fait figure de parent pauvre jusqu’à ce jour, alors que les besoins y sont très forts, que l’on se place du point de vue démographique, médical ou social. Nous disposons de l’excellence nécessaire pour répondre à ces besoins, mais pas des bâtiments adéquats.

Nous finançons nos investissements de trois manières principales : grâce à notre capacité d’autofinancement, grâce à des subventions et grâce à l’emprunt. Il est d’autant plus difficile de dégager une capacité d’autofinancement qu’il nous est demandé de réaliser un effort de productivité de 3 % par an, ce qui est considérable : peu d’acteurs économiques sont soumis à de telles exigences. Nous devons en effet couvrir nos charges avec des recettes de plus en plus contraintes, compte tenu de la diminution des tarifs.

Les subventions proviennent soit de l’État, soit des collectivités territoriales. L’AP-HP fait partie des établissements qui reçoivent relativement peu de subventions de la part des collectivités. Cette situation est en partie héritée de l’histoire : la région Île-de-France finance davantage la recherche que les établissements hospitaliers, et la ville de Paris les finance traditionnellement moins que d’autres métropoles. Nous avons accès aux subventions de droit commun versées par l’État, notamment à travers le mécanisme du comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers (COPERMO). Le COPERMO examine actuellement un dossier très important que nous lui avons soumis, qui concerne l’hôpital Lariboisière.

Le produit des cessions immobilières constitue un levier de financement important, mais nous ne pourrons pas y recourir de manière illimitée, car notre patrimoine n’est pas illimité. De plus, les acheteurs avec lesquelles nous sommes en discussion, la plupart du temps des collectivités territoriales, à commencer par la ville de Paris, ont leurs propres contraintes, qu’elles cherchent parfois à nous imposer, notamment lorsqu’elles souhaitent réaliser des opérations sociales au meilleur coût possible. Notre objectif est d’atteindre un volume de cessions immobilières d’environ 40 millions d’euros par an, afin de couvrir 10 % de nos investissements.

Notre dernier levier est l’emprunt. L’AP-HP y a recouru de manière régulière au cours des dernières années, avec une accélération depuis sept ou huit ans : notre dette est ainsi passée de 1 à 2,4 milliards d’euros.

Mme Carine Chevrier, directrice des affaires économiques et financières, de l’investissement et du patrimoine de l’AP-HP. La dette a atteint ce pic de 2,4 milliards en 2012. Au cours des deux dernières années, nous l’avons fait baisser et l’avons ramenée à 2,115 milliards.

M. Martin Hirsch. Notre taux d’endettement avoisine les 30 %. La période d’accroissement de la dette a correspondu à de grosses opérations tout à fait justifiées, entre autres la réalisation du nouvel hôpital Necker et de la nouvelle maternité de Port-Royal. Mais la conséquence de ces investissements est aussi que nous devons aujourd’hui maîtriser notre dette et que nos marges d’endettement supplémentaire sont désormais réduites.

Au cours de la période récente, nous avons davantage recouru à l’emprunt obligataire, de manière à équilibrer la structure de notre endettement. Aujourd’hui, notre dette est constituée, à grands traits, d’une moitié d’emprunts bancaires et d’une moitié d’emprunts obligataires. À ce titre, nous dépendons du jugement des agences de notation, notre note étant identique à celle de l’État depuis plusieurs années. Nous bénéficions actuellement de conditions d’accès au marché plutôt favorables. Nous exerçons une vigilance particulière : au sein de notre dette, nous détenons une faible quantité de produits structurés, dont très peu peuvent être considérés comme potentiellement toxiques. Nous n’avons donc pas eu besoin d’émarger aux différents dispositifs mis en place par l’État pour aider les établissements en situation difficile.

Nous accordons une grande attention à notre politique de gestion de la dette : quand nous le pouvons, nous saisissons les occasions de nous dégager de nos emprunts. Au cours des dernières années, nous nous sommes désendettés sans diminuer notre effort d’investissement, qui est vital, notamment pour combattre la vétusté. Compte tenu des contraintes qui pèsent sur chacun des leviers que j’ai évoqués, nous ne pouvons pas aller plus loin dans cet effort sans bénéficier de soutiens supplémentaires. À cet égard, je répète mon premier message : il est sain que l’hôpital public investisse, car, s’il ne le fait pas, il est voué à mourir.

Deuxième message : l’hôpital public a besoin de visibilité. Nous devons financer à la fois des investissements récurrents et de grosses opérations structurantes, lourdes à conduire. Nos recettes dépendent de notre activité et relèvent donc de notre responsabilité. Néanmoins, elles peuvent être écornées par des baisses de tarifs.

Certaines de ces baisses visent à nous pousser à la vertu. Ainsi, les pouvoirs publics ont fait le choix de développer la chirurgie ambulatoire et décidé d’une évolution des tarifs en conséquence, qui a été connue à l’avance. Nous nous inscrivons dans cette démarche de conversion de l’activité vers l’ambulatoire, et nous ne serons perdants que si nous ne sommes pas capables de tenir les engagements que nous avons pris en la matière.

Cependant, d’autres baisses de tarif sont décidées pour des raisons d’opportunité. Nous les subissons parfois de plein fouet, car nous y sommes particulièrement sensibles compte tenu de notre taille et de l’importance de nos missions sociales : plus que les autres établissements, nous recevons de nombreux patients précaires ou bénéficiant de l’aide médicale de l’État (AME). Lorsque ces missions sont moins bien prises en compte dans les tarifs, les effets induits se chiffrent en millions, voire en dizaines de millions d’euros, ce qui a un impact très fort sur notre capacité à agir et à investir.

Nos recettes proviennent à près de 30 % de subventions, notamment des dotations affectées au financement des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation (MIGAC) et des missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (MERRI). Rappelons que nos missions hospitalo-universitaires sont particulièrement importantes, l’AP-HP pesant 40 % de la recherche clinique en France. Une fluctuation des subventions peut avoir, elle aussi, un impact majeur sur nos activités.

Par exemple, il est question actuellement de réformer le financement du service d’aide médicale d’urgence (SAMU) dans le cadre des dotations affectées aux MIGAC, et l’application des schémas élaborés dans les ministères risque de déstabiliser totalement notre modèle économique. Il s’agirait désormais de compter le nombre d’« événements » qui nécessitent l’intervention du SAMU. Or l’activité que nous avons déployée la deuxième semaine de janvier a compté pour trois événements seulement, alors que nous avons mobilisé des forces considérables pendant cinq jours ! Comme nous ne pouvons pas renoncer à nos investissements, nous serons amenés à compenser par un recours à l’endettement le fait que nous ne sommes pas suffisamment appuyés dans nos missions de service public, c’est-à-dire à « faire de la mauvaise dette ».

De mon point de vue, dans mes fonctions actuelles – l’AP-HP représente, je le rappelle, 10 % de l’hôpital public en France –, la problématique de la dette doit être appréhendée de manière contractuelle. Le contrat que nous concluons avec les pouvoirs publics doit porter, en premier lieu, sur nos engagements. D’abord, celui de prendre en charge toutes les catégories de patients, notamment pour des actes que nous sommes les seuls à pouvoir réaliser. Cet engagement transcende tous les autres. Ensuite, celui de réaliser des efforts de productivité. Nous tenons cet engagement, même si cela passe par des discussions difficiles avec nos équipes médicales et paramédicales.

L’accompagnement de nos missions nationales doit se poursuivre et constituer le deuxième pilier du contrat. Or, au cours des dernières années, nous avons constaté un écart de plus de deux points entre l’évolution de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) voté par le Parlement et celle de l’enveloppe qui nous est attribuée au titre des MIGAC – celle-ci a même parfois diminué. Nous comprenons, bien sûr, les mécanismes de rebasage et de comparaison qui peuvent conduire à un tel décrochage, mais le développement de nos missions est rarement pris en compte. Je plaide donc pour que nous bénéficiions d’une visibilité en la matière : en face de notre engagement en termes d’efforts doit être affiché un engagement en termes d’accompagnement.

Le troisième pilier du contrat doit être l’accompagnement de nos investissements, qui est indispensable pour que nous puissions élaborer et mener à bien nos opérations. Pour peu que les dossiers que nous présentons soient corrects, l’État s’est engagé à financer à hauteur de 30 % les deux opérations majeures que nous projetons, l’une des deux étant la construction d’un grand hôpital au nord de Paris, que le Président de la République lui-même a soutenue. Nous devons donc trouver les 70 % restants, en répartissant l’effort entre les trois leviers de financement que j’ai évoqués précédemment.

Dans les années de très fortes contraintes mais aussi de très fortes transformations qui viennent, les pouvoirs publics doivent confirmer qu’ils ne se désengagent pas du secteur public hospitalier et donner une visibilité à ses responsables, en leur disant : « Vous faites des efforts, mais nous vous accompagnons dans l’exercice de vos missions nationales et nous reconnaissons que l’investissement est fondamental. » C’est là le facteur clé, notamment si nous voulons éviter un effet boule de neige que nous connaissons bien. Par exemple, lorsque les établissements privés font de la publicité en présentant les robots qu’ils achètent pour 3 millions d’euros, ainsi que vous avez pu le voir hier dans Le Parisien, ils attirent les praticiens hospitaliers. Nous risquons d’assister à un « débobinage » de l’hôpital public si nous ne faisons pas en sorte qu’il puisse continuer à investir dans des conditions soutenables.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Compte tenu de votre taille, quelles sont vos relations avec l’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France ? Celle-ci intervient-elle dans les autorisations d’emprunt ? Quelles compétences peut-elle vous apporter en matière financière ?

Mme Carine Chevrier. Le budget de l’AP-HP s’élève à 7 milliards d’euros, ce qui représente 4,5 fois le budget du deuxième centre hospitalier universitaire (CHU) de France. L’AP-HP est autonome pour la gestion tant de son endettement à long terme que de sa trésorerie à court terme. D’une part, l’AP-HP s’est structurée afin de disposer d’une équipe propre chargée de cette gestion. Celle-ci comprend deux experts, dont M. Rouvrais. D’autre part, les opérations courantes de l’APHP ne sont pas soumises à autorisation de l’ARS. En application du décret du 14 décembre 2011, l’ARS peut se substituer à un établissement de santé s’agissant de la décision de recourir à l’emprunt lorsque deux des trois ratios « à risque » – ratio d’indépendance financière, durée apparente de la dette et taux d’endettement – dépassent les seuils fixés par le décret (1). La situation financière de l’AP-HP est saine, et nous ne sommes pas dans ce cas de figure. Nous avons donc conservé, à ce stade, une pleine autonomie dans la gestion de notre dette.

Néanmoins, nous présentons chaque année à l’ARS notre état des prévisions de recettes et de dépenses (EPRD), c’est-à-dire notre budget annuel, ainsi que notre plan global de financement pluriannuel (PGFP). Dans ce cadre de cet examen, nous faisons part de nos grands équilibres en termes d’investissement, de subventions demandées, d’endettement, de capacité d’autofinancement et de produit des cessions immobilières. Ces engagements font l’objet d’une contractualisation à cinq ans avec l’ARS. De plus, l’ARS approuve le PGFP de l’AP-HP après avis du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la santé. La procédure budgétaire est donc encadrée.

Par ailleurs, nous avons souhaité compléter cet encadrement en adaptant notre gouvernance interne : toute décision concernant la dette à long terme – par exemple, le remboursement anticipé d’une partie de la dette ou encore le passage à un taux variable ou à un taux fixe pour l’un de nos emprunts – fait systématiquement l’objet d’une note adressée par le service « financement et trésorerie » à la directrice des affaires économiques et financières et au directeur général, qui est ensuite soumise au directoire de l’AP-HP. En outre, nous faisons un point d’information annuel au conseil de surveillance de l’AP-HP sur l’état de la dette au 31 décembre de l’année, notamment sur sa structure et sur la nature des emprunts contractés. Ces procédures ne sont pas prévues par les textes, mais nous avons souhaité les mettre en place pour garantir la transparence des décisions importantes que nous prenons en matière de gestion active de notre dette. Le directeur général a pleinement souscrit à cette démarche.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. L’AP-HP a un programme d’investissement pour l’ensemble de ses hôpitaux. Rencontrez-vous des difficultés en matière d’autorisation des travaux ? Êtes-vous bridés dans vos investissements ? Ou bien tout se passe-t-il sans problème particulier ?

M. Martin Hirsch. L’investissement hospitalier est toujours compliqué, particulièrement en Île-de-France et à Paris, notamment pour ce qui est des questions relatives au foncier et à l’organisation des travaux. Il est toujours difficile de ménager des transitions, dans la mesure où l’activité de nos hôpitaux ne s’arrête jamais. À cet égard, nous rencontrons les mêmes problèmes que partout ailleurs, mais à plus grande échelle.

Nous n’avons pas encore de recul sur la procédure d’autorisation suivie par le COPERMO, qui est compétent pour les investissements supérieurs à 50 millions d’euros. Le COPERMO examine actuellement le premier dossier que nous lui avons soumis. Il a déjà validé un dossier présenté par l’ARS d’Île-de-France, qui concerne Melun-Sénart, mais qui n’est pas de la même ampleur. Dans le cadre de la négociation, nous essayons de faire prendre conscience que nous avons besoin de réponses rapides, la réalisation des opérations en question s’étalant sur de nombreuses années.

Mme Carine Chevrier. La première question qui se pose est celle de notre capacité d’investissement, qui dépend des différentes sources de financement mobilisables, au premier chef de la capacité d’autofinancement que nous dégageons en interne.

Dans le cadre du PGFP pour les années 2014 à 2019, nous avons essayé de distinguer, d’une part, les investissements courants et, d’autre part, les investissements transformatifs ou qui visent à accompagner les restructurations – vous avez eu, je crois, des débats sur ce point. Pendant les cinq prochaines années, sur notre enveloppe annuelle de 400 millions d’euros d’investissements, 275 millions en moyenne seront consacrés aux investissements courants, c’est-à-dire, entre autres, à la résorption de la vétusté, à la mise aux normes, au renouvellement des équipements médicaux courants et à la modernisation du système d’information. Cette somme représente 3,5 à 4 % de nos produits d’exploitation et correspond au montant de notre capacité d’autofinancement. Dans notre vision, le contrat est clair : l’investissement courant doit être couvert par notre capacité d’autofinancement. Le reste de l’enveloppe, soit 125 millions d’euros par an, ira aux investissements de transformation, notamment à la création d’unités de chirurgie ambulatoire et à la construction de grands bâtiments dans le nord de Paris. Il nous paraît légitime de financer ces investissements grâce à l’emprunt, grâce aux subventions issues du budget de la sécurité sociale et grâce au produit de nos cessions immobilières – ce dernier levier devant permettre de financer 10 % de nos investissements totaux.

Cet équilibre est compliqué à trouver. Aujourd’hui, la structure des taux et l’existence de liquidités sur le marché rendent l’endettement à long terme relativement facile. De plus, nous sommes actuellement le seul émetteur obligataire sur le marché. Notre dette – qui s’élève, je le rappelle, à 2,115 milliards d’euros – est constituée à 58 % de dette obligataire et à 41 % d’emprunts bancaires. Au cours des dernières années, nous avons inversé ces proportions. Nos emprunts sont à 68 % en taux fixe et à 31 % en taux variable. Au début du mois de décembre 2014, nous avons procédé à une émission obligataire de 70 millions d’euros sur la place de Paris. Il s’agit de la dernière en date. Les titres ont été négociés avec une marge de 36 centimes par rapport à l’Euribor 3 mois, c’est-à-dire 15 centimes au-dessus de l’obligation assimilable du Trésor (OAT).

M. le coprésident Pierre Morange. Le taux variable de l’obligation est-il « capé » ?

M. Philippe Rouvrais, chef du service « financement et trésorerie » de l’AP-HP. Non, mais il est indexé sur l’Euribor, qui est un indice parfaitement connu.

Mme Carine Chevrier. Il est de 0,46 % sur huit ans avec une partie variable indexée sur l’Euribor 3 mois. Nous avons hésité avant de choisir un taux variable, mais nous avons la possibilité de passer à un taux fixe, ce que nous envisageons de faire dans le courant de cette année.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous vous êtes fixé un objectif de 40 millions d’euros de cessions immobilières par an. Pendant combien de temps pensez-vous pouvoir tenir ce rythme ? D’autre part, l’AP-HP a-t-elle une connaissance exhaustive de son patrimoine, tant privé que public ? Au cours de nos auditions, certains directeurs d’établissement nous ont avoué avoir une connaissance incertaine de leur patrimoine. D’aucuns ont même parlé de « spéléologie foncière »…

Mme Carine Chevrier. Nous avons identifié un volume de cessions de 40 à 50 millions d’euros par an pour les sept ou huit prochaines années au moins. Nos prévisions vont donc déjà au-delà de notre plan stratégique. Les dossiers se préparent longtemps à l’avance, dans le cadre de schémas directeurs, car il faut libérer certains espaces, en concentrer d’autres, etc.

Nous avons une connaissance exhaustive de notre patrimoine, tant du domaine public que du domaine privé. Les actes de propriété sont inventoriés. En revanche, il est compliqué de valoriser cet actif. Nous sommes engagés dans une démarche de certification des comptes pour 2016. Bien évidemment, nous nous y préparons d’ores et déjà. À l’occasion de la mise en place du progiciel de gestion intégré SAP en 2010 et 2011, l’AP-HP a bénéficié d’un état des lieux préalable : l’ensemble de son actif a fait l’objet de fiches. Aujourd’hui, le bilan de l’AP-HP recense et valorise tous les éléments de l’actif, mais à des valeurs historiques, qui présentent donc un écart par rapport à la valeur vénale ou à la valeur de marché. Aussi, lorsque nous vendons une propriété que nous détenons depuis plus de cent vingt ans, nous réalisons généralement une plus-value importante au moment de l’opération. L’actif net de l’AP-HP est évalué, en valeurs historiques, à 3,4 milliards d’euros, dont 2,6 milliards pour les bâtiments et 140 millions pour les terrains.

M. le coprésident Pierre Morange. Ces estimations concernent-elles à la fois le domaine public et le domaine privé ? Quelle est la ventilation entre les deux domaines ?

Mme Carine Chevrier. Ces chiffres concernent bien les deux domaines. La répartition est la suivante en surface : 3,8 milliards de mètres carrés pour le domaine public et 5,5 milliards pour le domaine privé. Je vous communiquerai ultérieurement la répartition en valeur.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. La tarification à l’activité (T2A) permet-elle de dégager une capacité d’autofinancement suffisante pour investir ? Qu’en est-il non seulement pour l’AP-HP – dont l’activité est très importante –, mais aussi, plus généralement, pour les autres établissements de santé, à votre connaissance ?

M. Martin Hirsch. Au regard des chiffres que nous venons de vous communiquer, la réponse est oui : nous dégageons une capacité d’autofinancement d’environ 275 millions d’euros par an. Or nous sommes passés à la T2A pour la plupart de nos activités, hormis pour certains actes de psychiatrie, de soins de suite et de réadaptation (SSR) et de soins de longue durée (SLD). Mais il va de soi que la situation actuelle serait remise en cause si les tarifs devaient baisser. Tout dépend donc de la manière dont ces tarifs sont fixés et de ce qu’ils prennent ou non en compte. Du point de vue de l’investissement, la T2A n’est pas, en soi, un mode de financement plus mauvais qu’un autre, à condition que l’on admette que l’investissement d’un établissement de santé ne peut pas être financé en totalité par sa capacité d’autofinancement, c’est-à-dire reposer uniquement sur l’historique de son activité. En d’autres termes, les grands centres hospitaliers ne peuvent pas se passer des subventions pour investir. Une suppression du subventionnement serait mortelle pour eux.

Mme Carine Chevrier. Avec notre capacité d’autofinancement, nous parvenons à financer nos investissements courants, mais pas les investissements de transformation, pour lesquels nous avons besoin de sources de financements additionnelles : les subventions, l’emprunt et le produit de nos cessions immobilières. Ces ressources complémentaires garantissent l’avenir de l’hôpital public.

M. Martin Hirsch. La T2A présente de nombreux défauts, mais elle a une vertu non négligeable : pour les projets d’investissement petits ou moyens, elle permet de calculer des retours sur investissement. Cela peut nous amener à valider plus facilement un projet d’investissement de quelques millions d’euros présenté par une équipe médicale, qui explique en quoi il permettra de mieux répondre à une demande de soins et quel sera le retour sur investissement au bout de quelques années. Ainsi, nous jouons moins un rôle de censeur qu’à l’époque du budget global.

M. Philippe Rouvrais. Nous encaissons les recettes issues de l’activité environ cinquante jours après l’activité elle-même. Notre trésorerie est donc déficitaire au quotidien. C’est pourquoi je vais chercher chaque jour un peu d’argent sur le marché pour financer le court terme.

M. le coprésident Pierre Morange. Quel est le pourcentage de recettes non recouvrées à l’AP-HP ? Compte tenu de votre périmètre de compétence très large, avez-vous calculé un ratio moyen ? Est-il comparable aux ratios que l’on peut trouver ailleurs en France ? Dans de nombreux établissements de santé, le non-recouvrement des frais de consultation et d’hospitalisation, encore aggravé lorsque le système informatique est défaillant, est à l’origine de déficits qui peuvent avoir un impact sur les équilibres budgétaires, en particulier sur la capacité d’autofinancement et sur la dette.

M. Martin Hirsch. Je ne suis pas en mesure de vous communiquer des éléments précis aujourd’hui, mais nous le ferons ultérieurement. En tout cas, nous avons une marge de progrès en la matière. Nous avons des difficultés de recouvrement non seulement auprès des patients, mais aussi, ce qui est plus surprenant, auprès des organismes de sécurité sociale et des complémentaires santé. Or il n’y a pas de raison que des organismes publics passent ainsi leur temps à se courir après pour des justificatifs ! Les pouvoirs publics peuvent certainement faire quelque chose pour assainir ces relations. S’agissant des patients, nous allons accomplir un progrès important cette année : le paiement en ligne sera possible à partir du mois d’avril prochain. Cela nous déchargera d’une partie de la paperasserie et nous évitera un certain nombre de critiques de la part des patients. Je suis convaincu que la qualité du recouvrement constitue un gage de confiance pour les patients : un hôpital qui recouvre bien est a priori un hôpital bien géré et qui soigne bien. D’autre part, nous étudions la possibilité de demander aux patients l’empreinte de leur carte bancaire. Les hôtels le font, et il n’y a pas de raison qu’un service public ne puisse pas le faire également.

M. le coprésident Pierre Morange. Ce point a-t-il été validé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ?

M. Martin Hirsch. Oui. Nous avions d’ailleurs d’autres questions pendantes avec la CNIL, que nous avons traitées au cours du deuxième semestre de 2014. Nous sommes désormais à jour de ce point de vue.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans les informations que vous nous communiquerez, pourrez-vous préciser la ventilation entre les impayés qui résultent d’un comportement intentionnel de la part du patient et ceux qui revêtent un caractère non intentionnel ? Le taux de non-recouvrement varie considérablement d’un établissement de santé à l’autre : un chiffre de 3 à 5 % est considéré comme quasi normal, mais ce taux peut atteindre 10 voire 15 % dans certains hôpitaux. Comment peut-on stabiliser une situation budgétaire et traiter le problème de la dette avec une telle perte de recettes ? Et il s’agit non pas de faire la chasse aux créances, mais de mettre en place un mécanisme vertueux.

M. Martin Hirsch. Vous avez tout à fait raison. Nous devons d’ailleurs être vigilants non seulement sur la question du recouvrement, mais aussi sur celle du codage des diagnostics et des actes médicaux.

M. le coprésident Pierre Morange. Justement, où en est-on en matière de codage, ainsi qu’en matière d’identification des prescripteurs, question importante également du point de vue de la responsabilité médicale ?

Mme Carine Chevrier. L’identification des prescripteurs fonctionne plutôt bien. L’enjeu est plutôt de professionnaliser le codage, afin qu’il se fasse en temps réel et de manière exhaustive, notamment avec la cotation des comorbidités associées. Tel n’est pas encore le cas dans tous les services de l’AP-HP. L’amélioration du processus de codage, de facturation et de recouvrement est un axe majeur et prioritaire du projet de l’AP-HP. La première étape est de systématiser le codage au moment du compte rendu d’hospitalisation. Nous faisons un travail de pilotage et de suivi régulier en la matière, tant au niveau de chacun de nos sites qu’à un niveau plus « macro ». En particulier, nous mesurons ce que nous appelons nos « gisements de codage », c’est-à-dire le nombre de sorties non codées, qui se traduisent par des écarts de 4 à 9 millions d’euros en trésorerie chaque mois, et nous adressons à chaque site son « taux de non-exhaustivité ». D’autre part, nous nous sommes dotés de techniciens de l’information médicale, qui accompagnent les directeurs de l’information médicale sur chaque site. Compte tenu de la complexité de la nomenclature, il n’est pas toujours aisé de coter les comorbidités.

M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous évalué le pourcentage de recours aux outils d’identification des prescripteurs au sein de l’AP-HP ? Il s’agit d’une question stratégique au regard des recommandations de la HAS. En outre, c’est le nœud gordien de la rationalisation des moyens et des dépenses.

M. Martin Hirsch. Nous ne sommes pas en mesure de vous répondre tout de suite sur ce point.

M. le coprésident Pierre Morange. Il serait intéressant que vous nous communiquiez des éléments à ce sujet, compte tenu de la position phare et de l’exemplarité de l’AP-HP.

Mme Carine Chevrier. Nous travaillons beaucoup également sur la prescription des transports sanitaires : nous avons un plan d’action et nous sommes pilotes sur cette question avec la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), notamment en matière d’informatisation et d’identification des prescripteurs.

En ce qui concerne la prescription en général, nous vous apporterons des éléments plus précis ultérieurement.

M. le coprésident Pierre Morange. Les établissements de santé ont la possibilité d’expérimenter la budgétisation des dépenses de transport par voie conventionnelle. L’AP-HP envisage-t-elle de le faire ?

M. Martin Hirsch. C’est une hypothèse tout à fait sérieuse sur laquelle nous travaillons. Cela irait dans le sens de l’intérêt général. Mais nous ne pouvons pas prendre cette décision à la légère, car les enjeux sont considérables.

L’AP-HP n’est pas encore exemplaire en matière d’informatisation. Or celle-ci a un impact sur toutes les questions que nous avons évoquées : le codage, le suivi de l’activité, etc. Nous investissons environ 80 millions d’euros par an pour moderniser notre système d’information, mais nous sommes encore en phase de transition en la matière.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Comment faire pour que les établissements de santé deviennent plus efficients ? Il s’agit d’une question importante pour l’avenir de l’hôpital public. L’AP-HP dispose de toutes les compétences nécessaires en matière de gestion, mais tel n’est pas le cas de tous les établissements, notamment parce que leur budget ne le leur permet pas toujours. Avez-vous en tête des exemples étrangers qui pourraient nous aider dans notre réflexion sur le financement et le fonctionnement des hôpitaux ?

M. Martin Hirsch. Nous travaillons sur plusieurs leviers pour gagner en efficience. La variable clé dans un hôpital, c’est l’organisation du temps. Il y a, d’une part, des questions d’organisation et, d’autre part, des questions de gestion du temps.

S’agissant des questions d’organisation, les grands hôpitaux universitaires tels que l’AP-HP se sont beaucoup focalisés, traditionnellement, sur l’excellence des soins délivrés, mais moins sur les autres aspects du fonctionnement de l’hôpital. Prenons l’exemple de l’hôpital de Garches. Il s’agit d’un établissement historique, dont les locaux sont vétustes, mais qui constitue une référence nationale dans le domaine du handicap. Sa rénovation fait partie des projets d’investissement majeurs inscrits dans notre plan stratégique pour les années 2015 à 2019. Or nous commençons par revoir complètement l’organisation des rendez-vous, la prise en charge et le parcours du patient. Il y a là des gains importants à réaliser en termes d’efficience. Au cours de ces dernières années, tout le monde a sous-estimé certaines tâches de base, pourtant majeures, telles que la gestion des plannings de rendez-vous et de consultations, au point de créer des files d’attente, que les patients ont subies. Dans le même temps, de nombreuses grandes entreprises publiques et privées, notamment dans les secteurs du transport et de la téléphonie, sont parvenues à régler ces problèmes.

Autre exemple : je n’ai pas hésité à m’engager sur un objectif de division par deux du délai de prise en charge dans nos services des urgences. Les prévisions de fréquentation de ces services sont impressionnantes, mais elles sont parfaitement connues. Nous sommes donc a priori capables de nous adapter pour gérer ces flux sans imposer de longs délais d’attente. Directement ou indirectement, cela aura un impact majeur en termes d’efficience : les patients seront mieux pris en charge, l’aval des urgences sera mieux organisé, etc.

L’amélioration de l’organisation est un levier essentiel pour gagner en efficience. Cependant, n’oublions pas que, tout service public qu’il soit, l’hôpital est un univers hautement individualiste et que, parmi les quelque 100 000 personnes qui travaillent à l’AP-HP, peu s’intéressent de près aux questions d’organisation.

Deuxième levier important : la gestion du temps. Il s’agit d’un des grands chantiers de l’AP-HP pour 2015. Nous examinons la répartition du temps de travail du personnel paramédical, d’une part, et du personnel médical, d’autre part, pour voir si nous pouvons gagner en efficience. Il s’agit non pas de rayer telle ou telle disposition d’un trait de plume, mais de déterminer si nous pouvons demander au personnel un effort supplémentaire en termes de temps donné à l’hôpital en contrepartie d’engagements sur la stabilité des plannings et de l’encadrement, laquelle constitue un aspect fondamental de l’organisation.

Les investissements et les réorganisations que nous avons évoquées au début de cette audition constituent le troisième levier. Dans notre plan stratégique pour les années 2015 à 2019, nous nous sommes fixé un objectif de réduction des surfaces exploitées, qui repose sur le développement de la médecine et de la chirurgie ambulatoires, ainsi que sur la rationalisation des sites. Cela aura un impact majeur à la fois sur nos effectifs – médicaux et, surtout, paramédicaux – et sur notre facture énergétique. Celle-ci s’élève à 100 millions d’euros par an. Nous avons décidé de profiter de la dynamique créée par la conférence Paris Climat 2015 pour lancer un grand chantier de maîtrise de nos consommations d’énergie sur les prochaines années. Nous espérons obtenir des résultats intéressants dans ce domaine.

Mme Carine Chevrier. Un autre levier important est l’amélioration de la fonction achat dans le cadre du programme « Performance hospitalière pour des achats responsables » (PHARE). L’AP-HP dispose de deux centrales d’achat assez matures, qui gèrent plus de 1,9 milliard d’euros d’achats par an. Néanmoins, nous avons encore quelques marges de progrès en la matière.

M. Martin Hirsch. Nous essayons de faire en sorte que ces leviers soient aussi considérés comme des moyens d’améliorer les conditions de travail de l’ensemble du personnel – médecins, infirmiers, aides-soignants, etc. J’ignore si nous allons gagner ce pari. Tel est, en tout cas, le travail que nous allons mener cette année et que nous avons préparé l’été dernier en signant, avec la majorité des organisations syndicales, un protocole d’accord-cadre sur le dialogue social, afin de pouvoir discuter en confiance de ces sujets très difficiles.

M. le coprésident Pierre Morange. Les questions d’organisation du travail sont essentielles pour améliorer l’efficience, rationaliser les moyens et dégager des marges de manœuvre, non seulement en termes de ressources humaines, mais aussi de locaux. Vous avez notamment évoqué les délais d’attente dans les services des urgences, qui sont en effet un élément très important : c’est la première image de l’hôpital, et ces délais entraînent une série de conséquences, notamment un engorgement des services.

M. Martin Hirsch. Ainsi que des risques sanitaires.

M. le coprésident Pierre Morange. Tout à fait. D’où la nécessité de resserrer autant que possible ces délais. En 2004 et 2005, à mon initiative, le cabinet McKinsey a mis en œuvre, aux urgences de l’hôpital Beaujon, la technique dite de réduction des muda, ce qui a permis de réduire les délais d’attente de 40 % en quatre mois.

M. Martin Hirsch. Cette expérience a été transposée à l’hôpital européen Georges-Pompidou.

M. le coprésident Pierre Morange. En effet. Mais elle remonte maintenant à dix ans, et il ne faudrait pas prendre encore plusieurs dizaines d’années pour l’étendre à l’ensemble des établissements de l’AP-HP ! À l’époque, il y avait eu un blocage intellectuel, pour ne pas dire idéologique, parce qu’un cabinet étranger pénétrait dans la gestion du temps de l’hôpital français. Pourtant, nous avions recueilli l’accord des représentants syndicaux. Souvent, nous connaissons les bonnes pratiques, mais elles ne sont pas généralisées en raison d’une gouvernance défaillante, notamment du fait d’un manque de volonté ou de ténacité. Ce constat est partagé non seulement par les membres de la MECSS, mais aussi par un certain nombre de praticiens et d’experts des questions sanitaires.

D’autre part, en ce qui concerne la gestion du temps, la question du compte épargne-temps (CET) est souvent occultée, alors qu’il s’agit d’une véritable bombe à retardement pour certains établissements hospitaliers qui n’ont pas budgété les provisions suffisantes. Au passage, si le CET avait été correctement conçu, il aurait permis de financer davantage les retraites complémentaires, dont nous connaissons le déséquilibre actuel, à travers les plans d’épargne retraite populaire (PERP) et les plans d’épargne collectif pour la retraite (PERCO). Avez-vous, à l’AP-HP, une bonne connaissance de la problématique du CET ? Les provisions suffisantes ont-elles été prévues ? Ou bien avez-vous hérité d’une situation préoccupante à cet égard ? Lorsque l’on exerce des responsabilités, on est toujours amené à gérer un héritage.

M. Martin Hirsch. Lorsque l’on s’engage à l’AP-HP, il faut en effet le faire dans la durée. En nous appuyant sur l’expérience de l’hôpital Beaujon, que nous connaissons bien, ainsi que sur celle de quelques autres établissements, nous avons adopté une stratégie globale pour les urgences, qui engage toute l’AP-HP. Afin de nous assurer qu’elle sera mise en œuvre rapidement, nous mobilisons l’ensemble des acteurs et nous contractualisons avec les établissements : dans les accords que nous avons passés avec les hôpitaux qui hébergent des services d’urgences, nous avons introduit un intéressement aux résultats en termes d’amélioration des délais de prise en charge aux urgences. Nous prenons en considération toute une série de paramètres : l’organisation de filières rapides, le délai de rendu des examens biologiques, le temps d’accès à l’imagerie médicale, etc. Et nous pouvons être amenés à tenir compte des besoins d’équipement de certains hôpitaux, par exemple de l’opportunité de financer un scanner dédié au service des urgences, si l’on se rend compte qu’il s’agit d’un élément déterminant pour réduire les délais et permettre à l’établissement de tenir ses engagements. Nous raisonnons donc en termes de retour sur investissement non seulement d’un point de vue financier, mais aussi du point de vue de la qualité de la prise en charge. Ainsi que vous l’avez souligné, la réduction des délais dans les services des urgences est un point clé. Nous atteindrons l’objectif ambitieux que nous nous sommes fixé en la matière.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans quel délai ?

M. Martin Hirsch. Nous nous sommes engagés à le faire dans le cadre de notre plan stratégique, donc d’ici à 2019. En 2014, nous avons stabilisé les délais de prise en charge, et nous espérons commencer à les réduire à partir de cette année.

Je souhaite évoquer deux leviers qui peuvent paraître anecdotiques, mais qui sont importants pour nous. Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prévoit que les CHU soient autorisés à créer des filiales dans deux domaines : la valorisation de la recherche et l’offre d’expertise médicale à l’étranger.

S’agissant de la recherche, l’AP-HP fait partie des cinq premiers producteurs de connaissances au monde dans le domaine de la santé. Or nous ne valorisons pas tous nos résultats. Pour le faire, nous avons besoin des outils juridiques dont disposent les universités et les établissements publics à caractère scientifique et technologique. C’est très important pour nos brevets et pour nos partenariats. En outre, il s’agit d’une source potentielle de revenus.

Quant à notre expertise, elle est très demandée à l’étranger. Je parle non pas des patients étrangers qui sont accueillis dans les établissements de l’AP-HP, mais des pays qui souhaitent acheter notre savoir-faire, par exemple de l’Algérie qui va construire des CHU sur son sol. Il faut que nous puissions vendre notre expertise, non seulement pour des raisons financières, mais avant tout dans l’intérêt du rayonnement de la médecine française. Nos équipes considèrent qu’il s’agit d’un point important.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous sommes d’accord : la santé peut être le « cheval de Troie » de la renaissance de l’influence de la France à travers le monde. Telle était la conclusion du rapport que j’avais remis sur l’évaluation de l’action de la France en faveur de la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement dans le domaine de la santé.

M. Martin Hirsch. Tout à fait. Je me suis rendu il y a quelques jours à Pondichéry, où l’on m’a parlé des valves Carpentier, ainsi que du savoir-faire que nous avons dans différents domaines. Il n’y a aucune raison que les autres pays se fassent payer, et pas nous ! Je suis le premier à défendre notre action humanitaire, mais elle n’est pas nécessaire dans des pays dont le taux de croissance atteint 8 ou 9 % et dont le PIB rattrape le nôtre !

En ce qui concerne les comparaisons internationales, nous avons reçu dernièrement les Suédois, qui ont estimé, après avoir examiné rapidement nos ratios, que nous étions plus efficients qu’eux, alors même qu’ils ont une organisation de grande qualité. D’autre part, les Allemands, que j’ai rencontrés récemment à Berlin, ont fait des choix originaux en termes d’organisation : ils ont créé une filiale, dont ils sont actionnaire principal, qui gère notamment une grande partie de leur activité logistique. Cela leur a permis de réduire considérablement leurs coûts, sans créer pour autant de précarité. Les modèles suédois et allemand sont l’un et l’autre intéressants, pour des raisons différentes. Selon moi, le modèle français est un bon modèle, à condition de l’hybrider avec des initiatives qui viennent d’autres pays.

Mme Carine Chevrier. S’agissant du CET, nous publions depuis deux ans les comptes financiers de l’AP-HP, dans un souci de transparence. En 2012, au vu de certaines données dont nous disposions sur la montée en charge des CET, nous avons décidé de provisionner assez lourdement. J’ai demandé l’appui d’un cabinet externe pour nous aider à déterminer le montant de la provision, tant pour le personnel médical que pour le personnel paramédical. Nous avons provisionné de manière exhaustive pour les jours de CET, ainsi que pour les jours de repos restant en fin d’année qui n’étaient pas comptabilisés jusqu’alors. L’estimation du volume d’heures a résulté d’un traitement informatisé pour le personnel paramédical, mais elle a été faite sur la base de déclarations pour le personnel médical, ce qui reste une faiblesse de notre provision. Néanmoins, du point de vue de la certification de nos comptes, l’enjeu du CET est aujourd’hui en grande partie derrière nous.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Je vous remercie pour vos interventions très intéressantes. En tant qu’élue rurale, je mesure ce qui sépare le centre hospitalier de Condom de l’AP-HP ! Au-delà de la question de la dette hospitalière, je souhaite que nous trouvions une organisation efficiente qui permette aux hôpitaux d’être présents sur tous les territoires. J’espère que notre rapport aidera notamment les « petits » établissements, qui sont indispensables à nos territoires ruraux.

M. Martin Hirsch. Je souhaite faire deux remarques finales. Je reviens d’abord sur la question que vous avez posée concernant nos relations avec l’ARS, madame la rapporteure. L’AP-HP est, certes, un très grand hôpital public, mais elle est complètement rentrée, aujourd’hui, dans le droit commun. Elle ne bénéficie plus du tout du régime d’exception qui lui était encore appliqué il y a vingt ans, quand j’y ai travaillé pour la première fois. Elle est confrontée aux mêmes difficultés et soumise aux mêmes contraintes que les autres établissements de santé, certes à une autre échelle. La nécessité de réaliser un effort de productivité de 3 % représente, pour nous aussi, un défi gigantesque. Notre taille et notre solidité peuvent donner l’impression que l’enjeu est moins immédiat, mais il est bien réel : nous devons faire décroître des courbes de dépenses qui, traditionnellement, ne faisaient que croître.

Ensuite, dans le questionnaire que vous nous avez adressé, vous avez évoqué la question des billets de trésorerie. Nous attendons vraiment de pouvoir utiliser cet instrument, car nous avons à la fois des lignes de financement à long terme et des besoins de trésorerie à court terme, ainsi que Philippe Rouvrais vous l’a expliqué. Tout euro économisé grâce à des conditions plus favorables est précieux pour nous. Quand une loi est adoptée, il faut parfois un peu de temps pour que les décrets d’application soient pris.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous le formulez de manière très diplomatique ! Madame, messieurs, je vous remercie.

La séance est levée à douze heures vingt.

1 () Respectivement 50 %, 10 ans et 30 %.